Décision de la Commision européenne à la suite d’une notification présentée par l’ARCEP

Par courrier envoyé le 24 novembre 2017 et publié en décembre, la Commission européenne a notifié à l’ARCEP ses observations sur les dernières analyses de marchés de gros d’accès local en position déterminée, d’accès central en position déterminée pour produits de grande consommation et d’accès de haute qualité en position déterminée.

Réagissant à la proposition de l’ARCEP de désigner Orange comme opérateur PSM sur un certain nombre de marchés et aux mesures proposées par l’ARCEP pour garantir une concurrence effective, la Commission invite l’ARCEP à la prudence quant aux effets réel des engagements volontaires pris par Orange sur la régulation de l’accès à la fibre puisque, selon elle, seule une véritable obligation d’équivalence des intrants (EoI) permettrait d’assurer une protection efficace contre la discrimination des demandeurs d’accès. Par ailleurs, la Commission « réitère son observation (…) invitant l’autorité à reconsidérer l’imposition d’une obligation de fournir des produits d’accès sur fibre de type bitstream, au moins dans les zones où d’autres produits d’accès ne sont pas économiquement viables ».

Commission européenne, 24 novembre 2017, Observations conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21/CE, Affaire FR/2017/2030: fourniture en gros d’accès local en position déterminée, Affaire FR/2017/2031: fourniture en gros d’accès central en position déterminée pour produits de grande consommation, Affaire FR/2017/2032: fourniture en gros d’accès de haute qualité en position déterminée 

Loi SAPIN II : Les lanceurs d’alerte

Numérisation et accessibilité des données, diversification des sources d’information, avènement des réseaux sociaux et exigences de probité ont conduit à la multiplication des lanceurs d’alerte, internautes divulguant massivement sur le réseau des informations sensibles et confidentielles dans une démarche présentée comme citoyenne.

Par petites touches successives contenues dans différents textes , le Législateur avait déjà par le passé tenté d’encadrer l’action de ces lanceurs d’alerte, dans le sens notamment de leur protection pourvu que leur démarche soit légitime.

La Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – dite Loi Sapin II – et la Loi n°2016-1690 du même jour relative à la compétence du défenseur des droits, vont plus loin en créant un statut général et protecteur des lanceurs d’alerte, qu’elle définit en son article 6.

Elles font surtout obligation à tout employeur du secteur public, privé, ou de l’économie sociale et solidaire, dès lors qu’il compte 50 salariés au moins, de mettre en place des dispositifs d’alerte interne destinés à permettre de recueillir ces alertes.

C’est donc un immense chantier qui s’ouvre pour tous les employeurs, avec un horizon très proche puisque fixé au 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur de la Loi.

  1. L’auteur et l’objet de l’alerte

Désormais, la qualité de lanceur d’alerte doit être reconnue aux personnes physiques révélant, de bonne foi et de manière désintéressée, certains faits dont elles ont personnellement acquis connaissance dans le cadre de leurs missions.

Cette alerte peut porter sur la commission d’un crime, d’un délit, la violation grave et manifeste d’engagements internationaux ou encore la menace de préjudices graves pour l’intérêt général.

Bien sûr, ce droit d’alerte n’est pas sans poser difficulté au regard de certaines obligations au secret, que le Législateur a été conduit à aménager dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité.

Une nouvelle cause d’’irresponsabilité pénale est ainsi introduite à l’article 122-9 du Code pénal, aux termes de laquelle « n’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte ».

En revanche, certains secrets demeurent inviolables et les auteurs de leur divulgation sanctionnés, quand bien même disposeraient-ils de la qualité de lanceur d’alerte : il s’agit de la défense nationale, du secret médical et du secret avocat/client.

  1. La procédure l’alerte

Pour bénéficier du régime de protection prévu par la loi, le lanceur d’alerte doit suivre une procédure d’alerte graduée priorisant dans un premier temps la chaîne hiérarchique de l’entité concernée, puis les autorités et, en dernier ressort, le public. Il ne peut en être autrement qu’en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le lanceur d’alerte peut porter directement le signalement à la connaissance des autorités ou le rendre public.

L’efficacité de ce processus est pénalement garantie, toute personne faisant obstacle à la transmission de l’alerte encourant une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende.

Cette efficacité repose également sur l’obligation faite à tout employeur, Administration de l’Etat, Communes de plus de 10.000 habitants, Départements, Régions, Etablissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, acteurs de l’économie sociale et solidaire, et plus généralement toute personne morale de droit public ou privé employant au moins 50 salariés, de mettre en place des dispositifs d’alerte interne destinés à permettre de recueillir ces alertes.

Il n’existe pas de dispositif type et chaque organisme est libre de déterminer l’instrument juridique adaptée au de recueil des signalements. La procédure peut notamment reposer sur un référent interne comme sur un prestataire externe.

Pour autant, le décret d’application n° 2017-564 du 19 avril 2017 – en vigueur au 1er janvier 2018 – précise que le référent doit disposer de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de ses missions. La procédure doit par ailleurs être portée à la connaissance des personnels, préciser les conditions de formalisation, de diffusion et de traitement de l’alerte.

En tout état de cause, cette procédure devra garantir la confidentialité du signalement quant à l’identité de son auteur, des personnes visées et des informations recueillies, à peine de lourdes sanctions pénales – jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.

  1. La protection du lanceur d’alerte

Dès lors qu’il en réunit les conditions et qu’il a respecté la procédure en vigueur, le lanceur d’alerte dispose d’un dispositif de protection passant d’abord par la confidentialité de son identité, à peine de sanctions pénales.

Le lanceur d’alerte est par ailleurs protégé contre les mises à l’écart, sanctions, le reclassement ou mutation, discriminations ou licenciements, sauf à ce que l’employeur démontre que cette mesure se justifie par des éléments autres que l’alerte.

Le lanceur d’alerte jouit enfin d’une irresponsabilité pénale s’agissant des infractions sanctionnant la révélation d’un secret légalement protégé, sous réserve d’un contrôle de proportionnalité : pour ne pas tomber sous le coup de la Loi pénale, l’alerte transmise en violation d’un secret légalement consacré doit apparaître « nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ».

Matthieu Hénon –  Avocat Associé

Le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance du 27 novembre 2017 dispense d’établissement d’un rapport de gestion pour les petites entreprises

Le rapport de gestion, élément de l’information des associés, est en principe établi chaque année par les dirigeants des sociétés commerciales et présenté lors de l’assemblée annuelle des associés qui approuvent les comptes sociaux. Son contenu est énuméré dans le code de commerce, notamment à l’article L. 232-1 (socle commun applicable à toutes les sociétés commerciales) et aux articles L.225-100-1 et suivants. Ces dernières dispositions s’appliquent aux sociétés anonymes (SA), aux sociétés en commandite par actions (SCA), ainsi que pour une partie d’entre elles, aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) et à certaines sociétés en nom collectif (SNC) : il s’agit notamment d’informations de nature financière et non financière sur la situation de la société et l’activité de celle-ci pendant l’exercice écoulé, d’informations relatives aux questions d’environnement et de personnel, d’une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée, d’indications sur les évènements importants survenus depuis la clôture de l’exercice et les activités en matière de recherche et développement.

Les petites entreprises concernées sont celles qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants (cf. directive comptable 2013/34/UE) :

– un total de bilan de 4 M€ (avec possibilité pour les États membres de fixer un seuil supérieur dans la limite de 6 M€);

– un chiffre d’affaires HT total de 8 M€ (avec possibilité pour les États membres de fixer un seuil supérieur dans la limite de 12 M€);

– un nombre moyen de 50 salariés.

Mais seules seront dispensées de d’établir ce rapport annuel de gestion ; les SARL et les sociétés par actions simplifiées (SAS)  dont le capital est détenu par un associé unique qui assume personnellement la gérance ou la présidence.

Déjà la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « transparence ») a habilité le Gouvernement à alléger le contenu du rapport de gestion exigé des petites entreprises.

Sur ce fondement, le contenu du rapport de gestion a été allégé pour les petites entreprises par ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d’information à la charge des sociétés.

Cette disposition bénéficiera à environ 1,3 million de petites entreprises et leur permettra d’amélioré leur compétivité car pour l’ensemble des entreprises concernées, l’économie apportée par cette mesure peut être estimée à plus de 270 M€.

Cette disposition envisagée sera d’effet immédiat et impliquera de prendre un décret en Conseil d’État

 

Précisions sur l’action récursoire d’une collectivité à l’encontre du précédent employeur en cas de rechute d’accident de service

Par un arrêt Syndicat mixte pour l’étude et le traitement des ordures ménagères de l’Eure du 24 novembre 2017 (n° 397227), le Conseil d’Etat a rappelé les principes applicables à la répartition des charges afférentes à la rechute consécutive à un accident de service, lorsque cette rechute intervient alors que l’agent est employé par une collectivité distincte de celle qui l’employait au moment de l’accident de service.

Il a en outre précisé l’objet et les modalités de l’action récursoire que la collectivité employant l’agent au moment de la rechute peut former à l’encontre du précédent employeur de l’agent.

Dans un considérant particulièrement pédagogique, la Haute juridiction a tout d’abord rappelé les principes déjà établis par son arrêt Commune de Roissy en Brie (CE, 28 novembre 2011, n° 336635).

Cet arrêt avait en effet indiqué que la charge des conséquences financières de la rechute consécutive à un accident de service incombait à la collectivité qui employait l’agent au moment de cet accident, alors même qu’il n’est plus, au moment de ladite rechute, employé par cette collectivité.

Cette charge comprend non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par l’agent dans le cadre de cette rechute, mais également les traitements versés par la collectivité à raison de son placement en congé de longue maladie, à condition que ce congé soit uniquement imputable à la rechute.

Le Conseil d’Etat avait néanmoins jugé que la collectivité qui emploie l’agent au moment de la rechute reste, malgré ce principe, tenue de verser à l’agent les traitements qui lui sont dus.

Afin de concilier ces deux principes, le Conseil d’Etat avait précisé que la collectivité employant l’agent au moment de la rechute était fondée à former une action récursoire à l’encontre de la collectivité qui employait l’agent à la date de l’accident afin d’obtenir le remboursement des traitements qu’elle lui a versé consécutivement à sa rechute, et jusqu’à la reprise du service par l’agent ou jusqu’à sa mise à la retraite.

Dans son arrêt du 24 novembre 2017, le Conseil d’Etat a néanmoins précisé que l’action récursoire ainsi formée ne peut être exercée que pour la période qui est raisonnablement nécessaire pour le nouvel employeur pour permettre la reprise par l’agent de son service ou, si cette reprise n’est pas possible, son reclassement dans un emploi d’un autre corps ou cadre d’emplois ou encore, si l’agent ne demande par son reclassement ou s’il n’est pas possible, pour que la collectivité qui l’emploie prononce sa mise d’office à la retraite par anticipation.

Par cette précision le Conseil d’Etat limite donc le montant qui peut être réclamé dans le cadre de l’action récursoire aux seules sommes que la collectivité qui emploie l’agent au moment de la rechute a pu engager dans le cadre d’une bonne gestion de la carrière de l’agent.

Autrement dit, la nouvelle collectivité ne pourra obtenir réparation de l’ensemble de ses charges, si elle a, par manque de diligence, maintenu au-delà du nécessaire l’agent en congé de maladie, sans rechercher de possibilité de reclassement ou de mise à la retraite par anticipation. 

Le Conseil d’Etat évite ainsi à une collectivité de subir la mauvaise gestion des deniers publics que le nouvel employeur a pu opérer à l’égard de son agent.

La demande de suspension du gel des contrats aidés rejetée par le Conseil d’Etat

Par une circulaire du 6 septembre 2017, la Ministre du travail devait faire le constat de ce que les crédits d’aide à l’insertion professionnelle afférents aux deux-tiers des 280.000 emplois aidés prévus dans la loi de finances pour 2017 avaient été consommés au cours du premier semestre de l’année 2017. Les préfets étaient ainsi informés de ce que, en dépit d’un effort budgétaire supplémentaire correspondant à 30.000 à 40.000 emplois de plus, l’insuffisance d’emplois financés pour le second semestre de 2017 imposait de cibler le dispositif vers les bénéficiaires les plus éloignés de l’emploi et là où ils sont indispensables à la cohésion sociale et territoriale de notre pays.

Cette circulaire a fait l’objet d’une requête en référé-suspension introduite devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Par une ordonnance Pouvoir Citoyen du 5 octobre 2017, le Juge des référés a cependant rejeté cette demande.

Tout d’abord, il a rappelé qu’il appartenait au gouvernement, et plus particulièrement au Ministre du travail, de fixer les orientations et les priorités concernant l’attribution de l’aide à l’insertion professionnelle.

Les compétences et le principe de libre administration des collectivités territoriales n’ont donc pas été méconnus par la circulaire en cause.

Le Conseil d’Etat a ensuite rejeté le grief tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime (CE, 24 mars 2006, KPMG et autres, req. n° 288460), en considérant que « la reconduction, en pratique, du dispositif d’une année à l’autre ne saurait lui avoir conféré une pérennité dont découleraient des droits, pour les employeurs, au maintien de la prescription, d’une année à l’autre, d’un effectif équivalent d’emplois aidés, assimilables à un droit de créance ».

Le moyen tiré de l’atteinte à la continuité du service public a également été écarté en ce que cette continuité doit être assurée par des emplois pourvus selon les règles de droit commun.

Enfin, le Conseil d’Etat a retenu que les requérants ne démontraient pas dans quelle mesure la circulaire méconnaitrait le principe du droit à l’emploi prévu au cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère celle de 1958.

En l’absence de doute sérieux sur la légalité de l’acte, le Conseil d’Etat a donc rejeté la demande de suspension de cette circulaire portant gel des contrats aidés.

Il convient de noter que, depuis, l’assemblée nationale a voté une réduction considérable du nombre de contrats aidés pour l’année 2018.

Entretien professionnel : Le compte-rendu est illégal s’il n’est pas signé par le supérieur hiérarchique direct

Le formalisme qui existait pour la notation se poursuit s’agissant de l’entretien professionnel des fonctionnaires, progressivement introduit dans la fonction publique territoriale et pérennisé depuis le 1er janvier 2015.

La signature du supérieur hiérarchique direct de l’agent sur le compte-rendu d’entretien est ainsi obligatoire, comme vient de le rappeler la Cour administrative d’appel de Paris.

En l’espèce, l’agent, greffier en chef du Tribunal de première instance de Nouméa, demandait l’annulation de son compte-rendu d’entretien, au motif qu’il avait été signé certes par l’un de ses supérieurs hiérarchiques, mais pas par son supérieur hiérarchique direct.

La Cour rappelle qu’aux termes des dispositions applicables aux agents du ministère de la justice (arrêté du 25 janvier 2011 relatif à l’entretien professionnel et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des greffiers en chef et des greffiers des services judiciaires du ministère de la justice et des libertés), « Le compte-rendu de l’entretien professionnel, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, est communiqué à l’agent en double original. »

 Les juges d’appel ont donc constaté, compte-tenu de l’absence de signature par le supérieur hiérarchique direct de l’agent, l’illégalité du compte-rendu d’entretien professionnel, pour en prononcer l’annulation.

La Cour précise également qu’il s’agit là d’un vice de forme qui ne saurait être écarté par l’application de la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, req. n° 335033) : c’est seulement lorsqu’un vice de procédure entache une décision que le juge administratif vérifie s’il a été susceptible ou non d’influencer le sens de la décision rendue.

Cette jurisprudence permet d’attirer l’attention sur la nécessité de respecter en tout point le formalisme des entretiens professionnels, et notamment de s’assurer que le compte-rendu d’entretien soit bien établi et signé par le supérieur hiérarchique direct de l’agent et non par un quelconque supérieur hiérarchique placé au-dessus de ce dernier.

Notons qu’une formulation similaire est prévue par l’article 5 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux (« Le compte rendu de l’entretien, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard des critères fixés à l’article 4 »).

Compétence pour exercer, au nom de la Commune, un droit de réponse dans la presse imprimée périodique

Le droit de réponse prévu par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, applicable à la seule presse imprimée périodique, peut bien sûr être exercé par une Commune, ès qualités de personne morale de droit public ; la question est néanmoins de savoir qui est compétent, au sein de la Collectivité, pour l’exercice de ce droit.

Il était déjà jugé par la Cour de cassation  Cass., Crim., 24 septembre 1996, n° 95-84.632  que « L’exercice du droit de réponse prévu par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, qui n’est pas une action en justice, entre dans la catégorie des actes susceptibles d’être accomplis par le maire ou son adjoint, en application des articles (…) L. 2122-18 [délégation de fonctions à un adjoint], L. 2122-21 [attributions sous le contrôle du Conseil municipal – par opposition aux pouvoirs reçus sur délégation du Conseil municipal] (…) ».

Cette jurisprudence donnait plusieurs indications quant à l’organe compétent pour exercer, pour le compte de la Commune, le droit de réponse de l’article 13 :

  • En premier lieu, le Maire, à raison de sa qualité de représentant de la Commune, étant ajouté que la Cour de cassation précisait que l’exercice de ce droit ne pouvait être considéré comme une « action en justice » (sous-entendu que l’exercice de ce droit échappait ainsi à la sphère des pouvoirs délégués par le Conseil municipal au Maire dont le pouvoir d’ester en justice pour la Ville) ;
  • En second lieu, un Adjoint, à la double condition qu’il ait valablement reçu la compétence par délégation (le juge du fond devant « rechercher les modalités de la délégation de compétence consentie ») et que la Commune fût mise en cause dans l’article à raison d’actes ressortissant aux fonctions d’administration déléguées à cet adjoint par le Maire :

« Mais attendu qu’en se bornant à ces seules énonciations, (…) et en omettant de surcroît de rechercher les modalités de la délégation de compétence consentie à Z…, et si la commune était mise en cause à raison d’actes ressortissant aux fonctions d’administration déléguées à l’adjoint par le maire, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle ».

L’arrêt du 6 décembre 2017, rendu d’ailleurs par une chambre civile de la Cour de cassation, s’inscrit dans la lignée de la décision de 1996, s’agissant à tout le moins des obligations incombant au juge du fond de rechercher la compétence d’un adjoint ayant exercé le droit de réponse pour la Commune :

« Vu l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Attendu que, pour ordonner la publication du droit de réponse, l’arrêt relève qu’il n’est pas démontré que Mme X…, première adjointe au maire, n’avait pas qualité pour exercer un tel droit ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier l’étendue de la délégation de compétence consentie à celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Notons que la Cour de cassation passe sous silence la condition selon laquelle la Commune doit avoir été « mise en cause à raison d’actes ressortissant aux fonctions d’administration déléguées à l’adjoint », ce que ne manquait d’ailleurs pas de soulever un moyen annexe du pourvoi et non repris à la cassation :

« ALORS QUE 3°), un adjoint-délégué du maire ne peut adresser un courrier en vue d’exercer un droit de réponse, que pour répondre à un texte mettant en cause la commune à raison d’actes ressortissant aux fonctions d’administration déléguées à l’adjoint par le maire ».

Il n’est pas possible d’interpréter plus avant la portée de ce silence, puisque la Cour de cassation pouvait procéder à la cassation de l’arrêt d’appel au titre de la première condition (compétence de d’Adjoint) « sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyens » parmi lesquelles figurait la seconde condition.

L’arrêt de décembre 2017 n’est donc pas un revirement, et les deux conditions fixées par l’arrêt de 1996 apparaissent toujours applicables.

 

Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale compétents doivent effectuer les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif

Par un arrêt n° 396046 du 24 novembre 2017, le Conseil d’Etat juge qu’il appartient aux communes et EPCI compétents d’effectuer, dans un délai raisonnable, les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif afin de le raccorder aux propriétaires qui en font la demande et dont la propriété est située dans la zone d’assainissement collectif.

En l’espèce, un propriétaire de parcelles situées dans la zone d’assainissement collectif de la commune de Rigny-Ussé a sollicité, auprès du maire de la commune et de ses conseillers municipaux, le raccordement de ces propriétés au réseau d’assainissement collectif de la commune. Par une décision implicite, le maire a rejeté sa demande. Dans le même sens, le conseil municipal a rendu une délibération le 6 juin 2012 confirmant le rejet de la demande du propriétaire.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, rendu le 10 novembre 2015, en jugeant que la commune de Rigny-Ussé doit faire droit à la demande du propriétaire.

Pour fonder sa décision, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales. En effet, l’article en cause dispose qu’il appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale de délimiter, après enquête publique, « les zones d’assainissement collectif où elles sont tenues d’assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l’épuration et le rejet ou la réutilisation de l’ensemble des eaux collectées ». 

En application de ce même article, la Haute juridiction administrative a alors admis « qu’après avoir délimité une zone d’assainissement collectif, les communes, ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents, sont tenues, tant qu’elles n’ont pas modifié cette délimitation, d’exécuter dans un délai raisonnable les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif afin de le raccorder aux habitations qui sont situées dans cette zone et dont les propriétaires en ont fait la demande ». Le Conseil d’Etat précise que le délai pour effectuer les travaux s’apprécie au regard des contraintes techniques, du coût, du nombre et de l’ancienneté des demandes de raccordement.

 

Le changement de syndicat après l’élection du Comité d’Entreprise n’empêche pas de devenir délégué syndical

Par arrêt en date du 15 novembre 2017 (n°16-25.668), la Cour de cassation est venue préciser les conditions de mise en œuvre de l’article L. 2143-3 du Code du travail qui prévoit que tout syndicat représentatif dans l’établissement a le droit de désigner un délégué syndical parmi les candidats qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des voix au premier tour des dernières élections du Comité d’Entreprise.

Ainsi, pour devenir délégué syndical, il faut et il suffit d’être désigné par un syndicat représentatif dans l’entreprise et de bénéficier d’une légitimité individuelle, qui se matérialise par le recueil d’au moins 10% des voix aux dernières élections.

Il importe peu dès lors que le salarié ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat que celui procédant à sa désignation : il suffit que le salarié ait une légitimité individuelle (avoir obtenu 10% des voix) et qu’il soit désigné par un syndicat représentatif.

Compléments de prix et clauses d’intéressement – Pourquoi y recourir, quelles différences ?

La crise économique de 2008 a conduit l’Etat et les collectivités à optimiser la gestion de leurs ressources. Au premier rang de ces dernières, le patrimoine immobilier fait l’objet d’une attention particulière des acteurs publics, qui entendent désormais pleinement profiter de sa valeur.

Deux types de situations sont à distinguer :

  • celles dans lesquelles les biens sont destinés à être cédés dans le cadre d’un projet particulier où la destination de l’immeuble constitue un élément essentiel ;
  • celles dans lesquelles les biens cédés ne s’inscrivent pas dans un projet déterminé mais présentent un potentiel de valorisation important.

Dans le premier cas, il s’agit pour le propriétaire personne publique de s’assurer que le bien cédé aura bien la destination convenue avec l’acquéreur. L’acte de vente est alors assorti de clauses d’inaliénabilité ou d’agrément.

Dans le second cas, que nous étudierons ci-après, il s’agit de garantir que le propriétaire personne publique ne sera pas évincé de la valorisation future du bien et profitera, en partie, des fruits qui en résulteront. L’acte de vente sera alors assorti de clauses de complément de prix ou de clauses d’intéressement.

Dans tous les cas, la rédaction de la clause doit impérativement être minutieuse. En effet, une rédaction inadéquate pourrait avoir des conséquences fâcheuses tant l’exécution de la clause que pour la validité même de la cession.

  • La clause de complément de prix ou la valorisation extrinsèque du bien :

Cette clause a pour objet de fixer, à la hausse, le prix de vente final dans l’hypothèse où un évènement déterminé par les parties se réaliserait postérieurement à la cession.

Concrètement, cette clause est employée lorsque le bien cédé présente un potentiel de développement important mais néanmoins incertain pour dépendre d’un évènement extérieur aux parties.

Les exemples les plus fréquents concernent des terrains nus qui pourront se voir octroyer des droits à construire ou encore des terrains bâtis dont des augmentations de plancher pourront être autorisées.

Au plan juridique, la validité de la clause de complément de prix n’est donc pas soumise à une condition impérieuse : la réalisation de l’évènement à intervenir ne doit dépendre de la seule volonté de l’acquéreur ou du vendeur. A défaut, elle serait considérée comme potestative et son application compromise.

  • La clause d’intéressement ou la valorisation intrinsèque du bien :

La clause d’intéressement obéit à une philosophie différente. Elle tend à faire bénéficier le vendeur du potentiel éventuel dont le bien est pourvu mais lequel sera exploité par l’acquéreur. 

Dans ce cas la valorisation du bien ne dépend pas d’un évènement extérieur à la volonté des parties, mais du seul comportement de l’acquéreur qui, en exploitant le bien, en augmentera la valeur.

La clause d’intéressement permettra ainsi au vendeur de bénéficier d’une fraction de la plus-value qui sera enregistrée par l’acquéreur en cas de revente du bien.

Elle pourra également faire bénéficier le vendeur d’une partie des recettes futures qui seront encaissées par l’acquéreur dans le cadre de l’exploitation du bien (fraction des loyers, fraction des redevances).

Jugées licites par la Cour de cassation pour relever de la liberté contractuelle des parties, les clauses d’intéressement ont toutefois pour effet de limiter le droit de propriété de l’acquéreur.

Leur validité est donc subordonnée à deux conditions : elles doivent d’abord être limitées dans le temps et doivent ensuite poursuivre un intérêt légitime (lutte contre la spéculation immobilière par exemple).

En définitive, l’arbitrage entre la clause de complément de prix – qui est liée à un événement extérieur aux parties – et la clause d’intéressement – qui est liée à l’exploitation du potentiel du bien par l’acquéreur – est grandement liée à la nature des biens cédés, au potentiel qu’ils présentent au jour de la vente et à la circonstance que leur valeur est susceptible de dépendre d’un événement extérieur ou non.

Romain DESAIX – Avocat 

Illégalité du refus d’inscription d’un élève à la cantine scolaire au motif de l’insuffisance de places disponibles

Par un jugement du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision d’un maire refusant d’inscrire un élève d’une école primaire de la commune à la cantine scolaire, prise au motif de l’insuffisance de places disponibles (TA Besançon, 7 décembre 2017, Mme G, n° 1701724).

Pour rappel, à la différence des départements et des régions, le service public de la restauration scolaire est facultatif pour les communes.

Il en résulte que celles-ci n’ont aucune obligation de créer ou de maintenir un service de restauration scolaire, et que les dépenses afférentes présentent un caractère facultatif (article L. 2321-2 du CGCT).

Il en résultait également, jusqu’à il y a peu, la possibilité de restreindre les conditions d’accès en raison de capacités d’accueil limitées du service, dans la limite de ne pas instaurer, à cette occasion, un critère discriminatoire entre les élèves, sans lien avec l’objet du service (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n° 251161 ; 23 octobre 2009, Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public du Rhône, n° 329076).

Par exemple, la circonstance que les parents d’un enfant sont sans emploi ne peut légalement fonder la limitation de l’accès de cet enfant à la cantine (TA Lyon, 21 janvier 2010, Commune d’Oullins, n° 0903116).

Cette interdiction des discriminations a été consacrée par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Le nouvel article L. 131-13 du Code de l’éducation dispose en effet :

« L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Ces dispositions semblent néanmoins avoir introduit, au-delà de la seule interdiction des discriminations (d’ores-et-déjà sanctionnés par la jurisprudence), lorsqu’un service de restauration scolaire existe, une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves par les communes.

C’est ce qu’a jugé le Tribunal administratif de Besançon, dans son jugement susmentionné du 7 décembre 2017.

Il a plus précisément estimé que ces dispositions « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit ». Et le Tribunal d’ajouter que les communes « doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser d’inscrire un élève qui en fait la demande » (cons. 2).

Il s’est référé, pour ce faire, aux travaux parlementaires de la loi du 27 janvier 2017. A cet égard, le rapport n° 827 de Mmes les sénatrices Estrosi Sassone et Gatel du 14 septembre 2016 indique que « la proposition de loi instaure une obligation d’accueil de l’ensemble des élèves pour l’autorité responsable de la restauration scolaire » (p. 540).

Dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Besançon, la mère d’un élève de primaire s’était vu refuser l’inscription de son fils aux services périscolaires communaux de restauration scolaire et d’accueil du matin et de l’après-midi, au motif de l’absence de place disponible.

Ces refus étaient fondés sur le règlement communal des accueils périscolaires pour l’année scolaire 2017/2018, en application duquel :

« Aucun enfant n’est admis à un service périscolaire sans que sa demande d’inscription n’ait été validée par une attestation d’inscription. / La demande d’inscription est acceptée lorsque : – le dossier complet a été remis dans les délais ; / – Le nombre de places disponibles est suffisant ; / – La famille est à jour du paiement des factures de périscolaires ; / – Le service est ouvert. / Dans les écoles où le nombre des demandes d’inscription pour un service périscolaire est supérieur au nombre de places, les enfants sont accueillis selon les priorités suivantes : / – Enfants des familles monoparentales qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs enfants durant le temps périscolaire ; / – Enfants des autres familles qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs enfants durant le temps périscolaire ; / – Enfants présentant des difficultés d’intégration ou dans les apprentissages confirmées par les directeurs des écoles et enfants des familles rencontrant des difficultés d’ordre social ; / – Autres enfants. […] ».

Le Tribunal a considéré que ces dispositions méconnaissaient les dispositions législatives précitées, en tant qu’elles subordonnaient l’inscription à la cantine des élèves qui en font la demande à l’existence de places disponibles.

Il en a conclu que le refus du maire, pris sur la base de ce règlement communal des accueils périscolaires, était lui-même illégal et devait être annulé.

Cette solution paraît très éloignée des réalités concrètes auxquelles sont confrontées les communes, qui peuvent souhaiter mettre en place un service de restauration scolaire sans néanmoins avoir les moyens de garantir un accueil de l’ensemble des usagers. Elle risque fort de dissuader certaines communes de mettre en place un tel service, ce qui priverait alors tous les enfants d’accès à ce service. Elle apparaît néanmoins conforme aux dispositions légales. De sorte qu’une modification législative serait nécessaire pour revenir à la solution antérieure, qui se voulait davantage pragmatique, tout en interdisant déjà les discriminations.

Notons que le Tribunal a, à la suite de son annulation, enjoint à la Commune de réexaminer la demande de la requérante, et non de procéder à l’inscription sollicitée. Il semble qu’il faille en déduire que, si le critère pris de l’insuffisance de places est illégal, d’autres critères peuvent néanmoins être fixés, comme c’était le cas en l’espèce puisque le règlement précité subordonnait également l’inscription à la cantine à la réunion des conditions suivantes : le dépôt d’un dossier complet dans les délais impartis, la régularité de la situation de la famille au regard du paiement des factures des activités périscolaires, l’ouverture du service. En d’autres termes, le droit d’inscription n’est pas absolu.

Enfin, le Tribunal a, en revanche, jugé que les dispositions légales relatives aux services périscolaires d’accueil du matin et de l’après-midi (article L. 551-1 du Code de l’éducation) n’instituent pas un droit d’y être inscrit pour chaque élève, et a rejeté les conclusions aux fins d’annulation dirigées contre les refus correspondants.

Une différence de traitement autorisée entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, engagés antérieurement et postérieurement à l’entrée en vigueur d’un accord collectif :

Une différence de traitement autorisée entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, engagés antérieurement et postérieurement à l’entrée en vigueur d’un accord collectif :

Dans deux arrêts du 7 décembre 2017 (n° 16-15109 ; 16-15110), la Cour de cassation a considéré que constituait une raison objective justifiant une différence de traitement, l’obligation pour l’employeur de maintenir le niveau de rémunération d’un salarié tel que fixé dans son contrat de travail avant l’entrée en vigueur d’un accord d’entreprise instaurant une grille salariale.

Cet arrêt rendu est important dans la mesure où la Cour suprême précise l’obligation pour l’employeur de maintenir le niveau de rémunération d’un salarié tel que fixé dans son contrat de travail avant l’entrée en vigueur d’un accord d’entreprise instaurant une grille salariale justifiant ainsi une différence de traitement par rapport à ses collègues qui exercent les mêmes fonctions.

Obligation pour les organismes publics ou privés d’au moins 50 agents ou salariés de se doter d’un dispositif d’alerte professionnelle au 1er janvier 2018

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi « SAPIN II » prévoit l’obligation pour les organismes de droit public ou privé d’au moins 50 agents ou salariés, de se doter à compter du 1er janvier 2018, de procédures internes de recueil des alertes émises par les membres du personnel ou par les collaborateurs extérieurs et occasionnels garantissant une stricte confidentialité de l’identité des lanceurs d’alerte, des personnes visées par le signalement et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires.

Sont également visés par cette obligation, les administrations de l’Etat, communes de plus de 10 000 habitants, départements et régions et les établissements publics en relevant ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins une commune de plus de 10 000 habitants.

Dès lors que les données relatives à l’alerte professionnelles sont traitées de manière informatisée, la mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle requiert le respect d’une procédure édictée par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) :

  • de déclaration simplifiée par un engagement de conformité à autorisation unique « AU-004 » s’il respecte certaines conditions strictement définies par la CNIL (champ d’application, modalités de recueil et de traitement des alertes,…), étant précisé que cette procédure a été adaptée en juin 2017, aux exigences de la « Loi SAPIN II » ;
  • ou à défaut, de demande d’autorisation « classique ».

Si un tel dispositif a déjà été mis en place au sein d’un organisme dans le cadre de l’ancienne version de l’ « AU-004 », celui-ci n’a aucune nouvelle démarche à accomplir sur ce point, sous réserve du respect des nouvelles conditions posées par la Loi en matière de procédure d’alerte professionnelle.

Annulation par le juge du référé précontractuel d’une procédure de passation d’un contrat de concession pour défaut de précision, par l’autorité concédante, de l’étendue et de la nature de ses besoins ainsi que de la durée du contrat.

Par un arrêt en date du 15 novembre 2017, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé qu’une définition imprécise par l’autorité concédante de l’étendue et de la nature de ses besoins ainsi que de la durée du contrat de concession justifie l’annulation de la procédure de passation par le juge du référé précontractuel.

Pour rappel, la commune du Havre a lancé, en juillet 2016, une procédure de passation d’un contrat de concession pour l’exploitation du réseau de chaleur du quartier de Caucriauville. La société Idex Territoires – candidat ayant déposé une offre finale le 24 avril 2017 après la phase de négociation – a toutefois sollicité du Tribunal administratif de Rouen l’annulation de cette procédure par une requête en référé précontractuel du 19 juin 2017. Et, si la commune du Havre a attribué, le 26 juin 2017, le contrat à une autre société, le Tribunal administratif de Rouen a finalement annulé la procédure de passation par une ordonnance en date du 10 juillet 2017. Saisi du pourvoi de la commune, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de la procédure.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé, d’une part, qu’aux termes de l’article 27 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession « la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation » par l’autorité concédante et, d’autre part, que l’article 34 de la même ordonnance, précisé par l’article 6 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016, impose une limitation de la durée des contrats de concession en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire.

Le juge du Palais Royal a ensuite repris les deux motifs ayant conduit le juge des référés du tribunal administratif de Rouen à retenir une insuffisante définition des besoins. Le premier était relatif à l’imprécision du périmètre de la concession puisque le règlement de la consultation, d’une part, indiquait qu’il pouvait comprendre l’exploitation du réseau de chaleur dans le seul quartier de Caucriauville mais aussi dans un ou plusieurs autres quartiers de la ville du Havre, voire dans les communes d’Harfleur et de Montivilliers ainsi que, éventuellement, sur un périmètre encore plus large et, d’autre part, ne comportait pas en annexe le plan de la concession. Sans grande surprise, la Haute juridiction a jugé sur ce point qu’au regard de ces imprécisions « la commune ne pouvait être regardée, en l’espèce, comme ayant suffisamment déterminé l’étendue de ses besoins ».

Le second motif tenait à l’imprécision de la durée de la concession puisque « seule une durée maximale de vingt-quatre ans était prévue dans le règlement de la consultation, les candidats devant proposer une « durée effective » adaptée aux solutions techniques et aux investissements envisagés dans leurs offres ». A ce titre, et c’est l’intérêt de la décision, le Conseil d’Etat a considéré que si le fait d’indiquer seulement la durée maximale du contrat de concession ne constitue pas, à lui seul, un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, il en va différemment lorsque l’autorité concédante n’a fourni aucun autre élément permettant de la préciser. En effet, le Conseil d’Etat a retenu dans cette affaire que l’indication de la seule durée maximale de 24 ans constituait, « en raison de l’incertitude sur le montant des investissements à réaliser et à amortir qui résultait par ailleurs des imprécisions sur le périmètre de la concession », une insuffisante détermination des besoins et donc un manquement aux obligations imposées par les articles 34 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et 6 du décret du 1er février 2016. La Haute juridiction a alors conclu que « dans les circonstances de l’espèce, la fixation d’une durée maximale de la concession avait été susceptible de léser la société Idex Territoires, alors même que celle-ci n’aurait pas demandé de précisions sur la durée de la concession durant la phase de négociation ». Il en résulte que, sauf à fournir dans les documents de la consultation d’autres informations relatives notamment aux investissements à réaliser afin de permettre aux candidats de présenter une offre éclairée, l’autorité concédante ne peut se limiter à indiquer la durée maximale de son contrat de concession.

L’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile : une simple obligation de moyen pour l’Etat ?

Dans une ordonnance rendue le 24 novembre dernier, le juge du référé liberté du Conseil d’Etat a rejeté la requête de deux demandeurs d’asile tendant à l’annulation de l’ordonnance du Tribunal administratif de Lyon ayant rejeté leur demande d’enjoindre au préfet du Rhône de leur attribuer un hébergement d’urgence.
Plus particulièrement, dans cette décision, le Conseil d’Etat a jugé que les services de l’Etat dans le Département n’avaient commis aucune méconnaissance grave et manifeste d’héberger lesdits demandeurs d’asile dès lors qu’ils les avaient inscrits sur la liste des personnes prioritaires pour bénéficier d’un hébergement, laquelle comptait déjà 1 449 personnes en attente d’hébergement depuis une durée supérieure et, qu’en dépit de la dégradation de l’état de santé de leur enfant, l’absence d’hébergement des intéressés n’entrainait pas pour eux des conséquences graves.
Ce faisant, le juge du référé liberté semble admettre que s’agissant de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, l’Etat n’aurait qu’une obligation de moyens.
Une telle position peut surprendre, si l’on considère, d’une part, que l’article L. 345-2-2 du CASF qui consacre l’accès de toute personne sans abri, en situation de détresse médicale, psychique et sociale à un dispositif d’hébergement d’urgence est applicable quelle que soit la situation administrative de la personne et relève de la responsabilité de l’Etat et surtout, d’autre part, que le Conseil d’Etat a jugé récemment, au contraire, à l’égard des départements, que ceux-ci ne pouvait pas se fonder sur la saturation de leurs capacités d’accueil et/ou des efforts consentis pour s’exonérer de leur obligation d’hébergement, en l’occurrence des mineurs placés confiés au service d’Aide Sociale à l’Enfance (CE, 27 juillet 2016, n°400055).
Au-delà, le Conseil d’Etat a d’ailleurs considéré qu’un département était tenu d’assurer l’hébergement d’urgence en lieu et place de l’Etat, dès lors que la situation des enfants le rendait nécessaire (CE, 13 juillet 2016, 388317), à charge pour lui d’en demander éventuellement ensuite réparation, si tant est qu’une telle procédure puisse aboutir… ce dont nous doutons encore davantage avec l’intervention de cette nouvelle décision !

Mobiliers urbains d’information : le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris annule la procédure de passation relative au contrat de concession de services provisoire

Par deux ordonnances du 5 décembre 2017 (TA de Paris, ord., 5 décembre 2017, Société Extérion Média France, n° 1717601 et TA de Paris, ord., 5 décembre 2017, Société Clear Channel France, n° 1717558), le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation du contrat de concession de services provisoire attribué à la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (Somupi).

A titre liminaire, un bref rappel, s’agissant du contexte particulier de la passation de cette concession de services provisoire, s’impose.

La Somupi, filiale de la société JCDecaux et de Publicis, est titulaire, jusqu’au 31 décembre 2017, du contrat portant sur l’exploitation de mobiliers urbains d’information supportant de la publicité à Paris.

En mai 2016, la Ville de Paris avait engagé une procédure en vue de la passation d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité. Trois candidatures avaient été retenues : celles de la Somupi, de Clear Channel France et d’Exterion Media France. Ces deux dernières sociétés, estimant que la procédure de passation était entachée de diverses irrégularités, avaient renoncé à déposer une offre et la SOMUPI avait été désignée comme attributaire de la concession de services. Elles avaient alors saisi le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris afin qu’il annule cette procédure, en faisant valoir que les documents de la consultation relatifs à l’affichage et à la publicité numérique étaient contraires au règlement local de publicité (RLP) applicable à Paris.

Par deux ordonnances du juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris en date du 21 avril 2017, confirmées par un arrêt du Conseil d’Etat du 18 septembre 2017 (CE, 18 septembre 2017, Ville de Paris, n°s 410336, 410337, 410364, 410365), cette procédure a été annulée en raison de la non-conformité des documents de la consultation (qui autorisaient que 15 % des mobiliers urbains supportent de l’affichage et de la publicité numérique) au règlement local de publicité applicable à Paris, adopté en 2011 et toujours en vigueur – dont les articles P3 et P4 interdisent la publicité lumineuse autre que la publicité éclairée par projection ou transparence. (cf. notre brève du 21 septembre 2017 sur cet arrêt : http://www.seban-associes.avocat.fr/consultation-lancee-ville-de-paris-vue-de-passation-dune-concession-de-service-relative-a-l’affichage-publicitaire-mobilier-urbain-a-ete-annulée/?id=88643).

C’est dans ce contexte que, le 22 novembre 2017, le Conseil de Paris a approuvé un projet de contrat de concession de services provisoire pour l’exploitation de mobiliers urbains d’information. Celui-ci devait être confié à la Somupi pour une durée prévue entre le 13 décembre 2017 et le 13 août 2019, soit vingt mois.

Les sociétés Clear Channel France et Exterion Média ont alors chacune présenté une requête en référé précontractuel, tendant à l’annulation de la procédure de passation de ce contrat, auprès du Tribunal administratif de Paris.

Par les deux ordonnances commentées, le juge des référés précontractuels a annulé la procédure de passation du contrat en considérant, en l’espèce, que la Ville de Paris ne pouvait déroger à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en invoquant des motifs d’urgence, des considérations d’intérêt général ou encore des raisons techniques.

Ces ordonnances du juge des référés contractuels, relativement argumentées, suscitent l’intérêt notamment en ce qu’elles fournissent des indications utiles quant aux conditions dans lesquelles une personne publique peut conclure, sur le fondement de la jurisprudence SMPA (CE, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine, n° 405157), un contrat de concession de services provisoire sans respecter, au préalable, les règles de publicité et de mise en concurrence.

Pour mémoire, aux termes de cet arrêt, la conclusion d’une concession de services provisoire sans respecter les règles de publicité préalables est permise si deux éléments cumulatifs sont réunis : (i) l’urgence « résultant de l’impossibilité pour la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même » ; (ii) « un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service ».

Mais, en ce cas, « la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ; ».

Au cas particulier, le juge des référés constate, tout d’abord, qu’aucune des deux conditions précitées n’est remplie.

En premier lieu, sur l’urgence, il relève que la situation invoquée par la Ville de Paris n’est pas – à tout le moins en partie – indépendante de sa volonté car celle-ci s’est abstenue de relancer une procédure de publicité avec mise en concurrence jusqu’au 3 novembre 2017, alors qu’elle aurait pu le faire dès la fin du mois d’avril 2017, c’est-à-dire à compter de la date à laquelle les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris ont été rendues. Dès lors, « la situation d’urgence que fait valoir la Ville de Paris pour passer le contrat litigieux [était], nécessairement, pour partie, la conséquence de ce retard ».

En second lieu, le juge des référés refuse d’accueillir l’argument selon lequel un motif financier – à savoir, au cas d’espèce, les redevances dues au titre de la convention litigieuse – serait susceptible de constituer le motif d’intérêt général justifiant la passation d’un contrat de concession de services provisoire sans publicité préalable sur le fondement de la jurisprudence SMPA. En effet, conformément à la lettre de cette décision, le « motif d’intérêt général susceptible de permettre […] la passation d’un contrat de concession sans publicité est, exclusivement, celui qui s’attache à la continuité du service objet du contrat». A ce titre, le juge des référés précontractuels précise d’ailleurs, de manière détaillée, que l’information par voie d’affichage constitue seulement une des modalités du service de l’information municipale, ce dernier étant également assuré, à Paris, par d’autres dispositifs (tels que les kiosques, les abris destinés aux voyageurs des bus, les journaux électroniques d’information sur mâts, les sites internet de la Ville de Paris, les réseaux sociaux, « fil twitter », « newsletter », les courriers, en ce compris électroniques, ou encore le magazine « A nous Paris »). Eu égard à ce constat, il en conclut que la seule impossibilité temporaire de recourir à l’information par voie d’affichage sur des mobiliers urbains d’information n’est pas, au cas particulier, suffisante pour caractériser un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service de l’information municipale.

Ensuite, le juge relève, en l’absence d’éléments contraires convaincants, que la durée du contrat litigieux (soit vingt mois) excède la durée requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence.

Le Conseil d’Etat se prononce en faveur de la légalité des clauses d’interprétariat

Par un arrêt en date du 4 décembre 2017 le Conseil d’Etat a reconnu, nonobstant l’avis de son rapporteur public, la légalité des « Clauses d’interprétariat ».

Le 28 avril 2017, la Région Pays de la Loire a publié un avis d’appel public à la concurrence en vue de la passation d’un marché public de travaux. Les documents de ce marché, en particulier deux clauses du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), prévoyaient :

  • en premier lieu, « l’intervention d’un interprète qualifié […], aux frais du titulaire du marché, afin que la personne publique responsable puisse s’assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, quelle que soit leur nationalité, comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales qui, en vertu notamment de l’article L. 1262-4 du code du travail (…), s’applique à leur situation » (clause d’exécution relative à une information sur les droits sociaux, art. 8.4.1. du CCAP) ;
  • en second lieu, l’intervention d’un interprète qualifié dans le cadre d’une formation – dispensée à l’ensemble des personnels affectés à l’exécution de ces tâches, quelle que soit leur nationalité – visant à « garantir la sécurité des travailleurs et visiteurs sur le chantier lors de la réalisation de tâches signalées comme présentant un risque pour la sécurité des personnes et des biens», lorsque les personnels concernés par ces tâches ne maîtrisent pas suffisamment la langue française (clause d’exécution relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, art. 8.4.2. du CCAP).

Le Préfet de Région a saisi le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Nantes aux motifs, notamment, que ces « clauses d’interprétariat » étaient contraires aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats, de libre circulation des travailleurs et de libre prestation de services.

Par une ordonnance en date du 7 juillet 2017 (TA de Nantes, 7 juillet 2017, Mlle A, n° 1704447), le juge des référés a rejeté le déféré préfectoral. Le ministre de l’Intérieur s’est alors pourvu en cassation contre cette décision.

Par cet arrêt du 4 décembre 2017, le Conseil d’État rejette le pourvoi en cassation formé par le ministre de l’Intérieur et, partant, reconnaît la légalité de telles clauses, tout en encadrant leur validité dans de strictes conditions. Schématiquement, le raisonnement mené par le Conseil d’Etat, qui est le même pour les deux clauses, se décompose en deux temps.

En premier lieu, après avoir rappelé « qu’un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d’exécution d’un marché public, des exigences particulières pour prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, sous réserve que celles-ci présentent un lien suffisant avec l’objet du marché » (cf. art. 38-I. de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015), il considère que les juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, au cas d’espèce, que ces clauses présentaient un lien suffisant avec l’objet du marché.

En second lieu, il examine davantage, par une appréciation circonstanciée, la validité de telles clauses au regard du droit de l’Union européenne. Tout d’abord, il indique que ces clauses ne sont pas discriminatoires ni ne constituent une entrave à la libre circulation, dès lors qu’elles s’appliquent « indistinctement à toute entreprise quelle que soit sa nationalité ». Ensuite, il s’intéresse aux effets potentiels de ces clauses et précise qu’elles ne doivent pas avoir pour effets « de restreindre l’exercice effectif d’une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union ». Précisément, de manière classique, le Conseil d’Etat procède à un contrôle de proportionnalité, d’adéquation, entre la mesure prise et l’objectif qu’elle poursuit, et conclut que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits en jugeant « qu’à supposer même que la clause litigieuse puisse être susceptible de restreindre l’exercice effectif d’une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union, elle poursuit un objectif d’intérêt général dont elle garantit la réalisation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ». Enfin, il convient de relever que la mise en œuvre de ces clauses par le maître d’ouvrage ne devra pas, selon le Conseil d’Etat, « occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché ».

Ceci étant exposé, cet arrêt du Conseil d’Etat ne préjuge aucunement la solution qui pourrait, le cas échéant, être rendue par le Conseil d’Etat au sujet des « clauses Molière », qui doivent nettement être distinguées des « clauses d’interprétariat » en ce qu’elles ont pour objet d’imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers. Pour mémoire, une instruction interministérielle en date du 27 avril 2017 (Instruction interministérielle relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés) avait considéré ces « clauses Molière » illégales et discriminatoires et, très récemment, le Tribunal administratif de Lyon (TA de Lyon, 13 décembre 2017, Préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, n° 1704697) a annulé la délibération du conseil régional de la région Auvergnes-Rhône-Alpes qui prévoyait l’inclusion de telles clauses dans les contrats de la commande publique.

Surtout, dans son communiqué de presse, le Conseil d’Etat a insisté sur cette différence en affirmant que « Ces « clauses d’interprétariat » ne doivent pas être confondues avec les clauses dites « Molière », qui visent à imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers ».

Transparence et pondération des sous-critères

Le Tribunal administratif de Paris a rendu un jugement qui transpose la jurisprudence du Conseil d’Etat du 18 juin 2010 relative à la transparence et la pondération des sous-critères à la nouvelle législation sur le droit de la commande publique.

En l’espèce, le secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un accord-cadre à bons de commande portant sur la création et la maintenance d’un système de gestion des bibliothèques numériques, de gestion des connaissances et de capitalisation documentaire au profit de l’ensemble des organismes du ministère de la défense, système dénommé CLADE BN.

Par une décision du 26 octobre 2017, il a informé la société Archimed du rejet de son offre classée, après examen, en seconde position tant pour le critère technique que pour le critère financier et de l’attribution du marché à la société Ausy.

La société Archimed a alors introduit un recours devant le Tribunal administratif de Paris pour demander au juge des référés précontractuels d’annuler la procédure de passation du marché ainsi que la décision du 26 octobre 2017 rejetant son offre sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative.

Après avoir rappelé la lettre de l’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics relatif à l’attribution d’un marchés publics au regard des critères de sélection de l’offre économiquement la plus avantageuse, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris reprend la formulation du considérant de principe de la décision du 18 juin 2010 du Conseil d’Etat précitée qui imposait aux pouvoirs adjudicateurs de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères.

En effet, dans un considérant de principe, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a jugé que « pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères ; qu’il appartient au pouvoir adjudicateur d’indiquer les critères d’attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ; qu’en outre, si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères, il doit porter à la connaissance des candidats leurs conditions de mise en œuvre dès lors que ces sous-critères sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ».

En l’espèce, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a relevé que le règlement de la consultation prévoyait un sous-critère S2 notait sur 30 points sur 100.  Or, l’analyse des offres a exposé que la notation de ce sous-critère avait été réalisée à partir de deux éléments, d’une part, la « présentation de la solution hors robustesse » et, d’autre part, la « présentation de la solution – partie robustesse », auxquels a été attribuée une même note de 15 points sur 100 alors qu’aucun de ces éléments n’avaient été mentionnés dans le règlement de la consultation ni sus les modalités de mise en œuvre de ce sous-critère.

Par conséquent, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a jugé qu’en « n’identifiant pas clairement les deux critères « avec robustesse » et « sans robustesse » utilisés pour évaluer le sous-critère et, a fortiori, en n’indiquant pas qu’il attribuait à chacun une note égale, le secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense a commis un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles il était soumis ».

Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a ensuite relevé que la société requérante avait obtenu des notes inférieures à l’attributaire sur ces critères, que ce manquement lui avait causé un préjudice alors que son offre aurait pu être modifiée si le pouvoir adjudicateur avait clairement précisé ces critères.

Dès lors, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision rejetant l’offre de la société requérante et la procédure de passation du marché au regard du manquement commis par le secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Réseaux d’initiative publique et accès des entreprises au très haut débit

Par une question parlementaire du 26 septembre 2017, M. Nicolas Démoulin alerte M. le ministre de la cohésion des territoires sur de possibles distorsions de concurrence organisées par les opérateurs d’infrastructures gestionnaires des réseaux d’initiative publique (ci-après, « RIP ») Très haut débit. Le député estimait que certains opérateurs de RIP font la promotion de leur offre ou filiale de détail et n’invitent pas aux réunions publiques locales l’intégralité des opérateurs de détail conventionnés avec le RIP, et notamment ceux dont la spécialité est de s’adresser au monde économique et plus précisément au marché des entreprises.

Le ministère de la cohésion des territoires a précisé qu’une telle régulation ne révèle pas, stricto sensu, des compétences de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après, l’ « ARCEP »), cette dernière a relayé l’importance du respect du principe de non-discrimination auprès des porteurs des RIP ainsi que des opérateurs d’infrastructures, notamment lors de la réunion technique du Groupe d’échange entre l’ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs (GRACO) le 4 octobre 2017. 

Le ministère a également souligné que l’ARCEP avait lancé une série de consultations pour améliorer l’accessibilité des entreprises au réseau.

L’objectif serait d’insuffler une dynamique de marché plus forte avec au moins trois opérateurs d’infrastructure nationaux et de prévoir que le régulateur demande à Orange de fournir une offre passive de boucle locale FttH destinée aux entreprises, dans des conditions économiques et techniques (accès aux infrastructures de génie civil, respect des obligations d’information) qui permettraient d’animer durablement le marché de gros activé.

Enfin, le ministère a assuré que le Gouvernement attaché une attention particulière à la situation des entreprises et à leur accès à internet.

Ainsi, si les RIP s’efforcent d’assurer une couverture nationale du territoire en très haut débit au profit des particuliers, cette réponse ministérielle démontre que les entreprises ne sont pas destinées à demeurer un parent pauvre de la couverture numérique et que des offres répondant à leurs besoins spécifiques devraient également voir le jour.