le 27/04/2020

Contrôle du juge sur la compatibilité d’un arrêté préfectoral avec un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD)

CE, 11 mars 2020, Société Valhydrau, n° 422704

Dans sa décision du 11 mars 2020, Société Valhydrau, n° 422704, le Conseil d’État a rappelé et précisé les exigences de compatibilité et conformité entre divers instruments du droit de l’eau, ainsi que l’office du juge dans son appréciation de ces exigences.  

Dans cette affaire, le préfet du département avait adopté un arrêté autorisant la société Valhydrau à disposer de l’énergie de la rivière La Bonne et valant règlement d’eau relatif à l’exploitation d’un aménagement hydroélectrique. Les associations requérantes demandent l’annulation de cet arrêté et soutiennent que celui-ci n’est pas compatible avec le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), dès lors que l’un de ses objectifs interdit tout nouvel aménagement hydroélectrique sur ce sous-bassin versant.  

Le Conseil d’État rappelle les relations de compatibilité et de conformité entretenues entre les différents instruments de planification de l’eau. Ainsi, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE, composé d’un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) et d’un règlement, qui doit être compatible avec le SDAGE. Toute décision administrative prise dans le domaine de l’eau doit être compatible avec le SDAGE et avec le PAGD du SAGE, alors que les décisions administratives prises au titre de la police de l’eau doivent être conformes au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques.  

En premier lieu, la Haute juridiction précise le régime juridique des SAGE ayant été adoptés avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi sur l’eau. Selon le Conseil d’État, « L’article L. 212-10 du code de l’environnement a pour objet de permettre, dans les conditions et limites qu’il prévoit, que les SAGE déjà approuvés ou en cours d’élaboration lors de la promulgation de la [loi sur l’eau] relèvent du régime prévu par cette loi pour les futurs SAGE ». Le SAGE approuvé en application du I de l’article L. 212-10 constitue alors un PAGD, qui doit être complété par un règlement dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la loi sur l’eau. Le PAGD demeure néanmoins applicable même s’il n’a pas été complété par un règlement dans ce délai.  

En second lieu, le Conseil d’État définit le contrôle que doit exercer le juge pour apprécier la compatibilité entre une décision administrative prise dans le domaine de l’eau et le PAGD du SAGE : « Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier ». Cette position avait déjà été adoptée par le Conseil d’État dans son arrêt du 25 septembre 2019, ASA de Benon, n° 418658.  

Il en résulte que le juge ne peut apprécier la compatibilité entre une décision administrative prise dans le domaine de l’eau et le PAGD d’un SAGE en se fondant sur un objectif particulier de celui-ci : son analyse doit être globale. En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait annulé l’arrêté litigieux au motif de sa non-adéquation avec l’objectif d’interdiction de tout nouvel aménagement hydroélectrique. Le Conseil d’État rejette cette argumentation et juge que, « En se fondant sur la non adéquation de l’arrêté litigieux avec un objectif particulier du SAGE et non sur une analyse globale à l’échelle du territoire pertinent et au regard de l’ensemble des objectifs et orientations fixés par le schéma, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ».