le 09/11/2017

Reconnaissance de la puissance fondée en titre d’une microcentrale hydroélectrique

CAA Nantes, 29 septembre 2017, Société des Moulins d’Orval, n°16NT00251

L’arrêt commenté est l’occasion pour la Cour administrative d’appel de Nantes (ci-après, la « Cour ») de se prononcer sur l’existence d’un droit fondé en titre, les conditions de son extinction, ainsi que sa consistance et pour nous de rappeler ce droit ancien. 

Pour rappel, les droits fondés en titre portent sur les cours d’eaux non domaniaux. Il s’agit plus précisément des droits d’eau attachés à des moulins qui ont été délivrés sous le régime féodal par la Couronne, soit avant la Révolution française et que la nuit du 4 août 1789 n’a pas abolis. Ces droits d’usage de l’eau particuliers sont exonérés des procédures d’autorisation ou de renouvellement prévus par le Code de l’énergie.  

Au regard de cette exonération, la société des Moulins d’Orval, qui exploite une microcentrale hydroélectrique dénommée Moulin d’Hyenville, établie sur la rivière la Sienne sur le territoire de la commune d’Hyenville, a demandé au préfet de la Manche de reconnaître la puissance fondée en titre de 75 kW de cet ouvrage. Le préfet a rejeté sa demande au motif que les documents communiqués ne permettaient pas d’établir l’existence de ce moulin avant 1789 et que la puissance revendiquée de 75 kW résultait, en outre, d’une modification de l’installation. La société des Moulins d’Orval a porté l’affaire devant le Tribunal administratif de Caen qui a également rejeté son recours et la société Moulins d’Orval a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Caen devant la Cour.

En premier lieu, la Cour se prononce sur l’existence d’un droit fondé en titre concernant le moulin en cause. La Cour commence par rappeler que « sont notamment regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux ». La Cour affirme « qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date » et constate que des actes établis antérieurement à la nuit du 4 août 1789 étaient produits par la société requérante pour conclure à l’existence d’un droit fondé en titre en l’espèce.  

En second lieu, la Cour a répondu aux arguments du préfet selon lesquels ce droit fondé en titre serait éteint faute d’avoir été utilisé et en raison des travaux de modifications et d’aménagement apporté au moulin concerné. Là encore, la Cour rappelle l’état du droit en la matière en affirmant que « la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété ; qu’il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau ». Elle répond ensuite aux arguments du préfet en jugeant que « ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ». Enfin, elle constate qu’en l’espèce, les travaux entrepris n’avaient pas eu pour effet de changer l’affectation du moulin et que le droit fondé en titre n’était donc pas éteint.

En troisième lieu, la Cour a procédé à la détermination de la puissance du droit fondé en titre du moulin objet du recours. La Cour juge, dans un considérant de principe, « qu’un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l’origine ; qu’à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de l’usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ». Au regard de ce principe, la Cour s’est référée, « pour fixer la consistance légale, au document le plus ancien permettant d’apprécier la consistance légale de l’ouvrage hydraulique à son origine » et a jugé que celle-ci était en l’espèce, au regard dudit document, de 67kW.

Au regard de ce qui précède, la Cour a finalement jugé que la société des Moulins d’Orval était fondée à demander l’annulation de la décision du préfet de la Manche et du jugement du tribunal administratif de Caen du 25 novembre 2015 rejetant sa demande et à ce qu’il soit déclaré que le moulin exploité bénéficie d’un droit fondé en titre pour l’usage des eaux de la Sienne, pour une consistance légale fixée à hauteur de la puissance maximale de 67 Kw.