L’action en justice des associations de consommateurs

Une question préjudicielle a récemment été posée à la CJUE afin de savoir si les dispositions du RGPD (Règlement général sur la protection des données) permettaient à une association de consommateurs d’introduire un recours indépendamment de la violation de droits concrets de personnes concernées individuelles et en l’absence d’un mandat d’une personne concernée.

Dans cette affaire, une association de consommateurs avait intenté un recours contre Meta Platforms Ireland (anciennement Facebook). Il était question de jeux gratuits par lesquels l’ex-Facebook récoltait de nombreuses données personnelles de l’utilisateur.

La CJUE répond par l’affirmative en indiquant que les Etats membres peuvent prévoir un mécanisme d’action représentative contre l’auteur présumé d’une atteinte à la protection des données, et ce indépendamment de tout mandat ou de la violation de droits concrets d’une personne concernée.

L’intérêt à agir des associations de consommateur est justifié car elles poursuivent un objectif d’intérêt public consistant à assurer les droits et libertés des personnes concernées en tant que consommateurs. Or la violation des règles tendant à protéger les consommateurs est connexe à la violation des règles en matière de protection des données à caractère personnel de ces consommateurs.

La CJUE rajoute qu’il suffit de faire valoir que le traitement des données est susceptible d’affecter les droits des personnes physiques concernées, qu’elles soient identifiées ou identifiables.

L’action des associations de consommateurs permettra de renforcer les droits des personnes concernées et augmentera leur niveau de protection. D’autant plus qu’un recours exercé par une telle association pourrait s’avérer plus efficace qu’un recours d’une personne physique individuelle.

La remise en cause de l’exercice du droit de préemption sur une parcelle grevée d’un bail à construction

Dans cette affaire, par un arrêté en date du 20 janvier 2020, le Maire de Mandelieu-la-Napoule a décidé d’exercer son droit de préemption urbain sur trois parcelles, au prix fixé par les vendeurs, en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement d’un pôle d’excellence de nautisme.

Seulement, ces parcelles étaient grevées de deux baux à construction au profit de différentes sociétés.

A la suite de la décision de préemption, les propriétaires de ces parcelles, et les sociétés titulaires de baux à constructions sur celles-ci, ont demandé au Juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre l’arrêté du Maire.

Le Juge des référés de Nice a suspendu l’exécution de l’arrêté municipal uniquement en tant qu’il permet le transfert de propriété ou la prise de possession du bien préempté au bénéficie de la collectivité publique titulaire du droit de préemption. La Commune a alors contesté cette ordonnance devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a d’abord rappelé que les deux contrats de baux à construction avaient été conclu en 1988 pour une durée de 32 ans et stipulaient une promesse de vente au profit des sociétés preneuses, lesquelles devaient manifester leur intention d’acquérir lesdites parcelles au plus tard le 14 mars 2020.

Or, dès 2019, les sociétés parties à ces contrats ont demandé la réalisation de ces promesses de vente. C’est donc dans ce cadre que la Commune a été destinataire d’une déclaration d’intention d’aliéner.

S’agissant ensuite des conditions du référé suspension, le Conseil d’État a rapidement reconnu l’urgence à suspendre, compte tenu des effets de la décision de préemption sur l’acquéreur évincé, et l’absence de démonstration par la Commune de la nécessité de réaliser son projet dans des délais rapides – ce que ne permettrait pas la décision de préemption.

S’agissant de la condition relative au doute sur la légalité de la décision de préemption, le Conseil d’État a considéré que cette seconde condition était également remplie.

Selon le Conseil d’État, par principe, l’existence d’un bail à construction sur une parcelle ne fait pas obstacle à l’exercice du droit de préemption sur celle-ci.

Toutefois, il précise que, lorsque cette préemption est exercée à l’occasion de la levée, par le preneur au bail à construction, de l’option stipulée dans le contrat lui permettant d’accepter la promesse de vente consentie par le bailleur sur les parcelles données à bail, l’autorité préemptrice prend alors la place du propriétaire initial des parcelles, et lui succédera également dans sa qualité de bailleur. Consécutivement, l’autorité préemptrice, en sa qualité de bailleur, devra supporter les obligations attachées à cette qualité car elle devient partie au contrat, et en particulier celle d’exécuter la promesse de vente consentie par le bailleur initial dans le cadre du bail à construction grevant les parcelles en litige.

Dans cette espèce, la Commune étant obligée par le contrat de bail de céder les parcelles en litige aux sociétés preneuses, sa décision de préemption ne pouvait alors plus conduire à la réalisation d’une action ou opération d’aménagement, motif nécessaire à la légalité d’une décision de préemption.

Autrement dit, la justification de la décision de préemption attaquée a été vidée de sa substance par le contenu des contrats de baux à construction, de sorte que la Conseil d’État a considéré qu’il y avait un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption.

C’est ici bien comprendre que si l’autorité préemptrice peut préempter une parcelle grevée d’un bail à construction, il lui appartiendra d’être vigilante aux obligations du bailleur puisqu’en préemptant, elle lui succédera dans cette qualité. Or, selon les obligations réciproques des parties au contrat de bail à construction, le contenu dudit contrat est susceptible de remettre en cause voire de rendre impossible la mise en œuvre de l’objet même de la préemption pour lequel l’autorité préemptrice a voulu exercer son droit.

Recevabilité des mémoires produits au-delà des délais de l’article R. 311-26 du Code de l’expropriation devant la cour d’appel statuant sur renvoi après cassation

Par un arrêt en date du 6 avril 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé un principe constant concernant la procédure applicable devant la Cour d’appel statuant sur renvoi après cassation.

En effet, si, par application des dispositions de l’article R. 311-26 du Code de l’expropriation, les conclusions d’appelant doivent, à peine de caducité de la déclaration d’appel, être notifiées dans un délai de 3 mois à compter de la déclaration d’appel et, que les conclusions d’intimé doivent être notifiées dans le délai de 3 mois à compter de la notification qui lui est faite de conclure, ces délais ne sont pas applicables devant la cour d’appel statuant sur renvoi après cassation.

Et pour cause, en vertu des dispositions de l’article 631 du Code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation.

Quid de la recevabilité de l’intervention volontaire du preneur évincé à l’instance indemnitaire du propriétaire exproprié ?

Par un arrêt en date du 6 avril 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la recevabilité de l’intervention volontaire du preneur évincé à l’instance indemnitaire opposant l’expropriant au propriétaire des murs.

En effet, la société GPLH locataire du propriétaire exproprié a formé une intervention volontaire à l’instance indemnitaire opposant l’expropriant à l’exproprié au motif que l’expropriant avait connaissance de son existence et de sa qualité de locataire de l’exproprié avant la saisine du juge de l’expropriation.

Sur le fondement de l’article R. 311-9 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui dispose que le juge de l’expropriation ne peut être saisi qu’à défaut d’accord dans le délai d’un mois à compter soit de la notification des offres ou du mémoire de l’expropriant, soit de la mise en demeure de procéder à la notification de ses offres adressée à l’expropriant par tout intéressé, la Cour de cassation considère que puisque l’expropriant s’est abstenu de faire une offre au preneur évincé et que ce dernier n’a pas mis en demeure l’expropriant de lui notifier une offre, l’intervention volontaire du preneur évincé est irrecevable.

Par cette décision, la Cour de cassation confirme que la saisine du juge de l’expropriation est conditionnée à une phase amiable obligatoire, celle d’une offre indemnitaire n’ayant pas abouti dans le délai légal.

Pas de remplacement en cours d’exécution d’un marché public d’un autre opérateur à l’un des membres du groupement d’opérateurs titulaires sans mise en concurrence

Dans cette affaire, le Groupe hospitalier du sud de l’Ile-de-France (ci-après GHSIF) a conclu, en 2019 avec un groupement conjoint composé de cinq sociétés, un marché public d’assurance responsabilité civile et risques annexes, pour une durée de trois ans.

En 2021, l’une des entreprises composant ce groupement a informé le GHSIF de son intention de « résilier le marché d’assurance de responsabilité civile ». Le GHSIF a, alors, conclu avec le mandataire de ce groupement un avenant ayant pour objet de substituer un nouvel opérateur économique à cette société, pour la durée restant à courir du marché.

Considérant que la passation de cet avenant était irrégulière, la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM), entreprise concurrente, a saisi le juge du référé contractuel, sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative, d’une demande tendant à l’annulation de cet avenant. A la suite du rejet de sa demande, la SHAM a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun.

Cet arrêt a, tout d’abord, été l’occasion pour le Conseil d’Etat d’apporter des précisions sur les compétences du juge du référé contractuel. Il a, ainsi, décidé, comme en matière de référé précontractuel (voir en ce sens, CE 11 juillet 2008, Ville de Paris, n° 312354), que le juge du référé contractuel n’est compétent pour statuer sur un avenant à un contrat que lorsque la conclusion d’un tel accord était soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence. En principe, l’avenant légal qui n’est pas soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence, n’entre pas dans le champ du référé contractuel.

Le Conseil d’Etat s’est, ensuite, prononcé sur la régularité de l’avenant conclu entre le GHSIF et le mandataire du groupement d’entreprises titulaires.

Après avoir rappelé le contenu des articles L. 2194-1 et R. 2194-5 à R. 2194-7 du Code de la commande publique relatives aux modifications du marché autorisées, le Conseil d’Etat a décidé que « la substitution, au cours de l’exécution d’un marché passé avec un groupement d’opérateurs économiques, lequel n’est pas doté de la personnalité juridique, d’un ou de plusieurs des membres de ce groupement par un ou plusieurs autres opérateurs économiques constitue une modification du titulaire du marché qui ne peut valablement avoir lieu sans mise en concurrence que dans les cas prévus par les dispositions de l’article L. 2194-1 du code de la commande publique ».

Il a considéré qu’en jugeant que la substitution de l’un des membres du groupement titulaire du marché effectuée par l’avenant ne constituait pas une modification du titulaire du marché soumise aux dispositions précitées du Code de la commande publique dès lors que cette modification ne concernait qu’un membre du groupement et que son mandataire n’avait pas changé, le juge des référés du Tribunal administratif avait commis une erreur de droit.

Selon le Conseil d’Etat, le remplacement d’un opérateur au sein d’un groupement d’entreprises, dont chacun des membres à la qualité de cocontractant de l’administration, doit être analysé comme un changement de titulaire qui ne peut avoir lieu que dans les cas et conditions prévus à l’article R. 2194-6 du Code de la commande publique (« 1° En application d’une clause de réexamen ou d’une option conformément aux dispositions de l’article R. 2194-1 ; / 2° Dans le cas d’une cession du marché, à la suite d’une opération de restructuration du titulaire initial, à condition que cette cession n’entraîne pas d’autres modifications substantielles et ne soit pas effectuée dans le but de soustraire le marché aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le nouveau titulaire doit remplir les conditions qui avaient été fixées par l’acheteur pour la participation à la procédure de passation du marché initial. »).

Le Conseil d’Etat a, en conséquence, estimé que la SHAM était fondée à soutenir qu’en procédant au remplacement d’un des membres du groupement titulaire sans mise en concurrence, le GHISF avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Estimant qu’en l’espèce, une raison impérieuse d’intérêt général, tenant notamment à l’obligation légale faite aux établissements de santé de disposer d’une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile, se heurtait à l’annulation des dispositions litigieuses de l’avenant, le Conseil d’Etat a uniquement fait application des dispositions de l’article L. 551-19 du Code de justice administrative et a infligé au GHSIF une pénalité financière de 5 000 euros.

Ce faisant, le Conseil d’Etat analyse désormais les évolutions affectant la situation du titulaire d’un marché public selon les termes, non plus de sa conception traditionnelle de la cession de contrat synthétisée dans son avis du 8 juin 2000, mais du droit européen, tel qu’initié par l’arrêt « Pressetext »[1] du 19 juin 2008 de la Cour de justice des communautés européennes. Cet arrêt avait changé de perspective en ne focalisant plus la problématique sur la notion de cession mais sur celle de substitution du cocontractant, dont le Professeur RICHER avait souligné « la conception plus économique que juridique du changement de cocontractant »[2].

 

Tant le droit européen, au titre du d) du 4. de l’article 72 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 que le droit national, au titre de l’article L. 2194-1 et du 4° de l’article R. 2194-7 du Code de la commande publique, considèrent que la substitution d’un nouveau contractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur a initialement attribué le marché public constitue une modification substantielle dudit marché, laquelle ne peut être avoir lieu sans mise en concurrence que dans les cas limitativement énumérés par les textes.

 

[1] CJCE, 19 juin 2008, Pressetext, Aff. C‑454/06.

[2] L. Richer, l’avis du Conseil d’État du 8 juin 2000 sur la cession de contrat : quinze ans après, AJDA, 2014, p. 1925.

La CNIL met en demeure 22 communes de désigner un délégué à la protection des données

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a rendu une décision dans laquelle elle met en demeure 22 communes de désigner un délégué à la protection des données (DPD).

Pour rappel, l’obligation de désigner un DPD résulte de l’article 37 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et s’impose à toutes les communes quelle que soit leur taille.

Pour rappel, le DPD assume, dans les organismes le rôle de conseil sur tout sujet intéressant la conformité à la réglementation informatique et liberté et constitue l’interlocuteur privilégié de la CNIL.

Le DPD peut être choisi en interne ou en externe de l’organisme et être mutualisé (ce qui est généralement le cas pour les communes avec les structures intercommunales auxquelles elles appartiennent).

La CNIL rappelle, par ailleurs, dans cette mise en demeure, la nécessité pour les communes de se donner les moyens de remplir leurs obligations de sécurité vis-à-vis des données des administrés et de mettre en œuvre une politique de protection efficace. Il s’agit d’un enjeu d’autant plus important que les actualités témoignent de l’augmentation des cyberattaques à l’encontre des organismes publics et partant à l’encontre de nombreuses communes.

Cette décision démontre immanquablement l’augmentation des contrôles de conformité réalisés par la CNIL y compris dans le secteur public.

L’augmentation de ses effectifs, permise par une évolution sensible de son budget, via la dernière loi de finances, n’est probablement pas sans lien avec l’intervention de cette décision (25 ETP complémentaires en 2022).

Il est, encore, notable que la CNIL ait décidé de la publication de cette mise en demeure car elle estime l’inaction des communes défavorable aux administrés, qui doivent donc être informés du manque, voire de l’absence de mesures prises en faveur de la protection de leurs données.

Les communes ont donc 4 mois pour s’exécuter, sinon elles risquent l’intervention d’une sanction, principalement d’une amende.

En tout état de cause, cette décision incite, plus généralement, l’ensemble des communes à vérifier avoir engagé les efforts nécessaires pour leur mise en conformité au RGPD.

 

Elise Humbert et Jeanne Thouverez

Le Tribunal administratif de Grenoble suspend l’autorisation du port du burkini dans les piscines municipales issue d’une délibération du conseil municipal de Grenoble du 16 mai 2022

Le 25 mai 2022, le Tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’exécution de la délibération municipale grenobloise. Celle-ci prévoyait, à l’article 10 du règlement intérieur des piscines municipales, l’autorisation du port de « certaines tenues non près du corps » comme le burkini. Le Préfet de l’Isère l’avait alors saisi en référé. Outre la question de fond, il est notable qu’il s’agisse de la première utilisation du référé laïcité créé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (dite loi contre le séparatisme).

Les moyens invoqués pour contester cette délibération relevaient de l’atteinte à l’ordre public représentée par le port de ce type de vêtement. En effet, la possibilité « d’être happé » par les appareils à filtration a été mentionnée, ainsi que des considérations d’hygiène et le risque qui pourrait être causé par la désapprobation des tiers. Enfin l’atteinte portée aux principes de laïcité et de neutralité du service public a été soutenue pour démontrer l’illégalité de ladite délibération.

Face à ces arguments, il a été argué en défense, l’absence de soumission des usagers au principe de neutralité ainsi que l’obligation faite aux collectivités de garantir l’égal accès au service public.  Il a été rappelé encore, qu’aucun texte de nature législative ne venait interdire le port du burkini, dans la mesure où il ne cache pas le visage. Enfin, le caractère religieux du port du burkini et le fait qu’il serait de nature, à lui seul, à troubler l’ordre public ont été contestés.

Le Tribunal administratif de Grenoble a finalement décidé qu’une atteinte était portée à la neutralité du service public, dès lors que l’autorisation du burkini aurait pour objet de « permettre à certains usagers de s’affranchir [d’une règle] dans un but religieux ».

Le Maire de la commune de Grenoble a contesté cette ordonnance devant Conseil d’État. La décision de la Haute autorité consécutive à l’audience du 14 juin 2022 est donc particulièrement attendue.

À date, cette position du Tribunal administratif de Grenoble apparait, en effet, en contradiction avec les avis du défenseur des droits de 2018 et de 2021 qui avaient remis en cause les arguments relatifs à l’hygiène ainsi qu’à la sécurité au regard d’une étude réalisée en Belgique. Dans ces avis, le défenseur des droits retient, au-delà, que l’interdiction de ce type de vêtement peut être constitutif d’une discrimination à l’égard des femmes musulmanes.

De prime abord, cette ordonnance peut encore apparaître contraire aux décisions du Conseil d’Etat, rendues à l’été 2016, ayant conclu à l’illégalité, sauf contexte local très particulier, de l’interdiction du port du burkini sur les plages.

Reste, qu’en l’occurrence, la question juridique diffère dès lors qu’il s’agit d’apprécier de la légalité de l’autorisation de cette tenue, non sur l’espace public mais au sein d’un service public.

Au demeurant, le contexte de l’intervention récente de la loi du 24 août 2021 précitée, ayant introduit le référé laïcité dont il s’agit d’un premier exercice devant le Conseil d’Etat, n’est absolument pas neutre.

Les débats en audience, s’annoncent donc particulièrement intéressants et la décision à intervenir sera naturellement très commentée, dans les jours à venir.

À suivre donc dans la prochaine lettre d’actualités.

Elise Humbert et Jeanne Thouverez

Les recommandations faites par un médecin du travail s’imposent à l’administration sous peine de commettre une faute de service

Par un récent arrêt en date du 12 mai 2022, le Conseil d’Etat rappelle aux autorités administratives qu’elles ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. A ce titre, il leur incombe nécessairement de prendre en compte les propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents, formulées par le médecin du travail.

En l’espèce, M.B, agent technique d’un syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères (SMICTOM), a été victime d’un accident de service alors qu’il soulevait une poubelle. Saisissant le Tribunal administratif de Bordeaux en indemnisation de l’intégralité de son préjudice, il demandait la condamnation du syndicat à hauteur de 7.585 €.

Le jugement condamnait finalement le SMICTOM à lui verser 1330 € et, surtout, rejetait le surplus de ses demandes, fondées sur une faute consistant dans le non-respect des préconisations médicales. Les premiers juges estimaient en effet que si la fiche établie lors d’une visite médicale par le médecin de prévention concluait à la compatibilité entre le poste de M.B (conducteur de camion-benne) et son état de santé sous réserve de l’absence de collecte manuelle des déchets, l’attestation de suivi établie a posteriori, par l’infirmier, lors de la dernière visite de prévention précédant l’accident de service, ne reprenait pas cette recommandation et se bornait à mentionner comme seules restrictions le port de protections auditives et la vaccination contre certaines maladies.

Reprenant un principe déjà dégagé en jurisprudence[1] selon lequel « il appartient aux autorités administratives, qui ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d’assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet »[2], le Conseil d’Etat a précisé dans l’arrêt commenté qu’ « il leur incombe notamment de prendre en compte, […] les propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents, que les médecins du service de médecine préventive sont seuls habilités à émettre ».

Il a ainsi jugé que « les observations formulées sur l’attestation de suivi infirmier ne sauraient remettre en cause les propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions émises par le médecin » et, au titre d’une inexactitude dans la qualification des faits, renvoyé l’affaire au Tribunal administratif.

 

[1] Voir CE, 6e et 1e sous-sections réunies, 30/12/2011, n° 330959

[2] Ainsi que le précise l’article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale.

Secteur médico-social : la Cour de cassation précise les conditions du repositionnement d’un salarié prévu à l’article 38 de la Convention collective des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées à la suite d’un transfert

Par un arrêt rendu le 8 juin 2022, la Chambre sociale de la Cour de cassation (Pourvoi n° 20-20.100) [1] a précisé le régime du « reclassement » (i.e. à entendre, en l’espèce, au sens de repositionnement conventionnel) d’un salarié dont le contrat de travail a été transféré dans un établissement soumis à la Convention collective des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées de 1966 (IDCC 413).

La Cour de cassation a ainsi jugé que ce « reclassement » doit se faire, eu égard :

  • à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent emploi,
  • ou, à défaut, correspondant au salaire immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait dans son précédent emploi.

 

Contexte de l’arrêt

L’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit le transfert automatique du contrat de travail, en cas de modification de la situation juridique de l’employeur se traduisant par le transfert d’une entité économique autonome conservant son identité.

S’il est établi que dans une telle situation, le contrat de travail est transféré avec la garantie du maintien de la rémunération contractuelle et de l’ancienneté, le salarié peut se voir appliquer un nouveau statut collectif au terme du délai de survie de 15 mois prévu à l’article L2261-14 du Code du travail.

Une telle situation peut entraîner le changement d’application d’un accord collectif de branche, si l’entreprise absorbante ne s’inscrit pas dans les champs d’application professionnels et matériels de la CCN qui étaient applicables à l’entreprise d’origine.

Dans le secteur médico-social, il est ainsi fréquent que des salariés soient transférés d’une entité encadrée par la CCN des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif de 1951 vers celle soumise à la CCN des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées de 1966.

Dans ce cadre, il convient de correctement positionner le salarié sur la grille de classification de l’accord applicable à l’entité d’accueil.

La question qui était posée à la Cour de cassation dans l’arrêt ici commenté visait à déterminer de quelle manière le salarié, dont le contrat a été transféré en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, devait être repositionné sur la grille de classification de la CCN des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées (IDCC 413).

 

Exposé des faits

Selon l’arrêt attaqué, une salariée avait été engagée par une association soumise à la convention collective des établissements privés d’hospitalisation du 31 octobre 1951.

Son contrat de travail a, en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, été transféré, en 2015, vers une association soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

La salariée avait été reclassée dans l’emploi d’animateur de première catégorie, coefficient 679 de la CCN de 66, à l’issue de la période de survie des accords collectifs mis en cause (3 mois de préavis + 12 mois de survie) prévue par l’article L. 2261-14 du Code du travail.

La salariée revendiquait le bénéfice du coefficient 762 de la CCN de 66 en s’appuyant sur l’ancienneté acquise par la salariée depuis son embauche dans l’association d’origine.

La Cour d’appel lui avait donné raison.

L’employeur s’est alors pourvu en cassation contre cette décision et a obtenu gain de cause.

 

Arguments de l’employeur

Aux termes de son unique moyen de cassation, l’employeur prétendait que la cour d’appel avait violé l’article L. 2261-14 du code du travail et l’article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Il expliquait en substance que le nouveau coefficient devait être déterminé en fonction de la majoration d’ancienneté correspondant au salaire perçu, ou immédiatement supérieur, jusqu’à l’application de la convention de 1966, et non en fonction du critère de l’ancienneté.

 

Réponse de la Cour de cassation

Au visa de l’article 38 de la CCN des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et de l’article L. 1224-1 du Code du travail, la Cour de cassation a cassé l’arrêt et suivi l’argumentation de l’employeur en retenant que :

« le reclassement [repositionnement conventionnel] du salarié dont le contrat de travail a été transféré doit se faire à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent emploi »

 

Portée de l’arrêt

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation précise donc que la rémunération est l’élément déterminant pour procéder au repositionnement conventionnel du salarié transféré en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, dans une entreprise soumise à la CCN de 1966 (IDCC 413).

En effet, ce salaire permet de déterminer la majoration d’ancienneté applicable pour le repositionnement conventionnel du salarié et non le critère de la simple date d’embauche et de l’ancienneté acquise.

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[1] Décision – Pourvoi n°20-20.100 | Cour de cassation

Précisions du Conseil d’Etat sur la notion de gardien d’une construction implantée sur le domaine public

On rappellera brièvement, ainsi que le fait le Conseil d’Etat dans l’arrêt ici commenté, que l’article L. 2132-3 du Code de la propriété des personnes publiques permet aux autorités chargées de la protection du domaine public maritime naturel d’ordonner la démolition d’un ouvrage qui y serait mal implanté à la personne l’ayant édifié ou, à défaut, à son gardien.

A ce titre, tel que le rappellent également les conclusions du Rapporteur Public sous le cet arrêt, devra être considéré comme le gardien de l’ouvrage, selon la conception factuelle de cette notion qui ressort de la jurisprudence, celui qui en la maîtrise effective et se comporte ainsi comme son propriétaire.

Dans ce cadre et dans la présente affaire, il s’agissait pour le Conseil d’Etat de déterminer si la société requérante, la SCI Mayer, devait être regardée comme gardienne d’ouvrages implantés sur le domaine public maritime situé en contrebas de sa propriété, pour déterminer si l’administration pouvait valablement la mettre en demeure de les démolir sur ce fondement.

Les faits sont les suivants : la Société Mayer a, par acte authentique en date du 17 septembre 2007, acquis une villa, au droit de laquelle sont édifiés, sur une dépendance du domaine public, plusieurs ouvrages (une plateforme en béton, trois bollards, un plongeoir et une rampe d’escalier).

Le 17 mai 2016, alors qu’aucune AOT ne lui avait été délivrée depuis cette transaction et après y avoir été invité par les services de l’Etat (la DDTM), la SCI Mayer présente, un dossier de demande d’autorisation d’occupation de cette parcelle du domaine public maritime.

Puis, le 6 octobre 2016, le Directeur Départemental des finances publiques adresse à la SCI un courrier la priant de régler des indemnités au titre de son occupation sans titre de la dépendance pour les années es 2013, 2014 et 2015, dont elle s’acquitte le 28 octobre 2016.

Toutefois, par décision du 15 décembre 2016, les services préfectoraux rejettent, d’une part, la demande d’autorisation d’occupation temporaire formulée par la SCI et mettent, d’autre part, en demeure cette dernière de de démolir les ouvrages implantés sur la dépendance ainsi que de remettre cette dernière à l’état naturel dans un délai de quatre mois.

La SCI forme un recours en annulation contre cette décision devant le Tribunal administratif de Nice, rejeté par ce dernier, puis se pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille rejetant l’appel formé contre ce dernier.

Et, alors que la société Mayer soutient que la Cour a commis une erreur de droit ainsi que dans sa qualification des faits en retenant qu’elle devait être regardée comme gardienne des ouvrages litigieux, le Conseil d’Etat confirme cette position en considérant que les indices suivants sont de nature à lui conférer cette qualité :

  • L’usage exclusif qu’avait la société sur les installations en cause, matérialisé par les panneaux interdisant l’accès aux piétons à proximité des voies permettant d’y accéder ;
  • Le règlement par la société des indemnités pour son occupation sans droit ni titre de cette dépendance.

En revanche et, contrairement à ce qu’a considéré la Cour administrative d’appel de Marseille avant elle, le Conseil d’Etat juge que la circonstance selon laquelle la SCI a demandé sans succès l’autorisation d’occuper la dépendance litigieuse n’est pas de nature à conférer à la société la qualité de gardienne des ouvrages.

Précisant ainsi les critères d’identification du gardien d’une construction implantée sur une dépendance du domaine public, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la SCI le Mayer.

Les membres d’un groupement solidaire d’entreprises sont recevables à demander le paiement de leurs seules prestations même en l’absence d’une répartition des tâches par le marché

Le Conseil d’Etat a précisé les conditions de paiement par le maître d’ouvrage des prestations réalisées dans le cadre d’un groupement solidaire d’entreprises.

Plus précisément, dans cette instance un groupement solidaire d’entreprises s’était vu attribuer un marché de maîtrise d’œuvre portant sur les travaux de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre-et-Miquelon. La société BDM Architectures, mandataire du groupement, a saisi le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon afin d’obtenir le paiement correspondant à la réalisation des prestations qu’elle avait personnellement réalisées.

Le juge de première instance ayant rejeté sa demande, la société BDM Architecture a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a également rejeté sa demande au motif que la société était irrecevable à demander le paiement des seules prestations qu’elle avait effectuées en l’absence de précisions au sein du marché sur la répartition des tâches entre les membres du groupement solidaire.

Cependant, dans le présent arrêt, le Conseil d’Etat n’a pas suivi ce raisonnement.

Il a d’abord rappelé que, par principe, lorsqu’aucune répartition des tâches entre les entreprises membres d’un groupement solidaire n’est prévues, celles-ci sont réputées se représenter mutuellement [1] et qu’ainsi leurs conclusions peuvent tendre au paiement du solde global du marché.

Le Conseil d’Etat juge néanmoins que ce principe de représentation mutuelle des membres d’un groupement connaît deux exceptions.

La première, déjà consacrée précédemment par le Conseil d’Etat [2], tient à l’hypothèse dans laquelle les membres du groupement présentent devant le juge des conclusions divergentes.

 La seconde, nouvellement identifiée par la décision commentée, est liée aux prestations personnellement effectuées par le membre d’un groupement qui en demande le paiement. Le Conseil d’Etat considère en effet que les entreprises membres du groupement, qu’elles en soient mandataire ou pas, sont tout à fait recevables à ne demander que le paiement, pour leur propre compte, des seules prestations qu’elles ont personnellement effectuées et ceci même lorsqu’aucune répartition des tâches entres membres n’est prévue au marché.

Dans le cadre d’une telle demande, le Conseil d’Etat précise que le maître d’ouvrage se retrouve libéré de sa dette à concurrence des sommes versées à l’égard de l’ensemble des membres du groupement.

En définitive, l’absence de précisions dans le marché relatives à la répartition des tâches entre membres du groupement n’a aucune incidence sur la possibilité pour ceux-ci de demander au maître d’ouvrage le paiement des seules prestations qu’ils ont personnellement réalisées.

__________

[1] Par exemple : CE, 27 février 2019, Société Sogea e.a., n° 416678.

[2] Par exemple : CE, 31 mai 2010, Société BCCB, n° 323948

L’appréciation de l’impact sur les lieux avoisinants d’un projet de construction assorti de démolitions

Par une décision en date du 12 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé que, lorsqu’un permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante nécessaire à cette opération, il appartient à l’autorité administrative, pour rechercher l’existence d’une atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, d’apprécier l’impact non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.

Dans cette affaire, par un arrêté en date du 24 janvier 2018, le Maire de la commune de Raincy (Seine-Saint-Denis) a refusé de délivrer à la société Léane un permis de construire valant permis de démolir pour la construction d’un ensemble immobilier de cinquante logements, dont quinze logements sociaux, répartis en deux résidences indépendantes, avec cinquante-quatre places de stationnement sur deux niveaux de sous-sol. Pour ce faire, le Maire s’est fondé sur la méconnaissance par le projet des articles R. 111-27 et UA11 du règlement de la zone UA du PLU, relatifs à l’insertion des constructions dans leur environnement.

Le Tribunal administratif de Montreuil, saisi de cette affaire, a rejeté le recours pour excès de pouvoir ainsi que les conclusions indemnitaires sollicitées par la société Léane. Cette dernière a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Versailles, en vue d’en obtenir l’annulation. La Présidente assesseure de la 6e chambre de la Cour administrative d’appel a, toutefois, également rejeté la requête de la société Léane en retenant, pour ce faire, que le projet emportait la démolition de bâtiments qui présentaient une grande qualité architecturale.

Dans ce contexte, le Conseil d’État, saisi par la société Léane, s’est prononcé sur l’appréciation de l’impact d’un projet de construction lorsque le permis de construire sollicité comprend des démolitions nécessaires à la réalisation de l’opération.

Pour ce faire, outre les dispositions particulières de l’article UA11 du règlement de la zone UA du plan local d’urbanisme de la commune du Raincy, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de l’article R. 111-27 du Code de l’urbanisme prévoient que :

 » Les constructions, bâtiments et ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu’à la conservation des perspectives, en particulier à proximité des bâtiments remarquables identifiés au plan de zonage « .

Le Conseil d’Etat a précisé que ces dispositions ont pour objet de régir, non les démolitions, mais les constructions, le cas échéant s’accompagnant des démolitions nécessaires.

A ce titre, s’inscrivant dans la continuité de sa jurisprudence Association Engoulevent (13 juillet 2012, req. n° 345970), le Conseil d’Etat a rappelé que « pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il […] appartient [à l’autorité administrative] d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus ».

S’agissant des permis de construire comprenant des démolitions nécessaires à la réalisation du projet, le Conseil d’Etat précise sa jurisprudence et indique que :

« 4. Il n’en va pas différemment lorsqu’il a été fait usage de l’article L. 451-1 du Code de l’urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l’administration d’apprécier l’impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée ».

Ainsi, la méthode d’appréciation en deux temps trouve également à s’appliquer lorsque le permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d’une construction existante (article L. 451-1 du Code de l’urbanisme), lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, le service instructeur doit apprécier l’impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.

Par suite, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance rendue par la Cour administrative de Versailles et renvoyé l’affaire devant cette dernière.

Absence d’effectivité d’une démission d’un conseiller municipal adressée aux membres du conseil municipal à l’exclusion du maire

Le Conseil d’Etat a récemment rappelé que la démission d’un conseiller municipal ne peut être effective qu’à condition d’avoir été adressée au maire.

Cette règle est posée par l’article L. 2121-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) :

« Les démissions des membres du conseil municipal sont adressées au maire. La démission est définitive dès sa réception par le maire, qui en informe immédiatement le représentant de l’Etat dans le département ».

Dans cette affaire, une conseillère municipale avait, par un courriel envoyé aux membres du conseil municipal autres que le maire, fait part de sa décision de démissionner de son mandat. Si elle indiquait dans ce courriel avoir informé le maire par courrier, il ne résultait toutefois pas des pièces versées à l’instruction que le maire avait effectivement reçu ladite démission, alors que l’intéressée avait, au demeurant, continué à siéger au sein du conseil municipal.

Le Conseil d’Etat a donc jugé que sa démission n’était pas effective.

Psychiatrie : modification du régime de l’isolement et de la contention

Au Journal officiel en date du 23 janvier 2022 a été publiée la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique ; son article 17 fait par ailleurs notablement évoluer le régime de l’isolement et de la contention dans le secteur psychiatrique tant sur ses fondements et sa temporalité (1.) que sur le recours au juge qui la contrôle (2.).

  1. Sur le fond, l’article 17 emporte tout d’abord plusieurs modifications de l’article L. 3222-5-1 du Code de la Santé publique, dont les dispositions avaient pour mémoire été introduites par la loi du 26 janvier 2016 et modifié par la loi du 14 décembre 2020 afin d’encadrer la pratique de la mise à l’isolement et de la contention des malades, compte tenu de leur caractère intrinsèquement attentatoire aux libertés individuelles.

Rappelons également que la Cour européenne des droits de l’Homme avait déjà été amenée à prononcer des condamnations à raison du caractère arbitraire de telles mesures (CEDH, 19 févr. 2015, M.S. c/ Croatie, n° 75450/12 ; CEDH, 18 oct. 2012, Bures c/ République Tchèque, n° 37679/08 ; CEDH, 15 sept. 2020, Aggerholm c/ Danemark, n° 45439/18,).

En droit interne, le Conseil constitutionnel avait censuré, dans le cadre d’une Question prioritaire de constitutionnalité, l’article L. 3222-5-1 tel qu’il résultait de la loi du 14 décembre 2020 en ce qu’il ne prévoyait pas de contrôle judiciaire des mesures de mise à l’isolement ou de contention :

« 7. Si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté. Dès lors, en ce qu’elles permettent le placement à l’isolement ou sous contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution.

      1. En revanche, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à l’isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s’ensuit qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien à l’isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution.
      2. Par conséquent et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le premier alinéa de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique doit être déclaré contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, des deux autres alinéas de cet article » (Cons. const., 4 juin 2021, n° 2021-912, 2021-913 et 2021-914 QPC).

Le législateur avait opéré une première tentative de réforme du texte dans le cadre de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022, mais celle-ci avait alors été censurée par le Conseil constitutionnel (Cons. Const., 16 déc. 2021, n° 2021-832 DC).

C’est donc dans ce contexte qu’intervient, par l’effet de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, la réécriture de l’article 3222-5-1 du Code de la santé publique en instaurant un encadrement plus strict des mesures d’isolement et de contention.

Cet encadrement se veut tout d’abord de nature matérielle. En effet, le nouvel article restreint le champ d’application de l’isolement et de la contention en prévoyant que ces mesures ne peuvent être mises en place qu’en dernier recours et à l’égard de personnes admises en soins psychiatriques sans consentement :

« L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ».

Ce faisant, toute mesure d’isolement ou de contention doit donc être précédée d’une procédure de placement en soins psychiatriques sans consentement et, partant, respecter les prescriptions prévues aux chapitres II et III du livre II de la troisième partie du Code de la santé publique (articles L. 3212-1 à L. 3212-12). Elle demeure conditionnée par l’existence d’une décision motivée d’un psychiatre et par un critère de nécessité et de proportionnalité ; elle doit enfin faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, traçable par des professionnels de santé.

Comme auparavant, toute mesure d’isolement ou de contention doit être consignée dans un registre tenu à disposition de diverses autorités et l’établissement doit établir annuellement un rapport rendant compte de ses pratiques et de sa politique en la matière :

« Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1 ».

La finalité poursuive par de telles mesures d’isolement et de contention est également encadrée – elle l’était certes déjà sous l’empire de l’ancien texte mais celle-ci est précisée :

« il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ».

Les mesures d’isolement et de contention font enfin l’objet d’un encadrement temporel et l’article L. 3222-5-1 prévoit désormais que, en principe, l’isolement est limité à 12 heures et peut être renouvelé pour une durée totale de 48 heure maximum. La contention est quant à elle limitée à 6 heures et peut être renouvelée pour une durée totale de 24 heures :

« La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures ».

A titre exceptionnel, ces mesures peuvent être prolongées au-delà de ces durées maximales – dans la limite de 48 heures (contention) ou de 72 heures (isolement), le texte prévoyant une saisine automatique du Juge des Libertés et de la Détention (ci-après le JLD) au-delà de ce délai (cd. § ii.) – par le médecin au regard de ces mêmes critères.

Le directeur de l’établissement doit alors en informer sans délai le JLD du renouvellement de ces mesures [1] ; le JLD peut alors se saisir d’office pour y mettre fin.

 

 

2. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique prévoit en tout état de cause une saisine obligatoire du JLD lorsque la contention dépasse 48 heures et l’isolement 72 heures. Le JLD doit alors autoriser la prolongation des mesures :

« Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II ».

Ainsi saisi, le JLD doit alors déterminer si les conditions ayant motivé le placement en isolement ou en contention sont toujours réunies. Autrement dit, il doit s’assurer que les mesures permettent toujours de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient.

Si ces conditions ne sont plus réunies :

 « Il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure ».

En revanche, si ces conditions lui apparaissent réunies :

« Le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention ».

Enfin et de manière générale, le JLD peut être saisi dans le cadre des dispositions de l’article L. 3211-12 I du Code de la santé publique, désormais ainsi rédigé :

« Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu’en soit la forme.

Il peut également être saisi aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention prise en application de l’article L. 3222-5-1. Dans ce cas, il statue dans les délais prévus au II de l’article L. 3222-5-1 ou, à défaut, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine ».

Le JLD est ainsi soumis à un délai contraint pour statuer : un délai de vingt-quatre heures courant à compter de l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention s’il est saisi dans le cadre systématique de l’article L. 3222-5-1, ou à compter de sa saisine dans les autres cas.

 

_____________

[1] Le médecin doit par ailleurs informer un membre de la famille du patient.

Lutte contre l’érosion du littoral : mise en œuvre d’un nouveau droit de préemption

Introduction

En l’état actuel du droit, aucune indemnisation spécifique et aucun régime de prise en charge n’étaient prévus pour les personnes touchées par l’inhabilité de leur domicile du fait du recul du trait de côte, et ceci pour deux raisons principales :

  • En premier lieu, le législateur n’a pas explicitement classé l’érosion dunaire parmi les risques pouvant être financés par le fonds Barnier. D’un point de vue assurantiel, le recul du trait de côte est considéré comme un événement inexorable et donc certain, au contraire du risque qui est marqué par un degré d’incertitude quant à sa survenance ;
  • En second lieu, l’une des conditions d’éligibilité au fonds Barnier, consistant en l’existence d’une « menace grave à la vie humaine », n’est pas remplie.

Or, environ 20 % des côtes françaises reculent sous l’effet de l’érosion et 64 % de celles-ci sont exposées à un risque de submersion marine.

Les territoires littoraux étant plus denses que la moyenne, le nombre de biens et de personnes concernés par des variations territoriales, même faibles, est considérable. Selon les estimations fournies par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), qui demeurent à ce jour imprécises, le nombre de biens concernés d’ici 2100 s’élèvera à entre 5 000 et 50 000 logements pour une valeur estimée entre 0,8 et 8 milliards d’euros (Md€).

Pour faire face à cette situation et faciliter la maîtrise foncière des biens menacés d’érosion côtière, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, publiée au journal officiel de la République française le 24 août 2021, a instauré un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les biens exposés à l’érosion littorale dans les zones exposées au recul du trait de côte, afin de permettre aux communes d’acquérir les biens situés sur les terrains qui ont vocation à disparaître.

Cette loi a prévu, en outre, de compléter ce dispositif par une habilitation à légiférer par ordonnance. Ainsi, l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte définit une méthode d’évaluation de la valeur de ces biens acquis par voie de préemption à privilégier, à horizon de 30 ans. Cette méthode s’appliquera dans le cadre de la procédure du nouveau droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte mais également à l’occasion de la détermination des indemnités en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Ce nouveau droit prévaut sur les autres droits de préemption, hormis le droit de préemption relatif aux espaces naturels sensibles. Dans les zones où il s’applique, ni le droit de préemption urbain, ni le droit de préemption dans les zones d’aménagement différé, ni le droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux et les fonds de commerce ne peuvent s’appliquer.

Le recul du trait de côte est défini comme un déplacement vers l’intérieur de la limite entre les domaines maritime et terrestre pouvant être lié à deux facteurs indépendants :

  • L’érosion côtière (phénomène constant de perte ou de déplacement de terre, de sédiments et de roches le long du trait de côte, du fait de l’action des vagues, des courants, des marées et des impacts de tempêtes) ;
  • L’élévation du niveau de la mer (phénomène daté du début du XXe siècle, dû à la dilatation thermique de l’eau de mer et à la fonte de glaciers et des inlandsis [immenses glaciers des régions polaires], qui contribue à amplifier l’érosion côtière).

Ceci étant rappelé, ce nouveau droit de préemption sera présenté dans ses conditions de mises en œuvre (1), son champ d’application (2), ses particularismes (3) et ses effets (4).

1. Les conditions de mise en œuvre de cette prérogative

Les communes concernées par ce nouveau droit de préemption sont les suivantes :

  • 1°) D’une part, celles qui sont incluses dans la liste fixée par décret dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydro sédimentaires entraînant l’érosion du littoral [1]. Cette liste est révisée au moins tous les neuf ans ;

ET

  • 2°) D’autre part, celles figurant au document graphique du règlement du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu :
    • Dans la zone exposée au recul du trait de côte définie à l’horizon de trente ans;
    • Dans la zone exposée au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans, si le droit de préemption est instauré sur tout ou partie de ladite zone par délibération par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour instaurer ce droit de préemption.

2. Les aliénations soumises à ce droit de préemption

Les aliénations soumises au droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte sont celles concernant :

  • 1° Les immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu’ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit ;
  • 2° Les cessions de droits indivis portant sur un immeuble ou une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, sauf lorsqu’elles sont consenties à l’un des coindivisaires, et les cessions de tantièmes contre remise de locaux à construire ;
  • 3° Les cessions de la majorité des parts d’une société civile immobilière ou les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non bâtie, dont la cession serait soumise au droit de préemption, sauf pour les sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ;
  • 4° Les immeubles construits ou acquis par les organismes d’habitation à loyer modéré ;
  • 5° Les immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, de quelque nature que ce soit, lorsqu’ils font l’objet d’une donation entre vifs (sauf cadre familial [2]) ;
  • 6° Les immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, de quelque nature que ce soit, lorsqu’ils constituent un apport en nature au sein d’une société civile immobilière ;
  • 7° En cas d’adjudication, lorsque cette procédure est autorisée ou ordonnée par un juge (sauf si la vente met fin à une indivision créée volontairement, à moins que celle-ci ne résulte d’une donation-partage) ;
  • 8° En cas de contrat de location-accession régi par la loi n°84-595 du 12 juillet 1984 précitée.

En revanche, sont exclus du champ d’application de ce droit de préemption :

  • 1° Les immeubles qui sont compris dans un plan de cession d’entreprises en difficulté ;
  • 2° Les immeubles faisant l’objet d’une mise en demeure d’acquérir (ZAC, emplacements réservés, sursis à statuer sur une autorisation d’urbanisme, expropriation) ;
  • 3° Les biens acquis par un établissement public foncier lorsque celui-ci agit à la demande expresse de la collectivité titulaire du droit de préemption ou, encore, certains transferts d’immeubles appartenant à l’État ou à ses établissements publics.

 

3. Les particularismes de ce dispositif par rapport aux autres droits de préemption

  • 3.1 Quant au destinataire de la déclaration d’intention d’aliéner

A peine de nullité de l’aliénation, une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) doit être adressée par le propriétaire à la commune où est situé le bien.

Mais surtout, la particularité de ce droit de préemption tient à ce que ledit propriétaire doit transmettre une copie de cette DIA au directeur départemental ou régional des finances publiques.

Cette obligation s’expliquerait par le souci d’informer le plus largement possible les services de l’État sur ces transactions [3].

  • 3.2 Quant à la demande de communication unique de documents et la demande de visite du bien

Le titulaire du droit de préemption peut adresser une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière, suivant une liste de documents fixée limitativement par décret en Conseil d’Etat. Cette demande suspend le délai de deux mois pour préempter à compter de sa réception. Ledit délai recommence à courir à compter de la réception des documents demandés par le titulaire du droit de préemption.

Si le délai restant à courir est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour notifier sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption.

Le titulaire du droit de préemption peut aussi adresser une demande de visite du bien dans des conditions fixées par décret.

En revanche, la particularité de ce droit de préemption tient à ce que cette demande de visite ne suspend pas le délai de préemption [4].

  • 3.3 Quant à la publicité de la décision de préemption et l’indication de l’estimation par les services fiscaux

Comme pour les autres droits de préemption, la décision de préemption est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à l’acquéreur potentiel mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner.

En revanche, sa spécificité tient à ce qu’elle fait également l’objet d’une publication et qu’elle indique l’estimation du bien par les services fiscaux [5].

  • 3.3 Quant à la fixation du prix du bien et les règles d’évaluation

En l’absence d’accord amiable sur le prix d’acquisition du bien, celui-ci est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation.

La valeur vénale retenue « tient compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte » [6].

Cela supposerait de tenir compte de « l’espérance de vie réduite d’un bien voué à entrer dans le domaine public maritime naturel » et de « minorer le coût d’acquisition afin de faire en sorte que lesdites acquisition restent soutenables financièrement pour la collectivité et acceptables pour les contribuables amenés à les financer » [7].

L’ordonnance précitée n° 2022-489 en date du 6 avril 2022 prévoit en son articlier 1er que le prix du bien préempté est fixé par priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans la même zone [8].

A défaut ou en cas d’insuffisances de ces mutations et accords amiables, le prix du bien est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification situés hors de la zone exposée au recul du trait de côte dans laquelle il se situe. Dans ce cas, pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien, un abattement est pratiqué sur la valeur de ces références. Cet abattement peut, notamment, être déterminé par application d’une décote calculée en fonction du temps écoulé depuis la première délimitation de la zone dans laquelle se situe le bien, rapporté à la durée totale prévisionnelle avant la disparition du bien à compter de cette première délimitation [9].

Il est encore prévu que si le prix du bien préempté est envisagé sous la forme d’une vente avec constitution de rente viagère, les conditions de paiement proposées par le vendeur restent inchangées, mais le juge de l’expropriation dispose de la possibilité de réviser le montant de la rente et le capital éventuel [10].

4. Les effets du droit de préemption

  • 4.1 Quant au droit de délaissement

Le propriétaire du bien soumis à ce nouveau droit de préemption peut spontanément proposer au titulaire de ce droit l’acquisition dudit bien, en en indiquant le prix qu’il en demande.

Le titulaire du droit de préemption doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de ladite proposition. Et, à défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte.

En cas de refus ou à défaut de réponse du titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois précité, le propriétaire peut réaliser la vente de son bien au prix indiqué dans sa déclaration d’intention d’aliéner révisé, s’il y a lieu, en fonction des variations du coût de la construction constatées par l’Institut national de la statistique et des études économiques depuis la date de cette déclaration [11].

Et si le propriétaire n’a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il doit déposer une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner [12].

  • 4.2 Quant à l’utilisation des biens acquis

Le titulaire du droit de préemption qui devient propriétaire du bien exposé au recul du trait de côte en assure la gestion au regard de l’évolution prévisible du trait de côte et procède à sa renaturation. Il peut éventuellement en confier la gestion à une personne publique ou privée y ayant vocation [13].

Avant sa renaturation, ledit bien peut – de façon transitoire – faire l’objet d’une convention ou d’un bail en vue d’occuper, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages ou bâtiments en tenant compte de l’évolution prévisible du trait de côte [14].

Il doit, néanmoins, être souligné que la loi n’a pas prévu de droit de rétrocession au profit des propriétaires préemptés permettant de faire constater que le bien n’a pas été ou n’est plus affecté à la destination prévue par la loi.

Il n’est pas plus prévu de droit de priorité au profit du propriétaire ou de l’acquéreur évincé en cas d’aliénation du bien pour tout autre objet que ceux prévus par la loi.

Ces circonstances peuvent naturellement s’expliquer par le fait que le bien objet de la préemption est voué – à un moment ou un autre – à être rattrapé par les eaux. Pour autant, il peut être regretté qu’aucune mesure de suivi n’ait été mise en place.

Finalement, le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte contribuera à soulager ceux dont les propriétés sont soumises au risque d’érosion côtière et participera, par la renaturation du littoral, à faire face aux effets du dérèglement climatique sur les communes littorales. Il reviendra donc à l’autorité publique d’assurer la bonne gestion de ces territoires vulnérables pour protéger la population.

_____________________

[1] Article L. 321-15 du Code de l’environnement : Cette liste est élaborée en tenant compte de la particulière vulnérabilité de leur territoire au recul du trait de côte, déterminée en fonction de l’état des connaissances scientifiques résultant notamment de l’indicateur national de l’érosion littorale mentionné à l’article L. 321-13 et de la connaissance des biens et activités exposés à ce phénomène. Elle est établie après consultation des conseils municipaux des communes qu’il est envisagé d’y faire figurer et avis du Conseil national de la mer et des littoraux et du comité national du trait de côte.

[2] 1° Entre ascendants et descendants ; 2° Entre collatéraux jusqu’au sixième degré ; 3° Entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ; 4° Entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.

[3] Le droit de préemption après la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 – Jean-François Struillou, Directeur de recherche au CNRS – RDI 2021 p.530.

[4] L’article L. 219-6 du Code de l’urbanisme ne prévoit pas de suspension du délai pour préempter dans le cas d’une demande de visite du bien.

[5] Article L. 219-6 du Code de l’urbanisme

[6] Article L. 219-7 du Code de l’urbanisme

[7] Le droit de préemption après la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 – Jean-François Struillou, Directeur de recherche au CNRS – RDI 2021 p.530.

[8] Article L. 219-7 du Code de l’urbanisme

[9] Idem

[10] Article L. 219-7-1 du Code de l’urbanisme

[11] Article L. 213-8, al.1 du Code de l’urbanisme

[12] Article L. 213-8, al.2 du Code de l’urbanisme

[13] Article L. 219-11, al.1 du Code de l’urbanisme

[14] Article L. 219-11, al.2 du Code de l’urbanisme

Publication du rapport annuel 2021 du Médiateur National de l’Energie

Le Médiateur National de l’Energie (ci-après « MNE ») a publié, le 24 mai 2022, son rapport annuel pour 2021.

Le rapport présente d’abord un bilan des quinze ans du MNE. Au fil des années, le champ de compétences du Médiateur s’est étendu en élargissant la liste des consommateurs pouvant le saisir, la nature des litiges pour lesquels il peut être saisi ainsi que les énergies concernées par ces litiges.

Le MNE observe aussi que de nombreuses recommandations ou propositions qu’il a formulées ont été reprises dans des textes de loi. Il s’agit, à titre d’exemple, de la limitation dans le temps des rattrapages de facturation, consacré par la Loi de transition énergétique du 17 août 2015[1] et de différentes mesures de lutte contre la précarité énergétique comme l’interdiction des coupures d’énergie pendant la trêve hivernale consacrée par la Loi du 15 avril 2013[2].

Le MNE constate ensuite une forte hausse des saisines.

Il indique en effet qu’en quinze années d’existence, il n’a jamais enregistré autant de litiges que lors de ces dernières années. Seulement en 2021, le MNE a été saisi formellement de plus de 15 000 litiges et, sur les 5 dernières années, il constate une augmentation de 150 % des saisines.

Le MNE explique cette augmentation par les mauvaises pratiques de certains fournisseurs cumulées à un traitement défaillant des réclamations des clients. Également selon lui, cela s’explique par la hausse des prix de l’énergie qui a conduit les consommateurs à porter plus d’attention à leurs factures d’énergie et donc à les contester parfois.

Toutefois, le Médiateur remarque que certains fournisseurs qu’il avait mis en cause les années précédentes ont pris des mesures permettant d’améliorer le traitement des réclamations de leurs clients.

Aussi, le rapport met en lumière l’impact de la hausse du prix de l’énergie sur les contrats des consommateurs. Dans ce contexte, de nombreux fournisseurs ont augmenté leurs prix de vente de sorte que les consommateurs ont davantage de difficultés à faire jouer la concurrence et à conclure de nouveaux contrats de fourniture d’énergies à des prix financièrement soutenables.

Également, les consommateurs ont pu être impactés par les changements de formule d’indexation des prix de certains fournisseurs, sans avoir pu en mesurer leur portée. Certains fournisseurs ont en effet choisi d’indexer leurs prix de vente sur les prix du marché, qui sont par nature soumis à un aléa, et pas sur les tarifs réglementés qui offrent au consommateur la protection du « bouclier tarifaire ». Le MNE rappelle alors qu’en application de l’article L. 224-10 du Code de la consommation, les fournisseurs ont l’obligation d’informer leur client de tout projet de modification contractuelle et de sa portée exacte en communiquant une information loyale et complète.

Le MNE remarque aussi que les « petits professionnels » souffrent de difficultés liées à la hausse des prix de l’énergie. Il souhaite alors que les dispositions du Code de la consommation qui protègent les consommateurs particuliers leur soient étendues.

Enfin, le Médiateur formule des propositions pour améliorer les pratiques du marché.

Pour lutter contre la précarité énergétique il propose que les contributions financières du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) soient versées directement de l’Etat aux départements et que son montant soit calculé en fonction du nombre de foyers bénéficiant du chèque énergie résidant dans le département, ou encore de porter à trois semaines après son émission le délai de paiement d’une facture d’énergie.

Des propositions visant à améliorer l’information des consommateurs et lutter contre les mauvaises pratiques commerciales ou encore à limiter les litiges relatifs aux colonnes montantes sont aussi formulées au sein du rapport. Sur ce dernier point, le MNE préconise de confirmer dans la loi que les colonnes montantes d’électricité constituent un élément du réseau et d’indiquer expressément dans le Code de l’énergie que « les travaux nécessaires à leur renouvellement et à leur renforcement sont à la charge du gestionnaire du réseau concerné ».

 

[1] Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

[2] Loi n°2013-315 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.

Délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie sur les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz naturel

Délibération du 12 mai 2022 portant projet de décision sur les prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseau de distribution de gaz naturel 

En complément de leurs prestations d’acheminement de l’électricité et de gaz naturel, les gestionnaires de réseaux de distribution (ci-après « GRD ») peuvent réaliser des prestations annexes à titre exclusif à la demande des fournisseurs et des consommateurs finals. Ces prestations sont rassemblées dans un catalogue qui est publié par les GRD.

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») fixe les méthodes utilisées pour établir les tarifs de ces prestations annexes et leur évolution, conformément aux articles L. 341-3 du Code de l’énergie pour la distribution d’électricité et L. 452-2 et L.452-3 du Code de l’énergie pour la distribution de gaz naturel.

Par deux délibérations en date du 12 mai 2022, la CRE est venue acter de l’évolution des tarifs des prestations annexes des GRD d’électricité et de l’évolution des prestations pouvant être réalisées à titre annexe par les GRD de gaz naturel.

S’agissant, d’abord, des prestations annexes des GRD d’électricité, la délibération n° 2022-124 du 12 mai 2022 prévoit une augmentation tarifaire de 1,6 %, sauf pour les prestations de mise en service sur raccordement existant pour lesquelles le tarif évolue de 11,82 € HT à 11,62 € HT. Ces deux évolutions tarifaires sont applicables à compter du 1er août 2022.

S’agissant, ensuite, des prestations annexes des GRD de gaz naturel, la délibération n° 2022-125 du 12 mai 2022 porte dans le même sens évolution des tarifs de prestations de GRDF et autres GRD monoénergie et biénergie de + 1,6 % à compter du 1er juillet 2022.

Elle a en outre pour objet de de modifier les prestations annexes pouvant être réalisées par les GRD de gaz naturel.

A ce titre, elle a pour objet :

  • d’introduire de nouvelles prestations optionnelles du tronc commun, telles que la « Modification en masse du champ » et le « Changement de compteur gaz hors heures ouvrées » ;
  • de modifier la description sommaires de certaines prestations, comme la « mise en service avec déplacement » ;
  • de modifier le périmètre et le tarif de la prestation « Relevé spécial hors changement de fournisseurs » ;
  • de modifier les prestations relatives à la pression disponible « standard » et « non standard » ;
  • de modifier le tarif de la prestation « Traitement de fraude » proposé par Régaz-Bordeaux ;
  • et de modifier la terminologie dans la description sommaire de certaines prestations, afin notamment de prendre en compte la terminologie de l’arrêt du 23 février 2018.

Aussi, les prestations spécifiques à GRDF relatives à la relation GRDF-Fournisseurs sont supprimées de la catégorie des prestations annexes spécifiques pour basculer dans celle des prestations « optionnelles » de tronc commun. Il s’agit des prestations pour lesquelles un nom, une description sommaire et un tarif unique communs à tous les GRD de gaz naturel sont définis au sein du catalogue des prestations.

Actualité règlementaire relative à la performance énergétique des bâtiments

Décret n°2022-780 relatif à l’audit énergétique mentionné à l’article L.126-28-1 du Code la construction et de l’habitation publié 

Arrêté du 13 mai 2022 modifiant des dispositions du dispositif des certificats d’économies d’énergie :

 

Plusieurs textes règlementaires se sont récemment intéressés à la lutte contre les passoires thermiques et aux travaux de rénovation énergétiques en encadrant les modalités de réalisation des audits énergétiques et en apportant quelques modifications aux dispositions relatives au dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (ci-après « CEE »).

 

  • Encadrement des audits de énergétiques obligatoires

Tout d’abord, deux textes concernent la réalisation de l’audit énergétique réglementaire prévu par l’article L. 126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation, en France métropolitaine.

Pour mémoire, aux termes de cet article, un audit énergétique doit être réalisé lorsque sont proposés à la vente des bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation comprenant un seul logement ou plusieurs logements ne relevant pas de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et appartenant aux niveaux de performance énergétique et d’émission de gaz à effet de serre D, E, F ou G.

L’arrêté publié le 4 mai 2022, qui concerne spécifiquement la vente de maisons individuelles ou de bâtiment en monopropriété de classe de performance énergétique D, E, F ou G, vient définir le contenu de l’audit énergétique obligatoire.

Il est notamment prévu que l’audit énergétique obligatoire « comprend l’estimation de la performance du bâtiment ou de la partie de bâtiment avant travaux, réalisée selon la méthode de calcul conventionnelle utilisée pour l’établissement des diagnostics de performance énergétique des logements mentionnée à l’article L. 126-26 de ce même Code ».

En outre, l’arrêté indique que l’audit énergétique doit comporter des propositions de travaux de rénovation permettant de parvenir à une « rénovation performante », c’est-à-dire, au sens du 17° bis de l’article L. 111-1du Code de la construction et de l’habitat, des travaux permettant le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en catégorie A ou B et concernant six postes de travaux de rénovation énergétique (l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieurs, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées).

Le décret n° 2022-780 publié le 4 mai 2022 s’intéresse également aux audits énergétiques et concerne, quant à lui, tous les audits énergétiques visés à l’article L.128-28-1 du Code de la construction et de l’habitat susvisé, et vient définir les compétences et les qualifications attendues des professionnels chargés de réaliser ces audits énergétiques et l’étendue de leur mission.

Sur ce dernier point justement, le décret précise que pour la réalisation de l’audit énergétique mentionné, l’auditeur énergétique doit dresser un état des lieux des performances énergétiques initiales du logement, en identifiant notamment les déperditions thermiques. Le décret ajoute que l’auditeur énergétique doit établir un diagnostic « des modes constructifs, des principales caractéristiques architecturales et thermiques, des équipements énergétiques ainsi que des éventuelles pathologies du bâtiment ». Il doit en outre formuler des propositions de travaux qui permettent de parvenir à une rénovation performante.

Les dispositions de l’arrêté et du décret susvisés sont applicables à la réalisation d’audits énergétiques pour les logements faisant l’objet d’un acte de vente ou d’une promesse de vente à compter du 1er septembre 2022 pour les logements appartenant aux classes F et G, à compter du 1er janvier 2025 pour les logements appartenant à la classe E et à compter du 1er janvier 2034 pour ceux appartenant à la classe D.

 

  • Travaux de rénovation énergétique et Certificats d’Economies d’Energie

Pour rappel, aux termes de l’article 6.1 de l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificatifs d’économies d’énergie, le volume des CEE est multiplié par 2 pour certaines opérations réalisées au bénéfice des ménages en situation de grande précarité énergétique.

Initialement il s’agissait des opérations réalisées au plus tard le 31 décembre 2021 et achevées au plus tard le 30 avril 2022. Un arrêté publié le 13 mai 2022 modifiant les dispositions du dispositif des certificats d’économies d’énergie est venu prolonger le bénéfice de cette bonification en repoussant le délai d’achèvement des opérations susvisées au 31 août 2022. Ne sont pas concernées par cette modification les opérations relatives aux fiches d’opérations standardisées BAR-EN-101 « Isolation de combles ou de toitures » et BAR-EN-103 « Isolation d’un plancher ».

Par ailleurs, cet arrêté porte modification de l’arrêté du 10 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie, afin d’étendre l’application des dispositions relatives au Coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle » aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2022 ou achevées à compter du 1er janvier 2023 au lieu des opérations engagées à compter du 1er janvier 2022 ou incluses dans un dossier de demande de certificats d’économies d’énergie déposé à compter du 1er juillet 2022.

Les dispositions de cet arrêté sont en vigueur depuis le 15 mai 2022.

Augmentation à 80 % de la prise en charge par le TURPE du raccordement des pompes à chaleur et des IRVE de moins de 10 kWh

Par un décret du 9 mai 2022, le taux de prise en charge par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE) des travaux nécessités par le raccordement des pompes à chaleur, y compris les pompes à chaleur hybrides, d’une part, et des infrastructures de recharge pour véhicules électriques d’une puissance inférieure à 10 kilowatts (à l’exception des infrastructures de recharge ouvertes au public et des infrastructures situées dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation), d’autre part, a été porté à 80 %.

 

Pour mémoire, le TURPE est réputé couvrir 40 % du coût des raccordements au réseau public de distribution d’électricité. Néanmoins, conformément à ce que prévoit l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, « Par dérogation, ce niveau de prise en charge peut être porté à 80 % pour les travaux de remplacement ou d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d’en éviter le remplacement, rendus nécessaires par les évolutions des besoins de consommateurs raccordés en basse tension pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères liées à des opérations concourant à l’atteinte des objectifs fixés à l’article L. 100-4 ».

 

Le décret commenté du 9 mai 2022 portant ce taux à 80 % pour les ouvrages précités est pris en application de cette disposition. Il crée de nouveaux articles D. 341-3-1 et D. 341-3-2 au sein du Code de l’énergie détaillant précisément le périmètre des travaux concernés par cette prise en charge bonifiée.

 

Précisément, sont éligibles les travaux correspondant répondant aux conditions suivantes :

  • le consommateur d’électricité est déjà raccordé en basse tension pour une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères et installe un des équipements susmentionnés tout en restant raccordé à ce niveau de tension,

 

  • cette installation conduit à des travaux de remplacement ou d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d’en éviter le remplacement, autrement dit des ouvrages de renforcement du réseau.

 

 

Sont éligibles :

  • pour la part du raccordement sur le terrain d’assiette de l’opération : les travaux rendus nécessaires par une opération ayant fait l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable, située en dehors d’une zone d’aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d’équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l’article L. 332-6-1 du Code de l’urbanisme,

 

  • pour la part du raccordement située hors du terrain d’assiette de l’opération : les coûts de remplacement ou d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d’en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals sont intégralement couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution mentionné à l’article L. 341-2 du présent Code lorsque ce raccordement est effectué par le gestionnaire du réseau de distribution, conformément au 1° de l’article L. 342-11 ;

 

  • les raccordements en dehors d’une opération de construction ou d’aménagement autorisée en application du code de l’urbanisme.

Reconnaissance de la responsabilité de la Commune ayant entreposé irrégulièrement des déchets

Par un arrêt du 20 mai 2022, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nantes s’est prononcée, et a accueilli, la demande de réparation des préjudices qu’une propriétaire estime avoir subis du fait du dépôt par la commune de déchets à proximité de sa propriété.

Dans cette espèce, la commune entreposait depuis 2012 sur un terrain lui appartenant des végétaux issus de l’entretien des espaces verts ainsi que des gravats issus des travaux de démolition qu’elle avait entrepris. La requérante, propriétaire d’une parcelle à proximité de celle où étaient stockés ces matériaux, avait été admise aux urgences en 2013 pour une aspergillose broncho-pulmonaire allergique (pathologie pulmonaire). Estimant que ses préjudices ont été causées par l’action de la commune, celle-ci en demande réparation à hauteur d’environ 250.000 euros. Le Tribunal administratif de Rennes a reconnu la responsabilité de la commune et l’a condamnée à indemniser la requérante de 5.000 euros. La commune et la propriétaire ont interjeté appel de ce jugement.

La CAA relève tout d’abord que les matériaux entreposés par la commune constituent des déchets et que la circonstance que ce stockage n’était, selon la commune, que temporaire, ne permet pas d’écarter cette qualification. Plus précisément s’agissant des gravats de démolition, le fait qu’ils « devaient être utilisés comme du remblai pour le réaménagement du quartier de la Madeleine, projet abandonné en 2015, puis ont été évacués en septembre 2015 et en février 2016 en vue d’être utilisés dans le cadre de l’aménagement d’un lieu de détente et de loisir ne peut suffire à exclure que ces gravats et matériaux présentaient bien, en leur état initial, le caractère de déchet » (§7). Dès lors, la commune a commis une faute en considérant que les matériaux entreposés ne constituaient pas des déchets et en n’assurant donc pas leur gestion sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement.

La Cour indique également que les problèmes de santé de la propriétaire ont été causés par un champignon dont le développement est favorisé par le dépôt de déchets verts et de démolition, que la survenance des troubles coïncide avec le début de la période de stockage et que les déchets se trouvaient à proximité de l’habitation de la propriétaire. Le lien de causalité est donc caractérisé.

La commune est donc condamnée à indemniser les préjudices de perte de gains professionnels actuels, de déficit fonctionnel temporaire, de souffrances endurées, ainsi que le préjudice esthétique temporaire, que la CAA évalue à 27016,85 euros.