De l’intérêt du service à ne pas renouveler un contrat au regard du comportement de l’agent

Point essentiel de la justification d’un non renouvellement de contrat à durée déterminée d’un agent contractuel de droit public, l’intérêt du service n’est cependant pas défini par la loi.

Il peut ainsi revêtir plusieurs aspects et, outre des considérations organisationnelles, être reconnu au cas où la manière de servir d’un agent n’est pas pleinement satisfaisante, sans pour autant revêtir l’aspect d’une faute disciplinaire (auquel cas il s’agirait d’une sanction déguisée).

Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris vient d’en donner l’exemple, au cas du non renouvellement d’un contrat à durée déterminée d’un conseiller principal d’éducation.

En premier lieu, la Cour a naturellement rappelé l’absence de droit au renouvellement d’un contrat, qui n’exonère pas pour autant l’administration d’être en mesure de démontrer devant le Juge que sa décision a bien été guidée par l’intérêt du service.

La Cour a ensuite contrôlé les motifs de la décision de non renouvellement du contrat de l’intéressé, laquelle était justifiée par le recteur de l’académie de Créteil par des insuffisances dans la manière de servir, telles qu’une absence de compte rendu régulier des activités à la hiérarchie, un encadrement inadéquat des subordonnés occasionnant des troubles dans le fonctionnement de l’établissement et particulièrement le suivi des élèves et, enfin, des absences injustifiées.

La Cour a ainsi relevé que le recteur s’était bien fondé sur le comportement général de l’intéressé et sur sa manière de servir, si bien que la décision attaquée était fondée sur non sur des motifs disciplinaires mais bien sur des éléments justifiant de l’intérêt du service à ne pas renouveler l’engagement.

A cette occasion, la Cour a fait une application classique de la jurisprudence Perrot (CE, 12 janvier 1968, n° 70951) en neutralisant le motif de la décision fondé sur les absences injustifiées du requérant qui n’étaient pas suffisamment établies.

La Cour a en effet relevé que le recteur aurait pris la même décision en ne se fondant pas sur ces absences injustifiées.

La décision de licenciement d’un contractuel qui ne reporte pas son entrée en vigueur pour tenir compte de ses congés acquis n’est pas illégale

La question n’était pas encore tranchée par le Conseil d’Etat et pourtant son importance pratique n’est pas des moindres : est-il obligatoire, sous peine d’annulation de la décision, de reporter l’entrée en vigueur du licenciement d’un agent contractuel lorsque ce dernier a acquis des congés annuels ?

La réponse du Conseil d’Etat est sans appel : si cette omission ouvre un droit à indemnité, en revanche elle n’entache pas d’illégalité la décision et donc, par définition, n’oblige pas l’employeur à réintégrer l’agent afin de procéder à la régularisation de la situation.

Rendue dans une affaire opposant un contractuel de la fonction publique hospitalière à son ex-employeur, cet arrêt est entièrement transposable à la fonction publique territoriale et à celle de l’Etat, les textes étant identiques.

On sait à quel point ces réintégrations sont complexes à mettre en œuvre pour les employeurs, et qu’elles ne sont pas nécessairement source de satisfaction pour les agents irrégulièrement évincés.

Le Conseil d’Etat a donc choisi là une solution pragmatique, résultant ceci étant d’une combinaison des articles du décret applicable à la matière.

En effet, si les décrets – à savoir ceux de chaque fonction publique – applicables disposent que la lettre de licenciement doit préciser à quelle date celui-ci doit intervenir « compte tenu des droits à congés annuels restant à courir », pour autant ils indiquent également que dans l’hypothèse d’un licenciement n’intervenant pas à titre disciplinaire, l’agent qui n’a pu prendre ses congés du fait de son employeur peut se voir verser une indemnité compensatrice de ses congés annuels.

Dès lors, le Conseil d’Etat en retire une solution aux termes de laquelle bien que la décision ne prenne pas en compte les congés annuels acquis pour déterminer sa date d’entrée en vigueur, cette irrégularité n’entraîne pas son annulation puisque l’agent peut solliciter, et obtenir, le versement d’une indemnité compensatrice de congés.

Pour pragmatique qu’elle soit, la décision a cependant une portée relative : elle ne s’appliquera pas aux cas de licenciements disciplinaires lesquels ne peuvent donc permettre le versement d’une telle indemnité, et il est patent que ces derniers sont plus nombreux que ceux fondés sur le seul intérêt du service

Logement social : précisions sur la gouvernance de la SAC dans le cadre de loi ELAN

L’article 25 du projet de loi ELAN enjoint les opérateurs du logement social qui ne gèrent pas plus de 15.000 logements à se regrouper soit dans un groupe au sens du Code de commerce, soit dans une société anonyme de coordination (SAC) au plus tard au 1er janvier 2021.
S’agissant de la SAC, le projet de loi tel qu’adopté en Conseil des ministres le 4 avril dernier précisait :
– que seuls des opérateurs de logement social pourront en être les associés ou actionnaires ;
– mais que les collectivités territoriales et leurs groupements seront représentés à leur demande dans les instances délibératives de la SAC, selon des modalités prévues par les statuts.

Deux amendements adoptés la semaine dernière en Commission des affaires économiques viennent compléter les dispositions relatives à la gouvernance de la SAC :
Par amendement n° CE-1691, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, la commune de Paris, les EPT de la Métropole du Grand Paris, les Métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence, les départements et les régions sur le territoire desquels les organismes actionnaires possèdent des logements seraient « représentés » en assemblée générale et au conseil d’administration ou conseil de surveillance de la SAC.
Par amendement n° CE-1693, des représentants élus des locataires des logements appartenant aux organismes de logement social actionnaires de la SAC siégeraient également au conseil d’administration ou conseil de surveillance de la SAC.

Absence de passerelle officielle vers l’habilitation familiale en cas de requête aux fins de mesure judiciaire

Le 20 décembre dernier, la Première Chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur la possibilité pour le juge des tutelles, saisi d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, d’ouvrir une mesure d’habilitation familiale. 

En l’espèce, par requête en date du 26 avril 2015, le procureur de la République avait saisi le juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire au profit de Madame Juliette Y.

Par jugement du 26 novembre 2015, le juge des tutelles a placé l’intéressée sous tutelle et désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tuteur.

La fille de l’intéressé a interjeté appel de la décision et sollicité devant la Cour d’appel l’ouverture d’une mesure d’habilitation familiale afin de pouvoir représenter sa mère

Par arrêt du 19 octobre 2016, la Cour d’appel de Lyon a confirmé la décision rendue en première instance, considérant qu’aucune disposition légale n’autorisait le juge des tutelles à ouvrir une mesure d’habitation familiale alors qu’il n’était saisi par le procureur de la République que d’une demande d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire.

La Cour de cassation a confirmé l’analyse de la Cour d’appel et rejeté le pourvoi de la fille de la personne protégée.

Par cet arrêt de rejet, la Haute juridiction rappelle donc que ces deux mesures sont bien distinctes, répondent à des régimes juridiques différents et que, dès lors qu’aucun texte ne le prévoit, aucune passerelle ne peut être mise en place pour passer d’une demande d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire à une mesure d’habilitation familiale devant le juge des tutelles.

Marchés publics de travaux : fixation du point de départ des intérêts moratoires en cas de réclamation sur le décompte général

Les intérêts moratoires ont pour but de sanctionner le non-respect des délais de paiement, ce qui explique la nécessité de fixer le point de départ de ces intérêts notamment dans le cas où le titulaire d’un marché de travaux conteste le décompte général.

En l’espèce, une commune a notifié au titulaire du marché un décompte général le 23 mai 2008 sans tenir compte des demandes de paiements supplémentaires formulées par l’entreprise.

Un mémoire en réclamation a alors été produit par l’entreprise le 30 juin 2008 et en l’absence de réponse du maître d’ouvrage public, cette dernière a saisi le tribunal administratif qui a accueilli sa demande en condamnant le maître d’ouvrage au versement d’une somme au titre du solde du marché, assorti d’intérêts contractuels à compter du 7 juillet 2008, soit 45 jours après la notification du décompte général.

Saisie d’un appel du titulaire du marché, la cour administrative d’appel a augmenté le montant des condamnations au titre du solde du marché ainsi que les intérêts moratoires en fixant le point de départ au 15 août 2008.

Sur pourvoi en cassation de l’entreprise, le Conseil d’Etat fait application de l’article 1er du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics applicable à l’époque des faits, repris à l’article 2 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique.

Cette disposition prévoit que « pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître d’ouvrage ».

Le Conseil d’Etat en déduit que « lorsqu’un décompte général fait l’objet d’une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu’à compter de la réception de cette réclamation par le maître d’ouvrage. »

La Cour administrative d’appel n’a donc commis aucune erreur de droit en fixant la date du 15 août 2008 comme point de départ des intérêts moratoires, soit 45 jours après le 1er juillet 2008 puisque celui-ci correspond à la date de réception de la réclamation.

Marché de maîtrise d’œuvre : pénalités de dépassement de seuil et rémunération supplémentaire

Dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’un marché de maîtrise d’œuvre, opposant le maître d’ouvrage, la commune de Lyon et le maître d’œuvre, société d’architecture, le bien-fondé de l’application de pénalités liées au dépassement de seuil en phase ACT (assistance à la passation des contrats de travaux) était notamment contesté.

Sur le fondement de l’article 7.4 du marché de maîtrise d’œuvre, la commune avait sanctionné le dépassement du coût prévisionnel des travaux que la maîtrise d’œuvre s’était contractuellement engagée à respecter dans la phase ACT et fait application d’une pénalité de 20% du dépassement.

Toutefois, la Cour administrative d’appel, tout comme le Tribunal administratif en première instance, écarte ces stipulations,  incompatibles avec les dispositions de l’article 30 du décret du 29 novembre 1993, pris en application des articles 9 et 10 de la loi MOP du 12 juillet 1985, qui ne prévoient pas au stade ACT qu’un tel dépassement puisse entraîner des pénalités financières.

Seule est prévu à ce stade, la possibilité donnée au maître d’ouvrage d’imposer au maître d’œuvre de reprendre gratuitement ses études.

Ainsi, « que si la mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire librement fixée par les parties au contrat, les conséquences de la méconnaissance par la maîtrise d’œuvre de ses engagement sur un coût prévisionnel des travaux doivent être fixées par décrets en Conseil d’Etat, et ne peuvent être librement déterminées par les parties au contrat contrairement à ce que soutient la ville de Lyon ».

L’argument de la commune, tiré de la liberté contractuelle, n’est donc pas retenu par les juges, puisque cette liberté doit s’exercer dans le cadre législatif et réglementaire qui l’encadre.

Ne sont pas davantage invocables par la commune, les autres dispositions du décret précité prévoyant que le maître d’ouvrage peut prévoir d’autres clauses d’incitation à de meilleurs résultats quantitatifs ou qualitatifs, dès lors que ne peuvent être assimilées clause d’incitation et pénalité, laquelle constitue une mesure coercitive.

Enfin, s’agissant de la rémunération supplémentaire formulée par la maîtrise d’œuvre, la Cour administrative d’appel rappelle que, en application des dispositions de l’article 9 de la loi MOP et de l’article 30 du décret précité, seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage peuvent donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de la rémunération du titulaire du contrat de maîtrise d’œuvre.

En outre, le maître d’œuvre qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre et qui m’ont pas été décidées par la maître d’ouvrage n’a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art, soit le maître d’œuvre a été confronté dans l’exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverses l’économie du contrat.

Ici, « la nécessité de réaliser cette étude complémentaire est apparue à la suite d’un appel d’offres infructueux et du dépassement sensible du coût estimé par le maître d’œuvre », de sorte que la Cour a confirmé le jugement de première instance rejetant la demande de versement d’honoraires supplémentaires.

Vers la généralisation du dossier médical partagé dans le secteur médico-social

La Ministre des solidarités et de la santé a publié le 13 mars 2018 une instruction ministérielle, n° SG/DSSIS/DGOS/DGCS/CNAM/2018/72, relative à l’accompagnement en région de la généralisation dossier médical partagé.

Pour rappel, le dossier médical partagé a été créé par la loi du 13 aout 2004. Son but est de permettre une meilleure coordination des soins entre les professionnels de santé, la médecine de ville et les établissements de santé ou médico-sociaux. Il vise aussi à faciliter l’accès du patient aux informations concernant ses pathologies et les traitements afférents, et à améliorer la continuité des soins.

L’article 96 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a confié la conception, la mise en œuvre et l’administration du dossier médical partagé à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Celle-ci a ainsi expérimenté le nouveau dispositif dans 9 départements, qui sera ainsi généralisé sur l’ensemble du territoire.

En ce sens, la présente instruction ministérielle vise à demander aux Agences régionales de santé et aux directeurs coordinateurs de la gestion du risque de l’Assurance maladie de mettre en œuvre des plans d’action en vue la généralisation du DMP, notamment au sein des EHPAD.

Il est ainsi enjoint aux autorités compétentes de réaliser des études visant à établir la compatibilité des systèmes d’information de ces établissements à la généralisation du DMP. Cette cartographie permettra notamment d’identifier les EHPAD qui disposent d’un système de dossier patient informatisé (DPI) et dont le système d’information permettra de basculer plus facilement vers le DMP. De même, l’instruction ministérielle précise que les personnels de l’ensemble des EHPAD seront sensibilisés à l’alimentation du DMP par l’entremise des médecins coordinateurs ou via leur participation aux commissions de coordination gériatrique.

 

L’encadrement, par le Conseil d’Etat, du pouvoir du préfet de dévolution des actifs nets immobilisés d’un Établissement et service social ou médico-social (ESSMS) fermé

Dans son arrêt n° 404819 du 26 mars 2018, le Conseil d’Etat a limité les pouvoir du préfet de dévolution des actifs nets immobilisé d’un Établissement et service social ou médico-social (ESSMS) fermé, au cas où son gestionnaire n’aurait pas choisi les modalités de versement des sommes concernées dans un délai de 30 jours.

Par arrêté en date du 31 mars 2010, le préfet et le président du Conseil général du Val d’Oise avaient prononcé la fermeture définitive de l’ensemble des 11 établissements et services gérés par l’association Le Colombier. Cette fermeture intervenait en application des dispositions de l’article L. 313-16 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), qui prévoit ce type de mesures en cas de menaces sur la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies.

Le 29 octobre 2010, les mêmes autorités signaient, conjointement avec le directeur général de l’Agence régionale de santé, un arrêté procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé des ESSMS gérés par l’association, au bénéfice de deux autres associations. L’association Le Colombier formait un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui rejetait sa demande par un jugement en date du 5 avril 2012. Après un rejet de son appel, elle saisissait le Conseil d’Etat qui cassait l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris et renvoyait l’affaire devant celle de Versailles, qui donnait à nouveau raison aux autorités signataires de l’arrêté.

Si cette affaire a donné lieu à un si long contentieux, c’est parce que les faits se situent dans une des zones d’ombre du CASF. En effet, ce dernier prévoit, par les dispositions combinées des articles L. 313-19 et R. 314-97, que, en cas de fermeture, le gestionnaire de l’établissement dispose d’un droit d’option quant au devenir de certaines sommes « affectées à l’établissement ou service fermé, apportées par l’Etat, l’ARS, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ou par les organismes de sécurité sociale » (article L. 313-19 CASF), et notamment les subventions d’investissement non amortissables, les excédents d’exploitation provenant de la tarification affectés à l’investissement.

Il peut ainsi attribuer ces sommes à une collectivité publique ou à un établissement privé, après accord de l’autorité ou des autorités ayant délivré l’autorisation. En cas d’absence du choix du gestionnaire, ou de refus de ce choix par l’autorité, il revient au préfet d’effectuer ce choix.

L’article R. 314-97 précise les modalités de cette redistribution en disposant que l’organisme gestionnaire de l’établissement fermé peut s’acquitter de l’obligation de reversement des subventions d’investissement en procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé. Il dispose alors d’un délai de 30 jours pour choisir entre le versement des sommes au titre de l’article L. 313-19 ou la dévolution de l’actif net immobilisé. Passé ce délai il revient au préfet d’arrêter ce choix.

Le vide juridique en question concerne donc, pour le cas où le gestionnaire n’a pas fait état de son choix dans le délai de 30 jours, le devenir des sommes qui font partie de l’actif net immobilisé, mais qui ne sont pas couvertes par les dispositions de l’article L. 313-19. Sur ce point, le Conseil d’Etat se prononce clairement :
« Il en résulte que lorsque, passé ce délai de trente jours, l’organisme n’a pas fait connaître son choix, seul le reversement des sommes énumérées par l’article L. 313-19 du CASF peut être poursuivi par le préfet, le cas échéant, par application du régime de recouvrement forcé des créances publiques ».

Ainsi, appliqué au cas d’espèce, le préfet n’aurait pas dû prononcer la dévolution de l’ensemble de l’actif net des établissements ou services concernés par la fermeture.

Irrecevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre un acte détachable d’un contrat de délégation de service public et précision sur le recours en contestation de validité d’un avenant.

Dans la décision du 3 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Douai a fait application de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n° 358994) à l’avenant d’un contrat de délégation de service public (en l’occurrence, un contrat d’affermage, ou contrat de concession sous le vocable de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession).

Par une délibération du 27 janvier 2015, le conseil municipal de la commune de Moyvilliers avait approuvé la conclusion d’un avenant de prolongation de la durée du traité d’affermage conclu avec la société SAUR pour l’exploitation de son réseau de distribution d’eau potable et autorisé le maire de la commune à le signer.

Une habitante de la commune de Moyvilliers a, toutefois, saisi le Tribunal administratif d’Amiens d’un recours en excès de pouvoir aux fins d’obtenir l’annulation de cette délibération. Le Tribunal administratif d’Amiens a rejeté cette demande d’annulation par une ordonnance du 2 juin 2015 contre laquelle la requérante a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Douai.

Saisie de cette affaire, la Cour administrative d’appel, après avoir repris le considérant de principe de la décision Département Tarn-et-Garonne du Conseil d’Etat, rappelle qu’un recours en contestation de la validité d’un contrat « ne trouve à s’appliquer, […] quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision ».

Et, la Cour prend soin de préciser, dans la décision commentée, qu’il appartient au requérant de contester une délibération portant approbation d’un avenant et autorisant sa signature dans le cadre « d’un recours de pleine juridiction en contestation de la validité de l’avenant lui-même », y compris lorsque le « contrat initial est antérieur à la lecture de la décision précitée du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat » et à condition que l’avenant ait été signé postérieurement à la date du 4 avril 2014.

Rejetant ainsi logiquement l’appel de l’exposante, la Cour administrative d’appel de Douai fournit, par la décision commentée, une précision utile à la recevabilité du recours en contestation de la validité à l’encontre d’un avenant à un contrat administratif.

Sur la mutualisation des infrastructures aériennes électriques dans le déploiement des réseaux d’initiative publique

Par une question ministérielle du 8 mars 2018, l’attention du secrétaire d’État chargé du numérique a été appelé sur les difficultés des collectivités locales à utiliser les poteaux d’ENEDIS déjà existants pour assurer le déploiement des réseaux d’initiative publique (ci-après, les « RIP »). A l’occasion de cette question, il a été suggéré au secrétaire d’État d’édicter une législation conférant aux collectivités territoriales la faculté d’imposer à ENEDIS de signer des conventions permettant l’utilisation de ses infrastructures afin de limiter, d’une part, les coûts d’installation et, d’autre part, les nuisances visuelles constatées avec la multiplicité des installations de poteaux et de fils.

Après avoir rappelé les objectifs de 100% de couverture du territoire en très haut débit d’ici 2022, le secrétaire d’État a indiqué que deux types de réponses avaient déjà été apportés à la problématique soulevée par la question parlementaire.

La première réponse est de nature règlementaire puisque le secrétaire d’État a précisé que depuis 2016 a été créé l’article L. 34-8-2-1 du Code des postes et des communications électroniques qui oblige les gestionnaires d’infrastructures d’accueil à accorder l’accès à leurs réseaux dans des conditions, y compris tarifaires, équitables et raisonnables. En outre, les refus d’accès à ces conditions peuvent faire l’objet d’une saisine de l’ARCEP dans le cadre de ses missions de règlement des différends.

La seconde réponse a consisté pour le Gouvernement à sensibiliser ENEDIS « sur l’importance d’entretenir des rapports de qualité, en particulier dans le cadre de la convention-type négociée au niveau national, avec les exploitants de réseau ouvert au public à très haut débit, y compris les collectivités territoriales ». Le secrétaire d’Etat a notamment précisé que « lors de son audition par le comité de concertation France Très Haut Débit du 12 avril 2018, ENEDIS s’est engagé à prendre des mesures favorisant l’accès aux poteaux électriques des réseaux en fibre optique » et que le Gouvernement allait veiller à la concrétisation de ses engagements par ENEDIS.

Loi ELAN : Les principales dispositions du projet de loi en droit de l’urbanisme, de l’aménagement et de la copropriété en première lecture à l’Assemblée Nationale

Le projet de loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) sera examiné en séance publique en première lecture à l’Assemblée Nationale fin mai / début juin 2018  : l’occasion de faire un point sur les principales mesures de la dernière mouture du projet de loi en droit de l’urbanisme, de l’aménagement et de la copropriété.

Rappelons qu’avant le dépôt du projet de loi, s’est tenue une conférence de consensus au Sénat du 12 décembre 2017 au 8 février 2018 sur l’avant-projet.

Le Conseil d’Etat a ensuite rendu son avis sur le projet le 29 mars 2018 et le projet a été adopté en conseil des ministres le 4 avril suivant avant d’être la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale (à noter que près de 2.500 amendements ont d’ores et déjà été déposés en commission).

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet avec l’objectif que la loi soit adoptée après l’été.

En l’état, le projet est structuré autour de quatre titres :

Titre 1 : Construire plus, mieux et moins cher

Titre 2 : Évolution du secteur du logement social

Titre 3 : Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale

Titre 4 : Améliorer le cadre de vie

Les dispositions concernant l’urbanisme et l’aménagement sont regroupées dans le titre Ier avec un objectif affiché de permettre la libération et la mobilisation du foncier, la transformation de bureaux en logement et l’amélioration des procédures d’urbanisme.

Les dispositions relatives à la copropriété sont intégrées au Titre 4, articles 59 et 60. L’objectif du gouvernement est de mettre à la disposition des collectivités territoriales de nouveaux outils permettant de renforcer  la lutte contre les copropriétés en difficulté et d’adapter, de simplifier et de moderniser le droit applicable en la matière en procédant à une codification du droit des copropriétés.

  1. Les opérations d’aménagement d’une certaine ampleur ou complexes : Les PPA, GOU et OIN

1.1          Les nouveaux outils : PPA et GOU

L’article 1er du projet de loi concerne deux nouveaux outils, le projet partenarial d’aménagement  (PPA) la grande opération d’urbanisme (GOU) avec l’objectif de renforcer la place de l’intercommunalité.

Il s’agirait, pour les opérations d’aménagement d’une certaine ampleur ou complexes, de prévoir un régime spécifique dans l’objectif de faciliter leur réalisation.

Ces GOU seraient donc portées au niveau intercommunal par les Etablissements de coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, les EPT ou les métropoles de Paris et Lyon.

A l’intérieur du périmètre de ces GOU, plusieurs dérogations sont prévues par le projet de loi afin de faciliter leur réalisation.

Ainsi et notamment, le président de l’établissement public ou de la collectivité à l’initiative de la GOU disposerait de la compétence pour délivrer, sous condition, les autorisations d’urbanisme ; une zone d’aménagement différé peut être créée au sein du périmètre de la GOU ; une commune située à l’intérieur du périmètre peut confier la réalisation et la gestion d’équipements publics relevant de sa compétence à l’établissement public ou la collectivité à l’initiative de l’établissement public ou de la collectivité à l’initiative de la GOU.

Toutefois, pour être qualifiée de GOU – et ainsi bénéficier du régime dérogatoire précité – l’opération d’aménagement devra être prévue par un PPA qui prend la forme d’un contrat signé entre l’Etat et l’établissement public ou la collectivité à l’initiative de la GOU.

Par ailleurs, les collectivités territoriales, les établissements publics, les SPL et acteurs privés susceptibles de prendre part à la réalisation des opérations prévues par ledit contrat peuvent également en être signataires.

Ainsi que cela est précisé dans l’exposé des motifs du projet de loi, ce PPA « vise à définir un projet de territoire comprenant des objectifs de production de logements. Il permettra de mobiliser les opérateurs pour la conduite de grandes opérations d’aménagement et le cas échéant les financements des différents partenaires, publics et privés ».

A noter sur ce point, que, si le PPA est un préalable nécessaire à la GOU, un PPA pourrait être signé alors même qu’une GOU n’a pas vocation à être créée.

1.2          Les précisions apportées aux OIN

Le projet de loi (article 2) clarifie ensuite le régime des OIN en précisant les critères auxquels doivent répondre les projets d’aménagement susceptibles de bénéficier de cette qualification et en rassemblant l’ensemble des dispositions dérogatoires au droit commun.

Ainsi, peut être qualifiée d’OIN, « une opération d’aménagement qui répond à des enjeux d’une importance  telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et à laquelle l’Etat décide par conséquent de consacrer des moyens particuliers » (nouvel article L 102-12 du Code de l’urbanisme).

Le nouvel article L. 102-13 du Code de l’urbanisme énumère, quant à lui, les dispositions dérogatoires du droit commun applicables au sein des OIN qui étaient jusque-là dispersées au sein du code de l’urbanisme.

A noter sur ce point que le projet de loi prévoit désormais, au sein des OIN, la possibilité de rétablir la compétence de droit commun pour délivrer les autorisations d’urbanisme dans des secteurs particuliers préalablement définis par le décret en Conseil d’Etat créant l’OIN. Cette dérogation serait applicable pendant un délai limité déterminé par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme.

  1. Les moyens nouveaux mis au service des opérations d’aménagement et d’urbanisme

Les articles 3, 4 et 5 du projet de loi prévoient des moyens nouveaux mis au service des opérations d’aménagement et d’urbanisme.

Tout d’abord, il convient de noter l’extension aux GOU de la procédure intégrée pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme prévue au profit des projets de logements et de locaux d’activités ou d’immobilier d’entreprise par l’article L. 300-6-1 du Code de l’urbanisme.

Ensuite, le projet de loi élargit les possibilités d’intervention des établissements publics d’aménagement et de Grand Paris Aménagement. Ces derniers pourraient désormais, en dehors de leur périmètre de compétence, être titulaires d’une concession d’aménagement et réaliser ou faire réaliser pour le compte du concédant les opérations d’aménagement correspondantes et les acquisitions immobilières nécessaires à ces opérations. Ces mêmes établissements disposeraient de la faculté nouvelle de créer des SPLA-IN ou des SEM d’aménagement à opération unique.

Ces interventions nécessiteraient toutefois l’accord préalable du ministre chargé de l’urbanisme et du ministre chargé du budget après avis du ou des EPCI à fiscalité propre, compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de schéma de cohérence territoriale, et du ou des conseils municipaux de la ou des communes non membres de ces établissements concernés.

Il s’agirait d’aider les collectivités à mettre en œuvre un PPA

  1. Les modifications apportées au régime des ZAC à intervenir majoritairement par ordonnances

S’agissant des ZAC, le projet de loi prévoit (articles 4 et 5) d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à accélérer l’aménagement et l’équipement des ZAC, à simplifier et à améliorer les procédures applicables à ces zones.

A ce titre, l’habilitation concernerait :

  • L’adaptation de la procédure actuelle pour tenir compte de l’élaboration progressive et itérative du projet d’aménagement ;
  • L’adaptation du champ et des modalités de la concertation préalable et les modalités de participation du public ;
  • L’amélioration des dispositifs de financement des équipements publics.

Sur ce dernier point, il convient de noter la suppression d’une disposition du projet de loi qui prévoyait la modulation des participations en fonction des catégories de constructions – Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs relevé dans son avis du 29 mars 2018 que cette disposition était susceptible de porter atteinte au principe d’égalité des constructeurs.

En revanche et outre l’habilitation à procéder par ordonnances, le projet de loi modifie, d’ores et déjà le régime des participations des constructeurs qui n’auraient pas acquis leur terrain de l’aménageur dans le cadre d’une ZAC à maîtrise foncière partielle.

Il prévoit, en effet, d’en simplifier la mise en œuvre en permettant un versement direct de la participation à l’aménageur (alors que jusqu’à présent la participation est versée à la commune – article L. 311-4 du Code de l’urbanisme).

Par ailleurs, il convient de noter que la commission des lois a, par amendement, proposé de compléter l’article 5 du projet par une disposition tendant à imposer à l’autorité environnementale, qui décide de soumettre un plan ou programme à étude environnementale après examen au cas par cas, d’indiquer les objectifs spécifiques poursuivis par la réalisation de l’étude, sa durée et son coût prévisionnel.

  1. La simplification des procédures d’urbanisme

4.1          Les documents d’urbanisme

S’agissant des documents d’urbanisme, le projet de loi (article 13) prévoit également une habilitation d’agir par ordonnance conformément à l’article 38 de la Constitution.

Cette dernière a pour objet principal de limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prise en compte faites aux documents d’urbanisme locaux dont l’application s’avère aujourd’hui particulièrement complexe et source d’insécurité juridique compte tenu du nombre de documents concernés par cette obligation.

A côté de cette habilitation, le projet de loi prévoit de modifier le second alinéa de l’article L. 174-6 du Code de l’urbanisme en limitant la remise en vigueur d’un POS après l’annulation contentieuse d’un PLU à une durée d’un an au-delà de laquelle le règlement national d’urbanisme s’appliquera sur le territoire faute de régularisation du PLU annulé.

4.2          Les autorisations d’urbanisme

Le projet de loi (articles 15 à 17) prévoit, tout d’abord, de substituer à l’avis conforme de l’Architecte des Bâtiments de France un avis simple pour les projets d’installation d’antennes relai de radiotéléphonie mobile et sur les travaux destinés à remédier aux problèmes posés par l’habitat indigne, l’insalubrité et les immeubles menaçant ruine dans les secteurs protégés au titre du patrimoine.

Il propose ensuite, afin de clarifier le dossier de demande des autorisations d’urbanisme, de préciser au sein de l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme que « le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords et les dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre ». Sur ce point, il n’est pas exclu que la précision opérée crée de nouvelles incertitudes dans la mesure où cette disposition ne limite pas les pièces imposées à celles visées par les dispositions règlementaires du code de l’urbanisme.

Cela étant et toujours dans un objectif de clarification, le projet de loi propose de supprimer la possibilité pour le maire de solliciter un plan intérieur du projet lorsque les demandes de permis de construire ou les déclarations préalables concernent la construction de logements collectifs (article L. 423-1 alinéa 3 du Code de l’urbanisme).

Enfin, il est prévu de permettre dans certaines communes – à définir par décret – d’imposer à compter du 1er janvier 2022, de disposer d’une téléprocédure permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme.

  1. Le contentieux de l’urbanisme : accélération des procédure, lutte contre les recours abusifs et sécurisation des autorisations

L’article 24 du projet de loi prévoit diverses mesures relatives au contentieux de l’urbanisme qui font suite aux propositions contenues dans le rapport pour un contentieux plus rapide et plus efficace remis par Madame Christine Maugüé au Ministre de la cohésion des territoires en janvier 2018.

5.1          Ainsi et afin de sécuriser les autorisations délivrées, le projet de loi prévoit de limiter les effets des annulations et des déclarations d’illégalité des documents d’urbanisme.

Il est, en effet, proposé un nouvel article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme qui permettrait que lorsqu’un document d’urbanisme a été annulé ou déclaré illégal pour des raisons étrangères au droit des sols de la zone où est situé un permis de construire délivré avant l’annulation précitée, ce seront toujours les règles de ce document d’urbanisme qui s’appliqueront, sans qu’il soit nécessaire de faire application des règles généralement obsolètes du document d’urbanisme antérieur.

Par ailleurs et s’agissant en particulier des règles applicables au sein des lotissements (article L. 442-14 du Code de l’urbanisme), il est prévu de maintenir la cristallisation des règles d’urbanisme applicables sous réserve que le motif d’annulation soit étranger aux règles d’urbanisme applicable au sein du lotissement.

Toujours dans l’objectif de sécuriser les autorisations d’urbanisme, le projet de loi prévoit d’imposer aux juridictions administratives, lorsque une annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme (article L. 600-5 du Code de l’urbanisme ) où un sursis à statuer aux fins de régularisation (article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ) est envisageable, de motiver leur refus de faire application de ces dispositions.

5.2          Ensuite, plusieurs dispositions sont envisagées afin d’accélérer les procédures et de lutter contre les recours abusifs.

Ainsi, un référé suspension contre une autorisation d’urbanisme ne pourrait être déposé que dans le délai de cristallisation des moyens (article L. 600-3 du Code de l’urbanisme ) ; cette mesure serait, par ailleurs, complétée par l’obligation pour le requérant dont le référé suspension a été rejeté, de confirmer le maintien de sa requête en annulation faute de quoi il sera réputé s’être désisté.

Les autorisations modificatives ou de régularisation intervenues au cours de l’instance dirigée contre l’autorisation initiale et communiquées aux parties ne pourraient être contestées que dans le cadre de cette instance (article L. 600-5-2 du Code de l’urbanisme reprenant et élargissant la jurisprudence récente du Conseil d’Etat sur ce point).

La procédure pour recours abusif prévue par l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme – jusque-là peu utilisée ou admise – est également amendée. Il est ainsi proposé de substituer « lorsque le droit au recours (…) est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant » par « lorsque le droit au recours (…) est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant ». La condition du caractère « excessif » du préjudice serait également supprimée.

Un encadrement des transactions avec les associations est également prévu (limiter les transactions financières).

5.3          A noter enfin, le rétablissement de la possibilité pour le préfet de solliciter, par une action civile, la démolition d’une construction dont l’autorisation a été définitivement annulée sans avoir à respecter les conditions posées par les dispositions de l’article L. 480-13 1° du Code de l’urbanisme.

  1. Le droit des copropriétés

Les dispositions concernant le droit des copropriétés sont insérées dans le Titre IV « Améliorer le cadre de vie » chapitre IV « Améliorer le droit des copropriétés » du projet de loi ELAN avec comme objectifs affichés de permettre une meilleure prise en charge des copropriétés en difficultés ainsi que de clarifier et moderniser le droit des copropriétés.

6.1 Les copropriétés en difficultés

Il existe en France aujourd’hui environ 100.900 copropriétés, soit 15 % du parc immobilier représentant près de 1,3 million de logements présentant des signes de fragilité.

Les travaux préparatoires menés par l’Agence Nationale Urbaine et par l’Agence Nationale de l’Habitat permettent au surplus d’identifier 4 à 60 sites dont les difficultés sont très importantes et sur lesquels des interventions de grande envergure sont nécessaires.

C’est la raison pour laquelle il est apparu indispensable de renforcer les dispositions issues de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite « loi ALUR », afin de rendre plus efficace les futures interventions dans ces sites en difficultés et ce, au regard de l’expérience opérationnelle accumulée depuis 4 ans dans le déploiement des opérations de requalification de copropriété dégradées prévues par les articles L. 741-1 et L. 741-2 du Code de la construction et de l’habitation.

L’objectif de cette réforme est de faciliter et d’accélérer le traitement des copropriétés dégradées afin d’accélérer le relogement dans les copropriétés en difficultés, de favoriser le déploiement des Opérations de requalifications des copropriétés dégradées (Orcod) et de sécuriser la procédure de carence.

A cet effet, l’article 59 du projet de Loi ELAN introduit les mesures suivantes :

– Modification de l’article L. 441-1 du Code de la construction et de l’habitat visant à prendre en charge les ménages dans les quartiers ORCOD dont les immeubles vont faire l’objet de démolition comme le sont ceux des quartiers ANRU, en les intégrant dans la liste des ménages à qui sont réservés 25 % des attributions de logements hors des quartiers politiques de la ville.

– Modification de l’article L. 741-1 du Code de la construction et de l’habitation visant à permettre au Maire et au Président de l’intercommunalité de faire usage de leur pouvoir de désignation pour le relogement des ménages en copropriétés dégradées lorsqu’ils lancent une opération de requalification de copropriétés dégradées (Orcod) qui n’est pas d’intérêt national (IN).

– Modification de l’article L. 741-1 du Code de la construction et de l’habitation visant à modifier les critères de déclanchement d’une Orcod-IN à savoir la suppression du critère relatif à la présence d’une ou plusieurs copropriétés en plan de sauvegarde.

– Modification de l’article L. 615-6 du Code de la construction et de l’habitation régissant la procédure de carence pour :

  • Simplifier le mode de saisine du Tribunal de Grande Instance pour lancer une procédure de carence.

Sur ce point, le projet de loi propose que l’action soit engagée « comme en matière de référé ».

  • Prévoir la possibilité pour un copropriétaire d’être entendu par le juge à l’audience et la notification de l’ordonnance de carence à tous les copropriétaires.

Le projet de loi entend ainsi faire du copropriétaire pris individuellement une partie.

– Modification de l’article L. 522.1 du Code de l’expropriation visant à introduire une procédure permettant une prise de possession anticipée et accélérée pour les bâtiments dégradés situés dans les Orcod lorsque des risques sérieux pour la sécurité des occupants rendent nécessaire la prise de possession anticipée, et qu’un projet de plan de relogement des occupants a été établi.

Les modifications relatives à la procédure de carence s’appliqueront aux procédures qui s’ouvriront à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Les autres modifications s’appliqueront dès l’entrée en vigueur de la loi.

6.2 La codification du droit des copropriétés

Le projet de la loi ELAN, et plus particulièrement de son article 60, autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance, d’une part pour codifier le droit de la copropriété afin de proposer un texte plus simple, clair et accessible, garant de sécurité juridique et contenant en son sein l’ensemble des règles applicables à la matière et, d’autre part, pour revoir les règles de gouvernance des copropriétés en les adaptant en fonction de la destination et de la taille de la copropriété afin d’améliorer leur gestion.

  • Simplifier le droit applicable en matière de copropriété

A l’heure actuelle le socle du droit de la copropriété repose sur la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et son décret n° 67-223 du 17 mars 1967.

Toutefois depuis lors, ce droit de la copropriété a connu une inflation législative importante. En effet, de nouveaux textes n’ont cessé d’être publiés et d’être intégrés dans divers codes, rendant ainsi le droit applicable d’une extrême complexité.

A cette inflation normative s’est également ajoutée une jurisprudence extrêmement dense.

C’est pourquoi, l’article 60 du projet de loi ELAN prévoit de concevoir un code destiné au public et aux praticiens qui contiendrait en son sein l’ensemble des dispositions spécifiques légales, règlementaires et jurisprudentielles applicable à la matière.

L’objectif poursuivi est donc de proposer un texte plus simple, plus clair et accessible.

A cet effet, il est prévu de : 

– réécrire les articles trop longs, en les simplifiant ;

– supprimer certains textes sans intérêt pratique ;

– regrouper certains thèmes par l’adoption d’un plan rigoureux et problématisé ;

– proposer des définitions claires et précises de notions clefs, telles que « lot », « syndicat de copropriété », « syndic » ou encore « conseil syndical » .

  • Volonté d’« individualiser » le droit applicable aux copropriétés

Au-delà d’être devenu un droit extrêmement complexe, le droit de la copropriété est devenu un droit vieillissant, peu adapté aux besoins sociétaux actuels.

Aujourd’hui en effet, il existe trois grands types de copropriétés, à savoir les petites, les moyennes et les grandes. Selon les dernières données tirées du registre des copropriétés, la répartition des copropriétés en France est la suivante :

– 2 % des copropriétés comportent plus de 200 lots principaux ;

– 23 % des copropriétés comportent entre 50 et 199 lots principaux ;

– 75 % des copropriétés comportent moins de 50 lots principaux ;

Or, il n’existe qu’un droit de la copropriété applicable à toutes sans exception, alors même que leurs besoins sont différents.

C’est pourquoi l’article 60 du projet de loi ELAN prévoit des aménagements et des assouplissements, tenant compte de la diversité des copropriétés et de leur taille.

Ainsi, s’agissant des petites copropriétés il est prévu de réfléchir à des mesures telles que :

– la dispense de syndic et/ou de conseil syndical ;

– l’assouplissement des règles de convocations et de tenue des assemblées générales ;

– la simplification de la procédure relative aux actions en paiement de la quote-part des parties communes engagées contre les copropriétaires ;

– le recours simplifié au syndicat coopératif ;

Concernant les grandes copropriétés, il est donné la possibilité d’opter pour un régime d’administration spécifique qui pourrait se traduire par des délégations de pouvoirs données à un conseil syndical renforcé, sous le contrôle de l’assemblée générale des copropriétaires, tout en instaurant l’intervention d’organes externes, notamment pour vérifier les comptes.

Plus généralement, il est prévu de simplifier les règles relatives à la tenue des assemblées générales. Il est ainsi envisagé la possibilité d’adresser certaines notifications sur l’extranet de la copropriété ; de faciliter le régime des procurations et d’autoriser le vote par correspondance, ainsi que le recours à la visioconférence.

Enfin, il est également prévu de diminuer progressivement les seuils de majorités requis pour faciliter la prise de décision en matière de travaux par l’assemblée générale, permettant ainsi de prévenir la dégradation des copropriétés et de favoriser les économies d’énergie.

Ce Code de la copropriété doit être publié dans un délai maximum de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Claire-Marie Dubois Avocat Associé, Céline Lherminier Avocat Associé et Arthur Gayet Avocat sénior et Manon Boinet élève avocat 

Rapport de la Cour des comptes sur le soutien aux énergies renouvelables

L’engagement français en faveur des énergies renouvelables s’inscrit dans le cadre d’objectifs européens formalisés à partir de 2001 par des directives successives.
La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de politique énergétique (dite « Loi POPE ») est la première à chiffrer des objectifs de promotion des énergies renouvelables en fixant un objectif de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.
En 2015, le législateur poursuit son objectif de promotion des énergies renouvelables par le biais de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte (ci-après, la « Loi LTECV »), en fixant un nouvel objectif de pénétration des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à 32% d’ici 2030. Cette trajectoire est ensuite mise en œuvre et déclinée au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie (ci-après, « PPE »).
Afin d’apprécier la réalisation de cet objectif et l’efficience des moyens mis en place pour y parvenir, la Cour des comptes a été saisie, par lettre du 19 décembre 2016 de la présidente de la commission des finances du Sénat, sur le fondement du 2° de l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, d’une demande d’enquête portant sur les politiques publiques de soutien au développement des énergies renouvelables. Cette enquête a donné lieu à la rédaction du rapport sur le soutien aux énergies recouvrables publié le 18 avril 2018 qui fait l’objet de la présente brève.
La Cour des comptes commence par exposer la stratégie française de transition pour la croissance verte. L’objectif est double puisqu’il s’agit, d’une part, de limiter les émissions de gaz à effet de serre en se substituant aux énergies fossiles et, d’autre part, de réduire la part de l’énergie nucléaire à 50 % du mix électrique d’ici 2025. Cependant, la Cour des comptes constate que l’objectif de réduction de l’énergie nucléaire n’est pas compatible avec la trajectoire d’augmentation des capacités d’énergies renouvelables électriques déterminée en 2016 par la PPE. La Cour des comptes préconise donc de définir une stratégie énergétique cohérente, à l’occasion de la révision de la PPE en 2018, entre les objectifs de production d’énergies renouvelables et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire.
S’agissant des moyens mis en œuvre pour développer les énergies renouvelables, la Cour des comptes note que la politique de soutien aux énergies renouvelables s’articule principalement autour de deux leviers, celui des subventions et des avantages fiscaux, d’une part, celui de la taxation des énergies fossiles, d’autre part.
Or, la Cour des comptes relève une disparité importante dans l’allocation des soutiens financiers entre les énergies renouvelables électriques et thermiques qui n’est pas en adéquation avec les résultats de ces domaines respectifs. Ainsi, les énergies renouvelables électriques bénéficient de l’essentiel des dépenses publiques avec, en 2016, 4,4 milliards d’euros contre 567 millions d’euros pour les énergies renouvelables thermiques. Or, ces dernières représentent 60% de la production nationale d’énergie renouvelable (hors transport). La Cour des comptes en conclut que « les soutiens octroyés par l’État se sont […] avérés disproportionnés par rapport à la contribution de certaines filières aux objectifs de développement des [énergies renouvelables] ».
A titre d’exemple, la Cour des comptes note que les garanties accordées dans le photovoltaïque était de l’ordre de 2 milliards d’euros par an depuis 2011 pour un volume de production équivalent à seulement 0,7% du mix électrique. De même, elle constate que « la pleine réalisation des appels d’offres de 2011 et 2013 sur l’éolien offshore coûterait aux finances publiques 2 Md€ par an pendant 20 ans (soit 40,7 Md€ en cumulé) pour un volume équivalent à 2 % de la production électrique ».
Au regard de ce constat, la Cour des comptes considère désormais indispensable de calculer et révéler le coût complet du mix énergétique programmé et les soutiens publics induits, et d’asseoir les décisions de programmation énergétique sur ces informations. Afin de faciliter la mise en œuvre de l’analyse précitée, elle recommande de créer un comité chargé d’éclairer les choix gouvernementaux relatifs à l’avenir de la politique de l’énergie.
En définitive, l’enjeu de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie de 2018, appelée des vœux de la Cour des comptes, est double. En premier lieu, il apparaît impératif, sur le plan stratégique, de définir une stratégie énergétique cohérente entre les objectifs de production d’énergies renouvelables électriques et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix. En second lieu, il est indispensable, sur le plan des moyens, d’évaluer le potentiel énergétique de chaque filière pour programmer les soutiens publics en adéquation avec ledit potentiel et éviter de subventionner massivement des filières peu productives.

Autorisation environnementale : les pouvoirs de régulation du juge administratif

Saisie d’un recours en annulation de l’autorisation environnementale accordée pour l’exploitation de la ferme dite « des 1 000 vaches », la Cour administrative d’appel de Douai a interrogé le Conseil d’Etat sur quatre questions concernant les règles contentieuses applicables.

Dans son avis du 22 mars 2018, le Conseil d’Etat interprète les dispositions de l’article L.181-18 du Code de l’environnement, issu de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale et donne ainsi la portée des pouvoirs dont dispose « le juge de l’autorisation environnementale ». Les dispositions examinées sont les suivantes :

« I.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :

1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;

2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

II.- En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées. »

Tout d’abord, concernant le sursis à statuer en vue d’une régularisation de l’autorisation, le Conseil d’Etat précise que le juge administratif peut fixer prononcer le sursis à statuer lorsque le vice constaté entache d’illégalité une partie de l’autorisation ou la totalité, y compris s’il n’affecte qu’une phase de l’instruction, dès lors qu’il est régularisable et définir les modalités de régularisation ainsi que le délai dans lequel cette régularisation doit intervenir (voir considérant 4 et 5). Sur ce point, la Haute juridiction rappelle que le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l’autorisation attaquée et implique donc l’intervention d’une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée (voir considérant 6).

Ensuite, le Conseil d’Etat se prononce sur les modalités d’annulation partielle de l’autorisation environnementale. Il se fonde sur les dispositions du 1° du I de l’article L. 181-18 pour indiquer que le juge peut prononcer « des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles » (considérant 7). Il est précisé que l’annulation d’une phase d’instruction est possible dès lors qu’un vice de procédure est constaté. Le juge est alors invité à indiquer expressément quelle phase doit être regardée comme viciée (examen, enquête publique, phase de décision) afin de simplifier la reprise de la procédure administrative (considérant 8). Enfin, pour répondre précisément à la troisième question de la Cour administrative d’appel de Douai, le Conseil d’Etat conclut en indiquant que l’instruction devra déboucher sur une nouvelle décision portant, en cas d’annulation totale, sur l’ensemble de la demande d’autorisation environnementale et, en cas d’annulation d’un élément divisible, sur ce seul élément (voir considérant 9).

La deuxième question de la Cour administrative d’appel portait sur les modalités de suspension de l’autorisation prévue au II de l’article L.181-18 C. env.. Sur ce sujet, le Conseil d’Etat conclut que le juge administratif, lorsqu’il prononce l’annulation d’une partie divisible de l’autorisation peut suspendre l’exécution de la partie non annulée de l’acte dans sa décision d’annulation dans l’attente de la nouvelle décision que l’administration. Il peut également, sur le même fondement, lorsqu’il sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation, suspendre l’exécution de celle-ci cette suspension pouvant concerner des parties viciées et non viciées. En revanche, lorsque le juge prononce l’annulation de l’autorisation dans son ensemble, ces dispositions sont sans objet puisque l’autorisation attaquée n’existe plus (considérant 12).

Enfin, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les modalités de la régularisation de l’autorisation attaquée et a indiqué que pour être valide, celle-ci doit appliquer les dispositions en vigueur à la date de la décision attaquée s’il s’agit d’un vice de forme et à la date de la décision de régularisation s’il s’agit d’un vice de fond. Par ailleurs, « lorsque le juge a annulé la décision, que ce soit pour un vice de forme ou de procédure ou un motif de fond, la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient » (considérant 16). La Haute juridiction précise également qu’une insuffisance du dossier de demande telle que la capacité technique et financière, qui était au nombre des informations à transmettre en vertu de la réglementation applicable à la date de la délivrance de l’autorisation, et qui est soumis à enquête publique, entraîne un défaut d’information du public, qui est susceptible d’entacher la légalité de la décision (considérant 17). Il indique plus précisément sur ce dernier point que « la circonstance que les règles de composition du dossier de demande aient évolué, en l’espèce dans un sens favorable au demandeur, ne dispense pas ce dernier de l’obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l’autorisation attaquée. S’il est établi que l’autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l’autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli. Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l’information du public si le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision. Le juge peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ».

GeMAPI : la circulaire du 3 avril précise les dispositions applicables depuis l’entrée en vigueur la loi Fesneau

Les ministères de l’intérieur et de la transition écologique ont publié une circulaire le 3 avril 2018 à destination des préfets afin de préciser certaines notions de la Loi « Fesneau » du 30 décembre 2017.

  1. Le rôle du département et de la région dans la mise en œuvre et le financement de la GeMAPI

Comme nous l’avons déjà précisé dans un article précédent (voir Focus LAJEE janvier 2017 : GeMAPI : les dernières évolutions législatives de la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations pour une mise en œuvre au 1er janvier 2018), la présente circulaire réaffirme la possibilité, pour les départements et les régions, de continuer à assurer des missions de la GeMAPI tant qu’ils concluent une convention avec les EPCI à fiscalité propre concernés.

La circulaire précise que, dans le cadre de cette faculté, les départements et régions qui le souhaitent peuvent demeurer membres des structures syndicales auxquelles ils adhéraient à la date du 1er janvier 2018. A compter de cette date, ils peuvent également adhérer à un syndicat mixte ouvert (SMO) constitué ou non sous la forme d’EPTB ou d’EPAGE.

La circulaire rappelle par ailleurs l’obligation pour les départements et régions qui souhaitent continuer à intervenir dans le domaine de la GeMAPI de conclure une convention avec les EPCI de leur territoire et envisage, en outre, la participation du syndicat compétent à cette convention.

De plus, la loi du 30 décembre 2017, par la modification de l’article L. 1111-10 du CGCT, étend la possibilité, pour les régions, de contribuer au financement des projets relatifs aux missions constitutives de la compétence GeMAPI :

« II.- La région peut contribuer au financement des projets mentionnés aux 1°, 2°, 5° et 8° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, présentant un intérêt régional, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par une commune mentionnée au V de l’article L. 5210-1-1 du présent code, un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte constitué en application de l’article L. 5711-1 ».

Sur ce point, il convient de préciser que les régions sont limitées au domaine de la GeMAPI et n’ont pas la même faculté que les départements, qui peuvent financer tous les projets dont la maîtrise d’ouvrage relève du bloc communal (voir I de l’art. L. 1111-10 CGCT).

Enfin, le domaine de la prévention des inondations est désormais éligible à l’assistance technique des départements (art. 8 de la Loi du 30 décembre 2017) et peut faire l’objet d’une mission facultative d’animation et de concertation (12° de l’art. L. 211-7 C. env.).

  1. Transfert de compétence aux syndicats

La circulaire confirme également la possibilité d’une sécabilité intra-items lors du transfert des compétences GeMAPI d’un EPCI à un syndicat en plus d’une sécabilité géographique (voir sur ce point : art. L. 5211-61 du CGCT, L. 213-12 C.env. et Focus LAJEE janv. 2017).

Elle précise que ce transfert partiel doit prendre en compte la cohérence hydraulique des systèmes d’endiguement dans les modalités d’organisation. A titre d’exemple, il est indiqué que lorsque deux digues interfèrent hydrauliquement l’une sur l’autre, ces dernières doivent faire partie du même système d’endiguement, ce qui implique de transférer à la même structure la compétence correspondante pour lui permettre de gérer le système d’endiguement qu’il définit.

Concernant l’adhésion d’un SMO à un autre SMO, une dérogation à « l’interdiction de principe » (qui n’est pourtant pas établie juridiquement) est prévue au titre des missions constitutives de la compétence GeMAPI (voir I quarter de l’art. L. 211-7 C. env.). La circulaire indique que cette adhésion est soumise à l’accord préalable du préfet coordonnateur de bassin qui apprécie la demande au regard du contexte local et de la cohérence hydrographique.

Enfin, l’autorisation temporaire de déléguer la compétence GEMAPI à des syndicats mixtes de droit commun et la possibilité de transférer par anticipation la compétence GeMAPI sont également exposés dans la circulaire. Sur ces sujets, un développement avait été effectué dans un précédent article auquel il est possible de se référer (voir Focus LAJEE , janvier 2017).

  1. Le régime de responsabilité des gestionnaires d’ouvrages de protection contre les inondations et les submersions marines

L’article L. 562-8-1 du Code de l’environnement issu de la loi du 30 décembre 2017 précise le régime de responsabilité applicable aux gestionnaires d’ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions marines durant la période transitoire courant entre la mise à disposition de l’ouvrage et l’autorisation du système d’endiguement :

« Lorsqu’une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s’est vu mettre à disposition un ouvrage en application de l’article L. 566-12-1, si un sinistre survient avant l’expiration du délai maximal fixé par le décret en Conseil d’Etat mentionné au troisième alinéa du présent article, à l’échéance duquel l’ouvrage n’est plus constitutif d’une digue au sens du I de l’article L. 566-12-1 ou est réputé ne pas contribuer à la prévention des inondations et submersions, la responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que celui-ci n’a pas permis de prévenir, dès lors que ces dommages ne sont pas imputables à un défaut d’entretien de l’ouvrage par le gestionnaire au cours de la période considérée. 

Concernant cette disposition, la circulaire indique qu’elle s’applique jusqu’au 1er janvier 2021 pour les digues de classe A ou B et jusqu’au 1er janvier 2023 pour les digues de classe C. A l’issue de ce délai, soit les ouvrages sont intégrés dans un système d’endiguement soit ils ne sont plus constitutifs de digues au sens du I de l’article L. 566-12-1 du Code de l’environnement, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus vocation à prévenir contre les inondations et submersions.

Toutefois, la circulaire indique que si un ouvrage mis à disposition par l’EPCI à fiscalité propre ne fait que contribuer à la prévention des inondations et des submersions au sens de l’article L. 566-12-1 point II C. env. (exemple d’un remblai qui n’a pas de fonction de prévention des inondations mais qui y contribue de par sa situation géographique) alors le principe d’exonération de responsabilité en cas de dommages causés par des inondations est valable tant que l’ouvrage concerné n’a pas été intégré dans un système d’endiguement autorisé par le préfet. Cette interprétation, visant à limiter l’applicabilité des dispositions précitées aux seuls digues, interroge toutefois au regard des dispositions de l’article R. 562-19 point V du Code de l’environnement indique que : « V.- L’exonération de responsabilité du gestionnaire d’un aménagement hydraulique à raison des dommages qu’il n’a pu prévenir, prévue par le deuxième alinéa de l’article L. 562-8-1, est subordonnée à la délivrance de l’autorisation mentionnée au I ».

  1. La poursuite de l’accompagnement des collectivités

La présente circulaire précise que dans le cas où les gestionnaires seraient amenés à reprendre la gestion de digues concernées par un projet de réhabilitation, ils pourront bénéficier d’un accompagnement pour la procédure d’enquête publique et d’étude d’impact environnemental. En effet, il est indiqué que les préfectures pourront bénéficier de l’action des services des DREAL, des DDT et des DDTM.

En outre, il est rappelé qu’en matière d’ouvrages de prévention des inondations, la réglementation n’impose pas de niveau de protection minimum. Dès lors, la collectivité gestionnaire décide librement du niveau de protection qu’elle entend assurer pour son territoire.

Compétences « eau » et « assainissement » dans la proposition de loi sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement » : les désaccords persistent entre l’Assemblée Nationale et le Sénat

Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et communauté d’agglomération au 1er janvier 2020, prévu par la loi NOTRe du 7 août 2015, devrait être prochainement aménagé.

En février 2017, le Sénat adoptait à l’unanimité la proposition de loi Retailleau, qui revenait sur la loi NOTRe et rétablissait le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Cette initiative du Sénat n’a pas eu de suite directe, compte tenu notamment du changement de législature, mais une nouvelle proposition de loi a été déposée 21 décembre 2017, cette fois auprès de l’Assemblée Nationale.

Après son adoption à l’Assemblée Nationale, la proposition prévoyait à l’article 1er un report du transfert obligatoire de la compétence au 1er janvier 2026, pour les seules communautés de communes et sous certaines conditions :

–       d’une part, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, devraient avoir délibéré en ce sens ;

–       d’autre part, les communautés de communes dont les membres souhaitent mettre en œuvre cette faculté de report ne doivent pas exercer ces deux compétences, à titre optionnel ou facultatif, à la date de publication de la loi. Si le texte peut paraître ambigu, il ressort des travaux parlementaires que chaque compétence doit être appréciée individuellement, de sorte que les communes d’une communauté dotée de la seule compétence « assainissement » pourraient délibérer pour reporter le transfert obligatoire de la compétence « eau ».

L’article 2, issu des débats parlementaires, prévoyait une réécriture des libellés de la compétence assainissement des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropole afin d’y inclure expressément les eaux pluviales et les eaux de ruissellement (les articles L. 5214-16, L. 5216-5, L. 5215-20 et L. 5217-2 indiquent ainsi « assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8, et assainissement des eaux pluviales et des eaux de ruissellement des zones urbaines au sens de l’article L. 2226-1 »).

Par ailleurs, l’article 3 revoyait les dispositions relatives au mécanisme spécifique de représentation-substitution des communes au sein des syndicats de communes ou des syndicats mixtes spécifiques à l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » qui avaient pour conséquence la dissolution des syndicats ne regroupant que deux EPCI : il y aurait donc substitution des communautés de communes et des communautés d’agglomération dans ces syndicats, et non plus de retraits.

Le texte adopté le 18 avril 2018 par le Sénat diffère nettement de la proposition retenue par l’Assemblée Nationale. Les Sénateurs ont certes adopté sans modification l’article 3 relatif à la substitution des communautés de communes et des communautés d’agglomération au sein des syndicats ayant sur leurs périmètres au moins deux EPCI à fiscalité propre, mais ils ont voté l’abrogation des dispositions de la loi NOTRe qui prévoyaient le transfert obligatoire des compétences eaux et assainissement, afin de pérenniser leur caractère optionnel, tant pour les communautés de communes que pour les communautés d’agglomération.

Plusieurs autres nouveaux articles ont par ailleurs été adopté. S’agissant plus particulièrement des mesures qui concernent l’eau et l’assainissement, on relèvera :

Un article 1 bis, qui dispose que les « communes qui conservent les compétences eau ou assainissement restent éligibles à l’ensemble des subventions et aides des divers organismes, dont les agences de l’eau, dans le cadre des travaux ou investissements à venir. », et qui a pour objet de s’assurer que les agences de l’eau continueront à verser des subventions aux communes lorsque celles-ci conservent leur compétence.

Un article 1 ter vise à assouplir l’article L. 2221-11 du CGCT, relatif à la non-obligation d’établir un budget annexe pour les services de distribution d’eau potable et d’assainissement gérés en régie simple ou directe. Cet article ne remet pas en cause toutefois le principe d’une individualisation des montants des recettes et des dépenses affectées à ces services.

Enfin, le Sénat a également modifié les dispositions concernant les eaux pluviales et les eaux de ruissellement, en retenant le principe d’une sécabilité de la compétence, à l’opposé de la position adoptée par l’Assemblée Nationale.

Dans une note d’information du 13 juillet 2016 relative aux incidences de la loi NOTRe sur l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » par les EPCI, la Direction Générale des Collectivités Locales considérait que les eaux pluviales devaient être incluses dans la compétence « assainissement », en se fondant pour cela sur un arrêt du Conseil d’Etat du 4 décembre 2013, Communauté urbaine « Marseille Provence Métropole », position réaffirmée dans la note d’information du 18 août 2017. Toutefois, cet arrêt ne concernait qu’une communauté urbaine (et non les communautés de communes et d’agglomération), et il était surtout intervenu avant que le service public de gestion des eaux pluviales urbaines ne fasse l’objet de dispositions spécifiques (articles L. 2226-1 et L. 2226-2 du CGCT), distinctes de celles de l’assainissement (articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du même Code). Autrement dit, rien n’indiquait que l’arrêt du Conseil d’Etat avait la portée qui lui était prêté.

Devant les difficultés opérationnelles suscitées par cette interprétation de la DGCL, le Sénat a souhaité modifier l’intitulé de la compétence « assainissement » des communautés de communes et des communautés d’agglomération dans un sens opposé à celui de l’Assemblée Nationale, en réécrivant les articles L. 5214-16 II 6° et L. 5216-5 I 2° du CGCT, afin que le libellé statutaire devienne « assainissement des eaux usées dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8 et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté en application des 3° et 4° de l’article L. 2224-10 » (ce libellé étant rédigé afin par ailleurs d’exclure de la compétence les « eaux de ruissellement »).

Cette définition, dont on notera qu’elle était celle employée dans le CGCT avant l’intervention de la loi NOTRe, a pour objectif selon la Commission des lois du Sénat de laisser le transfert de la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » à la « libre appréciation des communes membres des intercommunalités », « afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire ». La rédaction ne convainc pas totalement sur ce point : outre qu’elle s’avère assez peu lisible (comment détermine-t-on, juridiquement, « si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ») ; comment, dès lors, déterminer s’il appartient à la Communauté ou aux communes de délimiter les zones d’intervention de l’EPCI ?

Pour ce qui concerne les communautés urbaines et les métropoles, les articles L. 5215-20 et L. 5217-2 sont également réécrits afin au contraire d’intégrer expressément et obligatoirement les eaux pluviales et les eaux de ruissellement.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte a été convoquée et devrait prochainement se réunir.

Procédure de réduction de puissance électrique : étendue des informations a délivrer aux consommateurs par les fournisseurs suite au déploiement des compteurs Linky

Le Médiateur National de l’Energie (MNE) a publié une recommandation concernant un litige porté devant lui par un consommateur dont les installations avaient fait l’objet d’une réduction de puissance par le distributeur, sur demande du fournisseur, à la suite de divers impayés pour lesquelles le  consommateur avait fait une réclamation.

Le distributeur ayant procédé à une réduction de puissance, le consommateur a estimé avoir fait l’objet d’une coupure d’électricité illégale durant la trêve hivernale et a ainsi saisi le MNE.

Dans le cadre de sa recommandation,  le MNE a d’abord rappelé le procédure de réduction de puissance qui peut être mise en œuvre par un fournisseur d’électricité en application de l‘article 1er du décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau, codifié à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

Aux termes de cet article, les fournisseurs d’électricité peuvent procéder, à défaut de coupures, à des réductions de puissance, sauf en ce qui concerne les consommateurs bénéficiant du tarif de première nécessité (aujourd’hui remplacé depuis le 1er janvier 2018 au profit du chèque énergie) pendant la trêve hivernale.

Après analyse du litige, le MNE a considéré que le fournisseur avait procédé à bon droit à une réduction de puissance mais que cette procédure avait été mise en œuvre dans des conditions non satisfaisantes au motif notamment que le fournisseur n’avait pas informé le consommateur sur les mesures à prendre du fait de la limitation de puissance.

Et pour cause, désormais, du fait du déploiement des compteurs Linky , les interventions de réduction de puissance sont réalisées à distance, sans déplacement d’un technicien du distributeur, à la différence de ce qui est pratiqué avec un compteur non communicant. De ce fait, l’information délivrée par le distributeur lors de son déplacement n’est plus assurée et  fait manifestement défaut.

Le Médiateur estime ainsi nécessaire que le fournisseur se charge désormais d’avertir les consommateurs des conséquences de la mise en œuvre d’une procédure de réduction de puissance, par exemple au moyen d’une information sur les courriers de relance en paiement pour préciser les conséquences, notamment les restrictions d’usage ainsi qu’au moyen d’un appel ou d’un message préalable quelques jours avant la limitation de la puissance pour offrir la possibilité d’un ultime règlement de la dette.

En conclusion, le Médiateur a recommandé aux fournisseurs d’électricité qui envisagent de recourir à une intervention de réduction de puissance pour impayé envers des consommateurs équipés d’un compteur communicant « Linky » de prévenir lesdits consommateurs quelques jours avant la mise en œuvre de cette réduction de puissance et d’assurer une information sur la conduite à tenir, selon des modalités qu’il leur appartiendra de définir.

 

Effacement de consommation d’électricité : options tarifaires et fonctionnalités des compteurs Linky

Le Médiateur National de l’Energie (MNE) a publié une recommandation concernant un litige porté devant lui par un consommateur aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV) à l’encontre du fournisseur aux TRV et du distributeur (gestionnaire du réseau public de distribution d‘électricité).

En l’espèce, le consommateur s’était plaint ne plus pouvoir optimiser son option tarifaire dans le cadre de l’offre qu’il avait souscrite auprès du fournisseur aux TRV à la suite du dysfonctionnement de son boîtier depuis l’installation d’un compteur Linky.

Précisément, ce consommateur avait souscrit à l’offre tarifaire Tempo proposée par EDF qui permet de bénéficier d’une variation importante du prix du kilowattheure (kWh) en fonction du jour de l’année. Cette offre incite donc les clients à réduire leur consommation – ce qu’on appelle un effacement de consommation – en portant le prix du kWh à un niveau dissuasif. En souscrivant à cette offre, les clients peuvent alors bénéficier de six tarifs d’électricité différents selon 3 couleurs de jour : bleu, blanc et rouge (du moins cher au plus cher) et 2 types de périodes dans la journée : Heures Creuses et Heures Pleines.

Les clients de l’offre Tempo sont ainsi prévenus la veille en fin de journée de la couleur de la journée et donc du tarif du kWh applicable pour le lendemain, via un boîtier (dit boitier « signal de veille »), installé à leur domicile et fourni par EDF lors de la souscription à l’option Tempo.

En l’espèce, à la suite de l’installation du compteur Linky, ledit boîtier a cessé de fonctionner, empêchant le consommateur de bénéficier des mêmes fonctionnalités qu’auparavant (connaître la veille la couleur du jour du lendemain) pour optimiser son option tarifaire. Or, le consommateur indiquait n’avoir jamais été informé de l’obsolescence du boîtier du fait de la pose du compteur Linky. Aucune solution alternative ne lui avait donc été proposée pour y remédier.

Saisi de ce litige, le MNE a estimé qu’il revenait au fournisseur (et non au distributeur) d’informer correctement son client des nouvelles fonctionnalités du compteur Linky au regard des options tarifaires souscrites : « « Il revient au fournisseur d’informer ses clients des conséquences des évolutions technologiques décidées par le distributeur et de leur permettre de trouver, en amont du déploiement, des solutions alternatives. Ces solutions sont actuellement les suivantes : consulter tous les jours le compteur et/ou le site internet du fournisseur ou s’abonner aux alertes envoyées par SMS ou par courriel.
Ces solutions peuvent être inadaptées pour les consommateurs qui n’ont pas un accès aisé à leur compteur et ne disposent pas d’un accès internet ou d’un téléphone mobile. J’estime ainsi que d’autres solutions devraient être proposées pour rendre le service accessible à tous, comme par exemple l’appel d’un serveur vocal.

Pour parfaire cette analyse j’ai interrogé le fournisseur et le distributeur sur les modalités retenues pour prévenir les consommateurs de la disparition du boîtier Tempo et des moyens proposés pour assurer la continuité des informations transmises auparavant par le boitier « TEMPO ». Je n’ai obtenu aucune réponse ».
En dernier lieu, le MNE a relevé que « depuis la pose du compteur Linky, et malgré le dysfonctionnement du boitier, l’option tarifaire « TEMPO » continue à être correctement optimisée avec toujours aussi peu de consommations enregistrées en jours blancs et rouges (…) »
En conclusion, le médiateur a recommandé au fournisseur d’informer les consommateurs de l’obsolescence des boîtiers Tempo en cas de pose des compteurs Linky et de proposer des solutions alternatives pour que chacun continue à optimiser son option tarifaire.

L’avis du gestionnaire du domaine public départemental sur la réalisation d’un projet de construction d’un ouvrage du réseau public de distribution d’électricité constitue une mesure préparatoire insusceptible de recours

Par un arrêt en date du 11 avril 2018, le Conseil d’État a jugé que les avis pris par le Président d’un Conseil général dans le cadre de la procédure d’approbation d’un projet de réalisation d’une ligne à haute tension constituent des actes préparatoires à la décision d’approbation dudit projet par le préfet, et à ce titre ne peuvent pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
En l’espèce, la société Enedis (anciennement ERDF) projetait de réaliser une ligne à haute tension entre un parc éolien et un poste source. A cette fin, elle a sollicité l’avis du département concerné en sa qualité de gestionnaire du domaine public départemental, conformément au décret n° 2011-1697 du 1er décembre 2011 relatif aux ouvrages des réseaux publics d’électricité et des autres réseaux d’électricité et au dispositif de surveillance et de contrôle des ondes électromagnétiques. Le Président du conseil général a alors indiqué à ladite société, par des courriers en date des 10 février et 1er mars 2012, que les travaux devaient être conduits dans le respect d’un certain nombre de prescriptions, dont notamment la réfection d’une route départementale.
La société Enedis a ensuite sollicité l’approbation du préfet pour réaliser son projet, conformément au décret précité. Le préfet a pris un arrêté autorisant la société à faire exécuter les travaux prévus, à charge pour elle de se conformer aux dispositions des arrêtés et décrets en vigueur, et aux prescriptions particulières préconisées lors des consultations.
Enfin, en application du règlement départemental de voirie localement applicable, la société Enedis a sollicité du département un accord technique préalable à la réalisation des travaux sur la route départementale concernée. Le Président du Conseil général a fait droit à cette demande, sous réserve toutefois du respect des prescriptions inscrites dans ses courriers des 10 février et 1er mars 2012.
La société Enedis a alors formé un recours pour excès de pouvoir contre ces deux courriers au motif que ceux-ci lui imposaient des sujétions relatives à la réfection de la chaussée de la route départementale.
Le Conseil d’État a jugé que le concessionnaire d’un réseau public de distribution d’électricité doit, préalablement à la réalisation de tout projet de construction d’ouvrages de ce réseau, d’une part, solliciter l’approbation du préfet et, d’autre part, recueillir l’accord des services du gestionnaire de la voirie quant aux modalités techniques de réalisation des travaux, dans le respect des prescriptions des règlements de voirie. Le Conseil d’État a jugé que cette seconde exigence devait être respectée, « alors même qu’il [le concessionnaire d’un réseau public de distribution d’électricité] tient de la loi le droit d’occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages compatibles avec son affectation à la circulation terrestre et d’exécuter sur les voies publiques tous travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien de ces ouvrages ».
En l’espèce, le règlement de voirie exigeait l’obtention d’un accord technique. Celui-ci avait été accordé à la condition de respecter les prescriptions des courriers du département des 10 février et 1er mars 2012.
Et s’agissant de ces courriers, le Conseil d’État a jugé que ceux-ci « avaient été émis dans le cadre de la procédure d’approbation du projet par l’arrêté préfectoral […] alors même qu’ils mentionnaient des prescriptions à respecter par les intervenants s’agissant de son domaine public routier, prescriptions qui ont ultérieurement été fixées par le président du conseil départemental dans sa décision du 23 avril 2012 d’autorisation des travaux prise en application du règlement départemental de voirie ».
Par conséquent, la Cour administrative d’appel avait pu valablement juger que « ces avis, pris ainsi dans le cadre de la procédure d’approbation du projet par l’arrêté préfectoral du 16 mars 2012, constituaient des mesures préparatoires à cette décision » et que, par suite un recours pour excès de pouvoir contre de telles mesures était irrecevable.

Confirmation par le Conseil d’Etat des mécanismes d’aides aux EnR et des conditions du complément de rémunération pour les éoliennes

Dans trois décisions du même jour, le 13 avril dernier (n° 401755, 407907 et 412098), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité des dispositions réglementaires du régime juridique des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables (ci-après les « EnR ») et des conditions tarifaires du complément de rémunération qui s’appliquent aux éoliennes.

En France, la réalisation des objectifs de production d’électricité à partir d’EnR s’appuie notamment sur deux dispositifs de soutien financier : l’obligation d’achat de l’électricité produite à partir d’EnR (« feed-in tariff ») et le complément de rémunération (« feed-in premium »).

L’obligation d’achat, prévue aux articles L. 314-1 et suivants du Code de l’énergie, permet aux producteurs d’EnR de conclure avec EDF (ou avec une ELD) des contrats d’achat (total ou partiel) de l’électricité produite à un tarif garanti par voie réglementaire. Le complément de rémunération, prévu quant à lui aux articles L. 314-8 et suivants du Code de l’énergie, est une prime financière versée aux producteurs d’EnR qui commercialisent la totalité de l’électricité produite sur les marchés.

Conformément aux articles susvisés du Code de l’énergie, le régime de l’obligation d’achat et du complément de rémunération sont précisés par :

– le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016 relatif à l’obligation d’achat et au complément de rémunération prévus aux articles L. 314-1 et L. 314-18 du code de l’énergie et complétant les dispositions du même code relatives aux appels d’offres et à la compensation des charges de service public de l’électricité ;

– le décret n° 2016-691 du 28 mai 2016 définissant la liste et les caractéristiques des installations mentionnées aux articles L. 314-1, L. 314-2, L. 314-18, L. 314-19 et L. 314-21 du code de l’énergie.

Le régime juridique est complété par des arrêtés pris par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie – dont l’objet est de fixer les conditions tarifaires de l’obligation d’achat et du complément de rémunération – à savoir pour le complément de rémunération relatif aux éoliennes :

– l’arrêté du 13 décembre 2016 de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et du ministre de l’économie et des finances fixant les conditions du complément de rémunération de l’électricité produite par les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent , et déclaré compatible avec le marché intérieur par décision de la Commission européenne du 12 décembre 2016 ;

– l’arrêté du 6 mai 2017 de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et du ministre de l’économie et des finances fixant les conditions du complément de rémunération de l’électricité produite par les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, de 6 aérogénérateurs au maximum , applicable à compter du 1er janvier 2017 et déclaré compatible avec le marché intérieur par décision de la Commission européenne du 5 mai 2017.

Ce sont ces décrets et arrêtés qui ont été attaqués devant le Conseil d’Etat par quatre requêtes des associations « Vent de Colère ! Fédération nationale » et « Fédération environnement durable ».

Le Conseil d’Etat n’a pas retenu les moyens d’annulation soulevés par les associations, tant sur la légalité externe que la légalité interne des textes attaqués.

Notamment pour les deux décrets contestés, n’ont pas été admis par le Conseil d’Etat les moyens portant sur leur absence de notification préalable à la Commission européenne, sur leur méconnaissance de la directive européenne sur le marché intérieur de l’électricité et des lignes directrices de la Commission européenne du 27 juin 2014 concernant les aides d’Etat à la protection de l’environnement et à l’énergie, ou encore sur leur illégalité au regard des dispositions du Code de l’énergie et du principe d’égalité devant la loi.

Quant aux deux arrêtés contestés, le Conseil d’Etat a écarté, d’une part, les exceptions d’illégalité visant les décrets susvisés, et d’autre part, les moyens d’annulation portant sur la validité des décisions de la Commission européenne du 12 décembre 2016 et du 5 mai 2017 au regard du droit de l’Union européenne, ou encore sur la circonstance que les arrêtés auraient été exécutés avant l’intervention desdites décisions de la Commission européenne.

Ces quatre textes n’encourent donc aucune annulation.

[1] Abrogé par le décret n° 2017-676 du 28 avril 2017 relatif à l’autoconsommation d’électricité et modifiant les articles D. 314-15 et D. 314-23 à D. 314-25 du code de l’énergie.

[2] Qui a pris la suite de l’arrêté du 13 décembre 2016 lors de son abrogation.

[3] Cf. Directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Référé mesures utiles : pas d’injonction de réaliser les travaux à l’encontre d’une personne publique ayant refusé de les réaliser

Faisant application de sa jurisprudence habituelle en la matière, le Conseil d’Etat confirme, dans le cadre d’un litige ayant trait à la réalisation de travaux de raccordement d’habitations au réseau de distribution d’électricité, que le juge du référé mesures utiles ne peut prononcer, à l’encontre d’une personne publique, une mesure qui ferait obstacle à une décision administrative.
Dans la décision commentée, une société avait sollicité le raccordement au réseau électrique de quatre maisons qu’elle a fait édifier sur un terrain situé à Porto-Vecchio.
Le Syndicat départemental d’énergie de la Corse du Sud, autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité localement compétente, a alors indiqué à la société, par courrier électronique, qu’il subordonnait le raccordement au versement par celle-ci d’une somme de 23.363 euros à titre de participation à la réalisation de travaux de renforcement du réseau.
Ne s’estimant pas redevable de cette somme, la société avait alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia afin qu’il ordonne au syndicat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, de réaliser les travaux à ses frais. Le juge des référés du Tribunal administratif avait fait droit à cette demande en condamnant le Syndicat département d’énergie de Corse du Sud à réaliser le raccordement en cause dans un délai de trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif et rejette la demande d’injonction présentée par la société.
Pour ce faire, le Conseil d’Etat rappelle qu’aux termes de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, « en cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».
Et, après avoir rappelé que peuvent être prononcées sur le fondement de cette disposition des « injonctions adressées à l’administration », le Conseil d’Etat relève toutefois, conformément à sa jurisprudence constante, qu’ « il ne saurait faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave ».
Or, au cas présent, le Conseil d’Etat relève que l’injonction prononcée par le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia « fait obstacle à l’exécution de la décision administrative révélée par le courrier électronique du 20 juin 2017, méconnaissant ainsi les dispositions de l’article L. 521-3 ». La décision en question est celle susmentionnée par laquelle le Syndicat a indiqué à la société qu’il subordonnait la réalisation du raccordement au versement par celle-ci d’une somme de 23 363 euros.
Ainsi, si la voie du référé mesures utiles peut certes conduire au prononcé d’injonctions à l’encontre d’une personne publique, dès lors que la mesure sollicitée va directement à l’encontre d’une décision administrative, les conditions posées par l’article L. 521-3 du Code de justice administrative ne sont pas réunies, et les conclusions doivent être rejetées par le juge. Il incombe alors aux requérants de contester une telle décision par d’autres voies.