le 06/09/2018

Précisions du juge administratif sur la redevance R2 prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité

Par deux jugements rendus le 23 mai 2018, le Tribunal administratif de Nantes a apporté des précisions sur les termes T, B et E intervenant dans le calcul de la redevance d’investissement dite « R2 » prévue par les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité.

On rappellera, en effet, que les contrats de concession relatifs à la distribution publique d’électricité comportent une redevance R2 versée par le concessionnaire à l’autorité concédante en contrepartie des travaux réalisés sur le réseau de distribution publique d’électricité, et dans l’intérêt dudit réseau, sous maîtrise d’ouvrage publique (par l’autorité délégante ou ses collectivités adhérentes).

Cette redevance R2 est calculée par l’application d’une formule mathématique constituée de plusieurs termes et figure à l’annexe 1 du cahier des charges dans les contrats de concession établis sur la base du modèle négocié en 1992 par EDF et la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies.

Dans le cadre du premier litige soumis au Tribunal administratif de Nantes, c’est la question du terme T qui était en cause. Ce terme est contractuellement défini comme le « produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire de la concession, ayant fait l’objet de titres de recettes de l’autorité concédante l’année pénultième ; T ne peut toutefois être inférieur au produit net des taxes municipales sur l’électricité sur le territoire des communes rurales de la concession ». Le terme T vient en déduction de la formule de calcul, puisqu’il est soustrait aux autres termes.

On rappellera également que la taxe visée par le terme T est, actuellement, la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (ci-après, TCCFE) mentionnée à l’article L. 2333-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (ci-après, CGCT). Conformément à ce que prévoit l’article L. 5212-24 du CGCT, dans les communes et Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (ci-après, EPCI) de moins de 2000 habitants ainsi que dans les communes de plus de 2000 habitants ayant délibéré en ce sens, cette taxe est perçue par le Syndicat exerçant la compétence d’Autorité Organisatrice de la Distribution d’Electricité (ci-après, AODE). En revanche, dans les commune de plus de 2000 habitants, sauf délibération contraire, la taxe est perçue et conservée par la commune, et ce, même si elle a transféré sa compétence d’AODE à un Syndicat et ne l’exerce donc plus. Dans l’hypothèse où c’est le Syndicat qui perçoit la taxe, il dispose de la possibilité d’en reverser une fraction à ses communes et EPCI membres. On précisera enfin que des dispositions similaires sont prévues par le CGCT au profit des Métropoles, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés de communes lorsque ce sont elles qui exercent la compétence d’AODE, et non un Syndicat.

Dans cette affaire, étaient en cause trois contrats de concession conclus par trois communes ayant, ensuite, transféré leur compétence d’AODE ainsi que les contrats afférant à Nantes Métropole. Cependant, ces trois communes, de plus de 2000 habitants, avaient, malgré le transfert de leur compétence d’AODE à Nantes Métropole, décidé de continuer à percevoir elle-même et de conserver la TCCFE correspondant à leur territoire.

Ne percevant aucun montant de TCCFE au titre de ces trois communes, Nantes Métropole avait décidé, au titre de la redevance R2 des années 2014 et 2015, de ne déduire de la redevance R2 aucune somme au titre du terme T. La société Enedis a contesté ce raisonnement et introduit des recours en annulation contre ces deux titres exécutoire auprès du Tribunal administratif de Nantes.

Dans son jugement du 23 mai 2018, le Tribunal administratif censure ce raisonnement en considérant que « le montant de la redevance R2 doit être calculé en déduisant du montant des investissements réalisés par l’autorité concédante le produit des taxes communales sur la consommation finale d’électricité recouvrées respectivement sur le territoire des communes de Nantes, Rezé et Indre, alors même que ces communes ont émis les titres de recette en vue du recouvrement de ces taxes et qu’elles en conservent le produit ».

Ce faisant, le Tribunal s’en tient à une lecture stricte et littérale du cahier des charges qui ne prend pas en compte la situation de l’AODE qui ne perçoit pas la TCCFE. Nantes Métropole est donc ici doublement lésée puisque non seulement elle ne perçoit pas la TCCFE qui est conservée par les communes, mais elle doit de surcroit déduire le montant – qu’elle ne perçoit pourtant pas – du montant de la redevance R2 que lui verse le concessionnaire. Pourtant, ce n’était sans doute pas l’esprit de la formule de calcul de cette redevance.

Dans le second jugement rendu le 23 mai 2018, ce sont les termes E et B de la redevance de concession qui étaient en cause.

Le terme E est défini par le contrat de concession comme « le montant total hors TVA en francs des travaux d’investissement sur les installations d’éclairage public, mandaté par les collectivités exerçant la maîtrise d’ouvrage de ces travaux l’année pénultième. / Ce montant est déterminé par un état dressé par l’autorité concédante explicitant la situation, la nature et le montant des travaux réalisés. (…) ». En application de la formule de calcul prévue contractuellement, seul 30% due montant total est intégré dans la redevance R2.

La société Enedis contestait tout d’abord la prise en compte dans le calcul du montant total du terme E de dépenses d’investissement relatives aux dispositifs de télécommande et de programmation du réseau d’éclairage public « au seul motif qu’elles seraient par nature dissociables du réseau de distribution électrique concédé ». Toutefois, le Tribunal rejette cette argumentation en soulignant que « les parties ont entendu intégrer une part des dépenses d’investissement effectuées par le concédant et se rapportant au réseau d’éclairage public dans le formule de calcul de la redevance R2 en raison de l’existence d’ouvrages d’éclairage public indissociables des ouvrages de distribution électrique, lesquels peuvent partager un même support ou un fil conducteur commun » et que « les parties ont contractuellement admis que le forfait de 30 % du total des dépenses d’investissement effectuées sur le réseau d’éclairage public est réputé ne concerner que des ouvrages indissociables du réseau de distribution électrique ». Autrement dit, une autorité concédante n’a pas à démontrer que des travaux réalisés sur le réseau d’éclairage public seraient indissociables du réseau de distribution électrique pour pouvoir les intégrer dans le terme E.

Le Tribunal rejette également l’argumentaire de la société Enedis qui soutenait que les coûts afférant à la pose de fourreaux nécessaires au fonctionnement du réseau d’éclairage public devaient être exclus du terme E. Le Tribunal considère que « compte tenu de la localisation précise de ces fourreaux et de leur proximité avec les ouvrages d’éclairage public, la société Enedis ne peut être regardée comme contestant sérieusement que ces fourreaux sont effectivement destinés au réseau d’éclairage public ».

Le Tribunal rejette encore l’argument de la société Enedis qui souhaitait que soient déduites du montant du terme E les coûts correspondant aux protections mécaniques des candélabres, le juge considérant que ces protections sont « des équipements accessoires de ces ouvrages destinés à réduire le risque de leur endommagement, et ainsi, à en prolonger la durée d’utilisation ».

En revanche, le Tribunal fait droit à la demande de la société Enedis en tant qu’elle porte sur la déduction du terme E des frais de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique, de coordination sécurité et protection de la santé, dont la finalité n’aurait pas été justifiée par l’autorité concédante.

S’agissant des demandes présentées par la société Enedis sur le terme B, on rappellera que le terme B correspond au « montant total hors TVA en francs, mandaté au cours de l’année pénultième par les collectivités exerçant la maîtrise d’ouvrage, des travaux sur le réseau concédé financés en dehors des programmes aidés par le FACE ou de tout programme de péréquation répondant à la définition susvisée ».

En l’espèce, le juge fait droit à la demande présentée par la société Enedis en déduisant du montant du terme B certaines sommes dont Nantes Métropole n’aurait pas contesté qu’elles ne correspondaient pas « à des travaux dont elle a assuré la maîtrise d’ouvrage en qualité d’autorité concédante ». Ces travaux auraient, a priori, été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage du concessionnaire. Le Tribunal décide donc de défalquer ces sommes du montant du terme B.