Vie des acteurs publics
le 12/07/2022
Agathe DELESCLUSE
Julia-Carla FOLTZER

Caractère onéreux d’un service d’ordre excédant les obligations normales incombant à la puissance publique assuré par les forces de police ou de gendarmerie pour un événement privé

CE, 11 mai 2022, n° 449370

Le Conseil d’Etat a récemment pu se prononcer sur le caractère onéreux d’un service d’ordre excédant les obligations normales incombant à la puissance publique assuré par les forces de l’ordre pour un évènement privé.

L’association Moto-club de Nevers avait organisé un championnat du monde moto « superbike » sur un circuit. Elle a reçu, par la suite, une facture émise par la direction générale de la gendarmerie nationale relative au service d’ordre assuré lors de cette manifestation. La demande d’annulation du titre de perception a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Pour rappel, l’article L. 211-1 du Code de la décuité intérieure (CSI) dispose que :

« Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie.

Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’Etat les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt. […] ».

L‘association faisait valoir que l’absence de caractère lucratif de la manifestation organisée faisait obstacle à ce que soient mis à sa charge les frais occasionnés par les missions de service d’ordre exécutées par les forces de gendarmerie à l’occasion de cet événement, directement imputables à celui-ci et excédant les obligations normales incombant à la puissance publique.

Le Conseil d’Etat a néanmoins décorrélé l’application des deux alinéas précités de l’article L. 211-1 du CSI en précisant que :

« Il résulte du premier alinéa de cet article que seuls les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif sont susceptibles de se voir imposer par l’autorité compétente de l’Etat la tenue d’un tel service d’ordre. En revanche, il résulte du second alinéa que toute personne physique ou morale pour le compte de laquelle un tel service d’ordre est assuré par les services de police ou de gendarmerie est tenue de rembourser à l’Etat les dépenses correspondantes ».

Ainsi, l’absence de caractère lucratif de la manifestation organisée par l’association ne permet pas de bénéficier d’un service d’ordre à titre gratuit.

Pour être complet, on relèvera que l’article L. 211-1 du CSI a récemment été jugé conforme à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen relatif à l’égalité devant les charges publiques dès lors qu’il ne prévoit pas d’obligation, pour les personnes physiques ou morales qu’il mentionne, de confier aux forces de police ou de gendarmerie les services d’ordre qu’elles mettent en place pour leurs propres besoins et ne prévoit, lorsqu’elles décident d’y avoir recours, le remboursement à l’Etat que des « seules dépenses correspondant aux missions qui, exercées dans leur intérêt, excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l’intérêt général »(CE, 16 mars 2021, n° 448010, Société d’exploitation de l’Arena, Lebon).

Ensuite, après avoir rappelé les articles 2 et 4 du décret n° 97-199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie, qui prévoient la conclusion préalable d’une convention entre les forces de l’ordre et le bénéficiaire des prestations afin de fixer les conditions techniques et financières du concours ainsi apporté, le Conseil d’Etat rajoute que l’absence de signature d’une telle convention ne fait pas obstacle à ce que soient mis à la charge de l’organisateur de la manifestation les frais occasionnés par les missions de service d’ordre exécutées par les forces de police ou de gendarmerie.

Agathe Delescluse, avocate et Julia-Carla Foltzer, élève avocate