Transfert de bail HLM au travailleur handicapé

Au décès de son locataire, un bailleur HLM a assigné le fils de ce dernier en expulsion pour occupation sans droit ni titre.

Ce dernier a invoqué sa qualité de travailleur handicapé pour bénéficier du transfert de bail sur le fondement de l’article 40 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Pour rappel, ces dispositions prévoient qu’en matière de logement HLM non conventionné, comme c’était le cas en l’espèce, le demandeur au transfert de bail présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du Code de l’action sociale et des familles n’a pas à remplir les conditions de ressources pour l’attribution des logements sociaux et d’adaptation du logement à la taille du ménage pour en bénéficier.

La Cour d’appel, pour rejeter la demande de transfert en l’espèce, juge que la notion de personne handicapée au sens de l’article L. 114 susvisé coexiste certes avec celle de travailleur handicapé mais ne se confond pas avec elle et qu’en conséquence ce dernier devait remplir la condition de taille du ménage pour lui permettre de bénéficier du transfert du bail.

La Cour de cassation casse l’arrêt pour violation de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989, en ces termes :

« Le travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail bénéficie de l’exception prévue à l’article 40, I, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989 en faveur des personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles ».

Par cette interprétation large de la qualité de personne handicapée, la Cour de cassation permet une application plus souple des exceptions aux conditions à réunir pour bénéficier du transfert de bail.

QPC et promesse unilatérale de vente

La sanction, prévue par le législateur (l’article 1124, alinéa 2 du Code civil), permettant l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente, dans l’hypothèse où le promettant révoque sa promesse, pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l’option, n’est pas inconstitutionnelle.

La Cour de cassation a l’occasion de répondre à une question prioritaire de constitutionnalité relative au régime des promesses unilatérales de vente.

Ainsi, une société immobilière a consenti une promesse unilatérale de vente à une société bénéficiaire. Le bénéficiaire a assigné en perfection de la vente par la société promettante suite à la révocation de son engagement.

À l’occasion de cette action, les juges du fond saisissent la Cour de cassation, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Cette question porte sur l’article 1124, alinéa 2, du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, aux termes duquel « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

La question est de savoir si une telle disposition est contraire à deux normes :

  • Le principe de liberté contractuelle, tel qu’il découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
  • Le droit de propriété, garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La Cour de cassation refuse le renvoi devant le Conseil Constitutionnel de cette QPC.

La Cour de cassation considère que deux conditions ne sont pas réunies.

En premier lieu, la Cour de cassation considère que la question, « ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ».

En second lieu, la Cour de cassation refuse le caractère sérieux de la demande, car la promettante donne son consentement à un contrat « dont les éléments essentiels sont déterminés », de sorte « que la formation du contrat promis malgré la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire ne porte pas atteinte à la liberté contractuelle et ne constitue pas une privation du droit de propriété ».

En conséquence, le nouveau droit des obligations depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est confirmé par la Cour de cassation, mettant ainsi fin à la jurisprudence Consorts Cruz (Cass civ, 3ème,15 décembre 1993, n° 91-10199), aux termes de laquelle l’inexécution d’une promesse unilatérale de vente ne pouvait se résoudre qu’en dommages-intérêts.

Absence de suivi régulier de la charge de travail ? Nullité du forfait-jours

Une nouvelle fois, la Cour de cassation, saisie en l’espèce de la convention collective des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs, réaffirme et affine sa jurisprudence relative aux forfaits jours pour les forfaits conclus avant l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 aout 2016 (. Se poursuit ainsi la vérification au cas par cas des accords collectifs encadrant le recours aux forfaits jours, qui doivent organiser un suivi régulier de la charge de travail afin de prévenir les risques liés à l’excès de travail pour les salariés non soumis à la durée légale du travail et aux durées maximales de travail.

En l’espèce, le directeur général d’une association soumis au forfait jour prévue par l’article 9 convention collective des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs et des articles 2 et 3 de l’avenant n° 2 du 21 octobre 2004 relatif à l’aménagement du temps de travail avait été licencié et avait saisi la juridiction aux fins de voir condamner son ancien employeur de diverses demandes, et notamment en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaire, estimant que la convention de forfait en jours stipulée à son contrat était irrégulière pour les raisons suivantes :

  • elle fixait une durée de travail de 208 jours alors que la convention collective applicable prévoyait un maximum de 207 jours ;
  • les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées n’étaient pas prévues ;
  • aucun entretien individuel pour assurer le suivi de l’exécution de cette convention de forfait.

Débouté par la Cour d’appel de Reims le 10 mai 2017, les juges du fond retenant que le jour supplémentaire correspondait à la journée de solidarité ainsi et surtout la mauvaise foi du salarié qui avait selon eux, en sa qualité de directeur général, la charge de s’assurer du respect de la réglementation sociale par l’association et plus particulièrement celle relative à la durée du travail, le salarié se pourvoi en cassation.

Par arrêt du 6 novembre 2019, la Cour de cassation fait droit à la demande en paiement des heures supplémentaires du salarié et casse l’arrêt d’appel en relevant d’office que les dispositions de la convention collective ayant servi de base à la conclusion du forfait n’étant pas assez protectrice, la convention de forfait jour était nulle !

En l’espèce, les dispositions des articles 2 et 3 de l’avenant précité imposaient :

  • dans l’année de la conclusion de la convention, un examen conjoint, par la hiérarchie et le cadre concerné, de sa charge de travail et des éventuelles modifications à y apporter. Un compte rendu de cet entretien devait être établi et signé par le collaborateur et son manager ;
  • l’examen, lors chaque entretien professionnel annuel, de l’amplitude de la journée d’activité et de la charge de travail du salarié ;
  • un décompte mensuel des jours travaillés et des jours de repos établi par l’intéressé et visé par son supérieur hiérarchique.

Pour la Cour de cassation, ces garanties ne sont donc pas suffisantes dans la mesure où « elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ». L’employeur ne pouvant anticiper et être réactif, ces dispositions n’étaient pas donc pas nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié concerné restent raisonnables et que sa durée du travail soit bien répartie dans le temps.

Ainsi, la Cour de cassation s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence relative aux conventions de forfait jours dégagée depuis 2011 (Cass. soc. 29 juin 2011 no 09-71.107 FS-PBRI ; Cass. soc. 17 janvier 2018 no 16-15.124 F-PB) et confirme sa jurisprudence selon laquelle toute convention de forfait-jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires. A cette occasion, elle rappelle qu’est inopposable aux salariés l’accord collectif organisant le recours aux forfaits jours sans prévoir de suivi effectif et régulier du temps de travail du salarié par la hiérarchie, permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail (Cass. soc. 5 octobre 2017 no 16-23.106 FS-PB) et ce peu importe ses fonctions !

Si cette décision a été rendue relativement à une convention conclue avant l’entrée en vigueur de la loi Travail, l’exigence du suivi régulier de la charge travail des salariés s’appliquent aux conventions conclus postérieurement puisque ces mesures sont désormais prévues légalement et d’ordre public (C.trav., L. 3121-60).

Mise en place d’une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) obligatoire ou conventionnelle : caractère d’ordre public des modalités légales de désignation de ses membres

Dans un arrêt du 27 novembre 2019, la Cour de cassation fait une lecture stricte de l’article L. 2315-39 du Code du travail relatif aux modalités de désignation des membres d’une CSSCT dans le cadre de la mise en place conventionnelle de cette commission.

Pour rappel, la mise en place d’une CSSCT est obligatoire dans les entreprises et les établissements distincts d’au moins 300 salariés ainsi que dans certains établissements exerçant certaines activités spécifiques (C. trav., art. L. 2315-36). Lorsque sa mise en place n’est pas imposée par ces dispositions, une CSSCT conventionnelle peut être instaurée par accord collectif (C. trav., art. L. 2315-43).

Dans les deux cas, la CSSCT est aménagée par accord collectif (C. trav., art. L. 2315-41).

Cependant, l’article L. 2315-39 du Code du travail sur la portée duquel la Cour de cassation s’est prononcée prévoit que  « les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32 », soit à la majorité des membres présents.

Cet article figure parmi les dispositions d’ordre public.

Dans cette affaire, une société avait conclu un accord relatif à la mise en place du comité social et économique (CSE), prévoyant la mise en place d’une CSSCT conventionnelle. Cet accord reprenait les dispositions de l’article L. 2315-39 du Code du travail s’agissant des modalités de désignation des membres de la CSSCT à laquelle il a été procédé lors de la première réunion des membres du CSE.

Un syndicat a contesté ces désignations et en a sollicité l’annulation, ainsi que la suspension du fonctionnement de la commission. A ce titre, il soutenait qu’une résolution préalable fixant les modalités de désignation des membres de la CSSCT aurait dû être prise par le CSE comme l’auraient impliqué les dispositions conventionnelles, semblant ainsi avancer un raisonnement par analogie avec les règles applicables à la désignation de l’ancien CHSCT.

La Cour de cassation n’approuve pas cette solution. En effet, après avoir rappelé les dispositions d’ordre public de l’article L. 2315-39 précité, la Cour affirme que celles-ci sont applicables à la CSSCT qu’elle soit conventionnelle ou obligatoire.

Dans ces conditions, elle considère que les dispositions légales, reprises par l’accord collectif en cause, n’impliquent pas l’obligation d’adopter une résolution préalable du CSE fixant les modalités de la désignation des membres de la CSSCT, l’instance pouvant dès sa première réunion y procéder par l’adoption une résolution prise à la majorité.

La position de la Cour a ainsi pour conséquence d’interdire de prévoir des modalités de désignation différentes de celles prévues par la Loi, y compris lorsque la CSSCT n’est pas légalement obligatoire et mise en place par voie conventionnelle.

Code des procédures civiles d’exécution et expulsions qui relèvent du juge administratif

Saisi de contentieux relatifs à l’expulsion de deux étudiants de logements situés dans deux résidences universitaires appartenant au CROUS, le Conseil d’État juge, par deux décisions, que les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution relatives à « l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité » ne trouvent pas à s’appliquer lorsqu’est en cause une mesure d’expulsion qui relève de la compétence du juge administratif.

Le Conseil d’État a ainsi jugé que :

 

« 3. Aux termes de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution :  » Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux « . L’article L. 412-1 dispose que l’expulsion ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux. L’article L. 412-2 du même code donne au juge la possibilité de proroger ce délai pour une durée maximale de trois mois lorsque l’expulsion aurait des conséquences d’une dureté exceptionnelle pour la personne concernée, en raison de la période de l’année ou des circonstances météorologiques. Les articles L. 412-3 et L. 412-4 prévoient que le juge peut accorder aux occupants d’un lieu habité ou de locaux professionnels dont l’expulsion a été ordonnée des délais compris entre 3 mois et 3 ans lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. L’article L. 412-5 prévoit que l’huissier de justice informe le préfet, en même temps qu’il signifie le commandement de libérer les lieux, afin que le représentant de l’État puisse saisir la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. Aux termes de l’article L. 412-6 du même code :  » Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille […] « . Enfin, selon l’article L. 412- 7 du même code :  » Les dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-6 ne sont pas applicables aux occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants lorsque les intéressés cessent de satisfaire aux conditions en raison desquelles le logement a été mis à leur disposition […] « .

4. Les dispositions mentionnées au point 3, qui définissent les modalités selon lesquelles sont prises et exécutées les décisions d’expulsion relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, ne trouvent pas à s’appliquer lorsqu’est en cause l’expulsion d’un occupant d’un logement situé dans une résidence pour étudiants gérée par un CROUS, qui relève de la compétence du juge administratif ».

 

Le Conseil d’État étend ainsi à l’ensemble des procédures d’expulsion qui relèvent de la compétence des juridictions administratives la jurisprudence suivant laquelle les occupants sans titre de dépendances du domaine public ne peuvent pas se prévaloir, pour retarder la mise en œuvre effective de leur expulsion, des dispositions protectrices du code des procédures civiles d’exécution (CAA Bordeaux, 5 avril 2007, Commune de Montségur, req. n° 03BX01307 ; CAA Marseille, 11 octobre 2011, Sauteret, req. n° 09MA02584).

Les décisions d’expulsion prononcées par le juge administratif, en référé comme au fond, peuvent donc être exécutées bien plus aisément que celles prononcées par le juge judiciaire : il n’est notamment pas nécessaire pour l’huissier de délivrer un commandement de quitter les lieux, et on peut également relever qu’il n’existe pas de « trêve hivernale ».

Cessions à vil prix entre personnes publiques : une légalité subordonnée à l’existence d’un intérêt général et à des contreparties suffisantes

Par plusieurs décisions du 9 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé que les cessions entre personnes publiques tout comme les cessions au profit de personnes privées, à un prix significativement inférieur à la valeur du marché, ne sont légales qu’à la condition d’être réalisées dans un but d’intérêt général et d’être affectées de contreparties suffisantes.

Si ce principe, dégagé pour la première fois par le Conseil d’État dans une décision Commune de Fougerolles (CE, 3 novembre 1997, req. n° 169473), est bien connu des collectivités lorsqu’il s’agit de cessions au profit de personnes privées, il vient sans doute moins immédiatement à l’esprit lorsqu’il s’agit d’une cession entre personnes publiques.

Le Conseil d’État avait pourtant expressément fait application de ce principe à une cession entre personnes publiques dans une décision de 2012 (CE, 15 mai 2012, Hayart, req.
n° 351416).

Mais aucune autre décision n’était ensuite venue, à notre connaissance, rappeler expressément ce principe. Et la doctrine soulignait que les juridictions administratives portaient un regard plutôt souple sur le sujet (P. Yolka, « Les contrats administratifs de vente immobilière entre personnes publiques », AJDA, 2016, p. 1749), si bien que le sujet semblait quelque peu neutralisé.

La Cour administrative d’appel de Lyon réaffirme donc ici le principe, sans toutefois le cantonner aux cessions entre personnes publiques, et sans reprendre exactement le considérant de principe des dernières décisions du Conseil d’État sur les cessions au profit de personnes privées (voir notamment CE, 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, req. n° 375577). Elle indique ainsi que :

« La cession d’un bien immobilier appartenant au domaine privé d’une personne publique ne peut, en principe, être consentie qu’à un prix correspondant à la valeur réelle de ce bien et, dans l’hypothèse où le prix fixé serait significativement inférieur à cette valeur, elle doit être justifiée par des motifs d’intérêt général et assortie de contreparties suffisantes ».

Faisant ensuite application de ce considérant, la Cour juge que l’opération immobilière mise en œuvre par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), par la voie de laquelle il va céder à deux établissements publics de logements 180 logements à un prix très inférieur à celui du marché, satisfait ces deux conditions.

Elle indique plus précisément que l’intérêt général découle de la circonstance que la Métropole de Lyon est tout à la fois en charge du service public de lutte contre les incendies et du service public du logement social, et que tant le SDIS (vendeur) que les deux établissements de logements (acheteurs) sont financés par elle et placés sous son contrôle. La Cour ajoute que bien que la mission de service public de logement social ne relève pas directement de la compétence du SDIS, il est toutefois ici un intérêt général à la réalisation d’une telle cession en considération du contexte rappelé.

Elle juge par ailleurs que la contrepartie peut être constituée par la circonstance que sans la cession, la SDIS, qui ne souhaite plus affecter les logements cédés à ses agents, aurait supporté « une charge financière excessive sans la moindre contrepartie en raison, notamment, des charges grevant ces immeubles et du coût de leur entretien ». Et, de ce point de vue, la décision est éclairante : si le Conseil d’État avait semble-t-il déjà retenu une contrepartie de cette nature (CE, 28 février 2007, Commune de Bourisp, req. n° 279948 ; CE, 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, req. n° 375577), il était toutefois permis de s’interroger sur la portée de ces décisions qui n’étaient pas explicites sur le sujet, notamment parce qu’elles semblaient confondre ce critère avec celui attaché à l’intérêt général.

Quels critères appliquer aux ateliers-logements ?

Par une question écrite n° 21296, publiée le 9 juillet 2019, au Journal Officiel de l’Assemblée nationale, Monsieur le Député Bertrand BOUYX a attiré l’attention du ministre en charge du Logement « […] sur les dysfonctionnements pesant sur les dispositifs d’ateliers-logements, notamment au regard de leur remise en disponibilité à la suite du décès de l’artiste auteur, ainsi que du relogement de la famille du défunt ».

Pour mémoire, les ateliers-logements se définissent comme « des entités constituées d’un logement pour un artiste auteur bénéficiaire et sa famille, accolé à un lieu de travail adapté à son exercice professionnel » et sont « considérés comme des logements sociaux simples ».

Il est ainsi demandé au ministre en charge du Logement de préciser « […] la définition administrative et juridique de l’atelier-logement afin de permettre aux artistes-auteurs de se loger décemment et d’exercer leur profession dans des conditions adaptées. Par ailleurs, il lui demande quelles solutions il entend donner au problème de ré-affection des ateliers-logements aux artistes-auteurs en activité, et de relogement des familles des artistes-auteurs défunts, en tenant compte du stock d’œuvres et d’archives dont elles ont la charge ».

Le ministre en charge du Logement a, par une réponse publiée le 15 octobre 2019 au Journal Officiel, préalablement rappelé que « [s]i ces « ateliers-logements » peuvent avoir diverses formes, […] les logements relèvent de la législation relative aux baux d’habitation. Lorsque le logement atelier appartient à un bailleur social, il doit, comme tout logement du parc locatif social, être attribué sous conditions de ressources. De même, dans le cadre des rapports locatifs dans le parc social, le droit commun domine ».

Dès lors, le ministre chargé du Logement a précisé qu’« au décès d’un artiste-auteur, son conjoint ou ses descendants restent de droit dans les lieux en qualité de co-titulaire du bail ou de bénéficiaire d’un transfert de bail, même s’ils n’ont pas eux-mêmes la qualité d’artiste-auteur ».

Cependant, il est possible, à la suite du décès de l’artiste-auteur, de libérer l’atelier-logement et de l’attribuer à un autre artiste-auteur ; étant précisé que le bailleur doit, pour ce faire, « […] proposer un relogement adapté aux besoins de la famille du défunt dans le parc locatif social [en prenant] en compte à titre principal la composition du ménage et ses ressources et non les besoins en matière de stockage d’œuvres ou d’archives dont la conservation ne relève pas du logement ».

A toutes fins utiles, le ministre chargé du Logement a relevé que l’article 109 de la loi ELAN du 23 novembre 2018, créant l’article L. 442-5-2 du Code de la construction et de l’habitation, prévoit désormais « […] l’examen par le bailleur social des conditions d’occupation des logements situés dans les zones tendues, tous les trois ans à compter de la date de signature du contrat de location » et ainsi d’en conclure que « [c]ette mesure devrait permettre une meilleure adéquation entre les logements et leurs occupants, et favoriser la mobilité au sein du parc social ».

Etat d’enclave : la renonciation à une servitude légale de passage conventionnellement aménagée n’est pas opposable aux nouveaux propriétaires

Le 24 octobre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si l’acquéreur d’une parcelle enclavée peut se voir opposer la renonciation d’un précédent propriétaire au bénéfice de la servitude de passage conventionnellement aménagée.

En l’espèce, un propriétaire avait procédé à la division d’un fonds ; en étaient issues deux parcelles, aujourd’hui propriété de M. et Mme Z, une parcelle, propriété de M. Y, et trois parcelles, appartenant à une SCI ; M. et Mme Z avaient assigné M. Y, aux droits duquel se trouvaient ses héritières, ainsi que la SCI, en désenclavement de leur fonds, en demandant, à titre principal, un passage par la parcelle appartenant à M. Y et, subsidiairement, la désignation d’un expert chargé d’examiner la possibilité d’un éventuel passage par la propriété de la SCI.

Pour rejeter l’ensemble des demandes, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait retenu que le précédent propriétaire, auteur de M. et Mme Z, avait volontairement enclavé les parcelles dont il avait fait l’acquisition lors la division du fonds originel, en renonçant, par acte du 13 décembre 2003, au bénéfice de la servitude de passage grevant les parcelles appartenant aujourd’hui à la SCI que l’héritière du propriétaire originaire lui avait consentie le 25 septembre 2001

La troisième chambre civile censure la décision au visa des articles 682 et 684 du code civil après avoir énoncé que l’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir opposer la renonciation d’un précédent propriétaire au bénéfice de la servitude légale de passage conventionnellement aménagée.

L’expulsion n’est pas une mesure disproportionnée eu égard à l’atteinte au droit de propriété

A la suite et dans la lignée de ses arrêts rendus les 17 mai 2018 (n° 16-15792) et 4 juillet 2019 (18-17119), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rend cette fois-ci un arrêt de principe, au sein duquel elle affirme une nouvelle fois le fait que l’ingérence résultant d’une mesure d’expulsion n’est pas disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété.

La 3ème chambre civile vise expressément les articles 544 et 545 du Code civil, ainsi que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1 du Protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, dont les dispositions protègent le droit de propriété.

Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation affirme clairement sa volonté de protéger le droit de propriété, lequel est garanti tant par des dispositions nationales que supra nationales, et opère un contrôle de proportionnalité favorable au propriétaire dont le bien fait l’objet d’une atteinte illicite.

La Cour de cassation rappelle en effet que, si une mesure d’expulsion caractérise bien une ingérence dans le droit au domicile de l’occupant sans droit ni titre, celle-ci est justifiée, dans la mesure où elle est l’unique mesure qui permette au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit :

« […] alors que, l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété […] ».

La CNIL met en demeure le ministère de l’Intérieur sur le traitement des données des radars-tronçons

L’arrêté du 13 octobre 2004 encadre le système de contrôle automatisé de la vitesse des véhicules sur un tronçon de route déterminé par un dispositif de lecture automatique de plaques d’immatriculation des véhicules (LAPI). Ce dispositif permet la collecte et le traitement de données de l’ensemble des véhicules qui circulent sur ce tronçon par le ministère de l’Intérieur. Plus précisément, les données collectées sont les clichés concernant le véhicule et ses passagers, le lieu, la date et l’heure des clichés, la voie de circulation du véhicule et enfin le numéro d’immatriculation du véhicule.

À l’occasion de trois contrôles sur place de septembre à décembre 2018, la CNIL a constaté plusieurs manquements relatifs aux durées de conservation et à la sécurité des données dans la mise en œuvre du traitement de données personnelles des radars-tronçons.

En conséquence, par une délibération en date du 12 novembre 2019, la CNIL a prononcé une mise en demeure à l’encontre du ministère de l’Intérieur et a décidé de la rendre publique en raison notamment du nombre important de personnes susceptibles d’être concernées et du risque particulier au regard du respect de la vie privée des personnes.

 

  1. Sur les manquements relatifs aux durées de conservation des données

Tout d’abord, lors de son contrôle, la délégation de la CNIL a constaté que les données des véhicules n’étant pas en infraction ont été conservés sur le radar contrôlé plus de 13 mois pour les numéros de plaques d’immatriculation complets et plus de 4 ans pour les numéros tronqués de deux caractères. Or, la CNIL rappelle que les numéros de plaques des véhicules n’ayant pas commis d’infraction ne doivent pas être conservés plus de 24 heures.

Ensuite, lors de son contrôle auprès du Centre national de traitement du contrôle automatisé de Rennes (ci-après le CNT), la délégation de la CNIL a constaté la présence de messages relatifs à des infractions, contenant les données des véhicules, conservés au CNT depuis plus de 13 ans. Or, l’autorité de contrôle rappelle que la durée de conservation de ces données, en cas d’infraction à la limitation de vitesse, ne doit pas dépasser 10 ans.

Enfin, la délégation de la commission a constaté que les messages en échec d’envoi au CNT étaient conservés plus de 3 ans, alors que la durée de conservation applicable à ces données n’est que d’un an. En effet, au-delà de cette durée d’un an, les contraventions non envoyées au CNT sont prescrites.

En conséquence, la CNIL met en demeure le ministère de l’Intérieur de respecter l’arrêté de 2004 en mettant en place un mécanisme de purge et en supprimant le stock de données qui ont été conservées plus longtemps que prévu.

 

  1. Sur le manquement à l’obligation d’assurer la sécurité des données personnelles

Sur l’obligation d’assurer la sécurité du traitement des données à caractère personnel, la CNIL constate trois manquements susceptibles de porter atteinte à la sécurité des traitements de données :

  • Un manque de robustesse des mots de passe de connexion au radar ;
  • Une traçabilité insatisfaisante des accès ;
  • Une gestion insuffisante des droits d’accès par le prestataire du ministère de l’Intérieur.

En conséquence, la CNIL demande au ministère de l’Intérieur de prendre toute mesure nécessaire pour garantir la sécurité des données.

 

Pour conclure, la CNIL donne un délai de trois mois au ministère de l’Intérieur pour se conformer à la loi « Informatique et Libertés » sur ces deux manquements. Si le ministère ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, la formation restreinte de la CNIL sera susceptible d’être saisie et pourra prononcer l’une des mesures correctrices prévues à l’article 20 de la loi « Informatique et Libertés ». Toutefois, la CNIL ne pourra pas prononcer une amende administrative puisqu’une telle sanction n’est pas applicable aux traitements mis en œuvre par les services de l’Etat.

Précision du Conseil d’Etat sur l’application du droit au déréférencement

Le 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat a rendu 13 arrêts relatifs à l’application du droit au déréférencement sur un moteur de recherche. Ces arrêts interviennent à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C-136/17 rendu le 24 septembre 2019 (voir notre précédente brève de novembre 2019 sur cet arrêt).

Dans une démarche pédagogique, le Conseil d’Etat accompagne la publication de ces décisions d’une fiche juridique précisant la portée de ces arrêts. Le Conseil d’Etat rappelle que le droit au déréférencement peut être obtenu par toute personne auprès de l’exploitant du moteur de recherche. En cas de refus de faire droit à cette demande, l’intéressé peut saisir soit le juge judiciaire, soit la CNIL. Si la CNIL refuse de faire droit à la demande de la personne concernée, cette dernière peut contester ce refus devant le Conseil d’Etat. Le juge administratif se prononcera alors en fonction des circonstances de droit et de fait applicables à la date à laquelle il statue.

Dans ces décisions du 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat expose la grille d’analyse que la CNIL doit suivre pour faire droit ou non à la demande de déférencement. En particulier, le Conseil d’Etat distingue trois cas de figure selon la nature des données personnelles dont il est question.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données personnelles non sensibles

Le Conseil d’Etat considère que la CNIL peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il existe un intérêt prépondérant du public à accéder à l’information dont il est question. En conséquence, la CNIL doit mettre en balance trois paramètres principaux selon :

  • Les caractéristiques des données personnelles en cause, c’est-à-dire la nature des données en cause, leur contenu, leur caractère plus ou moins objectif, leur exactitude, leur source, les conditions et la date de leur mise en ligne et les répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée ;
  • Le rôle social du demandeur en tenant compte de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société ;
  • Les conditions d’accès de l’information en cause en prenant en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée ainsi que le rôle qu’a, le cas échéant, joué cette dernière dans la publicité conférée aux données la concernant.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données personnelles sensibles

Le Conseil d’Etat considère que l’ingérence dans la vie privée des personnes est particulièrement grave. En conséquence, la CNIL doit apprécier de façon plus exigeante les paramètres liés aux caractéristiques des données personnelles en cause, au rôle social du demandeur et aux conditions d’accès de l’information.

En effet, le Conseil d’Etat considère que, dans ce cas de figure, l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne doit être strictement nécessaire à l’information du public.

En outre, le Conseil d’Etat estime que si les données sensibles ont été rendues publiques par la personne concernée, alors la CNIL doit analyser la demande comme si les données en question n’étaient pas sensibles.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données relatives à une procédure pénale

Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat reprend la grille d’analyse applicable aux données sensibles mais ajoute une obligation d’actualisation de la liste des résultats à la charge de l’exploitant du moteur de recherche.

En effet, le Conseil d’Etat estime que bien que le référencement de données relatives à une procédure pénale non actualisée soit légal, l’exploitant du moteur de recherche doit aménager la liste des résultats de telle sorte que celle-ci fasse d’abord apparaitre au moins un lien menant vers une page web comportant des informations à jour, afin que l’image en résultant soit fidèle à la situation judiciaire actuelle de l’intéressé.

Intervenant n’ayant pas la qualité de maître d’œuvre : pas de responsabilité pour manquement à son devoir de conseil

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage recherchait la responsabilité de l’entreprise chargée des travaux de consolidation et d’embellissement d’une station de pompage.

L’enjeu tenait au fait qu’une réception sans réserve avait été prononcée, mettant ainsi fin aux rapports contractuels entre le maitre d’ouvrage et ses constructeurs.

Outre une responsabilité recherchée sur le fondement de la garantie décennale, la responsabilité contractuelle de l’entreprise était recherchée, en sa prétendue qualité de maître d’œuvre, pour manquement à son devoir de conseil envers le maître d’ouvrage.

La Cour rappelle ici une jurisprudence constante en matière de responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (CE 7 mars 1980, Monge, Lebon 794, notamment) :

« la responsabilité d’un maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’il s’est abstenu d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ».

Avant d’écarter la qualité de maître d’œuvre à l’entreprise de travaux :

«  Il résulte de l’instruction que la société Temsol était titulaire d’un marché de travaux. Si la société AT Ingénierie avait été chargée de fournir les plans d’exécution, notamment les plans de coffrage des fondations, les plans d’implantation des micropieux, les plans d’armature des longrines et des têtes de pieux et les notes de calculs, et qu’elle avait indiqué dans son devis réaliser les études conjointement avec la société Temsol, il ne résulte pas de l’instruction que la société AT Ingénierie ou la société Temsol auraient été chargées d’une mission de maîtrise d’œuvre, comprenant notamment des éléments d’assistance à maîtrise d’ouvrage, d’autant qu’il résulte de l’instruction que l’Asa des Coteaux de Sioniac assurait la maitrise d’œuvre des travaux, ainsi que cela ressort de l’ordre de service n°1 du 17 mai 2004 de démarrage des travaux ».

En définitive, la Cour relève que la maîtrise d’œuvre des travaux était assurée par le maître d’ouvrage, de sorte que ce dernier n’était pas fondé à soutenir que l’entreprise avait cette qualité et aurait manqué à son obligation de conseil en ne l’informant pas des insuffisances des travaux qu’elle devait effectuer.

Ceci n’est pas sans conséquence dès lors que la responsabilité décennale de l’entreprise de travaux est également écartée car les désordres relevés proviennent de la conception initiale du bâtiment et non des travaux de consolidation réalisés par cette dernière.

Cette décision rappelle les difficultés qui peuvent survenir lorsque le maître d’ouvrage a également qualité de maître d’œuvre du projet.

Responsabilité décennale de l’architecte retenue malgré une mission très limitée

Dans une décision sévère du 21 novembre 2019 la Cour de cassation a de nouveau condamné un architecte sur le fondement de sa responsabilité décennale en raison de désordre affectant un ouvrage alors que sa mission se limitait à la demande de dépôt de permis de construire.

La Cour a en effet jugé que l’architecte, malgré l’étendue limitée de sa mission, doit prendre en compte les contraintes affectant le sol afin d’offrir au maître d’ouvrage un projet réalisable.

Il a ainsi été jugé « ayant retenu, à bon droit, que M. X…, auteur du projet architectural et chargé d’établir les documents du permis de construire, devait proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol, la cour d’appel, qui a constaté que la mauvaise qualité des remblais, mis en œuvre avant son intervention, était la cause exclusive des désordres compromettant la solidité de l’ouvrage, en a exactement déduit […] que M. X… engageait sa responsabilité décennale ».

La Cour a de ce fait rejeté purement et simplement le moyen soutenu par l’architecte selon lequel il n’était pas tenu de réaliser des travaux de reconnaissance des sols ni d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur la nécessité d’en réaliser.

Cette décision est dans la droite ligne des précédentes rendues par la Cour qui font de l’architecte le constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil dont la responsabilité décennale est quasi systématiquement retenue en cas de désordre de nature décennale et ce y compris lorsque sa mission est particulièrement limitée.

Marchés de travaux publics et précisions sur les conditions d’application de l’action en paiement direct du sous-traitant accepté

L’action en paiement direct du sous-traitant n’en finit plus de faire parler d’elle.

Par un arrêt rendu le 2 décembre 2019, le Conseil d’Etat est venu, à nouveau, préciser les conditions d’application de l’action en paiement direct du sous-traitant accepté.

Pour mémoire, la sous-traitance est régie par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dont les dispositions sont d’ordre public.

Il résulte des dispositions de l’article 6 de cette loi que, une fois accepté et ses conditions de paiement agrées par le maître d’ouvrage, le sous-traitant a droit au paiement direct par lui pour les prestations dont il assure l’exécution.

Encore faut-il que la demande en paiement direct formulée par le sous-traitant à l’encontre du maître d’ouvrage intervienne en « temps utile »…

 

 – En l’espèce et dans le cadre d’un marché public, un maître d’ouvrage a confié l’exécution de travaux de construction à une entreprise générale laquelle en avait sous-traité une partie.

L’entreprise générale a adressé un projet de décompte général de l’ensemble des travaux de son lot en ce compris ceux réalisés par son sous-traitant, intégrant notamment les surcoûts allégués par ce dernier au titre de l’allongement de la durée des travaux ainsi que des demandes de réclamation au titre de travaux supplémentaires.

Aux termes de son décompte général, le maître d’ouvrage a exclu ces réclamations.

Ce décompte a été contesté par le sous-traitant devant le Tribunal administratif de Grenoble lequel a rejeté ses demandes d’indemnisation.

La Cour administrative de Lyon a également rejeté l’appel formé à l’encontre de ce jugement et cette affaire a ainsi été portée devant le Conseil d’Etat.

 

 – Après avoir rappelé le contenu des dispositions des articles 6 et 8 de la loi du 31 décembre 1975 ainsi que celles de l’article 186 ter du code des marchés publics, le Conseil d’Etat a jugé que :

« Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché, et, dans le cas mentionné au deuxième alinéa de l’article 186 ter du code des marchés publics, au maître d’ouvrage. Une demande adressée après la notification du décompte général du marché au titulaire de celui-ci ne peut être regardée comme ayant été adressée en temps utile ».

A la lumière de ces dispositions, le Conseil d’Etat a donc considéré, en l’espèce, que le sous-traitant n’avait pas présenté de demande de paiement direct destinée au maître d’ouvrage avant que le décompte général ne soit adressé à l’entreprise générale, titulaire du marché, de sorte que la demande de paiement direct postérieure était tardive.

Ainsi, selon lui, la Cour administrative d’appel de Lyon, qui n’avait pas à rechercher si ce décompte général était devenu définitif, n’avait pas commis d’erreur de droit.

Cet arrêt fait écho à de précédentes décisions rendues en la matière aux termes desquelles les juridictions administratives avaient notamment précisé qu’une demande adressée avant l’établissement du décompte général et définitif du marché devait être considérée comme effectuée en temps utile (CE, 23 octobre 2017, n° 410235).

Désormais, les conditions d’application de l’action en paiement direct du sous-traitant accepté sont encore plus claires : la notification du décompte général fait obstacle à la demande de paiement direct qui serait formulée postérieurement par le sous-traitant auprès du maître d’ouvrage.

Indemnisation du candidat irrégulièrement évincé : le calcul du manque à gagner ne peut prendre en compte les éventuelles reconductions

Par sa décision du 2 décembre 2019 (req. n° 423936), le Conseil d’Etat apporte une importante précision sur la période qui doit être prise en compte lors du calcul du manque à gagner à hauteur duquel a droit à être indemnisé le candidat irrégulièrement évincé qui présentait une chance sérieuse de remporter le marché.

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait très clairement jugé que ce manque à gagner devait être déterminé en fonction « du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu » (CE, 8 février 2010, Commune de la Rochelle, req. n° 314075).

Par la suite, certaines juridictions du fond ont précisé que le manque à gagner ne pouvait pas se calculer en prenant en compte les périodes d’éventuelles reconductions, eu égard au fait que la reconduction n’est qu’une faculté que le pouvoir adjudicateur est libre de ne pas utiliser (CAA Nancy, 5 juillet 2016, Société Hygie-Serv, req. n° 15NC00330).

Cependant, par un arrêt du 6 juillet 2018 (req. n° 17NT01247), la Cour administrative d’appel de Nantes s’est inscrite à rebours de ce courant jurisprudentiel, en accordant à la Société Valeurs Culinaires, candidate irrégulièrement évincée de l’attribution d’un marché passé par le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine, une indemnisation de 200.000 euros correspondant à son manque à gagner calculé sur une durée de trois ans englobant la période d’exécution initiale de douze mois ainsi que les deux éventuelles reconductions de même durée.

Saisi par le groupement d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat souligne, dans sa décision du 2 décembre 2019, que lorsqu’il est saisi par une entreprise qui a droit à l’indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l’attribution d’un marché, il appartient au juge d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Et, il précise que dans le cas où le marché est susceptible de faire l’objet d’une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période d’exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d’éventuelles reconductions ».

Appliquant ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat annule partiellement l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes et ramène le montant de l’indemnisation devant être versée à la Société Valeurs Culinaires à la somme de 66.666,66 euros correspondant au manque à gagner calculé sur la seule période initiale de douze mois.

Application de la garantie décennale en cas de non-conformités aux normes parasismiques

Par un arrêt rendu le 19 septembre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir sur la question de la responsabilité des constructeurs en cas de non-respect aux normes parasismiques.

Il est vrai que la qualification de désordre de nature décennale applicable au non-respect de la règlementation parasismique n’est pas si évidente notamment au regard des dispositions de l’article 1792 du Code civil et du délai d’épreuve décennale.

Cependant, la Cour de cassation est ferme : les non-conformités aux normes parasismiques applicables aux modifications importantes des structures des bâtiments existants constituent un désordre de nature décennale.

 – Dans cette espèce, une SCI a entrepris la rénovation d’un immeuble en vue de la création de plusieurs appartements destinés à la location.

Les travaux ont été confiés par lots séparés à diverses entreprises assurées au titre de la garantie décennale.

En réponse à une demande de paiement formulée par une des entreprises au titre du solde de son marché, la SCI a sollicité une mesure d’expertise en arguant l’existence de désordres.

Aux termes de son rapport, l’Expert judiciaire a conclu à la non-conformité aux normes parasismiques.

 – Aux termes de son arrêt rendu le 27 février 2018, la Cour d’appel de Chambéry a considéré que le non-respect des normes parasismiques applicables constituait un désordre de nature décennale.

Plus précisément, cette dernière a retenu, en se plaçant à la date de la délivrance du permis de construire, que les normes parasismiques applicables au chantier litigieux étaient prévues par le décret n° 91-461 du 17 mai 1991 et l’arrêté du 29 mai 1997 et a considéré qu’il résultait de la combinaison de ces textes que ces normes parasismiques s’appliquaient d’une manière générale « aux modifications importantes des structures des bâtiments existants », de sorte que les travaux de rénovation réalisés par l’entreprise concernée, qui impliquaient précisément de telles modifications, étaient soumis à ces normes parasismiques.

La Cour a ainsi conclu à l’existence d’un désordre décennale résultant de la non-conformité des travaux entrepris aux normes parasismiques applicables et l’atteinte subséquente à la solidité de l’ouvrage.

– La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé en ces termes :

« Mais attendu qu’ayant relevé que le décret du 14 mai 1991, modifié par celui du 13 septembre 2000 rendait les normes parasismiques applicables aux modifications importantes des structures des bâtiments existants et constaté que les travaux réalisés par la SCI avaient apporté de telles modifications, la cour d’appel, qui en a exactement déduit que ces normes devaient s’appliquer, a légalement justifié sa décision […] ».

Cet attendu est clair : le non-respect des normes parasismiques (qui s’apprécie à la date de délivrance du permis de construire) entraine l’application de la garantie décennale.

Si cette qualification de désordre décennal n’est pas nouvelle, une attention particulière doit tout de même être portée aux prochaines décisions qui seront rendues en la matière.

 

 

Autoconsommation collective d’électricité : les organismes HLM sont concernés aussi

L’article 41 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, loi Energie Climat) a, entre autres mesures, consacré au profit des organismes d’habitations à loyer modéré la possibilité de « créer, gérer et participer à des opérations d’autoconsommation collective » d’électricité (nouvel art. L. 424-3 du Code de la construction et de l’habitation).

Pour mémoire, la notion d’autoconsommation individuelle d’électricité correspond au fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation de production. Et, l’autoconsommation peut également être collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals.

Toutefois, les dispositions des articles L. 315-2 et suivants et D. 315-1 et suivants du Code de l’énergie relatives à l’autoconsommation posent un certain nombre de conditions techniques et juridiques à la mise en œuvre de l’opération d’autoconsommation collective. En particulier, l’article L. 315-2 du Code de l’énergie impose au(x) producteur(s) et au(s) consommateur(s) participant à l’opération d’être réunis au sein d’une même personne morale. Or tel n’est en principe pas le cas d’un organisme d’habitations à loyer modéré et de ses locataires, rendant de ce fait nécessaire la création d’une structure juridique nouvelle s’ajoutant à l’organisme.

La loi Energie Climat a assoupli cette condition en considérant que lorsqu’une opération d’autoconsommation collective réunit un organisme d’habitations à loyer modéré et ses locataires, ledit organisme est regardé comme la personne morale organisatrice de l’opération visée par l’article L. 315-2 du Code de l’énergie (nouvel art. L. 315-2-1 du Code de l’énergie).

Le nouvel article L. 315-2-1 du Code de l’énergie impose par ailleurs au bailleur, selon le cas, une obligation d’information des locataires préalablement à l’engagement d’une opération d’autoconsommation collective ou, une obligation d’information des nouveaux locataires de l’existence d’un dispositif d’autoconsommation collectif au sein de l’immeuble. Les locataires ont la possibilité de refuser d’y participer, ou de décider de mettre un terme à leur participation.

Un décret en Conseil d’Etat doit encore apporter des précisions complémentaires et les opérations d’autoconsommation collectives que les organismes d’habitations à loyer modéré pourraient souhaiter engager demeurent soumises au respect des autres conditions, notamment techniques, posées par le Code de l’énergie.

Néanmoins, ces nouvelles dispositions pourraient offrir de nouvelles perspectives aux organismes d’habitations à loyer modéré en matière de politique de transition énergétique et de maîtrise de la consommation énergétique de leur parc immobilier.

Risque d’inconstitutionnalité de la révocation automatique des sursis disciplinaires en droit de la fonction publique

Par une décision QPC n° 2019-815 du 29 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a censuré le régime du sursis disciplinaire employé par l’ordre des experts comptables.

Dans son droit disciplinaire, l’ordre des experts comptables prévoyait que, dans un délai de cinq ans à compter du prononcé d’une peine assortie d’un sursis, l’infliction d’une nouvelle peine disciplinaire entrainait la révocation dudit sursis.

Sur le fondement du principe d’individualisation des peines qui découlent de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a estimé que l’automaticité de la révocation de ce sursis, sans qu’il ne soit prévu aucune possibilité, pour le juge disciplinaire, d’en écarter l’application, méconnait ce principe et est donc inconstitutionnel.

Or, on sait que le régime disciplinaire des fonctionnaires prévoit, dans les trois fonctions publiques, une révocation tout aussi automatique du sursis dont peut être assorti une peine d’exclusion temporaire de fonction (art. 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; art. 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; art. 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986).

Il faut donc évidemment s’attendre à voir le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de ces dispositions, en tant qu’elle prévoit la révocation automatique du sursis, soit soulevé dans les mois à venir.

Le succès d’un tel moyen n’est néanmoins pas acquis à ce stade. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel, pour considérer le caractère automatique de l’inconstitutionnalité, s’appuie sur deux arguments : d’une part, la révocation du sursis revêtait un caractère automatique pour toute sanction, quel que soit son quantum ; d’autre part, elle ne pouvait faire l’objet d’aucune modulation.

Or, si le second argument est valable en droit de la fonction publique, une nuance peut être apportée sur le second argument. Les dispositions précitées prévoient en effet que la révocation du sursis intervient automatiquement qu’en cas d’infliction d’une sanction d’exclusion temporaire de fonction d’un à trois jours, ou d’une sanction du deuxième ou troisième groupe.

La révocation n’est donc pas, à proprement parler, automatique pour toute nouvelle sanction, puisque l’infliction d’un avertissement ou d’un blâme ne l’entraine pas.

Reste à savoir quand le Conseil constitutionnel pourrait avoir l’occasion de trancher cette question étant donné que la révocation du sursis n’est finalement pas une mesure courante.

Quand un besoin de remplacement de personnel est qualifié de besoin permanent

Les articles 3-1 à 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoient les conditions dans lesquelles peut être dérogé au principe de l’emploi de fonctionnaires sur des emplois permanents des collectivités territoriales. L’article 136 de cette même loi fixe les conditions d’emploi de ces agents, et, s’agissant des agents des administrations parisiennes, l’article 55 du décret du 24 mai 1994 dispose que « les fonctions qui correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps non complet sont assurées par des agents non titulaires ». (des dispositions identiques existant pour la fonction publique territoriale).

L’enjeu pour des agents employés en qualité de « vacataires » de façon régulière est ainsi de faire reconnaitre l’existence d’un besoin permanent lié à l’exercice de leurs fonctions, afin de se voir reconnaître le statut d’agent contractuel.

Un agent ayant exercé pendant environ dix ans les fonctions de gardien remplaçant au sein de résidences gérées par le Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris (CASVP), principalement les weekends et jours fériés, a dans ces conditions demandé l’annulation de la décision mettant fin à ses fonctions et à ce qu’il soit enjoint de le réintégrer en qualité d’agent contractuel pour une durée indéterminée, ainsi qu’à ce que lui soit versées diverses sommes.

Le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision, enjoint le CASVP de réintégrer l’agent, et l’a condamné à lui verser la somme de 9144 euros.

Sur appel du centre action sociale et appel incident de l’agent, la Cour administrative d’appel de Paris a cependant condamné le CASVP à ne verser à l’agent que la somme de 2.000 euros en réparation de vacations non rémunérées, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d’injonction, et réformé le reste du dispositif du jugement. L’agent s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat, afin de se voir reconnaitre, comme l’avait jugé le Tribunal, la qualité d’agent contractuel.

Le Conseil d’Etat rappelle dans cet arrêt que « la circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n’a pas pour effet, à elle seule ; de lui conférer la qualité d’agent contractuel ». Le Conseil d’Etat rappelle ici sa jurisprudence Bakhtaoui (CE, 11 février 2013, req n°347145, aux tables)

Mais il précise aussi que « lorsque l’exécution d’actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l’administration, l’agent doit être regardé comme ayant la qualité d’agent non titulaire de l’administration ». Ainsi, il appartient désormais au juge administratif de rechercher si l’exécution d’actes multiples par un agent répond ou non à un besoin permanent.

En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que la Cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis dès lors que le requérant avait exercé pendant dix ans des fonctions de gardien remplaçant lorsque les agents titulaires occupant ces fonctions étaient en congés légaux, en repos hebdomadaires. Le Conseil d’Etat a donc jugé qu’en l’espèce, l’emploi occupé par le requérant correspondait bien à un besoin permanent du CASVP.

L’application de la prescription quadriennale aux demandes de reconstitution de carrière

L’arrêt commenté répond à la question de l’opposabilité de la prescription quadriennale aux demandes des agents revendiquant le bénéfice de reconstitutions de carrière, et ce au travers d’une demande de bénéfice de l’avantage spécifique d’ancienneté.

Dans cette affaire, des fonctionnaires de police avaient formulé une demande tendant à la reconstitution de leurs droits à l’avantage spécifique d’ancienneté. Cet avantage est versé aux fonctionnaires d’Etat affectés pendant une certaine durée dans un quartier urbain particulièrement sensible.

Cet avantage ne constitue pas une prime mais bien un droit statutaire.

La Cour a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Lyon opposant la prescription quadriennale en considérant que lorsqu’un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve dans les services accomplis par l’agent et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés.

Pour mémoire, lorsqu’un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis de l’intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivante chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés.

En revanche, lorsque la créance de l’agent porte sur la réparation d’une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l’exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée (CE, 6 novembre 2002, n° 227147 et n° 244410).

La Cour a considéré que la demande formulée par les agents ne constituait pas une prétention indemnitaire mais bien une demande de reconstitution carrière qui ne pouvait s’apparenter à un préjudice né de l’absence de versement.

Par ailleurs, si l’application à un fonctionnaire de son statut ne relève pas d’une créance mais du droit commun de la légalité, le juge administratif considère que les conséquences financières résultant d’une telle application sont susceptibles d’entrer dans le champ de la prescription quadriennale.

Selon la Cour, c’est donc à bon droit que le Tribunal a opposé la prescription quadriennale aux conséquences pécuniaires d’un avantage statuaire.