le 19/12/2019

Indemnisation du candidat irrégulièrement évincé : le calcul du manque à gagner ne peut prendre en compte les éventuelles reconductions

CE, 2 décembre 2019, Groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine, n° 423936

Par sa décision du 2 décembre 2019 (req. n° 423936), le Conseil d’Etat apporte une importante précision sur la période qui doit être prise en compte lors du calcul du manque à gagner à hauteur duquel a droit à être indemnisé le candidat irrégulièrement évincé qui présentait une chance sérieuse de remporter le marché.

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait très clairement jugé que ce manque à gagner devait être déterminé en fonction « du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu » (CE, 8 février 2010, Commune de la Rochelle, req. n° 314075).

Par la suite, certaines juridictions du fond ont précisé que le manque à gagner ne pouvait pas se calculer en prenant en compte les périodes d’éventuelles reconductions, eu égard au fait que la reconduction n’est qu’une faculté que le pouvoir adjudicateur est libre de ne pas utiliser (CAA Nancy, 5 juillet 2016, Société Hygie-Serv, req. n° 15NC00330).

Cependant, par un arrêt du 6 juillet 2018 (req. n° 17NT01247), la Cour administrative d’appel de Nantes s’est inscrite à rebours de ce courant jurisprudentiel, en accordant à la Société Valeurs Culinaires, candidate irrégulièrement évincée de l’attribution d’un marché passé par le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine, une indemnisation de 200.000 euros correspondant à son manque à gagner calculé sur une durée de trois ans englobant la période d’exécution initiale de douze mois ainsi que les deux éventuelles reconductions de même durée.

Saisi par le groupement d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat souligne, dans sa décision du 2 décembre 2019, que lorsqu’il est saisi par une entreprise qui a droit à l’indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l’attribution d’un marché, il appartient au juge d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Et, il précise que dans le cas où le marché est susceptible de faire l’objet d’une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période d’exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d’éventuelles reconductions ».

Appliquant ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat annule partiellement l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes et ramène le montant de l’indemnisation devant être versée à la Société Valeurs Culinaires à la somme de 66.666,66 euros correspondant au manque à gagner calculé sur la seule période initiale de douze mois.