Reconnaissance de la puissance fondée en titre d’une microcentrale hydroélectrique

L’arrêt commenté est l’occasion pour la Cour administrative d’appel de Nantes (ci-après, la « Cour ») de se prononcer sur l’existence d’un droit fondé en titre, les conditions de son extinction, ainsi que sa consistance et pour nous de rappeler ce droit ancien. 

Pour rappel, les droits fondés en titre portent sur les cours d’eaux non domaniaux. Il s’agit plus précisément des droits d’eau attachés à des moulins qui ont été délivrés sous le régime féodal par la Couronne, soit avant la Révolution française et que la nuit du 4 août 1789 n’a pas abolis. Ces droits d’usage de l’eau particuliers sont exonérés des procédures d’autorisation ou de renouvellement prévus par le Code de l’énergie.  

Au regard de cette exonération, la société des Moulins d’Orval, qui exploite une microcentrale hydroélectrique dénommée Moulin d’Hyenville, établie sur la rivière la Sienne sur le territoire de la commune d’Hyenville, a demandé au préfet de la Manche de reconnaître la puissance fondée en titre de 75 kW de cet ouvrage. Le préfet a rejeté sa demande au motif que les documents communiqués ne permettaient pas d’établir l’existence de ce moulin avant 1789 et que la puissance revendiquée de 75 kW résultait, en outre, d’une modification de l’installation. La société des Moulins d’Orval a porté l’affaire devant le Tribunal administratif de Caen qui a également rejeté son recours et la société Moulins d’Orval a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Caen devant la Cour.

En premier lieu, la Cour se prononce sur l’existence d’un droit fondé en titre concernant le moulin en cause. La Cour commence par rappeler que « sont notamment regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux ». La Cour affirme « qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date » et constate que des actes établis antérieurement à la nuit du 4 août 1789 étaient produits par la société requérante pour conclure à l’existence d’un droit fondé en titre en l’espèce.  

En second lieu, la Cour a répondu aux arguments du préfet selon lesquels ce droit fondé en titre serait éteint faute d’avoir été utilisé et en raison des travaux de modifications et d’aménagement apporté au moulin concerné. Là encore, la Cour rappelle l’état du droit en la matière en affirmant que « la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété ; qu’il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau ». Elle répond ensuite aux arguments du préfet en jugeant que « ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ». Enfin, elle constate qu’en l’espèce, les travaux entrepris n’avaient pas eu pour effet de changer l’affectation du moulin et que le droit fondé en titre n’était donc pas éteint.

En troisième lieu, la Cour a procédé à la détermination de la puissance du droit fondé en titre du moulin objet du recours. La Cour juge, dans un considérant de principe, « qu’un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l’origine ; qu’à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de l’usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ». Au regard de ce principe, la Cour s’est référée, « pour fixer la consistance légale, au document le plus ancien permettant d’apprécier la consistance légale de l’ouvrage hydraulique à son origine » et a jugé que celle-ci était en l’espèce, au regard dudit document, de 67kW.

Au regard de ce qui précède, la Cour a finalement jugé que la société des Moulins d’Orval était fondée à demander l’annulation de la décision du préfet de la Manche et du jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2015 rejetant sa demande et à ce qu’il soit déclaré que le moulin exploité bénéficie d’un droit fondé en titre pour l’usage des eaux de la Sienne, pour une consistance légale fixée à hauteur de la puissance maximale de 67 Kw.

Précisions sur les obligations du maire en matière de police des dépôts sauvages de déchets et sur l’étendue du contrôle du juge administratif

Le Conseil d’Etat a précisé, dans une décision du 13 octobre 2017, que le maire est tenu, sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, de « prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présente des dangers pour l’environnement », et qu’il appartient au juge administratif d’exercer un plein contrôle sur le respect de cette obligation.

Aux termes de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, dans sa version issue de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, applicable à la date des dépôts de déchets litigieux :

« En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable ».

Malgré l’emploi du verbe « pouvoir » par le législateur, le Conseil d’Etat a jugé que le maire est tenu d’intervenir sur le fondement de ces dispositions pour mettre un terme aux dangers pour l’environnement présentés par des dépôts irréguliers de déchets.

Cette solution est néanmoins cohérente avec la jurisprudence relative à l’obligation du maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police générale, à défaut de quoi, il peut engager la responsabilité de la commune pour carence.

La rédaction de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement a évolué depuis, notamment à la suite de l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets. Le maire dispose ainsi désormais d’une palette de pouvoirs, dont l’exécution d’office des travaux, pour mettre un terme aux dépôts sauvages de déchets et sanctionner les contrevenants.

La solution retenue par le Conseil d’Etat demeure toutefois pleinement d’actualité, aucune raison ne justifiant qu’il en soit autrement.

L’autre apport de la décision du 13 octobre 2017 est relatif à la nature du contrôle opéré par le juge administratif sur le respect de l’obligation du maire ainsi définie. En effet, alors que la Cour administrative d’appel de Marseille avait opéré un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation quant à la nécessité de mettre en œuvre ou non les pouvoirs de police susmentionnés, le Conseil d’Etat a posé le principe d’un « plein contrôle », c’est-à-dire un contrôle de l’erreur d’appréciation.

Enfin, cette décision a été l’occasion de rappeler que la responsabilité du propriétaire d’un terrain sur lequel ont été déposés des déchets ne peut être engagée, sur le fondement de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement, qu’en l’absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, et ce notamment si ledit propriétaire a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain (v. par exemple : CE, 26 juillet 2011, Commune de Palais-sur-Vienne, n° 328651).

Autorisation de quatre nouveaux régimes d’aide d’état en matière de production d’énergie à partir de sources renouvelables

Par un communiqué de presse en date du 29 septembre 2017, la Commission européenne a fait savoir qu’elle validait quatre nouveaux régimes d’aides d’Etat notifiés par la France en matière de production d’électricité à partir d’installations d’éoliennes terrestres et d’installations solaires sur les bâtiments et au sol.

Les quatre régimes concernés sont les suivants :

  • un régime en faveur de l’éolien terrestre qui consistera à accorder une prime s’ajoutant au prix du marché («complément de rémunération») aux exploitants des installations terrestres de taille moyenne à grande de plus de 6 turbines, ou possédant au moins une turbine de plus de 3 mégawatts;
  • un régime en faveur des grandes installations photovoltaïques sur les bâtiments. Les installations bénéficieront d’un tarif de rachat (pour les installations entre 100 et 500 kilowatts) ou d’une prime de rachat (pour les installations entre 500 kilowatts et 8 mégawatts) pendant 20 ans;
  • un régime en faveur des grandes installations photovoltaïques au sol. L’appel d’offres qui sera organisé par l’Etat accordera une aide en faveur d’une capacité supplémentaire allant jusqu’à 3 gigawatts au moyen d’une prime de rachat pendant vingt ans;
  • un régime d’aides pour les installations éoliennes terrestres et solaires n’excédant pas 18 mégawatts.

La Commission indique dans son communiqué de presse avoir conclu, au terme de son analyse, que les mesures concernées « permettront d’augmenter la part d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, conformément aux objectifs environnementaux de l’UE, tandis que les distorsions de concurrence engendrées par le soutien de l’État seront limitées ».

Ces différents régimes visent à produire plus de 7,5 gigawatts d’énergie à partir de sources renouvelables.

Ces quatre nouveaux mécanismes d’aides viennent compléter les régimes préexistants parmi lesquels figurent notamment les régimes suivants récemment autorisés : un régime en faveur de l’éolien terrestre portant sur les petites installations terrestres de moins de 6 turbines (autorisé par la décision SA.47205 du 28 décembre 2016), un régime en faveur des petites installations photovoltaïques dans les bâtiments (autorisé par la décision SA.47623 du 20 février 2017), ou encore un régime en faveur d’installations utilisant les gaz de stations d’épuration d’eaux usées (autorisé par décision SA.43485 du 4 novembre 2015).

Appels à contributions en matière d’autoconsommation lancés par la CRE

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a publié sur son site internet trois appels à contribution relatifs à l’autoconsommation d’électricité.

Un premier appel à contributions portant sur les sujets tarifaires liés à l’autoconsommation devait faire l’objet de réponses au plus tard le 6 novembre dernier.

Le deuxième, actuellement en cours, porte sur le cadre contractuel dans lequel s’exerce l’autoconsommation et le troisième, également en cours, traite des mécanismes de soutien à l’autoconsommation.

Ces appels à contributions, organisés dans le cadre des réflexions menées par la CRE sur le régime applicable à l’autoconsommation, ont pour objet d’identifier les axes d’évolution dudit régime sur les plans économique et juridique.

Pour mémoire, la notion d’autoconsommation a été introduite dans l’ordonnancement juridique par l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité ayant créé les articles L. 315-1 et suivants du Code de l’énergie et l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, ces deux textes ayant tous deux été ratifiés par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 (voir notre lettre d’actualité du mois de mars 2017).

L’appel à contributions portant sur le cadre contractuel traite notamment des questions liées aux modalités de déclaration des installations d’autoconsommation, aux évolutions possibles du cadre contractuel dans lequel s’inscrit l’autoconsommation individuelle et aux coefficients pour l’affectation des flux autoconsommés au sein des opérations d’autoconsommation collective.

L’appel à contributions relatif aux mécanismes de soutien à l’autoconsommation interroge, pour sa part, sur l’efficience et la pertinence des mécanismes de soutien financier à l’autoconsommation ou encore la rentabilité des installations d’autoconsommation.

Les réponses sont attendues jusqu’au 14 novembre et seront publiées sur le site « autoconsommation » de la CRE.

Obligation pour le GRD de faire droit au raccordement, comme au bénéfice de l’obligation d’achat, d’une installation photovoltaïque, à la suite de la conclusion d’une convention de raccordement et y compris en l’absence d’une proposition de raccordement

Par un arrêt du 6 octobre dernier, la Cour de cassation a jugé que le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité (ci-après « GRD ») doit poursuivre la procédure de raccordement d’une installation photovoltaïque, ainsi que la procédure parallèle d’obligation d’achat, dès lors que celui-ci a adressé au producteur une convention de raccordement qui a été acceptée, et sans qu’une Proposition Technique et Financière de raccordement (ci-après « PTF ») n’ait été nécessairement établie.ee

Dans cette affaire, un particulier a souhaité installer une installation de production d’électricité photovoltaïque à son domicile, revendre l’électricité produite par l’intermédiaire de l’obligation d’achat incombant à la société EDF, et bénéficier des conditions tarifaires (avantageuses) antérieures à la suspension de 3 mois de cette obligation légale d’achat (à la suite de l’entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil), dit aussi décret ou période « moratoire ».

Le 18 juin 2010, il a adressé à la société Electricité Réseau Distribution de France, désormais dénommée Enedis, une demande complète de raccordement et a retourné, le 6 décembre 2010, la proposition de raccordement au réseau adressé par la société Enedis avec un acompte. Par un courrier en date du 4 janvier 2011, la société Enedis lui a, toutefois, notifié que son projet entrait dans le champ d’application de la période susvisée de suspension de 3 mois de l’obligation d’achat de sorte que sa demande était également devenue caduque.

Certes, le particulier a dû renouveler sa demande auprès d’Enedis afin de mettre en service son installation, mais il a surtout assigné le gestionnaire aux fins de le voir condamner à lui payer une somme correspondante à la perte de chance de bénéficier d’un tarif d’achat plus avantageux de l’électricité produite par son installation. Statuant en appel sur le jugement de première instance, la Cour d’appel de Besançon avait condamné le gestionnaire du réseau à payer au producteur la somme de 5.928 euros en réparation de son préjudice, par une décision du 19 janvier 2016 contre laquelle la société Enedis s’est donc pourvue en cassation.

A l’appui de son pourvoi, la société Enedis soutenait que la procédure de raccordement au réseau public de distribution d’électricité doit être distinguée de la procédure de l’obligation d’achat. Par ce raisonnement, elle estimait que (i) le bénéfice de l’obligation d’achat, aux conditions antérieures au décret « moratoire », était soumis à la conclusion d’un contrat d’obligation d’achat avant la date d’entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 précité (c’est-à-dire avant le 10 décembre 2010), (ii) et qu’il en découlait que la conclusion d’une convention de raccordement entre le producteur et le gestionnaire du réseau (intervenue en l’espèce le 6 décembre 2010) « n’impliquait pas maintien de l’obligation d’achat au tarif antérieur en l’absence de signature d’un contrat d’achat à la date d’entrée en vigueur du moratoire ».

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation a rejeté le raisonnement adopté par la société Enedis et a confirmé la décision de la Cour d’appel de Besançon en jugeant que le producteur :

« (…) pouvait bénéficier de la poursuite de la procédure de raccordement et prétendre à la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité au tarif applicable à la date de demande complète de raccordement de son installation au réseau, sans que fût nécessaire la signature d’un tel contrat avant la date d’entrée en vigueur du décret ». 

En d’autres termes, ni la procédure de raccordement au réseau, ni la procédure d’obligation d’achat, ne peuvent être suspendues par le gestionnaire du réseau lorsqu’il a adressé au demandeur au raccordement une proposition de convention de raccordement que ce dernier a accepté, et ce quand bien même le gestionnaire n’aurait pas adressé à ce même producteur une proposition technique et financière de raccordement à la suite du dépôt d’une demande complète de raccordement.

Si la Cour de cassation s’est ici essentiellement prononcée sur l’interprétation à donner aux dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 précité relatif à l’obligation d’achat, on relèvera que l’arrêt commenté reconnaît que l’acceptation d’une convention de raccordement par un demandeur lui confère un effet définitif et obligatoire pour le gestionnaire du réseau en termes de coût et de délais de raccordement, y compris en l’absence de sa part d’une proposition technique et financière de raccordement.

Légalité de l’indemnité compensatrice versée à l’agent dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels avant sa retraite

L’article 5 du décret n°85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux dispose que : « le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l’année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l’autorité territoriale. Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice. ».

Cette disposition ne prévoit aucune exception, pas même celle de l’agent se trouvant de l’impossibilité de prendre ses congés annuels pour des motifs indépendants de sa volonté comme la maladie, ou pour des motifs d’intérêt général.

En l’espèce, le Maire de Calvi a pris plusieurs certificats administratifs le 31 janvier 2013 prévoyant le versement d’indemnités compensatrices de congés annuels non pris à deux agents de la Commune qui ne pouvaient prendre leurs congés annuels avant leur admission à la retraite.

Le Préfet devait déférer ces deux décisions et le Tribunal administratif de Bastia, suivant le raisonnement préfectoral, procédait à leur annulation le 23 février 2015.

Saisie par la Commune, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement de première instance en estimant tout d’abord que les dispositions de l’article 5 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985, qui ne prévoient pas « le cas des agents qui ont été dans l’impossibilité de prendre leurs congés annuels pour des motifs indépendants de leur volonté en raison d’un congé de maladie ou, comme en l’espèce, pour des motifs tirés de l’intérêt du service, et qui se trouvent en fin de relation de travail » sont incompatibles « avec les dispositions de l’article 7 de la directive précitée et, par suite, illégales ».

Pour mémoire, ledit article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 prévoit que : «La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».

Il avait été déjà jugé que cet article faisait obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu’un travailleur n’a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu’il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s’éteigne à l’expiration de celle-ci (CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06, AJDA 2009. 245). Cette jurisprudence européenne a récemment été reprise par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 14 juin 2017 (req. 391131) mais elle restait jusques là limitée à la seule question du congé de maladie.

Conformément à la jurisprudence européenne (cf. CJCE, 20 juillet 2016, aff. C-341/15), la Cour administrative d’appel de Marseille a étendu son application aux congés n’ayant pu être pris pour des motifs d’intérêt général : les deux agents ayant été empêchés, pour des raisons indépendantes de leur volonté et liées à l’intérêt du service, de bénéficier de leurs droits à congés annuels, c’est régulièrement que le Maire de Calvi a pu leur verser une indemnité compensatrice de congés payés.

Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens social et médico-social : quelles garanties financières pour les organismes gestionnaires ?

Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) offre par définition une visibilité financière qui constitue une des attentes fortes des gestionnaires des établissements et des services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Le caractère pluriannuel des financements constitue en effet une des caractéristiques majeures du CPOM par rapport à la tarification réglementaire annuelle, fixée dans le cadre du dialogue budgétaire contradictoire. Le CPOM a été promu comme un véritable outil de gestion budgétaire au service de la stratégie des gestionnaires d’ESSMS, mais aussi des politiques publiques sociales et médico-sociales.

La conclusion d’un CPOM ne peut toutefois offrir une garantie de financement au regard des objectifs fixés au sein du contrat, qu’à la condition qu’il ait une force obligatoire permettant notamment au gestionnaire de se prévaloir des clauses financières du contrat. Or, le CPOM, contrairement aux autres catégories de contrats d’objectifs et de moyens, ne répond pas au régime juridique d’un contrat classique. En effet, il serait vain de croire que la mise en place d’une démarche contractuelle et la suppression, en tous les cas pour les CPOM obligatoires, de la procédure contradictoire sachant que celle-ci demeure optionnelle dans le CPOM facultatif, place les parties dans un rapport d’égalité. Les premières décisions jurisprudentielles, rares en la matière, indiquent clairement que les clauses financières d’un CPOM ne sont pas opposables aux organismes gestionnaires, alors même que les objectifs du gestionnaire prévues au CPOM lui sont opposables (1). Et pour cause. Outre que les financements fixés dans le cadre d’un CPOM demeurent tributaires de l’annualité budgétaire, le financement des ESSMS demeure réglementaire, tel qu’en témoigne le maintien de l’édiction annuelle de l’arrêté de tarification des services ou établissements compris dans le périmètre d’un CPOM. Si le maintien d’un arrêté de tarification en dit long sur le caractère obligatoire du CPOM, il n’en constitue pas moins dans ce contexte une garantie pour les gestionnaires de contester le niveau des financements accordés, ou encore une source d’insécurité juridique et financière pour les autorités de tarification qui pensaient évacuer le contentieux de la tarification sanitaire et sociale par la généralisation des CPOM (2).

  1. L’absence d’opposabilité des moyens fixés par un CPOM

La jurisprudence relative au caractère obligatoire des CPOM demeure à ce jour encore rare, mais tendra nécessairement à se développer dans la mesure où les points de crispation du dialogue budgétaire contradictoire vont nécessairement se traduire dans le cadre de l’exécution des CPOM.

Pour autant, une décision du Tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) de Lyon apporte un éclairage essentiel sur la portée du CPOM et les modalités de contester son inexécution. En l’espèce, le gestionnaire d’un établissement de service et d’aide par le travail (ESAT) ayant conclu un CPOM avec l’agence régionale de santé (ARS) a dénoncé l’insuffisance du tarif au regard des engagements pris dans volet financier d’un CPOM. L’ARS soulevait quant à elle une exception d’incompétence du juge du tarif au profit du Tribunal administratif.

Le TITSS s’est toutefois reconnu compétent en se fondant sur le fait que le litige portait sur la fixation du tarif de l’établissement au titre de l’exercice 2010 et que l’ESAT n’entendait pas mettre en cause la responsabilité de l’ARS. La contestation de la dotation fixée en application d’un CPOM ne saurait donc être qualifiée d’exception d’inexécution d’un contrat, ni être dénoncée dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle relevant de la compétence du juge administratif de droit commun. Autrement dit, l’inexécution des clauses contractuelles d’un CPOM n’engage pas la responsabilité contractuelle de l’autorité de tarification et ne saurait être recherchée dans le cadre d’un contentieux indemnitaire lié à l’inexécution d’un CPOM.

Ce qui revient à refuser au CPOM la nature d’un contrat administratif, en dépit du fait que l’administration a pu elle-même les qualifier de contrat public comprenant des clauses exorbitantes du droit commun (circulaire n° DGCS/SD5C/2013/300 du 25 juillet 2013) .

Pour autant, la possibilité que la responsabilité de l’administration soit recherchée en raison des conséquences préjudiciables résultant du montant de la dotation et qui ne correspondrait pas pour l’organisme gestionnaire à invoquer l’insuffisance de la dotation pourrait selon nous être recherchée devant le juge administratif de droit commun, sous réserve toutefois d’apporter la preuve d’un tel préjudice, ce qui peut s’avérer délicat.   

Sur le fond, le Tribunal a estimé que le tarif fixé dans le CPOM n’était pas opposable à l’administration. Il a en effet jugé que « si le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens a prévu pour l’ESAT une [dotation globale] 2009 de 2 658 066 euros, d’une part, cette somme est inscrite dans un contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014 qui est dépourvu de toute valeur contraignante et, d’autre part, l’article II.3.1 de ce document contient la mention suivante “Attention : les moyens financiers de la part de l’Etat sont encore à l’étude. Les budgets de base zéro et dotations ne seront par conséquent qu’une projection“ ; que cette stipulation a ainsi expressément prévu une réserve tenant à la fixation future des dépenses autorités de l’établissement ; que par suite, l’A. n’est pas fondée à se prévaloir de ces stipulations  à l’appui de sa demande d’annulation ou de réformation de l’arrêté attaqué » ( TITSS de Lyon,  12 mars 2012, n°11-73-6).

En se prononçant ainsi, le Tribunal s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence rendue en matière de convention pluriannuelle tripartite dont il a été jugé que les clauses financières n’engageaient pas les autorités de tarification (CE, 21 février 2000, n° 209637, CNTSS, 18 décembre 2009, n° A.2008.027),  alors même qu’elles sont opposables à l’organisme gestionnaire (CNTSS, 5 février 2010, n°A.2008.027).

Le caractère non-opposable des clauses financières des CPOM s’illustre également par la capacité de résiliation unilatérale des autorités de tarification particulièrement pour des raisons budgétaires. Sur ce point la circulaire n° DGCS/SD5C/2013/300 du 25 juillet 2015  relative à la mise en œuvre des CPOM reconnaît d’ailleurs que « l’autorité chargée de l’autorisation conserve la possibilité de résilier de manière unilatérale, notamment si les conditions d’évolution de ses moyens budgétaires ne lui permettent pas de concilier les engagements contractuels avec le respect du caractère limitatif de sa dotation régionale ». La circulaire préconise toutefois d’éviter une telle résiliation pour ne pas décrédibiliser la démarche de contractualisation et préférer l’avenant, autrement dit la révision des moyens en cours (ce qui devrait impliquer une révision des objectifs, notamment si leur non-réalisation est « sanctionnée » par une clause du CPOM).

Par ailleurs, il faut rappeler que la capacité de l’autorité de tarification de modifier unilatéralement le montant des financements en cours d’exercice est expressément prévue à l’article R. 314-47 du CASF aux termes duquel : « L’autorité de tarification peut, en cours d’exercice budgétaire et par décision motivée, modifier d’office le montant approuvé des groupes fonctionnels ou des sections tarifaires dans les cas suivants:

1° La modification, postérieurement à la fixation du tarif, de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ;

2° La modification, postérieurement à la fixation du tarif, des dotations limitatives mentionnées aux articles L. 313-8, L. 314-3 et L. 314-4 ;

3° La prise en compte d’une décision du juge du tarif ;

4° En cas d’affectation des résultats dès l’exercice en cours, en application du 1° du II ou du III de l’article R. 314-51 ».

S’il est clair que le régime juridique du CPOM reste à ce jour à construire au gré des décisions jurisprudentielles à venir, il n’en reste pas moins que le CPOM ne peut être considéré comme ayant un caractère contractuel. En l’état actuel de la jurisprudence, le CPOM ne saurait ainsi autrement qualifié que d’instrument des autorités de tutelle qui se traduit dans un support contractuel. L’heure n’est pas à le déplorer mais plutôt à être conscient des implications de la conclusion d’un CPOM, tant pour les gestionnaires que les autorités de tarification qui seront confrontées à la nécessité d’articuler les projections – car il ne s’agit de rien d’autre – prévues au sein des CPOM avec les enveloppes annualisées dans le cadre des arrêtés de tarification.

  1. Le maintien du caractère réglementaire de la tarification

La conclusion du CPOM n’est pas exclusive de la mise en œuvre de la procédure budgétaire réglementaire. Cela est d’ailleurs cohérent avec le caractère non obligatoire des clauses d’un CPOM, du moins pour l’autorité de tarification. D’ailleurs, dans la mesure où les clauses financières d’un CPOM ne peuvent constituer une garantie de financement pour les organismes gestionnaires, l’intervention annuelle d’un CPOM durant la durée d’exécution du CPOM constitue l’une des seules garanties de pouvoir contester les niveaux de tarification retenus et qui ne correspondraient pas aux clauses financières prévues au sein du CPOM.

Ainsi, dans la mesure où les clauses financières d’un CPOM n’ont pas de caractère opposable aux autorités de tarification, se pose la question du maintien de la procédure contradictoire budgétaire au du CPOM. En effet, si la procédure contradictoire est devenue optionnelle dans le cadre des CPOM facultatifs mais que ces derniers n’ont pas de valeur impérative, il n’existe aucun intérêt pour les organismes gestionnaires de se priver d’une telle garantie. En tous les cas, le maintien d’une procédure budgétaire contradictoire au regard du régime juridique actuel du CPOM présente un réel intérêt pour les organismes gestionnaires. En effet, l’autorité de tarification se trouve dans ce cas contrainte de respecter les modalités de mise ne œuvre de la procédure contradictoire et de justifier les abattements qui seraient opérés sur les éléments financiers prévues par le CPOM. Il faut clairement indiquer que la possibilité de former un recours – et même si les gestionnaires ont qu’encore trop peu ce réflexe – ne doit pas être regardée autrement que comme la possibilité de s’aménager un levier de négociation avec les autorités de tarification. En ce qui concerne ces dernières, il convient d’être vigilant à ce que la procédure contradictoire soit régulièrement mises en œuvre, ce qui peut être délicat si le taux d’évolution des dépenses ou l’enveloppe limitative ne permet pas d’honorer les engagements pris dans le cadre du CPOM.

En tout état de cause, ces éléments doivent attirer l’attention des gestionnaires sur les clauses financières du CPOM et particulièrement la détermination des modalités d’évolution budgétaire. Sur ce point, il convient de rappeler que l’article R. 314-40 du CASF dispose que : 

« Le contrat ou la convention comportent alors un volet financier qui fixe, par groupes fonctionnels ou par section tarifaire selon la catégorie d’établissement ou de service, et pour la durée de la convention, les modalités de fixation annuelle de la tarification ».

Ces modalités peuvent consister :

1° Soit en l’application directe à l’établissement ou au service du taux d’évolution des dotations régionales limitatives mentionnées aux articles L. 314-3 et L. 314-4 ;

2° Soit en l’application d’une formule fixe d’actualisation ou de revalorisation ;

3° Soit en la conclusion d’avenants annuels d’actualisation ou de revalorisation ».

A la lecture de ces dispositions, les gestionnaires doivent se poser la question du caractère adapté des modalités de fixation annuelle de la tarification en fonction du groupe fonctionnel ou de la section tarifaire. Par ailleurs, aucun élément ne s’oppose à la possibilité de retenir des modalités de fixation annuelle différenciées en fonction, par exemple, des groupes de dépenses.

Par ailleurs, il paraît clair que l’application d’un taux d’actualisation ou de revalorisation semble être le plus risqué pour l’établissement, compte tenu de l’impossibilité d’anticiper sur les prochains taux d’évolution des dotations régionales, ceci d’autant plus s’il n’est plus fait application de la procédure contradictoire. Sur ce point précis, il faut d’ailleurs souligner que compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale qui s’oppose à ce que les autorités de tarification puissent uniquement se fonder sur le taux d’évolution des dotations régionales, la question de pose de savoir si une telle jurisprudence pourraient s’appliquer au sein d’un CPOM au sein de laquelle procédure contradictoire serait maintenue (CNTSS, 20 juin 2014, n°2012.005 ). Dans le cas où le gestionnaire déciderait de ne pas retenir une procédure contradictoire au sein du CPOM, les modalités de fixation annuelle de la tarification résultant de l’application d’une formule fixe d’actualisation ou de revalorisation ou du taux d’évolution des dotations régionales suppose une diagnostic préalable solide, la renégociation d’une « base zero » adaptée par rapport aux objectifs et peut-être l’application qu’à une partie du périmètre du CPOM.

Dans tous les cas, le caractère pour le moins fragile des garanties juridiques de financement offertes par le CPOM doit conduire les gestionnaires à établir un diagnostic sérieux avant d’établir un diagnostic partagé avec les autorités de tarification et de prêter une attention très particulière à la rédaction des clauses du CPOM.

Les autorités de tarification, qui semble être « favorisée » par le caractère non opposable du CPOM ne sauraient qu’être vigilantes aux marges de manœuvre qu’il leur offre au regard d’un régime juridique qui reste à construire.

Nadia BEN AYED

Avocat / Directeur du secteur ESS – nbenayed@seban-associes.avocat.fr

 

Confirmation de l’extension de la garantie décennale à des éléments d’équipement dissociables

Nous évoquions dans le sujet du mois d’août 2017 de la Lettre d’actualité juridique, un arrêt de cassation surprenant ayant validé l’application de la garantie décennale à une pompe à chaleur posée sur existants à condition de rendre l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Cass. Civ., 3ème, 15 juin 2017, n°16-19640).

Cet arrêt, qui a bousculé la doctrine et amené certains auteurs à considérer que la haute juridiction civile avait créé la notion de « quasi-ouvrage » (RDI 2017. 409, obs. C. Charbonneau), ne laisse plus de place à l’hésitation, le seul fait que la Cour de cassation confirme sa jurisprudence dans les trois mois étant suffisamment symbolique pour affirmer que cette décision est désormais ancrée dans le droit positif.

En l’espèce, un incendie a été provoqué par un insert qui avait endommagé un immeuble.

Les juges du fond refusaient de faire droit à la demande de mise en œuvre de la garantie décennale en considérant que les travaux d’installation de l’insert ne pouvaient être qualifiés d’ouvrage et que l’insert faisait également échec à la notion d’équipement indissociable.

S’agissant de la notion d’élément d’équipement dissociable, la Cour d’appel de Douai considère que l’insert n’ayant pas été installé lors de l’édification de l’ouvrage, cette qualification ne pouvait pas prospérer non plus.

La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1792 du Code civil en affirmant que « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ».

Le maître d’ouvrage dispose donc désormais de trois actions possibles en cas de désordres causés par des éléments d’équipement dissociables : le jeu de la garantie décennale lorsqu’il peut prouver que l’ouvrage dans son ensemble est impropre à sa destination, la garantie de bon fonctionnement (article 1792-3 du Code civil) lorsque l’élément d’équipement dissociable est destiné à fonctionner, ou le droit commun de la responsabilité civile, dont la mise en œuvre est soumise à la démonstration d’une faute du constructeur.

 

La modulation des pénalités de retard

Il est désormais acquis qu’ « il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du Code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché. » (CE, 29 déc. 2008, n° 296930, OPHLM de Puteaux c/SARL Serbois).

Par cet arrêt en date du 19 juillet 2017, la Haute juridiction vient apporter des précisions quant aux modalités de modulation des pénalités de retard en rappelant, dans un premier temps, que les pénalités de retard doivent être prévues par le marché afin d’être appliquées et sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté, même en l’absence de préjudice subi par le maître d’ouvrage.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat précise le caractère exceptionnel de son office dans le cadre de la modulation des pénalités de retard ainsi que la nécessité d’être confronté à leur caractère « manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations », avant de préciser les conditions selon lesquelles le juge peut faire droit aux conclusions du titulaire.

La Haute juridiction juge ainsi  « qu’il lui [le titulaire] appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; qu’au vu de l’argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu’impose la correction de leur caractère manifestement excessif ; »

Ce complément à la jurisprudence établie depuis 2008 permet d’apporter des précisions sur les conditions d’appréciation de la modulation des pénalités de retard par le juge, laquelle s’oriente vers une appréciation in concreto, loin de la fixation d’un seuil en deçà ou au-delà desquels il conviendrait de modérer ou augmenter de manière automatique les pénalités de retard appliquées par le maître d’ouvrage.

Contenu de l’attestation d’assurance décennale et activité déclarée

 En application de l’article L. 241-1 du code des assurances tout constructeur lié directement au maître d’ouvrage doit obligatoirement souscrire une assurance couvrant sa responsabilité décennale laquelle peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil. Cependant la souscription d’une telle assurance ne garantit pas nécessairement au maitre d’ouvrage le versement d’une indemnité en cas d’apparition de désordres. En effet, pour que les garanties souscrites soient susceptibles d’être mobilisées encore faut-il que le constructeur ait exercé sur le chantier litigieux une activité déclarée à son assureur. Ainsi la cour de cassation, dans un arrêt en date du 14 septembre 2017, vient de donner raison à un assureur qui avait refusé sa garantie au motif que l’entrepreneur avait demandé à être assuré pour certaines activités relevant de la construction de maisons à ossature bois et que la pose de fenêtres en PVC et celle du bardage n’entraient pas dans les activités « bois » déclarées au contrat. En outre la cour de cassation précise que « l’assureur n’est pas tenu de vérifier l’exactitude des déclarations de l’assuré sur ses activités déclarées. » Ainsi ; appartient-il au maître d’ouvrage de vérifier que le titulaire a bien souscrit l’assurance décennale obligatoire mais également que celle-ci couvre bien l’activité qui sera exercée sur le chantier. A défaut, celui-ci pourra se retrouver en présence d’un désordre décennale sans pouvoir bénéficier d’une indemnité d’assurance

Les marchés publics au cœur des préoccupations de la Commission Européenne

La commission Européenne a publié, le 3 octobre 2017, deux communications en matière de marchés publics ainsi qu’une recommandation et une consultation.

Dans sa première communication, la Commission Européenne recense six domaines prioritaires d’évolution : En premier lieu, la Commission Européenne propose un recours accru aux critères de l’innovation, du respect de l’environnement et de la responsabilité sociale dans l’attribution des marchés publics. En deuxième lieu, elle appelle de ses vœux une professionnalisation des acheteurs publics. En troisième lieu, l’amélioration de la commande publique passe, selon la Commission européenne, par l’amélioration de l’accès des PME aux marchés publics à l’intérieur de l’Union et celui des entreprises de l’Union Européenne aux marchés publics des pays tiers. En quatrième lieu, la Commission Européenne préconise le renforcement de la transparence, de l’intégrité et de la qualité des données relatives aux marchés publics. En cinquième lieu, la Commission Européenne estime que la numérisation des processus de passation de marchés est indispensable à l’amélioration de l’achat public. Enfin, la Commission souhaite une coopération accrue entre les acheteurs publics dans l’ensemble de l’Union Européenne.

La seconde communication de la Commission Européenne vise à encourager les investissements par l’évaluation ex ante volontaire des aspects relatifs à la passation de marchés pour les grands projets d’infrastructure. La Commission Européenne part du constat que de nombreux projets d’infrastructures à grande échelle ne sont pas exécutés conformément aux prévisions. Elle relève que, trop souvent, les budgets ne sont pas respectés et sont dépassés et que la planification et la mise en œuvre prennent souvent bien plus de temps que prévu initialement. Or, ces problématiques sont de nature à compromettre l’investissement public. Afin de minimiser ces risques, la Commission Européenne encourage les gestionnaires de projets – et a fortiori les acheteurs publics – à faire une évaluation préalable des grands projets d’infrastructures, afin de réduire les incertitudes et les risques de retards et de contentieux juridiques. La Commission Européenne propose pour cela son aide à ces acteurs publics. En effet, la Commission Européenne va mettre en place un service d’assistance capable d’apporter, à un stade précoce d’un projet, une réponse aux questions spécifiques qui se posent concernant les projets dont la valeur est estimée à plus de deux cent cinquante (250) millions d’euros. Cette assistance sera notamment appréciée pour les projets transfrontaliers. En outre, s’agissant des projets de haute importance, ou dont la valeur dépasse les 500 millions d’euros, les Etats membres pourront demander à la Commission Européenne de vérifier la compatibilité entre la procédure de passation et la législation de l’Union européenne.

Dans le cadre de sa recommandation sur la professionnalisation de la passation des marchés publics, la Commission recommande aux états membres de définir une stratégie de professionnalisation, d’améliorer la formation et la gestion de carrière, de mettre en place des outils informatiques accessibles et des méthodes permettant tout à la fois la promotion de l’intégrité, la sécurité juridique et le partage sur les bonnes pratiques en matière de commande publique.

Enfin, la Commission a lancé une consultation portant sur la stimulation de l’innovation au moyen des marchés publics. Au vu des résultats de cette consultation, qui est ouverte jusqu’au 31 décembre, la commission indique qu’elle transmettra des orientations portant sur la manière de « définir une stratégie d’organiser le soutien à des achats publics à visée innovante ou d’utiliser des outils de passation de marchés axés sur l’innovation ». 

Publication du rapport d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la couverture numérique du territoire

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale (ci-après, la « Commission ») a rendu, le 27 septembre 2017, un rapport sur la couverture numérique du territoire.

La Commission commence par déclarer qu’au regard de l’importance croissante que revêtent l’accès à internet à haut débit et très haut débit ainsi que les nouvelles technologies dans la vie quotidienne, cent pour cent (100%) doivent avoir accès au réseau en fibre optique. Or, la Commission a constaté que les réseaux fixes et mobiles n’offrent pas le même niveau de service partout et que la fracture numérique devient une fracture d’accès aux services et se transforme en une inégalité incompréhensible et insupportable pour les citoyens.

Au regard de cette fracture, la Commission affirme que l’État doit garantir que la fibre optique sera bien accessible à cent pour cent (100%) des Français à l’horizon de 2025 ainsi que l’arrivée de la 4G pour tous en 2020.

Afin de formuler des propositions visant à répondre à ces objectifs, La Commission dresse un état de l’avancée du plan France Très Haut Débite.

S’agissant de la zone conventionnée, ou d’appel à manifestation d’intention d’investissement (ci-après « AMII »), qui regroupe les villes moyennes et les zones périurbaines, la Commission relève que la situation des déploiements privés est préoccupante. En effet, elle constate que les retards s’accumulent et que les déploiements réalisés omettent de couvrir les zones les moins rentables. Par ailleurs, la Commission constate qu’en dehors de situations de carence manifestes, les collectivités territoriales n’ont aucune prise pour réagir. Le rapport appelle donc à la prise de plusieurs mesures afin de renforcer le contrôle de l’avancée des travaux par les personnes publiques.

S’agissant des zones rurales et de montagne, où les déploiements de fibre optique relèvent de l’initiative publique, la Commission rappelle que les collectivités territoriales ont défini le modèle économique de leur réseau sur l’hypothèse fondatrice – et acceptée par tous les opérateurs d’envergure nationale en 2011 lors du lancement du programme très haut débit – que ce serait le seul déployé sur le territoire. Ce parti prit implique la prise de risques financiers et commerciaux importants pour réaliser et exploiter un réseau qui, par définition, couvre des zones peu denses et moins rentables.

Or, la Commission indique que la redéfinition brutale de la stratégie affichée ouvertement par l’opérateur SFR de « fibrer » à cent pour cent (100%) le territoire se révèle particulièrement agressive et déstabilisatrice vis-à-vis des collectivités territoriales engagées depuis plusieurs années dans des déploiements, du fait de la carence de l’initiative privée. Elle préconise que les accords initiaux des intentions de couverture entre les opérateurs et l’État soient respectés dans la mesure où une concurrence par les infrastructures se révélerait contre-productive.

Au regard de ces constats, la Commission a émis vingt recommandations pour permettre à l’Etat d’atteindre les objectifs précités.

S’agissant de la couverture du territoire par la fibre optique, la Commission préconise tout particulièrement de confirmer, dès le projet de loi de finances pour 2018, l’engagement de crédits supplémentaires de l’État pour aider les collectivités à achever les déploiements de fibre optique en 2025 (proposition n° 2) et de revoir les mécanismes de péréquation territoriale qui pourraient être mis en place pour répartir équitablement les subventions de l’État et le coût de l’achèvement du réseau en fibre optique pour tous, notamment dans les zones rurales, insulaires et de montagne (proposition n° 3).

En outre, Elle appelle de ces vœux une étude complémentaire pour identifier les leviers législatifs qui pourraient être utilisés pour sécuriser les modèles économiques des réseaux déployés par les collectivités dans la zone d’initiative publique et ainsi répondre à l’ambition affichée par SFR (proposition n° 4).

La Commission a également proposé, pour lutter contre les retards de déploiement, d’évaluer l’opportunité d’ouvrir la base nationale d’adressage du groupe La Poste, en échange d’une juste compensation de service public (proposition n° 8).

S’agissant de la zone AMII, la Commission entend faire respecter les engagements pris par les grands opérateurs et utiliser l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs de télécommunications pour imposer à ces opérateurs de prendre des engagements juridiquement contraignants sur leurs intentions d’investissement dans la zone AMII, a minima dans les territoires où le déploiement du FttH ne fait pas encore l’objet d’une contractualisation avec l’État et les collectivités territoriales (proposition n° 10 et 11).

S’agissant de la couverture mobile, la Commission souhaite notamment engager des négociations avec les opérateurs sur un paquet ambitieux d’engagements contractuels (principalement un objectif d’une couverture de 100 % de la population en 2G et en 4G d’ici fin 2020) en contrepartie d’engagements financiers et d’une simplification de plusieurs dispositions du droit de l’urbanisme afin d’accélérer le rythme de déploiement de nouveaux sites radioélectriques (proposition n° 17, 18, 19 et 20).

Sur le projet de règlement européen concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques, « règlement vie privée et communications électroniques ».

LIEN HYPERTEXTE AVEC LE PROJET DE REGLEMENT EUROPEEN

Nous avons évoqué récemment la prochaine mise en application du Règlement européen de Protection des données (RGPD) en mai 2018.

Actuellement, un autre règlement est actuellement discuté, celui qui concerne plus particulièrement la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques.

Il est destiné à remplacer la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 « vie privée et communications électroniques » et à venir compléter le RGPD pour les données de communications électroniques.

Il s’agira d’un dispositif spécifique, une lex specialis, par rapport au RGPD et toute question qui ne sera pas couverte par ce futur règlement le sera par le RGPD.

Il répond à l’un des objectifs de la stratégie pour un marché unique numérique qui est de faire en sorte que les services numériques soient plus sûrs et suscitent davantage la confiance. Il s’agit, en l’occurrence, en complément du RGPD, de fournir un niveau élevé de protection de la vie privée aux utilisateurs des services de communications électroniques et des conditions de concurrence équitables à tous les acteurs économiques.

Outre la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, la proposition vise aussi à protéger les communications et les intérêts légitimes des personnes morales. Elle répond à un souci de faire en sorte que les opérateurs économiques fournissant des services interchangeables bénéficient de conditions de concurrence équitables et les  utilisateurs finaux d’une protection identique au niveau de l’Union européenne.

La commission européenne souhaite étendre le contrôle de l’internaute en soumettant à son consentement préalable et exprès le dépôt de cookies et renforcer la confidentialité des données.

La proposition de règlement fait l’objet actuellement de nombreux débats ; des désaccords entre les membres de la commission spéciale du Parlement européen se sont manifestés, particulièrement en ce qui concerne le niveau de consentement exprès de l’utilisateur requis pour le traitement, l’analyse, la conservation des métadonnées et l’accès au contenu, certains craignant que le consentement préalable des utilisateurs soit affaibli, voire contourné.

La commission des libertés civiles du Parlement européen, qui devait se prononcer mi-octobre sur le texte, a reporté sa décision.

Quoiqu’il en soit, le règlement ePrivacy devrait entrer en vigueur l’an prochain, en mai 2018, comme le RGPD.

Précisions sur la fraude quant à la qualité du demandeur en matière de permis de construire

L’article R.421-3 du Code de l’urbanisme précise qu’une demande de permis de construire doit attester, en plus de préciser l’identité du ou des demandeurs, que le ou les pétitionnaires entrent bien dans l’une des catégories de personnes habilitées à déposer une demande de permis de construire.

Pour rappel, sont habilités à déposer une demande de permis de construire :

  • le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;
  • en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ;
  • une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Le régime déclaratif issu de la réforme du 1er octobre 2007 suppose que le pétitionnaire atteste qu’il entre effectivement dans l’une des catégories de personnes habilitées à déposer une demande de permis de construire par la seule signature du formulaire Cerfa.

Le juge administratif a considéré que le dossier de demande de permis est régulier par la simple signature du cadre prévu à cet effet (CAA Nancy, 30 juin 2011, n°10NC02051).

Cela signifie que les tiers qui contestent un permis de construire ne peuvent pas reprocher au service instructeur de ne pas avoir vérifié l’exactitude de l’attestation, à savoir si le pétitionnaire disposait bien d’un titre l’habilitant à déposer la demande (CE, 19 juin 2015, n°368667, Cne de Salbris).

Dès lors, depuis le 1er octobre 2007, le pétitionnaire n’a plus besoin de justifier d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain et les services instructeurs n’ont plus à vérifier si le pétitionnaire est « titré » pour construire.

Toutefois, cette absence de contrôle du titre n’implique pas, pour les services instructeurs, une absence de vigilance, laquelle reste nécessaire pour déceler les cas de fraude commise par le demandeur qui trompe l’administration sur sa qualité.

Relevons que la fraude se distingue de la simple erreur présente au dossier et implique, pour être qualifié comme telle, l’existence de manœuvres destinées à induire l’administration en erreur.

A titre d’exemple, la fraude quant à la qualité du demandeur est avérée en cas d’absence de titre pour construire, soit que le demandeur n’est pas propriétaire de la parcelle en raison de la caducité de la promesse de vente (CAA Versailles, 18 février 2016, n°14VE01981) ou de l’annulation d’une délibération approuvant la cession de la parcelle (CE, 25 juill. 2013, n° 359652), soit que le propriétaire du terrain s’était opposé aux travaux, objet du permis déposé par son locataire (CE, 6 décembre 2013, n° 354703)

Le Conseil d’Etat avait jugé que, si à l’occasion de l’instruction du permis, l’administration est amenée à connaître d’éléments l’informant que le pétitionnaire ne dispose aucun titre pour construire, ou d’informations faisant apparaître le caractère frauduleux de ce titre –« sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir » –  il lui revient de refuser le permis de construire (CE, 23 mars 2015, n° 348261).

Par sa décision du 9 octobre 2017, le Conseil d’Etat rappelle ce principe, mais précise également les conséquences, pour l’administration, de la connaissance d’une fraude quant à la qualité du demandeur, mais cette fois-ci, non pas pendant l’instruction, mais après la délivrance du permis de construire.

Il indique que « lorsque l’autorité saisie d’une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d’instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif ; si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l’administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l’existence d’une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai ; que la fraude est caractérisée lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l’intention de tromper l’administration sur sa qualité pour présenter la demande d’autorisation d’urbanisme ».

Ainsi, en cas de manœuvres frauduleuses destinées à tromper l’administration sur la qualité du demandeur, la sanction est le refus de permis, si l’administration a connaissance de ces manœuvres lors de l’instruction, ou le retrait, à tout moment, du permis, lorsque ces informations sont connues de l’administration après la délivrance du permis.

Le Conseil d’Etat poursuit la construction de sa jurisprudence en matière de libéralisation des autocars

Par trois décisions rendues le 4 octobre dernier, le Conseil d’Etat poursuit la « construction » de sa jurisprudence relative à la libéralisation des activités de transport public régulier interurbain de voyageurs par autocar, et, plus précisément, aux conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transports (AOT) peuvent valablement s’opposer au passage de ces autocars sur leur territoire.

Sans malheureusement apporter d’éclairages utiles sur tous les points soulevés par la Région requérante, la Haute juridiction rejette les trois requêtes, et précise tout de même le périmètre d’analyse qu’elle juge pertinent pour déterminer si le service libéralisé est de nature, ou non, à porter une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service conventionné.

En effet, elle précise que l’atteinte substantielle doit être portée non à un « simple segment de ligne de transport » mais à une « ligne dans son ensemble, voire […] plusieurs lignes », considérant que « pour l’application de ces dispositions, une ligne de transport régulier se caractérise par une autonomie de fonctionnement résultant de ses conditions d’exploitation, faisant l’objet d’un traitement comptable spécifique dans le cadre de la convention de service public ».

Dans deux affaires, elle retient que l’AOT n’apporte pas d’éléments permettant de démontrer que le périmètre d’analyse qu’elle a retenu constitue une « ligne » à part entière et non seulement une « liaison ».

Dans la troisième affaire, elle ne se livre pas à un tel examen, considérant que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) n’a commis aucune erreur d’appréciation à considérer que le service libéralisé n’était pas substituable au service conventionné et que, partant, les autres moyens ne pouvaient utilement être soutenus.

Pour le reste, la Haute juridiction considère que l’ARAFER n’a commis aucune erreur d’appréciation dans l’analyse de la substituabilité du service ni dans la détermination du défaut d’atteinte à l’équilibre économique du service conventionné.

Enfin, elle précise, s’agissant de l’analyse de l’impact cumulé de plusieurs services déclarés sur une même ligne de transport conventionnée, que l’ARAFER « ne peut prendre en considération que les services qui ont fait l’objet d’une déclaration et non ceux qui, faute de déclaration, ne peuvent être mis en œuvre, la déclaration de ces derniers pouvant donner lieu, le cas échéant, à une nouvelle décision de l’autorité organisatrice des transports soumise à un nouvel avis conforme ».

Projet de loi de Finances pour 2018, principales mesures concernant la fiscalité des entreprises.

Le projet de loi de finances a été déposé le 27 septembre 2017, en voici les mesures principales en ce qui concerne l’imposition des entreprise.

Baisse progressive du taux de l’IS

La loi de finances 2017 prévoyait déjà la réduction du taux normal de l’IS à 28 % de façon progressive entre 2018 et 2020.  

Afin de ne pas revenir sur les anticipations prévues par les entreprises pour 2018, la réduction, dès 2018, du taux à 28 % pour tous les bénéfices inférieurs à 500 000 € serait maintenue.

En revanche, les modalités de baisse du taux de droit commun entre 2019 et 2022 sont revues et étendues dans le projet de loi de finances pour 2018. Ainsi, une baisse progressive bénéficiant à toutes les entreprises sur l’ensemble de leurs bénéfices est programmée sur cette période, pour atteindre 25 % en 2022.

La contribution sociale sur l’IS de 3,3 % est également maintenue.

Suppression du taux supérieur de la taxe sur les salaires

Cette taxe est due par les entreprises employant des salariés et dont le chiffre d’affaires n’a pas été assujetti à la TVA ou qui y a été assujetti à moins de 90 % l’année précédente.

La taxe est calculée à partir d’un barème progressif en application duquel la fraction des rémunérations excédant 152.000 € est imposable à 20 %. Le gouvernement propose de supprimer cette dernière tranche le taux de 13,6 % étant alors applicable à la fraction des rémunérations excédant 15.417 €.

Baisse du taux du CICE avant suppression

Ce crédit d’impôt, qui bénéficie à l’ensemble des entreprises imposées selon un régime réel, est assis sur le montant brut des rémunérations qui n’excèdent pas 2,5 fois le SMIC.

Le projet de loi de finances prévoit de ramener le taux de ce crédit d’impôt de 7 à 6 % avant sa suppression prévue pour le 1er janvier 2019.

Il est prévu que la suppression du CICE soit compensée par un allégement des cotisations patronales, mesure devant figurer dans  le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018. Il s’agirait d’une réduction de cotisations patronales de 6 points sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC, complétée par un allègement renforcé de 3,9 points au niveau du SMIC (selon l’exposé des motifs du PLF), mesures toutes deux applicables à compter du 1er janvier 2019.

Suppression de l’extension de la taxe sur les transactions financières aux transactions « intra-day »

Cette extension de la TTF aux opérations d’acquisition d’un titre non matérialisé par une inscription en compte et précédées ou suivies de ventes du même titre au cours d’une même journée devait s’appliquer à compter du 1er janvier 2018.

Plafonnement de la CVAE en fonction du chiffre d’affaires consolidé : extension aux sociétés remplissant les conditions de détention pour former un groupe intégré

Le projet de loi de finances décide de l’extension à l’ensemble des sociétés remplissant les conditions pour appartenir à un groupe fiscal intégré des modalités de calcul, jusque-là applicable uniquement aux sociétés membres d’un groupe fiscal, du chiffre d’affaires à partir duquel le montant du dégrèvement en fonction de la valeur ajoutée prévu à l’article 1586 quater du CGI est calculé.

Cette mesure d’extension fait suite à une décision du Conseil constitutionnel en date du 19 mai 2017 (QPC n°2017-629) déclarant contraire au principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques les modalités de détermination globale du taux effectif d’imposition pour les besoins de la CVAE applicable dans le cadre d’une groupe intégré.

Suppression de la contribution additionnelle de 3 %

La contribution additionnelle de 3 % sur les revenus distribués prévue à l’article 235 ter ZCA du CGI serait supprimée pour les montants mis en paiement à compter du 1er janvier 2018.

Rappelons à cet égard que le Conseil constitutionnel vient de déclarer la contribution de 3 % sur les revenus distribués contraire à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision. (Cons. const., 6-10-2017 – 2017-660 QPC).

 

Le contrôle par le juge administratif de l’obligation de cohérence entre le règlement du PLU et le PADD

Par une décision en date du 2 octobre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’obligation de cohérence entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme.

Sur ce point, il convient de rappeler que l’article L. 151-8 du Code de l’urbanisme prévoit :

« Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 » (dispositions figurant à l’ancien article L. 123-1-5).

Le Conseil d’Etat rappelle que ces dispositions ne se bornent pas à prévoir un simple rapport de compatibilité. Il appartient, en effet, au juge d’apprécier la cohérence sans pour autant exiger la conformité du règlement au PADD.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille avait, ainsi, considéré que le classement d’un secteur en zone agricole par le règlement était incohérent avec le PADD qui prévoyait, dans ce même secteur, des zones d’extension économiques et d’équipements nécessitant une certaine urbanisation.

Le Conseil d’Etat écarte le moyen tiré de ce que la Cour aurait commis une erreur de droit en considérant que :

« 4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la délibération du 12 mars 2009 par laquelle la commune de Lattes a approuvé la révision de son plan d’occupation des sols et sa transformation en plan local d’urbanisme :  » Les plans locaux d’urbanisme (…) comportent un projet d’aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d’aménagement et d’urbanisme retenues pour l’ensemble de la commune. (…) Les plans locaux d’urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions « . Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces dispositions ne se bornent pas à prévoir un simple rapport de compatibilité entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme. Par suite, en jugeant que le classement de l’ensemble du secteur litigieux en zone agricole opéré par le règlement était incohérent avec l’orientation n° 16 de ce projet, qui prévoyait dans ce secteur des zones d’extension économique et d’équipement nécessitant, au moins partiellement, une urbanisation, sans qu’aucune autre de ses orientations justifie le parti retenu, la cour, qui n’a pas pour autant exigé la conformité du règlement au projet d’aménagement et de développement durable, n’a pas commis d’erreur de droit ni méconnu son office. Elle n’a pas plus commis d’erreur de droit en jugeant illégal pour ce motif le classement ainsi retenu sans rechercher s’il était au surplus entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ».

 

 

Tout refus de régularisation de son contrat par un agent public n’entraîne pas nécessairement son licenciement

Par un arrêt en date du 22 septembre 2017 (n° 401364), le Conseil d’Etat est venu préciser les modalités d’application du principe qu’il avait posé dans son arrêt Cavallo relatif à la régularisation des contrats de recrutement d’agents publics illégaux (CE, sect., 31 décembre 2008, Cavallo, n° 283256, publié au recueil Lebon).

Pour rappel, dans cet arrêt, le Conseil d’Etat avait fourni un guide très précis des démarches auxquelles il appartient à l’administration de procéder lorsqu’elle constate que le contrat de recrutement de l’un de ses agents est entaché d’une irrégularité.

Selon ce principe, parce qu’un tel contrat, même illégal, créé des droits au bénéfice de l’agent, il appartient à l’employeur public de proposer à l’agent une régularisation de ce contrat. Si une telle régularisation s’avère impossible en maintenant l’agent sur ses fonctions, la jurisprudence Cavallo commande à l’administration de reclasser son agent afin de permettre néanmoins la régularisation.

Enfin, cette jurisprudence prévoyait toutefois que, dans l’hypothèse où l’agent refuserait la modification, ou si la régularisation était en tout état de cause impossible, il appartiendrait alors à l’administration de licencier son agent. Le consentement de l’agent était donc déterminant dans la capacité de l’administration à régulariser le contrat.

Mais, les décrets s’appliquant aux agents contractuels prévoient une distinction importante entre la modification d’un élément substantiel du contrat, et les autres modifications. Seule la modification d’un élément substantiel, et refusée par l’agent, pouvait fonder une décision de licenciement de la part de l’administration. Par ailleurs, la substantialité des modifications d’un contrat a notamment articulé les principes posés par le Conseil d’Etat en matière de renouvellement de contrat dans un arrêt de 2015 (CE, 10 juillet 2015, Département de la Haute-Corse, n° 374157)

L’on pouvait donc s’interroger sur la portée que pouvait avoir cette distinction quant à l’application de l’arrêt Cavallo : si une régularisation d’un contrat illégal s’avérait possible en modifiant un élément non substantiel du contrat, faut-il néanmoins recueillir le consentement de l’agent, comme l’imposait l’arrêt Cavallo, ou était-il au contraire possible de procéder unilatéralement compte tenu du caractère non substantiel de cette modification ?

C’est en faveur de la seconde option que le Conseil d’Etat tranché. A condition que la régularisation soit possible par la modification d’un élément non substantiel du contrat (en l’espèce la substitution d’un visa régulier à celui, erroné, d’un texte non applicable à la situation de l’agent) l’administration peut procéder unilatéralement à une telle modification.

Le Conseil d’Etat précise que logiquement, dans une telle hypothèse, le refus opposé par l’agent à une telle modification est indifférent, et ne l’oblige donc pas à le licencier.

La nuance apportée par cette jurisprudence est donc précieuse pour les collectivités, compte tenu des lourdes exigences de forme qui pèsent sur les contrats de recrutement des agents publics depuis le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale qui s’imposent désormais aux contrats de recrutement d’agent publics.

Des différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts

Dans un arrêt en date du 4 octobre 2017 (n°16-17.517 ;16-17.518), la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de l’entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. 

Arrêt à rapprocher – Cass. soc., 3 novembre 2016 (n°15-18.444) : il a été jugé que les différences de traitement entre des salariés appartenant à des établissements distincts sont présumées justifiées lorsqu’elles sont opérées par voie d’accords d’établissement négociés et signés par les syndicats représentatifs au sein de ces établissements.

 

L’installation des crèches de Noël au sein des bâtiments publics continue de diviser

A seulement un jour d’intervalle, le Tribunal administratif de Lyon est venu juger illégale la décision d’installer une crèche de Noël au sein de l’Hôtel de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (TA Lyon, 5 octobre 2017, n°1701752), là où la Cour administrative de Nantes a jugé, au contraire, licite une telle pratique au sein de l’Hôtel du Département de la Vendée (CAA, 6 octobre 2017, n°16NT03735). C’est l’occasion de revenir sur la teneur de ce débat juridique.
Depuis plusieurs années déjà, la question de l’installation de crèches de Noël au sein de bâtiments publics suscite une vive polémique juridique et divise les acteurs du droit et parmi eux notamment les juridictions administratives.
Fermement attendues pour clore ce débat, les décisions rendues par le Conseil d’Etat le 9 novembre 2016 (n°3555122 et 395223) ont cependant été immédiatement commentées comme ouvrant de nouvelles incertitudes, à raison de la solution particulièrement complexe et ambiguë finalement retenue (voir notamment notre brève à ce sujet dans la LAJ du mois de novembre 2016).
Pour en synthétiser la teneur, la Haute juridiction est venue affirmer qu’il y avait lieu de distinguer les bâtiments publics des autres emplacements publics et d’appliquer les solutions suivantes :
– dans les bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ou résulte d’un usage local ;
– dans les autres emplacements publics, compte tenu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche de Noël est légale, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.
De nombreuses interrogations avaient alors été immédiatement soulevées quant à l’interprétation susceptible d’être effectuée des notions de « caractère culturel, artistique ou festif » et « d’usage local » augurant d’ores et déjà des applications divergentes émanant des juridictions du fond.
La survenance de ces difficultés ne se sera donc pas fait attendre !
A ce stade, il mérite cependant d’être relevé, et ce, malgré l’absence d’une jurisprudence abondante permettant de le confirmer, que le jugement du Tribunal administratif de Lyon semble s’inscrire bien davantage que celui de la Cour administrative de Nantes dans le sens des décisions du Conseil d’Etat.
Il apparait en effet manifeste que ne peut résulter d’un usage local ou présenter un caractère culturel, artistique ou festif l’installation d’une crèche de la Nativité, pour la première fois, au sein du hall de l’Hôtel de Région, en décembre 2016, alors qu’une telle pratique n’avait jamais été observée jusqu’alors, étant précisé, en outre, que le fait que cette crèche ait été réalisée par les artisans de la région ne lui conférait pas davantage un caractère artistique.
C’est dès lors, à notre sens, logiquement que le Tribunal administratif de Lyon a jugé illégale la décision du Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une telle crèche au sein des locaux de l’Hôtel de Région.
L’arrêt de la Cour administrative de Nantes nous semble en revanche, pour sa part, plus largement contestable.
La Cour se fonde en effet sur le fait que l’installation d’une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel du Département est récurrente depuis décembre 1990 et que cette crèche d’une hauteur de 2 mètres sur 3 mètres est située dans un hall de 1000 m2 ouvert à tous les publics et accueillant notamment des manifestations et célébrations laïques telles que l’Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et de celui de la DDASS.
Outre qu’on ne perçoit pas directement en quoi l’accueil, au sein du hall dans lequel est installée cette crèche, de manifestations festives, permettrait de conférer à l’installation de cette crèche de Noël également un caractère festif, il semble également contestable de considérer qu’une antériorité de vingt ans suffirait à considérer qu’une telle installation résulterait d’un usage local, alors que le Conseil d’Etat a, au contraire, jugé que ne pouvait se poursuivre l’installation d’une crèche municipale au sein de l’hôtel de ville de Melun pratiquée également depuis une vingtaine d’années selon les affirmations de son Maire (CE, 9 novembre 2016, n°395122).
Un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt a d’ores et déjà été annoncé par la Fédération de la libre pensée de Vendée.
Espérons que cette nouvelle saisine du Conseil d’Etat sur cette problématique permettra d’expliciter alors les notions d’usage local et de caractère culturel, artistique ou festif et, plus généralement, de clarifier la portée exacte de ses décisions du 9 novembre 2016, dont les premières décisions rendues sur leur fondement confirment s’il était besoin, leur caractère très ambivalent.
A suivre, encore, donc.