le 27/04/2020

Emprise irrégulière : obligation de vérifier la possibilité réelle de régulariser qui aurait existé à la date de l’emprise

CE, 28 février 2020, M. et Mme H, n° 425743

Propriétaires d’une parcelle sur laquelle était implanté un transformateur électrique, M. et Mme H. ont, sans succès, demandé à la société ERDF, devenue la société Enedis, de déplacer cet ouvrage public, avant de saisir le Tribunal administratif de Nancy afin que soit constatée l’irrégularité de l’emprise résultant de la présence du transformateur sur le terrain et qu’il soit enjoint à la société Enedis de démolir l’ouvrage.  

Par un jugement du 30 mai 2018, le Tribunal administratif de Nancy a fait droit à leur demande en jugeant que l’implantation de l’ouvrage résultait d’une emprise irrégulière et a enjoint à la société Enedis de procéder au déplacement du transformateur, sauf à établir une servitude conventionnelle avec les époux H.  

La Cour administrative de Nancy, dans un arrêt n° 17NC01858 du 19 juillet 2018, a annulé le jugement de première instance. Si la Cour administrative d’appel de Nancy a conclu, à l’instar du Tribunal administratif, que l’implantation de l’ouvrage résultait d’une emprise irrégulière, elle estimait en revanche possible une « régularisation appropriée », en se fondant sur le fait que le transformateur litigieux était « directement affecté à l’exécution du service public dont la société a la charge et a le caractère d’un ouvrage public », de sorte que « la société ENEDIS n’[était] pas dans l’impossibilité de faire déclarer cet ouvrage d’utilité publique, compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache et d’obtenir la propriété de son terrain d’assiette par voie d’expropriation ».  

M. et Mme H. se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.

Dans un arrêt du 28 février 2020, M. et Mme H, n° 425743, ici commenté, le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt d’appel au motif qu’« en se bornant à déduire l’existence d’une telle possibilité de régularisation de l’intérêt général qui s’attache à l’ouvrage public en cause, sans rechercher si une procédure d’expropriation avait été envisagée et était susceptible d’aboutir, la cour a commis une erreur de droit ». Le Conseil d’Etat a ensuite renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nancy. 

Dans ses conclusions sous cet arrêt, le Rapporteur public Guillaume Odinet avait également conclu au caractère erroné en droit du motif retenu par la Cour administrative d’appel en affirmant que « la recherche de la possibilité d’une régularisation appropriée ne doit pas être une recherche théorique ; elle doit être ancrée dans les faits de l’espèce ». Et dans cette affaire, remarquait le Rapporteur public, dès lors que la société Enedis n’avait présenté « ni argumentation, ni pièces de nature à̀ établir qu’une régularisation appropriée était possible », force est de constater que la Cour administrative d’appel de Nancy n’a recherché dans les faits « ni si la déclaration d’utilité publique était effectivement envisagée, ni si elle était susceptible d’intervenir légalement – ce qui suppose, non seulement que l’ouvrage soit affecté́ à l’intérêt général, mais encore qu’il ne puisse être installé sans expropriation et que les inconvénients de cette installation ne soient pas excessifs au regard de l’intérêt qu’elle présente (v. 19 octobre 2012, Commune de Levallois-Perret, n° 343070, T. pp. 800-801)».