le 27/04/2020

Indemnisation du préjudice subi par une société résultant de la résiliation fautive de deux conventions d’occupation du domaine public en vue de l’installation et l’exploitation de panneaux photovoltaïques 

CAA Lyon, 4 avril 2020, n° 18LY01186

Dans un arrêt du 4 avril 2020, la Cour administrative d’appel de Lyon, annulant le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a accordé à la société titulaire de deux conventions d’occupation du domaine public pour l’installation et l’exploitation de panneaux photovoltaïques une indemnisation du préjudice résultant de leur résiliation. 

Plus précisément, les faits sont les suivants : par deux conventions du 25 juillet 2013, la commune de Monistrol-sur-Loire a accordé à la société Good Sun l’occupation des toitures de deux bâtiments communaux, pour une durée de vingt ans, moyennant une redevance d’occupation, afin d’y installer et d’y exploiter des panneaux photovoltaïques. Toutefois, le conseil municipal de la commune, par une délibération du 6 février 2015, a déclarée, nulle, non avenue et dépourvue de toute valeur contractuelle les conventions d’occupation susvisées dès lors qu’elles étaient alors non signées par la société occupante. 

La société Good Sun a donc demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune à l’indemniser du préjudice subi du fait de cette résiliation. Cette demande n’ayant pas été accueillie par la juridiction aux termes de son jugement en date 23 janvier 2018 [1]., la société requérante a interjeté appel devant la Cour Administrative d’appel de Lyon.

Au soutien de cet appel, la société Good Sun considérait que les conventions avaient été régulièrement conclues et qu’à supposer même que tel ne soit pas le cas, elle devait être indemnisée des dépenses qu’elle avait dû effectuer du fait de la résiliation abusive des conventions litigieuses ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de sa résiliation pour motif d’intérêt général contractuellement prévue par ces dernières. 

La commune de Monistrol-sur-Loire soutenait quant à elle que :  

  • les contrats n’avaient jamais été signés par la société ;  
  • ceux-ci étaient entachés de nullité dès lors qu’ils présentaient le caractère de concessions de travaux dont les règles de passation n’auraient pas été respectées, que l’indemnité prévue en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général était excessive et que le montant de la redevance prévue était anormalement bas ; 
  • les moyens soulevés par la société requérante n’étaient pas fondés. 

 

En premier lieu, pour accueillir les demandes de la société appelante, la Cour administrative d’appel de Lyon a commencé par constater l’existence des conventions litigieuses, la commune n’établissant pas avec suffisamment de certitude qu’elles n’auraient pas été signées par la société requérante. Ces conventions considérées comme existantes, la Cour en déduit que la commune doit être regardée comme ayant bien procédé à leur résiliation. 

En deuxième lieu, la Cour examine les arguments avancés par la Commune au titre de la prétendue nullité des conventions litigieuses. 

A ce titre, la Cour considère d’abord que la commune n’est pas fondée à soutenir que les conventions litigieuses ne constituaient pas des conventions d’occupation du domaine public communal mais des concessions de travaux dont les règles de passation n’auraient en l’espèce pas été respectées. En effet, la délibération autorisant la signature des conventions litigieuse, bien que motivée par l’intérêt général s’attachant pour la commune à entamer une démarche écologique, était étrangère aux activités des services publics municipaux et à celles qui seraient exercées pour leur compte. Ainsi, les conventions litigieuses, ayant pour objet d’autoriser la société à occuper le domaine public en vue de réaliser et d’exploiter une installation de production d’électricité photovoltaïque en contrepartie d’une redevance, ne peuvent être regardées comme des concessions de travaux.  

S’agissant du caractère supposément excessif de l’indemnité prévue en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général, la Cour estime ensuite que la commune ne peut faire valoir cet argument dès lors qu’elle n’a pas entendu résilier les conventions litigieuses sur ce fondement mais du fait des difficultés rencontrées par la société pour mettre en œuvre le projet. 

Concernant enfin les allégations de la commune sur l’illicéité du montant de la redevance et donc de la convention, la Cour considère que la commune se borne à affirmer que cette somme n’est pas suffisamment importante, sans établir en quoi ce montant ne tiendrait pas compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public. Dès lors, la Cour écarte également les arguments de la commune sur ce point et considère que, pour ces trois raisons, les conventions litigieuses ne peuvent être considérées comme entachées de nullité. 

En troisième et dernier lieu, la Cour Administrative d’appel de Lyon examine la responsabilité contractuelle de la commune de Monistrol-sur-Loire en appréciant les motifs de la résiliation des conventions ainsi que l’indemnisation à laquelle elle ouvre droit pour la société Good Sun.  

A cet égard, la Cour rappelle que la résiliation opérée par la commune ne peut pas être considérée comme fondée sur un motif d’intérêt général dès lors qu’il ressort de sa délibération 6 février 2015 susvisée que cette résiliation reposerait sur des inexécutions de la part de la société Good Sun. Ensuite, ladite résiliation ne peut davantage se fonder sur ces inexécutions du titulaire puisque, contrairement à ce qu’affirme la commune, aucun délai n’était imposé à la société requérante pour réaliser les équipements concernés. Il s’ensuit que la résiliation des conventions en cause est regardée par la Cour comme ayant été irrégulièrement prononcée par la commune, ouvrant droit à une indemnisation de leur titulaire. 

En ce qui concerne précisément cette indemnisation, la Cour précise qu’elle doit comprendre le préjudice résultant pour le titulaire des conventions de l’engagement à perte de dépenses postérieurement à la conclusion des conventions litigieuses et strictement nécessaires à l’occupation du domaine public qu’elles autorisent. Et cette indemnisation ne doit en revanche pas couvrir les charges supportées par la société et liées à l’activité commerciale de vente d’électricité qu’elle projetait d’exercer. Ainsi, les dépenses afférentes au projet commercial de la société, antérieures à la signature des conventions ainsi que les préjudices qui ne sont pas établis par des éléments de nature à en prouver l’existence ou ayant un caractère purement éventuel, sont exclus. 

En définitive, la Cour administrative d’appel de Lyon annule le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et accueille la demande indemnitaire de la société Good Sun, à hauteur (réduite par rapport à la demande de celle-ci) de 8.200 euros et 10.200 euros pour chacune des conventions d’occupation en cause. 

– 

[1]Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, jugement n° 1501263 du 23 janvier 2018