Contrôle du juge sur la compatibilité d’un arrêté préfectoral avec un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD)

Dans sa décision du 11 mars 2020, Société Valhydrau, n° 422704, le Conseil d’État a rappelé et précisé les exigences de compatibilité et conformité entre divers instruments du droit de l’eau, ainsi que l’office du juge dans son appréciation de ces exigences.  

Dans cette affaire, le préfet du département avait adopté un arrêté autorisant la société Valhydrau à disposer de l’énergie de la rivière La Bonne et valant règlement d’eau relatif à l’exploitation d’un aménagement hydroélectrique. Les associations requérantes demandent l’annulation de cet arrêté et soutiennent que celui-ci n’est pas compatible avec le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), dès lors que l’un de ses objectifs interdit tout nouvel aménagement hydroélectrique sur ce sous-bassin versant.  

Le Conseil d’État rappelle les relations de compatibilité et de conformité entretenues entre les différents instruments de planification de l’eau. Ainsi, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE, composé d’un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) et d’un règlement, qui doit être compatible avec le SDAGE. Toute décision administrative prise dans le domaine de l’eau doit être compatible avec le SDAGE et avec le PAGD du SAGE, alors que les décisions administratives prises au titre de la police de l’eau doivent être conformes au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques.  

En premier lieu, la Haute juridiction précise le régime juridique des SAGE ayant été adoptés avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi sur l’eau. Selon le Conseil d’État, « L’article L. 212-10 du code de l’environnement a pour objet de permettre, dans les conditions et limites qu’il prévoit, que les SAGE déjà approuvés ou en cours d’élaboration lors de la promulgation de la [loi sur l’eau] relèvent du régime prévu par cette loi pour les futurs SAGE ». Le SAGE approuvé en application du I de l’article L. 212-10 constitue alors un PAGD, qui doit être complété par un règlement dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la loi sur l’eau. Le PAGD demeure néanmoins applicable même s’il n’a pas été complété par un règlement dans ce délai.  

En second lieu, le Conseil d’État définit le contrôle que doit exercer le juge pour apprécier la compatibilité entre une décision administrative prise dans le domaine de l’eau et le PAGD du SAGE : « Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier ». Cette position avait déjà été adoptée par le Conseil d’État dans son arrêt du 25 septembre 2019, ASA de Benon, n° 418658.  

Il en résulte que le juge ne peut apprécier la compatibilité entre une décision administrative prise dans le domaine de l’eau et le PAGD d’un SAGE en se fondant sur un objectif particulier de celui-ci : son analyse doit être globale. En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait annulé l’arrêté litigieux au motif de sa non-adéquation avec l’objectif d’interdiction de tout nouvel aménagement hydroélectrique. Le Conseil d’État rejette cette argumentation et juge que, « En se fondant sur la non adéquation de l’arrêté litigieux avec un objectif particulier du SAGE et non sur une analyse globale à l’échelle du territoire pertinent et au regard de l’ensemble des objectifs et orientations fixés par le schéma, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ». 

Détermination de l’étendue du pouvoir règlementaire des Agences de l’eau pour l’octroi de concours financiers

Par un arrêt Syndicat des industries et entreprises françaises de l’assainissement autonome du 11 mars 2020, n° 426366, classé en A, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’étendue du pouvoir règlementaire dont sont titulaires les Agences de l’eau pour l’octroi de concours financiers. 

En effet, en application des articles L. 213-8-1 et suivants du Code de l’environnement, les Agences de l’eau sont dotées d’un programme pluriannuel d’intervention, lequel détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en œuvre (article L. 213-9-1). L’article L. 213-9-2 précise en outre que, dans le cadre de ces programmes, l’agence de l’eau « apporte directement ou indirectement des concours financiers sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables aux personnes publiques ou privées » et, en application de l’article R. 213-39, cette compétence est exercée par le conseil d’administration.  

La question qui était posée dans le cadre de cet arrêt était celle de savoir quelle était l’étendue du pouvoir règlementaire des Agences de l’eau sur les conditions d’octroi de leur concours financier : peuvent-elles en déterminer les règles et conditions d’attribution ou doivent-elles se contenter d’en fixer les lignes directrices en considérant que toute demande de financement contribuant à ses missions et objectifs est, a priori, éligible ? 

Dans cette espèce, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne avait modifié la fiche définissant les conditions d’éligibilité aux aides relatives aux études de sol et de filières d’assainissement non collectif réalisées soit préalablement à des réhabilitations de ces installations, soit à l’occasion de réhabilitations d’habitations neuves, à laquelle était annexé un cahier des charges type.  

Le Conseil d’Etat a jugé que « les agences de l’eau disposent d’un pouvoir règlementaire pour déterminer, dans la limite des missions qui leur sont fixées par la loi, les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d’avances remboursables. Cette compétence doit être exercée, en vertu de l’article R. 213-39 du code de l’environnement cité ci-dessus, par leur conseil d’administration ». 

Il en résulte que les agences de l’eau, par leur conseil d’administration, disposent d’un pouvoir règlementaire étendu pour déterminer les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d’attribution des concours financiers qu’elles octroient, qui ne se limite pas à la définition de lignes directrices.  

La délibération litigieuse de l’Agence de l’eau a néanmoins été jugée illégale dès lors que le conseil d’administration n’avait pas débattu ni approuvé le cahier des charges annexé à la fiche. 

Un décret reconnaît le droit aux préfets de déroger aux normes réglementaires pour motif d’intérêt général

Le Gouvernement a décidé d’entériner l’expérimentation conduite depuis le 1er janvier 2018 permettant aux préfets de déroger aux normes réglementaires dans certains domaines. Cette expérimentation, qui a été conduite pendant deux ans dans sept départements métropolitains et trois territoires d’outre-mer, a été considérée comme concluante par le Gouvernement qui pérennise donc, par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, la possibilité pour les préfets de région et de département en métropole et les autorités identifiées à l’article 4 du décret dans les territoires d’outre-mer, de déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour un motif d’intérêt général pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence.  

Soulignons ainsi que le préfet ou l’autorité désignée à l’article 4 du décret ne peut déroger qu’à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat, c’est-à-dire des normes réglementaires étatiques, à l’exclusion donc par exemple des lois ou des normes européennes. Ces dérogations ne peuvent en outre être prises qu’en vue de prendre des décisions non réglementaires et strictement dans le respect de la compétence de l’autorité qui en est à l’origine. 

Ce dispositif vise à permettre aux préfets ou aux autorités désignées à l’article 4 de tenir compte de certaines circonstances locales dans les matières identifiées par le décret, parmi lesquelles l’environnement, l’agriculture et les forêts (article 1er, 3°).  

L’article 2 du décret prévoit quatre conditions devant être remplies afin de mettre en œuvre la dérogation. Tout d’abord, la dérogation doit être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales. Ensuite, elle doit avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques. La dérogation doit par ailleurs être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France et, enfin, ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. 

Il est par ailleurs précisé que la décision de déroger doit prendre la forme d’un arrêté motivé, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en métropole, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, du haut-commissariat en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie et de l’administration supérieur dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.   

Il est à noter que le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur le décret expérimental de 2017 et a jugé, par une décision du 17 juin 2019 (n° 421871) que, contrairement à ce que soulevait l’association requérante, le décret ne méconnaissait pas le principe de non-régression prévu à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, dans la mesure où il ne permettait « pas de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi tel que le principe de non-régression ». Toutefois, et malgré cette décision, ce décret fait l’objet de critiques, notamment de la part d’associations environnementales, qui craignent une protection moins efficace de l’environnement. 

Adoption par le Sénat du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée

Le Sénat a adopté, le 3 mars 2020, le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, présenté par le Gouvernement en Conseil des Ministres le 29 janvier dernier et dont l’un des objectifs est de réformer la justice pénale environnementale par la création de spécialisations au sein de certains tribunaux judiciaires et d’une convention judiciaire écologique.   

L’article 8 du projet de loi, que nous avions détaillé dans notre LAJEE de février, a été adopté sans modification par le Sénat. Pour rappel, cet article est relatif d’une part à la convention judiciaire d’intérêt public pouvant être conclue entre le Procureur de la République et une personne mise en cause au titre des délits prévus au Code de l’environnement et des infractions connexes tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement et, d’autre part, la création de pôle régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement.  

Le Sénat a cependant voté l’ajout de deux nouveaux articles relatifs à la justice environnementale, les articles 8 bis et 8 ter.  

Le nouvel article 8 bis prévoit l’ajout d’un III à l’article L. 173-1 du Code de l’environnement et ainsi de punir de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait « après la cessation d’activités d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage, de ne pas de conformer aux obligations de remise en état ou d’une surveillance prescrite par l’autorité administrative en application des articles L. 171-7 et L. 171-8 ». Cet article propose ainsi de créer une nouvelle sanction pénale visant à condamner les anciens exploitants d’installations et ouvrages ne respectant pas leurs obligations de remise en état ou de surveillance des sites anciennement exploités.   

Le nouvel article 8 ter, quant à lui, propose de compléter l’article L. 218-84 du Code de l’environnement en insérant un nouvel alinéa prévoyant de rendre applicables les dispositions de l’article L. 218-30 « au navire qui a servi à commettre l’infraction définie au premier alinéa du présent article ». Il s’agirait dès lors de permettre d’immobiliser, aux frais de l’armateur et sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi, un navire ayant rejeté des eaux de ballast en infraction à l’article L. 218-83.   

Le texte est actuellement en première lecture devant l’Assemblée nationale.  

Recours en contestation de la validité d’un contrat administratif : l’intérêt à agir des contribuables locaux précisé par le Conseil d’Etat

Conclusions Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique

C’est un arrêt important que le Conseil d’Etat a rendu le 27 mars dernier à propos d’un recours en contestation de la validité d’un contrat administratif (autrement appelé recours « Tarn-et-Garonne ») formé par des tiers, en l’espèce des contribuables locaux et usagers du service public de la distribution d’électricité. 

Depuis sa décision Département de Tarn-et-Garonne (CE Ass., 4 avril 2014, req. n°358994), tout tiers à un contrat administratif (y compris les concurrents évincés) peut former un recours contestant la validité d’un contrat administratif sous réserve qu’il démontre être lésé dans ses intérêts « de façon suffisamment directe et certaine » par la passation ou les clauses du contrat et qu’il invoque des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé en cause ou suffisamment graves. 

Compte tenu des garde-fous ainsi posés par le Conseil d’Etat tant au niveau de l’intérêt pour agir des tiers qu’au niveau de l’opérance des moyens, l’accès au juge du contrat était rendu difficile en pratique pour certains tiers, en particulier les contribuables locaux, privés par ailleurs, depuis cette jurisprudence Tarn et Garonne, de la possibilité de contester les actes détachables d’un contrat par la voie du recours pour excès de pouvoir. 

Il faut tout d’abord relever que, dans cette affaire, les requérants avaient obtenu, à la faveur justement d’un recours pour excès de pouvoir, introduit en 2011, l’annulation des actes détachables du contrat de concession du service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés de vente qui avait été signé entre la Communauté urbaine du Grand Nancy et les sociétés ERDF et EDF.  

A l’appui de ce recours, les requérants avaient à l’époque contesté la légalité de deux clauses importantes du contrat de concession, l’une relative à la propriété des compteurs électriques communicants et l’autre relative à l’indemnité de fin de contrat due au concessionnaire.  

Par un arrêt rendu le 12 mai 2014, que nous avions commenté, la cour administrative d’appel de Nancy avait jugé illégales les clauses contestées. Cette décision avait alors conduit les parties à régulariser les clauses litigieuses par voie d’avenant signé le 25 février 2015. 

S’agissant des compteurs Linky, si l’avenant les avait finalement inclus dans la liste des ouvrages concédés, il excluait toujours des ouvrages concédés les dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage de flux électriques, d’injection et de soutirage, qui viendraient à être installés par le concessionnaire sur le réseau concédé pendant la durée du contrat de concession.   

De plus, s’agissant de l’indemnité de fin de contrat, la seconde clause de l’avenant critiqué était venue modifier l’article 31 B du cahier des charges de la concession afin de calculer l’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat à partir de la différence entre le montant non amorti de sa participation au financement des ouvrages de la concession, réévaluée par référence au taux moyen de rendement des emprunts obligatoires calculé par l’INSEE (couramment appelé le TMO). 

Toutefois, cet avenant ayant été jugé insuffisant par les requérants, ces derniers avaient contesté celui-ci devant le tribunal administratif de Nancy dans le cadre d’un recours « Tarn-et- Garonne », désormais seul possible. 

Par un jugement en date du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy avait rejeté leur recours comme irrecevable, lequel avait ensuite été confirmé par la cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt du 16 octobre 2018. 

C’est contre cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, ayant adopté une approche qu’ils jugeaient restrictive de leur intérêt à agir, que les requérants avaient formé un pourvoi en cassation. 

Entre temps on précisera que la Métropole du Grand Nancy s’est substituée à la Communauté Urbaine du Grand Nancy et la société ERDF est devenue Enedis.   

Statuant sur ce pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat, en chambres réunies, rappelle tout d’abord que les contribuables locaux sont recevables à former un recours à l’encontre d’un contrat administratif à la condition « d’établir que la convention ou les clauses dont ils contestent la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité ».  

Faisait application de ce principe au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que, pour dénier tout intérêt à agir  aux requérants, la cour administrative d‘appel de Nancy avait considéré que les clauses contestées n’affectaient pas de façon significative les finances ou le patrimoine de la métropole au motif  d’une part, que la mise en œuvre de la clause qui excluait  du champ des ouvrages concédés certains dispositifs avait un caractère « aléatoire » et d’autre part, que la clause relative à la rupture anticipée du contrat avait un caractère « incertain ».  

Suivant les conclusions de la Rapporteure publique, Madame Mireille Le Corre, le Conseil d’Etat juge que la Cour a commis une erreur de droit en écartant l’intérêt à agir des requérants en opérant ce raisonnement.  

Selon le Conseil d’Etat, « le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses [est] par lui-même dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante ».   

Dès lors la Cour ne pouvait se fonder sur le caractère aléatoire du déploiement des dispositifs exclus de la liste des ouvrages concédés pour dénier tout intérêt à agir aux requérants.  

Sur ce point il est intéressant de relever que dans ses conclusions la Rapporteure publique a souligné l’importance d’une classification cohérente des ouvrages en biens de retour, d’autant plus en présence de biens (les compteurs en l’espèce) ayant de fortes chances de faire l’objet d’évolutions technologiques dans les prochaines années : « Si certains équipements n’ont pas le caractère de biens de retour, l’autorité concédante devra les racheter à l’issue de la concession, avec un effet sur les finances locales. Or, sur un contrat d’une durée si longue, il est fort probable que les évolutions technologiques et scientifiques conduiront à de nouveaux dispositifs, du moins cela n’est pas une hypothèse purement théorique ou dénuée de sens, sauf à considérer que cette clause était dépourvue de toute portée ».  

De même, la Cour ne pouvait exclure l’intérêt à agir des requérants en se fondant sur le caractère hypothétique de la clause relative à la rupture anticipée du contrat de concession eu égard au  monopole légal conféré aux concessionnaires et à la longue durée du contrat «  alors qu’au vu des évolutions scientifiques, techniques, économiques et juridiques propres au secteur de l’énergie, des modifications d’une telle concession sont probables au cours de la période couverte par le contrat et pourraient notamment nécessiter la mise en œuvre des clauses critiquées ».  

Sur ce point, la Rapporteure publique a souligné dans ses conclusions les spécificités des concessions de distribution publique d’électricité ainsi que les modifications importantes que le secteur a connu durant les dernières années dans les termes suivants : « […]les évolutions des dernières décennies dans le champ de l’énergie montrent que ce domaine est loin d’être immuable et que des ruptures anticipées liées à l’évolution du droit national ou communautaire, par exemple, ne sont pas un fantasme […] ». 

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait commis deux erreurs de droit s’agissant de l’appréciation de l’intérêt à agir des requérants en leur qualité de contribuables locaux de la Métropole du Grand Nancy. 

On observera que la Métropole du Grand Nancy avait opposé une fin de non-recevoir au pourvoi des requérants dans la mesure où elle avait depuis signé un nouveau contrat de concession avec ses concessionnaires et ainsi résilié de manière anticipée le contrat de concession contesté.  Elle concluait qu’en conséquence, il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours formé par ses contribuables locaux. Confirmant une jurisprudence constante sur ce point, le Conseil d’Etat juge néanmoins que « la circonstance que le contrat de concession ait été résilié n’est pas de nature à priver d’objet le présent pourvoi ». 

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy et renvoyé les parties au litige, à nouveau, devant cette Cour. 

 

Emprise irrégulière : obligation de vérifier la possibilité réelle de régulariser qui aurait existé à la date de l’emprise

Propriétaires d’une parcelle sur laquelle était implanté un transformateur électrique, M. et Mme H. ont, sans succès, demandé à la société ERDF, devenue la société Enedis, de déplacer cet ouvrage public, avant de saisir le Tribunal administratif de Nancy afin que soit constatée l’irrégularité de l’emprise résultant de la présence du transformateur sur le terrain et qu’il soit enjoint à la société Enedis de démolir l’ouvrage.  

Par un jugement du 30 mai 2018, le Tribunal administratif de Nancy a fait droit à leur demande en jugeant que l’implantation de l’ouvrage résultait d’une emprise irrégulière et a enjoint à la société Enedis de procéder au déplacement du transformateur, sauf à établir une servitude conventionnelle avec les époux H.  

La Cour administrative de Nancy, dans un arrêt n° 17NC01858 du 19 juillet 2018, a annulé le jugement de première instance. Si la Cour administrative d’appel de Nancy a conclu, à l’instar du Tribunal administratif, que l’implantation de l’ouvrage résultait d’une emprise irrégulière, elle estimait en revanche possible une « régularisation appropriée », en se fondant sur le fait que le transformateur litigieux était « directement affecté à l’exécution du service public dont la société a la charge et a le caractère d’un ouvrage public », de sorte que « la société ENEDIS n’[était] pas dans l’impossibilité de faire déclarer cet ouvrage d’utilité publique, compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache et d’obtenir la propriété de son terrain d’assiette par voie d’expropriation ».  

M. et Mme H. se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.

Dans un arrêt du 28 février 2020, M. et Mme H, n° 425743, ici commenté, le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt d’appel au motif qu’« en se bornant à déduire l’existence d’une telle possibilité de régularisation de l’intérêt général qui s’attache à l’ouvrage public en cause, sans rechercher si une procédure d’expropriation avait été envisagée et était susceptible d’aboutir, la cour a commis une erreur de droit ». Le Conseil d’Etat a ensuite renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nancy. 

Dans ses conclusions sous cet arrêt, le Rapporteur public Guillaume Odinet avait également conclu au caractère erroné en droit du motif retenu par la Cour administrative d’appel en affirmant que « la recherche de la possibilité d’une régularisation appropriée ne doit pas être une recherche théorique ; elle doit être ancrée dans les faits de l’espèce ». Et dans cette affaire, remarquait le Rapporteur public, dès lors que la société Enedis n’avait présenté « ni argumentation, ni pièces de nature à̀ établir qu’une régularisation appropriée était possible », force est de constater que la Cour administrative d’appel de Nancy n’a recherché dans les faits « ni si la déclaration d’utilité publique était effectivement envisagée, ni si elle était susceptible d’intervenir légalement – ce qui suppose, non seulement que l’ouvrage soit affecté́ à l’intérêt général, mais encore qu’il ne puisse être installé sans expropriation et que les inconvénients de cette installation ne soient pas excessifs au regard de l’intérêt qu’elle présente (v. 19 octobre 2012, Commune de Levallois-Perret, n° 343070, T. pp. 800-801)».  

La CRE accorde des délais supplémentaires pour répondre à 4 consultations publiques en cours

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après CRE) a annoncé, le 16 avril, le nouveau calendrier qui tient compte « des circonstances exceptionnelles dues à la crise sanitaire actuelle ».  

En particulier, la consultation publique sur la fixation de la composante de soutirage pour les prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 » est ouverte jusqu’au 15 juin 2020. Cette consultation sera suivie d’une consultation publique portant sur l’intégralité des dispositions tarifaires pour le TURPE 6 à l’automne 2020, avec pour objectif une entrée en vigueur du TURPE 6 le 1er août 2021.  

La consultation publique sur le schéma décennal de développement du réseau de transport (SDDR) de RTE 2019 fait pour sa part l’objet d’une prolongation jusqu’au 8 juin 2020.  

Les consultations publiques relatives à la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) et par les gestionnaires de réseau de distribution de gaz (GRDF et ELD) sont quant à elles prolongées jusqu’au 4 juillet 2020, une évolution des prestations annexes des gestionnaires de réseau de transport d’électricité et de distribution de gaz étant par ailleurs prévue au dernier trimestre 2020, à l’exception des indexations automatiques des tarifs des prestations fixées, comme chaque année, au 1er juillet 2020 pour la distribution de gaz, et au 1er août 2020 s’agissant de la distribution d’électricité. 

On notera que la date limite de la consultation publique sur les conditions d’accès au réseau pour les nouvelles dessertes en gaz autour des canalisations de raccordement d’installations de biométhane est en revanche maintenue au 4 mai 2020.  

Délibération de la CRE du 23 janvier 2020 portant décision sur le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF (ATRD)

Dans l’exercice de sa compétence au titre de l’article L. 134-2 4° du Code de l’énergie portant précision sur « les conditions d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel […] y compris la méthodologie d’établissement des tarifs d’utilisation de ces réseaux […] et les évolutions tarifaires », la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a, par une délibération n° 2019-271 du 19 décembre 2019, adopté un projet de décision sur le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF qui sera applicable à compter du 1er juillet 2020, dit tarif « ATRD6 » (commenté dans la LAJEE de janvier ici).  

Par une délibération n° 2020-010 du 23 janvier 2020 ici commentée, la CRE fixe le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF à compter du 1er juillet 2020, selon la méthode et les paramètres exposés dans la présente délibération en reprenant in extenso les termes de la délibération du 19 décembre 2019 précitée.  

Ce tarif a vocation à succéder à l’« ATRD5 », entré en vigueur le 1er juillet 2016 pour une durée d’environ quatre ans, conformément à une délibération de la CRE du 10 mars 2016. 

Comme rappelé par la CRE au travers de ses quatre consultations publiques organisées en 2019 sur ce sujet, outre des objectifs de simplicité, de prévisibilité et de continuité, quatre enjeux prioritaires sont poursuivis dans la fixation de ce nouveau tarif :  

  • le maintien d’un niveau de sécurité maximum du réseau de distribution de gaz par la reprise de l’ensemble des charges d’exploitation de GRDF liées à la sécurité qui doit permettre à GRDF de mettre en œuvre la politique d’investissement nécessaire au maintien d’un haut niveau de sécurité ; 

  • l’accompagnement de la transition énergétique en donnant les moyens à GRDF de réussir l’intégration du biométhane, notamment grâce à un budget en hausse pour la recherche et le développement ; 

  • la maîtrise de l’évolution des tarifs dans le contexte d’une baisse de la consommation de gaz ; 
  • le début de la phase industrielle du projet « Changement de gaz » qui consiste à convertir la zone gaz B en zone gaz H par l’intégration dans l’ATRD6 des charges prévisionnelles liées à ce projet, par ailleurs commenté dans la présente Lettre d’actualité juridique. 

Au global, la CRE évalue à environ -0,3 % par an l’évolution moyenne du tarif ATRD6.  

Délibération de la CRE du 5 mars 2020 portant avis sur le projet de décret relatif aux aides financières pour le remplacement des appareils et équipements gaziers pendant l’opération de conversion du réseau de gaz B

Le territoire français est alimenté en gaz à haut pouvoir calorifique (« gaz H »), à l’exception d’une partie de la région des Hauts-de-France, approvisionnée à l’heure actuelle par du gaz naturel à bas pouvoir calorifique (« gaz B »), issu principalement du gisement de Groningue aux Pays-Bas. Le rendement actuel de ce gisement ne permettant pas d’envisager un renouvellement du contrat d’approvisionnement entre les Pays-Bas et la France à son échéance en 2029, il est nécessaire de procéder à la conversion du réseau de gaz naturel afin de passer d’une alimentation en gaz B à une alimentation en gaz H et de garantir aux 1,3 millions de consommateurs concernés (soit environ 10% de la consommation française) de continuer à bénéficier d’un approvisionnement en gaz. 

C’est dans ce cadre que la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a été saisie le 5 février 2020 par le ministère de la Transition écologique et solidaire d’un projet de décret relatif aux aides financières mentionnées au I de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. 

Cet article 183, I, prévoit l’introduction du chèque conversion, qui est « un titre spécial de paiement permettant au propriétaire d’un appareil ou équipement gazier, utilisé pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, d’une puissance inférieure à 70 kilowatts, ou d’une puissance supérieure à 70 kilowatts s’il est utilisé pour le chauffage ou la fourniture d’eau chaude sanitaire d’un local à usage d’habitation, situé sur un site de consommation raccordé à un réseau de distribution dans une commune concernée par l’opération de conversion du réseau de gaz à bas pouvoir calorifique, dont l’impossibilité d’adaptation ou de réglage a été vérifiée dans le cadre des opérations de contrôle mentionnées à l’article L. 432-13 du Code de l’énergie, d’acquitter tout ou partie du montant de son remplacement », étant précisé qu’un arrêté détermine la liste des communes visées. Le montant du chèque conversion ne saurait excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel. 

Dans l’attente de la mise en œuvre définitive de ce chèque conversion, il est prévu au II du même article 183 de la loi de finances pour 2019 que soient mises en place par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel (GRD) des aides financières dont le montant ne pourra excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel. Il est également précisé qu’un arrêté doit fixer la liste des communes concernées. 

Ledécret n° 2019-114 du 20 février 2019 et l’arrêté du 20 février 2019, tous deux relatifs aux aides financières mentionnées audit article 183, II, – sur lesquels la CRE s’est prononcée dans une délibération n° 2019-018 du 30 janvier 2019– et le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au même article 183, II, – que la CRE a examiné dans une délibération n° 2019-238 du 30 octobre 2019 (commentée par nos soins dans une de nos précédentes Lettre d’actualité : ici) – sont ainsi venus préciser, d’une part, le montant maximal de ces aides financières mises en place par les GRD et, d’autre part, les communes visées par ce dispositif transitoire. 

En complément de ce cadre bien précis, un projet de décret, objet de la délibération de la CRE du 5 mars 2020 ici commentée, vise à définir les modalités d’application du dispositif pérenne du chèque conversion, à travers les dispositions principales suivantes : 

  • définition des rôles respectifs de l’Agence de services et de paiement et du GRD ; 
  • description des échanges entre les différentes parties prenantes : le GRD, le bénéficiaire du chèque conversion, l’Agence de services et de paiement et le professionnel chargé du remplacement de l’appareil ; 

  • détermination des conditions d’éligibilité auxquelles doivent répondre les appareils et équipements gaziers à remplacer afin que leur propriétaire puisse bénéficier des aides financières ; 

  • fixation du montant du chèque conversion en fonction du type d’appareils pour les appareils à gaz d’une puissance inférieure à 70 kW et méthode de détermination de ce montant pour les appareils à gaz d’une puissance supérieure à 70 kW ; 

  • encadrement en cas d’utilisation frauduleuse du chèque conversion ; 

  • définition des modalités de remboursement par le GRD des dépenses et des frais de gestion supportés par l’Agence de services et de paiement pour l’émission et l’attribution des chèques conversion. 

Pour mémoire, le point I de l’article 183 de la loi de finances pour 2019 précité prévoit en particulier que la gestion du chèque conversion incombe à l’Agence de services et de paiement. C’est en effet cette agence qui sera chargée d’émettre les chèques conversion et de les attribuer aux consommateurs concernés et de procéder au remboursement des professionnels ayant effectué le remplacement des appareils non adaptables. L’article 183 I prévoit de surcroît que les GRD remboursent à l’Agence de services et de paiement les dépenses et les frais de gestion supportés pour l’émission et l’attribution des chèques conversion associés à des sites de consommation raccordés à leur réseau, au titre des coûts couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel (ATRD). 

La CRE rappelle en premier lieu son opposition à l’introduction d’un « intermédiaire administratif supplémentaire » entre le GRD et les consommateurs concernés – à savoir l’Agence de services et de paiement – source de complexité additionnelle et de surcoûts, en comparaison avec une gestion directe par GRDF, d’autant plus compétent en la matière qu’il gère déjà le mécanisme de « chèque réglages ». 

En deuxième lieu, la CRE déplore l’absence, dans le projet de décret soumis pour avis, de dispositions similaires à celles prévues par l’article 2 du décret n° 2019-114 du 20 février 2019 (dispositif transitoire) qui prévoit que les GRD, d’une part, « recueillent auprès des installateurs les factures d’acquisition et d’installation des appareils de remplacement afin d’attribuer les aides financières » et, d’autre part, « procèdent à une analyse des coûts d’acquisition et d’installation des appareils de remplacement fonctionnant au gaz naturel ». La CRE relève que sans l’indispensable analyse des coûts par les GRD, il existe un risque que les devis présentés par les installateurs aux consommateurs atteignent les montants prévus par le chèque conversion, ce qui est susceptible de représenter des surcoûts injustifiés supportés par le tarif ATRD et in fine par l’ensemble des consommateurs de gaz.  

Enfin, la CRE appelle de ses vœux « une analyse approfondie des coûts optimisés d’acquisition et d’installation des appareils et équipements gaziers […] afin d’évaluer les différents montants du chèque conversion qui seront retenus pour le mécanisme pérenne et couverts par le tarif ATRD », tout en précisant qu’un premier retour d’expérience indique que certains montants du projet de décret pourraient dès à présent faire l’objet d’une réévaluation.  

Données locales d’énergie : un cadre réglementaire ajusté

Arrêté du 6 mars 2020 modifiant l’arrêté du 18 juillet 2016 fixant les modalités de transmission des données de transport, distribution et production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid 

 

L’article 179 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ci-après « LTECV » a introduit des dispositions au sein du Code de l’énergie visant à ce que les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel mettent à la disposition des personnes publiques et du public certaines des données qu’ils collectent. 

Deux décrets[1] et un arrêté[2] avaient alors été pris le 18 juillet 2016 en application de cet article, afin de compléter la partie réglementaire du Code de l’énergie.  

Après trois ans d’application, il est apparu que le dispositif méritait plusieurs adaptations afin d’enrichir les données disponibles tout en assurant la protection des données du secteur résidentiel. 

 

Nouvelle catégorie des petits professionnels 

 

Le décret introduit une distinction entre le secteur résidentiel et les petits professionnels. Il modifie ainsi l’article D. 111-52 du Code de l‘énergie qui précisait les points de livraison appartenant au secteur résidentiel.  

Jusqu’à présent, pour l’électricité par exemple, cet article précisait seulement que « les points de livraison d’électricité correspondant à des dispositifs de comptage d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA sont considérés comme relevant du secteur résidentiel ». De fait les petits professionnels étaient inclus dans cette catégorie. Désormais les catégories, s’agissant toujours de l’électricité, sont ainsi définies :  

« […]  4° Pour l’électricité, les points de livraison correspondant à des dispositifs de comptage d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA auxquels ne sont associés ni de code NAF ni de SIRET et pour lesquels les clients ne se sont pas déclarés auprès du fournisseur comme  » professionnels  » ou  » éclairage public et assimilés  » relèvent du secteur résidentiel ; les points de livraison correspondant à des dispositifs de comptage d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA auxquels sont associés un code NAF ou un SIRET ou pour lesquels les clients se sont déclarés auprès du fournisseur comme  » professionnels  » ou  » éclairage public et assimilés  » relèvent de la catégorie des petits professionnels ; les points de livraison correspondant à un dispositif de comptage d’une puissance supérieure à 36 kVA relèvent de la catégorie des entreprises […] ». 

  

Assouplissement de la secrétisation dans les bâtiments 

 

Le décret modifie le seuil de « secrétisation » (c’est-à-dire de non-diffusion pour en conserver le secret) de la consommation du secteur résidentiel pour les découpages par maille dite « Ilots Regroupés pour l’Information Statistique » (IRIS). Ainsi, le nombre de points de livraison en dessous duquel des informations de consommation ne peuvent être divulguées passe de 10 à 9 points (par IRIS et par secteur d’activité d’une part, ou par bâtiment et par secteur d’activité d’autre part). Selon l’analyse de la DGEC, ceci devrait permettre de disposer d’informations sur 20% de bâtiments supplémentaires. 

  

Seuil de secrétisation (seuil-secret) pour les catégories Résidentiel et petits professionnels 

 

La nouvelle distinction secteur résidentiel / petits professionnels susvisée a également entraîné la mise à jour du seuil de secrétisation (désormais dénommé « seuil-secret » et non plus « seuil-résidentiel »). Ce seuil-secret est fixé dans l’arrêté du 6 mars 2020 commenté à 200 MWh pour le secteur résidentiel (inchangé) et à 50 MWh pour les petits professionnels (ce qui est donc nouveau). 

[1]  Décret n° 2016-972 du 18 juillet 2016 relatif à la confidentialité des informations détenues par les opérateurs gaziers et par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité et décret n° 2016-973 du 18 juillet 2016 relatif à la mise à disposition des personnes publiques de données relatives au transport, à la distribution et à la production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid

[2]  Arrêté du 18 juillet 2016 fixant les modalités de transmission des données de transport, distribution et production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid.

Schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables : les procédures d’élaboration et de mise en œuvre précisées

Un nouveau décret paru au Journal Officiel le 2 avril 2020 adapte les dispositions réglementaires du Code de l’énergie relatives aux procédures d’élaboration et de révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR).  

Ce décret était attendu depuis un certain temps par les producteurs d’électricité d’origine renouvelable et les gestionnaires des réseaux publics d’électricité. Le Conseil supérieur de l’Energie et la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) avaient déjà rendu leur avis depuis janvier 2019[1]. 

Le décret apporte plusieurs modifications importantes : 

 

Modification du seuil des S3REnR 

 

Les conditions de raccordement des S3REnR s’appliquent aux projets d’installations qui mettent en œuvre des énergies renouvelables. 

Jusqu’à présent, conformément aux dispositions de l’article D. 321-10 du Code de l’énergie, ces dispositions s’appliquaient aux installations de puissance supérieure à 100 kVA et aux « installations groupées » de puissance supérieure à 100 kVA. 

L’article 14 du décret vient modifier cet article en prévoyant désormais que le seuil de puissance des installations entrant dans les S3REnR est porté à 250 kVA. 

Les installations d’EnR inférieures à 250 kVA ne devront donc plus s’acquitter de la quote-part unitaire du schéma et seront raccordées au réseau selon les modalités classiques (extension/ branchement/renforcement). 

 

Compétence du Préfet de région pour fixer la capacité globale de raccordement du S3RERNR 

 

Le décret modifie également l’article D. 321-11 du Code de l’énergie pour préciser que « le préfet de région fixe la capacité globale de raccordement pour le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables » sur la base de la dynamique de développement des énergies renouvelables dans la région, en tenant compte de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). 

Le S3REnR demeure toutefois élaboré par RTE – gestionnaire du réseau public de transport – en accord avec les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité. 

Cette capacité globale de raccordement devra être fixée par le préfet de sorte à « satisfaire les demandes de raccordement pendant une durée de cinq à dix ans ».  

Il communique cette capacité au gestionnaire de réseau « après consultation des organisations professionnelles de producteurs d’électricité et des gestionnaires des réseaux publics d’électricité ». Le préfet pourra aussi lancer des études pour anticiper le schéma suivant. 

 

Application d’une nouvelle quote-part unitaire 

 

Lorsque le raccordement d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable s’inscrit dans un S3REnR, « le raccordement comprend les ouvrages propres à l’installation ainsi qu’une quote-part des ouvrages créés en application de ce schéma […] ». 

Jusqu’à présent, l’article D. 342-22-2 du Code de l’énergie prévoyait que la nouvelle quote-part unitaire est applicable à toute installation entrant dans la file d’attente en vue de son raccordement postérieurement à l’approbation du schéma révisé ou à la notification du schéma adapté. 

Le décret vient modifier l’article D. 342-22-2 du Code de l’énergie afin de préciser que « la nouvelle quote-part unitaire s’applique dès son approbation à toute installation entrant dans la file d’attente en vue de son raccordement, ou en cas d’adaptation du schéma, dès la notification de celui-ci au préfet de région ». 

  

Entrée en vigueur et publication des S3REnR 

 

Dans les dispositions réglementaires jusque-là en vigueur, le S3REnR entrait en vigueur lorsque la décision d’approbation par le préfet était publiée.   

Toutefois, la date d’entrée en vigueur des schémas S3REnR n’était pas clairement établie dans la mesure où plusieurs articles faisaient référence à « la date de publication du schéma par le gestionnaire du réseau de transport », tandis que d’autres faisaient référence à « la date de publication de l’approbation de la quote-part » [2].  

Sur ce point, la CRE avait, dans son avis, considéré nécessaire que la date d’entrée en vigueur d’un schéma S3REnR soit précisée, afin qu’il n’y ait aucune marge d’interprétation possible. Elle avait ainsi indiqué être favorable à ce qu’un schéma ne puisse entrer en vigueur et être publié qu’après approbation de la quote-part par le préfet. 

Le décret vient donc clarifier l’entrée en vigueur des S3REnR de même que l’articulation des compétences entre le Préfet de région et le gestionnaire du réseau de transport. 

On retiendra ainsi les étapes principales suivantes dans l’élaboration d’un S3REnR : 

  • Le préfet de région fixe la capacité globale de raccordement : article D. 321-11 du Code de l’énergie ; 
  • Le préfet communique cette capacité au gestionnaire du réseau de transport après consultation des organisations professionnelles de producteurs d’électricité et des gestionnaires des réseaux publics d’électricité : article D. 321-11 du Code de l’énergie ; 
  • Le gestionnaire du réseau de transport élabore le schéma (article D. 321-12 du Code de l’énergie) puis transmet le schéma au préfet de région après réalisation de toutes les consultations : article D. 321-19 du Code de l’énergie ; 
  • La quote-part unitaire du S3REnR  est approuvée par le préfet de région dans les deux mois de la transmission du schéma par le gestionnaire du réseau de transport : article D. 321-19 du Code de l’énergie ; 
  • Le gestionnaire de réseau public de transport publie enfin le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables au plus tard à la date de publication de l’approbation de la quote-part par le préfet  : article D. 321-20 du Code de l’énergie

  

Avis des autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE) 

 

L’article D. 321-17 du Code de l’énergie prévoyait jusqu’à présent que « lorsque le [S3REnR] comprend un ouvrage relevant de la concession du réseau public de distribution, il est soumis pour avis, préalablement à son approbation, à l’autorité organisatrice du réseau public de distribution concernée ». 

Le décret a précisé cet article en prévoyant que le S3REnR doit être soumis pour avis aux AODE concernées préalablement à sa notification au préfet de région pour approbation de la quote-part unitaire. 

 

– 

[1] Délibération n° 2019-025 de la Commission de régulation de l’énergie du 31 janvier 2019 portant avis sur le projet de décret portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables

[2] Article D. 342-22 du Code de l’énergie

Publication d’une carte de zonage indicative par GRDF et GRTgaz sur leurs sites pour l’injection du biométhane dans les réseaux de distribution de gaz naturel 

Pour rappel, depuis la loi du 30 octobre 2018, le biogaz produit par méthanisation peut être valorisé par son injection sur le réseau de distribution ou de transport de gaz naturel, dont les mécanismes sont encadrés par le Code de l’Energie, le décret du 28 juin 2019, ainsi que la délibération du 14 novembre 2019 de la Commission de Régulation de Energie (CRE). 

A ce titre, l’article 1er du décret n° 2019 du 28 juin 2019, désormais codifié à l’article D. 453-21 du Code de l’Energie, prévoit que, pour procéder à une telle injection, « les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel élaborent, après consultation des autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel concernées, un zonage de raccordement des installations de production de biogaz à un réseau de gaz naturel, qu’ils soumettent à la validation de la Commission de régulation de l’énergie ». 

C’est dans ce cadre qu’une carte de zonage indicative du droit à l’injection a été publiée le 9 avril 2020 par GRDF et GRTgaz, accompagnée d’une notice explicative de lecture afin de définir les réseaux les plus pertinents d’un point de vue technico-économique pour le raccordement d’une installation de production de biogaz. 

En effet, cette carte distingue les zones favorables à l’injection de biométhane de celles qui le sont moins, en fonction de critères tels que la capacité d’accueil du réseau existant, les potentiels méthanisables identifiés et le nombre de projets en cours sur la zone.  

Ainsi, dans certaines zones considérées comme matures, ayant fait l’objet d’une étude approfondie par les opérateurs et la CRE, des informations plus précises et fiables détaillent les besoins d’investissements et éventuellement de renforcement du réseau ainsi que les niveaux de reste à charge pour les producteurs. 

En marge de la carte publiée, il serait intéressant de connaître les avis rendus le cas échéant par les autorités organisatrices de la distribution de gaz naturel qui ont dû être sollicitées sur ce zonage, à moins que son caractère indicatif annonce d’éventuelles adaptations au vu précisément de ces avis. 

Indemnisation du préjudice subi par une société résultant de la résiliation fautive de deux conventions d’occupation du domaine public en vue de l’installation et l’exploitation de panneaux photovoltaïques 

Dans un arrêt du 4 avril 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon, annulant le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a accordé à la société titulaire de deux conventions d’occupation du domaine public pour l’installation et l’exploitation de panneaux photovoltaïques une indemnisation du préjudice résultant de leur résiliation. 

Plus précisément, les faits sont les suivants : par deux conventions du 25 juillet 2013, la commune de Monistrol-sur-Loire a accordé à la société Good Sun l’occupation des toitures de deux bâtiments communaux, pour une durée de vingt ans, moyennant une redevance d’occupation, afin d’y installer et d’y exploiter des panneaux photovoltaïques. Toutefois, le conseil municipal de la commune, par une délibération du 6 février 2015, a déclarée, nulle, non avenue et dépourvue de toute valeur contractuelle les conventions d’occupation susvisées dès lors qu’elles étaient alors non signées par la société occupante. 

La société Good Sun a donc demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune à l’indemniser du préjudice subi du fait de cette résiliation. Cette demande n’ayant pas été accueillie par la juridiction aux termes de son jugement en date 23 janvier 2018 [1]., la société requérante a interjeté appel devant la Cour Administrative d’appel de Lyon.

Au soutien de cet appel, la société Good Sun considérait que les conventions avaient été régulièrement conclues et qu’à supposer même que tel ne soit pas le cas, elle devait être indemnisée des dépenses qu’elle avait dû effectuer du fait de la résiliation abusive des conventions litigieuses ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de sa résiliation pour motif d’intérêt général contractuellement prévue par ces dernières. 

La commune de Monistrol-sur-Loire soutenait quant à elle que :  

  • les contrats n’avaient jamais été signés par la société ;  
  • ceux-ci étaient entachés de nullité dès lors qu’ils présentaient le caractère de concessions de travaux dont les règles de passation n’auraient pas été respectées, que l’indemnité prévue en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général était excessive et que le montant de la redevance prévue était anormalement bas ; 
  • les moyens soulevés par la société requérante n’étaient pas fondés. 

 

En premier lieu, pour accueillir les demandes de la société appelante, la Cour administrative d’appel de Lyon a commencé par constater l’existence des conventions litigieuses, la commune n’établissant pas avec suffisamment de certitude qu’elles n’auraient pas été signées par la société requérante. Ces conventions considérées comme existantes, la Cour en déduit que la commune doit être regardée comme ayant bien procédé à leur résiliation. 

En deuxième lieu, la Cour examine les arguments avancés par la Commune au titre de la prétendue nullité des conventions litigieuses. 

A ce titre, la Cour considère d’abord que la commune n’est pas fondée à soutenir que les conventions litigieuses ne constituaient pas des conventions d’occupation du domaine public communal mais des concessions de travaux dont les règles de passation n’auraient en l’espèce pas été respectées. En effet, la délibération autorisant la signature des conventions litigieuse, bien que motivée par l’intérêt général s’attachant pour la commune à entamer une démarche écologique, était étrangère aux activités des services publics municipaux et à celles qui seraient exercées pour leur compte. Ainsi, les conventions litigieuses, ayant pour objet d’autoriser la société à occuper le domaine public en vue de réaliser et d’exploiter une installation de production d’électricité photovoltaïque en contrepartie d’une redevance, ne peuvent être regardées comme des concessions de travaux.  

S’agissant du caractère supposément excessif de l’indemnité prévue en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général, la Cour estime ensuite que la commune ne peut faire valoir cet argument dès lors qu’elle n’a pas entendu résilier les conventions litigieuses sur ce fondement mais du fait des difficultés rencontrées par la société pour mettre en œuvre le projet. 

Concernant enfin les allégations de la commune sur l’illicéité du montant de la redevance et donc de la convention, la Cour considère que la commune se borne à affirmer que cette somme n’est pas suffisamment importante, sans établir en quoi ce montant ne tiendrait pas compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public. Dès lors, la Cour écarte également les arguments de la commune sur ce point et considère que, pour ces trois raisons, les conventions litigieuses ne peuvent être considérées comme entachées de nullité. 

En troisième et dernier lieu, la Cour Administrative d’appel de Lyon examine la responsabilité contractuelle de la commune de Monistrol-sur-Loire en appréciant les motifs de la résiliation des conventions ainsi que l’indemnisation à laquelle elle ouvre droit pour la société Good Sun.  

A cet égard, la Cour rappelle que la résiliation opérée par la commune ne peut pas être considérée comme fondée sur un motif d’intérêt général dès lors qu’il ressort de sa délibération 6 février 2015 susvisée que cette résiliation reposerait sur des inexécutions de la part de la société Good Sun. Ensuite, ladite résiliation ne peut davantage se fonder sur ces inexécutions du titulaire puisque, contrairement à ce qu’affirme la commune, aucun délai n’était imposé à la société requérante pour réaliser les équipements concernés. Il s’ensuit que la résiliation des conventions en cause est regardée par la Cour comme ayant été irrégulièrement prononcée par la commune, ouvrant droit à une indemnisation de leur titulaire. 

En ce qui concerne précisément cette indemnisation, la Cour précise qu’elle doit comprendre le préjudice résultant pour le titulaire des conventions de l’engagement à perte de dépenses postérieurement à la conclusion des conventions litigieuses et strictement nécessaires à l’occupation du domaine public qu’elles autorisent. Et cette indemnisation ne doit en revanche pas couvrir les charges supportées par la société et liées à l’activité commerciale de vente d’électricité qu’elle projetait d’exercer. Ainsi, les dépenses afférentes au projet commercial de la société, antérieures à la signature des conventions ainsi que les préjudices qui ne sont pas établis par des éléments de nature à en prouver l’existence ou ayant un caractère purement éventuel, sont exclus. 

En définitive, la Cour administrative d’appel de Lyon annule le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et accueille la demande indemnitaire de la société Good Sun, à hauteur (réduite par rapport à la demande de celle-ci) de 8.200 euros et 10.200 euros pour chacune des conventions d’occupation en cause. 

– 

[1]Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, jugement n° 1501263 du 23 janvier 2018

Obligations des fournisseurs d’électricité en matière d’information des usagers relative au TURPE

Par une recommandation du 7 mai 2019 (publiée seulement le 20 mars 2020) le Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) a apporté des précisions s’agissant des obligations pesant sur les fournisseurs d’électricité concernant leur devoir d’information des usagers en matière de Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (ci-après, TURPE).  

On rappellera que le TURPE correspond au tarif d’acheminement de l’électricité et qu’il est inclus dans la facture acquittée par l’usager à son fournisseur. Le fournisseur reverse au distributeur les sommes correspondantes. En pratique, la composante TURPE de la facture de l’usager correspond à environ un tiers de celle-ci (ainsi que le MNE le rappelle d’ailleurs dans la recommandation ici commentée). 

Le différend ayant donné lieu à la recommandation du 7 mai 2019 portait, d’une part, sur des carences du fournisseur s’agissant des informations qu’il délivre à l’usager au sujet du TURPE, et, d’autre part, sur des erreurs de calcul dans la facturation du TURPE.  

En pratique, l’usager reprochait à son fournisseur un écart entre le montant prévisionnel de TURPE qui lui avait été indiqué au moment de la signature de son contrat et le montant effectivement facturé par la suite. 

A cet égard, le MNE constate que les conditions particulières du contrat conclues étaient erronées s’agissant du TURPE facturé à l’usager puisqu’elles omettaient une partie dudit tarif. Or, le MNE relève que le fournisseur a induit l’usager en erreur dès lors qu’il disposait de l’intégralité des informations utiles et qu’il aurait donc pu les mentionner.  

Le MNE constate ensuite que le fournisseur s’est abstenu d’informer régulièrement l’usager des évolutions du TURPE, et en particulier des évolutions annuelles résultant de l’application de formules de révision. 

Enfin, au gré de son analyse, le MNE a constaté un écart, en défaveur de l’usager, entre le TURPE effectivement facturé par le distributeur d’électricité au fournisseur, et la somme intégrée dans la facture acquittée par l’usager à ce titre. 

Au total, le MNE recommande au fournisseur d’allouer à l’usager une somme de 150 euros au titre du désagrément subi et lui recommande également, à l’avenir, de :  

  • fournir dans ses conditions particulières de vente une information complète sur le TURPE détaillant chacune de ses composantes (prix unitaire et assiette) ; 
  • détailler sur ses factures les composantes de la part fixe du TURPE (prix unitaire et assiette) ; 
  • prévoir une information sur ses factures pour rendre compte de l’évolution des composantes du TURPE facturé.  

Compte tenu du poids que représente le TURPE dans les factures payées par les usagers, il est effectivement indispensable qu’une parfaite transparence soit assurée par les fournisseurs d’électricité. 

Publication de l’arrêté FACE pour 2020

Par un arrêté du 27 mars 2020, la Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire a fixé pour l’année 2020 la répartition des aides pour l’électrification rurale entre les différents programmes et sous programmes énumérés par le décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l’électrification rurale (art. 1er). 

Ces aides sont in fine versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité afin de les aider à financer les travaux sur ledit réseau de distribution situé en zone rurale et dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage (cf. art. L. 322-6 du Code de l’énergie et art. L. 2224-31 du Code Général des Collectivités Territoriales). 

Pour l’année 2020, un montant global de 346,72 millions d’euros est prévu au titre du programme principal. Ce montant est ventilé comme suit :   

  • 161,87 M€ pour le sous-programme « renforcement des réseaux » ;
  • 42,05 M€ pour le sous-programme « extension des réseaux » ;
  • 40 M€ pour le sous-programme « enfouissement ou pose en façade, pour des raisons d’ordre esthétique » ;
  • 47 M€ pour le sous-programme « sécurisation des fils nus hors faible section » ; 
  • 50 M€ pour le sous-programme « sécurisation des fils nus de faible section » ; 
  • 0,5 M€ pour le sous-programme « déclaration d’utilité publique – très haute tension » ;
  • 5 M€ pour le sous-programme « intempéries » ;
  • 0,3 M€ pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS). 

On notera que le montant global alloué au titre du programme principal accuse une légère hausse par rapport à l’année 2019 au cours de laquelle il s’élevait à 340,2 millions d’euros. 

Les modalités de la répartition des aides entre les sous-programmes dépendent des données relatives à la qualité de l’électricité distribuée sur les réseaux publics (nombre de départs mal alimentés, linéaires de réseau basse tension en fils nus, etc.). Ces données sont collectées tous les deux ans auprès des autorités organisatrices d’un réseau public de distribution d’électricité bénéficiaires des aides (art. 14 de l’arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l’électrification rurale). 

Ces sommes globales sont ensuite ventilées par arrêté du Ministre chargé de l’énergie, d’abord entre les différents départements, puis au vu des états prévisionnels de travaux adressés par les différentes autorités organisatrices de la distribution d’électricité, entre lesdites autorités (cf. art. 6 et 8 du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l’électrification rurale).  

Par ailleurs, 4,8 millions d’euros sont prévus au titre du programme spécial, lequel se décompose de la manière suivante : 

  •  1 M€ pour le sous-programme « sites isolés » ;
  • 3 M€ pour le sous-programme « installations de proximité en zone non interconnectée » ; 
  • 0,8 M€ pour le sous-programme « maîtrise de la demande de l’énergie ». 

Projet d’arrêté autorisant des dérogations aux seuils encadrant les opérations d’autoconsommation collective

Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue

 

Un projet d’arrêté modifiant les règles de l’autoconsommation collective en vue de mieux l’adapter aux contraintes des territoires ruraux devrait être soumis au Conseil Supérieur de l’Electricité (ci-après, CSE) lors de sa séance du 28 avril 2020.  

Actuellement conformément, aux dispositions de l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue (NOR: TRER1932009A ; voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualité Juridique Energie Environnement de décembre 2019) pris en application de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie, une opération d’autoconsommation collective ne peut être mis en œuvre que lorsque le(s) producteur(s) et consommateur(s) concernés sont liés entre eux au sein d’une personne morale, qu’ils sont raccordés au réseau basse tension d’un unique Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD) et : 

  • se trouvent à une distance maximale de 2 kilomètres (la distance s’appréciant au regard des point(s) d’injection et de livraison les plus éloignés) ; 
  • la puissance cumulée des installations de production est inférieure à 3 MW sur le territoire métropolitain continental et 0,5 MW dans les zones non interconnectées. 

Le projet d’arrêté qui sera soumis au CSE a pour objet d’introduire une dérogation à ces seuils, en permettant que le périmètre géographique d’une opération d’autoconsommation collective corresponde à un « rayon […] de vingt kilomètres » (soit une distance maximale de 40 km entre deux installations), et que ledit projet présente une puissance cumulée de 5 MW. 

Le bénéfice de cette dérogation serait accordé par le Ministre de l’énergie « sur demande motivée des porteurs de projet » et « uniquement en métropole continentale ». 

Ainsi que le rapport accompagnant le projet d’arrêté le relève, cette proposition de dérogation a pour objet « de répondre aux attentes du monde rural, auquel [les] seuils [de droit commun] ne sont pas toujours adaptés ». Un texte qui permettrait d’accroître utilement les cas d’autoconsommation collective, aujourd’hui encore trop limités. 

Covid-19 et confinement : aubaine ou risque pour l’environnement ?

Par Solenne Daucé, Julie Cazou et Théophile Keïta

 

Depuis le 17 mars à 12 heures, le déplacement de toute personne hors de son domicile est interdit, à l’exception des déplacements pour des motifs énumérés limitativement (décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19). Ainsi, depuis plus d’un mois, la plupart des personnes résidant en France sont confinées à leur domicile, afin d’endiguer la propagation de la maladie de covid-19.  

Il a pu être observé que ce confinement entrainait des effets bénéfiques pour l’environnement. À titre d’exemple, la qualité de l’air a connu une nette amélioration et l’association Atmo France relève ainsi que, s’agissant de l’oxyde d’azote et de « l’exposition de la population à la pollution due au trafic, la différence avant/pendant le confinement est de 30 à 75% suivant les villes »[1]. Airparif souligne que, en 40 ans de mesures, l’amélioration de la qualité de l’air relève du « jamais vu »[2]. Le confinement semble être également une période propice pour la biodiversité : le bruit ayant diminué en plus de l’activité humaine, les oiseaux auraient fait leur retour en ville et dans les espaces naturels, tandis que d’autres espèces animales ont été observées loin de leur territoire habituel.  

Si l’on peut s’en réjouir, il ne faut cependant pas négliger les impacts négatifs de la crise sanitaire actuelle sur l’environnement, ni le fait que ces effets bénéfiques sont conjoncturels et non structurels. Rien ne permet ainsi de garantir la pérennité des effets positifs en sortie de crise, alors qu’est au contraire redouté un « effet rebond ». Cet effet rebond pourrait par exemple se traduire par une pression accrue sur la biodiversité alors que le public retournera en grand nombre dans les espaces naturels, ou par un bond des émissions de gaz à effet de serre lié à la reprise des activités économiques et du tourisme.  

Plus encore, les mesures de confinement introduites en réponse à la crise sanitaire actuelle n’entrainent pas que des incidences positives sur l’environnement. Ainsi, on peut observer un impact sur la gestion des déchets, comme en atteste notamment la recrudescence des décharges sauvages en cette période (I). En outre, les incidences positives sur la qualité de l’air doivent être relativisées car, si les émissions d’oxyde d’azote ont fortement diminué, il convient de rester vigilant sur les émissions de particules fines (II). Ensuite, certains délais en matière environnementale qui avaient été suspendus ont cependant recommencé à courir, permettant une application partielle de la règlementation environnementale durant cette période (III). Enfin, la question de la relance des activités et de ses impacts sur l’environnement mérite d’être posée (IV).  

  

I – Impacts de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 sur la gestion des déchets 

 

La crise sanitaire engendrée par l’épidémie de covid-19 a un impact important sur la gestion des déchets, ce qui a pu causer des incidences négatives sur l’environnement (a). La Commission européenne a ainsi publié une note contenant des recommandations et lignes directrices pour assurer la continuité de la gestion et collecte des déchets durant cette période (b).  

 

1 – Contexte et conséquences, notamment sur l’accroissement des décharges sauvages 

 

En raison du manque de personnel, ou lorsque les exigences de distanciation sociale ne leur permettent pas de poursuivre leurs activités, de nombreuses déchetteries et centres de traitements des déchets ont dû fermer leurs portes. Une étude de l’association Amorce du 9 avril 2020, menée auprès de 162 collectivités, énonce que 60 % des déchèteries étaient totalement fermées et 40% étaient ouvertes uniquement pour les apports professionnels et services techniques[3]. Une autre étude, réalisée par l’éco-organisme Citéo, révèle en outre que les capacités de traitement des centres de tri auraient ainsi réduit de 27 %. À la date du 15 avril, la collecte des emballages légers et papiers serait toutefois maintenue dans 72 % des collectivités, et celle du verre dans 91 % d’entre elles[4]. La situation en matière de gestion des déchets varie ainsi selon les territoires ; si des collectivités poursuivent leurs activités de collecte sélective, certaines ont cesser d’assurer ce service. 

La fermeture des déchèteries a notamment pour conséquence d’accroitre le nombre de décharges sauvages. L’étude précitée de l’association Amorce indiquait ainsi qu’au 9 avril 2020 une tendance à la recrudescence de dépôts sauvages était observée pour 48% des collectivités interrogées. Il convient à ce titre de rappeler que le maire peut, en application des dispositions de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, mettre en œuvre des procédures de sanction contre les producteurs et détenteurs de déchets illégalement entreposés ou abandonnés. Il importe à cet égard de relever que le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a prévu que les délais applicables à cette procédure de sanction n’étaient plus suspendus durant la période d’état d’urgence sanitaire, comme le prévoyait l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. L’autorité de police en matière de lutte contre les décharges sauvages peut donc prononcer des sanctions et mettre en demeure le producteur ou détenteur des déchets d’effectuer les opérations nécessaires pour mettre fin à ce dépôt illégal durant la période de l’état d’urgence sanitaire.  

 

2 – Recommandations de la Commission européenne sur la gestion des déchets 

 

Dans ce contexte de crise sanitaire, la Commission européenne a formulé plusieurs recommandations, portant notamment sur la collecte des déchets municipaux, c’est-à-dire des déchets dont la collecte relève des collectivités (a), ainsi que sur le traitement des déchets médicaux (b). D’autres recommandations, relatives à la santé et sécurité des opérateurs de gestion des déchets, au soutien financier européen et aux aides d’État, ainsi qu’aux échanges d’informations, sont également formulées (voir la Note de la commission européenne, intitulée Waste management in the context of the coronavirus crisis et publiée le 14 avril 2020 ).

 

a) Collecte des déchets municipaux

La Commission européenne relève tout d’abord que, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, il n’y a actuellement aucun élément permettant de conclure que la gestion des déchets serait dangereuse ou que les ordures ménagères joueraient un rôle dans la transmission d’infections respiratoires telles que le covid-19. 

La Commission souligne la nécessité d’assurer la continuité de la collecte municipale des déchets, y compris la collecte séparée et le recyclage, qui doit être maintenue en conformité avec le droit européen.  

Il est également indiqué que les États-membres peuvent se fonder sur l’article 13 de la directive 2009/98/EC, aux termes duquel « les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement […] », pour adapter les pratiques de collecte des déchets aux exigences du contexte actuel de crise sanitaire dans un but de protection de la santé. Ces adaptations sont strictement encadrées : elles doivent se conformer au droit européen des déchets et être nécessaires et proportionnées à l’objectif de protection de la santé humaine, notamment en étant limitées dans le temps et l’espace au strict nécessaire pour répondre aux risques identifiés sur la base des derniers avis scientifiques. Ces adaptations doivent viser à maintenir la collecte séparée et le recyclage en conformité avec la hiérarchie des déchets.  

En cas de réduction des effectifs pour assurer la gestion des déchets, les États-membres doivent assurer la continuité et la fréquence suffisante de la collecte des déchets résiduels et des biodéchets afin de prévenir tout risque immédiat à la sécurité et santé publiques. Sur le fondement d’une évaluation des risques y étant liés, la fréquence de la collecte des matières sèches recyclables peut être temporairement ajustée, mais pas interrompue. Il est également indiqué que les citoyens doivent être informés de toute modification temporaire dans les pratiques de collecte des déchets.  

 

b) Traitement des déchets issus des établissements de soins

Des recommandations particulières sont également formulées pour les déchets issus des établissements de soins.  

La Commission recommande notamment aux États-membres de mettre en place une planification des capacités de traitement et, lorsque cela est nécessaire, de l’entreposage des déchets médicaux. Si des perturbations dans le traitement de ces déchets venaient à se produire en raison de l’insuffisance des capacités d’élimination ou de traitement, les déchets médicaux devront être temporairement stockés en attendant que les problèmes de capacité soient résolus. L’entreposage de ces déchets devra se faire dans des contenants étanches et désinfectés, accessibles au seul personnel autorisé et à proximité de leur lieu de production.  

À l’échelon national, il peut être à ce titre indiqué que l’arrêté du 20 avril 2020 modifiant l’arrêté du 7 septembre 1999 relatif aux modalités d’entreposage des déchets d’activités de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques a allongé à six mois, au lieu de trois, le temps de stockage de certains de ces déchets.  

 

II – La vigilance constante sur la qualité de l’air pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19  

  

Les différents risques pour l’environnement en période de confinement sont également représentés en matière de pollution de l’air. A priori, les mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire ont permis une amélioration de la qualité de l’air, en entraînant un arrêt de l’activité humaine. Par exemple, en Chine, les émissions de dioxyde d’azote (NO2) ont diminué entre 10 et 30% entre le 2 février et le 1er mars 2020 comparé à la même période en 2019 [5]. Le dioxyde d’azote fait partie des polluants atmosphériques réglementés par la Directive n° 2008/50 dite « Qualité de l’air ». Celle-ci surveille et réglemente, en fixant des valeurs limites à ne pas dépasser, certains polluants au titre desquels les particules fines (PM10 et PM2.5) et les oxydes d’azote (NOx).  

Cependant, de telles améliorations n’ont pas forcément amené une diminution des particules fines[6], de sorte qu’il convient de rester vigilant, en particulier à propos des épandages agricoles. En effet, l’ADEME a relevé qu’en 2010, 48% des émissions de particules en suspension (dites « total suspended particules »), 19% des particules fines PM10 et 10% des particules PM2,5 avaient pour origine le secteur agricole sur l’ensemble du territoire[7]

Aussi, le 20 avril 2020, le Conseil d’État a statué sur un référé liberté introduit par l’association RESPIRE (CE, 20 avril 2020, Association nationale pour la préservation et l’amélioration de la qualité de l’air, n° 440005), qui a demandé au juge de constater la carence de l’État à réduire les épandages agricoles et les autres activités agricoles polluantes et d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de l’agriculture de modifier les conditions d’application de l’arrêté du 7 avril 2016 relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiante. Elle souhaite rendre obligatoire et d’application immédiate les dispositions réglementaires fixées dans l’annexe de cet arrêté, jusqu’à la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

En effet, l’arrêté du 7 avril 2016 permet aux préfets d’anticiper les épisodes de pollutions par les particules fines « PM10 », le dioxyde d’azote et l’ozone et de maintenir des mesures d’urgence en cas de dépassement des seuils réglementaires. En particulier, l’annexe de l’arrêté indique différentes mesures réglementaires pour le secteur industriel, le secteur des transports, le secteur résidentiel et tertiaire et le secteur agricole. À titre d’exemple, dans ce dernier secteur, le préfet peut reporter les épandages de fertilisants minéraux ou reporter les travaux du sol.  

Le Conseil d’État a rejeté la requête de l’association RESPIRE, non sans un avertissement à l’endroit de l’administration. L’association considérait que la condition de l’urgence était constituée par la nécessité de réduire le nombre de malades, au regard des dangers que représentent les épandages, en mettant en avant le lien entre l’aggravation des maladies respiratoires et pollution de l’air. À cette fin, elle présentait trois études scientifiques relatives aux liens entre la pollution de l’air et les maladies dues au coronavirus et estimait que la carence de l’État à prendre les mesures nécessaires pour réduire la pollution de l’air aux particules PM10 et PM2,5 constituait une atteinte au droit à la vie protégé par l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.   

En premier lieu, le Conseil d’État a relevé que, sur la période du 15 mars au 14 avril 2020, si des dépassements du seuil d’information pour les particules fines PM10 ont été relevés, il n’y a eu « aucun dépassement du seuil d’alerte, contrairement à̀ ce qui avait pu être observé pendant la même période au cours de l’année 2019 où l’on avait compté un dépassement du seuil d’alerte, outre 21 dépassements du seuil d’information et de recommandation ».  

En second lieu, le Conseil d’État a écarté les différentes études citées pour le contentieux dont il est saisi, après en avoir apprécié la pertinence. La première est une étude chinoise datant du 20 novembre 2003. Celle-ci « concerne la pollution de l’air en général, notamment la pollution au dioxyde de carbone laquelle a été fortement réduite à la suite de la très forte diminution des activités de transports, et non la pollution aux seules particules PM10 et PM2,5 visée par l’association requérante dans la présente requête ». L’étude américaine, du 5 avril 2020 est également considérée comme non adaptée dans la mesure où « elle se fonde sur une exposition de long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années minimum et pouvant aller jusqu’à dix à quinze ans, ce qui n’est guère pertinent pour apprécier les conséquences d’une exposition limitée à quelques semaines seulement correspondant aux mesures urgentes et nécessairement provisoires que le juge des référés a le seul pouvoir d’ordonner ». Enfin, l’étude italienne, réalisée le 20 avril 2020 sous l’égide des universités de Bologne et de Bari, n’a non seulement pas fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique dotée d’un comité de lecture, mais concerne en outre des dépassements qui auraient conduit à appliquer le dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016.  

Toutefois, avant de rejeter la requête de l’association RESPIRE, le Conseil d’État invite l’administration à faire preuve d’une vigilance particulière, en exposant :  

« il incombe à l’administration, qui a confirmé lors de l’audience publique qu’elle assure une surveillance quotidienne des niveaux de pollution à la fois au plan central et au plan local, de faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire en veillant à ce que [soient prises], au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes, l’activité agricole demeurant, en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l’industrie et aux transports, la principale source d’origine humaine d’émission de particules PM10 et PM2,5 avec celle provenant du secteur résidentiel, à plus forte raison dans la période actuelle d’épandage »[8]

Cette décision intervient dans un contexte de vigilance à l’égard des dépassements de seuils de pollution de l’air. En effet, la qualité de l’air est une problématique particulièrement suivie d’autant plus qu’elle est en passe de devenir un problème de santé publique majeur au regard du changement climatique. Le Rapport « Lancet », étudiant les risques sur la santé que font peser les changements climatiques, insiste particulièrement sur les vulnérabilités futures dues à la pollution de l’air[9]

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a néanmoins indiqué que les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques pouvaient appliquer des distances de sécurité réduites pour l’épandage de leurs produits[10].  

Le 27 décembre 2019, le gouvernement a adopté un arrêté relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Celui-ci prévoit, en particulier, des distances de sécurité spécifiques en l’absence d’indications sur ce point par l’autorisation de mise sur le marché du produit concerné. Cependant, le même arrêté permet d’adapter ces distances à proximité des lieux mentionnés à l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, que sont les « zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments ». Cette adaptation, qui permet de respecter des distances de sécurité plus réduites que celles prévues par l’arrêté, est mise en œuvre conformément à une charte d’engagement approuvée par le préfet, afin de maîtriser le risque d’exposition des résidents. Le 30 mars 2020, le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation a annoncé que les utilisateurs de produits phytosanitaires qui se sont engagés dans une procédure de concertation en vue de l’approbation d’une charte d’engagement peuvent, jusqu’au 30 juin 2020, appliquer les réductions de distances sécurité mentionnées en annexe, même en l’absence d’aboutissement de la procédure de concertation prévue pour lesdites chartes.  

Il est à rappeler que l’arrêté du 27 décembre 2019 fait l’objet d’un contentieux, introduit avant le début de l’état d’urgence sanitaire, par plusieurs organisations non gouvernementales, parmi lesquelles France Nature Environnement et UFC Que choisir[11]. Celles-ci reprochent au texte de ne pas suffisamment protéger les populations des dangers des pesticides, non plus que les milieux naturels, mettant en danger particulièrement la ressource en eau[12]

  

III – Adaptation des délais en matière environnementale 

 

Pour mémoire, l’ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période dispose que certains délais dont le terme doit échoir durant la période s’étendant du 12 avril 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire sont prorogés. En application de l’article 8 de cette ordonnance, sont notamment concernés les délais imposés par l’administration ; lorsqu’ils ne sont pas expirés au 12 mars 2020, ceux-ci sont suspendus durant la période s’étendant du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire et, lorsque de tels délais auraient dû commencer à courir durant cette période, leur point de départ est reporté jusqu’à la fin de celle-ci.  

Mais des exceptions peuvent être introduites par décret en application de l’article 9 de l’ordonnance, notamment pour des motifs de préservation de l’environnement. Sur ce fondement, plusieurs décrets ont depuis été adoptés, dérogeant à la prorogation de certains délais en matière environnementale.  

Les délais énumérés par le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020, relatifs notamment aux activités des installations classées pour l’environnement (ICPE), des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ou encore aux pouvoirs de police en matière de lutte contre les décharges sauvages. Ces délais ont été soustraits aux mécanismes de prorogation à compter du 3 avril 2020 (voir la brève publiée sur ce sujet dans la Lettre d’actualités juridique spéciale covid #2 du 7 avril 2020).  

Un autre décret, le décret n° 2020-453 du 21 avril 2020, énumère limitativement d’autres délais, prévus par les dispositions du Code de l’environnement et du Code de l’énergie, qui dérogent au principe de suspension durant la période de l’état d’urgence sanitaire. Trois catégories de délais sont à distinguer :  

  • Les délais dont le cours reprend au 23 avril 2020 (article 1er) : ils sont limitativement énumérés à l’article 1er du décret. Il s’agit notamment des délais de réalisation des mesures et de transmission des données relatives aux installations de collecte et de traitement des eaux usées, des délais de transmission du programme prévisionnel d’épandage ou encore des délais relatifs à l’élaboration et à l’application des actes en matière de mise sur le marché des substances actives et produits biocides.  
  • Les délais de procédure dont le cours reprend 7 jours après la publication du décret commenté, soit le 29 avril 2020 (article 2) : il s’agit des délais de procédures particulières précisément identifiées. Par exemple, recommencent à courir à cette date les délais relatifs à la procédure de création de la réserve naturelle nationale de l’archipel des Glorieuses, à la procédure de consultation du public préalable à l’édiction des arrêtés préfectoraux fixant les dates d’ouverture et fermeture de la chasse ou encore à la procédure d’adoption de l’arrêté de protection d’habitat naturel du Mont-Blanc.  
  • Les délais dont le cours reprend au 1er mai (article 3) : il s’agit uniquement des délais liés à la procédure préalable à l’édiction du décret relatif au non-respect de manière régulière des normes de qualité de l’air donnant lieu à une obligation d’instauration d’une zone à faible émission mobilité.  

 

Le décret n° 2020-450 du 20 avril 2020 instaure la reprise de certains délais imposés par l’Administration et liés aux activités nucléaires de la défense. Recommencent ainsi à courir les délais liés à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants (article 1333-31 du Code de la santé publique), à la protection des installations nucléaires intéressant la dissuasion (article L. 1411-6 du Code de la défense) et activités nucléaires intéressant la défense (article L. 1333-15 du Code de la défense). Ces délais, qui ont été suspendus à compter du 12 avril ou dont le point de départ a été reporté, ont recommencé à courir le 22 avril 2020.  

La reprise du cours de ces délais assure ainsi la continuité de certaines procédures environnementales, permettant une application partielle des règles du droit de l’environnement durant la période d’état d’urgence sanitaire.  

  

IV – Covid-19 et environnement : et après ?

 

L’impact environnemental du covid-19 ne doit pas être pris en considération seulement durant cette période d’état d’urgence sanitaire. Au contraire, les incidences de cette crise méritent surtout que l’on se pose d’ores et déjà la question de l’après, des enseignements qu’il faut en tirer et de la manière dont les effets bénéfiques de la crise pourraient être pérennisés.  

 

1 – Les recommandations du Haut conseil pour le climat 

 

Le 21 avril 2020, le Haut conseil pour le climat a publié un rapport intitulé Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir : un rapport spécial du haut conseil pour le climat avril 2020 accélérer la transition juste pour renforcer notre résilience aux risques sanitaires et climatiques.  

Pour mémoire, le Haut conseil pour le climat est un organisme indépendant instauré par le décret n° 2019-439 du 14 mai 2019. Il est notamment chargé de rendre un rapport annuel sur la politique et les mesures climatiques mises en œuvre par l’État, au sein duquel il formule des recommandations et propositions pour améliorer l’action de la France (article D. 132-4 du Code de l’environnement). Sur saisine du gouvernement, du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat ou à sa propre initiative, il peut également rendre un rapport sur des questions sectorielles (article D. 132-4 du Code de l’environnement).  

Dans le cadre de son rapport du 21 avril 2020, le Haut conseil pour le climat se penche sur les enseignements qui doivent être tirés de la crise sanitaire actuelle, mais surtout sur l’impact sur le climat qu’auront la sortie de crise et la relance des activités. À cet égard, le Haut conseil formule des recommandations pour garantir une relance compatible avec une stratégie bas-carbone et met en garde contre l’effet rebond de la sortie de crise.  

Le Haut conseil pour le climat énonce ainsi que « toute perspective de relance doit poursuivre la trajectoire de neutralité carbone » et que « un plan de relance, par essence défini en réponse au choc économique, doit et peut être compatible avec la transition bas-carbone ». À ce titre, il recommande notamment d’orienter les nouveaux investissements vers l’efficacité énergétique et les infrastructures bas-carbone ou compatibles avec la neutralité carbone, d’accroître le financement de la recherche et du développement des technologies essentielles à la transition, de fixer un prix plancher au sein du marché européen du carbone, ou encore de consolider les puits de carbone en préservant et accroissant les écosystèmes terrestres et côtiers.  

Il est également intéressant de noter que le Haut conseil pour le climat recommande de subordonner l’octroi de mesures budgétaires ou d’incitations ­fiscales à des acteurs privés ou des collectivités à « l’adoption explicite de plans d’investissement et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas-carbone et la programmation pluriannuelle pour l’énergie ». Cette idée a notamment été débattue au Parlement dans le cadre des discussions sur deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020.  

 

2 – Deuxième projet de loi de finances rectificatif pour 2020 et la question de la responsabilité des entreprises 

Dossier législatif du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 

 

La question de l’après s’est notamment posée lors des travaux parlementaires sur les participations financières de l’État en soutien aux entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables.  

En effet, un deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 est en discussion au Parlement. Dans sa version adoptée en commission mixte paritaire, son article 12 prévoit d’ouvrir les autorisations d’engagement et crédits de paiement supplémentaires d’un montant de 20 milliards d’euros afin de concourir à soutenir l’économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables. Les entreprises concernées seront identifiées par l’Agence des participations de l’État (APE). 

Les travaux parlementaires indiquent que ces autorisations d’engagement et crédits de paiement supplémentaires doivent « permettre l’État d’intervenir en capital, par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État (APE), au sein d’entreprises en difficulté, sous la forme soit de prises de participation, soit d’augmentations de capital. Plusieurs entreprises prioritaires faisant face à de fortes contraintes financières auraient été identifiées par l’APE ; les exemples d’Air France et de Renault, dont l’État est déjà actionnaire et particulièrement affectés par les conséquences économiques de la crise sanitaires, sont souvent relevés »[13].  

En contrepartie de ces sommes, l’article 12 prévoit que « L’Agence des participations de l’État veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». Le Sénat a précisé ce dispositif en prévoyant d’améliorer les conditions d’information du Parlement sur les opérations d’investissement ainsi réalisées et dont le montant excède un milliard d’euros.  

Dans sa rédaction issue des travaux de la Commission mixte paritaire, cet article 12 prévoit également que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’utilisation des ressources attribuées et sur l’état de la mise en œuvre des objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans la stratégie des établissements et sociétés contrôlées par l’État, notamment en matière de lutte contre le changement climatique. La compatibilité des stratégies de ces établissements et sociétés avec la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone et les objectifs de l’article L. 100-4 du Code de l’énergie sera également évaluée. Le Haut conseil pour le climat devra alors rendre un avis sur ce rapport.  

Cette disposition a fait l’objet de vives critiques de la part de certains parlementaires et associations, d’autant plus avant l’intervention de la Commission mixte paritaire ; serait-ce une occasion manquée d’exiger une véritable contrepartie écologique ? On observe en effet qu’aucune obligation ou sanction n’est prévue, ce qui aurait pourtant permis d’imposer des engagements sociaux, sociétaux et environnementaux aux bénéficiaires de la participation de l’État. Cette mesure semble ainsi s’inscrire en contradiction avec les recommandations formulées par le Haut conseil pour le climat mentionnées plus haut. Les travaux parlementaires devant le Sénat soulignent en outre que cet article « apparaît très largement dépourvu soit de portée normative, soit de portée pratique »[14]

 
 

[1] Atmo France, 21 avril 2020, COVID-19 : focus sur l’exposition des riverains à la pollution automobile près des grands axes avant/pendant le confinement, [consultable ici : https://atmo-france.org/covid-19-focus-sur-lexposition-des-riverains-a-la-pollution-automobile-pres-des-grands-axes-avant-pendant-le-confinement-21-avril-2020/] 

[2] Airparif, 21 avril 2020, Évaluation de l’impact sur la qualité de l’air en Île-de-France des trois premières semaines de confinement, [consultable ici https://www.airparif.asso.fr/_pdf/publications/communique_presse_evaluation-impact-confinement-sur-air_21042020.pdf

[3] Amorce, 15 avril 2020, Coronavirus et gestion des déchets : état des lieux au 9 avril 2020, [consultable ici : https://amorce.asso.fr/actualite/coronavirus-et-gestion-des-dechets-etat-des-lieux-au-9-avril-2020]

[4] Citéo, 17 avril 2020, Note impact COVID 19 sur les collectes sélectives en France, [consultable ici : https://bo.citeo.com/sites/default/files/2020-04/20200417_COVID19_Etat_Collecte_Selective-17Avril2020-V2.pdf]. 

[5] Earth Observatory, « Airborne Nitrogen Dioxide Plummets Over China », 1er mars 2020 (https://earthobservatory.nasa.gov/images/146362/airborne-nitrogen-dioxide-plummets-over-china) (consulté le 23 avril 2020).  

[6] France24, « La pollution de l’air diminue avec le confinement lié au coronavirus », 22 mars 2020, (https://www.france24.com/fr/20200322-la-pollution-de-l-air-diminue-avec-le-confinement-li%C3%A9-au-coronavirus) (consulté le 23 avril 2020). 

[7] ADEME, « Les émissions agricoles de particules dans l’air. État des lieux et leviers d’action », Mars 2012, p. 10, (https://www.ademe.fr/emissions-agricoles-particules-lair-etat-lieux-leviers-daction-plan-particule) (consulté le 23 avril 2020).  

[8] Conseil d’État, 20 avril 2020, N° 440005, Association Respire, §11. 

[9] « Plusieurs exemples de stagnation dans les efforts d’atténuation peuvent être avancés, le marqueur essentiel de la décarbonisation (l’intensité carbone de l’approvisionnement total en énergie primaire) restant inchangé depuis 1990 […]. La charge de morbidité résultant d’une telle inaction s’est révélée immense, les habitant de plus de 90% des villes respirant un air pollué, toxique pour leur santé cardiovasculaire et respiratoire », N. Watts et a., « Rapport 2018 du Compte à rebours sur la santé et le changement climatique du Lancet : une influence sur la santé des populations pour les siècles à venir », Volume 392, ISSUE 10163, P2479-2514, Décembre 08, 2018, p. 3.  

[10] Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Distances de sécurité à proximité des habitations : comment s’applique le dispositif, 30 mars 2020, (https://agriculture.gouv.fr/distances-de-securite-proximite-des-habitations-comment-sapplique-le-dispositif) (consulté le 23 avril 2020) 

[11] R. Pernot, « Pesticides : huit ONG déposent un recours contre les textes définissant les zones de non-traitement », ActuEnvironnement, 28 février 2020, (https://www.actu-environnement.com/ae/news/pesticides-distances-epandage-recours-ong-35063.php4) (consulté le 23 avril 2020).  

[12] UFC Que Choisir, « Épandage des pesticides à proximité des habitations : 8 ONG attaquent le décret et l’arrêté devant le Conseil d’État, 25 février 2020, (https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-epandage-des-pesticides-a-proximite-des-habitations-8-ong-attaquent-le-decret-et-l-arrete-devant-le-conseil-d-etat-n76275/) (consulté le 23 avril 2020).  

[13] Rapport n° 406 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 avril 2020 

[14] Ibidem. 

 

La responsabilité pénale des établissements sociaux, des EPHAD et de leurs dirigeants dans la crise sanitaire

La crise sanitaire actuelle est inédite par son ampleur, son expansion et ses conséquences dramatiques, particulièrement sur les personnes les plus fragiles ; elle l’est aussi par la pénurie de moyens de protection et les mesures de confinement mises en œuvre pour combattre l’épidémie. Les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et plus généralement les Etablissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) doivent néanmoins fonctionner dans ce contexte, en assurant la sécurité de leurs agents et usagers.   

Il est bien évidemment légitime qu’ils s’interrogent sur les risques juridiques auxquels ils pourraient être exposés en cas de contamination, le cas échéant mortelle, d’un ou de plusieurs usagers, ou membres du personnel.  

Ce risque est notamment de nature pénale, au titre principalement des qualifications de blessures involontaires voire d’homicide involontaire – ou même de risque causé à autrui en l’absence de contamination si un risque grave et spécifique était avéré. 

Sur ce point, le risque est commun aux établissements publics et privés. 

Précisons d’emblée que le risque est en tous points similaire qu’il s’agisse d’une contamination potentiellement mortelle d’un usager ou d’un salarié : juridiquement en effet, les infractions seront les mêmes, la structure et l’imputabilité de la faute identiques, ainsi que les moyens de défense. 

La seule différence pourra éventuellement résider dans le contenu de la faute et des diligences requises de l’organisme, au regard de la spécificité de la relation employeur / préposé et des obligations de sécurité qui s’imposent à chaque partie dans ce cadre.  

Soulignons toutefois que la constitution de ces infractions est soumise à plusieurs conditions – une faute, un lien de causalité et l’absence de diligences normales – que le Juge doit apprécier, pour reprendre l’expression consacrée, in concreto, c’est-à-dire notamment au regard du contexte que nous connaissons. 

 

1 – La responsabilité pénale des EHPAD et de leurs représentants

Les problématiques pénales présentent un double enjeu : les infractions reprochées sont susceptibles d’engager aussi bien la responsabilité personnelle du dirigeant/salarié, que celle de la personne morale. 

En effet, la responsabilité de l’organisme, de ses dirigeants ou représentants – statutairement ou par l’effet d’une délégation de pouvoirs – peut par principe être retenue cumulativement, au titre d’une infraction commise au nom et pour le compte de la personne morale. 

Cette responsabilité pénale pourrait d’abord être recherchée sur le fondement des infractions dites d’atteintes involontaires à l’intégrité physique – blessures ou homicide involontaire. 

Toutefois, ces délits ne se consomment pas par la seule réalisation du dommage : ils nécessitent la commission d’une faute involontaire spécifique, qui revêt plusieurs degrés de gravité selon qu’elle sera reprochée à l’établissement – faute simple – ou à des personnes physiques : faute simple en cas de causalité directe et faute qualifiée en cas de causalité indirecte. 

S’agissant d’une contamination au Covid-19, l’hypothèse à privilégier est a priori celle d’une causalité indirecte, impliquant dès lors que puisse être imputée au dirigeant ou représentant : 

  • Soit la violation manifestement délibérée d’une règle particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; 
  • Soit une faute caractérisée ayant exposé la victime à un risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré. 

La responsabilité pénale de l’organisme pouvant être retenue au titre d’une faute simple de son représentant, elle peut être plus aisément retenue que celle de ses dirigeants et représentants personnes physiques. Ce constat n’est bien évidemment pas sans incidence sur la question indemnitaire associée à des poursuites. 

Enfin et au-delà de ces infractions, le délit de risque causé à autrui pourrait être également envisagé en l’absence de dommage, sous réserve que la jurisprudence considère le risque de contamination au Covid-19 comme un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.  

Cette question n’est bien évidemment pas encore tranchée et il n’est nullement acquis – au regard de la jurisprudence rendue en la matière – qu’elle le soit par l’affirmative. 

  

2 – Les moyens de défense tirés des diligences normales

L’EHPAD et/ou son représentant qui verrait sa responsabilité pénale mise en cause au titre d’une infraction involontaire ne sera pas dépourvu de moyens de défense.  

Par principe, les délits de blessures et d’homicide involontaires doivent être écartés – tant pour la personne physique que pour la personne morale – dès lors qu’est rapportée la preuve que « des diligences normales » ont été mises en œuvre pour éviter le dommage. 

L’appréciation du caractère normal de ces diligences doit être faite au regard des missions, des compétences, des pouvoirs et des moyens dont disposait le mis en cause. 

Concrètement, la règle sera ici de faire la preuve de l’ensemble des dispositions prises pour éviter la réalisation du dommage, compte tenu des moyens à disposition. 

Le principe est posé mais, bien sûr, la question des modalités de son application aux mesures mises en œuvre dans le cas du Covid-19 n’est pas tranchée ; celle-ci devrait naturellement prendre en considération les nécessités de fonctionnement des EHPAD et ESSMS, le contexte de pénurie de moyens de protection et les données évolutives de la science s’agissant de l’infection. 

En tout état de cause, il est dès à présent essentiel de documenter, chaque fois que possible, les mesures mises en œuvre au sein des Etablissements – dispositifs de protection, mesures opérationnelles et organisationnelles, etc. – mais également les actions entreprises qui n’ont pas abouti dans le contexte de pénurie, afin de pouvoir en apporter la preuve en cas de poursuites. Il en va de même des échanges intervenus avec les organismes représentants du personnel dans le cadre du maintien de l’activité. 

Enfin, si l’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 permet aux ESSMS d’adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement au contexte sanitaire, le Gouvernement n’a pas manqué de préciser qu’il fallait néanmoins veiller à maintenir des « conditions de sécurité suffisantes » dans le contexte d’épidémie actuel. 

Ce texte impactera nécessairement l’appréciation d’une faute pénale si celle-ci devait être poursuivie ; pour autant, il n’efface pas tout risque contentieux. 

Il est donc recommandé à tous les ESSMS publics ou privés de se rapprocher de leur conseil pour se préparer à d’éventuelles mises en cause. Seban & Associés a mis en place une veille sur ce sujet auprès de ses clients. 

Par Matthieu Hénon et Margaux Parisot

Covid-19 : recommandations de la CNIL en matière de télétravail

Les mesures actuelles de confinement ont naturellement imposé temporairement le télétravail comme mode normal de travail pour tous types de structures (de droit public ou privé et à but lucratif ou non) lorsque le télétravail peut être mis en place.   

C’est dans ce contexte que la CNIL a publié, le 1er avril dernier, certaines recommandations à destination des employeurs et des employés en vue d’assurer une sécurité renforcée des systèmes d’information et des données traitées pendant la période de transition.  

Pour les établissements sociaux et médico-sociaux (ESSMS) par exemple, ayant à traiter de nombreuses données sensibles au sens des articles 9 et 10 du Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) – notamment des données de santé ou des données relative à des mineurs délinquants – ou à tout le moins hautement intimes, la question de la sécurisation des traitements est cruciale.  

A titre de comparaison, il est intéressant de se référer à la condamnation récente du centre national d’addictologie irlandais par la CNIL irlandais à une amende administrative d’environ 20.000 euros en raison d’une violation constatée de données et du manque général de sécurisation de leur système d’information, malgré les nombreuses améliorations mises en place par le centre

Afin d’éviter une telle condamnation, il est donc essentiel de suivre les recommandations de la CNIL, en cette période de crise, à savoir notamment :  

  • Éditer une charte de sécurité dans le cadre du télétravail ou, dans le contexte actuel, au moins un socle de règles minimales à respecter, et communiquez ce document à vos collaborateurs suivant les règles posées par le règlement intérieur.  
  • S’il est nécessaire de modifier les règles de gestion du système d’information pour permettre le télétravail (changement des règles d’habilitation, accès des administrateurs à distance, etc.), il convient de mesurer les risques encourus et, au besoin, de prendre les mesures nécessaires. 
  • Equiper tous les postes de travail des salariés au minimum d’un pare-feu, d’un antivirus et d’un outil de blocage de l’accès aux sites malveillants. 
  • Mettre en place un VPN pour éviter l’exposition directe de vos services sur internet, dès que cela est possible.  
  • Mettre en place des mécanismes d’authentification forts à double facteur afin de limiter le risque d’intrusion. 
  • Consulter régulièrement les journaux d’accès de connexion afin de repérer les comptes suspects et comportements anormaux.  

 

Ces mesures visent à éviter le détournement, la modification, la suppression ou l’altération intentionnelle ou par erreur des données personnelles dans le cadre de l’activité à distance des collaborateurs (à l’instar du récent hacking subi par la mairie de Marseille).  

Enfin, nous vous rappelons que, même dans le contexte pandémique actuel, et pour les collaborateurs pour lesquels le télétravail est exclu (ce qui est le cas de nombreux salariés des ESSMS), il est prohibé de procéder à des relevés systématiques et généralisés de la température corporelle ou de collecter des questionnaires médicaux. En revanche, il semble possible d’inviter à la remontée individuelle d’information les concernant (en cas par exemple d’exposition au virus). Nous vous invitons, à ce sujet, à prendre connaissance des recommandations de la CNIL.  

Covid-19 : les mesures exceptionnelles visant à assurer la continuité de la gouvernance des associations, fonds de dotation et fondations

Face aux mesures de restriction des déplacements et rassemblements prises par le Gouvernement dans le contexte d’épidémie de Covid-19, il est apparu indispensable d’adapter et simplifier la gouvernance des associations (mais aussi des fonds de dotation et des fondations et plus largement de toutes les personnes morales de droit privé) afin d’en assurer la continuité.  

En effet, la tenue des réunions des instances de gouvernance (à savoir Bureau, Conseil d’administration et Assemblée générale) des associations s’est trouvé nécessairement compromise, malgré le caractère urgent ou obligatoire de certaines réunions (notamment les réunions annuelles d’Assemblée générale pour l’approbation des comptes clôturés au 31 décembre devant se tenir au plus tard le 30 juin).  

C’est ainsi qu’est intervenue la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 , autorisant le Gouvernement à simplifier et adapter par voie d’ordonnance « les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales » (article 11 I 2° point f).  

Trois ordonnances ont notamment été adoptées sur ce fondement :  

  • L’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux ; 
  • L’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ; 
  • L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19. 

Ces trois ordonnances visent à adapter les règles de gouvernance en prorogeant les délais légaux d’approbation des comptes par l’Assemblée générale des associations et de dépôt du budget des établissement sociaux et médico-sociaux (ESSMS), d’une part, et généralisent la possibilité de tenue à distance des réunions des instances de gouvernance, d’autre part.  

 

I – La prorogation des délais légaux d’approbation des comptes par l’Assemblée générale des associations et de dépôt du budget des ESSMS 

L’ordonnance 2020-318 prévoit la prorogation de trois mois du délai d’approbation des comptes annuels (article 3).  

Cette mesure s’applique à toutes les associations dont les comptes ont été clôturés entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée. Cette mesure ne s’applique toutefois pas aux associations dont le commissaire aux comptes aurait remis son rapport avant le 12 mars 2020 : pour celles-ci, le délai n’est pas prorogé. 

Ainsi, pour une association dont les comptes auraient été clôturés le 31 décembre 2019, et qui aurait dû être approuvés en Assemblée générale avant le 30 juin 2020, le délai d’approbation expire désormais au 30 septembre 2020.    

En cas de report de la réunion annuelle de l’Assemblée générale, il conviendra en outre de porter une attention particulière à l’ordre du jour de cette réunion, lorsque, outre l’approbation des comptes, elle devait également avoir pour objet de renouveler des mandats d’administrateurs. L’attention devra alors être portée aux statuts afin de déterminer si ceux-ci permettent la continuation des mandats jusqu’à une date ultérieure. Si la réunion ne peut pas être reportée, il pourra alors être envisagé de la tenir à distance, dans les conditions évoquées ci-après. 

Pour les associations tenues de remettre un compte-rendu financier attestant du bon emploi d’une subvention affectée à une dépense déterminée, le délai de six mois (à compter de la clôture de l’exercice) pour la transmission dudit compte-rendu est également prorogé de trois mois (article 5).   

Pour ce qui concerne plus spécialement les ESSMS, l’ordonnance n° 2020-313 prévoit une prorogation de quatre mois du délai légal pour le dépôt du budget (pour tous les délais expirant à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée) (article 1).  

 

II – La tenue à distance des réunions des instances de gouvernance des associations 

Malgré la prorogation de certains délais, le fonctionnement des structures peut, dans certains cas, nécessiter de maintenir les dates prévues des réunions malgré le confinement.  

C’est pourquoi l’ordonnance n° 2020-321 généralise l’organisation à distance des réunions des instances de gouvernance, même lorsque les statuts ne prévoient pas de telles modalités ou les excluent expressément.  

Cette Ordonnance s’applique à toutes les réunions d’Assemblée générale, de Conseil d’administration ou de Bureau devant se tenir à compter du 12 mars 2020 jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’au plus tard le 30 novembre 2020 (article 11). 

Tout d’abord, lorsque les statuts prévoient la communication de certains documents et information aux membres de l’Assemblée générale préalablement à sa réunion (lorsque ceux-ci en font la demande), une telle communication pourra être effectuée par voie de communication électronique, y compris lorsque les statuts prohibent le recours à un tel mode de communication et sous réserve que les membres aient communiqué leurs adresses électroniques (article 3). Cette disposition ne concerne pas les réunions du Conseil d’administration et du Bureau.  

Ensuite, c’est la convocation à l’Assemblée générale qui se trouve simplifiée puisque les membres seront avertis de la tenue de la réunion par tout moyen permettant d’assurer leur information effective de la date et de l’heure ainsi que des modalités d’exercice de leurs droits (article 4). Le recours à une convocation par courrier électronique, y compris si les statuts s’y opposent, sera ainsi valable. Il sera alors recommandé d’activer la fonction « accusé de réception » et « accusé de lecture ». Cette disposition ne concerne pas la convocation aux réunions du Conseil d’administration et du Bureau. 

En outre, les réunions des instances de gouvernance pourront se tenir hors la présence physiques de leurs membres, par l’intermédiaire de moyens de communication à distance (notamment par téléphone ou visioconférence), sous réserve que le moyen de communication choisi permette l’identification des membres et la transmission de leurs voix ainsi que la retransmission continue et simultanée des délibération (article 4 pour les Assemblées générales et article 8 pour le Conseil d’administration et le Bureau). Cette possibilité est offerte y compris lorsque les statuts s’opposent à un tel mode de communication.  

Le choix d’un outil de visioconférence semble donc recommandé dans la mesure où l’identification des membres participants et des arrivées et départs en cours de réunion en sera facilité (étant rappelé que la tenue d’une feuille de présence reste requise). 

Le vote devra alors se tenir à main levée ou devra être reporté à une réunion ultérieure si l’un des membres devait exiger un vote à bulletin secret, dans l’hypothèse où les statuts prévoient une telle possibilité, sauf si un système de vote électronique assurant traçabilité et confidentialité a été mis en place.  

Enfin, la consultation écrite en lieu et place des réunions du Conseil d’administration et du Bureau sera possible y compris lorsque les statuts ne le prévoient pas ou le prohibent (article 9). Cette disposition n’est pas applicable à la réunion de l’Assemblée générale, sauf disposition des statuts en ce sens.  

En cas de recours à la consultation écrite, il sera recommandé d’encadrer celle-ci en définissant en amont les différentes étapes de celle-ci et en en informant les membres amenés à être consultés par écrit. Il sera ainsi pertinent de définir un temps pour l’envoi des documents pertinents, pour les contributions écrites des membres, puis, le cas échéant, pour les débats par visioconférence (ou par téléphone), puis pour le vote par courriel.