le 19/12/2019

Intervenant n’ayant pas la qualité de maître d’œuvre : pas de responsabilité pour manquement à son devoir de conseil

CAA Bordeaux, 26 novembre 2019, n° 17BX02518

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage recherchait la responsabilité de l’entreprise chargée des travaux de consolidation et d’embellissement d’une station de pompage.

L’enjeu tenait au fait qu’une réception sans réserve avait été prononcée, mettant ainsi fin aux rapports contractuels entre le maitre d’ouvrage et ses constructeurs.

Outre une responsabilité recherchée sur le fondement de la garantie décennale, la responsabilité contractuelle de l’entreprise était recherchée, en sa prétendue qualité de maître d’œuvre, pour manquement à son devoir de conseil envers le maître d’ouvrage.

La Cour rappelle ici une jurisprudence constante en matière de responsabilité contractuelle du maître d’œuvre (CE 7 mars 1980, Monge, Lebon 794, notamment) :

« la responsabilité d’un maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’il s’est abstenu d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves ».

Avant d’écarter la qualité de maître d’œuvre à l’entreprise de travaux :

«  Il résulte de l’instruction que la société Temsol était titulaire d’un marché de travaux. Si la société AT Ingénierie avait été chargée de fournir les plans d’exécution, notamment les plans de coffrage des fondations, les plans d’implantation des micropieux, les plans d’armature des longrines et des têtes de pieux et les notes de calculs, et qu’elle avait indiqué dans son devis réaliser les études conjointement avec la société Temsol, il ne résulte pas de l’instruction que la société AT Ingénierie ou la société Temsol auraient été chargées d’une mission de maîtrise d’œuvre, comprenant notamment des éléments d’assistance à maîtrise d’ouvrage, d’autant qu’il résulte de l’instruction que l’Asa des Coteaux de Sioniac assurait la maitrise d’œuvre des travaux, ainsi que cela ressort de l’ordre de service n°1 du 17 mai 2004 de démarrage des travaux ».

En définitive, la Cour relève que la maîtrise d’œuvre des travaux était assurée par le maître d’ouvrage, de sorte que ce dernier n’était pas fondé à soutenir que l’entreprise avait cette qualité et aurait manqué à son obligation de conseil en ne l’informant pas des insuffisances des travaux qu’elle devait effectuer.

Ceci n’est pas sans conséquence dès lors que la responsabilité décennale de l’entreprise de travaux est également écartée car les désordres relevés proviennent de la conception initiale du bâtiment et non des travaux de consolidation réalisés par cette dernière.

Cette décision rappelle les difficultés qui peuvent survenir lorsque le maître d’ouvrage a également qualité de maître d’œuvre du projet.