le 27/04/2020

Délibération de la CRE du 5 mars 2020 portant avis sur le projet de décret relatif aux aides financières pour le remplacement des appareils et équipements gaziers pendant l’opération de conversion du réseau de gaz B

Délibération de la CRE du 5 mars 2020 portant avis sur le projet de décret relatif aux aides financières pour le remplacement des appareils et équipements gaziers pendant l’opération de conversion du réseau de gaz B

Le territoire français est alimenté en gaz à haut pouvoir calorifique (« gaz H »), à l’exception d’une partie de la région des Hauts-de-France, approvisionnée à l’heure actuelle par du gaz naturel à bas pouvoir calorifique (« gaz B »), issu principalement du gisement de Groningue aux Pays-Bas. Le rendement actuel de ce gisement ne permettant pas d’envisager un renouvellement du contrat d’approvisionnement entre les Pays-Bas et la France à son échéance en 2029, il est nécessaire de procéder à la conversion du réseau de gaz naturel afin de passer d’une alimentation en gaz B à une alimentation en gaz H et de garantir aux 1,3 millions de consommateurs concernés (soit environ 10% de la consommation française) de continuer à bénéficier d’un approvisionnement en gaz. 

C’est dans ce cadre que la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a été saisie le 5 février 2020 par le ministère de la Transition écologique et solidaire d’un projet de décret relatif aux aides financières mentionnées au I de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. 

Cet article 183, I, prévoit l’introduction du chèque conversion, qui est « un titre spécial de paiement permettant au propriétaire d’un appareil ou équipement gazier, utilisé pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, d’une puissance inférieure à 70 kilowatts, ou d’une puissance supérieure à 70 kilowatts s’il est utilisé pour le chauffage ou la fourniture d’eau chaude sanitaire d’un local à usage d’habitation, situé sur un site de consommation raccordé à un réseau de distribution dans une commune concernée par l’opération de conversion du réseau de gaz à bas pouvoir calorifique, dont l’impossibilité d’adaptation ou de réglage a été vérifiée dans le cadre des opérations de contrôle mentionnées à l’article L. 432-13 du Code de l’énergie, d’acquitter tout ou partie du montant de son remplacement », étant précisé qu’un arrêté détermine la liste des communes visées. Le montant du chèque conversion ne saurait excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel. 

Dans l’attente de la mise en œuvre définitive de ce chèque conversion, il est prévu au II du même article 183 de la loi de finances pour 2019 que soient mises en place par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel (GRD) des aides financières dont le montant ne pourra excéder le coût d’achat et d’installation d’un appareil de remplacement fonctionnant au gaz naturel. Il est également précisé qu’un arrêté doit fixer la liste des communes concernées. 

Ledécret n° 2019-114 du 20 février 2019 et l’arrêté du 20 février 2019, tous deux relatifs aux aides financières mentionnées audit article 183, II, – sur lesquels la CRE s’est prononcée dans une délibération n° 2019-018 du 30 janvier 2019– et le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au même article 183, II, – que la CRE a examiné dans une délibération n° 2019-238 du 30 octobre 2019 (commentée par nos soins dans une de nos précédentes Lettre d’actualité : ici) – sont ainsi venus préciser, d’une part, le montant maximal de ces aides financières mises en place par les GRD et, d’autre part, les communes visées par ce dispositif transitoire. 

En complément de ce cadre bien précis, un projet de décret, objet de la délibération de la CRE du 5 mars 2020 ici commentée, vise à définir les modalités d’application du dispositif pérenne du chèque conversion, à travers les dispositions principales suivantes : 

  • définition des rôles respectifs de l’Agence de services et de paiement et du GRD ; 
  • description des échanges entre les différentes parties prenantes : le GRD, le bénéficiaire du chèque conversion, l’Agence de services et de paiement et le professionnel chargé du remplacement de l’appareil ; 

  • détermination des conditions d’éligibilité auxquelles doivent répondre les appareils et équipements gaziers à remplacer afin que leur propriétaire puisse bénéficier des aides financières ; 

  • fixation du montant du chèque conversion en fonction du type d’appareils pour les appareils à gaz d’une puissance inférieure à 70 kW et méthode de détermination de ce montant pour les appareils à gaz d’une puissance supérieure à 70 kW ; 

  • encadrement en cas d’utilisation frauduleuse du chèque conversion ; 

  • définition des modalités de remboursement par le GRD des dépenses et des frais de gestion supportés par l’Agence de services et de paiement pour l’émission et l’attribution des chèques conversion. 

Pour mémoire, le point I de l’article 183 de la loi de finances pour 2019 précité prévoit en particulier que la gestion du chèque conversion incombe à l’Agence de services et de paiement. C’est en effet cette agence qui sera chargée d’émettre les chèques conversion et de les attribuer aux consommateurs concernés et de procéder au remboursement des professionnels ayant effectué le remplacement des appareils non adaptables. L’article 183 I prévoit de surcroît que les GRD remboursent à l’Agence de services et de paiement les dépenses et les frais de gestion supportés pour l’émission et l’attribution des chèques conversion associés à des sites de consommation raccordés à leur réseau, au titre des coûts couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel (ATRD). 

La CRE rappelle en premier lieu son opposition à l’introduction d’un « intermédiaire administratif supplémentaire » entre le GRD et les consommateurs concernés – à savoir l’Agence de services et de paiement – source de complexité additionnelle et de surcoûts, en comparaison avec une gestion directe par GRDF, d’autant plus compétent en la matière qu’il gère déjà le mécanisme de « chèque réglages ». 

En deuxième lieu, la CRE déplore l’absence, dans le projet de décret soumis pour avis, de dispositions similaires à celles prévues par l’article 2 du décret n° 2019-114 du 20 février 2019 (dispositif transitoire) qui prévoit que les GRD, d’une part, « recueillent auprès des installateurs les factures d’acquisition et d’installation des appareils de remplacement afin d’attribuer les aides financières » et, d’autre part, « procèdent à une analyse des coûts d’acquisition et d’installation des appareils de remplacement fonctionnant au gaz naturel ». La CRE relève que sans l’indispensable analyse des coûts par les GRD, il existe un risque que les devis présentés par les installateurs aux consommateurs atteignent les montants prévus par le chèque conversion, ce qui est susceptible de représenter des surcoûts injustifiés supportés par le tarif ATRD et in fine par l’ensemble des consommateurs de gaz.  

Enfin, la CRE appelle de ses vœux « une analyse approfondie des coûts optimisés d’acquisition et d’installation des appareils et équipements gaziers […] afin d’évaluer les différents montants du chèque conversion qui seront retenus pour le mécanisme pérenne et couverts par le tarif ATRD », tout en précisant qu’un premier retour d’expérience indique que certains montants du projet de décret pourraient dès à présent faire l’objet d’une réévaluation.