De l’étendue de la mission du juge en matière de lissage du déplafonnement du bail commercial

Le 4 décembre 2017, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de grande instance de Dieppe a saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis tendant à obtenir des précisions sur l’étendue de la mission du juge en matière de fixation du loyer déplafonné, à la lumière de l’interprétation qu’il convient de donner à l’alinéa 4 de l’article L. 145-34 du Code du commerce.  

En effet, aux termes de cette disposition, « en cas de modification notable des éléments mentionnés au 1 à 4 de l’article L. 145-33 du Code de commerce[1] ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

La question était donc de savoir :   

–       si ce texte limite la compétence du juge des loyers commerciaux à la fixation du montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail ; et si tel est le cas, savoir si les parties ont la latitude dans la limite de 10% de librement déterminer les modalités d’application du taux d’augmentation une année sur l’autre, ou au contraire, si aucune discussion ne leur est ouverte sur ce point, les augmentations ultérieures devant alors s’effectuer automatiquement par palier de 10 % ;

–       ou bien, si ce texte  donne compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné non seulement à la date du renouvellement du bail, mais également dans le cadre d’un échéancier pour chacune des neuf années suivant le renouvellement du bail.     

Par le présent avis, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que le lissage a lieu annuellement par une majoration non modulable de 10% du loyer de l’année précédente et que la fixation d’un échéancier des loyers durant cette période incombe non pas au juge des loyers mais aux parties.

Il précise ainsi que : 

« Le loyer déplafonné est fixé à la valeur locative en application de l’article L. 145-33 du Code de commerce.

Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce n’instaure, dans les cas qu’il détermine, qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.

Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.

L’étalement prévu par le texte s’opère annuellement par l’application d’un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l’année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux.

L’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer ».

[1] Selon l’article L. 145-33, « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : 1 Les caractéristiques du local considéré ; 2 La destination des lieux ; 3 Les obligations respectives des parties ; 4 Les facteurs locaux de commercialité ».

 

Le Conseil d’Etat a récemment eu l’occasion de confirmer la tendance au recul des actes de gouvernement et de leur immunité juridictionnelle

La notion d’acte de gouvernement, issue de la jurisprudence du Conseil d’État, désigne des actes issus le plus souvent du pouvoir exécutif et bénéficiant de l’immunité juridictionnelle totale. C’est-à-dire insusceptibles de faire l’objet de recours en annulation comme de recours de plein contentieux

Cette immunité a trouvé, dans le passé, sa raison d’être dans le caractère politique de ces actes. Dans son entreprise pour soumettre peu à peu l’administration au droit, le Conseil d’État, au cours du XIXe siècle,  a dû faire « la part du feu » (Hauriou) et renoncer à contrôler les actes pris pour des motifs politiques. Ce n’est qu’en 1875 que le Conseil d’État ne s’est plus contenté de ce critère pour éviter de juger.

Sans qu’il soit possible de dire qu’ils vont disparaître, les actes relevant de cette catégorie, n’ont cessé, depuis, de se réduire, au fur et à mesure de l’affirmation de l’Etat de droit et de l’autorité de la juridiction administrative.

***

A/ Deux arrêts récents du Conseil d’Etat (qui paraîtront dans le Lebon) viennent de confirmer cette tendance.

1.Il s’agit d’abord de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2017 (n° 411788- Président du Sénat)

Le Président du Sénat avait contesté le décret du Président République nommant le Président de la commission indépendante (art 25 de la Constitution) donnant un avis sur les projets de textes et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour les élections des députés ou des sénateurs.

Le grief fait au décret tenait à ce que le Président de la République n’aurait pas dû nommer le Président de la commission (art. 25) pressenti par le Président de la République, dans la mesure où la commission des lois du Sénat n’avait pas émis d’avis sur la personne pressentie.

Le Conseil d’Etat a rejeté la requête du Président du Sénat, en estimant que le défaut de consultation  de la commission des lois ne pouvait être reproché au Président de la République alors que la cause de ce fait se trouvait dans le refus de se réunir de la commission des lois du Sénat.

2. Ensuite,dans un arrêt rendu le 15 décembre 2017 (n° 402259 Mr Brillaud)), c’est la délibération du bureau du Conseil économique, social et environnemental, déclarant irrecevable une pétition déposée sur le fondement de l’article 69 de la Constitution demandant au CESE son avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, qui était contestée.

Le Conseil d’Etat, s’est, à la différence de la Cour administrative d’’appel, estimé compétent dans cette affaire. Réglant l’affaire au fond, ensuite, Il a jugé que le CESE pouvait être saisi pour avis par voie de pétition, durant l’examen du projet de loi, mais ne pouvait l’être que par le gouvernement.

B/ Rappelons à ce propos, qu’il n’existe pas de théorie générale de l’acte de gouvernement. Il s’agit d’une série de cas ou de catégories d’actes de gouvernement.

1- Des actes qui touchent à la raison d’Etat.

L’intérêt national –«la raison d’Etat » sert parfois, encore, à justifier ce qui est généralement considéré comme des atteintes au droit et à la légalité. Ce sont, ces actes qui ont parfois décidé un Président de la République à agir hors de toute légalité («neutralisation» d’un individu dont les activités mettent en danger la Nation; attentat contre le navire d’une association luttant contre les essais nucléaires»).

Mais on désigne, également,  par-là, aujourd’hui, surtout, la conduite des relations extérieures de la France et d’abord la Défense, qui sont les domaines où prédomine le pouvoir du Président de la République. La décision du Président de la République de reprendre des essais nucléaires (CE, Assemblée, 29 septembre 1995) ne pouvait être contestée juridiquement. Le contrôle exercé par les parlementaires, dans le domaine des relations extérieures et de la Défense est extrêmement réduit.

2- Des actes liés aux rapports constitutionnels entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Les actes de gouvernement en sont venus à désigner les actes que le pouvoir exécutif gouvernemental ou présidentiel, peut ou non décider dans le cadre des institutions. Ce n’est pas un acte tourné vers les administrés, mais plutôt vers un autre pouvoir constitutionnel.

C’est, par exemple, une décision refusant de déposer un projet de loi (CE, 29 novembre 1968, Tallagrand).

Le juge administratif préfère alors ne pas contrôler au nom de la séparation des pouvoirs, pour ne pas devenir un pouvoir exécutif ou législatif.

Le juge administratif a affirmé, pour ne pas remettre en cause la séparation des pouvoirs, ne pas pouvoir contrôler la qualité des personnes nommées comme membre au conseil constitutionnel (CE 1999 Madame Ba).

C/ Sans qu’il puisse être imaginé, pour le moment, que les actes de gouvernement disparaissent tout- à-fait, il n’en reste pas moins qu’un nombre croissant de systèmes de contrôle se sont mis en place autour de actes considérés il y a peu, encore, comme non susceptible de contrôle.

Si, dans un arrêt du 30 décembre 2003, le Conseil d’Etat avait estimé que donner l’autorisation de laisser les avions militaires américains survoler le territoire national ( Comité contre la guerre en Irak),  le contrôle du juge administratif s’exerce sur les conventions internationales et  on assiste à un recours de plus en plus large à la théorie dite « des actes détachables »

Le Conseil d’Etat rend désormais des décisions rejetant une demande d’extradition (CE, 15 octobre 1993, n° 142578, Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, Gouverneur de la Colonie royale de Hong-Kong).

Si la décision de la France de saisir une œuvre d’art à la fin de la Seconde Guerre mondiale inscrite au répertoire “Musées nationaux récupération” est un acte de gouvernement, la décision de refus de restituer l´œuvre à celui qui se prétend son légitime propriétaire est un acte administratif unilatéral susceptible de recours devant le juge administratif (CE, Assemblée, 30 juillet 2014, Kodric et Herr, requête n° 349789)

Sont susceptibles de contrôle les actes détachables des relations diplomatiques de la France : actes dont la légalité peut être appréciée indépendamment de leur origine ou de leur conséquence internationale. « Les actes qui peuvent être jugés sans que l’on rencontre un État étranger ou une organisation internationale » (Chapu).

La principale nouveauté de la campagne 2018 : mise en place du prélèvement à la source à partir de janvier 2019.

Les services fiscaux communiquent largement sur la question : une vidéo explicative de 2 minutes, dont le visionnage est obligatoire pour accéder aux services de la déclaration des revenus en ligne, est disponible sur le site internet impots.gouv.fr.

Le but de ce dispositif est de faire payer au contribuable l’impôt au moment de la perception du revenu et non l’année suivante. Il doit permettre d’adapter le montant de l’impôt immédiatement en fonction des changements de situation du contribuable au cours de l’année.

Ainsi, à partir de janvier 2019, l’impôt sera prélevé directement sur les traitements et salaires, les pensions de retraite, les allocations de chômage, les indemnités journalières de maladie et sur la fraction imposable des indemnités de licenciement.

Pour les travailleurs indépendants, agriculteurs ou titulaires de revenus fonciers, l’impôt sur le revenu sera payé par des acomptes prélevés directement par l’administration fiscale sur le compte bancaire du contribuable.

Le taux du prélèvement est en principe calculé par l’administration fiscale en fonction des revenus de l’année précédente.

Dès la souscription des déclarations de revenus de l’année 2017 en ligne, le contribuable connaitra le taux qui sera transmis par l’administration à celui qui versera les revenus (employeur, caisse de retraite, pôle emploi…) ou qui sera appliqué pour les prélèvements d’acomptes (travailleurs indépendants, titulaires de revenus fonciers …).

Ce taux peut être modulé sur le site internet de l’administration en fonction des changements dans la situation du contribuable (par ex : mariage/divorce, naissance, décès…) afin que ce changement soit pris en compte immédiatement.

Des options sont possibles pour adapter le prélèvement à la source :

  • Pour les couples mariés ou pacsés dont les membres disposent de revenus différents, ils pourront opter pour que soit appliqué un taux individualisé à chaque membre du couple en fonction de ses revenus, plutôt qu’un taux unique applicable à l’ensemble du foyer fiscal.
  • Pour les contribuables qui perçoivent des revenus soumis à acomptes, il sera possible d’opter pour un prélèvement par trimestre plutôt que mensuel.
  • Pour les contribuables salariés qui ne souhaitent pas que leur taux personnalisé soit transmis à leur employeur et ainsi lui communiquer des informations sur la perception d’autres revenus, il sera possible d’opter pour un taux anonymisé qui dépendra uniquement de la rémunération versée par l’employeur. Ce taux par défaut est déterminé par a grille suivante (en métropole) :

 

Grille de taux par défaut

Base mensuelle de prélèvement

Taux

Inférieure ou égale à 1 367 €

0 %

De 1 368 € à 1 419 €

0,5 %

De 1 420 € à 1 510 €

1,5 %

De 1 511 € à 1 613 €

2,5 %

De 1 614 € à 1 723 €

3,5 %

De 1 724 € à 1 815 €

4,5 %

De 1 816 € à 1 936 €

6 %

De 1 937 € à 2 511 €

7,5 %

De 2 512 € à 2 725 €

9 %

De 2 726 € à 2 988 €

10,5 %

De 2 989 € à 3 363 €

12 %

De 3 364 € à 3 925 €

14 %

De 3 926 € à 4 706 €

16 %

De 4 707 € à 5 888 €

18 %

De 5 889 € à 7 581 €

20 %

De 7 582 € à 10 292 €

24 %

De 10 293 € à 14 417 €

28 %

De 14 418 € à 22 042 €

33 %

De 22 043 € à 46 500 €

38 %

A partir de 46 501 €

43 %

 

L’administration fiscale indique que ces options peuvent être exercées immédiatement après avoir signé la déclaration en ligne ou jusqu’au 15 septembre 2018. Après cette date, le taux calculé par l’administration sera communiqué au collecteur de l’impôt (employeur, caisse de retraite, pôle emploi…).

Pour les années prochaines, les contribuables devront tout de même déposer une déclaration de revenus annuelle, afin de régulariser leur situation entre le montant prélevé à la source et l’impôt réellement dû.

Geoffroy Wolf – Avocat Associé – ARBOR, TOURNOUD & ASSOCIÉS

Obligations déclaratives des particuliers – La campagne des déclarations des revenus 2017 est ouverte

Depuis le 9 avril 2018 les contribuables commencent à recevoir leurs déclarations de revenus 2017.

Modalités déclaratives des revenus de l’année 2017 :

Déclaration papier :

La date limite de dépôt des déclarations des revenus de l’année 2017 sous format papier est fixée, pour la France entière, au 17 mai 2018 à minuit.

Déclaration par voie électronique :

Les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet doivent souscrire leur déclaration de revenus de 2017 par voie électronique lorsque leur revenu fiscal de référence de l’année 2016 est supérieur à 15 000 €.

Toutefois, l’administration fiscale a indiqué que les contribuables qui ne seront pas en mesure de réaliser cette télédéclaration conserveront la possibilité d’accomplir leur déclaration sur formulaire papier.

La date limite de dépôt de la déclaration électronique dépend du département dans lequel se situe le domicile du contribuable :
– départements 01 à 19 et non-résidents : 22 mai 2018 ;
– départements 20 à 49 : 29 mai 2018 ;
– départements 50 à 976 : 5 juin 2018.

Attention, un nombre important de déclarations de revenus pré-remplies seraient erronées à la suite d’un retard dans la transmission des informations aux services fiscaux (entre 500 000 et un million de déclarations seraient concernées). Les services de Bercy reconnaissent le problème et indiquent que l’erreur devrait être rectifiée sur l’espace personnel du site impots.gouv.fr pour bon nombre des contribuables concernés.

En revanche, il semble que la correction des déclarations papiers qui arrivent actuellement dans les boîtes aux lettres des contribuables n’aient pas pu être rectifiées à temps. Un courrier explicatif ultérieur doit être adressé aux contribuables concernés.

Si, comme chaque année, il est de la responsabilité de chaque contribuable de vérifier et de corriger les éléments pré-déclarés, il doit donc cette année redoubler de vigilance.

Les effets de l’extension d’une convention collective

La convention collective du personnel des Offices publics de l’habitat, signée le 6 avril 2017, doit faire prochainement l’objet d’un arrêté d’extension.

Cet arrêté va permettre, après un jour franc à compter de la publication au Journal Officiel de l’arrêté d’extension, de rendre obligatoire les dispositions de cette convention à l’ensemble des salariés et employeurs compris dans son champ d’application, soit en l’espèce, l’ensemble des Offices Publics de l’Habitat.

En effet, jusqu’alors la convention collective n’était opposable qu’aux offices adhérents à la fédération des Offices, signataire de la convention.

Une fois étendue, cette convention collective de branche primera sur les accords d’entreprise conclus antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche (sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes) dans les matières suivantes étant précisé que seules les quatre premières thématiques sont évoquées dans la CNN des personnels des OPH (C. trav., art. L. 2253-1 mod.Ord. n° 2017-1385, 22 sept. 2017, art. 1) :

les salaires minima hiérarchiques ;

les classifications ;

– l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

les garanties collectives complémentaires prévues par le Code de la sécurité sociale en matière de protection sociale ;

– certaines mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires (horaires d’équivalence, définition de période de référence pour l’aménagement du temps de travail lorsqu’elle est définie entre 1 et 3 ans, définition du travailleur de nuit et, pour les salariés à temps partiel, durée minimale du travail, majoration des heures complémentaires et avenants de compléments d’heures) ;

– plusieurs mesures relatives aux CDD et aux contrats de travail temporaire (durées, délais de carence entre contrats successifs, délai de transmission du CDD et nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de mission) ;

– les motifs de recours au contrat à durée indéterminée de chantier (taille des entreprises, activités concernées, etc.) ;

–la mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;

– la mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;

– les conditions et durées de renouvellement de la période d’essai ;

– les modalités de poursuite des contrats de travail entre deux entreprises lorsque les conditions légales du transfert ne sont pas réunies ;

– les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1251-7 du Code du travail (favoriser le recrutement de personnes sans emploi, assurer un complément de formation professionnelle au salarié) ;

– en matière de portage salarial, la rémunération minimale du salarié porté, ainsi que le montant de l’indemnité d’apport d’affaires.

De plus, l’accord de branche peut expressément décider de conserver sa primauté sur les accords d’entreprise conclus postérieurement (C. trav., art. L. 2253-2 mod.Ord. n° 2017-1385, 22 sept. 2017, art. 1) dans les domaines suivants :

  • La prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels
  • l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés;
  • l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ;
  • les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Dans ces domaines, la branche peut ainsi « verrouiller » les stipulations des accords d’entreprise qui ne peuvent alors être différentes de celles qui lui sont applicables en vertu de cette convention, sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes.

En l’espèce, la convention collective qui a été conclue avant les ordonnances du mois de septembre 2017 ne prévoit pas de clause de verrouillage.

En conséquence, un Office Public de l’Habitat peut toujours déroger sur ces derniers points par accord d’entreprise à cette convention collective.

Assurance dommage-ouvrage : obligation de l’assureur et de l’assuré – personne publique

Par un arrêt en date du 26 mars 2018, mentionné aux tables du Recueil, le Conseil d’Etat est venu préciser certaines règles relatives à l’exécution des contrats d’assurance dommages-ouvrage.

Si par principe les personnes publiques ne sont pas tenues par l’obligation posée par l’article L. 242-1 du Code des assurances de souscrire une assurance dommages-ouvrage, elles peuvent toutefois faire le choix de conclure un tel contrat et se soumettre ainsi volontairement au champ d’application de ces dispositions.

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat est venu rappeler que l’assureur ne peut exiger de son assuré,  que celui-ci exécute, avant le versement de l’indemnité, la réalisation des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale. En effet, dès lors que l’assurance dommages-ouvrage constitue un mécanisme de préfinancement par l’assureur, une telle solution contreviendrait à l’objectif d’indemnisation rapide du maître d’ouvrage.

La Haute Juridiction rappelle ici que « en subordonnant ainsi le versement de l’indemnité prévue par le contrat d’assurance dommages ouvrage à la réalisation préalable par l’assuré des travaux destinés à réparer les désordres déclarés à l’assureur, alors que les dispositions précitées de l’article L.242-1 du Code des assurances font seulement obligation à l’assuré d’affecter l’indemnité versée par son assureur à la réparation des dommages qu’il lui a déclarés, la cour a commis une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat revient également sur l’obligation d’information de l’assuré en matière de prescription des actions dérivant du contrat d’assurance.

Plus précisément, cette obligation implique que soient reproduites en totalité au sein des polices d’assurance tant les dispositions du Code des assurances (articles L. 114-1 et suivants) que celles du Code civil (article 2240 et suivants) en matière d’interruption de la prescription biennale assureur/assuré.

A défaut, l’assureur ne pourra pas opposer à son assuré la prescription biennale prévue à l’article L.114-1 du Code des assurances.

Enfin, le Conseil d’Etat, aux termes des dispositions en vigueur à la date du litige, retient que l’assureur « a méconnu son obligation de notifier le rapport préliminaire d’expertise à la commune préalablement à sa position de principe sur la prise en charge ; qu’il ne peut donc plus refuser sa garantie, notamment en contestant la nature des désordres déclarés par l’assuré ».

Toutefois, depuis une réforme intervenue en 2009, l’assureur n’est plus tenu par cette obligation, il suffit que celui-ci communique le rapport préliminaire à son assuré au plus tard à la date de notification de sa prise de position.

Indemnisation du manque à gagner du titulaire d’un marché public résilié pour motif d’intérêt général et dont les prestations ont été réattribuées par un nouveau marché

Dans la décision du 26 mars 2018, le Conseil d’Etat précise que l’évaluation du préjudice lié au manque à gagner résultant de la résiliation pour motif d’intérêt général d’un marché public (le « lucrum cessans ») peut valablement tenir compte des suites qui peuvent être données par le pouvoir adjudicateur à cette résiliation.

En février 2012, le Port autonome de la Nouvelle-Calédonie (PANC) avait attribué à un groupement momentané d’entreprises (GME), dont la société Balineau était co-traitante, un marché public de travaux portant sur la construction d’un nouveau quai du port de Nouméa.

Toutefois, le Tribunal de commerce de Nouméa constate, en septembre 2012, la résiliation partielle du marché public de travaux résultant de la défaillance de deux autres membres du GME. Tirant les conséquences de cette résiliation partielle du marché, le PANC décidait de résilier le solde des prestations restant à exécuter du marché public, et ce pour motif d’intérêt général.

Par une action en reprise des relations contractuelles devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, la société Balineau a contesté la mesure unilatérale de résiliation du PANC et, à titre subsidiaire, sollicité une indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subi à la suite de cette résiliation. Ces demandes ont été rejetées par deux jugements du Tribunal en date du 3 avril 2014 et du 19 février 2015. En appel, la société Balineau n’obtenait guère plus devant la Cour administrative d’appel de Paris aux termes d’un arrêt du 29 avril 2016.

Saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt, le Conseil d’Etat considère que : « lorsque le juge est saisi d’une demande d’indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation unilatérale d’un marché public pour motif d’intérêt général, il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un préjudice et en évaluer le montant, de tenir compte du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation, en qualité de titulaire ou de sous-traitant d’un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié ».

Et, dans de telles circonstances, il appartient au juge, selon la décision commentée, de surseoir à statuer sur l’existence et l’évaluation du préjudice né de la résiliation dans l’hypothèse où « le titulaire du marché résilié est susceptible d’être chargé, dans un délai raisonnable, de tout ou partie de ces prestations à l’occasion d’un nouveau marché ».

Afin d’apprécier au cas précis l’existence du bénéfice manqué par la société Balineau, le Conseil d’Etat a estimé que le bénéfice que la société requérante a réalisé, en tant que sous-traitante, pour des prestations identiques à celles du marché résilié dans le cadre d’un nouveau marché public attribué par le PANC, pouvait être pris en compte sans erreur de droit.

En revanche, le Conseil d’Etat estime que, d’une part, le préjudice dont se prévaut la société Balineau ne peut être jugé comme éventuel au seul motif que le PANC n’aurait pas encore « décidé de renoncer à passer un nouveau marché pour les mêmes prestations, ni que la société ne pourrait être chargée d’exécuter tout ou partie de celles-ci », à la suite de la résiliation du second marché par la Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt du 25 mars 2016. D’autre part, le Conseil d’Etat considère que l’indemnisation des frais pour la préparation du chantier ne peut être refusée à la société Balineau puisque, même si ces frais étaient prévus au bordereau des prix unitaires du second marché, ils n’ont pas été réglés par le PANC.

Estimant que la Cour administrative d’appel de Paris a commis des erreurs de droit sur ces deux points, le Conseil d’Etat a annulé son arrêt et lui a renvoyé le jugement de l’affaire au fond.

Expropriation et loi sur les Jeux Olympiques de 2024

L’article 13 de la loi du 26 mars 2018 prévoit que la procédure d’expropriation dite « d’extrême urgence » pourra être appliquée, afin de permettre de prendre possession immédiate des immeubles et terrains nécessaires à la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 figurant dans le dossier de candidature auquel se réfère le contrat de ville hôte.

Le décret, pris sur avis conforme du Conseil d’Etat, autorisant cette prise de possession devrait être publié au plus tard le 1er janvier 2022.

La procédure d’expropriation d’extrême urgence est régie par les dispositions de l’article L. 522-1 à L. 522-4 du Code de l’expropriation. En application de ces dispositions, il est possible de prendre possession après paiement provisionnel d’une somme égale à l’évaluation des Domaines ou l’offre de l’expropriant si celle-ci est supérieure.

A défaut de poursuite de la procédure d’expropriation dans le mois qui suit la prise de possession, le juge, saisi par le propriétaire, prononce le transfert de propriété si celui-ci n’a pas encore été ordonné et, en tout état de cause, fixe le prix du terrain et, éventuellement, une indemnité spéciale aux personnes intéressées qui justifient d’un préjudice causé par la rapidité de la procédure.

Sur l’obligation de fixer l’indemnité d’expropriation d’après la surface exacte du lot de copropriété

L’article 4 du Code civil dispose que : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

La Cour de cassation considère que l’arrêt qui fixe l’indemnité d’expropriation sur des surfaces de lots à faire méconnaît les dispositions de l’article 4 du Code précité.

En effet, la juridiction de l’expropriation a l’obligation de déterminer la surface exacte du lot de copropriété sur lequel porte l’indemnité d’expropriation. 

Une hypothèse supplémentaire de régularisation d’un permis de construire

Il est admis que le permis de construire modificatif puisse être utilisé aux fins de régularisation d’un projet de construction lorsque l’introduction d’un recours contre l’autorisation initiale révèle qu’un moyen est susceptible de conduire à de l’annulation de l’autorisation initiale. 

Dans ce cas, le pétitionnaire peut solliciter, auprès de l’autorité compétente, la délivrance d’un permis modificatif qui aura pour finalité de purger le permis initial de ses vices de forme ou de procédure (CE, 2 février 2004, n° 238315) ou permettre au projet de construction de respecter les règles de fond relatives à l’utilisation du sol et qui ont été méconnues (CE, 9 décembre 1994, n° 116447)

Délivré en cours d’instance, le permis modificatif efface les irrégularités du permis initial, lesquelles ne pourront plus être retenues par le juge administratif.

En l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle cette utilisation du permis modificatif aux fins de régularisation en énonçant que « lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ».

Mais ce qui est nouveau, c’est l’ajout, par le Conseil d’Etat, d’une nouvelle utilisation du permis modificatif puisqu’il admet qu’ « il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée ».

Dans cette affaire, le terrain d’assiette du projet était, à la date du permis initial, grevé d’une servitude d’emplacement réservé fixée par le PLU intercommunal. Cet emplacement réservé a finalement été supprimé, en cours d’instance, à la suite d’une révision simplifiée du PLU.

Le Conseil d’Etat considère que le permis modificatif délivré sur le fondement du PLUi modifié a régularisé le permis initial qui était entaché d’une irrégularité en ce qu’il méconnaissait la destination de l’emplacement réservé.

Ainsi, par cette décision, le Conseil d’Etat élargit les possibilités d’utilisation du permis de construire modificatif aux fins de régularisation d’un permis de construire initial ; le permis de construire modificatif pouvant donc être sollicité et obtenu en raison de la seule modification des règles d’urbanisme applicables sans qu’il soit nécessaire d’apporter une modification au projet.

Précisions sur le régime contentieux du refus de l’administration d’abroger ou de retirer un permis de construire frauduleux

L’administration peut procéder au retrait, sans condition de délai, d’un permis de construire délivré à un pétitionnaire qui a obtenu l’autorisation de construire par des manœuvres frauduleuses destinées à tromper le service instructeur sur la réalité du projet  (CE, 21 novembre 2012, n° 350684) ou sur sa qualité de demandeur (CE, 6 décembre 2013, n° 354703)

Ainsi, la reconnaissance d’une fraude commise par le pétitionnaire, reconnue par « l’intention de tromper l’administration » (CE, 9 octobre 2017, n° 398853) autorise cette dernière à retirer le permis de construire au-delà du délai de trois mois fixé par les dispositions de l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme. En effet, l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que « par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ».

Si la reconnaissance d’un permis frauduleux permet de déroger au principe selon lequel les autorisations d’urbanisme ne peuvent être retirées que dans un délai de trois mois, et à la condition seulement d’être illégales, en revanche, elle n’a pas pour conséquence de proroger le délai de recours contentieux à l’égard des tiers (CE, 17 mai 1999, n°172918).

Ces derniers ne peuvent invoquer la fraude et solliciter l’annulation de l’autorisation au-delà du délai de recours contentieux de deux mois dès lors que les formalités d’affichage sur le terrain ont été respectées. Partant, l’unique solution pour les tiers désireux de contester un permis de construire frauduleux réside dans la possibilité de solliciter la mise en œuvre du pouvoir de retrait ou d’abrogation de l’administration.

Dans l’hypothèse où l’administration refuse de faire usage de son pouvoir d’abroger ou de retirer l’acte, le Conseil d’Etat reconnait, dans sa décision du 5 février 2018, qu’« un tiers justifiant d’un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l’annulation de la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d’abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l’a saisie d’une demande à cette fin ».

Un tiers peut donc solliciter à tout moment auprès de l’administration le retrait ou l’abrogation d’une autorisation obtenue aux termes de procédés frauduleux et, en cas de refus opposé à sa demande, contester, dans le délai de deux mois, cette décision par laquelle l’administration a refusé de faire usage de ces prérogatives.

Dans un tel cas, le Conseil d’Etat précise qu’il incombe au juge administratif, de vérifier « la réalité de la fraude alléguée »  et « de contrôler que l’appréciation de l’administration sur l’opportunité de procéder ou non à l’abrogation ou au retrait n’est pas entachée d’erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l’acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait ».

Si cette solution est favorable aux  tiers, le retrait ou l’abrogation du permis ne sera pas pour autant systématique. Ces derniers devront démontrer l’existence d’une fraude, sachant qu’il reste difficile de prouver l’intention frauduleuse du pétitionnaire et que la notion de « manœuvre frauduleuse » est appréciée strictement en jurisprudence.

Le Conseil d’Etat précise également que, dans l’hypothèse où la fraude serait caractérisée, il n’en demeure pas moins que le juge administratif pourra, au moyen d’un contrôle restreint,  rejeter le recours dirigé contre une décision refusant de faire droit à cette demande de retrait ou d’abrogation, si après une mise en balance,  les différents intérêts publics ou privés en présence justifient le maintien de l’autorisation de construire.

Précisions sur la suspension de la validité d’un permis initial dans le cadre d’un recours introduit contre un refus de permis de construire modificatif

Pour rappel, un permis de construire est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification de l’autorisation ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue (article R. 427-17 du Code de l’urbanisme).

Toutefois, comme le précise l’article R.424-19 du code de l’urbanisme, ce délai de validité du permis de construire peut être suspendu dans plusieurs hypothèses, notamment lorsque l’autorisation a fait l’objet d’un recours  en annulation devant la juridiction administrative, d’une action en démolition ou d’une action en responsabilité devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. 

La suspension du délai de validité du permis de construire commence à courir à compter de la notification au pétitionnaire du recours introduit contre l’autorisation de construire et ce, jusqu’à la notification de la décision judiciaire définitive au pétitionnaire ou jusqu’à la date de lecture du jugement ou de l’arrêt de la juridiction administrative. En cas de suspension, le délai de validité recommence à courir dès le prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable, même en cas d’appel ou de cassation, et ce pour la durée restante (Rép. Min. n° 00987 : JO Sénat, 8 novembre 2012, p. 2532 ; Rép. Min., JOAN, 6 novembre 2012, p. 2532).

La Cour administrative d’appel de Marseille, par une décision du 15 mai 2014 (CAA Marseille 15 mai 2014, n° 13MA01848), ainsi que la cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 14 juin 2016, annulé par l’arrêt ici commenté (CAA Lyon 14 juin 2016, n° 14LY02741) ont considéré que le recours introduit contre un refus de permis de construire modificatif avait pour effet, en application de l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme, de suspendre le délai de validité du permis de construire initial pendant la durée du recours formé contre le recours le permis modificatif et ce jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle définitive.

Autrement dit, en l’espèce, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que le permis de construire initial, qui n’avait reçu aucun commencement d’exécution dans les trois ans à compter de sa notification au pétitionnaire, n’était pas caduc. Pour le juge, son délai de validité avait nécessairement été suspendu à compter du recours introduit contre le permis modificatif, et ce, jusqu’à la décision définitive de la juridiction administrative.

Pour le Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit « en statuant ainsi alors que les dispositions de l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme ne sont pas applicables en cas de recours du bénéficiaire d’un permis de construire contre le refus de lui délivrer un permis de construire modificatif ».

En précisant que le recours contre un refus de permis modificatif n’a pas pour effet de suspendre le délai de validité du permis de construire initial, le Conseil d’Etat s’en tient à une interprétation littérale de l’article R.424-19. Il s’inscrit plus largement dans le cadre d’une jurisprudence constante selon laquelle une demande de permis de construire modificatif et son obtention n’ont pas d’incidence sur la durée de validité du permis de construire initial (en ce sens : CAA de Bordeaux 11 décembre 2014, n° 13BX01490.

Contractualisation des dépenses publiques : toujours plus de contraintes pour les collectivités et leurs groupements en matière de maîtrise des dépenses réelles de fonctionnement

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a introduit dans son article 13 un objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs EPCI à fiscalité propre. L’article 16 de cette même loi confirme la stabilité des concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales pendant les cinq prochaines années. L’article 29 met en œuvre un dispositif de contractualisation entre l’Etat et les collectivités les plus importantes.

L’instruction interministérielle qui vient d’être publiée propose un « mode d’emploi » de la contractualisation ainsi prévue par la loi de programmation.

Nous proposons de revenir sur les principales informations données par cette instruction. 

  • Prises en compte des objectifs d’évolution limitées de dépenses réelles de fonctionnement dans le Débat d’orientation budgétaire (DOB)

C’est une nouveauté introduite par la loi de programmation et précisée par l’instruction : toutes les collectivités et leurs groupements concernés par un DOB devront présenter dans ce cadre les objectifs concernant l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement ainsi que son besoin de financement annuel.

Cette obligation dont l’entrée en vigueur est immédiate porte tant sur le budget principal que sur les budgets annexes.

Les dépenses réelles de fonctionnement devront être exprimées en valeur, en comptabilité générale de la section de fonctionnement.

L’instruction précise que cette formalité est substantielle dans la procédure d’adoption des budgets des collectivités et groupements concernés par le DOB. Le spectre de cette nouvelle formalité est donc plus large que celui qui concerne les collectivités et leurs groupements concernés par la mise en place de la contractualisation des dépenses réelles de fonctionnement.

  • Les collectivités et leurs groupements concernés par l’obligation de contractualiser leurs dépenses réelles de fonctionnement sont déterminés par la loi

La démarche de contractualisation concerne les collectivités visées au I de l’article 29 de la loi du 2 janvier 2018.

Il s’agit :
– de l’ensemble des régions, de la collectivité de Corse, de Martinique et de Guyane ;
– de l’ensemble des départements et de la métropole de Lyon ;
– des communes et des EPCI dont les dépenses réelles de fonctionnement en 2016 sont supérieures à 60 millions d’euros. Cela représente 145 communes et 62 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. La liste de l’ensemble des collectivités et groupements est annexée à l’instruction (ici).

  • Sur le contenu des contrats et les objectifs fixés

En annexe de l’instruction ministérielle encore, figure un contrat –type qui donne un aperçu des éléments qui doivent y figurer.

Les objectifs en matière d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement concernent le budget principal de la collectivité ou de l’établissement contractant. Les budgets annexes et les budgets autonomes ne sont pas concernés par ces objectifs.

L’objectif d’évolution maximale des dépenses réelles de fonctionnement est fixé à 1.2% chaque année au niveau national, appliqué à la base des dépenses réelles de fonctionnement.

  • Spécificité pour les communes de la métropole du Grand Paris

Pour ces communes, le montant des dépenses réelles de fonctionnement est minoré des contributions au fonds de compensation des charges territoriales (FCCT).

  • Calendrier

Les contrats seront conclus à l’issue d’un dialogue entre le représentant de l’Etat et les collectivités concernées, mais l’article 29 de la loi de programmation n’encadre pas la procédure de négociation. Les préfets de région sont responsables de la signature de ces contrats avec les régions, les préfets de départements sont responsables de la signature de ces contrats avec les départements, les communes et les EPCI à fiscalité propre.

En application de l’article 29 II de la loi de programmation, les contrats devront impérativement être signés au plus tard le 30 juin 2018.

  • Suivi du Contrat et sanction de la « reprise financière » en cas de non respect des objectifs fixés

L’instruction préconise d’organiser une réunion annuelle minimum pour assurer le suivi du Contrat et constater si les objectifs fixés dans le contrat sont réalisés. L’instruction recommande d’organiser ces réunions en avril, peu après la publication des comptes de gestion.

Si les objectifs ne sont pas réalisés, le Préfet pourra alors enclencher le mécanisme de « reprise financière » à la suite d’une procédure engagée avec la collectivité lui permettant de présenter ses observations.

Par exemple, si les dépenses exécutées sont supérieures au plafond figurant dans le contrat, le montant de la reprise est équivalent à 75 % de l’écart entre les dépenses exécutées et le plafond.

En revanche, pour les collectivités qui ne sont pas concernées par une contractualisation obligatoire, et à défaut d’avoir contractualisé de façon spontanée, le montant de la reprise sera équivalent à 100% de l’écart entre les dépenses exécutées et le plafond notifié par le Préfet.

  • Avantage limité

Pour les collectivités qui respectent les objectifs du Contrat, il est envisagé une majoration du taux de subvention sur les opérations financés au titre de la dotation de soutien à l’investissement local prévue à l’article L. 2334-42 du Code général des collectivités territoriales.

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ( DCRTP ) : le gouvernement fait un geste pour les intercommunalités

Dans un courrier en date du 26 mars 2018, le Ministre de l’Action et des Comptes publics informe les Préfets et les DGFIP que le mécanisme de minoration de la DCRTP prévue par l’article 40 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ne sera pas mis en œuvre en 2018.

Le Ministre rappelle que les modalités de calcul de la minoration sont définies au X et XI de l’article 41 de la loi précitée avec en particulier l’article XI –A qui prévoit la minoration de la DCRTP des EPCI à fiscalité propre.

Concrètement, cela signifie que les montants de DCRTP notifiés aux EPCI à fiscalité propre en mars par les services de la DGFIP devraient correspondre aux montants de 2017.

Il convient donc pour les intercommunalités d’être vigilantes sur ce point.

Le courrier précise ensuite que les dispositions législatives susvisées seront modifiées par la prochaine loi de finances rectificative pour 2018.

La somme totale en jeu sur ce point s’élève à 107 millions d’euros.

Le mécanisme de minoration de la dotation adoptée par la loi de finances pour 2018 avait suscité un émoi parmi les intercommunalités. Pour certaines, la mise en œuvre de cette mesure aurait conduit à une perte de plusieurs millions d’euros comme par exemple la métropole de Lille, d’Aix-Marseille Provence ou encore celle de Lyon.

Cette instruction vient donc, pour une fois, rectifier le tir en faveur des budgets des intercommunalités.

L’assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) peut être qualifié de constructeur

L’article 6 de de la loi MOP dispose que : « le maitre de l’ouvrage peut recourir à l’intervention d’un conducteur d’opération pour une assistance générale à caractère administratif, financier et technique ». Cette assistance peut prendre la forme d’une conduite d’opération ou d’une simple assistance à maitrise d’ouvrage.

Toutefois, en cas de désordres affectant l’ouvrage réalisé, sa responsabilité est souvent recherchée par le maître d’ouvrage au même titre que celles des autres constructeurs, sur le fondement de la présomption de responsabilité des constructeurs issue des articles 1792 et suivants du Code civil.

Bien évidemment, cette qualification de « constructeur » est souvent contestée par les AMO dans la mesure où elle est lourde de conséquences.

Dans un arrêt en date du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a confirmé qu’un AMO peut être qualifié de « constructeur » et sa responsabilité décennale engagée à ce titre.

Pour arriver à cette qualification juridique le conseil d’état rappelle qu’en l’espèce la mission confiée par le maître d’ouvrage excluait formellement tout mandat de représentation du maître d’ouvrage dans l’exercice de ses prérogatives, ce qui le différencie du maître d’ouvrage délégué, qu’il était l’interlocuteur direct des différents participants et qu’il se devait de « proposer les mesures à prendre pour que la coordination des travaux et des techniciens aboutisse à la réalisation des ouvrages dans les délais et les enveloppes financières prévus ». La Haute Juridiction rappelle également que « pendant toute la durée des travaux, l’assistant au maître d’ouvrage assistait le maître d’ouvrage de sa compétence technique, administrative et financière pour s’assurer de la bonne réalisation de l’opération et qu’à ce titre il avait qualité pour assister aux réunions de chantier, et devait faire toutes propositions au maître d’ouvrage en vue du règlement à l’amiable des différends éventuels ». Enfin le Conseil d’Etat note que « la mission comprenait également une mission de direction de l’exécution des travaux et d’assistance aux opérations de réception ».

L’ensemble de ces missions constituaient donc un contrat de louage d’ouvrage faisant de cet AMO un « constructeur » au sens de l’article 1792-2 du Code civil sur lequel pèse une présomption de responsabilité dont il ne peut s’exonérer qu’en démontrant l’existence d’une cause étrangère (force majeure, immixtion fautive du maître d’ouvrage). En application de l’article L 241-1 du Code des Assurances cette qualification soumet donc les AMO, titulaires d’une telle mission, à l’obligation de souscription d’une assurance décennale obligatoire.

Outre, ce point le conseil d’état rappelle une nouvelle fois que « des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ». (Conseil d’État, 9 mars 2018, N° 406205, commune de Rennes-les-Bains)

Le Conseil Constitutionnel se prononce sur certaines mesures de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

A l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer à nouveau sur le texte de « succession » à l’état d’urgence, c’est-à-dire la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, qui a créé ou modifié un certain nombre de dispositions du Code de la sécurité intérieure, dont l’une, l’article 228-2 dudit Code, avait déjà été partiellement censuré par les Sages, qui avaient également émis des réserves d’interprétation (décision QPC du 16 février 2018, M. Farouk B., n° 2017-691).

Plusieurs dispositions étaient ici critiquées.

Tout d’abord, s’agissant des périmètres de protection pouvant être institués par les préfets dans les zones exposées à un risque d’acte de terrorisme, au sein desquels l’accès et la circulation sont réglementés (et peuvent notamment être conditionnés par des palpations de sécurité, une inspection visuelle ou une fouille de bagages), le Conseil constitutionnel retient la conformité à la Constitution des dispositions contestées mais émet trois réserves d’interprétation :

  • l’assistance des agents de la force publique par des agents agréés exerçant des missions privées de sécurité doit avoir lieu sous réserve de la continuité et l’effectivité du contrôle exercé par les premiers sur ces derniers ;
  • les mesures de contrôle ne peuvent avoir lieu que sur la base de critères « excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes» (§ 33) ;
  • le renouvellement de la mesure, dont la durée de validité est d’un mois, est subordonné à la démonstration par le Préfet de la persistance du risque.

Dans ces conditions, les Sages jugent que la mesure permet une conciliation non manifestement déséquilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et la liberté d’aller et de venir ainsi que le droit au respect de la vie privée.

S’agissant de la fermeture provisoire des lieux de culte pour prévenir la commission d’actes de terrorisme, les juges ont souligné l’existence de plusieurs garanties (notamment, la mesure doit être justifiée et proportionnée aux raisons l’ayant motivée, elle a une durée limitée à six mois sans renouvellement possible) et retenu qu’il existait ainsi une conciliation non manifestement déséquilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle précité et la liberté de conscience et le libre exercice des cultes et qu’aucune autre liberté ou droit que la Constitution garantit, tels que la liberté d’expression et de communication et le droit d’expression collective des idées et des opinions, n’était méconnu.

En outre, le Conseil constitutionnel reconnaît la constitutionnalité des dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (telles que l’interdiction de fréquenter certaines personnes), au regard notamment du droit de mener une vie familiale normale et du droit au respect de la vie privée, sous plusieurs réserves :

  • il doit être tenu compte, dans la détermination des personnes dont la fréquentation est interdite, des liens familiaux de l’intéressé ;
  • la mesure ne peut excéder une durée totale cumulée, continue ou non, de douze

Il censure par ailleurs le délai de quatre mois laissé au juge administratif pour se prononcer sur une demande d’annulation d’une telle mesure, en considérant que ce délai doit être plus bref, ainsi que la possibilité de renouvellement de la mesure au-delà de six mois sans qu’un juge du fond puisse être préalablement saisi, seule la saisine du juge des référés-liberté ayant été prévue.

Enfin, s’agissant des visites et saisies à des fins de prévention du terrorisme, le Conseil censure l’absence de règle encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis au cours de la visite (alors que des règles sont bien prévues pour les données et supports) au titre de la méconnaissance du droit de propriété.

La première et la dernière déclaration d’inconstitutionnalité sont d’effet immédiat, tandis que la seconde (saisine d’un juge du fond en cas de renouvellement de mesures de contrôle et de surveillance) prend effet au 1er octobre 2018.

Communiqué de presse – 2017-695 QPC

L’ARAFER se positionne dans le débat sur l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire

L’ARAFER vient de publier quatre cahiers de contributions sur l’ouverture à la concurrence du ferroviaire.

Ils portent sur les retours d’expérience européens, la levée des obstacles pour une ouverture à la concurrence réussie, l’ouverture à la concurrence des services conventionnés (Trains express régionaux (TER), Transilien et Intercités) et, enfin, celle des services commerciaux (TGV, Ouigo, Eurostar…).

Le régulateur a également entendu lancer un « signal d’alarme », par la voix de son Président, Bernard Roman, s’inquiétant de la remise en cause éventuelle de son pouvoir d’avis conforme sur la tarification ferroviaire (validation en amont des tarifs d’accès au réseau ferroviaire proposés par le gestionnaire d’infrastructure monopolistique, SNCF Réseau). Il souligne qu’une telle remise en cause est tout simplement est « incompatible[s] avec la réussite de l’ouverture à la concurrence du marché de transport de voyageurs ».

Sur l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires conventionnés (dont la très large majorité est constituée par les TER et les Transilien, respectivement organisés par les Régions et Ile-de-France Mobilités), il rappelle le calendrier applicable et les règles « souvent méconnues » appelées en vigueur très prochainement, et qui sont pour mémoire :

  • entre le 3 décembre 2019 et le 24 décembre 2023, une faculté laissée aux autorités organisatrices entre l’attribution directe ou après mise en concurrence du contrat de service public. A cet égard, notons que la Région Rhône-Alpes a introduit une clause d’ouverture à la concurrence anticipée pour deux lignes dans sa nouvelle convention conclue avec SNCF Mobilités, tandis que les régions Pays de la Loire et Grand Est ont d’ores et déjà prévu des « coupons détachables» pour une expérimentation concurrentielle ;
  • à compter du 25 décembre 2023, un principe d’attribution après mise en concurrence, sauf à s’inscrire dans l’une des dérogations prévues par le Règlement « OSP» du 23 octobre 2007, dont l’ARAFER préconise d’ailleurs qu’elles soient clairement précisées en droit interne.

Elle fait également des propositions très concrètes sur les conditions d’une ouverture à la concurrence réussie des services conventionnés.

L’Autorité insiste sur la nécessité d’accès aux informations détenues par l’exploitant en place (autrement dit, à ce jour, SNCF Mobilités, qui bénéficie d’un monopole légal) afin, d’une part, que les AOT puissent élaborer des appels d’offres cohérents et, d’autre part, que les candidats puissent élaborer leurs offres, et, pour le lauréat, exécuter le contrat.

Une disposition législative prévoirait un principe d’accès, par l’autorité organisatrice, à toute information économique, technique et financière relative à l’exécution du service détenue par l’exploitant, sans que le secret des affaires ne puisse lui être opposé. Le niveau d’information des opérateurs candidats serait nécessairement moins élevé, compte tenu de la nécessité de protection d’un tel secret : ils doivent néanmoins bénéficier des « données utiles » à l’élaboration de leur offre, dans le souci d’une saine et égale concurrence, notamment avec l’opérateur historique.

La loi fixerait les grandes catégories de données concernées, tandis qu’un décret ou le régulateur lui-même en détaillerait la liste.

Par ailleurs, l’ARAFER rappelle le vide juridique existant en droit national s’agissant des marchés publics de services ferroviaires (ce qui n’est pas le cas des concessions de services ferroviaires, soumises au régime général mais allégé des concessions).

Elle propose quatre scénarios envisageables pour y remédier, et, notamment l’alignement sur le régime d’attribution des concessions ferroviaires ou encore la soumission à l’ordonnance « marchés publics », mais avec une possibilité d’attribution intangible selon la procédure concurrentielle avec négociation.

L’accès aux cahiers de contributions : http://www.arafer.fr/actualites/ouverture-a-la-concurrence-ferroviaire-larafer-alimente-le-debat-et-reaffirme-le-role-essentiel-de-son-avis-conforme-sur-la-tarification-ferroviaire/

La réforme du secteur des transports et de la mobilité se poursuit

Le secteur des transports, et plus largement, le domaine de la mobilité vont prochainement connaître des mutations importantes.

Tout d’abord s’agissant du secteur ferroviaire, la remise au Gouvernement du rapport « Spinetta » sur l’avenir du transport ferroviaire français n’aura échappé à personne.

Parmi les propositions phares de ce rapport, on peut retenir :

  • la suppression des « petites lignes» de desserte régionale, selon une procédure juridique assouplie. Il est préconisé que les lignes identifiées comme obsolètes après un audit socio-économique complet ne reçoivent plus aucun crédit de l’Etat. Les sommes économisées doivent être redistribuées pour la modernisation des parties du réseau ferroviaire les plus empruntées. Sur ce point, la Ministre des transports, Elisabeth Borne, a, depuis, indiqué publiquement qu’il n’était pas question de supprimer les lignes d’intérêt local ;
  • la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’Etat via un transfert unique ou « glissant». Celle-ci s’élevait à 46 milliards d’euros en 2017 et devrait atteindre 62 milliards d’euros en 2026 ;
  • l’extinction progressive du statut de « cheminot » : les nouveaux personnels recrutés ne bénéficieraient pas de ce statut, en revanche, il ne serait pas remis en cause pour ceux qui en bénéficient déjà. Le rapport ne s’intéresse pas au régime spécial de retraite, qui fera l’objet d’un traitement à l’occasion de la réforme globale de régimes spéciaux de retraite annoncés par le Président de la République ;
  • la transformation de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau en société nationale à capitaux publics ;
  • enfin, l’ouverture progressive à la concurrence du système ferroviaire, compte tenu du cadre prévu par le quatrième paquet ferroviaire européen, et qui implique la fin du monopole d’exploitation actuellement prévu au profit de SNCF Mobilités. Les délais d’ouverture à la concurrence proposés pour l’Ile-de-France ne sont d’ailleurs pas totalement compatibles avec les exigences européennes.

S’agissant des transports publics et de la mobilité, le grand projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) annoncé par le Gouvernement ne devrait vraisemblablement pas être déposé au Parlement avant le mois de juillet prochain, voire, plus vraisemblablement, à compter du mois de septembre. Le texte sera préalablement soumis à l’avis du Conseil d’Etat puis adopté en Conseil des ministres, conformément à l’article 39 de la Constitution français.

De nombreuses propositions et recommandations ont d’ores et déjà éclos des Assises de la Mobilité, et des divers groupes de travail constitués à cette occasion, lors de cette vaste concertation de trois mois.

Parmi les mesures envisagées, on peut relever :

  • le développement des péages urbains (hors du seul champ de l’expérimentation), la mise en place d’une contribution kilométrique ou d’une vignette nationale pour les poids lourds ;
  • le développement des solutions de mobilités innovantes, notamment pour permettre une meilleure desserte des zones péri-urbaines et rurales, dites zones peu denses. Un appel à manifestation d’intérêt national a d’ores et déjà été lancé (French Mobility – Territoires d’expérimentation de nouvelles mobilités durables) ;
  • le renforcement du rôle des régions en matière de mobilité, en dehors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ;
  • l’idée d’une gouvernance davantage partagée pour la mise en œuvre des politiques locales de mobilité ;
  • de nombreuses mesures pour l’ouverture, la mutualisation et le partage des données de mobilité, dans une logique de conciliation entre les objectifs d’open data et celui de la régulation (protection des données personnelles) mais également pour permettre le bon développement de la « Mobilité comme un service» (Mobility as a service, dit MAAS, qui vise à faire de la mobilité un tout intégré dont l’usager doit disposer selon une logique de paiement à l’usage) ;
  • les « arrêts à la demande» pour les bus en soirée et la nuit. Une expérimentation en ce sens vient d’être lancée sur onze lignes de bus en Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis, à partir de 22 heures.

Le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a également récemment remis son rapport à la Ministre des transports, lequel traite du volet investissement et financement de la réforme des transports.

La documentation des Assises de la mobilité : https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/syntheses 

Le rapport du COI :

https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.01_synthese_rapport_conseil_d_orientation_des_infrastructures_0.pdf

Mineurs étrangers isolés : l’office du juge du référé-liberté

Dans un contexte caractérisé par l’arrivée d’un nombre important de mineurs étrangers isolés sur le territoire français – mineurs non accompagnés selon l’actuelle terminologie administrative -, ce qui a justifié d’ailleurs l’engagement d’une réflexion sur la prise en charge de ces mineurs , le Conseil d’Etat est venu utilement préciser, par deux ordonnances n° 418451 et 418454 du 13 mars 2018, l’office du juge du référé-liberté lorsqu’il est saisi de l’exécution d’une ordonnance du juge des enfants de placement d’un mineur non accompagné auprès du service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE). 

Aux cas précis, M. X et M. Y étaient tous deux arrivés à Marseille au cours de l’année 2017 après avoir quitté seuls leur pays d’origine. Le Département des Bouches-du-Rhône, confronté à un afflux important de mineurs isolés sur son territoire, avait alors pris l’initiative d’ouvrir en urgence un centre d’accueil en novembre 2017 afin de leur assurer un hébergement. MM. X et Y, comme environ 60 autres mineurs, ont ainsi été pris en charge dans ce centre dès son ouverture, le 24 novembre 2017 et avant toute décision de placement judiciaire. Ils ont par la suite été confiés, en qualité de mineurs non accompagnés, aux services de l’aide sociale à l’enfance du Département par décision du juge des enfants.

Estimant que l’autorité départementale n’avait pas exécuté ces décisions du juge des enfants, les deux mineurs ont saisi le juge du référé-liberté du Tribunal administratif de Marseille de requêtes tendant, sur le fondement de l’article L 521-2 du Code de justice administrative, à ce qu’il soit enjoint au Département d’assurer leur hébergement et leur prise en charge sous astreinte. Par deux ordonnances du 5 février 2017, le juge des référés a fait droit à ces demandes.

Saisi en appel par le Département des Bouches-du-Rhône, le Conseil d’Etat a annulé les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille et rejeté les conclusions présentées par MM. X et Y devant celui-ci.

Aux termes de deux ordonnances très motivées, le Conseil d’Etat a pris soin de statuer précisément sur les deux conditions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA) – l’urgence et l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En premier lieu,  le Conseil d’État a, compte tenu de la circonstance que les mineurs en cause avaient été placés dans un centre d’accueil dès le 24 novembre 2017 où ils faisaient l’objet d’un suivi par une équipe éducative, estimé que l’intervention du juge dans un délai de 48h n’était pas justifiée. Ce faisant, le Conseil d’Etat fait une application concrète de son arrêt du 27 juillet 2016 Département du Nord (n° 400055) selon lequel : 
 
« l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative est subordonnée au constat que la situation litigieuse permet de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires ».
 
Il en résulte qu’une prise en charge du mineur, notamment de son hébergement, par l’autorité départementale ne permet pas de caractériser l’urgence particulière exigée par les dispositions de l’article L. 521-2 du CJA justifiant que le juge statue dans le délai contraint de 48 h.
 
En second lieu, le Conseil d’Etat a jugé que la condition d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’était pas remplie en relevant notamment que les mineurs étaient encadrés par des éducateurs, avaient passé des examens médicaux et bénéficié, à l’instar de tous les jeunes migrants primo-arrivants, des tests CASNAV (centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage).

La prise en charge d’urgence opérée par le Département, dès lors qu’elle s’accompagnait d’un suivi médical et éducatif, faisait donc obstacle à ce qu’une quelconque carence caractérisée dans son action soit constituée.

A cette occasion, le Conseil d’Etat a procédé à une application de sa jurisprudence précitée Département du Nord qui exige, pour que la condition d’atteinte grave et manifestement illégale soit remplie, qu’une carence caractérisée dans l’action menée par l’autorité départementale soit démontrée. Et il incombe au juge du référé-liberté d’apprécier, dans chaque cas, en tenant compte des moyens dont l’administration disposait ainsi que de la situation du mineur intéressé, les mesures pouvant être utilement ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA.

En l’espèce, le juge des référés a pris en compte les moyens du Département qui  faisait état de la situation particulière à laquelle il était confronté du fait de l’augmentation substantielle du nombre de mineurs non accompagnés. Il a ainsi estimé que ces

« circonstances matérielles particulières expliqu[aient] le recours au centre d’accueil temporaire».

En jugeant ainsi, le Conseil d’Etat a examiné les diligences accomplies par l’administration compte tenu des moyens dont elle disposait, conformément à sa jurisprudence.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a censuré les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Marseille lequel s’était fondé à tort sur le droit à l’hébergement d’urgence en reprenant les termes de l’arrêt Département de l’Isère (CE, 25 août 2017, n° 413549). Dans cette affaire, le juge était saisi de la situation d’un mineur qui s’était vu opposer un refus d’accès au dispositif d’hébergement et d’évaluation du Département, dispositif distinct du placement judiciaire des mineurs décidé par le juge des enfants. Dans la mesure où le mineur ne faisait l’objet d’aucune prise en charge, le juge du référé-liberté avait constaté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’hébergement d’urgence.

Les cas d’espèce se distinguent de cette hypothèse dès lors que MM. X et Y avaient fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire du juge des enfants et étaient effectivement pris en charge par les services départementaux. La question se situait donc davantage sur l’exécution de cette ordonnance de placement dans le cadre particulier de la procédure de référé-liberté.

Pour conclure, dès lors que les services départementaux de l’ASE assurent une prise en charge du mineur, malgré son caractère temporaire dans l’attente d’une réorientation vers une maison d’enfants, le juge du référé-libertés fondamentales n’a pas vocation à intervenir faute d’urgence à 48 heures et de carence caractérisée, seule constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Denis GARREAU – Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et Margaux NGUYEN CHANH – Stagiaire . 

 

Application zélée de la jurisprudence Dahan à une faute grave

L’arrêt du Conseil d’Etat du 13 novembre 2013 Dahan (n° 347704) a renforcé l’intensité du contrôle par le Juge administratif des sanctions disciplinaires des agents, en réduisant d’autant le pouvoir d’appréciation de l’employeur.

Ce contrôle désormais dit « normal » amène le Juge à prendre en considération non seulement les faits reprochés et leur gravité mais aussi la situation de l’agent dans son ensemble (passif disciplinaire, évaluation de la manière de servir, grade etc.), la conscience qu’il peut avoir ou non des griefs qui lui sont faits, les effets de la situation sur l’employeur, comme par exemple l’ébruitement d’une affaire et ses incidences sur l’image de la collectivité.

C’est ainsi que la gravité d’une faute pour notablement être diminuée à l’aune de certains éléments et que, en la matière, le Juge administratif est parfois particulièrement zélé (Voir par exemple : CAA de Versailles, 13 mars 2014, Monsieur D. c/ Commune de Velizy-Villacoublay, req. n° 12VE03012).

Tel est le cas de la Cour administrative d’appel de Nancy qui vient de juger que la révocation par la Région Grand Est d’un adjoint technique territorial exerçant des fonctions de cuisinier dans un lycée, laquelle était fondée sur des échanges de messages à caractère sexuel avec un élève de l’établissement en classe de seconde (auquel il avait notamment proposé des relations sexuelles), était disproportionnée.

Notamment, la Cour a relevé que l’élève, âgé de plus de quinze ans, avait consenti à ces conversations puis que, lorsqu’il a souhaité y mettre un terme, l’agent ne s’y est pas opposé. La Cour a également pris en considération les excuses de l’agent et une expertise psychologique de l’intéressé selon laquelle il ne présenterait pas de danger particulier pour les enfants et adolescents. Ont également été prises en considération des attestations produites par le requérant démontrant qu’il s’investissait depuis de nombreuses années dans l’encadrement des enfants et des adolescents avec une « bonne moralité » et un « dévouement » unanimement soulignés, sans par ailleurs qu’il ne soit démontré d’atteinte à la réputation de l’établissement scolaire.

La faute reprochée « pour grave qu’elle soit » ayant enfin revêtu un caractère isolé, la Cour a annulé l’avis du Conseil de discipline de recours confirmant celle-ci.

Il s’agit là d’un deuxième point notable dans la mesure où, en principe, le recours d’un agent contre l’avis d’un conseil de discipline de recours est jugé irrecevable, en tant que l’avis, qui s’impose à la seule autorité territoriale, ne fait pas grief à l’agent (CE, 4 février 1994, Monsieur L. c/ Département de la Vendée, req n° 101003 ; CAA de Versailles, 16 juin 2016, Monsieur B. c/ Commune du Perray-en-Yvelines, req. n° 14VE03082), contrairement à la décision de sanction qui, dans cette affaire, n’a pas été contestée. Moyen susceptible d’être relevé d’office, celui-ci n’a donc visiblement pas retenu l’attention des premiers juges ni celle de la Cour.