le 21/12/2017

Annulation par le juge du référé précontractuel d’une procédure de passation d’un contrat de concession pour défaut de précision, par l’autorité concédante, de l’étendue et de la nature de ses besoins ainsi que de la durée du contrat.

CE, 15 novembre 2017, Commune du Havre, req. n° 412644

Par un arrêt en date du 15 novembre 2017, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé qu’une définition imprécise par l’autorité concédante de l’étendue et de la nature de ses besoins ainsi que de la durée du contrat de concession justifie l’annulation de la procédure de passation par le juge du référé précontractuel.

Pour rappel, la commune du Havre a lancé, en juillet 2016, une procédure de passation d’un contrat de concession pour l’exploitation du réseau de chaleur du quartier de Caucriauville. La société Idex Territoires – candidat ayant déposé une offre finale le 24 avril 2017 après la phase de négociation – a toutefois sollicité du Tribunal administratif de Rouen l’annulation de cette procédure par une requête en référé précontractuel du 19 juin 2017. Et, si la commune du Havre a attribué, le 26 juin 2017, le contrat à une autre société, le Tribunal administratif de Rouen a finalement annulé la procédure de passation par une ordonnance en date du 10 juillet 2017. Saisi du pourvoi de la commune, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de la procédure.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé, d’une part, qu’aux termes de l’article 27 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession « la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation » par l’autorité concédante et, d’autre part, que l’article 34 de la même ordonnance, précisé par l’article 6 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016, impose une limitation de la durée des contrats de concession en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire.

Le juge du Palais Royal a ensuite repris les deux motifs ayant conduit le juge des référés du tribunal administratif de Rouen à retenir une insuffisante définition des besoins. Le premier était relatif à l’imprécision du périmètre de la concession puisque le règlement de la consultation, d’une part, indiquait qu’il pouvait comprendre l’exploitation du réseau de chaleur dans le seul quartier de Caucriauville mais aussi dans un ou plusieurs autres quartiers de la ville du Havre, voire dans les communes d’Harfleur et de Montivilliers ainsi que, éventuellement, sur un périmètre encore plus large et, d’autre part, ne comportait pas en annexe le plan de la concession. Sans grande surprise, la Haute juridiction a jugé sur ce point qu’au regard de ces imprécisions « la commune ne pouvait être regardée, en l’espèce, comme ayant suffisamment déterminé l’étendue de ses besoins ».

Le second motif tenait à l’imprécision de la durée de la concession puisque « seule une durée maximale de vingt-quatre ans était prévue dans le règlement de la consultation, les candidats devant proposer une « durée effective » adaptée aux solutions techniques et aux investissements envisagés dans leurs offres ». A ce titre, et c’est l’intérêt de la décision, le Conseil d’Etat a considéré que si le fait d’indiquer seulement la durée maximale du contrat de concession ne constitue pas, à lui seul, un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, il en va différemment lorsque l’autorité concédante n’a fourni aucun autre élément permettant de la préciser. En effet, le Conseil d’Etat a retenu dans cette affaire que l’indication de la seule durée maximale de 24 ans constituait, « en raison de l’incertitude sur le montant des investissements à réaliser et à amortir qui résultait par ailleurs des imprécisions sur le périmètre de la concession », une insuffisante détermination des besoins et donc un manquement aux obligations imposées par les articles 34 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 et 6 du décret du 1er février 2016. La Haute juridiction a alors conclu que « dans les circonstances de l’espèce, la fixation d’une durée maximale de la concession avait été susceptible de léser la société Idex Territoires, alors même que celle-ci n’aurait pas demandé de précisions sur la durée de la concession durant la phase de négociation ». Il en résulte que, sauf à fournir dans les documents de la consultation d’autres informations relatives notamment aux investissements à réaliser afin de permettre aux candidats de présenter une offre éclairée, l’autorité concédante ne peut se limiter à indiquer la durée maximale de son contrat de concession.