le 13/01/2017

Diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public

Cass. crim., 13 décembre 2016, n° 16-80812

Le président d’une association de défense des justiciables avait été renvoyé devant le Tribunal correctionnel dans le cadre d’une procédure suivie contre lui des chefs de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public (art. 31, al. 1er, L. 1881) et diffamation publique envers des particuliers (art. 32, al. 1er, L. 1881) à la suite de la mise en ligne sur un site internet, d’un texte mettant en cause les conditions de nomination par le président d’un conseil régional de sa fille en qualité de chef de service de la coopération régionale, et les conflits d’intérêts qui auraient résulté de l’obtention par le concubin de cette dernière du marché de la reconstruction d’une école et de l’acquisition d’un commerce aux frais de la collectivité territoriale.

Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel infirmait le jugement de relaxe entrepris et retenait le caractère diffamatoire des propos incriminés pour condamner le président de l’association, estimant singulièrement que le texte litigieux ne s’inscrivait pas dans un débat d’intérêt général afin d’écarter le fait justificatif de bonne foi. En outre, elle considérait que les propos mis en ligne manquaient d’une base factuelle suffisante.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme donc l’arrêt d’appel, estimant que « si c’est à tort que l’arrêt retient que les propos incriminés, relatifs aux conflits d’intérêts pouvant affecter tant l’exercice par le président d’une collectivité territoriale de son pouvoir de nomination à un poste de responsabilité au sein des services de cette collectivité que le bon usage des deniers publics, ne s’inscrivaient pas dans un débat d’intérêt général, la Cour d’appel, qui a constaté que M. X…, qui avait volontairement mis en ligne des propos précédemment diffusés par un tiers, n’avait pas produit aux débats d’éléments permettant de retenir l’existence d’une base factuelle suffisante, a justifié sa décision ».

Elle rappelle également qu’il appartient aux Juges du fond d’apprécier le sens et la portée des passages présentés comme diffamatoires au regard du contexte dans lequel ceux-ci ont été portés à la connaissance du public. Peu importait donc que la Cour d’appel ait eu recours à une phrase non poursuivie extraite du texte contenant les propos incriminés pour se prononcer.

Cet arrêt classique en la matière permet de rappeler que :

  • la personne poursuivie pour diffamation peut s’exonérer de sa responsabilité pénale et civile en apportant la preuve de sa bonne foi qui s’apprécie en tenant compte du caractère d’intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux et du contexte politique dans lequel ils s’inscrivent.

Notons qu’il était étonnant que la Cour d’appel n’ait pas accordé aux propos relatifs aux conflits d’intérêts pouvant affecter l’exercice du pouvoir de nomination d’un président de collectivité territoriale ou le bon usage des deniers publics un caractère d’intérêt général, ce que n’a pas manqué de rectifier la Cour de cassation.

  • la personne poursuivie peut également apporter la preuve qu’elle disposait d’éléments suffisants pour soumettre au débat public les faits dénoncés : il s’agit de la base factuelle suffisante. Les propos incriminés peuvent donc parfaitement s’inscrire dans un débat d’intérêt général mais ne pas reposer sur une base factuelle suffisante. Tel est le cas dans la présente espèce, circonstance justifiant la condamnation de l’auteur.
  • enfin, s’agissant de la liberté d’expression dans un contexte de polémique politique et/ou de débat d’intérêt général, il est acquis que les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier. L’appréciation du caractère diffamatoire et de la bonne foi doit donc également se faire en tenant compte de la qualité de l’auteur des propos litigieux.