le 19/12/2019

Cessions à vil prix entre personnes publiques : une légalité subordonnée à l’existence d’un intérêt général et à des contreparties suffisantes

CAA Lyon, 9 juillet 2019, Syndicat Sud-Solidaires des sapeurs-pompiers professionnels, n° 17LY00882

Par plusieurs décisions du 9 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé que les cessions entre personnes publiques tout comme les cessions au profit de personnes privées, à un prix significativement inférieur à la valeur du marché, ne sont légales qu’à la condition d’être réalisées dans un but d’intérêt général et d’être affectées de contreparties suffisantes.

Si ce principe, dégagé pour la première fois par le Conseil d’État dans une décision Commune de Fougerolles (CE, 3 novembre 1997, req. n° 169473), est bien connu des collectivités lorsqu’il s’agit de cessions au profit de personnes privées, il vient sans doute moins immédiatement à l’esprit lorsqu’il s’agit d’une cession entre personnes publiques.

Le Conseil d’État avait pourtant expressément fait application de ce principe à une cession entre personnes publiques dans une décision de 2012 (CE, 15 mai 2012, Hayart, req.
n° 351416).

Mais aucune autre décision n’était ensuite venue, à notre connaissance, rappeler expressément ce principe. Et la doctrine soulignait que les juridictions administratives portaient un regard plutôt souple sur le sujet (P. Yolka, « Les contrats administratifs de vente immobilière entre personnes publiques », AJDA, 2016, p. 1749), si bien que le sujet semblait quelque peu neutralisé.

La Cour administrative d’appel de Lyon réaffirme donc ici le principe, sans toutefois le cantonner aux cessions entre personnes publiques, et sans reprendre exactement le considérant de principe des dernières décisions du Conseil d’État sur les cessions au profit de personnes privées (voir notamment CE, 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, req. n° 375577). Elle indique ainsi que :

« La cession d’un bien immobilier appartenant au domaine privé d’une personne publique ne peut, en principe, être consentie qu’à un prix correspondant à la valeur réelle de ce bien et, dans l’hypothèse où le prix fixé serait significativement inférieur à cette valeur, elle doit être justifiée par des motifs d’intérêt général et assortie de contreparties suffisantes ».

Faisant ensuite application de ce considérant, la Cour juge que l’opération immobilière mise en œuvre par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), par la voie de laquelle il va céder à deux établissements publics de logements 180 logements à un prix très inférieur à celui du marché, satisfait ces deux conditions.

Elle indique plus précisément que l’intérêt général découle de la circonstance que la Métropole de Lyon est tout à la fois en charge du service public de lutte contre les incendies et du service public du logement social, et que tant le SDIS (vendeur) que les deux établissements de logements (acheteurs) sont financés par elle et placés sous son contrôle. La Cour ajoute que bien que la mission de service public de logement social ne relève pas directement de la compétence du SDIS, il est toutefois ici un intérêt général à la réalisation d’une telle cession en considération du contexte rappelé.

Elle juge par ailleurs que la contrepartie peut être constituée par la circonstance que sans la cession, la SDIS, qui ne souhaite plus affecter les logements cédés à ses agents, aurait supporté « une charge financière excessive sans la moindre contrepartie en raison, notamment, des charges grevant ces immeubles et du coût de leur entretien ». Et, de ce point de vue, la décision est éclairante : si le Conseil d’État avait semble-t-il déjà retenu une contrepartie de cette nature (CE, 28 février 2007, Commune de Bourisp, req. n° 279948 ; CE, 14 octobre 2015, Commune de Châtillon-sur-Seine, req. n° 375577), il était toutefois permis de s’interroger sur la portée de ces décisions qui n’étaient pas explicites sur le sujet, notamment parce qu’elles semblaient confondre ce critère avec celui attaché à l’intérêt général.