le 30/08/2018

Droit à réparation du manque à gagner du fait de l’exclusion illégale du service d’astreinte

CE, 26 juillet 2018, M. A c/ CH de Clamecy, n° 410724

Pour les agents publics, l’accomplissement de service d’astreinte est bien souvent une source non négligeable de revenus complémentaire. Par conséquent, lorsque, pour des raisons de service, ils se trouvent exclus par leur hiérarchie de ce service d’astreinte, il n’est pas rare de les voir contester une telle décision, soit individuellement, soit dans le cadre de contentieux plus global, notamment en matière de harcèlement moral (v. par exemple, CAA Lyon, 12 avril 2010, Jebors, n° 08LY02601).

De telles contestations sont toutefois, la plupart du temps, vouées à l’échec, dès lors que, conformément à la règle applicable à tout élément du régime indemnitaire, l’agent n’a aucun droit à son maintien (CE, 27 mai 1992, Costes, n° 99702). Plusieurs juridictions du fond avaient notamment jugé, concernant des agents bénéficiant systématiquement d’indemnités rémunérant des heures supplémentaires effectuées chaque mois, qu’ils ne disposaient d’aucun droit au maintien d’une telle situation et de la rémunération qu’elle leur octroyait (CAA Bordeaux, 3 juillet 2017, M. A c/ Communauté d’agglomération du Grand Tarbes, n° 15BX03747 ; CAA Paris, 17 novembre 2015, M. C c/ ministre de la défense, n° 13PA04700 ; CAA Marseille, 3 novembre 2015, Mme A. c/ Lycée Rouvière, n° 14MA03411).

Il faut également préciser que la chambre sociale de la Cour de cassation a elle-même posé un principe similaire concernant les astreintes, rappelant que les salariés ne disposent d’aucun droit acquis à en effectuer (Cass. Soc., 10 octobre 2012, n° 11-10.454, n° 2132 FS-P+B).

Comme toujours dans de telles hypothèses où l’administration dispose d’un pouvoir quasiment discrétionnaire en l’absence de droit acquis de l’agent, il lui appartient de démontrer, devant le juge, que la décision a, à tout le moins, été motivée par l’intérêt du service (il en va ainsi, très classiquement, des mutations dans l’intérêt du service : CE, 5 avril 1991, Imbert-Quaretta, n° 96513, ou encore de la décision de ne pas renouveler un agent contractuel : CE, 4 juillet 1994, M. Arthur X., n° 118298).

C’est conformément à ces principes, en l’espèce, que le Tribunal administratif de Dijon avait annulé la décision par laquelle le requérant avait été exclu du service des astreintes, en l’absence de toute justification tirée de l’intérêt du service. 

Mais, saisis cette fois sur le plan indemnitaire, le même Tribunal, puis la Cour administrative d’appel de Lyon, avaient rejeté les demandes indemnitaires du requérant au motif que, si cette illégalité constituait bien une faute engageant la responsabilité de la collectivité employeur, le requérant ne pouvait prétendre à la réparation des pertes qu’il a subi du fait de l’exclusion du service d’astreinte, qui ne sont versées qu’en compensation d’un service effectivement accompli.

Le Conseil d’Etat censure cette motivation. Selon lui, si « l’exercice d’astreintes ne saurait constituer un droit, la cour n’a pu, sans erreur de droit, eu égard à la nature de l’illégalité constatée par le tribunal administratif et à l’autorité qui s’attachait à son jugement, exclure toute possibilité pour l’intéressé d’une indemnisation au titre du préjudice financier subi du fait des décisions fautives ». 

Le Conseil d’Etat reconnait ainsi l’exclusion illégale, car non motivée par l’intérêt du service, comme une faute susceptible d’obtenir à l’intéressé une indemnisation en réparation de la perte subie du fait de cette exclusion.

La question de l’importance d’une telle rémunération, et notamment du montant des indemnités d’astreinte non versées, reste en suspens, le Conseil d’Etat ayant renvoyé le jugement de cette question à la Cour administrative d’appel après censure du dispositif y afférent.