le 19/12/2019

Risque d’inconstitutionnalité de la révocation automatique des sursis disciplinaires en droit de la fonction publique

CC, 29 novembre 2019, Décision n° 2019-815 QPC

Par une décision QPC n° 2019-815 du 29 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a censuré le régime du sursis disciplinaire employé par l’ordre des experts comptables.

Dans son droit disciplinaire, l’ordre des experts comptables prévoyait que, dans un délai de cinq ans à compter du prononcé d’une peine assortie d’un sursis, l’infliction d’une nouvelle peine disciplinaire entrainait la révocation dudit sursis.

Sur le fondement du principe d’individualisation des peines qui découlent de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a estimé que l’automaticité de la révocation de ce sursis, sans qu’il ne soit prévu aucune possibilité, pour le juge disciplinaire, d’en écarter l’application, méconnait ce principe et est donc inconstitutionnel.

Or, on sait que le régime disciplinaire des fonctionnaires prévoit, dans les trois fonctions publiques, une révocation tout aussi automatique du sursis dont peut être assorti une peine d’exclusion temporaire de fonction (art. 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; art. 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; art. 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986).

Il faut donc évidemment s’attendre à voir le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de ces dispositions, en tant qu’elle prévoit la révocation automatique du sursis, soit soulevé dans les mois à venir.

Le succès d’un tel moyen n’est néanmoins pas acquis à ce stade. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel, pour considérer le caractère automatique de l’inconstitutionnalité, s’appuie sur deux arguments : d’une part, la révocation du sursis revêtait un caractère automatique pour toute sanction, quel que soit son quantum ; d’autre part, elle ne pouvait faire l’objet d’aucune modulation.

Or, si le second argument est valable en droit de la fonction publique, une nuance peut être apportée sur le second argument. Les dispositions précitées prévoient en effet que la révocation du sursis intervient automatiquement qu’en cas d’infliction d’une sanction d’exclusion temporaire de fonction d’un à trois jours, ou d’une sanction du deuxième ou troisième groupe.

La révocation n’est donc pas, à proprement parler, automatique pour toute nouvelle sanction, puisque l’infliction d’un avertissement ou d’un blâme ne l’entraine pas.

Reste à savoir quand le Conseil constitutionnel pourrait avoir l’occasion de trancher cette question étant donné que la révocation du sursis n’est finalement pas une mesure courante.