le 30/08/2018

Obligation d’obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail en cas de transfert d’un salarié protégé d’une structure privée vers une personne publique

CE, 6 juin 2018, n° 391860

En cas de reprise par une personne publique gestionnaire d’un service public administratif d’une activité exercée jusqu’à présent par une personne privée, l’article L. 1224-3 du Code du travail, prévoit un dispositif spécifique obligeant le repreneur à proposer aux salariés concernés, un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur contrat. En cas de refus de cette proposition par des salariés dit « ordinaires », leur contrat prend fin de plein droit selon la jurisprudence désormais constante.

En effet, dans ce cas, il en résulte un licenciement « sui generis », c’est-à-dire que la rupture du contrat de travail survient automatiquement sans qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif personnel, ni pour motif économique (Cass., Soc., 30 sept. 2009, n° 08-40.846).

Dans un arrêt du 6 juin 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé pour la première fois sur la question de la procédure applicable dans une telle hypothèse, aux salariés protégés (CE, 6 juin 2018, n° 391860).

Dans cette affaire, l’activité d’une association avait été transférée à une université qui, en application des dispositions de l’article L.1224-3, avait alors proposé un contrat de droit public à une salariée enseignante exerçant un mandat de délégué du personnel.

Estimant que ce contrat apportait des modifications substantielles à son contrat de travail antérieur, l’intéressée a refusé de le signer.

L’université a à ce titre, sollicité l’autorisation de la licencier à l’inspecteur du travail qui a fait droit à cette demande. Toutefois, le Tribunal administratif a annulé cette décision au motif que le licenciement devait selon les juges, intervenir de plein droit conformément à l’article L. 1224-3, et que l’inspecteur du travail n’était donc pas compétent pour connaître d’une telle demande.

La Cour administrative d’appel a annulé le jugement du Tribunal administratif en retenant que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé en vertu de cet article L. 1224-3, relevait bien de la compétence de l’inspecteur du travail.

Le Conseil d’état a approuvé cette solution en soulignant que la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé « résultant de son refus d’accepter le contrat qu’une personne publique lui propose en application de l’article L. 1224-3, […] doit être regardée comme intervenant du fait de l’employeur»  et en rappelant qu’en conséquence, au regard de la protection légale dont bénéficient les salariés investis de fonctions représentatives, l’autorisation préalable de licenciement de l’inspecteur du travail est requise.

Ainsi, lorsqu’un salarié protégé refuse son transfert d’une entité du privé vers une structure publique, l’autorité administrative doit être saisie aux fins d’obtenir l’autorisation de procéder au licenciement « sui generis ».

L’obligation  de demander l’autorisation administrative de licenciement dans ce cadre, incombe à la personne publique dans la mesure où comme pour les salariés « ordinaires », c’est elle qui prononce la rupture du contrat suite au refus du salarié.

Dans sa décision, le Conseil d’État apporte en outre, des précisions sur l’étendue du contrôle que doit opérer l’administration. Ainsi, lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de rupture du contrat de travail d’un salarié résultant d’une application de L.1224-3 du Code du travail, l’Inspecteur du travail doit vérifier : 

–          d’une part, « que les conditions légales de la rupture du contrat sont remplies, notamment le respect par le nouvel employeur public de son obligation de proposer au salarié une offre reprenant les clauses substantielles de son contrat antérieur sauf si les dispositions régissant l’emploi des agents public ou les conditions générales de leur rémunération y font obstacle »,  étant rappelé qu’une rupture d’égalité manifestement disproportionnée par rapport à la rémunération des agents publics ne doit pas apparaître, les agents non titulaires ne pouvant pas être rémunérés au-delà de ce qui serait versé pour des fonctions et qualification équivalentes ;

–          d’autre part, « que la mesure envisagée n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndical », et qu’elle n’est donc pas discriminatoire ;

–          et enfin « qu’aucun motif d’intérêt général ne s’oppose à ce que l’autorisation soit accordée ».

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que le caractère sui generis du licenciement d’un salarié protégé ayant refusé le contrat de droit public qui lui était proposé dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l’article L.1224-3 du Code du travail, n’exonère pas du respect des protections liées au statut de salarié protégé : l’inspection du travail doit être saisie. Elle vérifiera que l’offre formée par la collectivité reprend les clauses substantielles du contrat antérieur sauf si les dispositions régissant l’emploi des agents public ou les conditions générales de leur rémunération y font obstacle.