le 19/10/2017

Précisions sur la fraude quant à la qualité du demandeur en matière de permis de construire

CE, 9 octobre 2017, n°398853

L’article R.421-3 du Code de l’urbanisme précise qu’une demande de permis de construire doit attester, en plus de préciser l’identité du ou des demandeurs, que le ou les pétitionnaires entrent bien dans l’une des catégories de personnes habilitées à déposer une demande de permis de construire.

Pour rappel, sont habilités à déposer une demande de permis de construire :

  • le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;
  • en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ;
  • une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Le régime déclaratif issu de la réforme du 1er octobre 2007 suppose que le pétitionnaire atteste qu’il entre effectivement dans l’une des catégories de personnes habilitées à déposer une demande de permis de construire par la seule signature du formulaire Cerfa.

Le juge administratif a considéré que le dossier de demande de permis est régulier par la simple signature du cadre prévu à cet effet (CAA Nancy, 30 juin 2011, n°10NC02051).

Cela signifie que les tiers qui contestent un permis de construire ne peuvent pas reprocher au service instructeur de ne pas avoir vérifié l’exactitude de l’attestation, à savoir si le pétitionnaire disposait bien d’un titre l’habilitant à déposer la demande (CE, 19 juin 2015, n°368667, Cne de Salbris).

Dès lors, depuis le 1er octobre 2007, le pétitionnaire n’a plus besoin de justifier d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain et les services instructeurs n’ont plus à vérifier si le pétitionnaire est « titré » pour construire.

Toutefois, cette absence de contrôle du titre n’implique pas, pour les services instructeurs, une absence de vigilance, laquelle reste nécessaire pour déceler les cas de fraude commise par le demandeur qui trompe l’administration sur sa qualité.

Relevons que la fraude se distingue de la simple erreur présente au dossier et implique, pour être qualifié comme telle, l’existence de manœuvres destinées à induire l’administration en erreur.

A titre d’exemple, la fraude quant à la qualité du demandeur est avérée en cas d’absence de titre pour construire, soit que le demandeur n’est pas propriétaire de la parcelle en raison de la caducité de la promesse de vente (CAA Versailles, 18 février 2016, n°14VE01981) ou de l’annulation d’une délibération approuvant la cession de la parcelle (CE, 25 juill. 2013, n° 359652), soit que le propriétaire du terrain s’était opposé aux travaux, objet du permis déposé par son locataire (CE, 6 décembre 2013, n° 354703)

Le Conseil d’Etat avait jugé que, si à l’occasion de l’instruction du permis, l’administration est amenée à connaître d’éléments l’informant que le pétitionnaire ne dispose aucun titre pour construire, ou d’informations faisant apparaître le caractère frauduleux de ce titre –« sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir » –  il lui revient de refuser le permis de construire (CE, 23 mars 2015, n° 348261).

Par sa décision du 9 octobre 2017, le Conseil d’Etat rappelle ce principe, mais précise également les conséquences, pour l’administration, de la connaissance d’une fraude quant à la qualité du demandeur, mais cette fois-ci, non pas pendant l’instruction, mais après la délivrance du permis de construire.

Il indique que « lorsque l’autorité saisie d’une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d’instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif ; si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l’administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l’existence d’une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai ; que la fraude est caractérisée lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l’intention de tromper l’administration sur sa qualité pour présenter la demande d’autorisation d’urbanisme ».

Ainsi, en cas de manœuvres frauduleuses destinées à tromper l’administration sur la qualité du demandeur, la sanction est le refus de permis, si l’administration a connaissance de ces manœuvres lors de l’instruction, ou le retrait, à tout moment, du permis, lorsque ces informations sont connues de l’administration après la délivrance du permis.