Irrecevabilité de principe des recours dirigés contre des actes superfétatoires

L’arrêt du Conseil d’Etat en date du 26 avril 2018 (n° 410858) fournit l’occasion de rappeler le principe aux termes duquel les recours formés contre des actes superfétatoires sont, par principe, irrecevables car dirigés contre des actes qui sont, en réalité, insusceptibles de recours comme dépourvus d’effet.
 
Au cas précis, la société Intervent, souhaitant accroitre  les deux parcs éoliens qu’elle exploite sur les communes de Chicheboville et Conteville (Normandie), a sollicité, en application des dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, l’accord préalable de l’établissement public Météo-France pour la construction de cinq nouveaux aérogénérateurs dans la mesure où ces ouvrages avaient vocation à être implantés à moins de 20 km du radar météorologique de bande de fréquence C utilisé par cet établissement.
 
Suite au jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen avait prononcé l’annulation d’un premier refus opposé par Météo France à la demande de la société Intervent et enjoint à l’établissement de statuer à nouveau sur cette demande, Météo France a réitéré son refus par décision du 14 février 2017.
 
C’est dans ces conditions que la société a, de nouveau, saisi le tribunal administratif de Caen d’une requête en annulation de cette décision, mais également, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, d’une requête aux fins de suspension de son exécution.
 
Par une ordonnance du 5 mai 2017, le juge des référés a, d’une part, prononcé la suspension de l’exécution de la décision du 14 février 2017, et d’autre part, enjoint à Météo-France de procéder au réexamen de la demande de la société Intervent, dans un délai d’un mois.
 
Météo France s’est alors pourvu en cassation contre cette ordonnance.
 
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés tribunal administratif de Caen en raison de l’erreur de droit qui l’entachait pour avoir fait application de dispositions qui n’étaient plus en vigueur à la date de la décision attaquée.
 
En effet, le texte qui imposait cet accord préalable de l’établissement public chargé des missions de l’Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens pour l’installation d’un aérogénérateur à une distance de moins de 20 km d’un radar météorologique de bande fréquence C, avait été substantiellement modifié par un arrêté modificatif en date du 6 novembre 2014. Dans le cadre de ces nouvelles dispositions, l’accord de Météo France préalablement au dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter auprès du Préfet n’était plus requis lorsque, comme en l’espèce, la distance d’implantation des aérogénérateurs par rapport au radar était supérieure à 5 km.
 
Compte tenu de ce que ces nouvelles dispositions étaient applicables à la date du second refus opposé par Météo France, le Conseil d’Etat a censuré pour erreur de droit l’ordonnance du tribunal administratif de Caen qui s’était fondée sur les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011, dans leur rédaction antérieure à l’arrêté modificatif du 6 novembre 2014, pour estimer que la condition d’urgence devait être regardée comme satisfaite.
 
Dans un second temps, le Conseil d’Etat, statuant au fond après cassation, a rejeté la demande aux fins de suspension de l’exécution de la décision de refus du 14 février 2017 présentée par la société Intervent.
 
C’est dans le cadre du règlement au fond du litige que le Conseil d’Etat est venu réitérer sa jurisprudence aux termes de laquelle une décision présentant un caractère superfétatoire n’est, par principe, pas susceptible de faire grief à son destinataire ni même aux tiers et, en conséquence, insusceptible de recours.
 
Dans ses conclusions, le rapporteur public, Madame Julie Burguburu, rappelait qu’une « décision superfétatoire est une décision inutile qui ne peut produire aucun effet ».  
 
Au cas d’espèce, et comme évoqué précédemment, il ressortait des dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011, telles que modifiées par l’arrêté du 6 novembre 2014, qu’aucune autorisation de Météo France n’était requise pour l’installation des cinq aérogénérateurs dès lors qu’ils avaient vocation à être implantés au-delà de la surface définie par la distance de protection (en l’occurrence 5 km pour un radar de bande fréquence C). En effet, c’est seulement si l’implantation de l’aérogénérateur est envisagée à l’intérieur de cette surface que l’obtention préalable de l’avis favorable de l’établissement public chargé des missions de l’Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens est imposée. Toutefois, lorsque l’aérogénérateur est implanté en deçà de la distance minimale d’éloignement (fixée à 20 km pour un radar de bande fréquence C), comme c’est le cas en l’espèce, le demandeur de l’autorisation d’exploiter est tenu de fournir au Préfet une étude d’impact.
 
Ainsi, la décision prise par Météo France, sur injonction du tribunal administratif, suite à l’annulation de son premier refus était, eu égard à l’évolution des dispositions applicables, dénuée de toute portée et n’avait aucune incidence sur la possibilité pour la société Intervent de solliciter puis d’obtenir auprès du Préfet compétent une autorisation d’exploiter. Ce dont il résultait que le recours intenté à l’encontre de cette décision devait être regardé comme irrecevable car dirigé contre un acte insusceptible de faire grief à la société Intervent.
Ce faisant, le Conseil d’Etat a réaffirmé le principe, déjà bien ancré en jurisprudence, de l’irrecevabilité des recours dirigés contre des actes superfétatoires (CE, 2 novembre 1973, n° 86211, Ministre de l’équipement et du logement, au Recueil, s’agissant de l’irrecevabilité d’une demande d’annulation dirigée contre un arrêté accordant une dérogation aux dispositions d’un règlement d’urbanisme qui n’était pas entré en vigueur à la date de délivrance du permis de construire ; CE, 29 juin 1984, n° 39485, Association de sauvegarde de l’église de Castels et du Château de Fages, mentionné aux Tables, s’agissant de l’irrecevabilité d’une demande tendant à l’annulation d’un arrêté par lequel l’architecte des bâtiments de France avait autorisé la coupe de bois alors qu’une telle autorisation était inutile et donc superfétatoire ; CE, 30 avril 2004, n° 251569, mentionné aux Tables, s’agissant d’une autorisation préfectorale pour exploiter des terres qu’un agriculteur n’était pas tenu de solliciter et qui, par conséquent, n’était pas susceptible de faire grief aux tiers).
 
De la même manière, le recours formé contre un acte prononçant l’abrogation de décisions superfétatoires car dépourvues de portée juridique est irrecevable comme dirigé contre un acte insusceptible de faire grief au requérant (CE, 13 novembre 1987, n° 60518, mentionné aux Tables).
 
Si cette irrecevabilité de principe peut souffrir de certaines exceptions eu égard « aux effets susceptibles d’être prêtés aux actes en cause » (voir notamment CE, 13 mars 2013, n° 342704, M. et Mme A., mentionné aux Tables sur ce point ; ou encore CE, Section, 3 décembre 1993, n° 135782, Commune de Villeneuve-sur-Lot, au Recueil, s’agissant de l’annulation d’un arrêté de déclaration d’utilité publique ne prévoyant l’expropriation ou la cession amiable d’aucun terrain), le rapporteur public a néanmoins indiqué, qu’en l’espèce, la société Intervent ne parvenait pas à convaincre « des effets que [la] décision de refus [pourrait] avoir sur l’issue d’une nouvelle procédure de demande d’autorisation adressée cette fois directement au préfet ».

Denis Garreau et Margaux N’Guyen Chahn (stagiaire)

Concessions – Statut des biens acquis avant le contrat par le concessionnaire

Les biens nécessaires au fonctionnement du service public sont des biens de retour même s’ils ont été acquis par le concessionnaire avant la signature du contrat de délégation de service public.

Par sa décision du 29 juin 2018, la Section du Contentieux du Conseil d’Etat a précisé le régime des biens de retours des délégations de service public, dans la continuité de sa jurisprudence de principe « Commune de Douai » du 21 décembre 2012 (CE, Ass, 21 décembre 2012, n° 342788).

On se souvient tout d’abord que l’Assemblée du Contentieux avait, par sa décision Commune de Douai, consacré et précisé la théorie des biens de retour, dégagée par la jurisprudence à partir des cahiers des charges de concession. Ainsi les biens nécessaires au fonctionnement d‘un service public sont des biens de retour, qui reviennent gratuitement en fin de contrat à l’autorité délégante avec une possibilité d’indemnisation du délégataire pour les biens non amortis sur la base de leur valeur nette comptable à certaines conditions. Ces principes valaient tant pour les biens construits par le concessionnaire que pour les biens acquis par ce dernier.

Enfin l’apport jurisprudentiel résidait dans l’illicéité de toute clause contraire convenue dans la convention de concession.

Un flou juridique persistait concernant les règles applicables aux biens, propriété du concessionnaire avant la passation de la concession et que ce dernier acceptait d’affecter au fonctionnement du service public au moment de la signature du contrat de concession.

A cet égard, le cas des délégations de service public de remontées mécaniques dans les stations de montagne posait plus particulièrement question, puisque, depuis l’adoption de la loi dite « Montagne » en 1985[1], les remontées mécaniques, si elles ne sont pas exploitées en régie le sont dans le cadre de contrats de concession, de sorte que nombreux  exploitants privés de remontées mécaniques ont apporté les biens nécessaires au service public à l’occasion de la signature des contrats prévus par la loi.

C’est ce qui s’est précisément passé lors de l’aménagement la station de ski « Sauze – Super Sauze ». En effet, en 1998, une convention de délégation de service public avait été conclue en 1998, pour une durée de quatorze ans, entre la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye (CCVU) et la SARL C. Frères. À l’expiration de cette convention, la CCVU a décidé la reprise en régie de l’exploitation et signé avec l’exploitant sortant un protocole d’accord amiable pour le rachat des biens.

Estimant que ces biens devaient revenir gratuitement à la collectivité compte tenu de leur statut de biens de retour, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déféré les délibérations des collectivités concernées qui avaient approuvé ledit protocole devant le Tribunal administratif de Marseille.  Ce dernier ayant rejeté le déféré préfectoral, le représentant de l’Etat a porté le contentieux en appel.

Par un arrêt rendu en 2016, la Cour administrative d’appel de Marseille a estimé que  si les règles qui gouvernent les concessions de service public imposent que les biens nécessaires au fonctionnement du service public appartiennent à la collectivité concédante dès l’origine, ce principe ne trouve pas nécessairement à s’appliquer à tout équipement, lorsque le délégataire en était propriétaire antérieurement à la passation de la convention et qu’il l’a seulement mis à disposition pour l’exécution de celle-ci.

La Cour avait ainsi jugé que la propriété des biens en cause, alors même qu’ils étaient nécessaires au fonctionnement du service public concédé, n’avait pas été transférée à la CCVU dès la conclusion de la convention du seul fait de leur affectation à la concession de service public et que ces biens n’étaient pas régis par les règles applicables aux biens de retour. La Cour en avait alors déduit que le concessionnaire avait droit, du fait de leur retour dans le patrimoine de la CCVU, à une indemnité égale à leur valeur vénale (CAA de Marseille, 9 juin 2016, Préfet des Alpes-de-Haute-Provence, n° 15MA04083).

Le Ministre de l’Intérieur s’est alors pourvu en cassation offrant ainsi l’occasion au Conseil d’Etat de préciser sa jurisprudence « Commune de Douai ».

Dans la décision ici commentée, le Conseil d’Etat précise tout d’abord, aux termes de trois considérants, les règles applicables aux biens des concessions de service public (considérants 3, 4 et 5) puis énonce les règles qui doivent s’appliquer aux délégations de service public de remontées mécaniques, conformément aux conclusions de son Rapporteur public, Olivier Henrard.

Le Conseil d’Etat précise ainsi que la loi « Montagne » précitée n’a pas entendu déroger aux règles dégagées dans la décision Commune de Douai de sorte qu’elles « trouvent également à s’appliquer lorsque le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci ; qu’une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique[…] ; qu’elle a également pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l’expiration de la convention[…] ».

Il ajoute ensuite que le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique doit être pris en compte dans l’équilibre économique du contrat au moment de la signature du contrat de concession à condition qu’en résulte aucune libéralité de la personne publique :   « […] Les parties peuvent prendre en compte cet apport dans la définition de l’équilibre économique du contrat, à condition que, eu égard notamment au coût que représenterait l’acquisition ou la réalisation de biens de même nature, à la durée pendant laquelle les biens apportés peuvent être encore utilisés pour les besoins du service public et au montant des amortissements déjà réalisés, il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique ».

Et, le Conseil d’Etat d’ajouter :   « dans l’hypothèse où la commune intention des parties a été de prendre en compte l’apport à la concession des biens qui appartenaient au concessionnaire avant la signature du contrat par une indemnité, le versement d’une telle indemnité n’est possible que si l’équilibre économique du contrat ne peut être regardé comme permettant une telle prise en compte par les résultats de l’exploitation ; qu’en outre, le montant de l’indemnité doit, en tout état de cause, être fixé dans le respect des conditions énoncées ci-dessus afin qu’il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique ».

En définitive, par cette décision, le Conseil d’Etat pose le principe que la date d’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public (antérieure ou postérieure à la signature du contrat) est sans incidence sur la qualification des biens de retour.  Et que l’indemnisation due en contrepartie de la remise desdits biens de retour en fin de contrat (normale comme anticipée) doit être justifiée et demeurer normale.

Cette décision s’inscrit ainsi dans la suite logique de la décision « Commune de Douai », protectrice de la continuité du service public, sans remettre en cause l’équilibre économique des concessions de service public, en affirmant le droit à indemnité des concessionnaires sous certaines conditions.

[1] Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne 

Marché de maîtrise d’œuvre : de simples échanges ne sauraient être assimilés à un mémoire en réclamation

En l’espèce, deux architectes contestaient la résiliation de leur marché de maîtrise d’œuvre par une commune en vue de la construction d’une école élémentaire et maternelle.

Les appelants soutenaient avoir adressé à la commune de nombreux courriels et lettres, par lesquels ils entendaient répondre aux différents griefs formulés à leur encontre ainsi qu’une lettre recommandée, aux termes de laquelle ils se plaignaient notamment de l’immixtion du maire de la commune dans la conduite des travaux.

Une seconde lettre recommandée avait été adressée en évoquant l’absence de prise en compte de leurs conseils, le refus de régler leurs honoraires restant dus, la multiplication, confinant au harcèlement, des demandes qui leur étaient adressées et une agression dont l’un des requérants aurait été victime. 

Or, les requérants n’avaient produit aucun mémoire en réclamation au sens de l’article 37 du CCAG Prestations intellectuelles qui prévoit :

« Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s’efforceront de régler à l’amiable tout différend éventuel relatif à l’interprétation des stipulations du marché ou à l’exécution des prestations objet du marché. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. Le pouvoir adjudicateur dispose d’un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L’absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ».

Au visa de cette disposition, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a alors jugé que dans le cas d’espèce :

« […] aucun de ces échanges n’exposait, de façon précise et détaillée, les chefs de contestation ni n’indiquait les bases et montants des sommes dont le paiement est demandé. Dès lors, ils ne sauraient être regardés comme constituant un mémoire en réclamation au sens des dispositions précitées de l’article 37 du cahier des clauses administratives générales. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevables leurs demandes dirigées contre la commune ».

En effet, la juridiction administrative rappelle qu’un mémoire ne peut être considéré comme une réclamation au sens de l’article 37 du CCAG Prestations intellectuelles précité que « s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées ».

Par conséquent, des courriels et lettres d’un maître d’œuvre par lesquels le comportement du maître d’ouvrage est mis en cause ne peuvent valoir mémoire en réclamation.

Modalités d’établissement du décompte général et définitif tacite – CCAG travaux

Les modifications apportées au CCAG Travaux par l’arrêté du 3 mars 2014 servent l’objectif d’améliorer les délais de paiement dans les marchés publics, notamment en encadrant les délais de production du décompte général définitif (DGD) et en instituant un mécanisme d’acceptation tacite du projet de décompte final.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer pour la première fois sur les conditions de mise en œuvre d’un tel mécanisme (article 13.4.4) mais également à préciser le délai donné au titulaire du marché pour transmettre son projet de décompte final (article 13.3.2).

En l’espèce, une entreprise de travaux publics s’est vue confier par une communauté de communes l’exécution d’un marché de renforcement de perrés servant à lutter contre l’érosion du littoral et, plusieurs mois après le prononcé de la réception des travaux, a adressé au seul maître d’ouvrage un projet de décompte final ainsi qu’un mémoire en réclamation portant sur une demande de rémunération complémentaire.  

Considérant pouvoir se prévaloir des dispositions de l’article 13.4.4 précité, l’entreprise a ensuite saisi le juge des référés d’une demande de paiement d’une provision, qui a été rejetée tant par le Tribunal administratif que par la Cour administrative d’appel, laquelle s’est fondée sur « le double motif tiré de ce que, la société Merceron TP avait envoyé son projet de décompte final au-delà du délai de trente jours imparti par l’article 13.3.2 et, d’autre part, ce document n’avait été adressé qu’au seul maître d’ouvrage et non au maître d’œuvre ».

La Haute juridiction, suivant les conclusions de son rapporteur public (ici), a tout d’abord considéré que le respect du délai de trente jours octroyé au titulaire du marché ne « constitue pas une formalité dont la méconnaissance est de nature à faire obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite ».

Il est ainsi admis que le titulaire du marché puisse dépasser le délai de trente jours prévu à l’article 13.3.2, sans que cela ne puisse, en soi, faire échec à la mise en œuvre du mécanisme d’acceptation tacite de l’article 13.4.4..

Un tel dépassement ne fait en réalité que retarder la procédure d’établissement du DGD, et corrélativement décaler le point de départ des autres délais y relatifs.

En revanche, le Conseil d’Etat a ensuite retenu que « en jugeant qu’à défaut de transmission du projet de décompte final au maître d’œuvre, le délai de trente jours prévu par l’article 13.4.2 imparti au maître d’ouvrage pour notifier au titulaire du marché le décompte général ne peut pas courir, ce qui fait obstacle à la naissance d’un décompte général et définitif tacite selon les modalités prévues par l’article 13.4.4, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ».

Il en ressort que le titulaire du marché se doit de se conformer à son obligation contractuelle et ainsi transmettre son projet de décompte final au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre.

Faute de quoi, le titulaire du marché ne pourra se prévaloir de l’existence d’un DGD tacite et ce, quand bien même le projet de décompte final aurait été transmis indirectement au maître d’œuvre par le maître d’ouvrage.

Qualification des associations gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) en pouvoir adjudicateur : premiers éléments de réflexion et d’analyse

La discussion portant sur la question de savoir si, oui ou non, les associations gestionnaires d’ESSMS[1] sont soumises au droit de la commande publique a, très récemment, été relancée par la CRC des Pays de la Loire, qui a pris position en faveur d’une telle soumission sans toutefois livrer la teneur de son raisonnement[2]. Sans prétendre à l’exhaustivité ou à un examen détaillé, la présente contribution se propose de revenir sur les différents critères prévus à l’article 10-2° de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (« l’Ordonnance »), dans la perspective de fournir des éléments d’analyse quant à la qualification ou pas de ces institutions, qui accomplissent des missions qualifiées par la loi d’intérêt général et d’utilité sociale[3], en « pouvoir adjudicateur ».

NOTION DE POUVOIR ADJUDICATEUR

Les règles relatives au droit des marchés publics[4], et plus largement au droit de la commande publique[5], s’appliquent par principe à un type particulier de personnes : les pouvoirs adjudicateurs. Trois catégories de personnes sont ainsi visées par l’article 10 de l’Ordonnance, dont les personnes morales de droit privé « qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial »[6]. En droit de l’Union européenne, celles-ci sont désignées sous le terme « d’organismes de droit public »[7]. Ainsi, dès lors qu’une personne morale de droit privée satisfait aux critères cumulatifs prévues à l’article 10-2° de l’Ordonnance, elle est de fait tenue de respecter le droit de la commande publique dans la passation de ses contrats.

Quels sont ces critères ? Ils sont au nombre de trois. L’entité en question doit (i) –on l’a dit – être dotée de la personnalité morale ; (ii) avoir été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ; (iii) être sous la dépendance d’un pouvoir adjudicateur, ce qui est le cas à partir du moment où l’une des conditions suivantes est remplie : soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de la personne morale est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur, soit son activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit sa gestion est soumise à un contrôle d’un pouvoir adjudicateur. Seuls ces deux derniers critères alternatifs seront examinés dans le cadre de cette contribution – ceux tenant à la personnalité morale et à la satisfaction de besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial pouvant, dans le cas des associations gestionnaires d’ESSMS, aisément être considérés comme satisfaits.

Comment doivent-ils être interprétés ? Au sens spécifique de la jurisprudence de la CJUE[8], qui en a retenu une acception fonctionnelle conformément à l’objectif de la Directive, qui est notamment d’exclure « la possibilité qu’un organisme financé ou contrôlé par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public se laisse guider par des considérations autres qu’économiques » dans le cadre de la passation de ses marchés[9]. En d’autres termes, la CJUE ne se limite pas à la lettre du texte mais se réfère plutôt à ses objectifs en cherchant à déterminer, via un examen circonstancié, si l’organisme en question doit être soumis à des contraintes que son propre intérêt économique ne le conduit pas naturellement à s’imposer.

FINANCEMENT MAJORITAIRE PAR UN POUVOIR ADJUDICATEUR

En substance, il s’agit ici de déterminer si les activités menées par les associations gestionnaires d’ESSMS sont majoritairement financées par des ressources provenant d’un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs. D’emblée, deux précisions doivent être apportées. D’une part, la notion de financement vise ici « un transfert de moyens financiers opéré sans contrepartie spécifique, dans le but de soutenir les activités de l’entité concernée »[10]. Ainsi, à l’inverse des subventions, ne constituent pas un financement par un pouvoir adjudicateur au sens de l’Ordonnance et de la Directive, les versements effectués en contrepartie de prestations de services[11]. D’autre part, la CJUE a précisé que la notion de financement majoritaire signifie un financement pour plus de la moitié[12], qui peut d’ailleurs comprendre « des paiements provenant d’usagers, qui sont imposés, calculés et recouvrés conformément aux règles de droit public »[13].

Qu’en est-il dans le cas des associations gestionnaires d’ESSMS ? Une analyse au cas par cas visant à déterminer si plus de la moitié des ressources de l’association concernée émane de pouvoirs adjudicateurs serait nécessaire. Toutefois, et sous réserve de l’appréciation qui pourrait être faite par la jurisprudence sur ce point, il semble possible d’exclure de ce calcul les financements versés dans le cadre de la gestion des ESSMS dès lors qu’ils constituent la contrepartie de services rendus[14]. A contrario, devraient être prises en compte dans ce calcul toutes les ressources allouées sans contrepartie spécifique par des pouvoirs adjudicateurs en vue de soutenir les activités de l’association.

CONTROLE DE LA GESTION PAR UN POUVOIR ADJUDICATEUR     
Si ce critère demeure sans conteste le plus délicat à cerner[15], la jurisprudence de la CJUE fournit de précieux éléments d’analyse qui permettent de mieux appréhender son raisonnement. En pratique, afin de déterminer si ce critère est satisfait, il convient d’examiner si les différents contrôles auxquels est soumis l’organisme créent une dépendance de celui-ci à l’égard des pouvoirs publics qui permet à ces derniers d’influencer ses décisions en matière de marchés publics, dépendance qui doit logiquement avoir une intensité équivalente à celle qui existe lorsque l’un des deux autres critères alternatifs est rempli[16]. Un simple contrôle a posteriori ne saurait donc suffire[17]. Pour autant, répond « à un tel critère une situation dans laquelle, d’une part, les pouvoirs publics contrôlent non seulement les comptes annuels de l’organisme concerné, mais également sa gestion en cours sous l’angle de l’exactitude des chiffres cités, de la régularité, de la recherche d’économies, de la rentabilité et de la rationalité et, d’autre part, ces mêmes pouvoirs publics sont autorisés à visiter les locaux d’exploitation et les installations dudit organisme (…). »[18]. Surtout, il a pu être considéré que lorsque « les règles de gestion [imposées par la loi à l’entité] sont très détaillées, la simple surveillance de leur respect peut, à elle seule, aboutir à conférer une emprise importante aux pouvoirs publics ».[19] Dans cette affaire, qui concernait les SA d’HLM, l’effectivité du contrôle sur la gestion était, selon la CJUE, notamment révélée par la possibilité pour le ministre de prononcer leur dissolution, de nommer un liquidateur, de suspendre les organes dirigeants et de nommer un administrateur provisoire – ceci quand bien même l’exercice de ces prérogatives avait vocation à demeurer exceptionnel[20]. En synthèse, on retiendra que la CJUE s’attache à évaluer le degré d’autonomie dont dispose concrètement l’entité sur le plan organisationnel et budgétaire[21].

Qu’en est-il dans le cas des associations gestionnaires d’ESSMS ? D’ores et déjà, c’est selon nous de la satisfaction, ou non, de ce critère dont dépend la qualification des associations gestionnaires d’ESSMS en pouvoir adjudicateur. Et, sans présager de la position des juges qui pourraient être amenés à se prononcer sur ce point, il serait difficile de contester le fait que ces associations et les ESSMS qu’elles gèrent sont soumis, dans leur fonctionnement quotidien, à un regard attentif de leur autorité de tarification ainsi qu’à un certain nombre de contrôles de la part des pouvoirs publics[22].

Une attention particulière sera donc portée, au cas par cas, au risque de qualification en pouvoir adjudicateur des ESSMS.

Nadia BEN AYED, avocat directeur et Christophe FARINEAU, avocat

[1] Etablissements et services sociaux et médico-sociaux.

[2] V. CRC des Pays de la Loire, Rapport d’observations définitives, ADAPEI-ARIA 85, exercices 2016 et 2017, 5 avr. 2018, p. 26.

[3] V. art. L. 311-1 du CASF.

[4] Constituées de l’Ordonnance et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

[5] La qualification de pouvoir adjudicateur conduit également, le cas échéant, à devoir respecter les règles relatives au droit des concessions (ordonnance n° 2016-65 du 29 janv. 2016 relative aux contrats de concession et décret n° 2016-86 du 1er févr. 2016 relatif aux contrats de concession).

[6] Les deux autres catégories étant : les personnes morales de droit public ; et, les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun (art. 10-1° et 10-3° de l’Ord.).

[7] Article 2.1.4 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 févr. 2014 sur la passation des marchés publics (« la Directive »).

[8] La quasi-intégralité de la jurisprudence pertinente en la matière nous provient de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

[9] V. CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, aff. C-237/99, pts. 42 et 43 ; CJCE, 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff. C-380/98, pt. 17.

[10] CJUE, 12 sept. 2013, IVD GmbH & Co. KG, aff. C-526/11, pt. 22.

[11] CJCE, 3 oct. 2000, University of Cambridge, précité, pts. 21 et 26.

[12] Ibid., pt. 32. Pour les modalités de ce calcul, v. pts. 40 et 41.

[13] Cons. 10 de la Directive. V. par ex. : CJUE, 13 déc. 2007, Bayerischer Rundfunk, aff. C-337/06.

[14] V. CE, 6 juil. 1994, Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance de l’adolescence et des adultes, n° 110494, dans lequel le Conseil d’Etat considère que les prix de journées consentis aux établissements à caractère sanitaire et social gérés par une association ne peuvent s’assimiler à des subventions de fonctionnement puisqu’ils constituent la contrepartie de services rendus. V. également : rép. du ministère des affaires sociales et de la santé à QE n° 06176, JO Sénat, 27 févr. 2014, p. 528.

[15] V. récemment, Cass. com., 8 mars 2016, n° 14-13540.

[16] CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, précité, pts. 48 et 49

[17] CJUE, 12 sept. 2013, IVD GmbH & Co. KG, précité, pt. 29.

[18] CJCE, 27 févr. 2003, Adolf Truley GmbH, aff. C-373/00, pt. 70.

[19] CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, précité, pt. 52.

[20] Ces contrôles correspondaient donc davantage à une surveillance exercée sur la manière dont est dirigée l’organisme qu’à de véritables immixtions dans sa direction (v. conclusions de l’avocat général J. Mischo, pt. 36).

[21] CJUE, 12 sept. 2013, IVD GmbH & Co. KG, précité, pts. 27 et 30.

[22] Que la présente contribution n’a pas pour objet de détailler.

Attention aux liens entretenus par les assistants à maîtrise d’ouvrage des collectivités et les candidats à l’attribution de leurs contrats

Dans le cadre de la conclusion de leurs marchés ou délégations de service public et dans un contexte dans lequel l’environnement normatif et technique est de plus en plus complexe, les acheteurs font souvent appel à des assistants à maitrise d’ouvrage (AMO) pour les accompagner dans la définition de leurs besoins et dans le choix puis la mise en œuvre des procédures applicables. Ce rôle est important car il conduit les AMO à formuler des avis souvent suivis par les services des collectivités, par exemple sur les mérites respectifs de chaque offre. Dès lors, le risque d’une collusion, intentionnelle ou non, entre les membres de l’équipe d’AMO et les candidats potentiels peut être caractérisé, surtout dans les secteurs où les mêmes acteurs interviennent souvent.

Ainsi, la question posée au Tribunal administratif de Melun s’inscrit pleinement dans cette problématique.

Lors de la passation d’une délégation de service public pour le centre hippique municipal, la Ville de Saint-Maur-des-Fossés s’était entourée d’une équipe d’AMO, dont la société Parcours Conseil. La personne en charge d’accompagner la Commune pour cette mission avait participé à l’élaboration du cahier des charges, aux négociations, et au choix de l’attributaire, ici l’UPCA Sport Loisirs. Quelques semaines après l’attribution du contrat, cette même personne a été embauchée par l’attributaire en tant que responsable du développement de projets.

Tout d’abord, le Tribunal rappelle qu’« au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ».

Ce principe n’est pas nouveau et les juges l’appliquent avec plus ou moins de rigueur.

Au cas d’espèce, relevant que Mme X est intervenue à tous les stades de la procédure aux cotés des services et des élus et « que le caractère très récent de sa collaboration avec l’attributaire de la DSP et la concomitance de ce recrutement quelques semaines après l’attribution de celle-ci pouvait légitimement faire naître un doute sur l’existence d’intérêts communs nés antérieurement et, par voie de conséquence, sur l’impartialité de la procédure suivie par la commune de Saint-Maur-des-Fossés avec l’aide de cette dernière », le Tribunal administratif de Melun annule la procédure eu égard à la particulière gravité du vice entachant le contrat.

Ainsi, le doute sérieux semble suffire ici à caractériser le manquement.

L’acheteur doit donc être particulièrement vigilant à tous les stades du projet. En particulier, lors du choix de l’équipe d’AMO, il doit être attentif aux garanties d’indépendance qu’est susceptible d’apporter l’équipe (déclaration de non conflit d’intérêts, déclaration sur l’honneur que les membres de l’équipe n’ont pas récemment et ne travailleront pas pour l’un des candidats, …). Au stade du choix de l’attributaire du contrat pour lequel l’AMO est intervenu, l’acheteur peut également demander aux candidats de lui fournir une déclaration de non conflit d’intérêt avec l’équipe d’AMO.

Les apports du projet de loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en droit des sociétés

Lancé en octobre 2017, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises a enfin été présenté en conseil des ministres le 18 juin 2018.

Le long exposé des motifs du projet de loi PACTE, contenant plus de 70 pages, détaille l’ensemble des mesures visant à relever le défi de la croissance des entreprises.

Parmi les nombreuses dispositions impactant le droit des sociétés :

• Figurera à l’article 1833 du Code civil un alinéa supplémentaire selon lequel « La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité« . Une référence sera aussi ajoutée aux articles L. 225-35 et L. 225-64 du Code de commerce, textes relatifs à la société anonyme.

En outre, l’article 1835 du Code civil serait également complété afin de permettre aux associés de toute société d’inscrire dans les statuts de l’entreprise sa raison d’être. L’alinéa proposé est ainsi rédigé:  « Les statuts peuvent proposer la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité ».

• Le projet de loi PACTE envisage d’imposer la désignation de deux administrateurs représentant les salariés dès lors que le conseil dépassera le seuil de huit administrateurs.

• Dans les SAS, les offres d’actions adressées aux dirigeants, salariés et anciens salariés seront facilitées, tandis que dans les sociétés à capitaux publics, les dispositifs d’attribution d’actions aux salariés seront élargis.

• Les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions ne seront plus tenues de désigner un CAC, sauf lorsqu’elles dépasseront certains seuils ou que la désignation d’un CAC sera ordonnée par voie judiciaire, à la demande d’actionnaires représentant au moins 10 % du capital.

Dans les SAS, la désignation d’un CAC ne sera plus obligatoire du seul fait de l’existence d’une relation de contrôle avec une autre société.

En revanche, pour éviter qu’un groupe ne soit fractionné entre des entités de petite taille et soit ainsi soustrait au contrôle de CAC, il est prévu que la désignation d’un tel organe sera obligatoire lorsque l’ensemble que forment les personnes et entités qui contrôlent une ou plusieurs sociétés avec celles-ci dépassera certains seuils.

• Sont également prévues des mesures d’assouplissement de la création des entreprises : guichet unique électronique (article 1er), création d’un registre dématérialisé des entreprises (article 2), modernisation du dispositif des annonces judiciaires et légales (article 3).
Pour exemple :

Allègement des obligations et coûts pour les artisans : suppression de l’obligation de formation avant constitution de la société (et économie du coût de la formation de 194 €), accompagnement de l’artisan dans son projet de création d’entreprise, etc. ;

Allègement des coûts pour les entreprises : suppression de l’obligation d’avoir un compte bancaire distinct pour les micro-entreprises réalisant un CAHT inférieur à 5 000 €, les seuils cantonnant l’obligation d’avoir recours à un commissaire aux comptes sont repoussés à un CA HT de 8M€, bilan de 4M€ et effectif d’au moins 50 salariés

• La création d’actions à droit de vote multiple sera autorisée.

S’agissant des baux commerciaux, les clauses imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant seront réputées non écrites.

Le projet de loi sera examiné en commission spéciale à l’Assemblée Nationale la semaine du 3 septembre, puis en séance publique les semaines du 17 et du 23 septembre.

Modification du Cahier des clauses techniques générales applicable aux marchés publics de travaux

L’arrêté du 28 mai 2018 relatif à la composition du cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de travaux de génie civil (ci-après, le « CCTG de travaux de génie civil ») a procédé à une modification du CCTG de travaux de génie civil.

L’article 1 de l’arrêté précité a notamment mis à jour des huit fascicules suivants :

– fascicule 25 relatif à l’exécution des assises de chaussées en matériaux non traités et traités aux liants hydrauliques ;

– fascicule 26 relatif à l’exécution des revêtements superficiels et matériaux bitumineux coulés à froid ;

– fascicule 27 relatif à la fabrication et la mise en œuvre des enrobés hydrocarbonés ;

– fascicule 65 relatif à l’exécution des ouvrages de génie civil en béton armé ou précontraint ;

– fascicule 67 titre I relatif à l´exécution des travaux d’étanchéité (neufs, d’entretien ou de réfection), sur les ponts routes et les passerelles ;

– fascicule 67 titre III relatif à l’étanchéité des ouvrages souterrains ;

– fascicule 68 relatif à l’exécution des travaux géotechniques des ouvrages de génie civil ;

– fascicule 86 relatif à la construction d’installations de traitements biologiques de déchets ménagers avec éventuellement d’autres déchets non dangereux.

En revanche, l’arrêté du 28 mai 2018 supprime le fascicule 62 titre V relatif aux règles techniques de conception et de calcul des fondations d’ouvrages de génie civil et abroge l’arrêté du 30 mai 2012 relatif à la composition du cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de travaux de génie civil.

Les acheteurs publics pourront faire référence au CCTG de travaux de génie civil à compter de la publication de l’arrêté au journal officiel de la république, soit le 14 juin 2018. En revanche, il résulte de l’article 7 de l’arrêté du 28 mai 2018, les marchés publics qui se réfèrent au CCTG de travaux de génie civil et pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent arrêté demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses techniques générales, dans sa rédaction antérieure aux dispositions annexées au présent arrêté.

Précisions sur la notion de publicité en matière d’outrages

La distinction entre les délits de presse de diffamation ou d’injure (publiques comme non publiques) et le délit d’outrage n’est pas toujours aisée et nécessite une étude régulière des jurisprudences récentes.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 19 juin 2018, vient confirmer sa position quant aux critères permettant de régler le conflit idéal de qualifications entre ces délits.

Précisons que ce conflit de qualifications n’interviendra qu’en présence d’un propos qui visera une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service publique ou chargée d’un mandat public.

En l’espèce, à l’ouverture de la séance du conseil d’administration d’un lycée, une enseignante, accompagnée d’un groupe d’enseignants, avait pris la parole pour lire un texte dans lequel elle indiquait que les enseignants ne siégeraient pas au conseil d’administration en présence d’élus du Front National. Dans ce texte, le maire et son adjoint, présents en tant que représentants de la Ville, étaient qualifiés de « membres d’un parti raciste et xénophobe ».

Les élus citaient l’enseignante devant le Tribunal correctionnel, lequel la déclarait coupable du délit d’outrage et la condamnait à une peine de 1.500 € d’amende.

La Cour d’appel confirmait cette décision en retenant : «  qu’en présentant le parti politique auquel appartiennent les parties civiles comme raciste et xénophobe, puis en insistant sur leur qualité d’élus de ce parti et en manifestant le refus des enseignants de siéger à leurs côtés, les propos litigieux n’ont pu que rejaillir sur les intéressés eux-mêmes et les fonctions qu’ils incarnent ; […] que le fait de qualifier une personne de raciste ou xénophobe consistant à lui imputer une attitude idéologique ou un comportement discriminatoire, de tels termes destinés à un maire et à son adjoint, dans l’exercice de leurs fonctions, désignés par le conseil municipal de la commune pour siéger au conseil d’administration de l’établissement scolaire, portent une atteinte grave à leur autorité morale, à leur dignité et au respect dû à leur fonction, puisqu’ils sous-entendent que leurs administrés ne seront pas tous traités de façon égale en raison de l’idéologie censée les animer ».

L’enseignante se pourvoyait en cassation ; elle invoquait un motif de droit tenant au fait que, les propos ayant été tenus publiquement, par l’un des moyens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, ceux-ci devaient échapper à une répression du chef d’outrage pour relever des qualifications du droit de la presse.

La Cour de cassation rejetait le pourvoi en cassation en retenant que : « dès lors que la parole adressée à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie, qualifiée d’outrage par l’article 433-5 du code précité, d’une part, entre, même quand elle a été prononcée publiquement, dans les prévisions de ce texte, dont les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 n’ont pas modifié la portée ni affecté l’application, d’autre part n’entre pas dans le champ de l’article 10, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour d’appel a caractérisé, en tous ses éléments matériel et intentionnel, le délit dont elle déclaré la prévenue coupable ».

La tendance jurisprudentielle adopte, pour trancher le conflit de qualifications, un critère organique qu’elle privilégie désormais au seul critère de publicité.

(1) Entre la diffamation/l’injure publique et l’outrage, le raisonnement semble le suivant :

–    Si l’auteur a utilisé, parmi les modes de publicité de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, un mode de publicité non médiatique (profération sur la voie publique ou à l’occasion d’une réunion publique, ou par la diffusion d’une correspondance à des personnes non réunies dans une Communauté d’intérêts), le critère de publicité n’est plus suffisant.

Le critère organique permettra seul de régler le conflit : c’est l’hypothèse où l’auteur se sera « adressé directement à la victime » ou par le biais d’un « rapporteur nécessaire » (lorsque est assis par exemple un lien hiérarchique ou de collaboration entre la victime et chacun des destinataires) (Cass., Crim., 10 janvier 2017 n° 16-81558 : à propos d’un courriel adressé à des personnes non réunies dans une communauté d’intérêts) ; l’arrêt de la Chambre criminelle du 19 juin 2018 vient confirmer cette position.

Toutefois, l’action de s’adresser à la victime ou à son rapporteur nécessaire n’est pas présumée de manière irréfragable : l’autorité de poursuite qui soutient la qualification d’outrage, à l’exclusion d’une infraction de presse, doit ainsi en apporter la preuve (Cass., Crim.,  29 mars 2017, n° 16-82.884 : à propos d’une conférence publique).

–    Si l’auteur a utilisé, parmi les modes de publicité de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, un mode de publicité médiatique (presse imprimée, Internet…) pour proférer ces accusations, il est présumé s’être adressé à un public indéterminé et non s’être adressé à la victime du propos ou à son rapporteur nécessaire – notions d’ailleurs bien antithétiques – (Cass., Crim., 1er mars 2016 n° 15-82824 : à propos d’une utilisation d’Internet).

La question demeure en suspens de savoir si cette présomption serait irréfragable : que faire ainsi du propos aux termes desquels – nonobstant l’utilisation d’un mode de publicité médiatique (tel qu’Internet par exemple) – l’auteur se sera adressé directement à la victime en l’apostrophant personnellement ?

(2) Rappelons que le conflit de qualification entre le délit d’outrage et la contravention de première classe de diffamation/injure non publique est réglé en faveur de l’outrage, lorsque les propos mettent en cause « l’honorabilité et la délicatesse » de la victime dans l’exercice de ses fonctions publiques, ou critiquent ses compétences professionnelles ou remettent en question son intégrité ou sa probité dans l’accomplissement de sa mission (Cass., Crim., 24 janvier 1991, n° 87-90.214 ; Cass., Crim., 14 décembre 2016 n° 15-85517).

Rupture conventionnelle : Nouveau délai de rétractation en cas de signature d’une nouvelle convention de rupture conventionnelle après un refus d’homologation

En l’espèce, une salariée signe avec son employeur une première rupture conventionnelle le 27 juin 2013. L’autorité administrative refuse d’homologuer cette convention au motif que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle était inférieure au minimum conventionnel. A la suite de ce refus, les parties ont signé un second formulaire de rupture conventionnelle en prenant soin de rectifier le mondant de l’indemnité mais sans prévoir un nouveau délai de rétractation.
La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale d’une contestation de la validité de la rupture.
Dans un arrêt en date du 30 septembre 2016, la Cour d’appel de Douai énonce que la rupture du contrat de travail de la salariée équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a eu à se demander si une partie à une convention de rupture peut valablement demander l’homologation de cette convention à l’autorité administrative avant l’expiration du délai de rétractation de 15 jours prévu par l’article L. 1237-13 du Code du travail lorsque cette convention a été conclue après une première qui a fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative.
La Haute juridiction répond par la négative et énonce qu’en cas de nouvelle convention à la suite d’un refus d’homologation, les parties doivent reprendre l’ensemble de la procédure et prévoir un nouveau délai de rétractation.
En statuant ainsi, les Hauts magistrats soulignent que le délai de rétractation de 15 jours calendaires est un élément essentiel qui garantit le consentement des parties à la convention.

Quelques précisions sur la protection des données personnelles dans les relations de travail

La Cour de cassation a apporté des précisions sur la mise en œuvre des règles relatives à la protection des données personnelles dans les relations de travail.

Il convient de préciser à titre liminaire que nonobstant des faits antérieurs à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données et des modifications apportées par la loi n° 2018-493 relative à la protection des données personnelles, les règles de fond envisagées dans cet arrêt sont demeurées les mêmes.

Dans cette espèce, une compagnie aérienne disposait depuis 2005 d’un outil informatique déclaré auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) comme ayant pour finalité d’être réservé à l’encadrement des Personnels navigants techniques (PNT), permettant un suivi de l’activité journalière et un passage de consignes entre les cadres de permanence des sites de Roissy et d’Orly.

Ces informations ayant pour but d’informer les cadres sur les événements liés à l’exploitation et les demandes particulières des pilotes, cette finalité n’avait fait l’objet d’aucune critique de la part de la CNIL au moment de sa déclaration en 2005.

Cette application a été par la suite étendue à l’ensemble de la flotte.

Estimant cette application illicite au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le syndicat des pilotes de la Compagnie a en premier lieu saisi le juge des référés aux fins de déclarer l’application non conforme à la loi, aux dispositions conventionnelles de la convention collective nationale des PNT et au livre des standards, d’ordonner à la Société de cesser toute utilisation de l’application et la condamner à lui payer des dommages-intérêts.

Aux termes de son arrêt du 13 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du syndicat des pilotes de la Compagnie et a précisé les trois points suivants :

1)      Informer les salariés de manière globale sur les données collectées n’est pas déloyal 

Constatant que les pilotes avaient, d’une part, été informés préalablement de l’existence de ce traitement automatisé des données à caractère personnel, de sa finalité, des destinataires des données collectées et de leurs droits d’accès, de rectification et de suppression depuis sa date de création, par le biais d’un mémo circularisé sous forme papier et disponible de manière constante sur l’intranet qui leur était dédié, et qu’ils pouvaient, d’autre part, à tout moment accéder directement à l’événement pour y ajouter leurs commentaires, la Cour a considéré que l’application était conforme à l’exigence de loyauté de la collecte posée par l’article 6 1°de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

2)      Sur la finalité du traitement : une appréciation souple 

La Cour de cassation a suivi le raisonnement de la Cour d’appel qui a considéré que les cas d’utilisation de données dénoncés par le syndicat comme fautifs n’étant pas à eux seuls suffisants à démontrer l’illicéité de l’application et a donc constaté l’absence de détournement de la finalité déclarée de l’application à des fins de gestion illicite du personnel en violation de l’article 6 2° de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

3)      Sur les données sensibles

En premier lieu, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel qui a considéré que dans la mesure où les indications relatives aux arrêts de travail ne faisaient pas apparaître le motif de l’absence, elles ne pouvaient être considérées comme une donnée relative à l’état de santé bénéficiant de la protection prévue à l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

En second lieu, bien que l’application eût mentionné à deux reprises la qualité de gréviste des salariés, la Cour d’appel rappelait que les cas étaient isolés, ancien pour l’un d’eux, rectifiés et résultant d’erreurs commises par les utilisateurs que l’entreprise s’efforçait d’éviter en leur diffusant une liste de termes génériques.

Dès lors, selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a pu en déduire qu’il n’était pas établi que l’application litigieuse offrait la possibilité de collecter des données illicites au sens de l’article 8 de la loi précitée.

Par cet arrêt, la Cour de cassation apporte quelques précisions sur les dispositions désormais en vigueur et permet de se demander si in fine elle n’accorde pas un droit à l’erreur à l’employeur.

 

Précisions jurisprudentielles sur la portée de l’obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes lors des élections professionnelles

Depuis le 1er janvier 2017, les listes de candidats présentées aux élections professionnelles doivent :
– d’une part, être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ;
La constatation par le Juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la proportion d’hommes et de femmes entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter.
Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
– d’autre part, respecter la règle d’alternance des candidatures (C. trav., art. L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 ; C. trav., art. L.2314-30 nouveau) .
La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la règle de présentation en alternance d’un candidat de chaque sexe entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions (C. trav., art. L. 2314-25 et L. 2324-23 anciens ; C. trav., art. L. 2314-32 nouveau).
La Cour de cassation avait déjà précisé que les règles de représentation équilibrée sont d’ordre public absolu. Ainsi, la signature du protocole préélectoral à l’unanimité prévoyant seulement que les syndicats s’engagent à rechercher les voies et les moyens qui permettraient de parvenir le plus possible à une représentation équilibrée, sans reprendre les règles légales y afférentes, ne peut faire obstacle à la contestation après l’élection des listes de candidats ne respectant pas ces règles (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133)
En effet, la représentation équilibrée n’est pas une obligation de moyen, et l’élection du candidat du sexe surreprésenté doit être annulée même si le syndicat prouve qu’il n’est pas en mesure de présenter une liste conforme au résultat de la règle de la représentation équilibrée (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.569).
Dans un arrêt du 6 juin 2018, la Haute juridiction fait de nouveau une application rigoureuse des règles de représentation équilibrée qui doivent gouverner l’élaboration des listes de candidats aux élections professionnelles en retenant que c’est bien chaque liste qui doit leur être conforme. Ainsi, même si in fine, la représentation élue reflète exactement la proportion hommes/femmes du collège électoral, cela ne régularise pas les listes irrégulières (Cass., Soc., 6 juin 2018, n° 17-60.263).
En l’espèce, des partenaires sociaux avaient signés un protocole d’accord préélectoral en vue de l’élection des délégués du personnel et du Comité d’entreprise.
Pour l’élection des DP titulaires, trois sièges étaient à pourvoir. Le collège unique était composé à 79% de femmes et 21% d’hommes : les listes devaient alors être composées de deux femmes et un homme.
Cette règle avait été respectée par la CGT, tandis que la CFDT ne présentait que deux femmes. Avaient été élus deux femmes et un homme.
Pour l’élection des membres titulaires du CE pour le 1er collège, six sièges étaient à pourvoir. Le collège étant composé de 73% de femmes et 27%, de sorte que l’application des règles édictées par le Code du travail devait conduire à établir une liste composée de quatre femmes et deux hommes. Cependant, le protocole préélectoral aurait prévu que devaient figurer sur les listes cinq femmes et un homme.
La CFDT a présenté quatre femmes, la CGT deux femmes et un homme, et FO présentait une femme. Cinq femmes et un homme étaient élus à l’issue du scrutin.
Dès lors que les listes présentées dans le cadre des élections des deux instances représentatives du personnel ne respectaient pas les exigences légales en matière de parité femmes/hommes, le syndicat FO saisissait le tribunal d’instance, aux fins que soit prononcée l’annulation de deux mandats d’élus CFDT.
Cette dernière invoquait alors la représentation équilibrée des sexes tant au sein des délégués du personnel que du CE et soutenait à ce titre, que la composition irrégulière des listes de candidats qu’elle ne contestait pas, n’avait pas fait obstacle à l’élection d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
Si le hasard du scrutin a en effet permis, in fine, d’atteindre une représentation équilibrée au sein des deux instances, cette argument est inopérant selon la Cour de cassation qui affirme alors que « La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la règle de l’alternance […] entraîne l’annulation de l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas [les prescriptions légales], à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège et que tous les candidats de la liste aient été élus ».
Cette décision confirme ainsi que si en cas de méconnaissance par une liste de l’alternance de candidats de chaque sexe, l’élection du candidat dont le positionnement sur la liste n’est pas conforme sera annulée en cas de contentieux, il existe néanmoins une exception à la mise en œuvre de cette sanction si les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies :
– la liste doit respecter la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné ;
– et tous les candidats présentés sur celle-ci doivent avoir été élus (Cass., Soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133).
Par son arrêt du 6 juin 2018, la Haute juridiction confirme que c’est seulement dans cette hypothèse, qu’il n’y a pas lieu de sanctionner le non-respect de la règle de l’alternance hommes/femmes dans l’ordre de présentation des candidats.
Cette règle stricte de l’alternance applicable à l’élaboration des listes de candidats ne souffre ainsi d’aucune autre exception, y compris lorsque les résultats du scrutin aboutissent à ce que la composition de la représentation élue reflète exactement la composition du collège électoral.

Obligation de suspendre la signature du contrat et preuve de l’introduction du recours

Par une ordonnance en date du 25 juin 2018, le Conseil d’État a mis un terme aux positions divergentes des Tribunaux administratifs sur la question de savoir si la notification d’un référé précontractuel au pouvoir adjudicateur devait, ou non, être accompagnée d’une preuve du dépôt de la requête devant le Tribunal pour être regardée comme régulière, et pour emporter la suspension de la signature du contrat.

Le Conseil d’État était saisi en cassation d’une ordonnance du tribunal administratif de Toulon qui n’était pas passée inaperçue et que certains avait pour le moins jugé audacieuse. Le Tribunal administratif de Toulon avait en effet considéré qu’un centre hospitalier ne méconnaissait pas son obligation de suspendre la signature du contrat s’il le signait après avoir été averti par le candidat évincé de ce qu’un référé précontractuel avait été introduit mais sans toutefois que n’y soit adjoint la preuve de ce que le recours avait réellement été introduit.
Le Tribunal rappelait en effet que l’obligation de suspendre la signature du contrat pesait sur le pouvoir adjudicateur à compter, « soit de la notification au pouvoir adjudicateur du recours par le représentant de l’État ou son auteur agissant conformément aux dispositions de l’article R. 551-1 du Code de justice administrative, soit de la communication de ce recours par le greffe du Tribunal administratif ». Et il jugeait alors que, faute pour la société d’avoir envoyé l’accusé de réception du dépôt de recours délivré automatiquement par l’application Télérecours lors de la notification de son recours au Centre hospitalier, le référé précontractuel ne pouvait être regardé comme régulièrement notifié au sens des dispositions de l’article R. 551-1 du Code de justice administrative. Et il en concluait que le Centre hospitalier avait donc légalement pu signer la contrat en l’absence de notification du recours par le Tribunal administratif et de notification régulière par l’auteur du recours (TA Toulon, ordonnance, 15 janvier 2018, Société Hospitalière d’assurances mutuelles, req. n° 1704809).
La décision pouvait se comprendre, d’un certain point de vue. On sait que l’article L. 551-4 du code de justice administrative (CJA) indique que « le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du Tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ». Et l’on sait aussi que l’article R. 551-1 du CJA dispose que « le représentant de l’État ou l’auteur du recours est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur ». Or, cette formule pouvait effectivement suggérer que c’est bien le recours qui doit être notifié au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire la preuve de ce que le candidat évincé à véritablement introduit un recours. Ce raisonnement participe du reste d’une bonne logique : si une telle obligation n’existait pas, un requérant pourrait abusivement retarder la signature d’un marché en notifiant au pouvoir adjudicateur une requête pourtant toujours pas adressée au tribunal.
D’un autre point de vue, retenir l’existence d’une telle obligation, comme avait pu le faire le Tribunal administratif de Toulon, était une manière d’introduire une condition supplémentaire à la suspension de la signature dès lors que les dispositions précitées n’indiquaient pas expressément que la réalité du recours devait être démontrée pour qu’il soit regardé comme notifié. C’est du reste en ce sens que quelque semaine plus tard, le tribunal de Rouen avait jugé que « les dispositions de l’article R. 551-1 du Code de justice administrative n’impose pas que la transmission au pouvoir adjudicateur par la société dont l’offre est rejetée de son recours en référé précontractuel soit accompagnée de l’accusé de réception du dépôt et de l’enregistrement de sa requête au tribunal administratif délivré par l’application télérecours […] Dans ces conditions, la métropole n’est pas fondée à soutenir que la société Gallis ne lui a pas notifié son recours en référé précontractuel dans les conditions prévues à l’article R. 551-1 du Code de justice administrative » (TA Rouen, ordonnance, 24 mai 2018, Société Gallis, req. n° 1801446).
Et c’est cette seconde position que le Conseil d’État a retenue lorsque, saisi de la question à l’occasion du pourvoi contre l’ordonnance du tribunal administratif de Toulon, il a dû se prononcer. Par une ordonnance du 25 juin 2018, le Conseil d’État a en effet jugé que « ni les dispositions précitées [l’article R. 551-1 du CJA], ni aucune autre règle ou disposition ne subordonnent l’effet suspensif de la communication du recours au pouvoir adjudicateur à la transmission, par le demandeur, de documents attestant de la réception effective du recours par le Tribunal ». Et faisant application de ce principe à l’espèce, le Conseil d’État a indiqué « qu’en exigeant ainsi que le demandeur apporte au pouvoir adjudicateur la preuve de la saisine du Tribunal par la transmission de l’accusé de réception du dépôt et de l’enregistrement de la demande délivré par télérecours, et en déduisant qu’en l’absence d’une telle production, le centre hospitalier intercommunal n’avait pas méconnu l’obligation qui pesait sur lui de suspendre la signature du marché et en jugeant que, par suite, le référé contractuel était irrecevable, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit ».
Le Conseil d’État apporte ainsi une réponse claire et sans équivoque à ce débat : la preuve du dépôt du référé précontractuel devant le Tribunal administratif n’a pas à être jointe à la notification du recours au pouvoir adjudicateur pour qu’elle produise ses effets c’est-à-dire pour que l’obligation de suspendre la conclusion du contrat s’impose au pouvoir adjudicateur.

Intérêt communautaire de la compétence « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales »

La compétence « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » est exercée de plein droit par les Communautés de communes et les Communautés d’agglomération depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Néanmoins, le législateur a associé à cette compétence la définition d’un intérêt communautaire.

Et le législateur indique à propos de la définition de cet intérêt communautaire que celui-ci est déterminé par le conseil de la communauté de communes à la majorité des deux tiers, au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur de l’arrêté prononçant le transfert de compétence. A défaut de définition à l’issue de cette période, la Communauté de communes exerce l’intégralité de la compétence transférée (article L. 5214-16 IV et L. 5216-5 III du CGCT).

S’agissant de la portée de l’intérêt communautaire à définir, on notera qu’un doute a pu émerger : l’intérêt communautaire doit-il porter sur le volet « soutien aux activités commerciales » ou encore « politique locale du commerce » ou bien sur les deux volets ?

La doctrine n’a pas forcément adopté le même point de vue. La tendance qui ressortait penchait plutôt en faveur d’une définition d’un intérêt communautaire portant uniquement sur le volet « soutien aux activités commerciales ».

Néanmoins, une réponse ministérielle récente est venue préciser sans ambiguïté que l’intérêt communautaire doit, au contraire, être défini sur les deux volets de la compétence :

« (…)Toutefois, au sein de cette compétence, la loi distingue la composante « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire ». Il n’y a pas lieu de traiter de manière distincte la politique locale du commerce du soutien aux activités commerciales. En effet, la définition d’un intérêt communautaire permet l’élaboration d’un projet de développement de la politique locale du commerce et de soutien aux activités commerciales sur un territoire ou une thématique pertinents. En conséquence, le conseil communautaire délibère pour déterminer ce qui relève de sa compétence, à la fois en matière de politique locale du commerce et de soutien aux activités commerciales. Il s’ensuit que les communes membres interviennent dans le champ de la politique locale du commerce et du soutien aux activités commerciales qui n’aura pas été reconnu d’intérêt communautaire. Cette ligne de partage au sein de la compétence « commerce » permet à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de laisser au niveau communal des compétences de proximité et d’exercer les missions qui, par leur coût, leur technicité, leur ampleur ou leur caractère structurant, s’inscrivent dans une logique intercommunale » (JO sénat du 31 mai 2018, QE03725 , p. 2702)
En ce qui concerne le contenu de la compétence en revanche, ni la jurisprudence, ni la doctrine des services de l’Etat n’apporte, à ce stade, d’éléments pour préciser ses contours.

Précisions sur le contenu d’une demande de prorogation de DUP

Pour rappel, l’article L.121-4 du nouveau Code de l’expropriation précise que « l’acte déclarant l’utilité publique précise le délai pendant lequel l’expropriation devra être réalisée. Il ne peut excéder cinq ans, si la déclaration d’utilité publique n’est pas prononcée par décret en Conseil d’Etat en application de l’article L. 121-1. Toutefois, si les opérations déclarées d’utilité publique sont prévues par des plans d’occupation des sols, des plans locaux d’urbanisme ou des documents d’urbanisme en tenant lieu, cette durée maximale est portée à dix ans ».

Ainsi, la DUP n’a donc qu’une durée de validité limitée, de cinq ou dix ans selon la nature de l’opération, au-delà laquelle elle perd ses effets si l’expropriation n’est pas intervenue. Pour les opérations dont l’utilité publique est prononcée par décret, l’administration est libre de déterminer le délai, lequel peut être portée à 15 ans notamment pour les opérations relatives aux infrastructures de transport.

Le délai peut être suspendu. C’est notamment le cas lorsque la DUP est annulé par le Tribunal administratif mais que la Cour administrative d’appel annule à son tour le jugement rendu en première instance. Le délai est alors suspendue à compter de la date du jugement et recommence à courir, pour la durée de validité restante, à compter de celle de l’arrêt de la Cour administrative d’appel (CE, 14 octobre 2009, Daniel, req n° 311999).

Le délai peut également être prorogé. L’article L.121-5 du nouveau Code de l’expropriation précise qu’« un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d’utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n’est pas supérieure à cinq ans ».

Dans un arrêt du 5 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a précisé qu’« aucune disposition législative ou réglementaire n’impose de joindre à la demande de prorogation d’une DUP un dossier comportant la délibération sollicitant la prorogation, les raisons pour lesquelles l’expropriation des parcelles nécessaires à la réalisation du projet n’a pu être effectuée dans le délai initial de 5 ans et la présentation des éventuelles modifications apportées au projet initial ».

Elle précise également que le courrier par lequel il est demandé au préfet de prolonger les effets de la DUP ne présente pas un caractère de décision individuelle et ne fait pas partie des actes soumis à l’obligation de motivation.

« Si le 3 de l’article L. 11-1-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, alors applicable, prévoit que  » l’acte déclarant l’utilité publique est accompagné d’un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d’utilité publique de l’opération « , ces dispositions, qui exigent que l’auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l’ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant de motiver une décision qui, tel l’arrêté contesté, se borne à proroger, sans les modifier, les effets d’une déclaration d’utilité publique. Par ailleurs, un tel acte n’entre pas dans le champ de l’application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration. Dès lors le tribunal a estimé à juste titre que M. D ne pouvait utilement se prévaloir de l’insuffisance de motivation de l’arrêté querellé ».

Ainsi, à l’instar de la DUP, l’arrêté de prorogation n’a pas à être motivé.

Précisions sur les mentions à indiquer dans l’évaluation socio-économique des grandes infrastructures de transports

Rappelons que les grands projets d’infrastructures de transport doivent faire l’objet d’une évaluation socio-économique.

Les dispositions l’article R. 1511-4 du Code des transports prévoit que le dossier soumis à l’enquête publique doit comporter :

1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d’entretien, d’exploitation et de renouvellement de l’infrastructure projetée ;
2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ;
3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d’ouvrage, le projet présenté a été retenu ;
4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d’exploitation »

On rappellera que le Conseil d’Etat n’a pas de position formaliste quant à la présence dans l’une des pièces du dossier d’évaluation d’une des informations requises par les textes, dès lors que cette information figure, de toute façon, dans un des documents du dossier.

Dès lors, le caractère insuffisant du contenu de l’un des documents ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité du projet, à condition que les autres pièces du dossier permettent de donner au public les éléments d’information exigés par les dispositions en vigueur.

Ainsi, par exemple, la circonstance que certains coûts indirects n’aient pas été rappelés dans l’étude socio-économique est sans effet, dès lors que ces informations figurent dans le dossier d’enquête publique (CE, 29 avril 1998, Commune de Gonesse, n° 187801).

Le Juge administratif fait preuve d’une grande souplesse dans son appréciation de la présence et du contenu de l’évaluation socio-économique prévue par le code des transports.

Il importe que les impacts financiers du projet aient été analysés par le maître d’ouvrage, sans pour autant que chaque coût afférent au projet soit précisément détaillé.

S’agissant précisément de l’analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, de l’estimation du taux de rentabilité financière, le juge administratif s’attache à examiner si, au regard des éléments analysés dans le cadre de l’évaluation socio-économique, et plus généralement du dossier d’enquête publique, le public a été suffisamment informé des coûts globaux induits par le projet et de son intérêt, en termes de bilan prévisionnel et de rentabilité financière, pour la collectivité publique (CE, 3 décembre 2010, Commune de Lattes, n° 306752).

Il a été jugé que l’absence de mention expresse de certains éléments et notamment de certains coûts ne suffit pas à établir que ceux-ci n’auraient pas été pris en compte par l’administration ni à vicier le dossier d’enquête publique (CE, 9 mai 2001, n° 218263 ; CE, 9 février 2004, Association Manche-Nature, n° 223121 ; voir également).

Toutefois, dans sa décision du 11 avril 2018, n° 401753, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les mentions qui doivent figurer dans l’évaluation socio-économique.

Il a jugé que les dispositions du Code des transports précitées « n’imposent pas que l’évaluation socio-économique qui accompagne le dossier d’enquête publique précise le régime juridique sous lequel sera réalisé le projet envisagé » et fasse la démonstration « qu’aucune solution alternative plus favorable à l’environnement ne pouvait être envisagée pour un coût raisonnable ».

En revanche, il a estimé que « l’évaluation économique et sociale doit comporter une description de la méthode de calcul des différents indicateurs permettant d’estimer la rentabilité du projet, parmi lesquels figure le taux de rentabilité interne économique et social ».

Dès lors, la décision de la Cour administrative d’appel de Nantes, qui avait estimé que l’absence d’indication du coût d’exploitation et de renouvellement et d’une estimation du taux de rentabilité financière de l’infrastructure projetée n’était pas de nature à caractériser une insuffisance de l’évaluation socio-économique, doit être appréciée avec prudence (CAA Nantes, 10 novembre 2009, Association Manche-Nature, n° 08NT02671).

Projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) : les principales mesures sociales

La Loi PACTE sera probablement examinée en commission à l’Assemblée nationale à la rentrée et débattue en séance publique à l’automne pour une publication au Journal officiel en fin d’année.

Il convient donc de faire un point sur les principales modifications qu’elle apporte en l’état du projet au droit du travail.

Ces modifications sont de trois ordres :

– L’épargne salariale et l’épargne retraite (1) ;

– Les seuils d’effectifs (2) ;

– La gouvernance (3).

1- Les changements en matière d’épargne

Le projet de loi vise à développer l’épargne salariale. Il encourage les branches à se doter, au plus tard le 31 décembre 2019, d’un accord d’intéressement, de participation ou d’un règlement de plan d’épargne salariale pour permettre à leurs petites entreprises de moins de 50 salariés, d’appliquer directement l’accord ainsi négocié.

Selon le projet, à défaut d’initiative patronale au 31 décembre 2018, la négociation s’engagera dans les 15 jours suivant la demande d’une organisation syndicale.

En outre et au niveau de l’entreprise des mesures incitatives seront prises en matière d’épargne salariale (a) et d’épargne retraite (b).

a- Les modifications prévisibles en matière d’épargne salariale :

 En matière d’intéressement :

En matière d’intéressement et de participation dans les TPE/PME le législateur entend pérenniser la suppression du forfait social.

La loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 avait déjà fait un premier pas en faveur des entreprises de moins de 50 salariés concluant pour la première fois à compter du 7 août 2015 un accord d’intéressement, un forfait social au taux de 8%.

Ce taux réduit s’appliquait cependant durant seulement 6 ans à compter de la date d’effet de l’accord (même si l’entreprise avait atteint ou dépassé le seuil de 50 salariés en cours de période (hors fusion ou absorption) mais ne s’appliquait pas à l’abondement patronal.

Le projet de loi PACTE en l’état du projet étendra ce dispositif :

– aux entreprises de moins de 50 salariés qui pourront bénéficier de façon pérenne d’une exonération totale de forfait social sur les sommes issues de la participation (volontaire), les primes d’intéressements et les abondements patronaux sur un plan d’épargne salariale, quel que soit le support sur lequel ces sommes sont investies ;

– aux entreprise employant entre 50 et moins de 250 salariés qui seront exemptées de forfait social sur les sommes versées au titre de l’intéressement.

 En matière de participation :

Les modalités de décompte et de franchissement du seuil de 50 salariés changent pour la participation obligatoire.

Ainsi, jusqu’alors, seules les entreprises employant habituellement au moins 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices, devaient mettre en place un accord de participation.

A l’avenir, l’article 55 du projet de loi PACTE retarderait la mise en œuvre de la participation obligatoire : l’obligation de la mettre en place ne s’appliquerait qu’à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période de 5 années civiles consécutives suivant le franchissement du seuil de 50 salariés.

 Le fonds d’actionnariat salarié :

Le projet de loi autorise l’abondement patronal unilatéral sur les fonds d’actionnariat salarié proposés dans un plan d’épargne salariale, sous réserve que le règlement du plan le prévoit expressément et d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés.

Les actions ainsi acquises par le salarié seraient indisponibles 5 ans minimum.

En outre, l’abondement patronal (unilatéral ou non) au fonds d’actionnariat salarié devrait bénéficier d’un taux de forfait social réduit de moitié (10 % contre 20 %).

b- Les modifications prévisibles en matière d’épargne retraite :

L’objectif de la Loi PACTE est de renforcer l’attractivité des produits d’épargne retraite.

Ainsi, d’une part le Perp et le contrat Madelin ne feront plus qu’un.

D’autre part la mise en place du PERCO sera facilitée.

En effet :

– jusqu’alors la mise en place d’un PERCO nécessitait l’existence d’un PEE ou d’un PEI : cette condition serait supprimée ;

– Le projet de Loi prévoit une gestion pilotée de l’ensemble des produits épargne retraite : si les produits d’épargne retraite disposent de fonds proposant une gestion pilotée par défaut, investissant à hauteur de 10 % dans des titres éligibles au PEA-PME, le taux du forfait social applicable aux abondements patronaux à tout plan d’épargne retraite d’entreprise serait fixé à 16 %.

– Le projet prévoit une généralisation de la portabilité des droits à retraite et de la déduction fiscale des versements volontaires : ainsi les droits à retraite des épargnants pourront être transférés (gratuitement pour les avoirs détenus depuis au moins 5 ans) d’un produit d’épargne retraite à l’autre, même s’ils sont de nature différente

– Il devrait généraliser à l’ensemble des produits de retraite supplémentaire la possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu les versements volontaires, dans la limite des plafonds existants.

– Il généralise également la sortie en capital : seules les cotisations salariales et patronales obligatoires placées sur les produits d’épargne devraient être liquidées sous forme de rente viagère. Les autres sommes investies (versements volontaires, primes d’intéressement, sommes issues de la participation, abondement patronal) pourraient être perçues sous forme de capital.

– Il étend la possibilité de débloquer les avoirs issus de l’épargne retraite de manière anticipée pour l’achat d’une résidence principale à l’ensemble des produits d’épargne.

2- Sur les seuils d’effectif :
Le but du projet de Loi et d’accorder plus de stabilité aux entreprises en réformant à la fois les règles de décompte de l’effectif (a), la multiplicité de seuils et les effets du franchissement de seuil (b).

a- Sur les règles de décompte des effectifs :

A l’avenir, la règle de décompte des effectifs majoritairement appliquée serait celle retenue par le code de la Sécurité sociale.
Ainsi, dans les cas ci-après, l’effectif à retenir serait l’effectif salarié annuel de l’employeur correspondant à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente :

– seuil d’effectif prévu pour le versement transport ;
– seuil d’effectif déterminant le pourcentage de contrepartie obligatoire sous forme de repos due au salarié qui effectue des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, en l’absence d’accord collectif ;
– seuils d’effectif déterminant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ;
– seuils d’effectif applicables pour l’exonération sociale des cotisations des apprentis ;
– seuils d’effectif associés à l’entretien professionnel ;
– seuil d’effectif applicable à la participation à l’effort de construction (PEEC) ;
– seuil d’effectif applicable aux chefs d’entreprise souhaitant acquérir des chèques-vacances.

b- Sur les seuils :

  Diminution du nombre de seuil :

Les seuils d’effectifs seront recentrés sur 3 niveaux :

– le seuil de 11 salariés ;

– le seuil de 50 salariés ;

– le seuil de 250 salariés.

Les seuils intermédiaires seraient supprimés ou réduits :

Le seuil de 20 salariés sera cependant maintenu pour :

– la déduction forfaitaire patronale applicable aux heures supplémentaires;

– le seuil d’effectif déterminant la contrepartie obligatoire sous forme de repos due au salarié effectuant des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel;

– le seuil d’effectif applicable à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Le seuil rendant obligatoire la mise à disposition d’un local syndical commun passerait, lui, de 200 à 250 salariés.

 Modification des règles afférentes au franchissement de seuils :

Un seuil ne serait réputé franchi que s’il a été atteint pendant 5 années civiles consécutives (soit selon le ministère un cycle économique) : à chaque fois que l’entreprise passerait sous le seuil d’effectif, le délai de 5 ans courrait à nouveau.

En revanche, le seuil perdrait ses effets contraignants pour l’entreprise dès que celle-ci se situerait en-dessous du seuil, une seule année seulement.

3- Sur la gouvernance d’entreprise
Le gouvernement souhaite augmenter le nombre d’administrateurs « salariés ».

Ainsi, 2 membres salariés seront nécessaires dès que le conseil d’administration d’une société de plus de 1000 salariés comprend 8 administrateurs.

Une fois publiée au JO, cette disposition entrerait en vigueur au plus tard six mois après l’assemblée générale modifiant les statuts.

Propriété : Expulsion et démolition d’un bien construit sur le terrain d’autrui

Le 17 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien illégalement construit sur le terrain d’autrui étaient les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien.

En l’espèce, un couple a assigné le propriétaire d’un terrain en revendication de la propriété, par prescription trentenaire, de la parcelle qu’ils occupaient et sur laquelle ils avaient construit leur maison.
Le propriétaire se prévalant d’un titre de propriété a demandé la libération des lieux et la démolition de la maison.

La Cour d’appel a fait droit à la demande du propriétaire.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel :

« Mais attendu que les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Qu’une telle ingérence est fondée sur l’article 544 du code civil, selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l’article 545 du même code, selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;

Qu’elle vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Que, l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété »

C’est ainsi que la Cour de cassation considère que l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte n’est pas disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété.

Le défendeur étant propriétaire de la parcelle litigieuse et le couple ne rapportant pas la preuve d’une prescription trentenaire, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision

Empiètement sur le fonds d’autrui : la Cour de cassation confirme a nouveau que l’action en démolition peut être actionnée par la victime en toutes hypothèses

Il est d’un principe, qui n’a pas évolué depuis 1804, que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Plus précisément en matière foncière, l’atteinte à la propriété peut par exemple se caractériser par un empiètement, c’est-à-dire par la construction par autrui d’un ouvrage sur ou en surplomb d’un fonds ne lui appartenant pas ou sur lequel il ne dispose d’aucun droit.

Dans ce cas, et tant le droit de propriété violé par l’empiètement est sacré, la sanction élaborée par la jurisprudence en répression de cette violation est alors particulièrement sévère puisqu’il s’agit de démolir les fractions d’ouvrages implantés sur ou en surplomb du fonds empiété.

La question se pose donc, assez fréquemment, de savoir si cette sanction est toujours justement proportionnée à toutes les situations d’atteinte au droit de propriété, notamment lorsque l’empiètement est minime ou lorsqu’il n’occasionne pas directement de gène au propriétaire du fonds victime.

En effet, non seulement il n’est pas rare que des empiètements ne soient constitués que de quelques centimètres carrés seulement, mais encore, que les travaux de démolitions s’avèrent extrêmement couteux au regard de la surface empiétée.

Cette question a à nouveau été posée à la Cour de cassation au mois de décembre dernier, le plaideur en infraction ayant notamment soulevé que « nul ne peut user de son droit de propriété de façon abusive ; qu’en condamnant consorts B… Z… à la démolition de toute construction empiétant sur le fonds D… sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, si la persistance de M. D… à solliciter une telle sanction en dépit du caractère très minime de l’empiétement et de l’absence de gêne occasionnée, ne procédait pas d’une malveillance et d’un acharnement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 545 du Code civil ».

Sur ce, la Cour de cassation a réaffirmé la fermeté de la sanction prévue en cas d’empiètement en jugeant, sans ambiguïté, que « tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ».

Il convient donc d’observer avec la plus grande vigilance, et encore plus particulièrement lors les opérations de constructions, que les constructions à édifier n’empiètent pas sur les fonds voisins.

Perception par le bailleur des fruits d’une sous-location non autorisée sur Airbnb en vertu de la théorie de l’accession

Un bailleur a délivré à ses locataires, titulaires d’un bail consenti le 16 avril 1997, un congé pour reprise à effet au 31 mai 2015.

Les locataires ont invoqué l’irrégularité pour se maintenir dans les lieux à l’effet du congé.

L’appartement donné en location figurant sur le site Airbnb depuis le mois d’août 2012, le bailleur a assigné les locataires en validation de congé ainsi qu’en dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour sous-location irrégulière.

Condamnés suivant jugement du Tribunal d’Instance du 5ème arrondissement de Paris le 6 avril 2016, les locataires ont interjeté appel.

En cause d’appel, le bailleur invoquait la théorie de l’accession de l’article 546 du Code civil pour réclamer le versement à son profit des fruits de la sous-location non autorisée.

Suivant arrêt en date du 5 juin 2018, la Cour d’Appel de Paris, entérinant l’argumentation du bailleur, a condamné les anciens locataires au paiement de la somme de 27.295 € entre les mains du bailleur au titre des fruits civils :

 « Il résulte des articles [546 et 547 du Code civil] que les loyers perçus par les appelants au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété et appartiennent de facto au propriétaire.
Que les appelants sont aussi mal fondés à invoquer un enrichissement sans cause de leur bailleur puisque la perception des loyers de la sous-location par [le bailleur] a pour cause son droit de propriété ;
Que les locataires ne pouvaient donc valablement payer au bailleur leur loyer avec d’autres fruits civils produits par l’appartement, car les fruits reviennent tous au propriétaire par accession ;
Que le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière, cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci ;
Considérant qu’en conséquence les fruits de la sous-location appartiennent [au bailleur] et les appelants seront solidairement condamnés à lui rembourser les sommes qu’ils ont perçues à ce titre. »

A l’occasion de cet arrêt, la jurisprudence désormais fournie en matière de sous location prohibée, fait à nouveau preuve d’audace juridique (voir LAJ du mois de mai 2018 sur le jugement du TI de Paris 6ème du 6 février 2018, n° 1-17-000190) pour sanctionner la sous-location non autorisée sur les sites de type Airbnb et ainsi tenter d’endiguer ce phénomène.