Précisions sur les dépenses pouvant être couvertes par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Dans une décision en date du 19 mars 2018, le Conseil d’Etat a précisé l’étendue des dépenses pouvant être couvertes par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Il a plus précisément indiqué que la TEOM n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires de la commune, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales.

Il a ensuite précisé que ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

Il a, par conséquent, considéré que le Tribunal administratif de Montreuil, saisi d’une demande de restitution de la cotisation de la TEOM à laquelle avait été assujettie la SAS Cora en 2013 par la Commune de Livry-Gargan, avait commis une double erreur de droit en jugeant que, pour déterminer le montant de la TEOM, il y avait lieu de prendre en compte, notamment, les dépenses exposées pour la seule administration générale de la commune, ainsi que les dépenses réelles d’investissement.

Cette décision intéresse aujourd’hui davantage les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés étant une compétence obligatoire de l’ensemble de ces EPCI depuis la loi NOTRE du 7 août 2015.

Pas de mise en compatibilité de la DUP avec le PLU lorsqu’elle est prise pour la constitution de réserves foncières en vue d’y affecter une opération d’aménagement

En vertu des dispositions de l’article L. 123-14 du Code de l’urbanisme, lorsque la réalisation d’un projet public ou privé de travaux, de construction ou d’opération d’aménagement, présentant un caractère d’utilité publique nécessite une mise en compatibilité d’un plan local d’urbanisme, celle-ci peut être entérinée dans la déclaration d’utilité publique. Dans ce cas, l’enquête publique porte à la fois sur l’utilité publique et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence.
Par cet arrêt, il est jugé que les dispositions précitées ne peuvent trouver application que si les utilisations du sol qu’implique la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique (DUP) sont définies avec suffisamment de précision pour emporter de nouvelles dispositions du plan local d’urbanisme. Elles ne sont pas applicables lorsque l’administration qui projette la réalisation d’une opération d’aménagement impliquant normalement, d’une part, l’acquisition des terrains et, d’autre part, la réalisation de travaux et d’ouvrages, se borne à procéder dans un premier temps à la seule acquisition des terrains sans avoir défini le plan des aménagements envisagés.
Ainsi, aucune mise en compatibilité n’a à être entreprise si la DUP est prise pour la constitution de réserves foncières en vue de permettre la réalisation ultérieure d’une opération d’aménagement.

Sur le dépôt d’un mémoire en réplique et récapitulatif en appel devant la chambre des expropriations

 En application de l’article R. 311-26 du Code de l’expropriation, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (ce délai était de 2 mois avant d’être modifié par décret n°2017-891 du 6 mai 2017).

En dépit de ces règles strictes, la Cour de cassation admet que l’intimé produise un mémoire en réplique et récapitulatif dès lors que celui-ci ne comporte que des éléments complémentaires en réplique.

 

Déploiement de la fibre optique : engagements des opérateurs, appels à manifestation d’engagements locaux et simplification des mesures de déploiement.

Dans le cadre d’une question ministérielle du 26 décembre 2017, M. François André interpelait M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la cohésion des territoires, sur l’importance de faciliter le déploiement de la fibre optique.

En effet au regard de l’engagement formulé par le gouvernement de garantir un accès à toute la population en haut débit d’ici à 2020 et en très haut débit d’ici à 2022 ainsi que de parvenir à un territoire intégralement fibré en 2025, le député François André a souligné l’importance de simplifier les démarches et de lever des contraintes administratives ou techniques pesant sur le déploiement de la fibre. Il estimait également nécessaire de préciser l’obligation de pré-raccordement en fibre. 

A cette occasion, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires a précisé les nouvelles mesures prises par l’Etat pour faciliter et accélérer la couverture des territoires en téléphonie mobile et en fibre optique.

En premier lieu, Gouvernement a demandé aux opérateurs de communications électroniques une accélération de leurs déploiements, dans le cadre d’engagements contraignants et opposables au titre de l’article L. 33-13 du code des postes et communications électroniques. On relèvera que les opérateurs de communications électroniques seront passibles de sanctions en cas de défaillance ou de manquements à leurs engagements.

En outre, les opérateurs ont pris des engagements de couverture en téléphonie mobile sur près de 10.000 communes qui ne bénéficiaient d’aucune couverture.

En deuxième lieu, le secrétaire d’Etat a annoncé que l’Etat souhaite que les collectivités territoriales puissent sécuriser de nouvelles opportunités d’investissement privé en organisant, durant le premier semestre 2018, des appels à manifestation d’engagements locaux.

En troisième lieu, le gouvernement souhaite proposer, dans le cadre de la future loi relative au logement et à l’aménagement numérique des mesures de simplification visant à réduire les délais de construction et de mise en service des installations des opérateurs.

Ainsi cette loi permettrait notamment:

          qu’une partie des demandes d’autorisations d’urbanismes relatives à l’installation d’antennes de téléphonie mobile basculerait sur un régime de simple déclaration préalable ;

          que les maires disposent de plus de latitude dans leur compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme pour le déploiement des réseaux mobiles ;

          la mise en œuvre d’un guichet unique pour les opérateurs de communications électroniques afin de leur permettre d’effecteur leurs démarches, qu’il s’agisse des demandes d’autorisation d’urbanisme ou des dossiers d’information du public sur l’exposition aux champs électromagnétiques ;

          une publicité des titres d’occupation du domaine public, sans formalité particulière et permettre aux opérateurs de se prévaloir de servitudes visant à l’installation, l’exploitation ou l’entretien de leurs équipements en simplifiant les demandes d’autorisation de ces servitudes ;

          aux opérateurs l’accès au registre national d’immatriculation des syndicats de copropriété, pour faciliter l’identification des interlocuteurs ad hoc pour le déploiement de la fibre dans les habitats collectifs.

Attaques diffamatoires contre un élu de la République – conditions d’une sanction judiciaire pénale et civile

Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle les conditions dans lesquelles les attaques diffamatoires portées contre un élu de la République seront sanctionnées par une décision de condamnation pénale et civile, nonobstant le moyen de défense habituel tiré du débat de polémique politique et du débat d’intérêt général (article 10 de la convention européenne – droit à la liberté d’expression politique) :

« Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, la cour d’appel a, d’une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, lesquels, reprochant à M. Didier X… la pratique » le clientélisme » « le favoritisme », d’acheter, avec l’argent public, le silence de la presse » et de  » dilapider l’argent public pour aller en Amérique, Australie ou aux Seychelles », constituaient des faits précis, susceptibles de donner lieu, à l’audience, à débat contradictoire, et portaient atteinte à son honneur et sa considération et a retenu, ainsi, à bon droit, qu’ils comportaient des imputations diffamatoires visant M. Didier X…, en sa qualité de président de la région de […] , dépositaire de l’autorité publique, d’autre part, a refusé au prévenu le bénéfice de la bonne foi, après avoir estimé que celui-ci était « mu par une animosité personnelle« , qu’il avait « manqué de prudence dans ses propos » et que « ses accusations » … » dépassaient le cadre de la polémique politicienne » et « ne reposaient sur aucune base factuelle »; ».

Ces critères sont certes stricts et souvent délicats à mettre en œuvre, mais leur admission par la Cour de cassation démontre qu’une condamnation pénale et civile n’est pas impossible.

Par ailleurs, pour les lecteurs plus éclairés, la Cour de cassation rappelle un principe procédural d’importance mais établi de longue date : la Cour d’appel est tenue, quoique saisie sur le seul appel de la partie civile (dont l’effet dévolutif ne s’attache qu’aux intérêts civils), d’évoquer (pouvoir d’évocation intégrale) à la fois les intérêts pénaux et les intérêts civils de l’affaire, lorsqu’elle infirme un jugement de premier instance ayant fait droit à la nullité des actes de poursuites (nullité de la citation directe). La Cour d’appel est donc en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une peine pénale, au-delà de l’allocation de dommages et intérêts.

Ce pouvoir d’évocation intégrale n’est toutefois pas reconnu à une Cour d’appel qui infirme un jugement de première instance ayant fait droit à l’exception de prescription de l’action. Dans ce cas, l’appel de la partie civile ne saisira la Cour que des intérêts civils ; la Cour d’appel ne sera pas en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une sanction pénale ; seule la question des dommages et intérêts sera évoquée.

Restera à comprendre pourquoi la chambre criminelle opère une telle distinction.

Projet de loi ELAN : vers un regroupement majeur des bailleurs sociaux ?

L’avant Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dit « ELAN ») a été transmis au Conseil d’Etat et devrait être présenté au Conseil des ministres le 4 avril prochain.

S’agissant du secteur du logement social, les apports du texte sont nombreux. Un des points majeurs vise à encourager, pour ne pas dire imposer, le regroupement des bailleurs sociaux, incluant les organismes d’habitations à loyer modéré (organismes d’HLM) et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux (SEM agréées).

Les modalités de restructuration du secteur seraient ainsi les suivantes:

Dissolution et rachat du patrimoine des organismes de moins de 1 500 logements.

Actuellement, un organisme d’HLM gérant moins de 1 500 logements et n’ayant pas construit au moins 500 logements en 10 ans encours la dissolution prononcée par arrêté ministériel.

Le dispositif actuel est complété par le projet de loi en permettant au ministre en charge du logement de mettre en demeure un autre organisme d’HLM ou une SEM agréée d’avoir acquérir tout ou partie des logements de l’organisme dissous.

Ces dispositions seraient étendues aux SEM agréées dans les mêmes conditions, à l’exception du fait qu’elles encourent non la dissolution mais le retrait de leur agrément.

• Obligation d’intégrer un « groupe d’organismes de logement social » pour les opérateurs de logement social de moins de 15 000 logements

L’avant projet de loi propose qu’à compter du 1er janvier 2021, les organismes d’HLM gérant moins de 15 000 logements sociaux et n’ayant pas construit ou acquis plus de 600 logements locatifs sociaux en aient l’obligation d’appartenir à un groupe d’organismes de logement social.

La même obligation serait applicable aux SEM agréées gérant moins de 15 000 logements sociaux ou dont le chiffre d’affaires moyen sur 3 ans de l’ensemble de ses activités, y compris celles ne relevant pas de son agrément, est inférieur à 50 millions d’euros.

Un groupe d’organismes de logement social devrait gérer en principe au moins 15 000 logements et être organisé selon l’une des trois modalités suivantes :

– en tant que groupe, au sens du Code de commerce, dont la maison mère est un organisme d’HLM ou une SEM agréée ;
– en tant que groupe, au sens du Code de commerce, dont la maison mère n’est pas un organisme d’HLM ou une SEM agréée ;
– un ensemble d’organismes d’HLM qui sont associés d’une société de coordination. Ainsi, le statut, le fonctionnement et l’objet social des sociétés anonymes de coordination (art. L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation) qui existent actuellement évolueraient : cette société serait une nouvelle forme d’organisme d’HLM, constituée en société anonyme de droit commun ou en société coopérative et aurait notamment le pouvoir d’interdire la réalisation d’un investissement d’un de ses associés ou, lorsque la situation financière de celui-ci le justifie, de décider de céder tout ou partie de son patrimoine ou de fusionner avec un autre associé.

Un plan stratégique de groupe et un cadre stratégique d’utilité sociale seraient élaborés au niveau du groupe.

A défaut pour un bailleur social de respecter cette obligation, le ministre en charge du logement pourrait mettre en demeure :

– un organisme d’HLM ou une SEM agréée d’acquérir tout ou partie des logements ou du capital de l’opérateur concerné ;
– une société de coordination de lui céder au moins une part.

A noter que les organismes d’HLM ou les SEM agréées dont l’activité principale est une activité d’accession sociale à la propriété, ainsi que ceux dont le siège social est situé à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint-Martin et en Corse ne seraient pas concernés par cette obligation de regroupement.

Possibilités accrues de fusion et d’absorption des opérateurs

Il résulte de la version actuelle de l’avant projet de loi qu’un office public de l’habitat pourrait transférer son patrimoine, par voie de fusion ou de scission, à un organisme d’HLM ou à une SEM agréée. Le projet de loi n’est pas plus précis sur les modalités juridiques de cette opération.

Par ailleurs, une société d’HLM ou une SEM agréée qui est dissoute pourrait transmettre son patrimoine à son actionnaire unique (opération de « dissolution-confusion ») dès lors que ce dernier est un organisme d’HLM ou une SEM agréée.

Ces différentes mesures, en l’état de l’avant projet de loi, auront un impact majeur sur les organismes HLM et les SEM de logement.

L’Etat précise les conditions de répartition de la dotation d’Equipement aux Territoires Ruraux (DETR) pour 2018

L’instruction ministérielle du 9 mars 2018 amorce la procédure de répartition des dotations en demandant aux préfets de lancer les appels à projets et de réunir les commissions départementales d’élus destinées à définir les priorités locales de programmation.

Ces commissions consultatives sont chargées de définir des catégories d’opérations prioritaires ainsi que les taux et plafonds de subvention applicables à chaque catégorie.

Pour mémoire, la commission donne effectivement son avis sur les projets de plus de 100.000 euros désormais, contre 150.000 euros auparavant, le seuil étant été abaissé par l’effet de la loi de finances pour 2018.

L’instruction rappelle en outre que les préfets doivent restes vigilants sur les opérations subventionnés puisque certaines opérations sont définies comme priorités nationales.

L’an dernier, les espaces mutualisés de services au public et la revitalisation des centres-bourgs ; les communes nouvelles ; les travaux de rénovation thermique et ceux qui visent à l’autonomie énergétique pour les bâtiments publics ; les espaces numériques destinés à l’accomplissement des démarches administratives (notamment la pré-demande en ligne de carte nationale d’identité et de passeport) étaient définies comme opérations de priorités nationale.

Si ces opérations demeurent prioritaires en 2018, s’y ajoute une nouvelle relative à l’aménagement des salles des classes de CP et CE1 des établissements prioritaires.

Cette année, le montant total de la dotation à répartir est de 1,046 milliard d’euros.

Ce montant a progressé puisqu’il doit être noté qu’une partie de la réserve parlementaire et ministérielle a été utilisée à hauteur de 50 millions d’euros pour abonder le fond.

Annulation d’un avenant à un contrat de concession : modification substantielle et clause réglementaire.

Par la décision du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat rappelle le principe d’interdiction des modifications substantielles des contrats de concession et annule un avenant après avoir apprécier la contrepartie d’une hausse des tarifs payés par les usagers vis-à-vis des obligations mises à la charge du concessionnaire.
Depuis 2009, les parcs de stationnement et les navettes du Mont-Saint-Michel sont exploités dans le cadre d’un contrat de délégation de service public par la SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel.
Fin 2013, le président du syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel avait été autorisé à signer avec la SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel (qui est venu aux droits de la société Véolia Transport) un cinquième avenant au contrat de concession pour la construction et l’exploitation des ouvrages et services d’accueil signé le 6 octobre 2009.
Cet avenant modifiait, d’une part, les obligations à la charge du concessionnaire (changement du point d’embarquement des voyageurs des navettes, et modification du service de navettes hippomobiles), et d’autre part, la grille tarifaire applicable aux usagers.
Dans un jugement du 17 novembre 2015, saisi des recours en excès de pouvoir du maire de la commune du Mont-Saint-Michel et de la société d’hôtellerie et de restauration « Sodetour », le Tribunal administratif de Caen a annulé la délibération autorisant le président du Syndicat à signer l’avenant n° 5, ainsi que la décision du président de signer ledit avenant n°5 en tant qu’il modifiait la grille tarifaire du contrat. La SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel a contesté la régularité du jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a rejeté la requête en appel par l’arrêt du 22 février 2017 contre lequel la SAS s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat confirme la jurisprudence constante à deux égards :
– Un avenant à un contrat de concession ne peut modifier, ni son objet, ni de manière substantielle l’un de ses éléments essentiels comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs ;

– Lorsqu’un requérant ayant qualité à agir estime qu’un avenant modifie les tarifs de manière importante, cet avenant (ou les stipulations que ledit avenant modifie) peut être contesté par la voie d’un recours en excès de pouvoir dans la mesure où les clauses tarifaires ont un caractère réglementaire.
Puis, le Conseil d’Etat ajoute que : « les tarifs sont au nombre des éléments essentiels qui concourent à l’équilibre économique du contrat ».
Et, en l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que la modification opérée par l’avenant litigieux est substantielle dans la mesure où les hausses de tarifs (comprises entre 31 et 48 %) « allaient (…) au-delà de la compensation des augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues » dont des investissements et charges d’exploitation supplémentaires résultant du changement de point de départ des navettes, et se traduit in fine « par une augmentation de plus d’un tiers des recettes ».
En définitive, la modification à la hausse des tarifs n’est substantielle qu’en ce qu’elle modifie « l’équilibre économique du contrat » de la concession, notion que l’on retrouve désormais au b) du 5° de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession .
Par suite, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la SAS et confirme l’annulation par la Cour des clauses tarifaires de l’avenant relatives aux navettes sur la baie du Mont-Saint-Michel – avenant qui aurait justifié la mise en place d’un nouvel appel d’offres.

La décharge syndicale n’a pas sa place dans l’examen de la valeur professionnelle

De jurisprudence constante, la notation d’un agent public ne peut être fondée sur des critères étrangers à la valeur professionnelle de l’agent. En particulier, l’autorité hiérarchique ne peut se fonder sur la décharge syndicale de l’agent pour lui reprocher un manque d’investissement dans ses fonctions et un manque de présence dans le service (CE, 27 septembre 2000, Rocca, n° 189318).

Dans un arrêt du 5 décembre 2017, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a rappelé ce principe, et annulé la notation d’une aide-soignante.

La requérante bénéficiait d’une décharge syndicale de 50% pour l’exercice de ses mandats syndicaux, et avait obtenu au titre de l’année 2013 la note chiffrée maximale, assortie cependant d’une appréciation littérale faisant état du caractère « regrettable » de la diminution de sa présence au service à raison de sa décharge syndicale, et ce quand bien même elle était considérée comme un « élément moteur de l’équipe ».

Après avoir demandé en vain la révision de sa notation devant la Commission administrative paritaire, puis par la voie d’un recours gracieux, la requérante à demandé au Tribunal administratif de Lyon l’annulation de sa notation.

Saisie en appel après un rejet du Tribunal au titre d’une irrecevabilité non établie, la Cour a considéré que le directeur du Centre hospitalier employeur avait entaché sa décision d’une erreur de droit en se fondant sur le temps de présence réduit de l’agent à son poste en raison de l’exercice de ses mandats syndicaux.

En conséquence, la Cour a annulé la notation attaquée.

Par cette décision, la Cour se prononce sur des notations qui devraient prochainement disparaître du paysage contentieux. Mais le principe appliqué en l’espèce devrait toujours trouver à s’appliquer aux entretiens professionnels dès lors que ceux-ci doivent porter sur la manière de servir et les compétences et non sur des considérations telles que l’existence de décharges d’activité pleinement justifiées.

La récente décision de la Cour de cassation en matière d’obligation de délivrance et les dispositions à prendre par le bailleur

Une association preneuse assigne la bailleresse en paiement de travaux de désamiantage effectué par son promoteur immobilier qui était chargé de réhabiliter le même immeuble.

La Cour de cassation fait droit à sa demande estimant que « les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire ».

Si nous avons pu observer que cette décision fait écho à une précédente jurisprudence du 1er juin 2005[1], il n’en demeure pas moins qu’elle peut s’avérer assez sévère pour le bailleur d’autant plus la preneuse, ainsi que l’a rappelé la Cour d’appel, avait une parfaite connaissance de l’état de l’immeuble et des travaux nécessaires à sa réhabilitation, notamment au regard des descriptions contenues dans le projet de promotion immobilière.

Toujours est-il que la Cour de cassation admet dans sa décision que par une « clause expresse contraire » les parties puissent convenir d’un réaménagement de l’obligation de délivrance incombant au bailleur.

Cette voie dérogatoire s’inscrit elle-aussi dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 3 juillet 2003, observait au regret d’une bailleresse « qu’aucune clause contractuelle ne la déchargeait de son obligation de délivrance d’un local immédiatement utilisable »[2].

Il apparaît dès lors absolument indispensable pour le bailleur de se prémunir contre tout effet de surprise susceptible de résulter des initiatives du preneur à la suite de la délivrance des lieux loués.

Il serait dès lors utile pour le bailleur, avant toute offre de bail, de procéder au diagnostic amiante avant travaux (DDAT) ou de clairement convenir avec le preneur que ces travaux seront pris en charge par lui, et d’insérer cet accord dans une clause expresse du contrat de bail.

En tout état de cause, si le bailleur entend se mettre à l’abri de la sévérité de l’obligation de délivrance telle qu’interprétée par la Cour de cassation, il importe pour les parties de prévoir au contrat de bail une clause expresse dérogatoire.

Celle-ci pourra notamment préciser que toutes diligences nécessaires à l’accomplissement de travaux suite à la délivrance des locaux, conformément à l’accord des parties, sont à mettre la charge du preneur.

Néanmoins, pour être dénuée de toute ambiguïté ou des critiques du juge, cette clause devra être accompagnée d’informations suffisantes susceptibles de permettre au preneur de donner un consentement éclairé.

[1] Civ. 3e, 1er juin 2005, n° 04-12.200. 

[2] Civ. 3e, 2 juillet 2003, n° 01-16.246.

Expérimentation d’une procédure de médiation obligatoire préalable au recours contentieux portant sur certains litiges relatifs à l’attribution de prestations sociales

Le décret n° 2018-101 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux a été publié le 16 février 2018. Il est pris en application des dispositions de l’article 5 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21ème siècle. 

Les recours contentieux portant sur l’attribution des aides sociales concernées devront désormais, à peine d’irrecevabilité, être précédés d’une médiation, au sens des articles                      L. 213-1 et suivants du code de justice administrative. L’autorité administrative compétente sera tenue d’informer l’intéressé de l’obligation et de lui indiquer les coordonnés du médiateur. La médiation devra alors être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de la décision contestée. Le délai est porté à trois mois pour les résidents des départements et collectivités d’outre-mer et à quatre mois pour les Français de l’étranger. 

L’expérimentation en question portera sur deux domaines : d’une part les recours contentieux formés par les agents publics à l’encontre de certaines décisions administratives les concernant ; d’autre part, et c’est l’objet de cette brève, aux recours contentieux formés contre les décisions relatives à l’attribution de certaines aides sociales.

Cinq types de décisions entrent dans le champ du décret :

          Celles relatives à l’attribution du revenu de solidarité active (RSA) ;

          Celles relatives aux aides exceptionnelles de fin d’année accordées par l’Etat aux bénéficiaires du RSA ;

          Celles relatives à l’aide personnalisée au logement ;

          Celles relatives à l’allocation de solidarité spécifique ;

          Celles relatives à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

Pour les trois premières, la médiation sera assurée par le Défenseur des droits et, selon l’arrêté du 6 mars 2018, elle s’appliquera dans les départements du Bas-Rhin, de l’Isère, de la Haute-Garonne, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire et de la Meurthe-et-Moselle ; pour les deux dernières, la médiation sera assurée par le médiateur régional de Pôle emploi territorialement compétent et, selon le même arrêté, elle s’appliquera dans les départements des régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire.

Dans les faits, le requérant devra saisir le médiateur par une lettre de recours, accompagnée d’une copie de la décision contestée ou de la demande de prestation en cas de refus implicite. Si toutefois le requérant saisit directement le tribunal administratif dans les délais, le président devra rejeter la requête par ordonnance, mais sera tenu de transmettre le dossier au médiateur compétent.

Les dispositions de l’expérimentation seront applicables aux recours susceptibles d’être présentés jusqu’au 18 novembre 2020, à l’encontre des décisions intervenues à compter du 1er avril 2018.

 

Le nouveau régime des centres de santé et de leurs antennes issu de l’ordonnance du 12 janvier 2018 complété par un décret et un arrêté en date du 27 février 2018

Une ordonnance du 12 janvier 2018 a modifié les conditions de fonctionnement et de création des centres de santé en créant les articles L. 6323-1-1 à L. 6323-1-13 et L. 6323-1-15 du Code de la santé publique (CSP).

Selon l’article L. 6323-1 du CSP, « les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux ».

L’innovation principale de l’ordonnance consiste à permettre aux établissements de santé à but lucratif, c’est-à-dire les cliniques, de créer des centres de santé. L’article L. 6323-1-3 dispose en effet que « les centres de santé sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements publics de coopération intercommunale, soit par des établissements publics de santé, soit par des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif ». L’ordonnance restait cependant ambiguë puisqu’elle réaffirmait en parallèle le caractère non lucratif de ces structures en précisant que « les bénéfices issus de l’exploitation d’un centre de santé ne peuvent pas être distribués » (L. 6323-1-4).

Le décret n°2018-143 et l’arrêté SSAH1731210A du 27 février 2018 sont venus préciser un certain nombre de dispositions de la réforme des centres de santé, notamment celles relatives à la création des antennes de ces centres, qui ont vocation à couvrir les territoires les moins peuplés et à y renforcer l’offre de soins. Ce faisant, le décret apporte d’importantes modifications aux articles D. 6323-1 et suivants du CSP.

En premier lieu, il dispose que les antennes « peuvent être rattachées à un ou plusieurs centres de santés gérés par un même gestionnaire » (D. 6323-1).

Ensuite, il précise les compétences du directeur général de l’agence régionale de santé (DGARS). Il contrôle d’abord les projets de santé des centres et de leurs antennes, dont les « modifications substantielles », c’est-à-dire « le changement de l’organisme gestionnaire ou de son représentant légal, la modification d’implantation géographique du centre ou de son ou ses antennes lorsqu’elles existent, la fermeture d’une antenne, la modification qualitative ou quantitative du plateau technique, notamment l’installation d’un ou de plusieurs fauteuils dentaires supplémentaires, ainsi que toute modification susceptible d’avoir une incidence sur la politique menée par le centre de santé en matière de qualité et de sécurité des soins », sont portées à sa connaissance (D. 6323-10).

Enfin, le décret confère au DGARS le pouvoir de décider la fermeture ou la suspension totale ou partielle de l’activité des centres ou de leurs antennes. Cette décision doit être motivée et notifiée au gestionnaire, une copie de la notification étant transmise à la caisse primaire d’assurance maladie compétente (D. 63232-11).

Quant à l’arrêté, il s’attache à préciser les caractéristiques des antennes des centres. Son article 1 dispose que « elle est rattachée à un centre de santé principal et ne dispose pas d’autonomie de gestion ; elle propose des heures d’ouverture ne pouvant excéder vingt heures par semaine ; elle est située à moins de trente minutes de trajet du centre de santé principal ; elle dispose d’un système d’information partagé avec le centre de santé principal, permettant notamment le partage des informations issues du dossier médical des patients ». Certaines dérogations, relatives aux heures d’ouverture et à la distance entre l’antenne et le centre, peuvent être accordées par le DGARS.

L’article 2 de l’arrêté apporte, quant à lui, des précisions sur les projets de santé. Ils doivent comporter des éléments d’information portant sur le diagnostic des besoins du territoire. Celui-ci doit décrire « notamment, les caractéristiques de la population, les problématiques du territoire ainsi que l’état de l’offre sanitaire sociale et médico-sociale du territoire. Il précise les moyens utilisés pour établir ce diagnostic ». En outre, le projet doit compter un ensemble d’informations relatives notamment à sa structure, à son adresse, à ses numéros d’identification, aux caractéristiques de son personnel. Enfin, l’article 2, IV dresse la liste des missions et activités du centre et de ses antennes qui doivent être répertoriées dans le projet de santé.

Les recommandations du rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif »

Nicole NOTAT, président directeur général (PDG) de Vigeo Eiris et Jean-Dominique SENARD, PDG de Danone, ont remis, le 9 mars dernier, un rapport intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », aux ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Economie et des finances, et du Travail.

Ce rapport a vocation à établir une nouvelle définition juridique de l’entreprise. Ses rédacteurs font notamment le constat de l’inadéquation de la conception de l’entreprise dans le Code civil en faisant valoir que « chaque entreprise a une raison d’être non réductible au profit ». Ainsi, « le rôle premier de l’entreprise n’est pas la poursuite de l’intérêt général, mais des attentes croissantes à l’égard des entreprises sont régulièrement exprimées, avec l’essor des défis environnementaux et sociaux ».

Ils précisent, au stade du constat, que « le droit des société est perçu comme décalé avec la réalité des entreprises et des attentes » et prennent notamment pour exemple les dispositions du Code civil, très peu modifiées depuis le début du 19ème siècle. Ainsi, « la société anonyme de 1807, autorisée par décret en Conseil d’Etat, n’a cependant pelus grand-chose à voir avec la grande société cotée, dotée de sociétés filiales à l’étranger et à la tête d’un groupe composé, même en France, de montages juridiques nécessitant une multitude de sociétés ».

Madame NOTAT et Monsieur SENARD précisent en outre qu’ils cherchent une voie médiane entre l’action publique et l’économie de marché, « celle d’une économie responsable, parvenant à concilier le but lucratif et la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux », qui embrasserait l’ensemble du secteur privé. Le modèle qu’ils dessinent ne viendrait donc pas se substituer à  l’économie sociale et solidaire.

Ils ont donc formulé quatorze propositions, cinq d’entre elles sont d’ordre législatif, trois concernent des cadres juridiques optionnels et, enfin, six s’adressent directement aux « praticiens » et à l’administration.

Les recommandations d’ordre législatif

La première d’entre-elles consiste à ajouter un second alinéa à l’article 1833 du Code civil, au sein duquel il serait précisé que « la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (recommandation n°1). Selon les auteurs du rapport, cette mention à l’intérêt propre et aux enjeux sociaux et environnementaux permet d’éviter que l’intérêt social de l’entreprise ne se limite pas aux « intérêts particuliers des associés ». L’article L. 225-35 du Code de commerce serait lui aussi modifié afin de confier aux conseils d’administration et de surveillance la formulation d’une « raison d’être » de l’entreprise entrant en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article 1833 du Code civil (recommandation n°2).

Les recommandations suivantes d’ordre législatif portent sur la représentation des salariés dans les instances des entreprises qui seraient considérablement renforcée (recommandations n°6, 7 et 8). Dans les conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises de plus de mille salariés, ils passeraient à deux salariés minimum pour huit administrateurs non-salariés, et trois salariés à partir de treize administrateurs                                  non-salariés. Dans un mouvement similaire, les sociétés par actions simplifiées de plus de cinq cents salariés seraient tenues de se doter d’un conseil d’administration ou de surveillance afin de disposer, dans les mêmes proportions, d’administrateurs salariés.

Les recommandations concernant des cadres juridiques optionnels

Les rapporteurs proposent de faire figurer une « raison d’être » dans les statuts d’une société, notamment dans le but de permettre les entreprises à mission (recommandation n°11). Cela supposerait une modification de l’article 1835 du Code civil, dont le deuxième alinéa serait ainsi rédigé : « l’objet social peut préciser la raison d’être de l’entreprise constituée ». Par conséquent, l’entreprise à mission serait reconnue dans la loi et pourrait concerner toutes les formes juridiques de société, sous réserve de remplir les critères suivants (recommandation n°12) :

–       La raison d’être est inscrite dans les statuts ;

–       Un comité d’impact est constitué au sein de la société ;

–       Le respect de la raison d’être est soumis à la mesure d’un tiers ;

–       L’entreprise publie une déclaration de performance extra-financière.

Enfin, les conditions et effets de la détention de parts sociales majoritaires par des fondations seraient assouplis et accompagnées de la création de fonds de transmission et de pérennisation des entreprises. Ce dernier point concernerait « les fondateurs d’entreprises qui souhaitent pérenniser une raison d’être ou une implantation territoriale, sans vocation philanthropique » (recommandation n°14).

Les recommandations à l’attention des praticiens et des administrations

Le rapport préconise d’accompagner le développement de labels RSE sectoriels et d’en faire un outil de renforcement du dialogue social dans les branches (recommandation n°3). Des « comités de parties prenantes », indépendants des autres instances contribueraient à développer la stratégie RSE des entreprises (recommandation n°4), cette dernière pouvant imposer des critères RSE dans les rémunérations variables des dirigeants (recommandation n°5).

Dans le même sens, les rapporteurs suggèrent « d’engager une étude sur le comportement responsable de l’actionnaire » (recommandation n°9). Ils proposent également d’engager des réflexions sur une évolution des normes comptables, afin que celles-ci considèrent les enjeux d’intérêt général, sociaux et environnementaux (recommandation n°10). Enfin, ils souhaitent la création d’un « acteur européen de labellisation », y voyant là un outil de soft power, permettant de faire évoluer la vision de l’entreprise au niveau européen (recommandation n°13).

Les propositions issues de ce rapport viendront alimenter la réflexion autour du projet de loi de « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (projet de loi « PACTE »), qui sera présenté au printemps par le ministre de l’économie.

 

Sur la régularisation en cours d’instance d’un document d’urbanisme

Par une décision en date du 22 décembre 2017, publiée au Recueil, le Conseil d’Etat est venu préciser la portée de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme afin de privilégier la régularisation d’un document d’urbanisme à son annulation.

Le conseil municipal de la commune de Sempy, par une délibération du 10 février 2012, avait approuvé le projet de carte communale qui lui était soumis. Le préfet de la Région Nord-Pas-de-Calais avait également approuvé ce document par arrêté du 16 avril 2012.

Un requérant avait formé un recours en excès de pouvoir contre ces deux décisions en raison de l’absence de consultation de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais et de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Le tribunal administratif de Lille avait fait droit à cette demande. La Commune avait alors interjeté appel du jugement, après avoir sollicité et produit les avis manquants de la chambre d’agriculture et de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Ce recours en appel a été rejeté par la Cour administrative d’appel de Douai.

Saisi en cassation, et après avoir rappelé que les avis en cause ne constituaient pas une garantie, le Conseil d’Etat a raisonné en deux temps, à savoir :
– Les vices invoqués, qui affectent le déroulement d’une procédure administrative préalable et sont de nature à entacher d’illégalité la décision prise, sont-ils susceptibles d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ou ont-ils privé les intéressés d’une garantie ?

– Dans cette hypothèse, pouvaient-ils alors faire l’objet d’un sursis à statuer aux fins de régularisation en application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme ?

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a considéré que l’omission de consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n’a pas pu avoir d’influence sur le sens de la délibération attaquée, ni privé les intéressés d’une garantie ; l’avis en question, bien que recueilli après la délibération, s’étant avéré favorable.

Précisions sur l’obligation de compatibilité du PLU avec le SCOT

Par une décision en date du 18 décembre 2017, mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’obligation de compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU) avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT).
Le conseil municipal de la commune de Mesnil-en-Thelle a approuvé par délibération du 12 juin 2012 la procédure de révision de son PLU.
Deux associations avaient introduit un recours en excès de pouvoir contre cette délibération devant le Tribunal administratif d’Amiens reprochant au PLU son incompatibilité avec le SCoT en méconnaissance de l’article L. 142-1 du Code de l’urbanisme. Le Tribunal administratif avait fait droit à cette demande et annulé la délibération approuvant la révision du PLU. La commune avait interjeté appel de ce jugement. La Cour administrative d’appel de Douai annule le jugement du Tribunal administratif au motif que le PLU avait suffisamment pris en compte les objectifs définis par le SCoT.
Les deux associations ont introduit un recours en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Douai et apporte à cette occasion les précisions suivantes sur le rapport de compatibilité entre le SCoT et le PLU.
Le Conseil d’Etat rappelle que si les SCoT peuvent contenir des normes prescriptives, celles-ci sont expressément et limitativement prévues par le code de l’urbanisme aux articles :
– L. 141-10 1° pour les secteurs délimités que les PLU doivent intégrer ;
– L. 141-7 et L. 141-6 pour les secteurs dans lesquels ils doivent garantir une densité maximale de construction ;
– L. 141-15 s’agissant des obligations minimales ou maximales de réalisation d’aires de stationnement.
En dehors de ces exceptions prévues par la loi, le Conseil d’Etat rappelle que les SCoT doivent se « borner à fixer des orientations et objectifs », opposables au PLU dans un rapport de compatibilité.
En l’espèce, le SCoT avait adopté un principe « d’une réduction du rythme de développement de l’habitat et de maîtrise de l’extension de l’urbanisation », en prévoyant un plafond communal de 1% de croissance démographique annuelle, et une dérogation pour certaines communes augmentant ce plafond à 1,15%.
Or le PLU de la commune de Mesnil-en-Thelle avait retenu un rythme de réalisation de 15 logements par an, ce qui correspondait à un rythme d’accroissement démographique annuel supérieur au plafond du SCoT.
Le Conseil d’Etat a considéré que cette seule circonstance n’était pas de nature à caractériser une incompatibilité du PLU avec le SCoT. Sur ce point, il a en effet rappelé, que pour apprécier la compatibilité du PLU avec les orientations et objectifs définis par le SCoT, le juge administratif doit procéder à une analyse globale, qui le conduit à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du SCoT, sans rechercher l’adéquation du PLU à chaque disposition ou objectif particulier.

Un agent contractuel recruté illégalement par une commune comme directeur général des services ne peut pas être licencié pour perte de confiance

Les emplois fonctionnels des collectivités territoriales sont les emplois de direction dont les modalités d’accès et de cessation d’occupation diffèrent de celles des autres emplois.
C’est à titre dérogatoire que l’occupation d’un tel emploi par un agent contractuel est envisageable.
A cet effet, l’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 fixe de manière exhaustive la liste de ces emplois et plus précisément, s’agissant des emplois des communes comme en l’espèce, il détermine que seuls ceux de directeur général des services des communes de plus de 80 000 habitants et de directeur général adjoint des communes de plus de 150 000 habitants peuvent être occupés par des agents contractuels.
Il s’en infère que la commune de Kourou, en Guyane, qui comptait alors 26 000 habitants, ne pouvait recruter un agent contractuel pour occuper les fonctions de directeur général des services.
Ce fût cependant le cas, sans que le Préfet ne trouve étonnamment à y redire, M. B. ayant été recruté le 2 juin 2014 par un contrat de trois ans sur le fondement de l’absence de candidature de fonctionnaire et des besoins du service subséquents (cf. article 3-3, 2° de la loi du 26 janvier 1984 précitée), après avoir assuré l’intérim de ces fonctions durant six mois.
Mais dix-huit mois plus tard le Maire décidait de procéder à son licenciement en se fondant sur la perte de confiance, motif habituellement retenu pour mettre un terme à l’occupation de ces emplois, bien que répondant à des conditions notamment de démonstration des faits ayant conduit à ce constat.
L’agent contractuel devait attaquer cette décision, et ayant obtenu gain de cause devant le Tribunal administratif de la Guyane qui a annulé le licenciement et enjoint la commune de le réintégrer jusqu’au terme de son contrat, c’est cette dernière qui a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux.
La Cour, par des considérants didactiques, a rappelé dans un premier temps que les communes ne pouvaient recruter des agents contractuels pour occuper des emplois fonctionnels ne figurant pas sur la liste de l’article 47 précité, et dans un second temps, tirant les conséquences de l’absence de qualification d’emploi fonctionnel, a appliqué la règlementation propre au licenciement des agents contractuels, à savoir le décret n° 88-145 du 15 février 1988.
Or, ce décret ne permet pas qu’un agent contractuel, hors article 47 donc, soit licencié au motif d’une perte de confiance, motif strictement réservé aux emplois fonctionnels.
Au passage, la Cour rappelle que si l’employeur insère des clauses contraires aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur dans un contrat, il ne peut les opposer par la suite à son cocontractant.
Dans ces conditions, la Cour a confirmé l’annulation du licenciement de l’agent contractuel, qui pourra ainsi éventuellement engager un contentieux indemnitaire, à défaut d’avoir initialement accompagné son recours de telles conclusions.
Si la solution donnée par la Cour est logique, et ne souffre d’aucune critique, on ne peut cependant s’empêcher de songer que la commune, qui ne recevrait pas de candidature de fonctionnaires pour occuper un tel poste, se trouverait fort dépourvue au moment de recruter un directeur général des services si on ne considère pas qu’il s’agit là d’un besoin du service…

Faute de caractère soudain de son déclenchement, la dépression de l’agent constitue une maladie professionnelle et non un accident de service.

De jurisprudence constante, la maladie ou l’accident de service survenus sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, sont considérés comme imputables au service et permettant notamment le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2 de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale (CE, 16 juillet 2014, Mme Galan, n° 361820)

Dans un jugement particulièrement intéressant du Tribunal administratif de Montreuil en date du 29 septembre 2017, le Juge Administratif a apporté d’utiles précisions sur les notions d’accident de travail et de maladie professionnelle.

Madame L. est un agent titulaire de la fonction publique territoriale au grade d’adjoint administratif, occupant un emploi de responsable d’équipe au sein d’un service d’une commune d’Ile-de-France.

L’agent a été victime d’un premier accident de service au mois de juin 2015. À la reprise de ses fonctions, cette dernière a rencontré de sérieuses difficultés relationnelles avec sa nouvelle supérieure hiérarchique. 

À la suite d’une altercation entre les deux agents, Madame L. a déclaré un accident de service auprès de son employeur.

Toutefois, saisie par la commune, la Commission de réforme a émis un avis défavorable quant à la reconnaissance de l’accident de service. Sur la base de cet avis, la commune a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la dépression de l’agent.

C’est la décision attaquée par l’agent.

Le Tribunal a jugé, au vu des pièces du dossier, qu’à défaut de caractère soudain du déclenchement de la dépression de l’agent, les faits ne constituaient pas un accident de service mais une maladie professionnelle.

En effet, les conditions de travail de Madame L. avait nécessité la saisine du médecin de prévention avant même l’altercation avec sa supérieure hiérarchique qui constitue le point d’orgue des difficultés relationnelles entre les deux agents. 

Ainsi, le Juge Administratif a rejeté la requête de Madame L. en considérant que la commune n’avait ainsi commis aucune erreur dans la qualification juridique des faits en rejetant la demande de l’agent formulée sous l’angle de l’accident de service. 

Réseau d’initiative publique, déchéance, préjudice du délégant

Les cas de résiliation pour faute des délégations de service public portant sur un réseau d’initiative publique sont rares (mais pas inexistants) et les jurisprudences y afférentes le sont encore plus. L’ancien réseau THD Seine offre toutefois un nouvel épisode du contentieux opposant SEQUALUM au Département des Hauts-de-Seine, après un litige relatif à la mise en œuvre de la garantie à première demande et un autre relatif aux pénalités de retard.

La décision rendue le 15 février 2018 par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise porte sur un sujet qui ne manquera pas d’intéresser les collectivités territoriales et groupements de collectivités exerçant la compétence en matière de réseaux de communications électroniques : l’indemnisation des préjudices subis par l’autorité délégante du fait des manquements du délégataire dans le cadre du décompte définitif de résiliation de la convention.

En l’espèce, la société SEQUALUM, qui avait substitué le groupement composé des sociétés Numéricable, LD Collectivités et Eiffage pour l’exécution de la convention de délégation de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau départemental de communications électroniques à très haut débit, contestait le titre de recettes, d’un montant de 212 417 436 euros, émis par le Département à son encontre au titre des préjudices subis par ce dernier.

Les préjudices invoqués par le Département étaient au nombre de 17 et peuvent être classés en deux catégories :

  • Des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public (selon les termes du Tribunal : « préjudices liés à la remise à niveau des infrastructures du réseau THD Seine ») : non-conformité électrique des NRO ; non-conformité des NRO aux règles de l’art ; sous-dimensionnement de certains liens SRO-NRO1 du réseau horizontal ; non-conformité de la séparation des fibres THD Seine de celles de Numéricâble au niveau des NRO, SRO1 et SRO2 ; non réalisation des adductions des points de mutualisation de THD Seine ; sous-dimensionnement du lien SRO2-PM ; l’existence de fibres non connectorisées dans les points de mutualisation d’immeuble ; non complétude de colonnes fibre optique dans les immeubles de 12 logements et plus ; non complétude de déploiements en zone arrière de points de mutualisation extérieurs ; non complétude des routes optiques ; non complétude de la documentation liée aux réseaux ; existence de colonnes montantes doublonnant des infrastructures FTTH préexistantes ;
  • Des préjudices découlant des manquements du délégataire mais ne se rattachant pas à une obligation de obligations de conception et de construction du réseau : frais de contrôle du projet plus élevés que prévus ; non complétude du réseau THD Seine ; frais de reprise en exploitation du réseau par une régie départementale ; frais de reprise de certains contrats usagers ; impact négatif de la résiliation en terme d’image du Département.

Après avoir écarté les moyens de forme contre la régularité du titre exécutoire, portant sur la compétence du signataire et les mentions obligatoires du titre de recettes, le Tribunal analyse la régularité et le bien-fondé de la résiliation de la convention. De manière classique, le Tribunal a vérifié que les modalités contractuelles, portant notamment sur le respect du contradictoire, avaient bien été respectées par le Département pour prendre sa décision de résiliation. On soulignera que le Tribunal est ensuite entré dans une analyse détaillée du respect de ses obligations par le délégataire, notamment sur le plan calendaire. Le Tribunal donne raison au Département, tant sur la régularité et que sur le bien-fondé de la résiliation de la convention, écartant notamment l’idée que le délégataire serait soumis à une obligation de moyens en termes de calendrier de déploiement. Il indique aussi que la circonstance qu’un plan de déploiement doive être arrêté et actualisé en comité de pilotage, sur la base des principes définis dans la convention, n’est pas de nature à modifier la portée du calendrier contractuel.

Enfin, le Tribunal analyse les moyens de SEQUALUM contestant le bien-fondé dudit titre, en examinant chaque préjudice au fond :

  • Sans entrer dans le détail de cette analyse, on retiendra que, si le Tribunal réduit les montants demandés par le Département, il considère comme constitués la plupart des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public ;
  • Les frais de contrôle sont également ramenés par le Tribunal à un montant plus faible, considérant que la convention y apportait un plafond ;
  • Le préjudice lié à la non complétude du réseau THD Seine n’est pas considéré comme constitué selon le Tribunal, non pas tant parce que le Département a déjà appliqué des pénalités de retard, mais parce que la VNC des biens de retour versée par le Département à SEQUALUM excluait les ouvrages qui n’avaient pas encore été réalisés à la date de la résiliation ;
  • Le Tribunal écarte également les frais de reprise en régie du réseau postérieure à la résiliation. Il juge que « le département est toutefois fondé à demander réparation du préjudice subi du fait des manquements du délégataire à ses obligations contractuelles au cours de l’exécution de la convention, qui ont entraîné des frais spécifiques pour la régie départementale tenue d’y remédier » ;
  • Le préjudice lié aux frais de reprise pour certains contrats usagers est considéré comme constitué ,
  • Le préjudice d’image est également constitué et est indemnisé à hauteur de 150 000 €.

Au total, la société SEQUALUM est condamnée à payer au Département des Hauts-de-Seine la somme de 25 621 455,62 euros.

Source:  TA Cergy-Pontoise, 15 février 2018, SOCIÉTÉ SEQUALUM, n° 1608633

La privation de l’indemnité de préavis peut être justifiée dans le cadre d’un licenciement dénué de caractère fautif mais fondé sur la suspension du permis de conduire

Dans un arrêt du 28 février 2018 (Cass., soc., 28 février 2018, n° 17-11.334),  la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé, dans le cadre d’un licenciement dénué de caractère fautif prononcé suite à la suspension du permis de conduire, que l’indemnité de préavis n’était pas due au salarié dans la mesure où celui-ci était nécessaire à son activité professionnelle et que le salarié, du fait de cette suspension, était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis.

Dans cette espèce, le salarié exerçait en qualité de technicien d’intervention auprès de la clientèle. Après avoir fait l’objet d’un avertissement le 25 octobre 2006 à la suite d’un excès de vitesse, le 15 mars 2013, son permis de conduire a été suspendu à la suite d’un nouvel excès de vitesse. Il a dans ces circonstances été licencié pour cause réelle et sérieuse le 4 avril 2013.

La Haute juridiction a ainsi considéré que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision de débouter le salarié de sa demande relative au paiement d’une indemnité de préavis, dans le cadre d’un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse.

Pour rappel, les principes développés par la jurisprudence, concernant le retrait ou la suspension du permis de conduire, sont les suivants :

 Ne peut être licencié pour faute le salarié qui a commis hors de sa vie professionnelle des faits le privant de son permis en entraînant sa suspension (Cass., soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464).

Il peut néanmoins, si ses fonctions nécessitent l’usage d’un véhicule, être licencié pour cause réelle et sérieuse pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise (Cass., soc., 15 janvier 2014, n° 12-22.117).

 A contrario, si les faits le privant temporairement ou définitivement de son permis été commis dans l’exercice de ses fonctions, le licenciement disciplinaire est possible dès lors que le manquement aux obligations contractuelles peut être démontré ( Cass., soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464).

En conséquence, un licenciement pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise peut être privatif de l’indemnité de préavis dès lors que le permis de conduire est nécessaire à l’activité professionnelle et que du fait de la suspension du permis de conduire, le salarié est dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis.