La procédure de référé provision pour solliciter l’exécution des conclusions indemnitaires d’un rapport d’expertise judiciaire

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Poitiers admet la possibilité de solliciter, dans le cadre d’un référé provision, les indemnisations retenues par le rapport d’expertise judiciaire.

La requérante, la Société FRANCE TURBOT ICHTUS, a saisi la Cour d’appel d’un référé provision afin d’obtenir la condamnation de la Société Enedis à lui verser la somme de 900.000 euros à titre provisionnel. 

La requérante, qui exerce une activité d’aquaculture de turbots, avait subi en février 2019, deux ruptures d’approvisionnement électrique ayant entraîné la perte de plus de 70 tonnes de turbots pour défaut d’alimentation en oxygène.

En l’absence d’accord amiable sur l’indemnisation, le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a désigné un expert judiciaire, qui a remis son rapport final le 28 mars 2021.

La Cour rappelle que « s’agissant d’une procédure de référé, il n’y a pas lieu en l’espèce de statuer au fond sur l’établissement ou la répartition des responsabilités mais sur la possibilité d’accorder une provision lorsque l’existence même de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ».

La Cour relève ainsi que les obligations d’Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, rappelées à l’article L. 322-12 du Code de l’énergie, relatif à la qualité de l’électricité, ne sont pas sérieusement contestables.

Après avoir rappelé les conclusions de l’Expert, la Cour relève que le rapport d’expertise établit d’une façon non sérieusement contestable la mise en circulation de la part d’Enedis d’un produit défectueux, en dehors de toute cause extérieure susceptible de limiter sa responsabilité (cas de force majeure, contrainte insurmontable liées à des phénomènes atmosphériques ou aux limites des techniques existantes, ou faute de la victime).

De même, s’agissant des préjudices subis, leur réalité même n’est pas sérieusement contestable.

Ce faisant, la Cour d’appel confirme l’ordonnance de première instance en ce qu’elle a condamné la Société ENEDIS à verser à la Société FRANCE TURBOT ICHTUS la somme de 900.000 euros à titre provisionnel correspondant à la part non sérieusement contestable du préjudice qu’elle subit, ainsi que la somme de 6.000 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire.

La responsabilité de l’Etat en cas de non-renouvellement d’une concession hydroélectrique

La commune de Loudenvielle a introduit, auprès du Tribunal administratif de Pau, un recours en responsabilité à l’encontre de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice que lui cause le non-renouvellement par l’Etat de la concession hydroélectrique de la vallée du Louron.

La concession en question a pris fin le 31 décembre 2007 et l’Etat n’a pas mis en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence permettant son renouvellement.

Or, l’article 33 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a créé et mis à la charge du concessionnaire, à l’occasion du renouvellement des concessions hydroélectriques, une redevance proportionnelle aux recettes procurées par les ventes d’électricité produite par les ouvrages hydroélectriques. Cette redevance doit profiter pour partie à l’Etat et pour partie aux départements et aux communes dont le territoire est traversé par les cours d’eau exploités.

Estimant que la carence de l’Etat à renouveler les concessions hydroélectriques du Louron la prive de cette redevance[1], la commune de Loudenvielle sollicite l’indemnisation du manque à gagner qu’elle estime subir.

S’agissant de la responsabilité de l’Etat, la Cour administrative d’appel infirme le jugement et retient la responsabilité de l’Etat en raison de la carence de celui-ci à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi.

La Cour précise également que l’Etat ne peut se prévaloir de changement du cadre législatif et réglementaire, au demeurant postérieur à l’expiration du contrat de concession, pour s’exonérer de sa responsabilité.

De même, l’Etat ne saurait se prévaloir de l’abstention du concessionnaire sortant de fournir le dossier de fin de concession, en dépit de ses relances régulières. La Cour relève en effet que cette difficulté aurait pu être surmontée par l’Etat « en faisant usage des pouvoirs de contrainte et de sanction dont il dispose en tant qu’autorité de police, ce qu’il s’est abstenu de faire sur la période considérée ». En l’espèce, l’Etat s’est seulement contenté d’adresser un projet de mise en demeure de déposer un dossier de fin de concession, qui n’a pas été suivi d’une mise en demeure en bonne et due forme.

S’agissant ensuite du préjudice de la commune, la Cour administrative d’appel rejette les demandes d’indemnisation en considérant que le préjudice n’est pas certain. 

La Cour rappelle d’un part, que compte tenu des aléas inhérents à une procédure de mise en concurrence et à la faculté pour la personne publique de renoncer à conclure le contrat, « l’organisation d’une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’une concession hydroélectrique, quand bien même elle constitue une obligation légale pour l’Etat, n’est pas de nature permettre la mise en œuvre des dispositions précitées de l’article L. 523-2 du Code de l’énergie. Dans ces conditions, la commune de Loudenvielle ne disposait d’aucune certitude quant au renouvellement effectif de la concession ni, en conséquence, de la garantie de percevoir la redevance instituée par l’article L. 523-2 précité du Code de l’énergie ».

D’autre part, la Cour relève que la redevance mise à la charge du concessionnaire est proportionnelle aux recettes de la concession, lesquelles résultent de la vente d’électricité dans un contexte renouvelé de mise en concurrence des candidats.

Le montant de la redevance est donc pour la Cour administrative d’appel incertain dès lors qu’il dépend des bénéfices retirés par le concessionnaire des installations hydroélectriques.

Ce faisant, la Cour confirme le rejet de la demande indemnitaire mais on retiendra que si le préjudice est ici regardé comme incertain, il n’est pas inexistant, laissant penser que le problème élevé par la commune n’est pas définitivement clos.

 

[1] On précisera toutefois que pour pallier le préjudice financier subi par les collectivités et leurs groupements du fait de l’absence de renouvellement des concessions, le législateur a fini par introduire dans le Code de l’énergie un article L. 523-3 (issu de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), instituant à compter du 1er janvier 2019 le versement, par le concessionnaire titulaire d’un contrat de concession soumis au régime des délais glissants, d’une redevance proportionnelle aux recettes ou aux bénéfices de la concession. Si la redevance est versée à l’Etat, une partie doit revenir aux départements, aux communes et aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés (Voir note brève dans la Lettre d’Actualités Energie et Environnement de juillet 2019).

Ressource en eau : report dans le temps de l’annulation d’une autorisation de prélèvement d’eau pour non-conformité au SDAGE

La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée le 21 décembre 2021 sur le recours de plusieurs associations de protection de l’environnement formé contre un arrêté interpréfectoral ayant délivré au syndicat mixte Irrigadour, désigné en qualité d’organisme unique de gestion collective de l’eau, une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d’eau à usage agricole.

Les requérantes invoquaient la contrariété de l’autorisation avec le SDAGE, étant précisé que la première doit être compatible avec le second. La CAA endosse à cet égard la position du Conseil d’Etat, découlant de l’arrêt CE, 11 mars 2020, société Valhydrau, n° 422704, et énonce qu’« il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier ».

Dans ce contexte, la Cour considère que l’autorisation délivrée est incompatible avec les objectifs définis par le SDAGE Adour-Garonne dès lors que ses prescriptions « ne permettent de considérer que l’autorisation délivrée permettrait d’atteindre, à une proche échéance, les objectifs de non détérioration des masses d’eau et de bon état des eaux ou, à tout le moins de s’en approcher » et que « malgré les efforts engagés en vue d’adopter des projets de territoire de gestion de l’eau pour certains périmètres, et bien que les volumes autorisés ne correspondent pas nécessairement aux volumes réellement consommés, l’autorisation litigieuse ne peut être regardée comme permettant de restaurer un équilibre entre les prélèvements et les ressources disponibles ». Les effets de l’annulation sont toutefois différés dans le temps au regard des conséquences importantes de celle-ci, qui est de nature à remettre immédiatement en cause les conditions dans lesquelles les irrigants ont engagé la campagne culturale.

On indiquera au demeurant que cette décision revêt un intérêt particulier s’agissant de la procédure contentieuse, celle-ci annulant le jugement rendu en première instance aux motifs que les parties n’ont pas été mises en mesure de connaître l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer au tribunal administratif d’adopter.

Assainissement : actualités jurisprudentielles sur la portée juridique du zonage d’assainissement

CAA Nantes, 17 décembre 2021, Mme A., n° 21NT00502 

 

En décembre 2021, les Cours administratives d’appel de Bordeaux et Nantes se sont prononcées sur la portée du zonage d’assainissement, qui est élaboré par « les communes ou leurs établissements publics de coopération » en application de l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), et plus particulièrement sur les conséquences de la délimitation des zones d’assainissement collectif.

Il importe de souligner qu’une décision du Conseil d’Etat de 2017 avait considéré à cet égard que la délimitation d’une telle zone entrainait l’obligation de procéder dans un délai raisonnable à des travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif si une demande en ce sens était formulée par les propriétaires de la zone (CE, 24 novembre 2017, M. B., n° 396046), la personne publique compétente disposant d’une marge d’appréciation pour délimiter ces zones.

1°) La CAA de Bordeaux a rendu, le 16 décembre 2021, un arrêt sur la portée de la délimitation des zones d’assainissement collectif du zonage d’assainissement lorsqu’il n’existe aucun réseau public sur le territoire d’une commune. La Cour a jugé, à la différence de l’arrêt du Conseil d’Etat précité, que « la délibération prise en application des dispositions de l’article L. 2224-10 précité se borne à classer en zone d’assainissement collectif les secteurs concernés sans autoriser de dispositif d’assainissement particulier et se limite à fixer des secteurs géographiques où l’assainissement sera collectif. Par suite, la délimitation d’une zone d’assainissement collectif conduit simplement à faire peser sur la commune une obligation de financement de la collecte et du traitement des eaux usées domestiques, à condition qu’existe un réseau d’assainissement. En l’absence de réseau collectif, les immeubles doivent disposer d’un système d’assainissement autonome aux normes, le zonage de l’assainissement étant à cet égard sans incidence ». La Cour juge ici que la circonstance que le territoire de la Commune de Ginouillac, commune de moins de 2.000 habitants qui ne dispose d’aucun système d’assainissement collectif, soit classé en zone AC ne lui impose pas de créer un tel réseau collectif. Il apparaît toutefois vraisemblable que cette décision de la CAA constitue une décision d’espèce, justifiée par la situation particulière dans laquelle se trouvait la commune.

2°) La CAA de Nantes s’est également prononcée le 17 décembre 2021 sur la délimitation du zonage d’assainissement, une communauté de communes ayant refusé de procéder au raccordement d’un particulier dont la propriété se situe en zone d’assainissement non-collectif. Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, la Cour jugeant que la personne publique « n’était pas tenue d’exécuter les travaux d’extension du réseau d’assainissement pour y raccorder la propriété de Mme A… qui n’est pas située dans la zone d’assainissement collectif ». La CAA rappelle également que les structures compétentes ont un large pouvoir d’appréciation pour délimiter les zones d’assainissement, et indique par ailleurs qu’une personne disposant d’une installation d’assainissement non-collectif non-conforme ne peut s’en prévaloir pour soutenir que le zonage d’assainissement ne garantirait pas le respect de la salubrité publique et exiger sur ce motif le classement de sa parcelle en zone d’assainissement collectif et son raccordement au réseau public, la mise en conformité de son installation lui incombant.

ICPE : le cumul des sanctions administratives et pénales ne méconnaît pas le principe de nécessité et de proportionnalité des peines

Le Conseil constitutionnel, saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), s’est prononcé sur le caractère constitutionnel de l’article L. 171-8 et du paragraphe II de l’article L. 173-1 du Code de l’environnement (C. env.). Ces articles prévoient respectivement des sanctions administratives et pénales en cas d’inobservation des prescriptions applicables, en vertu de ce Code, aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Ils retiennent en effet que, lorsque l’exploitant d’une ICPE méconnaît les règles prescrites par le Code de l’environnement, alors l’autorité administrative compétente met en demeure ledit exploitant d’y satisfaire dans un délai qu’elle détermine. Si l’exploitant ne s’est pas conformé à cette mise en demeure dans le délai qui lui a été imparti, alors il pourra se voir infliger une amende administrative de 15 000 euros maximum (article L. 171-8, C. env.). Par ailleurs, il est également prévu que la personne physique qui s’est rendue coupable du délit d’exploitation d’une ICPE en violation de cette mise en demeure encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 100. 000 euros d’amende. Lorsque l’exploitant est une personne morale, elle encourt une peine de 500. 000 euros d’amende et/ou de dissolution, de placement sous surveillance judiciaire, de fermeture temporaire ou définitive et d’exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif (article L. 173-1, C. env.).

La société Spécitubes, requérante, dénonçait alors ce cumul possible de sanctions en vertu du principe non bis in idem, qui interdit de poursuivre ou de punir pénalement deux fois une personne à raison des mêmes faits.

Le Conseil constitutionnel retient à cet égard que le principe des délits et des peines implique « qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux ».

Or, en l’espèce, le Conseil constitutionnel retient que les peines encourues au titre des articles en cause sont de natures différentes, l’une étant de uniquement nature pécuniaire, et l’autre prévoyant « une peine d’amende et une peine d’emprisonnement pour les personnes physiques ou, pour les personnes morales, une peine de dissolution, ainsi que les autres peines précédemment mentionnées ».

Le Conseil constitutionnel, en retenant que les sanctions dont il est question sont de natures différentes, estime ainsi que les articles en cause ne méconnaissent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines et que le cumul des sanctions litigieuses est bien constitutionnellement possible.

Classement des substances composant les produits phytopharmaceutiques pour l’établissement de la redevance pour pollutions diffuses

L’article L. 213-10-8 du Code de l’environnement prévoit que les personnes qui acquièrent un produit phytopharmaceutique ou une semence traitée au moyen d’un tel produit, ou qui commandent une prestation de traitement de semence au moyen d’un tel produit, sont assujetties à une redevance pour pollution diffuse.

Le taux de la redevance dépend des produits en cause, lesquels sont classés selon leur dangerosité et leur toxicité.

L’arrêté du 19 novembre 2021, publié le 26 décembre 2021, pris conjointement par les ministres de la transition écologique et de l’agriculture et de l’alimentation, établit dans ce cadre la liste des substances contenues dans les produits pharmaceutiques et les classes afin de connaître le taux de redevance applicable à chaque produit. Il convient dès lors de s’y référer pour connaître le taux applicable.

Sortie du statut de déchet pour les déblais de terres excavées et réemployées dans le cadre de grands projets d’aménagement

Après la publication de l’arrêté du 4 juin 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement (voir notre article), la Ministre de la transition écologique a publié, le 5 janvier 2022, un arrêté daté du 21 décembre 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les aménagements constitués de déblais de terres naturelles excavées et gérées au sein d’un grand projet d’aménagement ou d’infrastructure.

Cet arrêté fixe les critères dont le respect permet de faire sortir du statut de déchet des déblais de terres naturelles excavées et gérées au sein d’un grand projet d’aménagement ou d’infrastructure, en s’appuyant sur des opérations de contrôle. Il permet ainsi aux maîtres d’ouvrage de tels projets de réemployer les terres excavées directement sur le site en cause.

L’arrêté définit les « grands projets d’aménagement ou d’infrastructure » comme étant ceux présentant les caractéristiques cumulatives suivantes : ils sont déclarés d’utilité publique, soumis à autorisation environnementale et à évaluation environnementale systématique. Les terres excédentaires excavées lors de ces chantiers peuvent alors sortir du statut de déchet si elles répondent à six critères définis par l’arrêté :

  1. Le maître d’ouvrage décrit, dans son dossier de demande d’autorisation environnementale, les conditions de gestion des terres permettant de justifier qu’elles ne soient plus considérées comme des déchets :
  2. Les terres satisfont aux critères définis à l’annexe I, section 1 de l’arrêté : consistance, absence de dangerosité, etc. ;
  3. Le dépôt des terres satisfait aux critères définis à l’annexe I, section 2 de l’arrêté : dépôt réalisé sur le site du projet, préservation de la ressource en eau et des écosystèmes, maintien de la qualité des sols ;
  4. Les terres sont gérées sur le site du projet ;
  5. Le maître d’ouvrage applique un système de gestion règlementaire de la qualité (voir l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement) ;
  6. L’aménagement constitué des déblais de terre sont, une fois réalisés, inspectés par les services de la Préfecture.

Il est également prévu que les différentes analyses rendues nécessaires par l’étude et le suivi et le contrôle des terres soit réalisé par un « personnel compétent », c’est-à-dire justifiant d’une formation en matière de gestion des déchets et des sites et sols pollués.

Enfin, chaque lot de déblai doit être identifié par un numéro unique et la zone d’excavation doit être référencée. Le maître d’ouvrage est par ailleurs tenu de conserver pendant dix ans toutes les pièces permettant de justifier du respect de l’ensemble des conditions énoncées par l’arrêté.

Précisions du CoRDiS sur le traitement d’une demande de raccordement déposée par un mandataire et la portée de la norme NF C 14-100

Dans une décision du 14 octobre 2021 (publiée récemment), le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a tranché un différend opposant la société « Elec’Chantier 44 » à Enedis au sujet du raccordement au réseau de distribution d’électricité d’une habitation appartenant à des particuliers ayant mandaté la société Elec’Chantier 44 pour présenter sa demande de raccordement.

Enedis avait, au cours de l’instruction de la demande de raccordement, méconnu le mandat confié par les propriétaires à la société Elec’Chantier44 en adressant directement aux particuliers le devis de raccordement et en s’abstenant de communiquer à la société un certain nombre de documents qu’elle avait sollicités. La société Elec’Chantier44  soutenait dès lors que la société Enedis avait « fait preuve d’un défaut d’information, d’objectivité et de transparence dans le cadre du traitement de la demande de raccordement de l’habitation », qu’elle avait « agi de manière manifestement discriminatoire et failli à ses obligations de communication, de transparence et d’information » et, enfin, qu’elle n’avait « pas assuré le droit d’accès de M. M. et de Mme F. au réseau public de distribution d’électricité ».

Le CoRDiS écarte cet argumentaire en précisant « qu’une proposition de raccordement formulée dans des conditions dans lesquelles le gestionnaire de réseau a manqué à ses obligations de transparence, d’information, de non-discrimination et d’objectivité ne peut être assimilée à un refus d’accès au réseau que si la gravité des manquements est telle que l’accès en a été compromis, ce qui n’est pas établi en l’espèce ».

Le CoRDiS relève en effet « que pour regrettable qu’ait pu être la prise en compte imparfaite par la société Enedis du mandat dont dispose la société Elec’Chantier 44, les actes qui ont pu être formalisés en conséquence ont été retirés par la société Enedis et n’ont produit aucun effet sur la situation juridique des demandeurs, dont l’accès au réseau n’a pas été refusé. Que dès lors, s’il n’est pas de bonne administration pour la société Enedis de ne respecter que partiellement la portée d’un mandat de représentation, il n’y a pas lieu pour autant de relever qu’elle a méconnu ses obligations d’information, d’objectivité et de transparence, de manière à constituer un refus d’accès au réseau ».

Ainsi, la méconnaissance du mandat confié par les propriétaires à la société ne peut en l’espèce être regardée comme un refus d’accès au réseau dès lors, surtout, qu’Enedis a régularisé la situation.

Ensuite, sans entrer dans le détail du désaccord relatif à la solution technique de raccordement proposée (qui donne lieu à d’assez longs développements) et de l’appréciation qu’en fait le CoRDiS, on relèvera la réaffirmation par le comité du caractère non obligatoire de la norme NF C 14-100 relative aux branchements.

A ce titre, le CoRDiS relève que « si la norme NF C 14-100 demeure une norme de référence, elle ne peut faire obstacle à ce qu’une solution qui ne répond pas en tous points aux prévisions de cette norme ne puisse, par principe, constituer l’opération de raccordement de référence » (points 20 et 27).

Au global, le CoRDiS, estimant que les éléments produits par Enedis ne permettent pas de justifier les coûts la solution de raccordement proposée, enjoint au gestionnaire de réseau d’étudier l’opération de raccordement présentée par la société Elec’ Chantier 44 et de réaliser une étude permettant de déterminer l’opération de raccordement de référence, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information de la société Elec’ Chantier 44, dûment mandatée par le demandeur du raccordement, et de produire une proposition de raccordement dans un délai de 30 jours.

Censure de la position de la CRE sur la notion de force majeure au sens de l’accord-cadre ARENH

Par un arrêt en date du 10 décembre 2021, le Conseil d’Etat a partiellement annulé une délibération de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) se prononçant sur l’applicabilité de la théorie de la force majeure aux accords-cadres pour l’Accès Régulé au Nucléaire Historique (ARENH) conclus par les fournisseurs d’électricité avec EDF en vue d’acquérir de l’électricité d’origine nucléaire.

On rappellera que depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Eni…) peuvent acheter à l’avance et à prix fixe une certaine quantité d’électricité nucléaire produite par EDF, dans le cadre du mécanisme de l’ARENH.

En vertu de ce mécanisme, la société EDF est tenue de céder jusqu’à 100 TWh/an de sa production nucléaire à ses concurrents fournisseurs qui le lui demandent à un prix fixe de 42 euros/MWh. Dans le cadre de ce dispositif, chaque fournisseur est lié à EDF par un accord-cadre dont le modèle est fixé par arrêté ministériel.

Ceci rappelé, la crise sanitaire survenue en 2020 a entraîné une importante baisse de la consommation d’électricité en France et une diminution du prix de l’électricité sur les marchés de gros, lequel a atteint un niveau bien inférieur à 42 euros/ MWh.

En conséquence, certains fournisseurs d’électricité, estimant que cette situation était constitutive d’un « évènement de force majeure » au sens de l’article 10 du modèle d’accord-cadre pour l’ARENH, ont demandé à mettre en œuvre les stipulations de l’article 13 de l’accord-cadre afin d’obtenir (i) la suspension du contrat pour force majeure, (ii) mettre fin ensuite aux livraisons des volumes d’ARENH pendant la durée de la force majeure et (iii) enfin, s’approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas pour la totalité de leurs volumes.

Toutefois, EDF s’est opposé au déclenchement de cette clause, considérant que les conditions prévues dans le contrat ARENH n’étaient pas réunies. 

Par une délibération n° 2020-071 du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d’électricité et de gaz naturel, la CRE a constaté le désaccord entre les fournisseurs alternatifs d’électricité et la société EDF, donné son interprétation des dispositions précitées de l’article 10 du modèle d’accord-cadre et son analyse des conséquences sur le marché de l’électricité d’une suspension des accords-cadres sur l’ARENH.

Aux termes de cette délibération la CRE a ainsi relevé que « la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH » et que « les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH en raison de l’activation des clauses de force majeure seraient disproportionnées. Enfin, une telle situation créerait un effet d’aubaine pour les fournisseurs au détriment d’EDF qui irait à l’encontre des principes de fonctionnement du dispositif qui reposent sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an ».

En conséquence de ses analyses, la CRE a refusé de transmettre à RTE une évolution des volumes d’ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d’activation de la clause de force majeure, ce refus de reconnaître la situation de force majeure faisant obstacle pour les fournisseurs à la suspension effective de leurs achats d’électricité auprès d’EDF.

La société Hydroption a introduit un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la délibération de la CRE du 26 mars 2020 en tant qu’elle refuse de reconnaître l’existence d’une situation de force majeure.

Statuant sur ce recours, le Conseil d’Etat a tout d’abord confirmé la recevabilité de la requête de la société Hydroption en notant que « l’interprétation que la CRE a donné des dispositions précitées de l’article 10 du modèle d’accord-cadre pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, alors même qu’elle ne saurait avoir pour effet de lier l’appréciation des juridictions qui ont été saisies des différends entre les fournisseurs d’électricité et la société EDF, a eu pour objet d’influer de manière significative sur le comportement des intéressés » et que, dès lors, « eu égard à sa qualité de fournisseur d’électricité, la société requérante justifie d’un intérêt direct et certain à l’annulation de cette prise de position, qui a été adoptée par la CRE dans le cadre de sa mission de régulation ».

Puis, statuant au fond sur la licéité de la délibération de la CRE, le Conseil d’Etat considère qu’elle est entachée d’une erreur de droit puisqu’« en réservant l’application de la force majeure à l’hypothèse d’une impossibilité totale pour l’acheteur d’exécuter l’obligation de paiement de l’ARENH alors que les stipulations de l’article 10 de l’accord-cadre subordonnaient uniquement le bénéfice de cette clause à la condition qu’un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rende impossible l’exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables, la Commission de régulation de l’énergie a entaché la délibération attaquée d’une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat annule donc la délibération attaquée en tant qu’elle énonce que « la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH ».

Pour autant, si la décision a le mérite de rappeler la nécessité de s’en tenir à une lecture stricte des stipulations contractuelles, la portée de cette décision du 10 décembre 2021 s’avère, en tant que telle, relativement limitée.

D’abord, le Conseil d’Etat refuse d’enjoindre à la CRE de prendre une nouvelle délibération.

Ensuite, les litiges opposant les parties à l’accord-cadre ARENH relèvent du Juge judiciaire (Tribunal de commerce de Paris et Cour d’appel de Paris), et la Cour d’appel de Paris avait, par plusieurs arrêts du 28 juillet 2020, statué en faveur des fournisseurs et reconnu l’existence de cas de force majeure (CA Paris, 28 juillet 2020, n° 20/06676, n° 20/06675 et n° 20/06689).

Enfin, la rédaction des clauses relatives à la force majeure contenues dans le modèle d’accord-cadre ARENH qui avaient donné lieu à ces différends a, depuis la délibération de la CRE du 26 mars 2020, été modifiée (Arrêté du 12 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité).

Rejet d’un recours d’Enedis dirigé contre le TURPE 5 BIS HTA BT

Par une décision du 9 décembre 2021, le Conseil d’Etat a rejeté le recours introduit par la société Enedis à l’encontre du Tarif d’Utilisation des Réseaux publics d’Electricité (TURPE) haute tension A (HTA) et basse tension (BT) dits « TURPE 5 bis HTA-BT » applicable à compter du 1er août 2018 tel qu’il avait été modifié par une délibération n° 2019-138 du 25 juin 2019 de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

Par cette délibération du 25 juin 2019, la CRE avait fait évoluer le tarif à compter du 1er août 2019 en retenant une évolution moyenne à la hausse de 3,04 % et en ajustant le montant moyen par client de la contrepartie versée aux fournisseurs par le gestionnaire de réseau au titre des prestations de gestion de clientèle que ces fournisseurs assurent pour le compte dudit gestionnaire au profit des utilisateurs titulaires d’un contrat unique.

On rappellera en effet que l’article L. 224-8 du Code de la consommation et l’article L. 332-3 du Code de l’énergie prévoient la faculté de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d’électricité. La souscription d’un tel contrat dispense les consommateurs de conclure directement un contrat d’accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec leur fournisseur.

La société Enedis demandait l’annulation de cette délibération en tant qu’elle ne prévoyait pas la couverture intégrale des sommes exposées par elle au titre des contrats de prestations de services conclus avec différents fournisseurs d’électricité, en méconnaissance (selon le gestionnaire de réseau) du principe de couverture intégrale des coûts.

Le Conseil d’Etat écarte toutefois les différents arguments du distributeur :

  • D’abord, il considère que les sommes versées avant le 1erjanvier 2017 par la société Enedis aux sociétés Enercoop et Total Spring en application des contrats de prestations de services qu’elle avait conclus avec ces fournisseurs, ont été totalement couvertes par les revenus que le gestionnaire du réseau public d’électricité a perçus durant la période au titre de laquelle se sont appliqués les tarifs dits « TURPE 4 », de sorte que la société Enedis n’est pas fondée à soutenir que ces sommes auraient également dû être prises en compte pour déterminer l’évolution de la grille tarifaire des tarifs « TURPE 5 bis HTA-BT » à compter du 1er août 2019 ;
  • Ensuite, le Conseil d’Etat écarte l’argument de la société Enedis selon lequel certaines sommes versées par elle à la société ENI auraient été écartées à tort du Compte de Régulation des Produits et Charges (CRPC) par la CRE ;
  • Enfin, le Conseil d’Etat juge que la CRE a valablement pu considérer que ni les éléments présentés par Enedis, ni les informations détenues par ailleurs par le régulateur ne permettaient de constater, à la date de la décision à laquelle la CRE a rejeté le recours gracieux formé par Enedis à l’encontre de la délibération du 25 juin 2019, qu’un écart significatif s’était produit ou serait susceptible de se produire entre le revenu autorisé et les coûts de la société.

En définitive le Conseil d’Etat estime que la délibération de la CRE ne peut être regardée comme ne prévoyant pas la couverture intégrale des sommes exposées par Enedis en contrepartie des prestations de gestion de clientèle en contrat unique réalisées par les fournisseurs d’électricité et rejette le recours de la société Enedis.

Modification des règles relatives à la sécurité des canalisations de distribution de gaz combustible

Un arrêté du 6 décembre 2021 a apporté des modifications aux règles relatives à la sécurité des canalisations de distribution de gaz combustible contenues posées par l’arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations.

Parmi les diverses modifications apportées par ce texte, on relèvera qu’il intègre dans la définition des réseaux les postes d’injection qui en étaient jusqu’alors absents (art. 2), et crée en outre les définitions de « conduite de distribution » et de « branchement » (art. 2).

L’arrêté du 6 décembre 2021 précise également que les prescriptions techniques posées par l’arrêté du 13 juillet 2000 s’appliquent « à tous les réseaux quelle que soit leur date de mise en service, y compris lors des opérations de renouvellement ou de remplacement » (art. 3). Par dérogation toutefois, les parties de réseaux en service avant le 20 août 2000 ne sont pas concernées par un certain nombre de règles relatives à la construction et à l’assemblage des réseaux.

En matière de renouvellement des réseaux, l’arrêté prévoit que « les réseaux ou tronçons de réseaux sont renouvelés autant que nécessaire ». Il impose la réalisation d’un programme de traitement par le gestionnaire « pour l’ensemble des réseaux ou tronçons de réseaux constitués de tuyauteries en tôle bitumée, fonte à graphite sphéroïdal et cuivre » et prévoit en tout état de cause la mise hors service, le remplacement ou le retrait de ces ouvrages selon le calendrier suivant :

  • le 1er janvier 2026 pour les conduites et les branchements en tôle bitumée ;
  • le 1er janvier 2026 pour les conduites et les branchements en fonte à graphite sphéroïdal et dont la pression est supérieure ou égale à 50 millibars ;
  • le 1er janvier 2050 pour les conduites et les branchements en fonte à graphite sphéroïdal et dont la pression est inférieure à 50 millibars ;
  • le 1er janvier 2050 pour les conduites en cuivre sur le domaine public.

L’arrêté fixe des exigences supplémentaires concernant les plans de surveillance et de maintenance (PSM) et ouvre la possibilité de construire des canalisations en matériaux autres qu’en acier ou en polyéthylène pour lesquels un guide professionnel précisera les dispositions applicables (art.8).

L’arrêté fixe par ailleurs des délais d’intervention maximums sur les réseaux en délégation de service public s’élevant :

  • à 1 heure dans 96 % des interventions de sécurité gaz calculé annuellement sur l’ensemble de son périmètre, pour un opérateur qui réalise plus de 200 interventions de sécurité au niveau national sur des réseaux exploités en délégation de service public ;
  • à 1 heure dans 80 % des interventions de sécurité gaz calculé annuellement sur l’ensemble de son périmètre, pour un opérateur qui réalise moins de 200 interventions de sécurité au niveau national sur des réseaux exploités en délégation de service public.

L’arrêté entre en vigueur le 1er juillet 2022 à l’exception de certaines dispositions dont l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2023 et au 1er juillet 2025 (celles relatives aux délais d’intervention prévus dans les délégations de service public).

Calendrier prévisionnel de la publication à venir des décrets d’application de la loi Climat et résilience en matière d’urbanisme

Un calendrier prévisionnel de la publication à venir de l’ensemble des décrets d’application de la loi Climat et résilience (n° 2021-1104 du 22 août 2021 parue au journal officiel n° 196 du 24 août 2021) est désormais disponible.

En matière d’urbanisme, les principaux décrets d’application ont vocation à intervenir entre le mois de janvier et juillet 2022.

L’une des premières échéances prévues par la loi Climat, fixée au 22 février 2022, vise à établir, dans les conférences régionales des SCoT, la déclinaison de l’objectif de réduction par deux de la consommation effective d’espaces naturels agricoles et forestiers dans les dix prochaines années.

Comptes-tenus du caractère restreint des délais prévus par les textes, l’Association des Maires de France (AMR) et de l’Association des Régions de France (ARF) se sont associés pour solliciter un report des délais fixés par la loi Climat et résilience.

Des débats sont en cours dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Ce projet, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale le 4 janvier 2022, fait l’objet de discussions en commission mixte paritaire depuis le 6 janvier dernier.

L’adoption définitive du projet de loi pourrait impacter l’entrée en vigueur effective des décrets d’application en matière d’urbanisme, tels que prévus par le calendrier prévisionnel actuellement disponible.

Evolution de la prime de transition énergétique

Arrêté du 30 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique et l’arrêté du 17 novembre 2020 modifié relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique

 

La prime de transition énergétique, également appelée « MaPrimeRenov’ », a été créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2020 de finances pour 2020. Ce dispositif d’aide permet de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s).

Deux textes publiés au Journal officiel de la République française du 31 décembre 2021 modifient le dispositif de la prime, à compter du 1er janvier 2022.

En premier lieu, le décret n° 2021-1938 du 30 décembre 2021 prévoit, s’agissant des demandes de primes, les principales évolutions suivantes :

  • L’ancienneté du logement est d’au moins 15 ans (l’ancien dispositif prévoyait une ancienneté de 2 ans) à compter de la notification de la décision d’octroi, à l’exception des demandes de prime réalisées dans le cadre d’un changement de chaudière fonctionnant au fioul, qui peuvent concerner des logements de plus de 2 ans et doivent alors faire l’objet d’une demande accompagnée de prime au titre d’une dépose de cuve à fioul ;
  • La durée minimale d’occupation du logement est fixée à 8 mois par an (au lieu de 6 mois auparavant) ;
  • Le propriétaire s’engage à occuper son logement à titre de résidence principale dans un délai d’un an (au lieu de 6 mois auparavant) à compter de la demande de solde ;
  • Le délai de réalisation des travaux est augmenté à 2 ans (au lieu d’un an auparavant) ;
  • Corrélativement, le délai de réalisation des travaux est augmenté à 1 an (au lieu de 6 mois précédemment) en cas de versement d’une avance sur la prime ;
  • Seuls les ménages peuvent demander et percevoir une avance ;
  • Des précisions sont apportées quant aux modalités de calcul du reversement partiel de la prime pour les propriétaires bailleurs.

En second lieu, l’arrêté du 30 décembre 2021 modifie les arrêtés du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique et du 17 novembre 2020 relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique.

En substance, ce texte précise les modalités de calcul du reversement partiel de l’aide pour les propriétaires bailleurs n’ayant pas respecté les conditions d’attribution de la prime, revalorise les forfaits pour l’installation des foyers fermés et inserts et supprime la demande de l’extrait K bis des entreprises mandataires.

On précisera que la prime de rénovation énergétique est cumulable avec d’autres aides à la rénovation énergétique telles que les certificats d’économies d’énergie (CEE), lesquels ont également fait l’objet d’évolutions réglementaires récentes[1].

 

[1] Retrouvez notre analyse des dernières évolutions réglementaires relatives au CEE 

Précisions des modalités de fixation du critère de sécurité d’approvisionnement

Délibération n °2021-370 du 16 décembre 2021 portant avis sur le projet de règles du mécanisme de capacité

Délibération n° 2021-371 du 16 décembre 2021 portant approbation du plafond utilisé dans le cadre du règlement financier des écarts du mécanisme de capacité pour les années 2023 et 2024

Délibération n° 2021-372 du 16 décembre 2021 portant approbation de la proposition de convention RTE – GRD relative aux échanges de données pour le calcul de l’obligation de capacité

 

Conformément à l’article L. 100-1 du Code de l’énergie, la politique énergétique doit notamment assurer la sécurité d’approvisionnement et réduire la dépendance aux importations.

Pour mémoire, la sécurité d’approvisionnement énergétique recouvre la capacité des systèmes électriques (et gaziers) à satisfaire de façon continue la demande prévisible du marché et implique ainsi que soit évitée la défaillance du système électrique. A cette fin, l’objectif de sécurité d’alimentation électrique, également appelé « critère de défaillance », a été mis en place et codifié à l’article D. 141-12-6 du Code de l’énergie.

L’article 1er du décret n° 2021-1781 du 23 décembre 2021, ici commenté, remplace les dispositions de l’article D. 141-12-6 susvisé, en prévoyant désormais que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité effectue une estimation du coût de l’énergie non distribuée et du critère d’approvisionnement au moins une fois par période de programmation pluriannuelle de l’énergie (soit 5 ans) ou sur demande du Ministre chargé de l’énergie.

Ces estimations sont ensuite notifiées au Ministre ainsi qu’à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) au plus tard six mois avant l’échéance de la période en cours de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

En tenant compte de ces estimations et dans un délai de deux mois après leur notification, la CRE propose une valeur du critère d’approvisionnement pour la France métropolitaine continentale.

Enfin, à compter du 1er juillet 2022, le Ministre chargé de l’énergie fixera le coût de l’énergie non distribuée et le critère de sécurité d’approvisionnement en prenant en considération la proposition de la CRE.

L’article 2 du décret du 23 décembre 2021 prévoit pour sa part que jusqu’au 1er juillet 2022, le critère de sécurité d’approvisionnement est déterminé comme suit :

« – la durée moyenne de défaillance annuelle est inférieure à trois heures ;

– la durée moyenne de recours au délestage pour des raisons d’équilibre offre-demande est inférieure à deux heures ; et

– la défaillance se définit comme la nécessité de recourir aux moyens exceptionnels, contractualisés et non contractualisés, pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité. Les moyens exceptionnels incluent le recours aux capacités interruptibles mentionnées à l’article L. 321-19 du Code de l’énergie, l’appel aux gestes citoyens, la sollicitation des gestionnaires de réseaux de transport frontaliers hors mécanismes de marché, la dégradation des marges d’exploitation, la baisse de tension sur les réseaux, et en dernier recours le délestage de consommateurs ».

On relèvera également que le critère de sécurité d’approvisionnement se fonde sur deux outils complémentaires, que sont le bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande et le mécanisme de capacité. Ce dernier mécanisme repose sur l’obligation pour les fournisseurs d’électricité de couvrir, par des garanties de capacité, la consommation de ses clients lors de périodes de forte consommation électrique.

A cet égard, la CRE a édicté, le 16 décembre 2021, trois délibérations portant respectivement sur le projet de règles du mécanisme de capacité, sur l’approbation du plafond utilisé dans le cadre du règlement financier des écarts dudit mécanisme pour les années 2023 et 2024 ainsi que sur l’approbation de la proposition de convention RTE – GRD (le gestionnaire du réseau de distribution) relative aux échanges de données pour le calcul de l’obligation de capacité.

Le CoRDiS prononce une sanction pécuniaire de 100 000 euros à l’encontre de la société ENEDIS

En l’espèce, un différend est né entre la société Enedis et la société Moulin du Teulel, laquelle exerce une activité de production d’électricité au moyen d’une centrale hydroélectrique. Ce différend portait sur une demande de raccordement d’une installation de production existante, appartenant à la société Moulin du Teulel, comprenant la rénovation de deux turbines, l’augmentation de puissance des installations et le renouvellement du dispositif de comptage.

En décembre 2015, la société Moulin de Teulel a saisi le Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) d’une demande de règlement de différend, assortie d’une demande de mesures conservatoires, portant sur les conditions de raccordement d’une nouvelle installation de production hydroélectrique au réseau public de distribution et au comptage de l’installation de production hydroélectrique existante.

Sans rentrer sur le fond de cette affaire, Par une décision n° 11-38-16 du 8 décembre 2017, le CoRdiS avait notamment décidé que la société Enedis devait communiquer à la société Moulin de Teulel une nouvelle convention de raccordement ainsi que les résultats d’une étude sur la puissance transitant dans le transformateur du poste de distribution publique, et ce, avant le 8 février 2018.

Or, la société Enedis a communiqué lesdits documents à la société Moulin de Teulel avec un retard de vingt mois et huit jours, sans qu’aucune cause de ce retard ne puisse être imputée à cette dernière. 

Dans ce contexte, par une décision n° 02-40-19 du 7 décembre 2021, le CoRDiS a prononcé à l’encontre de la société Enedis une sanction pécuniaire d’un montant de 100.000 € et décidé que cette décision devait faire l’objet d’une publication au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de la CRE pendant une période de deux années à compter de sa publication.

Conformément à l’article L. 134-27 du Code de l’énergie, on rappellera que le CoRDiS peut prononcer, selon la gravité du manquement constaté :

  • Soit une interdiction temporaire, pour une durée n’excédant pas un an :
    • de l’accès aux réseaux, ouvrages et installations ;
    • ou de l’exercice de tout ou partie des activités professionnelles des personnes concernées en cas de manquement aux articles 3, 4 ou 5 du Règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT) ;
  • Soit une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés.

Précisions règlementaires sur les conditions de déploiement du réseau de fibre optique sur les poteaux utilisés pour la distribution d’électricité

Pour mémoire et, en application de l’article L. 34-8-2-1 du Code des postes et des communications électroniques, les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité doivent faire droit aux demandes raisonnables d’accès à leurs infrastructures des exploitants de réseau ouvert au public à très haut débit.

Et, ce n’est que lorsqu’il est fondé sur des critères objectifs, tels que la capacité de l’infrastructure en question ou la sécurité nationale par exemple, que le gestionnaire du réseau électrique peut opposer un refus à une telle demande d’accès.

Pour l’application de ce dispositif, l’arrêté du 24 décembre 2021 ici commenté vient préciser certaines conditions encadrant le déploiement de fibre optique sur les appuis utilisés pour la distribution d’électricité en basse tension.

A ce titre, ledit arrêté indique notamment :

  • les caractéristiques techniques que doivent respecter les câbles de fibre optique déployés sur les ouvrages du réseau public de distribution d’électricité ;
  • les contenus et modalités d’élaboration de l’étude de calcul des charges fournie au gestionnaire du réseau public de distribution (GRD). En particulier, l’arrêté exonère du calcul de charges le déploiement d’un raccordement final optique lorsque ce déploiement n’accueille pas de desserte optique ;
  • que la convention établie entre le GRD et l’opérateur de communication électronique précisera les modalités techniques et financières encadre l’accès aux appuis pour permettre le déploiement du réseau de communication électronique, ainsi que son contenu.

Tarifs du gaz : les précisions de la CRE pour l’année 2022

Publication des barèmes applicables pour les tarifs réglementés de vente de gaz naturel d’ENGIE, janvier 2022

Délibération de la CRE du 15 décembre 2021 portant projet de décision sur les tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel des entreprises locales de distribution

 

  • Gel des tarifs réglementés de gaz

Pour mémoire et ainsi que nous l’expliquions dans notre précédente LAJEE, du fait de la hausse exceptionnelle des prix de gros du gaz naturel, les tarifs règlementés de vente (ci-après TRV) de gaz naturel ont été gelés (à compter du 1er novembre concernant ceux proposés par Engie et du 1er janvier 2022 pour les Entreprises Locales de Distribution –(ELD-)).

Ce gel des TRV de gaz étant opéré à des niveaux inférieurs aux coût d’approvisionnement supportés par les fournisseurs de gaz, il impacte fortement ces derniers, de sorte qu’en contrepartie, la loi de finance pour 2022 prévoit (en son article 181) que :

  • les fournisseurs ainsi impactés pourront bénéficier d’une compensation au titre des charges imputables aux obligations de service public ;
  • les fournisseurs de gaz naturel dont moins de 300 000 clients résidentiels sont concernés par le bouclier tarifaire pourront bénéficier d’un acompte sur les compensations de charges.

C’est dans ce cadre que la CRE précise, par une publication du 23 décembre 2021, les modalités d’obtention de cet acompte et notamment l’ensemble des pièces justificatives devant être transmises (avant le 10 janvier 2022) pour en bénéficier.

Par ailleurs, elle indique qu’une majoration de l’acompte pourra être proposée aux fournisseurs pour lesquels le gel des tarifs compromet la viabilité économique.

Enfin on notera qu’ainsi que l’annonce la CRE, le montant de cet acompte sera en principe évalué par une délibération de cette dernière avant le 1er février 2022.

Toujours dans le prolongement du gel des tarifs réglementés de vente de gaz naturel et en application du décret du 23 octobre 2021[1] et de l’article R. 445-5 du Code de l’énergie, la CRE a publié, comme chaque mois, les barèmes applicables pour ces tarifs en indiquant qu’ils demeuraient identiques à ceux fixés en octobre 2021.

En outre, elle précise que sans ce gel tarifaire, c’est-à-dire par application de la formule définie par l’arrêté du 28 juin 2021[2] en vigueur avant ce gel, le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1er janvier 2022, aurait été supérieur de 42,1 % HT, soit 38,0 % TTC, par rapport au niveau en vigueur fixé au 1er octobre 2021.

 

  • Calcul des nouveaux tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel des entreprises locales de distribution

Par une délibération du 15 décembre 2021, la CRE a exposé la méthode et les paramètre selon lesquels seront fixés les tarifs péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz des ELD[3], lesquels doivent entrer en vigueur le 1er juillet 2022 pour une durée d’environ quatre ans.

Dans ce cadre, la CRE définit notamment :

  • le cadre de régulation tarifaire et les paramètres de la régulation incitative applicables aux ELD de gaz naturel pour une durée d’environ 4 ans ;
  • la trajectoire des charges d’exploitation et l’évolution prévisionnelle du tarif ;
  • les termes tarifaires applicables à partir du 1er juillet 2022.

 

[1] Décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie et faisant application du dernier alinéa de l’article R. 445-5 du Code de l’énergie

[2] Arrêté du 28 juin 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni par ENGIE

[3] Entreprises locales de distribution

Biogaz : publication de deux arrêtés et d’un décret

Au cours du mois de décembre, trois textes règlementaires sont parus en matière de biogaz notamment produit à partir de déchets (biométhane).

Premièrement, un arrêté du 13 décembre 2021 vient fixer les conditions de l’obligation d’achat à un tarif règlementé du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel. Celui-ci remplace l’arrêté du 23 novembre 2020 en la matière, désormais abrogé, et vient notamment fixer :

  •  les éléments requis dans la demande de contrat d’obligation d’achat à un tarif réglementé ;
  •  les caractéristiques ainsi que le contenu dudit contrat d’achat ;
  •  la définition et les modalités d’application de ce tarif.

Et, à sa lecture, on constate qu’afin de bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat, les installations doivent désormais présenter une production annuelle prévisionnelle inférieure ou égale à 25 GWh PCS par an (alors que ce seuil était antérieurement fixé par l’arrêté du 23 novembre 2020 susvisé à 300 Nm3/h).

Ensuite, un décret du 17 décembre 2021 vient quant à lui imposer aux producteurs d’électricité à partir de biogaz la transmission d’une attestation de conformité de leurs installations aux prescriptions mentionnées à l’article R. 311-43 du Code de l’énergie, au plus tard six mois après la date de publication dudit décret.

Du reste, il apporte notamment quelques modifications aux dispositions règlementaires du Code de l’énergie et notamment celles de son article R. 311-29 relatif à la procédure de sanction pouvant être engagée par le préfet de région en cas de non-conformité des installations susvisées.

Dans le même sens, un arrêté du 17 décembre 2021 modifie légèrement les modalités de contrôle des installations de production d’électricité à partir de biogaz tels qu’elles étaient prévues par l’arrêté du 2 novembre 2017, notamment s’agissant des documents de référence sur la base desquels ce contrôle est effectué.

Le régime de passation des accords-cadres de fourniture d’énergie à l’épreuve du juge administratif : quelles conséquences pratiques pour les acheteurs ?

Dans une affaire concernant la procédure de passation d’un accord-cadre multi-attributaire et celle d’un marché subséquent pour la fourniture d’électricité, lesquelles connaissent des spécificités qui n’avaient pas encore fait l’objet d’un contrôle de la part du Juge administratif, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, dans un arrêt du 2 décembre 2021, remis en cause la pratique consistant à ne pas utiliser de critère prix lors de la passation de l’accord-cadre mais validé la pratique consistant à réutiliser la note que les titulaires de l’accord-cadre ont obtenu sur ce critère lors de la passation de ce premier contrat afin de noter ce même critère lors de la passation du marché subséquent.

A ce titre, il faut rappeler que la fourniture d’électricité, comme celle du gaz, connaît une spécificité liée à la forte volatilité des prix ; lesquels peuvent évoluer d’heure en heure. Tous les acheteurs sont d’ailleurs actuellement confrontés à une très forte hausse de ces prix.

Face à cette situation, les acheteurs avaient élaboré une pratique, depuis de nombreuses années, consistant à sélectionner les titulaires de l’accord-cadre uniquement sur des critères liés à la valeur technique afin de fixer le prix, dans de très courts délais – le plus souvent de quelques heures –, lors de la passation des marchés subséquents.

Le critère prix était donc utilisé uniquement à ce stade avec, le plus souvent, une reprise de la note technique pour être en mesure de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, étant précisé qu’aucune modification n’était apportée dans le marché subséquent aux caractéristiques techniques définies dans l’accord-cadre.

Toutefois, alors que l’article 53 du Code des marchés publics ne posait pas l’obligation d’utiliser un critère prix en cas d’utilisation de plusieurs critères, la réforme de la commande publique a inséré une telle obligation avec l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique (CCP).

Par un jugement du 8 février 2021 rendu sur déféré du Préfet de la Dordogne, le Tribunal administratif de Bordeaux a résilié l’accord-cadre conclu par le Département en considérant qu’un accord-cadre devait être qualifié de marché public et, partant, que sa passation devait être soumise à l’article R. 2152-7 du CCP et donc donner lieu à l’utilisation d’un critère prix.

Ensuite, le Tribunal a résilié le marché subséquent au motif que la méthode de notation consistant à réutiliser la note technique ferait obstacle à une remise en concurrence pleine et entière des titulaires de l’accord-cadre et conduirait à priver les critères de sélection de leur pleine portée.

Toutefois, saisie d’un recours en appel contre ce jugement et d’un recours tendant au sursis à l’exécution de ce dernier de la part du Département ainsi que d’un recours en appel de la part de la société titulaire du marché subséquent, la Cour administrative d’appel a annulé ce jugement et rejeté l’intégralité des demandes du Préfet.

 

1. L’obligation d’utiliser un critère prix lors de la passation d’un accord-cadre y compris pour l’achat d’électricité

En premier lieu, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc conclu à l’existence d’une obligation générale d’utiliser un critère prix pour la passation d’un accord-cadre y compris pour l’achat d’électricité.

Cette solution peut être discutée au regard des arguments juridiques avancés par le Département pour soutenir l’absence d’une telle obligation.

D’une part, le Département avait défendu le caractère facultatif de ce critère lors de la passation de l’accord-cadre en se fondant, entre autres, sur le fait que rien n’oblige un acheteur à fixer, à ce stade, les stipulations financières qui seront appliquées lors de l’exécution du ou des marchés subséquents.

En effet, dans un accord-cadre à marchés subséquents et en vertu des articles R. 2162-2 et R. 2162-7du CCP, les acheteurs sont autorisés à conclure :

  • dans un premier temps, l’accord-cadre, dans lequel ils fixent une partie seulement des stipulations contractuelles ;
  • et, dans un second temps, un ou plusieurs marchés subséquents, dans lesquels ils définissent « les caractéristiques et les modalités d’exécution des prestations demandées qui n’ont pas été fixées dans l’accord-cadre ».

De plus, il avait été relevé que ces textes ne prévoient aucune obligation de fixer les stipulations financières au stade de l’accord-cadre.

A cet égard, il importe de noter, à titre de comparaison, que les contrats-cadres – lesquels ont un objet identique à certains accords-cadres et notamment ceux à marchés subséquents multi-attributaires –, peuvent être valablement conclus sans que le prix ne soit déterminé (voir en ce sens : C. Cass., Ass. plén, 1er décembre 1995, n° 93-13.688, n° 91-15.578, n° 91-15.999, n° 91-19.653 et article 1164 du Code civil).

Pour le Département ainsi, un acheteur est en droit d’attribuer ce contrat sur la base de plusieurs critères autres que le prix, à condition toutefois que ce critère soit utilisé lors de la passation du ou des marchés subséquents.

D’autre part, le Département avait fait état de la réelle difficulté, pratique, à utiliser un critère prix lors de la passation d’un accord-cadre à marchés subséquents portant sur la fourniture d’électricité. A cet effet, il avait notamment rappelé devant la Cour que la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie avait recommandé aux acheteurs, dans son Guide de l’achat d’énergie – d’ailleurs toujours disponible sur son site –, de lancer une « consultation pour l’accord-cadre […] avec jugement des offres sur la valeur technique uniquement ».

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé autrement.

Certes, relevons avec intérêt que la Cour n’a pas qualifié l’accord-cadre de marché public comme l’avait fait à tort le Tribunal administratif. Cela nous semble pertinent car si l’article 4 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 disposait que « les marchés publics […] sont les marchés et les accords-cadres », tel n’est plus le cas aujourd’hui puisque l’article L. 2125-1 du CCP qualifie un accord-cadre de « technique d’achat » ».

En revanche, la Cour a considéré qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2125-1 du CCP « que le recours à l’accord-cadre, comme aux autres techniques d’achat, doit respecter les procédures prévues pour la passation des marchés publics » de telle sorte que l’article R. 2152-7 rendant obligatoire l’utilisation d’un critère prix s’applique aux accords-cadres.

Par cette décision, la Cour revient donc sur la pratique précédemment exposée consistant à réserver l’utilisation du critère prix lors de la passation du marché subséquent. Il en résulte incontestablement une complexification de la passation des accords-cadres pour la fourniture d’électricité mais aussi pour la fourniture de gaz et une nécessité de mener des réflexions afin de définir une nouvelle méthode permettant l’utilisation de ce critère tout en tenant compte des contraintes liées à la volatilité des prix.

A ce titre, il peut être envisagé de demander aux opérateurs de présenter des prix « plafonds » au stade de l’accord-cadre qui ne pourraient donc pas être dépassés lors de la passation du marché subséquent. Toutefois, au vu de la forte volatilité des prix de l’électricité et de l’importante hausse des prix de l’énergie actuelle, les opérateurs seraient fort probablement contraints de présenter des prix plafond excessivement élevés. Cela reviendrait donc à analyser les offres sur la base de prix ne reflétant pas la réalité du marché.

Une autre solution peut consister à demander aux opérateurs de remettre une offre comportant des prix simplement indicatifs. Toutefois, cette autre méthode présente elle aussi le risque pour l’acheteur d’analyser des prix ne reflétant pas la réalité du marché car les opérateurs pourraient être tentés de présenter des prix particulièrement bas en sachant qu’ils ne seront pas engagés contractuellement à les maintenir lors de la passation du marché subséquent.

A défaut d’une décision de jurisprudence contraire et tout particulièrement de la part du Conseil d’Etat, il pourrait être réfléchi aux adaptations de la réglementation nationale en la matière, dans le respect bien évidemment des directives européennes.

Sur un tout autre aspect, purement contentieux cette fois, la décision de la Cour présente un intérêt.

En effet, la Cour a finalement censuré le jugement du Tribunal administratif en écartant la résiliation de l’accord-cadre au motif que l’irrégularité qui avait été commise par le Département consistant à ne pas utiliser de critère lié au prix n’avait pas eu d’incidence sur la concurrence. La Cour a relevé que le règlement de la consultation prévoyait que l’accord-cadre devrait être conclu avec quatre titulaires, que seulement trois opérateurs ont soumissionné et, que ces derniers ayant tous été désignés titulaires de l’accord-cadre, l’irrégularité liée à l’absence du critère prix « n’a pas eu d’effet sur le choix des attributaires et la conclusion de l’accord-cadre » de sorte que « la poursuite de l’exécution du contrat est possible ».

 

2. Le droit de réutiliser la note technique pour la passation du marché subséquent

En second lieu, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en revanche, a reconnu le droit pour les acheteurs de réutiliser la note technique pour la passation d’un marché subséquent.

La Cour a jugé que « la seule circonstance que la remise en concurrence, au stade de la passation du marché subséquent, s’effectue, de facto, sur le fondement du seul critère du prix, les notes obtenues par chacune des entreprises retenues à l’issue de l’accord-cadre leur étant conservées, ne contrevient pas en elle-même aux dispositions précitées de l’article R. 2162-10 du Code de la commande publique et n’est pas davantage de nature à conduire au choix d’une offre qui ne serait pas économiquement la plus avantageuse, en l’absence, notamment, de toute variation des caractéristiques des prestations attendues entre l’étape de l’accord-cadre et celle du marché subséquent ».

Cette décision valide ainsi une autre pratique, dont le but est d’offrir un gain de temps aux titulaires de l’accord-cadre lesquels n’auront pas à remettre un nouveau mémoire technique, ainsi qu’aux acheteurs, lesquels n’auront pas à procéder à une nouvelle analyse de la valeur technique des offres. La procédure de remise en concurrence des titulaires de l’accord-cadre peut dès lors être menée sur une durée très courte, parfois de quelques heures. Et l’on sait que les offres de prix des fournisseurs d’énergie sont d’autant plus compétitives que la durée de leur engagement de prix est limitée.

En revanche, si la Cour a validé cette méthode de notation, elle l’a fait en posant la condition d’une absence de modification des caractéristiques des prestations lors de la passation du marché subséquent. C’est cependant une solution intéressante car elle signifie que, même si les offres peuvent techniquement évoluer entre la notification de l’accord-cadre et la date à laquelle est lancée la consultation pour les marchés subséquents, cela n’emporte pas l’obligation pour l’acheteur de permettre aux titulaires de l’accord-cadre de remettre une nouvelle offre technique.

Au final, si la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a le mérite de valider la méthode consistant à réutiliser la note technique lors de la passation du marché subséquent, elle contraint toutefois les acheteurs à utiliser un critère prix lors de la passation de l’accord-cadre ce qui nécessite de la part de ces derniers de réfléchir à la manière dont ce critère pourra être utilisé en tenant compte, une nouvelle fois, des contraintes liées à la forte volatilité des prix de l’énergie.

 

Thomas Rouveyran & Yvonncik Le Fustec

Collaborateur/trice 2/4 ans d’expérience en droit privé/droit des affaires

SEBAN & ASSOCIES est une société d’avocats de 100 avocats, sa taille sans équivalent dans le domaine de l’action publique et de l’économie sociale et solidaire (ESS) en fait le leader du secteur. Son approche pluridisciplinaire lui permet de répondre à l’intégralité des problématiques de ses clients, qu’elles relèvent du droit privé, droit public et/ou du droit pénal.

SEBAN & ASSOCIES a développé une offre de conseil et d’assistance juridique auprès des acteurs de l’ESS dans des secteurs très variés et tout particulièrement en matière d’action sociale et médico-sociale et de nouvelles technologies et recrute un avocat collaborateur justifiant de 2 à 4 ans d’expérience en droit privé général et droit des affaires pour répondre aux besoins de cette clientèle.

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