Raccordement d’un parc éolien au réseau public de transport d’électricité et poste privé

Le principe des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables S3REnR consiste à mutualiser, entre les producteurs d’énergie renouvelable (EnR), les ouvrages qui doivent être créés sur les réseaux publics pour leur accueil. Dans ce cadre, chaque producteur d’EnR est appelé à payer une quote-part de ces travaux au prorata de sa puissance (cf. article L. 342-12 du Code de l’énergie).

Il s’en suit que les coûts liés à la création de lignes, de postes ou de transformateurs sur le réseau public de transport d’électricité et le réseau public de distribution d’électricité sont mutualisés entre les producteurs d’EnR.

La question s’est toutefois posée de savoir si lorsqu’un producteur demande au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité le raccordement d’un poste de transformation privé HTA/HTB au réseau, la création de cet ouvrage bénéficie de ce périmètre de mutualisation.

Par une décision rendue le 22 juin dernier, le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDIS) de la Commission de régulation de l’énergie a précisé qu’un poste de transformation privé ne constituait ni un poste du réseau public de transport, ni un poste de transformation entre le réseau public de distribution et le réseau public de transport au sens de l’article L. 321-7 du Code de l’énergie, lequel définit les S3ReNR.

Dans un tel cas, le raccordement de l’installation du producteur ne bénéficie pas directement de la création d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation, indispensables à son raccordement. Dès lors, le raccordement de l’installation ne pouvait pas s’inscrire dans le S3REnR de la région concernée.

En définitive, le CoRDIS a estimé que le producteur n’était redevable que de la contribution due en raison de son raccordement au titre du premier aliéna de l’article L. 342-1 du Code de l’énergie mais non pas de la contribution due au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du deuxième alinéa de l’article L342-1 et de l’article L. 342-12 du Code de l’énergie.

Projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire

Le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire a été présenté au Conseil des ministres le 2 septembre 2020.

Actuellement, le II de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite depuis le 1er septembre 2018 avec des dérogations pouvant encore être mises en place jusqu’au 1er juillet 2020.

Le projet de loi prévoit cependant de mettre en œuvre les dispositions de l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques qui permet à un Etat membre d’autoriser l’utilisation d’un produit dépourvu d’autorisation de mise sur le marché sur son territoire, pour une période n’excédant pas cent vingt jours, en vue d’un usage limité et contrôlé, et lorsque cette mesure s’impose en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables.

Le projet de loi prévoit dès lors de permettre, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement et jusqu’au 1er juillet 2023, de déroger à l’interdiction de l’article L. 253-8 susmentionné pour l’utilisation de semences traitées avec ces produits.

Bien que la communication autour de ce projet de loi insiste particulièrement sur la limitation de ces dérogations à la filière de la betterave à sucre, le projet de loi ne mentionne cependant pas cette limite, qui constituerait une rupture d’égalité entre les exploitants.

Gestion et prévention des déchets : mise en œuvre de la feuille de route pour une économie 100% circulaire

Le Président de la République a signé, le 29 juillet 2020, une ordonnance relative à la prévention et à la gestion des déchets. Cette ordonnance permet de poursuivre la mise en œuvre de la feuille de route pour une économie 100 % circulaire d’avril 2018. Elle s’inscrit dans la trajectoire de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et transpose les directives (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, et prend les mesures d’adaptation de la législation qui leur sont liées.

Pour cela, l’ordonnance modifie les articles L. 521-5, relatif aux substances chimiques et L. 541-1 et suivants du Code de l’environnement, relatifs aux dispositions générales s’agissant de la prévention et de la gestion des déchets.

Ces modifications sont de plusieurs ordres. L’ordonnance permet ainsi d’inscrire dans le droit de nouveaux objectifs de valorisation des déchets ménagers et assimilés, afin d’atteindre 65% de déchets réutilisés ou recyclés en 2035, et concourt à la lutte contre les pollutions plastiques et les abandons de déchets dans l’environnement. Elle simplifie également la sortie de statut de déchet des objets qui sont contrôlés ou réparés pour être réutilisés, afin de faciliter la seconde vie des produits. Elle impose par ailleurs aux collectivités de proposer davantage de collectes séparées de déchets aux ménages afin d’encourager et de développer le recyclage. D’autres dispositions visent également à accélérer la valorisation des biodéchets ou encore à renforcer l’obligation de séparer les déchets dangereux qui ont été mélangés illégalement dans la mesure où cette opération est techniquement faisable, en supprimant le critère économique d’une telle opération.

Catastrophes naturelles : publication de trois arrêtés relatifs aux mouvements de terrain différentiel consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols

Arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols

Arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols

 

Le Ministère de la transition écologique a publié, le 22 juillet 2020, trois arrêtés relatifs aux mouvements de terrain différentiel consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols.

L’arrêté définissant les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux vise à définir les zones où s’appliquent les dispositions prévues aux articles L. 112-20 et suivants du Code de la construction et de l’habitation destinées à prévenir le risque de mouvement de terrain causé par ce phénomène. Cet arrêté retient trois critères permettant d’évaluer l’exposition des formations argileuses au phénomène de retrait-gonflement : la nature lithologique des matériaux dominants dans la formation, la composition minéralogique de la phase argileuse et le comportement géotechnique du matériau.

L’arrêté relatif aux techniques particulières de construction à mettre en œuvre dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux précise les dispositions prévues par l’article R. 112-10 du Code de la construction et de l’habitation relatif aux objectifs que doivent permettre d’atteindre les techniques particulières de construction, techniques devant être définies par arrêté. Cet arrêté s’adresse donc plus particulièrement aux maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, constructeurs et propriétaires de terrains à bâtir.

Enfin, l’arrêté définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées aux phénomènes de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols précise le contenu des études géotechniques mentionnées aux articles R. 112-6 et R. 112-7 du Code de la construction et de l’habitation. Il précise également que l’étude géotechnique de conception peut être réutilisée par le maître d’ouvrage dans la limite des éléments correspondant au projet d’une extension de son habitation existante.

Nouvelles précisions sur le régime applicable aux concessions hydroélectriques

Le régime applicable aux concessions hydroélectriques vient d’être complété par un décret du 11 août 2020 créant au sein du Code de l’énergie un nouveau chapitre intitulé « La protection du domaine public hydroélectrique concédé », modifiant d’autres dispositions réglementaires du même Code et modifiant également certaines dispositions du décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions non codifiées.

Les principaux apports de ce décret sont les suivants.

Tout d’abord, s’agissant de la délivrance des titres d’occupation sur le domaine public hydroélectrique concédé, le décret apporte les précisions suivantes :

  • Les titres d’occupation du domaine public hydroélectrique concédé dont la durée n’excède pas le terme normal de la concession sont délivrés par le concessionnaire après accord du Préfet (lequel accord peut résulter du silence gardé par ce dernier durant deux mois). En cas de refus d’une autorisation par le concessionnaire, la décision définitive est prise par le préfet.

La délivrance des titres par le concessionnaire déroge au principe général posé par l’article R. 2122-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui confie au Préfet la mission de délivrer les titres d’occupation du domaine public de l’Etat.

  • Les conditions financières de l’occupation du domaine public hydroélectrique concédé sont fixées par le concessionnaire et non par le directeur départemental des finances publiques (par dérogation là encore au principe général posé à l’article R. 2125-1 du CGPPP).

Et lorsque le titre d’occupation est constitutif de droits réels, ses conditions financières sont soumises à l’accord du directeur départemental des finances publiques.

  • Les titres d’occupation sur le domaine public hydroélectrique concédé dont la durée excède le terme normal de la concession demeurent délivrés par le Préfet et doivent comporter une clause de substitution au profit de l’Etat.

Ensuite, au plan du droit des contrats et de la commande publique, les dispositions de l’article R. 521-2 du Code de l’énergie qui identifiaient deux points de départ possible à la procédure d’octroi de la concession sont supprimées et remplacées par la mention selon laquelle « La procédure d’octroi d’une concession d’énergie hydraulique est engagée lorsque l’autorité administrative compétente procède à la publication de l’avis de concession prévu par l’article R. 3122-1 du code de la commande publique ». Cette modification simplifie les règles applicables en rendant plus lisible le point de départ de la procédure et en rapprochant la passation des concessions hydroélectriques du régime de droit commun de passation des contrats de concession.

Par ailleurs, le nouvel article R. 521-27 du Code de l’énergie précise que les modifications apportées aux contrats de concession hydroélectriques sont soumises aux règles de droit commun posées aux articles R. 3135-1 à R. 3135-10 du Code de la commande publique en matière de modification des contrats de concession. Cet encadrement s’applique y compris aux contrats en cours (art. 16 du décret).

Il sera particulièrement intéressant d’observer comment l’Etat et ses cocontractants (et le cas échéant le juge administratif) feront application de ces règles aux contrats de concession hydroélectrique dont la durée est prolongée par l’Etat depuis plusieurs années, faisant ainsi obstacle à toute mise en concurrence.

Enfin, les modalités de révision périodique de la redevance mise à la charge du concessionnaire par l’article R. 523-3 du Code de l’énergie sont précisées. Pour mémoire cette redevance est proportionnelle, soit au nombre de kilowattheures produits, soit aux dividendes ou aux bénéfices répartis, et concerne les concessions hydroélectriques qui n’ont pas fait l’objet d’un renouvellement au terme d’une procédure de mise en concurrence.

Ce décret également vise à améliorer la cohérence des dispositions du Code de l’énergie avec le Code de l’environnement s’agissant de l’autorisation environnementale, l’évaluation environnementale et la participation du public.

Il est ainsi prévu au nouvel article R. 521-27 du Code de l’énergie que les projets de modifications des contrats de concession d’énergie hydraulique, lorsqu’ils sont soumis à évaluation environnementale, peuvent être soumis aux procédures de participation prévues par le Code de l’environnement mais également aux consultations prévues par les articles R. 521-17 et R. 521-18 du Code de l’énergie (notamment enquête publique) que le préfet estime adaptées aux enjeux soulevés par ces modifications.

Si les modifications projetées ne font pas l’objet d’une évaluation environnementale au titre du Code de l’environnement, ce même article dispose que, dès lors que ces modifications sont tout de même de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, elles font l’objet d’une étude d’incidence environnementale prévue à l’article R. 181-14 de ce Code.

Le nouvel article R. 521-38 du Code de l’énergie prévoit en outre des dispositions similaires s’agissant des projets de travaux. Il est ainsi prévu que les projets de travaux d’entretien, de maintenance et de grosses réparations font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, suivant la nomenclature des études d’impacts de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.

Les projets d’exécution de travaux qui ne sont pas soumis à évaluation environnementale mais qui correspondent à des opérations soumises à autorisation ou à déclaration par la nomenclature IOTA, doivent, quant à eux, comprendre l’étude d’incidence environnementale susmentionnée.

Modification de la procédure applicable devant le CoRDiS

Ordonnance n° 2020-891 du 22 juillet 2020 relative aux procédures du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie

 

Une ordonnance du 22 juillet 2020 a modifié les procédures applicables devant le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CoRDiS).

Cette ordonnance fait application du II de l’article 57 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, loi « énergie climat ») qui avait habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, d’une part, des mesures concernant les procédures de règlement des différends et de sanctions du CoRDIS afin de renforcer l’effectivité du droit au recours, des droits de la défense et du principe du contradictoire, et d’autre part, des mesures destinées à la Commission de régulation de l’énergie d’agir devant les juridictions.

Parmi les modifications apportées au Code de l’énergie par l’ordonnance du 22 juillet 2020 ici commentée, on peut signaler :

  • L’indication des règles applicables en cas de vacance de la présidence ou d’empêchement du président (art. 2) ;

  • L’affirmation du caractère contradictoire de l’instruction et de la procédure devant le CoRDiS, ainsi que du droit des parties à se faire représenter ou assister (art. 4). Ceci étant, même si le caractère contradictoire de la procédure n’était pas inscrit dans le Code de l’énergie, celui-ci découlait d’ores et déjà du cadre juridique commun aux sanctions administratives ;

  • L’introduction de précisions relatives aux règles d’adoption des décisions du comité (art. 4) ;

  • L’intégration dans le Code de l’énergie des règles générales de prescription extinctives du code civil, lesquelles sont désormais applicables aux demandes de règlement de différend présentées devant le CoRDiS (art. 5). A cet égard, on relèvera que le CoRDis, dans une décision du 4 décembre 2019, avait déjà fait application de ces règles et notamment de la prescription extinctive de cinq ans prévue par l’article 2224 du code civil (décision commentée dans notre lettre d’actualité énergie environnement de janvier 2020) ;

  • Les conditions d’exécution et de publication des décisions de règlement de différends et de sanctions adoptées par le CoRDiS (art. 6) ;

  • Des précisions sur certains aspects de la procédure de sanction (notamment les modalités de désignation du membre en charge de l’instruction d’une demande de sanction, son rôle et le déroulement de la procédure contradictoire, les modalités de saisine du comité, …) (art. 9, 14 et 15).

Le président de la CRE et le président du CoRDiS se voient enfin conférer, par ce même texte, la faculté de se pourvoir en cassation contre un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu sur une décision de règlement de différends du comité et de présenter des observations devant la Cour de cassation (art. 7). Ainsi que le relève le rapport du Président accompagnant l’ordonnance, cette faculté s’inspire de ce qui prévaut déjà au sein d’autres autorités administratives indépendantes comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou l’Autorité de la concurrence.

Les nouvelles règles posées par l’ordonnance sont applicables aux procédures de règlement de différends et de sanctions enregistrées à la date de son entrée en vigueur, intervenue le 24 juillet 2020.

Consultation publique de la CRE relative à la création d’une éventuelle composante injection au sein du futur TURPE 6

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après CRE) a lancé au cours de l’été une consultation publique relative aux signaux économiques envoyés aux producteurs d’électricité  et ce dans l’optique des évolutions tarifaires à venir et en particulier dans la perspective du futur « TURPE 6 » (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), qui doit entrer en vigueur au 1er août 2021.

Ainsi que la CRE le rappelle dans la note technique support de la consultation, celle-ci avait déjà mené en mai 2019 une première consultation publique sur la structure du futur tarif de réseaux TURPE 6 (Consultation publique n°2019-011 du 23 mai 2019 relative à la structure des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 ») qui portait principalement sur les principes et enjeux des différentes composantes du tarif (composante de gestion, composante de comptage, forme des grilles de soutirage et tarification de l’injection).

Une deuxième consultation publique s’est déroulée entre mars et juin 2020 (Consultation publique n° 2020-007 du 19 mars 2020 relative à la composante de soutirage des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 »). Elle présentait notamment les évolutions de méthode envisagées par la CRE pour construire la composante de soutirage du TURPE 6 ainsi que les grilles tarifaires qui en découleraient.

La consultation ici commentée est donc la troisième relative à la préparation du futur TURPE 6 et est centrée sur les signaux économiques envoyés aux producteurs.

Selon la CRE, « l’insertion de la production renouvelable est aujourd’hui l’un des premiers facteurs de l’évolution des coûts de réseaux » et le TURPE 6 devra prendre en compte « le contexte de transformation rapide du système énergétique » et en particulier le développement rapide de la production renouvelable décentralisée (éolienne terrestre et solaire en particulier) comme le développement des bornes de recharge de véhicules électriques.

La consultation présente notamment les enjeux pour les réseaux liés au développement de la production décentralisée et l’intérêt de signaux de tarification adaptés lors du raccordement des installations comme en phase d’exploitation. Elle expose ensuite la méthode envisagée par la CRE pour construire la composante d’injection ainsi que les grilles tarifaires illustratives qui en découleraient pour les utilisateurs raccordés en HTA.

Les principales caractéristiques de la composante d’injection envisagée par la CRE seraient les suivantes :

  • cette composante d’injection dans le calcul du TURPE reflèterait le coût marginal des infrastructures de réseau induit par les injections et qui n’a pas été payé lors du raccordement par les utilisateurs concernés. Il s’agirait en particulier des coûts d’exploitation du réseau nécessaires aux injections, hors pertes ;

  • elle serait différenciée géographiquement, afin d’inciter les producteurs à investir de préférence dans les zones ne nécessitant pas de renforcement de réseau ;

  • elle comporterait également une différenciation temporelle entre les saisons et entre les heures de la journée, comme la tarification du soutirage, pour inciter les installations de production et de stockage à piloter dans le temps leurs injections en prenant en compte les contraintes des réseaux afin de les décongestionner pendant les pointes.

La CRE précise toutefois que compte tenu de l’importance des évolutions envisagées et des travaux qui restent à mener, la mise en œuvre de ces évolutions n’interviendrait vraisemblablement pas dès l’entrée en vigueur du TURPE 6, mais plutôt au cours de la période du TURPE 6 ou à l’horizon du TURPE 7 (soit 2025), afin de laisser le temps nécessaire à la concertation avec les parties prenantes et de réaliser des travaux complémentaires.

Cette consultation est ouverte jusqu’au 15 septembre.

La charge de la contribution à l’extension du réseau situé hors du terrain d’assiette d’une opération revient à la Commune compétente pour la perception des participations d’urbanisme

Les faits de cette affaire sont les suivants. La Commune du Soler a mis à la charge de M.D, en émettant à son encontre un titre exécutoire, une partie de la contribution au titre du raccordement au réseau public d’électricité d’un terrain lui appartenant, couvrant l’extension du réseau hors de ce terrain.

M.D a formé un recours contre ce titre exécutoire devant le Tribunal administratif de Montpellier, lequel a rejeté cette demande par un jugement en date du 29 décembre 2017.

Ledit requérant a donc fait appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a quant à elle donné droit à M.D dans l’arrêt du 15 juillet 2020 ici commenté[1].

Pour ce faire, la Cour a commencé par rappeler le cadre juridique tenant au débiteur des contributions nécessaires au raccordement d’un utilisateur aux réseaux publics d’électricité existants.

A ce titre, l’article L. 342 -6 du Code de l’énergie dispose que la part des coûts de branchement et d’extension des réseaux non couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux publics (TURPE) peut faire l’objet de la contribution due par le redevable défini à l’article L. 342-7 ou par les redevables définis à l’article L. 342-11.

L’article L. 342-11 du Code de l’énergie, auquel renvoie l’article L.342-6 précité, prévoit quant à lui que lorsque l’extension du réseau est rendue nécessaire par une opération faisant notamment l’objet d’un permis de construire[2], cette contribution doit être versée par le bénéficiaire du permis de construire.

Ce même article précise qu’en revanche, la part de la contribution correspondant à l’extension située hors du terrain d’assiette de l’opération reste due par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d’urbanisme.

Dans ce cadre, la Cour considère que dans cette affaire, la Commune du Soler devait prendre à sa charge la part de la contribution pour les travaux d’extension du réseau situés hors du terrain d’assiette de l’opération, extension rendue nécessaire par l’opération de construction ayant fait l’objet du permis de construire délivré à M.D.

Par suite, la Commune ne pouvait mettre à la charge du requérant, par titre exécutoire, la somme de 4.829,89 euros correspondant à la différence entre la part des coûts de branchement et d’extension des réseaux hors du terrain d’assiette de M.D.  non couverts par les tarifs d’utilisation des réseaux publics et le montant de la subvention versée par le Conseil Départemental des Pyrénées Orientales à la commune (représentant 60% du coût des travaux).

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Marseille annule le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier et décharge M.D de l’obligation de payer cette somme.

[1] CAA de Marseille, 15 juillet 2020, Commune de Soler, n° 18MA00860

[2] Et qu’elle est située en dehors d’une zone d’aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d’équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l’article L. 332-6-1 du Code de l’urbanisme

Publication de la délibération de la CRE portant examen du Schéma Décennal de Développement du Réseau de transport de RTE élaboré en 2019

En application de l’article L. 321-6 du Code de l’énergie[1], le gestionnaire du réseau public de transport (ci-après GRT) d’électricité soumet chaque année à la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) un schéma décennal de développement du réseau (ci-après SDDR).

C’est dans ce cadre qu’en septembre 2019, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité RTE a publié son « SDDR », lequel a fait l’objet d’une consultation publique de la CRE du 3 au 8 juin 2020, dont les trente réponses (non confidentielles) reçues ont été publiées sur le site de la CRE.

Ainsi, la CRE a, par la délibération n° 2020-200 du 23 juillet 2020, présenté son analyse du SDDR et les conclusions qui y en découlent.

Pour rappel, ce SDDR[2] présente une proposition d’évolution du réseau de transport jusqu’à l’horizon 2035 afin d’accompagner les transformations induites par la transition énergétique et la mise en œuvre des politiques publiques.

A ce titre, le SDDR doit s’inscrire dans les évolutions majeures auxquelles se sont engagées la France et l’Europe :

  • Fort développement des énergies renouvelables ;

  • Fermeture des dernières centrales à charbon ;

  • Réduction progressive de la capacité nucléaire ;

  • Développement des interconnexions et recours accru à l’électricité pour le transport et le chauffage ;

  • Développement des alternatives aux constructions de réseaux offertes par le développement des technologies numériques ou les solutions de flexibilité.

Pour conduire ces changements, le schéma décennal de RTE considère trois scénarii : les scénarii « Volt » et « Ampere », issus du bilan prévisionnel 2017 de RTE et retenus par l’Etat pour le débat public sur la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (dite « PPE »), ainsi qu’un scénario PPE, reposant sur les dernières informations disponibles concernant la PPE au moment de l’élaboration du SDDR.

La CRE, dans la délibération ici commentée, accueille favorablement cette vision d’ensemble présentée par RTE dans son SDDR et considère que celui-ci couvre l’ensemble des besoins en matière d’investissement.

Elle précise ainsi être favorable à l’approche générale proposée par RTE fondée sur les adaptations structurelles de l’infrastructure mais également la recherche de leviers d’optimisation et en particulier le recours à des flexibilités.

S’agissant du dimensionnement du réseau et du recours au flexibilité justement, la CRE émet par exemple les remarques suivantes :

  • Elle est favorable au principe du dimensionnement optimal ;

  • Elle se félicite de la publication récente des contraintes de réseau dans la région Hauts-de-France et demande à RTE de poursuivre cette démarche de transparence ;

  • Elle accueille très favorablement la nouvelle feuille de route transmise par RTE visant à intégrer l’ensemble des flexibilités à sa doctrine d’investissement ;

  • Elle demande à RTE de décliner les principes ainsi validés dans le cadre du dimensionnement des Schémas Régionaux de Raccordement des énergies renouvelables.

Enfin, il est à noter que le schéma décennal de RTE, couplé aux orientations de la présente délibération de la CRE, fondera la doctrine d’investissement de RTE sur laquelle la CRE se basera pour analyser les projets d’investissements qui lui seront soumis.

 

[1] Cet article relatif aux exigences du gestionnaire du réseau public de transport vient transposer l’article 22 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du conseil.

[2] Disponible ici 

Suppression du dispositif d’obligation d’achat et de complément de rémunération pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisées à partir de gaz naturel

Arrêté du 21 août 2020 portant abrogation de l’arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

 

Pour rappel, les articles L. 1314-1 et L. 1314-18 du Code de l’énergie permettaient aux installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables ou mettent en œuvre des techniques performantes en termes d’efficacité énergétique telles que la cogénération, de bénéficier des dispositifs d’obligation d’achat et de complément de revenu dans les conditions fixées par l’arrêté du 3 novembre 2016[1].

Désormais, le décret n° 2020-1079 du 21 août 2020[2] supprime les dispositions du Code de l’énergie autorisant les producteurs d’électricité à bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat et d’un complément de rémunération pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisées à partir de gaz naturel.

Ainsi, un arrêté du même jour abroge l’arrêté du 3 novembre 2016 susvisé[3].

Cette suppression résulte du contexte suivant :

  • D’une part, la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (dite « PPE») pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 indique que les centrales à gaz émettent des polluants atmosphériques ainsi que des gaz à effet de serre, et propose donc de supprimer les dispositifs de soutien pour les nouvelles installations de cogénération à partir de gaz[4];
  • D’autre part, l’article 2 du décret n° 2020-456 du 21 avril 2020[5] prévoit une diminution de la consommation de gaz naturel de l’ordre de 10 % en 2023 et de 22 % en 2028.

 

C’est dans ce cadre que le décret ici commenté modifie certaines dispositions du Code de l’énergie :

  • Premièrement, il supprime le point 9° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie qui faisait figurer parmi les installations éligibles au dispositif d’obligation d’achat les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une certaine puissance ;

  • Deuxièmement, il supprime le point 6° de l’article D. 314-23 dudit Code de l’énergie qui faisait figurer parmi les installations éligibles au dispositif de complément de rémunération ces mêmes installations de cogénération ;

  • Troisièmement et enfin, il supprime le point 2° de l’article D. 314-23-1 du Code et, par la même, la possibilité pour les producteurs dont le contrat est arrivé à échéance de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération pour ces installations de cogénération.

 

Il convient de noter que l’ensemble de ces modifications n’entreront en vigueur que dans un délai de six mois à compter de la publication du décret (intervenue le 23 août 2020), à savoir donc, le 23 février 2020.

Ainsi, l’article 2 de l’arrêté du 21 août 2020 prévoit que toute demande complète de contrat d’achat faite avant cette date ouvre droit à complément de rémunération ou obligation d’achat suivant les conditions prévues par l’arrêté du 3 novembre 2016 susvisé[6].

A contrario, la demande incomplète et non régularisée avant le 23 février 2021 n’ouvrira pas droit au bénéfice d’un contrat d’achat d’électricité ou de complément de rémunération.

Enfin, l’article 3 de l’arrêté du 21 août 2020 modifie l’article 7 de l’arrêté du 3 novembre 2016 précité.

En effet, ce dernier prévoit que la prise d’effet du contrat d’achat était subordonnée à une attestation de conformité d’installation, délivrée dans un délai de deux ans à compter de la demande complète du contrat par le producteur. Lorsque la délivrance de l’attestation intervient après ce délai, le contrat est réduit de la durée de ce dépassement.

Désormais, l’arrêté du 21 août 2020 distingue deux hypothèses lorsque ladite attestation est délivrée après ce délai de deux ans :

  • Lorsque la demande complète du contrat a été déposée avant le 23 novembre 2020, la durée du contrat est réduite de la durée du dépassement du délai de délivrance de l’attestation ;
  • Lorsque la demande complète a été déposée entre le 24 novembre et le 23 février 2021, la durée du contrat est réduite du triple de la durée du dépassement du délai de délivrance de l’attestation.

 

[1] Arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

[2] Décret n° 2020-1079 du 21 août 2020 supprimant l’éligibilité au complément de rémunération et à l’obligation d’achat pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel

[3] Arrêté du 21 août 2020 portant abrogation de l’arrêté du 3 novembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel implantées sur le territoire métropolitain continental et présentant une efficacité énergétique particulière

[4] Programmation Pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028, p.134.

[5] Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie

[6] Sur ce point, l’absence d’accusé de réception à un telle demande par le co-contractant au sens de l’article 3 du 3 novembre 2016 ne fait pas obstacle au bénéfice de tels contrats.

Actualités réglementaire et jurisprudentielle en matière de grand cycle de l’eau

 

Modification de la composition des comités de bassins

 

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit à son article 34 un ajustement de la composition des comités de bassin du territoire métropolitain hors Corse.

Afin de mettre en œuvre les évolutions introduites par la loi à cet égard, le décret n° 2020-1062 du 17 août 2020 relatif aux comités de bassin fait évoluer les articles D. 213-17 et suivants du Code de l’environnement, qui précisément concernent notamment la composition de ces comités et dont les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2021 (à l’exception des dispositions relatives au nouvel article D. 213-20-1 de ce Code, entrées en vigueur le 19 août 2020).

Les nouveaux articles institués par le décret prévoient notamment que la composition de chaque comité de bassin sera arrêtée par le Préfet coordonnateur de bassin (D. 213-17-1), actant ainsi la déconcentration de la nomination des membres, auparavant fixée par arrêté conjoint du Ministre de l’intérieur et du Ministre chargé de l’environnement. Ces nominations se feront en vertu des listes de représentants de chaque collège prévu à l’article L. 213-8 du même Code, listes désormais arrêtées aux article D. 213-19-1 pour le premier collège (L. 213-8 1°), D. 213-19-2 pour le deuxième (L. 213-8 2°), D. 213-19-3 pour le troisième (L. 213-8 2°bis) et D. 213-19-4 pour le quatrième (L. 213-8 3°).

Le nouvel article D. 213-20-1, qui, par exception, est entrée en vigueur le 19 août 2020, apporte en outre des précisions s’agissant du fonctionnement général des comités de bassin, notamment au regard des règles de convocation et de vote du comité du bassin.

Par ailleurs, dans cette logique, a également été publié le même jour l’arrêté du 17 août 2020 abrogeant l’arrêté du 10 mai 2017 relatif à la représentation des collectivités territoriales et des usagers aux comités de bassin.

 

 

Actualités jurisprudentielles

 

I – Le Préfet peut imposer des prescriptions de surveillance et d’entretien à la charge conjointe du propriétaire et de l’exploitant d’une digue ou d’un barrage

Dans une décision datée du 10 juillet 2020 (n° 427165), le Conseil d’Etat est venu préciser que le Préfet pouvait imposer des obligations de surveillance et d’entretien à la charge conjointe du propriétaire et de l’exploitant d’un barrage ou d’une digue.

En l’espèce, le Préfet d’Ille-et-Vilaine avait pris un arrêté imposant au Département et au propriétaire du lac sur lequel se trouvait un barrage des prescriptions à l’entretien de celui-ci, que le Département a contesté devant les juridictions administratives.

Venant au soutien de cet arrêté, le Conseil d’Etat relève que l’article R. 214-123 du Code de l’environnement dispose que « Le propriétaire ou l’exploitant de tout barrage ou le gestionnaire des digues organisées en système d’endiguement surveille et entretient ce ou ces ouvrages et ses dépendances » et qu’il résulte de ces dispositions que « le propriétaire et l’exploitant peuvent être considérés comme débiteurs conjoints d’une obligation de surveillance et d’entretien de tout barrage ou digue, chacun étant responsable des obligations attachées respectivement à la qualité de propriétaire ou à celle d’exploitant du barrage ».

Dès lors, le Conseil d’Etat retient que le Préfet est parfaitement fondé à imposer des obligations conjointes d’entretien et de surveillance d’un barrage ou d’une digue à son propriétaire et à son exploitant, et ce, sans en détailler les missions et limites, dans la mesure où chaque qualité entraine des obligations et des responsabilités différentes, que le Conseil d’Etat estime devoir être connues des protagonistes. Si, ainsi, le Préfet n’a pas l’obligation de préciser comment ces obligations se ventilent entre le propriétaire et l’exploitant de l’ouvrage, la Haute juridiction précise cependant qu’en cas d’inexécution de l’arrêté, le Préfet pourra prendre un nouvel arrêté précisant la répartition de ces tâches.

Cette version de l’article R. 214-123 du Code de l’environnement étant toujours actuellement en vigueur depuis le décret-digue du 15 mai 2015, il convient dès lors de relever que les propriétaires et exploitants des digues et barrages peuvent ainsi se voir imposer conjointement des obligations d’entretien et de surveillance des ouvrages, dans la limite des obligations attachées à leur qualité de propriétaire ou d’exploitant.

II – La responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de faute commise par le Préfet en matière de police des cours d’eau

Par une décision du 22 juillet 2020 (n° 425969), le Conseil d’Etat a précisé que la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée en cas de faute commise par le Préfet dans l’exercice de sa mission en matière de police des cours d’eau et ce malgré l’obligation d’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux par leurs propriétaires.

Le Conseil d’Etat retient en effet que, s’il résulte des dispositions de l’article L. 215-4 du Code de l’environnement que le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial doit entretenir ce cours d’eau afin de maintenir ce dernier dans son profil d’équilibre, de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique, le Préfet reste toutefois compétent en matière de police des cours d’eau en application des dispositions des articles L. 215-7 et L. 215-12 du même Code. Dès lors, il appartient au Préfet, en tant qu’autorité compétente en matière de police des cours d’eau, de prendre toutes dispositions nécessaires au libre cours des eaux.

Ainsi le Conseil d’Etat retient que, quand bien même les propriétaires riverains sont chargés de l’entretien régulier des cours d’eau non domaniaux, le Préfet et, partant, l’Etat, peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de dommages causés aux propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux du fait de l’action naturelle des eaux, sans préjudice de la responsabilité qu’ils peuvent encourir lorsque ces dommages ont été provoqués ou aggravés par l’existence ou le mauvais entretien d’ouvrages publics leur appartenant, en cas de faute commise par le Préfet dans l’exercice de la mission qui lui incombe d’exercer la police des cours d’eau non domaniaux.

III – Annulation du SDAGE du bassin de Seine-Normandie 2016-2021 pour vice de procédure

La Cour administrative d’appel de Paris a, par une décision n° 19PA00805 du 31 juillet 2020, annulé le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie pour la période 2016-2021 pour vice de procédure.

En l’espèce, plusieurs organismes, dont des Unions Nationales des Industries de Carrières et Matériaux de Construction (UNICEM), la Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles (FNSEA) Centre Val de Loire, plusieurs fédérations départementale et régionales des syndicats des exploitants agricoles et plusieurs chambres départementales d’agriculture, avaient demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté par lequel Préfet de la région Ile-de-France, Préfet de Paris, Préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a approuvé le SDAGE du bassin Seine-Normandie pour la période 2016-2021. Faisant droit à leur demande par un jugement n° 1608547/4-1 rendu le 19 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et, ainsi, le SDAGE. Le Ministre de la Transition écologique et solidaire a alors fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris, qui s’est prononcée cet été.

La Cour retient à cet égard que l’article L. 122-4 du Code de l’environnement impose que les plans, schémas et programme, en ce compris les SDAGE, fassent l’objet d’une évaluation environnementale et que la personne publique responsable de l’élaboration de ce schéma transmette pour avis à une autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement le projet de schéma accompagné du rapport environnemental. L’article R. 122-17 de ce Code prévoyait que cette autorité, s’agissant des SDAGE, était le Préfet coordonnateur de bassin.

A cet égard, il ressort de la directive européenne du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (2001/42/CE) et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (C-474/10, 20 octobre 2011) qu’une même autorité peut élaborer le plan ou programme (en l’espèce, le SDAGE) et soit chargée de la consultation en matière environnementale, mais à la condition que soit organisée une véritable séparation fonctionnelle de manière à ce qu’une entité administrative, interne à cette autorité, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation.

Tirant les conséquences de cette appréciation, le Conseil d’Etat a, par une décision n° 360212 du 26 mai 2015 et du 3 novembre 2016, annulé les dispositions de l’article R. 122-17 susmentionnées, dans la mesure où l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement, est celle compétente pour élaborer et approuver le SDAGE, sans séparation fonctionnelle.

Dès lors, la Cour retient qu’il appartient au juge du fond de rechercher si les conditions dans lesquelles l’avis a été rendu répondent ou non aux objectifs européens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement et chargée d’évaluer le projet est placée sous l’autorité hiérarchique de l’autorité compétente pour élaborer et approuver le SDAGE, dans la mesure où elle ne peut dès par être regardée comme disposant d’une autonomie lui permettant d’exercer la mission de consultation en matière environnementale.

Or, en l’espèce, l’avis de l’autorité environnementale a été rendu par la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Ile-de-France (DRIEE), qui est une autorité rattachée au Préfet de région Ile-de-France, Préfet de Paris, Préfet coordonnateur de bassin Seine-Normandie, lui-même auteur de l’arrêté instituant le SDAGE (l’arrêté attaqué). Dès lors, la Cour retient que cette autorité ne peut être regardée comme bénéficiant d’une autonomie suffisante.

La Cour retient donc que l’élaboration du SDAGE est entachée d’un vice de procédure.

La Cour relève ainsi que les conditions permettant de garantir l’objectivité de l’avis ne sont pas remplies alors que c’est à la suite de cet avis que le public et divers organismes ont été consultés sur le projet de SDAGE. Dès lors, la Cour retient que cette irrégularité doit être regardée comme n’ayant pas permis une bonne information des personnes consultées et comme ayant été susceptible d’exercer une influence sur la décision prise. Il s’en induit que le vice de procédure entachant l’élaboration du SDAGE doit entraîner l’illégalité de l’arrêté instituant le SDAGE.

La Cour administrative d’appel rejette dès lors les conclusions visant à annuler le jugement de première instance mais sursoit à statuer s’agissant de la demande d’annulation du SDAGE, en application des dispositions de l’article L. 191-1 du Code de l’environnement, afin de permettre la régularisation de ce vice de procédure par la tenue de consultations complémentaires, « dans le cadre desquelles seront soumis au public et à ces organismes, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis ».

Par Solenne Daucé et Cécile Jauneau

Même en situation de travail à domicile, la charge de la preuve de l’existence d’heures supplémentaires ne pèse pas sur le seul salarié

Par arrêt en date du 8 juillet 2020 (n°18-26.385 n° 18-26.385), la Cour de cassation après avoir rappelé : 

  • qu’en application de l’article L.3171-2 alinea 1er du Code du travail, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour les salariés ne travaillant pas selon l’horaire collectif ; 
  • que les documents afférents à la durée du travail doivent être tenus à disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail (article L. 3171-3 du Code du travail). 
    – qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit en application de l’article L.3171-4 du Code du travail fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. 

Considère que même en situation de travail à domicile, s’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, l’employeur doit effectuer le contrôle des heures de travail effectuées et être en mesure d’en justifier. 

Le juge ne peut donc débouter le salarié de sa demande en règlement d’heures supplémentaires en retenant simplement que les documents produits par le salarié sont non vérifiables en l’absence d’autres les éléments les corroborant, sans faire peser exclusivement la charge de la preuve sur le salarié. 

Ainsi, même en cas de travail à distance des salariés en l’absence d’horaire collectif de travail, l’employeur doit être en mesure, en cas de litige, de justifier des horaires effectués par le salarié ! 

Précisions du Conseil d’Etat sur les principes régissant la mobilité des fonctionnaires

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 29 juillet 2020 mentionné aux tables du recueil Lebon, a rappelé plusieurs principes de droit en matière de mobilité des fonctionnaires, à l’occasion de l’étude de la légalité d’une note de service relative à un mouvement de mobilité collectif organisé au sein du ministère de l’agriculture.  

Deux questions ont en particulier été étudiées à l’occasion de ce recours.  

La première question était celle de la nécessité d’une saisine du comité technique avant l’adoption de la note de service. Malgré le fait qu’elle énonçait les règles de mouvement des fonctionnaires au sein du ministère, en définissant ses principes cadres, le Conseil d’Etat a considéré que son adoption n’avait pas à être précédée d’une consultation du comité technique. Celui-ci, pour rappel, est compétent, pour connaitre des questions « relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi qu’aux questions énoncées à l’article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat[1]. Or, aucun de ces champs de compétences n’a été considéré comme intégrant la question des mouvements de personnel.  

Pour quelques temps encore en effet, les commissions administratives paritaires connaissent, à titre individuel, de chaque décision de mutation. Il en ira en revanche différemment lorsque seront créés les comités sociaux d’administration, qui se substitueront aux comités techniques au prochain renouvellement des instances paritaires. A cette date, l’examen des décisions individuelles par les CAP se verra substituer un examen, par les comités sociaux, des « lignes directrices de gestion en matière de mobilité et de promotion et valorisation des parcours professionnels »[2], et il fait peu de doute, à notre sens, que les note de service telles que celle en litige dans l’arrêt étudié entrera bien dans ce champ de compétence. La décision, sur ce point, n’a donc pas un grand avenir jurisprudentiel devant elle. 

Il en va différemment de la seconde question, qui relevait cette fois du fond de la note de service. Le syndicat requérant avait en effet relevé qu’un certain nombre d’emplois permanents, occupés par des agents contractuels employés dans le cadre de contrats à durée indéterminée n’avaient pas été intégrés au mouvement général de mobilité, et contestait ainsi la note de service sur ce point. 

Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen : il est vrai que l’administration reste tenue de publier la vacance de tout emploi, et qu’un emploi occupé par un agent contractuel, même en CDI, reste considéré comme vacant puisque, comme l’a rappelé le syndicat requérant, le licenciement de l’agent peut être justifié par la nomination d’un fonctionnaire sur cet emploi[3].  

Toutefois le Conseil d’Etat a rappelé sa jurisprudence, selon laquelle la publication de vacance, et l’ouverture à la mutation sur cet emploi, n’est pas systématique et ne s’impose que lorsque l’administration décide de pourvoir l’emploi, ce qu’elle peut très bien s’abstenir de faire si l’intérêt du service le justifie[4].   

Et, partant de ce principe, il juge que l’administration peut justement écarter de la campagne de mobilité les emplois pourvus par un agent contractuel, dès lors, notamment que le licenciement de tels agents, dans une telle hypothèse, ne peut être prononcé qu’à condition que le reclassement soit impossible. Autrement dit, le Conseil d’Etat semble considérer que la seule circonstance que l’intégration des emplois pourvu par contrat dans la campagne de mobilité, contraindrait l’administration à devoir procéder à une série de reclassement, constitue un intérêt du service de nature à justifier que l’administration ne les ouvre pas à la mobilité. 

La décision est intéressante sur ce point : elle constitue sans conteste une nouvelle atténuation du principe posé par l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel les emplois publics sont pourvus par des fonctionnaires : concrètement, l’administration semble désormais pouvoir systématiquement exclure les emplois occupés par des agents contractuels du champ de ceux auquel les fonctionnaires sont susceptibles de candidater. 

Cette jurisprudence, cohérente avec les nouvelles orientations définies pour la fonction publiques par la loi de transformation de la fonction publique, qui tend à favoriser l’emploi contractuels, ne manquera pas de nourrir d’houleux débats dans les futurs comités sociaux d’administration. 

  –

[1] « 1° A l’organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; 2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire ; 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ; 5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ; 6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ; 7° A l’insertion professionnelle ; 8° A l’égalité professionnelle, la parité et à la lutte contre toutes les discriminations ; 9° A l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, lorsqu’aucun comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail n’est placé auprès d’eux ». 

[2] Cf. nouvel article 15, issu de l’article de 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 

[3] Cf. 3° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 

[4] CE, 20 juin 2016, Synd. nat. CGT des Chancelleries et services judiciaires, n° 389730 

Appréciation de la condition d’urgence dans le cadre du référé suspension à l’encontre d’une décision de mutation

Pour mémoire, par un arrêt Confédération nationale des radios libres, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’urgence subordonnant la suspension d’une mesure en référé était satisfaite lorsque « la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815).  

S’agissant des décisions de mutation d’agents, le Conseil d’Etat a posé une présomption d’absence d’urgence à statuer en référé en dehors de circonstances particulières. Il juge en effet par une jurisprudence constante qu’« en l’absence de circonstances particulières, la mutation, prononcée dans l’intérêt du service, d’un agent public d’un poste à un autre n’a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de cet agent qu’elle constitue une situation d’urgence » (CE, 28 juillet 2009, n° 329514 et plus récemment CE, 1er juillet 2019, n°427395).  

Cette présomption est fondée sur le principe de mutabilité du service public qui implique nécessairement que l’administration dispose de la possibilité de réaffecter les fonctionnaires selon les besoins et l’intérêt du service. 

Le Conseil d’Etat a en outre précisé que l’urgence pouvait être écartée y compris « lorsque, comme en l’espèce, la mesure prive l’intéressé de certaines primes ou indemnités liées à son ancien emploi » (CE, 12 septembre 2012, n° 361699).  

Le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a fait une application stricte de cette jurisprudence.  

En l’espèce, suite à la réorganisation des services, l’agent était affecté à un poste de conseiller technique. Pour justifier la condition d’urgence, le requérant se prévalait de plusieurs éléments notamment d’une perte de rémunération.  

Le juge a tout d’abord rejeté le caractère de sanction déguisée, le nouveau poste auquel l’agent était affecté correspondant à une activité réelle et conforme aux responsabilités susceptibles d’être confiées à un agent de son grade.  

Le juge a également relevé que la réduction de sa rémunération se limite à la perte de la NBI qui correspondait à seulement 3 % de sa rémunération brute mensuelle. S’agissant de la dégradation de son état de santé, le juge considère que le requérant n’établit pas le lien de causalité avec la décision litigieuse.  

Ainsi, malgré la perte de rémunération et une dégradation de l’état de santé de l’agent, le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et rejette la demande de suspension. 

Référés contre les contrats de la commande publique de droit privé : leur régime prochainement examiné par le Conseil constitutionnel

L’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 définit deux recours en référé pouvant être exercés contre des contrats de droit privé relevant de la commande publique : le référé précontractuel (cf. articles 2 à 8 de l’ordonnance) et le référé contractuel (cf. articles 11 à 20 de l’ordonnance).  

A l’occasion d’un pourvoi dirigé contre une ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2019 par le président du Tribunal de grande instance de Rennes, la Cour de cassation a été saisie par le requérant des trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) remettant en cause la conformité des dispositions relatives au référé contractuel avec, d’une part, le droit à un recours effectif consacré par l’article 16 de la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, d’autre part, le principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC. 

Dans le détail, ces trois QPC sont les suivantes :  

  1. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif en ce que cet article prévoit une liste limitative des irrégularités pouvant être invoquées à l’appui d’un référé contractuel ?

     

  2. Les dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance sont-elles entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à l’article 16 de la DDHC consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’elles n’instituent pas, au profit des concurrents évincés des contrats privés de la commande publique, une voie de recours leur permettant de contester utilement les irrégularités affectant les procédures de passation ?

     

  3. Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont-elles contraires au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la DDHC en ce qu’elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? 

  

Tout d’abord, la Cour confirme que les dispositions contestées sont, du moins pour partie, applicables au litige et qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. 

Ensuite, la Cour relève que dans le cas d’une procédure de mise en concurrence dite adaptée, il n’est pas prévu par la réglementation de délai de stand-still faisant obligation à l’acheteur de suspendre la conclusion du contrat avec le candidat sélectionné pendant un certain délai à compter de la notification de sa décision aux candidats évincés.  

Il s’ensuit, selon la Cour, que ces candidats ne peuvent, en pratique, agir en référé précontractuel et ne peuvent donc introduire qu’une action en contestation de la validité du contrat en application de l’article 11 de l’ordonnance.  

Or, l’article 16 de la même ordonnance énonce un nombre restreint de cas dans lesquels l’annulation du contrat doit être ordonnée : 

  • lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite ; 
  • lorsque le contrat a été conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ;  
  • lorsque le contrat a été signé avant l’expiration du délai de stand-still applicable ou pendant l’instruction d’un référé précontractuel, sous réserve que la méconnaissance de ces obligations ait privé le demandeur du droit d’exercer un référé précontractuel et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation était soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat. 

 

La Cour de cassation constate qu’aucune autre disposition ne prévoit de sanction des autres irrégularités qui peuvent affecter la procédure de mise en concurrence et qui, dans certains cas, peuvent constituer des atteintes graves aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. 

A cet égard, elle souligne le contraste avec les candidats à l’attribution de contrats de droit public qui, eux, disposent d’une action en contestation de la validité de ces contrats indépendante du référé contractuel, à savoir le recours Département du Tarn-et-Garonne tel que défini par le Conseil d’Etat (CE, 4 avril 2014, n° 358994).   

La Cour de cassation en conclut que les trois QPC présentent un caractère sérieux et qu’il y a donc lieu de les transmettre au Conseil constitutionnel, lequel devrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année 2020. 

Réforme de la dotation d’intercommunalité devant le Conseil constitutionnel

Par une décision en date du 29 juillet dernier, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l’article 250 de la loi de finances pour 2019 modifiant l’article L. 5211-28 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). 

L’article L. 5211-28 du CGCT relatif à la dotation d’intercommunalité que les EPCI à fiscalité propre reçoivent à compter de l’année où ils perçoivent pour la première fois le produit de leur fiscalité a en effet fait l’objet d’une réforme par l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Antérieurement, le troisième alinéa de l’article L. 5211-28 du CGCT avait prévu une minoration de la dotation d’intercommunalité à compter de 2014 qui serait répartie chaque année entre les EPCI à fiscalité propre en tenant compte de leurs recettes réelles de fonctionnement et que, dans le cas où cette minoration devait excéder le montant perçu au titre de la dotation d’intercommunalité de l’année de répartition, la différence serait alors prélevée sur les EPCI concernés. Or, comme le relève le Conseil d’Etat, pour ces EPCI, le II de l’article 250 a ainsi pour objet de reconduire, à compter de 2019, et pour chaque année, ce prélèvement à hauteur du montant calculé pour l’année 2018, l’article précisant également que le montant ne peut être ajusté qu’en cas de modification du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale concerné.  

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une QPC par une communauté de communes dans le cadre du litige contre l’arrêté de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministre de l’action et des comptes publics pris pour l’application de ces dispositions en 2019, celle-ci soutenant que la reconduction du prélèvement opéré en 2018 méconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales, le principe d’égalité devant la loi et le principe d’égalité devant les charges publiques. Après avoir vérifié les autres conditions de transmission de la QPC ainsi soulevée, le Conseil d’Etat considère que « en soutenant notamment que les dispositions du II de l’article 250 méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire soulève une question qui présente un caractère sérieux », et renvoie en conséquence la question invoquée au Conseil constitutionnel qui dispose donc d’un délai de trois mois pour se prononcer sur cette saisine. 

Une ordonnance d’injonction de payer à laquelle un jugement s’est substitué ne peut plus produire effet

En mai 2015, un couple, preneur à bail auprès de l’OPH Habitat Drouais, a subi une fuite du ballon d’eau chaude se trouvant dans le logement loué. 

A la suite de cette fuite, la société GEDIA, auprès de laquelle les preneurs avaient conclu un contrat de fourniture d’eau, a obtenu à leur encontre une ordonnance d’injonction de payer rendue par la juridiction de proximité de Dreux le 22 mars 2017. 

Les preneurs ont formé opposition à cette injonction le 4 avril 2017 et ont fait assigner l’OPH Habitat Drouais afin d’obtenir sa condamnation à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre. 

Aux termes d’un jugement du 31 août 2018, le Tribunal d’instance de Dreux a débouté les preneurs de leur demande de condamnation à l’égard de la société Gedia et a précisé que l’ordonnance d’injonction de payer produirait effet. 

Les preneurs ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision rendue en dernier ressort, considérant que le jugement qui statue sur l’opposition formée à l’encontre d’une ordonnance d’injonction de payer se substitue à celle-ci et que le Tribunal ne pouvait donc juger que l’ordonnance d’injonction de payer du 22 mars 2017 devait produire effet à leur encontre. 

La Cour de cassation leur a donné raison et a cassé le jugement du 31 août 2018 sur ce point. 

En effet, l’article 1420 du Code de procédure civile dispose : « Le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer ». 

C’est au visa de cet article, que la Cour a considéré : 

« En statuant ainsi, alors que l’ordonnance portant injonction de payer, qui n’est une décision qu’en l’absence d’opposition, ne pouvait reprendre ses effets, le tribunal a violé le texte susvisé ». 

Ainsi, le jugement qui déboute la partie ayant formé opposition de sa demande doit expressément la condamner en paiement, et ne peut en aucun cas renvoyer les parties aux termes de l’ordonnance d’injonction de payer, celle-ci ne produisant plus aucun effet.  

Le droit de préférence légal de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce s’impose au bailleur, dans certaines conditions. La présente décision apprécie la marge de manœuvre dont celui-ci dispose lorsqu’il met en œuvre ce droit au profit de son preneur

Par l’arrêt du 27 mai 2020 rapporté, la Cour d’appel de Paris est venue préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, disposition déclarée d’ordre public par la 3e chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 28 juin 2018.  (Cass. Civ., 3ème, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739).   

Alors qu’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé était pendante devant le juge des loyers, la bailleresse notifia à son preneur une offre de vente, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018.  

L’offre était faite à un prix d’environ 5 millions d’euros (outre 300.000 € d’honoraires d’agence supportés par l’acquéreur). Le preneur contestait l’offre, le 29 octobre suivant. Le 9 novembre 2018, la bailleresse concluait avec un tiers acquéreur, une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence du preneur, prorogée à plusieurs reprises, pour in fine expirer le 31 décembre 2020. 

La bailleresse assigna alors à jour fixe le preneur devant feu le Tribunal judiciaire de Paris – anciennement dénommé Tribunal de grande instance de Paris – afin de voir confirmer que la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins. Par jugement du 28 mars 2019, les juges confirmèrent que la bailleresse avait régulièrement purgé le droit de préférence, relevant que la locataire n’avait pas accepté cette offre. La locataire interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui la débouta de l’ensemble de ses demandes.  

Cet arrêt mérite d’être relevé en ce qu’il apporte et rappelle plusieurs précisions pratiques s’agissant de la vente d’un local commercial assujetti à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. 

 

Point n° 1 : Les démarches relatives à la commercialisation du bien ne sont pas conditionnées à la mise en œuvre par le bailleur du droit de préférence légal 

C’est à notre sens, l’apport pratique le plus important de la décision rendue. S’agissant de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le droit de préférence du locataire prend naissance, au moment où « le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage » de le vendre. La difficulté tient à la définition du terme « envisager ». Selon le preneur, le droit de préférence doit préexister à toute initiative de la bailleresse quant à la vente de son bien. En d’autres termes, le preneur considérait que la bailleresse ne pouvait ni mandater un agent immobilier pour la mise en vente de son bien, ni même signer une promesse de vente sur ce bien. 

De manière particulièrement nette, la Cour d’appel a approuvé les juges du premier degré d’avoir rejeté cette argumentation, « le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, afin de déterminer sa valeur et de vérifier l’existence d’un marché ».  

 

Point n° 2 : La mention relative aux honoraires de l’intermédiaire immobilier dans la notification faite par le bailleur, n’entraîne pas la nullité de l’offre de vente 

Si le droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public, les erreurs relatives à son contenu ne sont pas toujours sanctionnées. En l’espèce, la bailleresse avait notifié le droit de préférence à son preneur, en faisant mention des honoraires de l’intermédiaire immobilier, mis à la charge de l’acquéreur. Si l’on sait de manière certaine que ces frais ne peuvent être imputés au preneur bénéficiant du droit de préférence, la bailleresse n’ayant nul besoin d’un agent immobilier pour réaliser cette vente, qu’en est-il lorsque la notification les fait figurer parmi les conditions financières de la vente projetée ? 

La position de la Cour est claire : « Le seul fait que l’offre de vente mentionne en sus du prix principal, le coût des honoraires de l’agent immobilier, sans introduire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente ».  

La Cour de cassation précise la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel sur le cumul de sanctions pénales et fiscales dans le cadre du délit de fraude fiscale

Par deux décisions n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-546 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 1741 du Code général des impôts – texte d’incrimination des fraudes fiscales – qui prévoit, en sus des sanctions fiscales, la possibilité de prononcer des sanctions pénales, est conforme au principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines, tout en réservant cette possibilité de cumul aux cas les plus graves de fraudes par dissimulation de sommes soumises à l’impôt. 

Dans une décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel qui a étendu cette réserve aux cas les plus graves d’omissions déclaratives frauduleuses, a précisé que « cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention ». 

La décision du 24 juin 2020 de la Chambre criminelle constitue une illustration intéressante de cette grille d’appréciation fixée par le Conseil constitutionnel.  

En l’espèce, le prévenu, gérant d’une société dont il était l’associé unique, était poursuivi des chefs d’omissions de déclarations de l’impôt sur les sociétés et de la TVA et avait été condamné par la Cour d’appel à une sanction pénale. 

Le prévenu, considérant, d’une part, que la Cour d’appel avait méconnu la réserve posée par le Conseil constitutionnel en considérant qu’elle ne s’appliquait qu’aux cas de fraudes par dissimulation des sommes soumises à l’impôt – et non d’omission -, s’est pourvu en cassation. 

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 2018 susvisée, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en veillant toutefois à rappeler que la réserve d’interprétation constitutionnelle s’applique également aux cas les plus graves d’omission déclarative frauduleuse.  

D’autre part, le prévenu reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que les faits constituaient un cas grave d’omission déclarative, sans indiquer concrètement les motifs de cette interprétation au regard de la situation en cause.  

Sur ce point, la Chambre criminelle précise que « la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel selon laquelle seuls les faits présentant une certaine gravité peuvent faire l’objet, en complément de sanctions fiscales, de sanctions pénales, ne s’applique que lorsque le prévenu justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale pour les mêmes faits ».  

En d’autres termes, pour que la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel soit applicable au cas d’espèce, il aurait fallu que le prévenu puisse justifier d’une condamnation sur le plan pénal et fiscal, à titre personnel, pour les mêmes faits ; tel n’était pas le cas. 

Par cet arrêt qui s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Chambre criminelle a entendu rappeler aux juges du fond les contours de la réserve d’interprétation constitutionnelle sur le cumul des peines pénales et fiscales. 

Mise en demeure de plusieurs communes par la CNIL à raison d’une utilisation de la LAPI irrégulière

Ce 25 août 2020, la CNIL a publié sur son site internet, un article faisant état de la mise en demeure de plusieurs communes à raison d’une utilisation irrégulière de la LAPI (lecture automatisée des plaques d’immatriculation).  

A cette occasion, elle est venue rappeler que si la LAPI pouvait être utilisée, à ce jour, dans le cadre du contrôle du forfait de post-stationnement (et sous la condition de l’intervention d’une personne physique avant toute prise de décision conformément à l’article 22 du RGPD), son recours demeurait, en revanche exclu pour la recherche et la constatation d’infractions.  

La CNIL relève, en effet, que l’arrêté du 14 avril 2009 (NOR : IOCD0820014A), qui permet la mise en œuvre par les communes de traitements automatisés ayant pour objet la constatation et la poursuite d’infractions pénales, ne prévoit pas la collecte de fichiers photographiques 

Dans ces conditions, elle affirme, qu’en l’absence de modification de cet arrêté, il ne saurait être permis pour les communes de collecter et de traiter des photographies de véhicules -notamment en vue rapprochée de la plaque d’immatriculation – pour l’exercice de leur pouvoir de police (en lien avec la tranquillité publique ou la salubrité publique).