le 11/07/2018

Précisions jurisprudentielles sur la portée de l’obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes lors des élections professionnelles

Cass., Soc., 6 juin 2018, n° 17-60.263

Depuis le 1er janvier 2017, les listes de candidats présentées aux élections professionnelles doivent :
– d’une part, être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ;
La constatation par le Juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la proportion d’hommes et de femmes entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter.
Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
– d’autre part, respecter la règle d’alternance des candidatures (C. trav., art. L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 ; C. trav., art. L.2314-30 nouveau) .
La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la règle de présentation en alternance d’un candidat de chaque sexe entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions (C. trav., art. L. 2314-25 et L. 2324-23 anciens ; C. trav., art. L. 2314-32 nouveau).
La Cour de cassation avait déjà précisé que les règles de représentation équilibrée sont d’ordre public absolu. Ainsi, la signature du protocole préélectoral à l’unanimité prévoyant seulement que les syndicats s’engagent à rechercher les voies et les moyens qui permettraient de parvenir le plus possible à une représentation équilibrée, sans reprendre les règles légales y afférentes, ne peut faire obstacle à la contestation après l’élection des listes de candidats ne respectant pas ces règles (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133)
En effet, la représentation équilibrée n’est pas une obligation de moyen, et l’élection du candidat du sexe surreprésenté doit être annulée même si le syndicat prouve qu’il n’est pas en mesure de présenter une liste conforme au résultat de la règle de la représentation équilibrée (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.569).
Dans un arrêt du 6 juin 2018, la Haute juridiction fait de nouveau une application rigoureuse des règles de représentation équilibrée qui doivent gouverner l’élaboration des listes de candidats aux élections professionnelles en retenant que c’est bien chaque liste qui doit leur être conforme. Ainsi, même si in fine, la représentation élue reflète exactement la proportion hommes/femmes du collège électoral, cela ne régularise pas les listes irrégulières (Cass., Soc., 6 juin 2018, n° 17-60.263).
En l’espèce, des partenaires sociaux avaient signés un protocole d’accord préélectoral en vue de l’élection des délégués du personnel et du Comité d’entreprise.
Pour l’élection des DP titulaires, trois sièges étaient à pourvoir. Le collège unique était composé à 79% de femmes et 21% d’hommes : les listes devaient alors être composées de deux femmes et un homme.
Cette règle avait été respectée par la CGT, tandis que la CFDT ne présentait que deux femmes. Avaient été élus deux femmes et un homme.
Pour l’élection des membres titulaires du CE pour le 1er collège, six sièges étaient à pourvoir. Le collège étant composé de 73% de femmes et 27%, de sorte que l’application des règles édictées par le Code du travail devait conduire à établir une liste composée de quatre femmes et deux hommes. Cependant, le protocole préélectoral aurait prévu que devaient figurer sur les listes cinq femmes et un homme.
La CFDT a présenté quatre femmes, la CGT deux femmes et un homme, et FO présentait une femme. Cinq femmes et un homme étaient élus à l’issue du scrutin.
Dès lors que les listes présentées dans le cadre des élections des deux instances représentatives du personnel ne respectaient pas les exigences légales en matière de parité femmes/hommes, le syndicat FO saisissait le tribunal d’instance, aux fins que soit prononcée l’annulation de deux mandats d’élus CFDT.
Cette dernière invoquait alors la représentation équilibrée des sexes tant au sein des délégués du personnel que du CE et soutenait à ce titre, que la composition irrégulière des listes de candidats qu’elle ne contestait pas, n’avait pas fait obstacle à l’élection d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
Si le hasard du scrutin a en effet permis, in fine, d’atteindre une représentation équilibrée au sein des deux instances, cette argument est inopérant selon la Cour de cassation qui affirme alors que « La constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats de la règle de l’alternance […] entraîne l’annulation de l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas [les prescriptions légales], à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège et que tous les candidats de la liste aient été élus ».
Cette décision confirme ainsi que si en cas de méconnaissance par une liste de l’alternance de candidats de chaque sexe, l’élection du candidat dont le positionnement sur la liste n’est pas conforme sera annulée en cas de contentieux, il existe néanmoins une exception à la mise en œuvre de cette sanction si les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies :
– la liste doit respecter la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné ;
– et tous les candidats présentés sur celle-ci doivent avoir été élus (Cass., Soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133).
Par son arrêt du 6 juin 2018, la Haute juridiction confirme que c’est seulement dans cette hypothèse, qu’il n’y a pas lieu de sanctionner le non-respect de la règle de l’alternance hommes/femmes dans l’ordre de présentation des candidats.
Cette règle stricte de l’alternance applicable à l’élaboration des listes de candidats ne souffre ainsi d’aucune autre exception, y compris lorsque les résultats du scrutin aboutissent à ce que la composition de la représentation élue reflète exactement la composition du collège électoral.