Publication par l’ADEME d’une étude sur le coût des énergies renouvelables en France

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (« ADEME ») a publié, au mois de janvier 2017, une étude portant sur le coût de production de l’électricité et de la chaleur renouvelables en France.

Pour chaque filière de production d’énergie renouvelable, les coûts varient en fonction du coût d’investissement, de la qualité de la ressource disponible et du taux d’actualisation choisi, lequel est défini comme le coût d’opportunité du capital investi, c’est-à-dire le rendement qu’il serait possible d’obtenir en investissant ailleurs le même capital. Par conséquent, l’ADEME n’a pas publié une moyenne des coûts constatés mais une plage de variation théorique des coûts complets de production en fonction des paramètres les plus impactants de chaque filière.

S’agissant de l’électricité, les coûts de production de l’éolien terrestre et en mer, de l’hydrolien marin, du photovoltaïque, du solaire thermodynamique et de la géothermie ont été analysés. L’éolien terrestre, avec des coûts de production entre 57 et 91 euros/MWh, et les centrales au sol photovoltaïques, avec des coûts de production entre 64 euros/MWh et 167 euros/MWh, sont les moyens de production les plus compétitifs avec les moyens conventionnels de production. Pour le photovoltaïque sur les bâtiments, l’ADEME estime que le fait que les coûts de production les plus faibles avoisinent désormais les prix d’achat de l’électricité sur les segments résidentiels et tertiaires va permettre un développement économique progressif de l’autoconsommation.

S’agissant de la chaleur, les coûts de production de l’énergie produite à partir de la biomasse, du solaire thermique et des pompes à chaleur ont été étudiés d’une part à l’échelle individuelle, et d’autre part à l’échelle collective, dans le secteur tertiaire et dans le secteur industriel. Il en ressort que, chez les particuliers, la production d’énergie à partir du bois, qui coûte entre 48 et 103 euros/MWh, revient moins cher que la production de gaz ou d’électricité.

Pour l’ensemble des filières, l’ADEME estime que les soutiens publics restent nécessaires pour encourager la production d’énergie renouvelable et atteindre les objectifs fixés par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à savoir, pour rappel, porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030.

Nucléaire : homologation d’une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire portant sur la prévention de risques sanitaires

Par un arrêté en date du 13 janvier 2017, la Ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer a homologué la décision n° 2016-DC-0578 de l’Autorité de sûreté nucléaire (« ASN ») du 6 décembre 2016 relative à la prévention des risques résultant de la dispersion de micro-organismes pathogènes (légionelles et amibes) par les installations de refroidissement du circuit secondaire des réacteurs électronucléaires à eau sous pression.

Cet arrêté d’homologation a été pris en application de l’article L. 592-20 du Code de l’environnement, qui dispose que l’ASN peut prendre des décisions à caractère technique pour compléter les modalités d’application des décrets et arrêtés pris dans ses domaines de compétence.

Ainsi, la décision de l’ASN du 6 décembre 2016 vient compléter l’arrêté du 7 février 2012 modifié fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base et sa propre décision n° 2013-DC-0360 du 16 juillet 2013 relative à la maîtrise des nuisances et de l’impact sur la santé et l’environnement des installations nucléaires de base, en matière de risques résultant de la dispersion de micro-organismes pathogènes (à savoir les légionelles et les amibes) par les installations de refroidissement des circuits secondaires des réacteurs à eau sous pression équipés de tours aéroréfrigérantes.

D’abord, s’agissant de la prévention des nuisances, la décision de l’ASN prévoit que l’installation elle-même doit faciliter la mise en œuvre des actions préventives, correctives ou curatives, qu’une partie du personnel de l’exploitant doit recevoir une formation spécifique, ou encore que l’exploitant doit effectuer une analyse méthodique des risques de prolifération et de dispersion des micro-organismes pathogènes, ainsi qu’un entretien préventif de l’installation.

Ensuite, en application de ladite décision, l’exploitant doit réaliser une surveillance au minimum annuelle de la qualité de l’eau d’appoint, et faire des prélèvements − selon des modalités et fréquences déterminées − pour suivre la concentration de l’eau en légionelles et en amibes.

Les actions à mener en cas de prolifération de ces micro-organismes sont également détaillées.

Enfin, la décision de l’ASN précise les modalités selon lesquelles l’exploitant doit informer cette autorité en cas de concentrations élevées en légionelles ou en amibes, ainsi que les conditions dans lesquelles un exploitant peut demander une dérogation pour l’application de cette décision.

Publication du décret relatif aux infrastructures de recharge pour véhicules électriques

En premier lieu, outre les différentes notions propres au secteur, le décret définit les exigences requises pour la configuration des points de recharge de véhicules électriques.

A cette fin, il dissocie les points de recharge normale des points de recharge rapide et adopte pour ce faire les standards européens correspondants : le connecteur type 2 pour le point de recharge normale (de 3,7 à 22kW) et le tri-standard pour les rapides (au-delà de 22kW) jusqu’à la fin 2024. Passée cette date, seuls les chargeurs Combo 2 et type 2 seront acceptés.

En deuxième lieu, de manière à optimiser les coûts de raccordement, le décret apporte des éléments de cadrage des relations avec le gestionnaire du réseau de distribution (ERDF et les entreprises locales de distribution), et notamment la nécessaire concertation avec ce dernier  pour l’installation des bornes.

En troisième lieu, visant à promouvoir la charge intelligente, le décret établit le principe que les points de recharge ouverts au publics utilisent des dispositifs de mesure et de contrôle permettant de piloter la recharge, selon des conditions qui restent à définir par arrêté ministériel.

En quatrième lieu, afin de pallier la diversité des réseaux de recharge existants, le décret vise à promouvoir l’itinérance de la charge.
Dans cette optique, le décret intègre chaque point de recharge ouvert au public dans le réseau national des infrastructures de recharge pour véhicules électriques de manière à permettre notamment l’accès non discriminatoire à la recharge en permettant le paiement soit par l’abonnement en itinérance soit par le paiement à l’acte.

En cinquième et dernier lieu, le décret encadre l’installation de bornes de recharge en exigeant que les professionnels en charge des travaux disposent d’une qualification délivrée par un organisme accrédité.

La survivance du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes d’approbation du contrat

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur la possibilité pour les tiers à un contrat administratif de contester par la voie du recours pour excès de pouvoir, un acte portant approbation de ce contrat.

Ce faisant, la Haute juridiction apporte une nouvelle pierre à l’édifice du contentieux des contrats administratifs, largement rénové depuis la célèbre décision Tropic Travaux Signalisation.

Le Juge administratif, on s’en souvient, a ouvert à « tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif » (CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545), puis à « tout tiers » (CE, Ass., 4 avril 2014, département de Tarn-et-Garonne, n° 358994), un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

L’ouverture de cette nouvelle voie de contestation a eu pour corolaire la fermeture de la voie du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes dits « détachables » du contrat. A partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’ils disposent du recours ci-dessus défini, les concurrents évincés ne sont plus recevables à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables. L’objectif poursuivi pour les seuls candidats malheureux et étendu ensuite à tous les tiers lésés est de « déplacer l’intégralité du débat contentieux devant le juge du contrat […], de telle sorte qu’aucune autre voie contentieuse ne puisse prospérer une fois le contrat signé » (conclusions du rapporteur public Bertrand Dacosta sur l’arrêt département de Tarn-et-Garonne).

Si le travail d’uniformisation du contentieux contractuels semblait achevé en 2014, un doute subsistait pourtant quant à la contestation des actes portant approbation du contrat, actes administratifs qui présentent la particularité d’être « détachables » du contrat,sans être préalables à sa formation.

Pour certains contrats d’une particulière importance en effet, le pouvoir législatif ou réglementaire peut prévoir que leur entrée en vigueur est subordonnée à l’édiction d’un acte administratif unilatéral postérieur à leur signature. Il en va ainsi notamment des concessions autoroutières à péage pour lesquelles l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière prévoit que la convention de délégation ainsi que le cahier des charges sont approuvés par décret en Conseil d’Etat.

Or, l’étude de la jurisprudence révèle au moins deux informations à propos des actes d’approbation du contrat. D’une part, ces actes ne sont pas de nature réglementaire (CE, 13 juin 1997, Société des transports pétroliers par pipe-line, n° 167907 et 168940).

D’autre part, l’annulation de ces actes n’est pas neutre pour le contrat dont le Juge est parfois tenu de constater la nullité (CE, 1er octobre 1993, Société « Le yacht-club international de Bormes-les-Mimosas, n° 54660).

Dès lors, la question de la voie à emprunter pour contester ces actes administratifs particuliers pouvait légitimement se poser. En effet, maintenir la possibilité d’annuler pour excès de pouvoir les actes d’approbation du contrat présente le risque de fragiliser ce dernier et ouvre en tout état de cause une brèche dans le processus de concentration du débat contentieux entre les mains du Juge du contrat.

C’est pourtant la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée, près de trois ans après que le rapporteur public Bertrand Dacosta a indiqué qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que les actes d’approbation « puissent continuer de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » (conclusions précitées).

L’état du droit est désormais fixé. Si les actes détachables préalables à la signature du contrat et expressément listés par le Conseil d’Etat dans sa décision d’Assemblée département de Tarn-et-Garonne (1) ne peuvent être contestés qu’à l’occasion d’un recours de plein contentieux, les actes portant approbation du contrat continuent de pouvoir être attaqués, et le cas échéant annulés, par la voie du REP, sans que la voie du recours de pleine juridiction ne leur soit symétriquement fermée.

La brèche est cependant de faible importance. En effet, la décision ne concerne que les actes portant approbation du contrat, rares en pratique, et le Juge a pris soin de circonscrire le nouveau recours. D’une part, les requérants, tiers au contrat, devront justifier d’intérêts« auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine ». D’autre part, ne pourront être soulevés à l’appui de ce recours « que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même ».

Au cas présent, les requêtes des deux associations ont été rejetées comme irrecevables sans que le Juge n’ait eu à se prononcer sur le caractère opérant ou non des moyens invoqués.

  • CE, Ass., 4 avril 2014, département de Tarn-et-Garonne, n° 358994 : « la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini [recours de pleine juridiction] ».

Le défaut de notification d’une rupture du contrat de travail en cas de refus des dispositions de l’article L. 1224-3 du Code du travail constitue une simple irrégularité de forme

Au terme de l’article L. 1224-3 du Code du travail, en cas de reprise d’une entité économique autonome par une personnelle publique il « lui appartient de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires » reprenant « les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires ».

Le refus de la proposition formée par la collectivité entraîne la rupture du contrat « de plein droit » : la personne publique doit appliquer « les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat ».

Par arrêt en date du 8 décembre 2016 (n° 15-17.176), la Cour de cassation précise que si l’article L. 1224-3 du Code du travail prévoit effectivement que la personne publique doit notifier au salarié la rupture du contrat de travail, l’absence d’une telle notification constitue une simple irrégularité de forme donnant droit à des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi par le salarié.

Ainsi, le simple refus des salariés devient en lui-même constitutif de la rupture : la notification du licenciement une simple formalité à visée informative.

L’attribution de compensation « d’investissement » est désormais possible !

L’article 1609 nonies C-V du Code général des Impôts a été modifié par l’article 81 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

Plus précisément, ce sont les modalités de versement de l’attribution de compensation aux communes qui ont été assouplies puisqu’il est désormais possible de créer, sous certaines conditions, une « attribution de compensation d’investissement », c’est-à-dire d’inscrire en section de fonctionnement une partie de l’attribution de compensation, ce qui n’était jusqu’à présent pas permis.

Ainsi, le point 1 bis du V de l’article 1609 nonies C consacré aux conditions de calcul de l’AC dispose, dans sa nouvelle version, que :

« V. – 1. (…)

1° bis Le montant de l’attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement par délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la commission locale d’évaluation des transferts de charges.

Ces délibérations peuvent prévoir d’imputer une partie du montant de l’attribution de compensation en section d’investissement en tenant compte du coût des dépenses d’investissement liées au renouvellement des équipements transférés, calculé par la commission locale d’évaluation des transferts de charges conformément au cinquième alinéa du IV.

A défaut d’accord, le montant de l’attribution est fixé dans les conditions figurant aux 2°, 4° et 5 ».

L’imputation, désormais possible, en section d’investissement doit, en vertu de ce texte, être réalisée en tenant compte du coût de l’investissement lié aux équipements transférés.

Cet assouplissement devrait être accueilli favorablement par les communes et EPCI à fiscalité propre dans la mesure où, ainsi que cela a pu être souligné à l’occasion des travaux parlementaires, si les conséquences financières du transfert sont globalement neutres, l’équilibre des sections est déformé ; en particulier, il est reproché au système jusqu’alors applicable d’altérer la capacité d’autofinancement des collectivités qui reçoivent l’attribution de compensation uniquement en recettes de fonctionnement.

Précisons que la possibilité ainsi offerte par la loi de finances rectificative se situe dans le cadre de la fixation du montant d’attribution de compensation selon la procédure dite dérogatoire et se trouve dès lors conditionnée par l’adoption de délibérations concordantes du conseil communautaire statuant à la majorité des deux tiers et des conseils municipaux des communes membres intéressées.

URSSAF : une charte du cotisant contrôlé actualisée et opposable depuis le 1er janvier 2017

Décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants

Arrêté du 23 décembre 2016 fixant le modèle de la charte du cotisant contrôlé prévue pour les organismes en charge du recouvrement des cotisations et contributions sociales

Depuis, le 1er janvier 2017, en application du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, les dispositions contenues dans la charte du cotisant contrôlé sont opposables aux URSSAF.

Pour rappel, en principe, tout contrôle Urssaf est précédé, au moins 15 jours avant la date de la première visite de l’agent qui en est chargé, de l’envoi d’un avis par l’organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale.

Cet avis de contrôle fait état de l’existence d’un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé » présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue (article R. 243-59 du Code de sécurité sociale).

L’arrêté du 23 décembre 2016 a diffusé le nouveau modèle de la charte du cotisant contrôlé en vigueur depuis le 1er janvier.

La nouvelle charte présente à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue. Elle reprend essentiellement les dispositions légales et réglementaires régissant la procédure de contrôle en tenant en compte des récentes modifications apportées par le décret du 8 juillet 2016 précité et par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Pour information, la charte du cotisant contrôlé est consultable sur le site de l’URSSAF dans la rubrique « Accès direct – Le contrôle URSSAF ».

Procédure de péril et suspension loyers

Un arrêté de péril imminent pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 511-1 du Code de la construction, imposant aux propriétaires la réalisation de travaux sur des parties communes sans que soit toutefois édictée d’interdiction d’habiter, permet-t-il aux locataires autorisés à rester dans les lieux, à suspendre leur paiement des loyers en application de l’article L. 521-2 du même Code ?

La Cour d’appel d’Aix en Provence du 22 mai 2014 avait jugé que les locataires n’étaient pas autorisés à suspendre le paiement de leur loyer au motif que les désordres qui ne portaient que sur la façade, ainsi que la nature des travaux engagés pour remédier au péril qui n’avaient porté que sur cette partie commune, n’avaient pas privé les locataires d’une occupation sécurisée des lieux loués.

Dans son arrêt en date du 26 octobre 2016, la Cour de cassation censure la Cour d’appel au motif que celle-ci a rajouté à la loi une condition qui ne s’y trouve pas. En effet la Cour de cassation rappelle que la mesure de suspension des loyers prévue à l’article L. 521-2 du CCH s’applique à la totalité des lots comprenant une quote-part de ces parties communes, y compris lorsque l’arrêté ne vise que les parties communes et ne prévoit pas d’interdiction d’habiter. Ainsi même lorsque la sécurité des locataires n’est pas atteinte ceux-ci sont autorisés à suspendre le paiement de leur loyer en raison de l’état de l’immeuble (Cass. Civ., 3ème, 20 octobre 2016).

Un transfert de compétences ne constitue pas, en tant que tel, un marché public

Saisie d’une question préjudicielle, par un arrêt du 21 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne d’une part, a rappelé que le transfert de compétences, en tant que tel, ne constituait pas un marché public et, d’autre part, a précisé les contours de cette notion.

Bien que rendue sous l’empire de la directive 2004/18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, la solution dégagée par cet arrêt demeure applicable à la suite de l’abrogation de cette dernière par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

En effet, et ainsi que le relève la Cour, le paragraphe 6 de l’article 1er de la directive précitée, en principe, exclut de son champ d’application les transferts de compétences entre pouvoirs adjudicateurs en ce qu’ils relèvent de l’organisation interne de l’Etat membre.

Dans un premier temps la Cour a ainsi indiqué qu’un accord passé entre deux collectivités territoriales sur la base duquel celles-ci adoptent un règlement statutaire portant création d’une personne morale de droit public et transférant à cette nouvelle entité certaines compétences dont ces collectivités étaient investies jusqu’alors et qui lui sont désormais propres ne constituait pas un marché public.

En effet, font défaut tant le critère de la réponse à un besoin de l’acheteur que celui du critère onéreux.

Dans un second temps, la Cour a précisé la notion de transfert de compétences. Un tel transfert n’existe que s’il porte, à la fois sur les responsabilités liées à la compétence transférée et sur les pouvoirs qui sont le corollaire de celle-ci, de sorte que l’autorité publique nouvellement compétente dispose d’une « autonomie décisionnelle et financière ».

A contrario, le transfert de compétences n’est pas caractérisé, et peut donc être qualifié de marché public, si l’autorité publique nouvellement compétente n’exerce pas cette compétence de manière autonome. Il en va ainsi si l’autorité initialement compétente conserve la responsabilité principale concernant ces mêmes missions, si elle se réserve le contrôle financier de celles-ci ou si elle doit approuver au préalable les décisions qui sont envisagées par l’entité qu’elle s’adjoint.

Elle relève ainsi que la notion même de transfert exclut « toute immixtion dans les modalités concrètes d’exécution des missions qui relèvent de la compétence transférée ».

Il convient donc d’être particulièrement prudent dans les modalités de transfert entre entités publiques, notamment syndicales, imposant une participation de la collectivité aux organes de direction. La même prudence s’impose, à notre sens, en matière de délégation de compétence, qui est soumise au libre conventionnement des collectivités et pourrait être requalifié.

Parution du décret sur l’autorisation préalable ou la déclaration de mise en location du logement

Afin de lutter contre l’habitat indigne, la loi ALUR a mis en place un système communément appelé « permis de louer » que le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 publié au J.O. du 21 décembre 2016 est venu préciser par l’insertion de nouveaux articles au sein du Code de la construction et de l’habitation.

Désormais, les EPCI compétents en matière d’habitat ou les communes peuvent, selon les cas, conditionner la location à une déclaration de mise en location (I) ou autorisation préalable (II).

I. Déclaration de mise en location

Régie par les articles L. 634-1 et suivants et R. 634-1 à R. 634-4 du Code de la construction et de l’habitation, la déclaration de mise en location est l’information faite par le bailleur à l’autorité compétente (EPCI ou commune) de la mise en location d’un logement.

Dans ce premier mécanisme, l’EPCI ou le conseil municipal délimite une zone dans lesquelles les logements mis à la location seront soumis à déclaration, par le biais d’une délibération précisant les catégories et les caractéristiques des logements concernés, ainsi que la date d’entrée en vigueur du dispositif.

Ainsi, le bailleur qui met en location un logement doit le déclarer au président de l’EPCI ou au Maire selon les cas, et ce dans les 15 jours de la conclusion du bail.

Le déclarant reçoit un récépissé dans un délai d’une semaine suivant le dépôt ou, si la déclaration est incomplète, un accusé de réception précisant les pièces manquantes ainsi que le délai imparti (lequel ne peut excéder un mois) pour compléter le dossier.

L’absence de déclaration ne remet pas en cause la validité du bail, mais le bailleur ne pourra pas bénéficier du paiement en tiers payant des aides personnelles au logement (lesquelles sont rendues destinataires de la déclaration), et pourra en outre être condamné à une amende de 5.000 €.

Il disposera toutefois d’un délai d’un mois pour formuler, à la demande du Préfet, ses observations et procéder à la régularisation de la déclaration.

II. Autorisation préalable de mise en location

Régi par les articles L. 635-1 et suivants et R. 635-1 à R. 635-4 du Code de la construction et de l’habitation, le mécanisme de l’autorisation préalable est mis en place dans des zones précisément délimitées par l’EPCI ou la commune (ici encore la délibération précise les catégories et les caractéristiques des logements concernés, ainsi que la date d’entrée en vigueur du dispositif) situées sur des territoires présentant une proportion importante d’habitats dégradés.

Dans cette hypothèse, la mise en location est subordonnée à une autorisation délivrée par le Président de l’EPCI ou le Maire de la commune selon le cas.

Si le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique, l’autorisation préalable peut être conditionnée, voire refusée. Le refus devra être motivé et préciser la nature des travaux ou aménagements prescrits.

L’autorisation ne pourra être accordée en cas d’arrêté d’insalubrité ou de péril ou relatif aux équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d’habitation.

A défaut de notification d’une décision expresse dans le mois suivant le dépôt de la demande d’autorisation, le silence vaudra autorisation, sans pour autant pouvoir être interprété comme une reconnaissance du caractère décent ou digne du logement.

L’autorisation doit être suivie d’une mise en location dans les deux ans de sa délivrance, sous peine de caducité.

En cas de vente ou de donation portant sur le logement, l’autorisation en cours de validité peut être transmise au nouveau propriétaire. Il conviendra dans ce cas de procéder à une déclaration de transfert qui produira effet à compter de son dépôt, sous réserve de l’accord du bénéficiaire initial de l’autorisation.

L’absence de demande d’autorisation préalable ne remet pas en cause le bail mais est passible d’une amende allant de 5.000 € (jusqu’à 15.000 € en cas de récidive dans les 3 ans), à 15.000 € si la location a été consentie malgré une décision de rejet d’autorisation.

Le bailleur bénéficie d’une possibilité de régularisation de sa situation dans un délai d’un mois à compter de la demande du Préfet de présenter ses observations.

Précisions concernant les 2 mécanismes :

  • ils concernent les locations nues ou meublées qui constituent la résidence principale du locataire ;
  • ils s’appliquent exclusivement aux nouveaux contrats et donc pas aux reconductions, renouvellements et avenants ;
  • il convient de renouveler la déclaration de mise en location ou l’autorisation préalable pour chaque nouvelle location ;
  • il convient de joindre le diagnostic technique amiante au formulaire ;
  • les modèles de formulaire de déclaration de mise en location et d’autorisation préalable seront fixés par arrêté.

 

 

 

La radiation découlant de l’incompatibilité entre la condamnation pénale portée au B2 du fonctionnaire et les fonctions exercées est dorénavant une sanction disciplinaire

L’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est bien connu, qui indique : «  […] nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : 3° si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».

Lorsque l’employeur public découvre au hasard d’un contrôle inopiné ou d’un article de presse – les Tribunaux n’étant jamais dans l’obligation de l’informer – qu’un de ses agents a fait l’objet d’une condamnation pénale, il peut lui arriver de vouloir utiliser cet article afin de radier le fonctionnaire indélicat.

La jurisprudence administrative était pourtant déjà relativement restrictive, aussi bien sur les cas d’incompatibilité, laquelle était strictement appréciée au regard des fonctions exercées, que sur la procédure à suivre, laquelle nécessitait que des garanties similaires à celles octroyées par une procédure disciplinaire soit respectées (CAA Marseille, 5 juin 2012, n° 10MA02955).

En effet, la radiation n’étant pas une sanction disciplinaire (CE, 29 décembre 1999, 185005), seule des garanties « similaires » à celles d’une procédure disciplinaire étaient nécessaires.

Une fois l’incompatibilité avec les fonctions constatée, l’employeur n’avait plus alors qu’une solution : radier l’agent. En effet, ne s’agissant pas d’une sanction disciplinaire, il n’y avait pas de proportionnalité de la sanction à apprécier : seule la radiation du fonctionnaire pouvait être prononcée.

Le Conseil d’Etat, par un arrêt rendu le 5 décembre 2016, vient de préciser que dorénavant, la radiation fondée sur l’incompatibilité de la condamnation portée au B2 avec les fonctions exercées par le fonctionnaire était une sanction disciplinaire :

« elle [l’autorité administrative] ne peut légalement, s’agissant d’un agent en activité, prononcer directement sa radiation des cadres au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l’exercice des fonctions ; qu’à ce titre, il appartient, le cas échéant, à l’autorité administrative d’engager une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à la condamnation pénale mentionnée au casier judiciaire de l’agent et, si cette procédure disciplinaire se conclut par une sanction mettant fin à ses fonctions de manière définitive, de prononcer sa radiation des cadres par voie de conséquence ».

Deux conséquences s’attachent à cette décision : d’une part, une procédure disciplinaire doit dorénavant systématiquement être engagée, et d’autre part, il reviendra à l’employeur d’apprécier la proportionnalité de la sanction qui ne pourra plus être automatiquement la radiation.

Au final, ce revirement de jurisprudence rend encore plus délicate l’utilisation de l’incompatibilité du casier judiciaire avec les fonctions exercées, et il est manifeste qu’il sera dorénavant moins risqué de décider de sanctionner l’agent sur la faute commise, dès lors que l’employeur pourra en rapporter la preuve, ce qui peut s’avérer particulièrement délicat si, par exemple, le fonctionnaire a obtenu du Tribunal que la mention de la condamnation soit effacée de son B2, comme il en a la possibilité …

Déclarations d’intérêts et de patrimoine des cadres dirigeants des administrations : les décrets publiés

Décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 relatif à l’obligation de transmission d’une déclaration d’intérêts prévue à l’article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

Décret n° 2016-1968 du 28 décembre 2016 relatif à l’obligation de transmission d’une déclaration de situation patrimoniale prévue à l’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

La loi dite « déontologie » du 20 avril 2016 (n° 2016-483) a introduit, aux articles 25 ter et 25 quinquies du titre I du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), une obligation pour certains cadres dirigeants de la fonction publique « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient », de transmettre une déclaration d’intérêts et une déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP).

Les deux décrets fixant la liste des emplois concernés, le contenu et les modalités d’établissement des deux déclarations sont parus au Journal officiel du 28 décembre dernier, rendant cette déclaration obligatoire pour toutes les nouvelles nominations dès le 1er janvier 2017.

Les décrets distinguent les emplois selon les trois fonctions publiques. Pour la fonction publique d’Etat et la fonction publique hospitalière, c’est essentiellement le contenu des fonctions exercées qui conditionne l’obligation de transmettre lesdites déclarations (selon les responsabilités permettant de prendre des décisions listées).

Pour la fonction publique territoriale, deux listes de fonctions classées selon l’importance des collectivités et établissements publics (directeurs généraux et directeurs généraux adjoints des services des régions, départements, communes de plus de 80.000 habitants ou 150.000 habitants pour la déclaration de patrimoine, d’EPCI et syndicats mixtes d’importance équivalente…) sont dressées.

Notons que si les modalités concrètes de la déclaration d’intérêts sont entièrement listées par le décret n° 2016-1967, celles relatives à la déclaration de patrimoine, dont l’administration employeur n’a pas connaissance, font l’objet d’un renvoi au décret
n° 2013-1212 du 23 décembre 2013 relatif aux déclarations de situation patrimoniale et déclarations d’intérêts adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui s’applique aux élus.

Il convient donc dorénavant pour les employeurs publics, avant chaque nomination dans les emplois listés par les décrets, de veiller à la transmission d’une déclaration d’intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination qui appréciera l’existence ou non d’un conflit d’intérêts avec, si besoin, l’avis de la HATVP.

En parallèle, la déclaration de patrimoine devra être déposée à ladite autorité.

Notons que pour les agents occupant lesdits emplois au 1er janvier 2017, des déclarations d’intérêt et de patrimoine devront être adressées respectivement à l’autorité de nomination et à la HATVP avant le 30 juin 2017.

 

 

 

 

Validation par la CNRACL de services accomplis en tant que contractuel à la suite d’une titularisation : attention au délai imparti

L’article 50 I du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales dispose que « la validation des périodes mentionnées au 2° de l’article 8 [à savoir pour l’essentiel, les périodes de service en tant qu’agent contractuel] doit être demandée dans les deux années qui suivent la date de la notification de la titularisation ».

Saisie en appel par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à la suite de l’annulation d’une décision de refus de validation de services accomplis en tant qu’agent contractuel, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a infirmé le jugement du Tribunal, en retenant comme la CNRACL que ce délai s’entend comme celui dans lequel la CNRACL doit être destinataire de la demande :

« la transmission à la CNRACL de la demande de validation des services accomplis en qualité de non-titulaire dans le délai de deux ans suivant la notification de la titularisation est impérative, la circonstance que cette demande soit adressée à la caisse directement par l’agent ou par l’intermédiaire de la personne publique qui l’emploie se trouvant à cet égard sans incidence ».

En l’espèce, dès lors qu’une circulaire du Ministère de l’intérieur du 17 octobre 2008 relative à la validation pour la retraite des services effectués en qualité d’agent non-titulaire prévoyait que l’agent avait la faculté d’adresser sa demande de validation à son employeur, à charge pour ce dernier de le transmettre à la CNRACL, l’agent avait déposé sa demande auprès de celui-ci dans le délai imparti. Cependant, la collectivité n’avait pas pour sa part respecté le délai pour transmettre à son tour à la CNRACL.

Le procédé par lequel la demande est transmise est donc sans incidence sur l’écoulement du délai de deux ans pour transmission à la CNRACL.

Il appartient ainsi aux collectivités saisies par leurs agents de telles demandes de validation de veiller au respect de ce délai et, surtout, aux agents qui choisiraient de passer par leur collectivité de bien veiller à ce que cette demande soit transmise ensuite dans le délai.

Réception judiciaire de travaux

Il ressort de l’article 1792-6 du Code civil relatif à la réception de travaux que celle-ci peut être expresse, tacite ou judiciaire.

Le caractère tacite ne sera reconnu que si la volonté de réceptionner les travaux du maître de l’ouvrage est non équivoque, cette volonté ne pouvant se déduire que des circonstances de fait (Civ. 3ème, 4 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 176 ; 18 juin 1997, BPIM 5/97, o 320 ; 17 juill. 1997, BPIM 6/97, n° 386 ; Civ. 3ème, 20 mai 2014, n° 13-18.002 ; Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-19.997 et n° 14-10.053).

Au contraire, la réception judiciaire demandée par la partie la plus diligente en cas de désaccord peut être prononcée de manière forcée par le Juge.

La Haute juridiction civile vient de préciser que la réception judiciaire doit être prononcée dans le cas d’une absence d’achèvement des travaux lorsque le maître d’ouvrage refuse de procéder à la réception, dès lors que l’ouvrage est habitable.

En l’espèce, un lot avait été confié à une entreprise pour la construction d’une maison individuelle. Les maîtres d’ouvrage se sont plaints de malfaçons et de l’inachèvement des travaux. Après expertise, l’entreprise de travaux, tombée en liquidation, a été assignée en indemnisation ainsi que son assureur et le liquidateur.

Dans un premier moyen, les demandeurs au pourvoi sollicitaient la constatation de la réception tacite des travaux. Ce moyen a été rejeté par la Cour de cassation au motif d’une absence de démonstration de la volonté des maîtres d’ouvrage de réceptionner les travaux et a ainsi validé l’argumentation des Juges d’appel sur ce point.

En revanche, le deuxième moyen des demandeurs tendant au prononcé de la réception judiciaire des travaux a été accueilli car la Cour d’appel s’était également fondée sur l’absence de volonté de réceptionner les travaux pour rejeter cette demande, vidant ainsi la réception judiciaire de son intérêt.

Au visa de l’article 1792-6 du Code civil, la Haute juridiction casse ainsi l’arrêt d’appel dès lors que les Juges du fond avaient constaté le caractère habitable de l’ouvrage qui constitue un des critères permettant de considérer que l’ouvrage est « en l’état d’être reçu » (Civ. 3ème, 10 déc. 2015, n° 13-16.086).

La théorie des sujétions imprévues à l’épreuve du procédé novateur

La Cour administrative d’appel de Douai a récemment rejeté la demande d’indemnisation formée par la société chargée d’une mission d’assistance à maître d’ouvrage se plaignant des conséquences de l’allongement de la durée du chantier en raison de difficultés rencontrées par une entreprise lors de la mise en place d’un dispositif de valorisation et de traitement des déchets. La société requérante fondait ainsi sa demande sur la théorie des sujétions imprévues estimant notamment que le caractère novateur du procédé mis en œuvre par le titulaire du marché de travaux avait complexifié le bon déroulement du chantier.

Or, la Cour administrative d’appel de Douai rappelle, au sein de cet arrêt, en reprenant une par une les conditions d’application de la théorie des sujétions imprévues, que « le processus mis en place comportait un caractère novateur qui ne rendait pas totalement imprévisible la survenue d’évènements de nature à allonger la durée du marché ; qu’en outre et surtout, cet allongement ne présente pas un caractère extérieur aux parties » et enfin qu’aucun bouleversement de l’économie du marché n’était démontrée dès lors que le marché avait fait l’objet d’avenants et d’un marché complémentaire permettant de tenir compte en partie de cet allongement.

Réforme du droit des contrats et impacts en matière de vente immobilière

Pourquoi une telle réforme ?

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel le 11 février 2016. 

Après l’élaboration de divers projets de réformes provenant à la fois de la doctrine et des praticiens, le Gouvernement a été habilité à procéder à cette réforme, considérée comme nécessaire, par voie d’ordonnance : le droit commun des contrats, inchangé depuis le Code civil de 1804, ne reflétait plus, dans sa lettre, l’état du droit.

Il a en effet été considéré que la seule lecture du Code civil ne permettait plus de donner une vision claire et précise de l’état du droit positif qui, devenu en grande partie prétorien, avait changé depuis 1804, la jurisprudence ayant tenu compte de l’évolution des mœurs, des technologies et des pratiques.

Il s’agissait donc de simplifier le droit, de le rendre plus accessible et plus lisible, la sécurité juridique étant le premier objectif poursuivi par l’ordonnance.

La réforme a également eu comme objectif de codifier, en grande partie, la jurisprudence consacrée par la Cour de cassation durant ces dernières décennies : la jurisprudence est par essence fluctuante, et ne permet pas d’assurer la sécurité juridique que seul peut offrir un droit écrit.

Ainsi l’ordonnance propose-t-elle de clarifier, pour tous les types de contrat et notamment pour le contrat de vente, les règles applicables à tous les stades de la vie du contrat, qu’il s’agisse de la phase précontractuelle (I), de la phase de conclusion du contrat (II) ou de celle de son exécution (III).

I- La phase précontractuelle : devoir d’information et obligation de bonne foi renforcée

A – Le principe de la liberté contractuelle : rupture libre des négociations sous réserve de la bonne foi

L’ordonnance s’emploie à réaffirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle.

La sous-section du Code civil qui traite de la négociation traduit en effet la recherche d’un équilibre entre liberté et loyauté.

L’affirmation du principe de cette liberté figure à l’article 1112, alinéa 1er du Code civil :

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».

Ainsi, le principe de liberté est toutefois limité par l’exigence de la bonne foi, qui est désormais consacrée à tous les stades de la vie du contrat (article 1104 du Code civil), et qui doit gouverner les négociations précontractuelles.

La réforme protège donc la partie la plus faible, en sanctionnant l’autre partie par la nullité du contrat, ce principe de bonne foi étant d’ordre public.

B – Le devoir d’information précontractuel

L’obligation précontractuelle d’information étant déjà largement admise par la jurisprudence et diverses obligations d’information spécifiques figurant dans des lois spéciales (notamment en droit de la consommation), il est apparu opportun de consacrer dans le Code civil et d’en fixer un cadre général.

Ainsi l’article 1112-1 du Code civil dispose :

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants
 ».

L’ordonnance procède à un découplage de l’obligation d’information et du dol par réticence : désormais le dol par réticence peut être sanctionné lorsque les conditions d’existence d’une obligation d’information ne sont pas réunies.

Il suffit, d’après la lettre de l’article 1137 aliéna 2 du Code civil, qu’une partie garde intentionnellement pour elle une information qu’elle sait déterminante pour son cocontractant.

Cela permet notamment de consacrer la jurisprudence selon laquelle le dol et la réticence dolosive rendent toujours excusable l’erreur provoquée. La victime d’une erreur qui lui est imputable pourra ainsi obtenir l’annulation sur le fondement de la réticence dolosive dès lors que son cocontractant a intentionnellement gardé pour lui une information qu’il savait déterminante.

Quant à l’erreur sur la valeur de la prestation, il semble qu’elle soit, malgré les termes de l’article 1112-1 aliéna 2, une cause de nullité, lorsqu’elle résulte d’un dol ; les dispositions de l’article 1139 du Code civil sont en effet non équivoque à cet égard :

« L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ».

Il s’agit d’une innovation qui renverse notamment la solution qu’avait retenue la 3ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 2007, excluant l’existence d’un dol, faute d’obligation d’information pensant sur l’acquéreur marchand de biens, lorsque ce dernier n’avait pas informé le vendeur sur la valeur réelle de la maison, objet de la vente.

Face à la généralisation du devoir d’information, il est important de conseiller aux parties de communiquer ce qui est déterminant de leur consentement afin de rendre exigible l’information, tout en veillant à se constituer la preuve de la communication de ces critères déterminants.

C – L’engagement de la responsabilité extracontractuelle en cas de faute

La faute commise dans l’initiative, le déroulement ou la rupture des négociations, est sanctionnée par l’engagement de la responsabilité de son auteur qui, sauf aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture, sera de nature extracontractuelle.

Dans un souci de sécurité juridique, il est apparu nécessaire de préciser dans la loi l’étendue du préjudice réparable, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ainsi, aux termes de l’article 1112 aliéna 2 : « en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».

Cela est également précisé à l’article 1116 aliéna 3 du Code civil : « elle engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat ».

En effet, tout d’abord le principe de liberté contractuelle a pour corollaire la liberté de ne pas contracter, ensuite indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat conduirait indirectement à donner indirectement effet à un contrat qui n’a pas été conclu.

L’exercice abusif ou fautif de la liberté contractuelle engage donc une responsabilité de nature extracontractuelle qui, logiquement, ne peut s’étendre à l’indemnisation d’une quelconque part du gain qui pouvait être espéré du contrat discuté.

II- La validité et les sanctions du contrat : la consécration de la notion de « contenu du contrat »

A – Les conditions de validité du contrat : la nouvelle notion de « contenu du contrat »

L’expression de « contenu du contrat » est un terme adopté par plusieurs instruments européens d’harmonisation du droit, et inclut ce qui relève en droit français de l’objet et de la cause, cette dernière notion ayant été évincée par l’ordonnance car perçue comme un facteur d’insécurité juridique et un frein à l’attractivité de notre droit.

Ainsi, l’article 1128 du Code civil, qui vise les conditions de validité du contrat, vise notamment « un contenu licite et certain ».

Il ressort de cette disposition que l’interdiction de déroger à l’ordre public s’applique tant aux stipulations elles-mêmes qu’au but ; est notamment reprise la solution jurisprudentielle selon laquelle le contrat est nul lorsque l’une des parties poursuit un but illicite, même si l’autre partie n’avait pas connaissance de ce but (article 1162 du Code civil).

Cependant, la première disposition de la sous-section relative au contenu du contrat est précisément consacrée à l’ordre public. En outre, en matière immobilière, l’ordre public est très présent, surtout s’agissant des contrats relevant du secteur protégé.

L’ordre public est ainsi présent non seulement à l’article 6 du Code civil, mais aussi à l’article 1102 et à l’article 1162.

L’apport principal de la réforme consiste donc dans la suppression de la référence à la cause, tout en consolidant dans la loi toutes les fonctions que la jurisprudence lui avait assignées.

B – Les sanctions

L’ordonnance s’est employée à codifier les solutions du droit positif en matière de nullité et de caducité afin d’améliorer la lisibilité de notre droit.

La nullité, qui sanctionne les conditions de validité du contrat (article 1178 et suivants du Code civil), revêt en droit immobilier une importance capitale, compte tenu du grand usage qui y est fait de cette sanction.

L’article 1179 du Code civil distribue les cas de nullité suivant que « la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général » (nullité absolue) ou qu’elle « a pour seul objet la sauvegarde de l’intérêt privé » (nullité relative).

Tomberons ainsi sous le coup de la nullité relative :

  • le contrat qui ne fait naître aucune contrepartie au profit de l’un des cocontractants (un bail à construction moyennant un loyer dérisoire ; la vente d’un immeuble à vil prix, etc…) ;
  • le contrat conclu au mépris des droits d’un tiers, qui aurait dû préalablement être consulté (la violation d’un pacte de préférence, d’un droit de préemption, etc…) ;
  • le contrat conclu avec un tiers en violation d’une promesse unilatérale (article 1124 du Code civil) ;
  • le contrat qui ne respecte pas les règles de forme destinées à éclairer le consentement de l’une des parties (tel le formalisme applicable à la vente en l’état futur d’achèvement ou au contrat préliminaire dans le secteur protégé, à la vente d’immeuble à rénover, au contrat de construction de maison individuelle) ;
  • toute violation d’une règle de validité du contrat conçue dans l’intérêt des parties à l’acte (tel l’exigence d’un acte notarié etc…).

En revanche, seront atteints de nullité absolue comme transgressant une règle d’intérêt général, invocable par tout intéressé et par le ministère public :

  • la conclusion ou la cession d’une promesse unilatérale de vente immobilière qui ne serait pas enregistrée ou constatée par acte authentique dans les dix jours de son acceptation ;
  • la cession à titre onéreux d’une promesse de vente par un professionnel de l’immobilier ;
  • tout contrat immobilier qui poursuivrait un but illicite ou immoral.

Il faut préciser que la nullité relative peut, elle, toujours être couverte (article 1181 aliéna 2 et 3 du Code civil), y compris tacitement, mais seulement après la conclusion du contrat et sans jamais pouvoir préjudicier aux tiers.

L’innovation majeure que porte la réforme en matière de nullité réside dans la création d’une action interrogatoire (article 1183 du Code civil). Ce nouvel instrument offre à celui qui redouterait l’annulation du contrat de placer son cocontractant devant l’alternative suivante : confirmer le contrat ou agir en nullité dans les six mois (le défaut d’action dans ce délai valant confirmation).

Enfin l’article 1184 du Code civil pose le principe de la nullité partielle de l’acte dont certaines clauses seulement sont viciées, sauf preuve du caractère déterminant de cette ou de ces clauses.

Quant à la caducité, elle est la sanction qui frappe un contrat qui ne souffre d’aucune malfaçon originelle mais qui, postérieurement à la formation du contrat, se trouve privé d’un élément essentiel (article 1186 aliéna 1 du Code civil).

Le texte vise la disparition d’un élément donc la permanence était déterminante dans l’esprit des parties (la perte de constructibilité d’un terrain, la disparition d’une autorisation d’urbanisme, etc…).

La deuxième cause de caducité prévue par le texte est tirée de l’interdépendance contractuelle, qui est un phénomène répandu en matière immobilière.

L’article 1186 alinéa 2 prévoit ainsi que lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un des contrats vient à disparaitre, sera frappée de caducité la convention dont l’exécution est devenue impossible, ou celle pour laquelle l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

Enfin l’article 1187 traite des effets de la caducité : l’ordonnance prévoit que la caducité met fin au contrat mais, dans un souci pragmatique, ne tranche pas la question de la rétroactivité.

Celle-ci n’est en effet pas exclue dans certaines hypothèses puisque la caducité peut donner lieu à restitutions. Il appartient au Juge d’apprécier l’opportunité de la rétroactivité en fonction des circonstances de chaque espèce.

III- L’exécution et les effets du contrat : la consécration de la théorie de l’imprévision

A – L’effet translatif de propriété dans les contrats de vente

L’ordonnance met en exergue l’importance de la force obligatoire du contrat (article 1103 du Code civil), mais aussi l’effet translatif du contrat.

En effet, dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété, le transfert de propriété devient un effet légal du contrat, consécutif à l’échange des consentements (article 1196 du Code civil).

Cet effet translatif est aménageable : on peut le reporter, et gérer le transfert des risques comme on l’entend.

Enfin, le troisième aliéna de l’article 1196 du Code civil consacre la règle selon laquelle le propriétaire supporte la perte de la chose, en prévoyant que le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose.

S’agissant de l’opposabilité de ce transfert de propriété, l’article 1198 du Code civil couvre l’hypothèse de la double vente : le premier des deux acquéreurs qui aura été mis en possession l’emportera, quand bien même son titre serait postérieur, sous réserve qu’il soit de bonne foi.

L’innovation consiste à étendre à la matière immobilière sa réserve concernant la bonne foi. Le primo-publiant ne l’emportera  sur le titulaire d’un droit concurrent antérieur mais non que s’il était de bonne foi, c’est-à-dire s’il ignorait l’existence de l’acquisition première. La publicité foncière ne suffit donc plus à garantir seule l’opposabilité du transfert de propriété.

S’agissant des contrats préparatoires, il faut indiquer que l’article 1124 du Code civil renverse l’arrêt Consorts Cruz, rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 15 décembre 1993, en posant deux règles nouvelles :

« […] La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.

Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ».

Ces dispositions résonnent particulièrement en matière de promesse de vente par l’effet translatif de propriété que la sanction produit : puisque « dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat » (article 1196 du Code civil), l’application de l’article 1124 à la violation d’une promesse unilatérale de vente conduit en définitive à forcer le transfert de propriété.

B – La force obligatoire du contrat et, plus particulièrement, l’imprévision

Les articles 1193 et 1194, premiers articles consacrés à la force obligatoire du contrat, réaffirment des principes qui étaient déjà présents au sein du Code civil.

Un tempérament est néanmoins apporté à ces dispositions : l’imprévision, notion bien connue en jurisprudence administrative, fait son entrée dans le Code civil au nouvel article 1195, qui dispose :

 « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au Juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le Juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe
».

L’alinéa 1er pose les conditions de ce nouveau dispositif : l’imprévision est subordonnée à un changement de circonstances « imprévisibles », qui doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse » pour une partie, et celle-ci ne doit pas avoir accepté de prendre en charge ce risque.

Ainsi, après 140 ans, l’arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876, qui interdisait aux tribunaux de prendre en considération les temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties, devient obsolète.

Le principe posé par l’arrêt Canal de Craponne reflétait un système de valeurs où la liberté et la responsabilité individuelle primaient l’interventionnisme providentiel du Juge.

La portée symbolique du pouvoir de révision qu’accorde l’article 1195 est donc évidente.

Concernant sa portée pratique, il semble que le Juge dispose d’un pouvoir de révision très étendu ; l’horizon qui s’offre à lui n’étant assorti d’aucun garde-fou explicite.

Alternativement à la révision du contrat, le Juge peut « y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe », ce qui montre combien il est seul maître de la solution à trouver une fois que les parties ont échoué à s’entendre.

Toutefois, l’article 1195 revêt un caractère supplétif, et les parties pourront convenir à l’avance de l’écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l’économie du contrat.

En tout état de cause, la consécration de cette notion permet de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d’exécution, conformément à l’objectif de justice contractuelle poursuivi par l’ordonnance.

***

Ainsi, l’ordonnance du 10 février 2016 a-t-elle permis une codification à droit constant de la jurisprudence, reprenant des solutions bien ancrées dans le paysage juridique français bien que non écrites, en restituant au droit commun des contrats, sans bouleversement, la caractéristique essentielle des systèmes de droit continental.

La sécurité juridique ainsi conférée à notre droit des obligations, qui constitue le socle des échanges économiques, devrait faciliter son application dans des contrats de droit international.

Claire-Marie DUBOIS-SPAENLE, Associée
Aliénor de ROUX, Avocat

Diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public

Le président d’une association de défense des justiciables avait été renvoyé devant le Tribunal correctionnel dans le cadre d’une procédure suivie contre lui des chefs de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public (art. 31, al. 1er, L. 1881) et diffamation publique envers des particuliers (art. 32, al. 1er, L. 1881) à la suite de la mise en ligne sur un site internet, d’un texte mettant en cause les conditions de nomination par le président d’un conseil régional de sa fille en qualité de chef de service de la coopération régionale, et les conflits d’intérêts qui auraient résulté de l’obtention par le concubin de cette dernière du marché de la reconstruction d’une école et de l’acquisition d’un commerce aux frais de la collectivité territoriale.

Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel infirmait le jugement de relaxe entrepris et retenait le caractère diffamatoire des propos incriminés pour condamner le président de l’association, estimant singulièrement que le texte litigieux ne s’inscrivait pas dans un débat d’intérêt général afin d’écarter le fait justificatif de bonne foi. En outre, elle considérait que les propos mis en ligne manquaient d’une base factuelle suffisante.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme donc l’arrêt d’appel, estimant que « si c’est à tort que l’arrêt retient que les propos incriminés, relatifs aux conflits d’intérêts pouvant affecter tant l’exercice par le président d’une collectivité territoriale de son pouvoir de nomination à un poste de responsabilité au sein des services de cette collectivité que le bon usage des deniers publics, ne s’inscrivaient pas dans un débat d’intérêt général, la Cour d’appel, qui a constaté que M. X…, qui avait volontairement mis en ligne des propos précédemment diffusés par un tiers, n’avait pas produit aux débats d’éléments permettant de retenir l’existence d’une base factuelle suffisante, a justifié sa décision ».

Elle rappelle également qu’il appartient aux Juges du fond d’apprécier le sens et la portée des passages présentés comme diffamatoires au regard du contexte dans lequel ceux-ci ont été portés à la connaissance du public. Peu importait donc que la Cour d’appel ait eu recours à une phrase non poursuivie extraite du texte contenant les propos incriminés pour se prononcer.

Cet arrêt classique en la matière permet de rappeler que :

  • la personne poursuivie pour diffamation peut s’exonérer de sa responsabilité pénale et civile en apportant la preuve de sa bonne foi qui s’apprécie en tenant compte du caractère d’intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux et du contexte politique dans lequel ils s’inscrivent.

Notons qu’il était étonnant que la Cour d’appel n’ait pas accordé aux propos relatifs aux conflits d’intérêts pouvant affecter l’exercice du pouvoir de nomination d’un président de collectivité territoriale ou le bon usage des deniers publics un caractère d’intérêt général, ce que n’a pas manqué de rectifier la Cour de cassation.

  • la personne poursuivie peut également apporter la preuve qu’elle disposait d’éléments suffisants pour soumettre au débat public les faits dénoncés : il s’agit de la base factuelle suffisante. Les propos incriminés peuvent donc parfaitement s’inscrire dans un débat d’intérêt général mais ne pas reposer sur une base factuelle suffisante. Tel est le cas dans la présente espèce, circonstance justifiant la condamnation de l’auteur.
  • enfin, s’agissant de la liberté d’expression dans un contexte de polémique politique et/ou de débat d’intérêt général, il est acquis que les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier. L’appréciation du caractère diffamatoire et de la bonne foi doit donc également se faire en tenant compte de la qualité de l’auteur des propos litigieux.

Adoption de la loi Egalité et Citoyenneté : ce qui change en urbanisme

Adopté le 22 décembre dernier, le projet de loi « Egalité et citoyenneté » comprend des dispositions intéressants le droit de l’urbanisme, qu’il convient de préciser, sans prétendre à l’exhaustivité.

De première part, le caractère « excessif » que devait présenter le préjudice du bénéficiaire du permis de construire pour être indemnisé est supprimé de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme.

Ce faisant, pour solliciter la condamnation du requérant à des dommages intérêts, le pétitionnaire devra désormais démontrer que le recours formé contre son autorisation, d’une part, a été mis en œuvre dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant (condition qui reste inchangée) et, d’autre part, lui a causé un préjudice, sans que ce dernier n’ait à être qualifié d’excessif. L’allègement de cette seconde condition, qui avait pu paraître trop lourde lorsque l’Ordonnance du 18 juillet 2013 avait été édictée et qui, au surplus, n’avait toujours pas été définie par le Juge administratif, pourra rendre plus aisée la condamnation aux dommages intérêts des requérants formant des recours abusifs.

De deuxième part, de nouvelles possibilités d’élaboration de plans locaux d’urbanisme infracommunautaires sont créées, permettant que les EPCI de grande taille ne soient pas contraints d’élaborer un seul PLU-I sur l’ensemble de leur périmètre (nouveaux articles L. 154-2 et suivants du Code de l’urbanisme).

De troisième part, la loi ratifie l’ordonnance n° 2016-354 du 25 mars 2016 relative à l’articulation des procédures d’autorisation d’urbanisme avec diverses procédures relevant du Code de l’environnement.

De quatrième part, la loi permet de repousser les dates fixées par la loi n ° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement – dite « Grenelle II » pour le verdissement des PLU et, conséquemment, de repousser les difficultés posées – et non résolues en l’absence de réponse du gouvernement – par l’absence de « grenellisation » de certains PLU. Les dispositions des articles 17 et 19 de la Loi Grenelle II sont ainsi modifiées, imposant désormais que les PLU non grenellisé devront intégrer ces dispositions au plus tard lors de leur prochaine révision, sans qu’aucune date ne soit plus précisée.

De cinquième part, les délais de disparition des POS ont également été repoussés de deux ans, à condition que l’EPCI compétent, d’une part, ait engagé la procédure d’élaboration de son PLUI avant le 31 décembre 2015 et que ce PLUI soit approuvé au plus tard au 31 décembre 2019 (nouvelle rédaction de l’article L. 174-5).

De sixième part, enfin, la loi introduit un nouvel article L. 600-13 du Code de l’urbanisme qui vient enrichir le contentieux spécial de l’urbanisme en prévoyant un mécanisme de caducité de la requête lorsque « sans motif légitime, le demandeur ne produit pas les pièces nécessaires au jugement de l’affaire dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la requête ou dans le délai qui lui a été imparti par le Juge ».

Le second alinéa de ce nouvel article précise encore que : « la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe, dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’a pas été en mesure d’invoquer en temps utile ».

Le Code de l’urbanisme se voit ainsi modifié de manière non négligeable par cette nouvelle loi, qui n’a pas encore été promulguée.

La compétence exclusive du Juge administratif pour ordonner des mesures de nature à porter atteinte à l’intégrité d’un ouvrage public

En vertu de l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, « les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique […] sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance ».

Sur la base de cet article, le Tribunal des conflits avait donc logiquement considéré que « par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, la recherche d’une responsabilité fondée par la méconnaissance par ces dernières de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011, de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire » (Tribunal des Conflits, 7 juillet 2014, n° 3954).

Cependant, dans une décision en date du 5 septembre 2016, le Tribunal des conflits est venu préciser l’articulation des compétences du Juge judiciaire et du Juge administratif en matière d’ouvrages publics.

Dans cette affaire, un architecte, qui avait réalisé un équipement culturel abritant une grande salle de concert sous la maîtrise d’ouvrage de l’établissement public de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris – , a considéré que ce dernier avait altéré son œuvre d’architecte au point de la dénaturer.

L’architecte a saisi le Tribunal de grande instance de Paris afin que celui-ci condamne l’établissement public à faire exécuter les travaux nécessaires à la remise en état de l’œuvre, en réparation de l’atteinte au droit moral de l’auteur.

Le Tribunal des conflits a jugé que, si l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit la compétence du Juge judiciaire en matière de propriété littéraire et artistique, ces dispositions « ne sauraient être interprétées comme donnant compétence aux juridictions de l’ordre judiciaire pour ordonner des mesures de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité d’un ouvrage public ».

Ainsi, le Tribunal de grande instance, saisi d’une demande tendant à ce qu’une atteinte au droit moral de l’architecte soit réparée par des travaux sur un ouvrage public, pourra statuer sur l’existence éventuelle de l’atteinte, mais devra se déclarer incompétent, au profit du Juge administratif, pour ordonner la réalisation de travaux sur l’ouvrage.

 

L’exonération de plus-value des cessions de parts pour les dirigeants en départ à la retraite

En application de l’article 150-0 D ter du Code général des impôts, les gains nets de cession de titres ou droits de petites et moyennes entreprises (PME) européennes réalisés par les dirigeants en vue de leur départ à la retraite sont réduits, sous certaines conditions, d’un abattement fixe de 500.000 €.

Initialement prévu jusqu’au 31 décembre 2013, ce dispositif permettant d’exonérer les plus-values arrivera à échéance le 31 décembre 2017.

Plus précisément, le dispositif d’exonération prévoit l’application d’un abattement de la plus-value d’un tiers pour chaque année de détention complémentaire après 6 ans.

Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, la loi a  prévu quatre séries de conditions cumulatives relatives au dirigeant en départ à la retraite, au type de société, au niveau d’activité ainsi qu’au capital de la société.

1/ Concernant  le dirigeant, ce dernier doit :

– avoir détenu les titres plus de 8 ans pour pouvoir bénéficier d’une exonération totale ;

– avoir détenu (seul ou avec son groupe familial ou les co-fondateurs) plus de 25 % des droits de vote de la société pendant les 5 années précédant la cession ;

– avoir exercé pendant les 5 années précédant la cession une fonction de direction ayant donné lieu à une rémunération représentant plus de 50%  des revenus professionnels.

2/ Concernant le type de sociétés, seules les sociétés opérationnelles ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier peuvent prétendre au dispositif.

Ces sociétés doivent être soumises à l’impôt société et avoir leur siège social au sein de l’Union européenne.

3/ Concernant le niveau d’activité, la société doit :

– employer moins de 250 salariés ;

– réaliser moins de 50 millions de chiffre d’affaires ;

– avoir un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros.

4) Enfin, le capital de la société ne doit pas être détenu à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ne répondant pas à ces critères de niveaux d’activité, de manière continue au cours du dernier exercice clos.