Après sa suspension, l’annulation du décret du 9 mai 2017 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire

D’ores et déjà provisoirement suspendu par une ordonnance du Conseil d’Etat du 11 juillet 2017 rendue dans le cadre d’une procédure de référé (voir notre brève dans la Lettre d’actualités juridiques énergie et environnement de septembre 2017), le décret n° 2017-918 du 9 mai 2017 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire est désormais définitivement annulé, depuis une décision du Conseil d’Etat du 18 juin 2018.

Pour mémoire, par ce décret, le pouvoir réglementaire avait précisé les modalités d’application des obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire prévues par l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après, CCH) (Voir notre brève sur le sujet dans la Lettre d’actualité Energie et Environnement du mois de juin 2017).

Et, parmi les dispositions réglementaires introduites dans le CCH par ledit décret, figurait notamment l’obligation que les bâtiments ou parties de bâtiments à usage de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement et les bâtiments administratifs, regroupant des locaux d’une surface supérieure ou égale à 2 000 m² de surface utile, fassent l’objet, avant le 1er janvier 2020, de travaux d’amélioration devant permettre de diminuer la consommation énergétique totale du bâtiment, soit d’une valeur équivalente à 25 % de celle-ci, soit à un seuil exprimé en kWh/ m2/ an d’énergie primaire (art. R. 131-39-I du CCH).

Saisi par différentes associations et organisations professionnelles, le Conseil d’Etat avait prononcé la suspension du décret par une ordonnance du 11 juillet 2017, en retenant l’existence, d’une part, d’une situation d’urgence, et, d’autre part, de doutes sérieux sur la légalité du décret attaqué. Ces doutes tenaient notamment à la méconnaissance par le décret du 9 mai 2017 de l’article L. 111-10-3 du CCH imposant le respect d’un délai de cinq ans entre la publication du décret d’application de cet article et la date à laquelle les obligations de performance énergétique devaient être respectées ainsi qu’à la méconnaissance du principe de sécurité juridique compte tenu du caractère excessivement contraint du délai laissé aux personnes concernées par les obligations créées pour se mettre en conformité avec elles.

Statuant cette fois sur le recours au fond introduit par ces mêmes requérants, le Conseil d’Etat commence par relever que la réalisation des obligations imposées par ce décret imposait, au préalable, l’édiction de deux arrêtés ministériels qui n’avaient pas été édictés à la date à laquelle le décret a été adopté soit le 9 mai 2017.

Puis, reprenant les arguments développés par les organisations requérantes, le Conseil d’Etat considère que :

  • l’élaboration des documents imposés par le décret « nécessite un délai incompressible d’un an, compte tenu notamment du risque de saturation du marché des prestataires capables de les réaliser, en particulier pour les opérateurs de grande taille » ;

 

  • « le respect de l’objectif de réduction de la consommation énergétique totale du bâtiment à concurrence d’au moins 25 % par rapport à la dernière consommation énergétique connue fixé à l’article R. 131-39 impliquerait, pour une grande part des professionnels concernés, la réalisation de travaux de rénovation importants, qui devront nécessairement, dans certains cas, s’échelonner sur plusieurs mois ou plusieurs années»

Le Conseil d’Etat, confirmant l’analyse qu’il avait faite dans le cadre de la procédure de référé, en conclut que le décret méconnait le principe de sécurité juridique et « qu’au regard du vice dont le décret est entaché, qui affecte, compte tenu de l’objectif de réduction de la consommation énergétique d’ici au 1er janvier 2020 fixé par le législateur et des particularités du dispositif mis en place, son économie générale et son séquençage temporel, il y a lieu d’annuler le décret dans sa totalité ».

Cette décision démontre ainsi que la fixation d’objectifs trop ambitieux peut s’avérer illégale lorsqu’il n’est pas accordé un délai suffisant aux débiteurs de ces obligations pour les mettre en œuvre.

Un nouveau décret mettant en œuvre les dispositions législatives de l’article L. 111-10-3 du CCH devra donc être édicté par le Gouvernement pour rendre effectives les obligations d’amélioration de la performance énergétiques des bâtiments à usage tertiaire prévues par le législateur.

 

Projet de décision de la CRE concernant le futur TURPE 5 HTA et BT Bis

Par une délibération du 14 juin 2018, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a adopté un projet de délibération sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT.

Cette délibération fait suite à l’annulation partielle par le Conseil d’Etat, dans sa décision du 9 mars 2018 (CE, 9 mars 2018, Société EDF, Société ENEDIS, Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, Fédération CFE-CGC Énergies, req. n°407516, 407547, 408809, 409065), des tarifs adoptés par la CRE pour la 5ème période tarifaire courant de 2017 à 2020 dans sa délibération du 17 novembre 2016 (voir notre brève dans la lettre d’actualités juridiques énergie et environnement de décembre 2016). Ces tarifs avaient été annulés parce qu’ils n’avaient « pas fait application, pour la détermination du coût du capital investi, en plus de la « prime de risque », du « taux sans risque » aux actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant été financées par la reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 », pour leur fraction non encore amortie et, d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour cette même fraction ».

Dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle délibération qui devra entrer en vigueur au 1er janvier 2018, conformément à ce qu’a prévu le Conseil d’Etat, la CRE avait déjà diffusé une note de cadrage qui avait donné lieu à l’organisation d’une consultation publique entre le 24 et le 31 mai 2018 (voir notre brève dans la Lettre d’actualités juridiques juridique et environnement de juin 2018).

Dans le projet de décision adopté par délibération du 14 juin 2018, et conformément à ce qu’elle avait déjà prévu dans la note de cadrage susmentionnée, la CRE précise qu’elle reprend à l’identique les hypothèses retenues pour fixer le TURPE 5 HTA-BT, à l’exception naturellement de celles ayant fait l’objet de la censure juridictionnelle.

Ceci étant, la CRE souligne – comme elle l’avait fait dans sa note de cadrage – que la délibération entrant en vigueur le 1er août 2018, elle devra être conforme au cadre juridique applicable à cette date. Or, entre l’édiction de la délibération initiale partiellement annulée par le Conseil d’Etat et celle de la future délibération qui devra entrer en vigueur le 1er août prochain, la législation relative au taux d’imposition sur les sociétés a évolué dans un sens favorable à la société Enedis.

On précisera également que, dans le cadre de l’élaboration de cette délibération, et conformément à ce qu’a prévu la décision du Conseil d’Etat du 9 mars 2018, la société Enedis a communiqué à la CRE « l’ensemble des documents, notamment comptables, attestant de la nature et du montant comptabilisé pour chacun de ces éléments d’actif, auxquels devra être appliqué le taux « sans risque » en plus de la « prime de risque » ». A l’occasion de cette transmission, la société Enedis a demandé l’intégration, au 1er janvier 2018, d’un montant de 4 227 M€ au périmètre des capitaux propres régulés, donnant lieu, selon ses calculs, à compter de cette date, à une augmentation des charges de capital de l’ordre de 126 M€ par an, à perpétuité.

Or, la CRE fait état dans sa délibération de son désaccord avec la société Enedis sur ce point, le Régulateur relevant que l’estimation faite par la société s’écarte de la décision du Conseil d’Etat sur plusieurs points. Les estimations de la CRE conduisent ainsi à intégrer au 1er janvier 2018 aux capitaux propres régulés un montant de l’ordre de 1,6 Md€, conduisant à une augmentation du revenu autorisé pour l’année 2018 de 64 M€, dégressif pendant 60 ans.

En définitive, et confirmant ce qui était déjà exprimé dans sa note de cadrage, la CRE conclut que : « L’évolution du TURPE HTA-BT au 1er août 2018 résulte :

  • de la mise en œuvre de la décision du Conseil d’Etat, dans un contexte où le taux d’imposition sur les sociétés a diminué en 2018, conduisant à une augmentation du niveau du TURPE HTA-BT de +0,06 % ;
  • de la prise en compte des montants qui auraient résulté de l’évolution annuelle prévue par le TURPE 5 HTA-BT :
    • o l’inflation constatée en 2017 conduit à une augmentation du niveau du TURPE HTA-BT de + 1,00 % ;
    • o l’apurement du solde du CRCP, qui au 1er janvier 2018 s’élève à un montant de 166,9 M€ en faveur des utilisateurs et conduit à une diminution du niveau du TURPE HTA-BT de – 1,27 %.

En conséquence, le TURPE 5 bis HTA-BT diminuera en moyenne de 0,21 % au 1er août 2018.

Compte tenu de l’évolution de la répartition des coûts portés par chaque niveau de tension, cette évolution au 1er août 2018 se traduira par :

  • une baisse moyenne de – 1,16 % pour les utilisateurs raccordés en HTA ;
  • une baisse moyenne de – 0,59 % pour les utilisateurs raccordés en BT > 36 kVA ;
  • une hausse moyenne de + 0,14 % pour les utilisateurs raccordés en BT ≤ 36 kVA».

Si le projet de décision est confirmé, il en résultera donc, en moyenne, une légère diminution globale du TURPE 5 bis HTA-BT pour les trois années à venir, contrairement à ce qu’une stricte application de la solution résultant de la décision du Conseil d’Etat du 9 mars 2018 aurait en première intention pu entraîner.

La délibération va être transmise pour avis au Conseil supérieur de l’énergie (en application de l’article R. 134-1 du Code de l’énergie), ainsi qu’au Ministre de la transition écologique et solidaire ainsi qu’au Ministre de l’économie et des finances (en application de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie).

Référence :

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 juin 2018 portant projet de décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT

Mise à la charge du bailleur commercial des travaux de désamiantage au titre de son obligation de délivrance

Un preneur à bail commercial a au préalable conclu un contrat de promotion immobilière avec une société pour la conception et la réhabilitation de l’immeuble. Le promoteur ayant découvert la présente d’amiante, il a procédé à des travaux de retrait non prévus dans le contrat de promotion immobilière qu’il a donc mis à la charge du preneur. Ce dernier a alors assigné son bailleur en paiement des travaux de désamiantage.

La Cour d’Appel saisie a rejeté les demandes du preneur au motif d’une part que le promoteur était tenu en vertu du contrat de promotion immobilière à une obligation de résultat comprenant l’identification et le contrôle de la conformité de l’immeuble et sa réhabilitation avec les règles de sécurité, d’hygiène et d’urbanisme, et d’autre part que le preneur ne pouvait se prévaloir de son ignorance sur la présence d’amiante ni reprocher au bailleur de l’avoir dénoncée.

Suivant arrêt en date du 18 janvier 2018, la troisième chambre civile a cassé l’arrêt d’appel, en considérant que :

« Les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire. »

Une telle solution a été retenue alors même que le preneur avait confié les travaux de désamiantage au promoteur immobilier.

Par cet arrêt de principe, rendu au visa de l’article 1719 du Code civil, la Cour de cassation précise que les travaux de désamiantage incombent au bailleur au titre de son obligation de délivrance.

L’appréciation stricte par le Conseil d’Etat des conditions justifiant la dérogation au principe d’interdiction de l’intervention de l’homme prévu à l’article L411-1 du code de l’environnement en matière de protection des espèces animales et végétales

Par un arrêt n° 413267 rendu le 25 mai 2018, le Conseil d’Etat est venu apporter quelques précisions relatives à l’application des dérogations accordées sur les interdictions d’intervention énoncées à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement visant à protéger les espèces animales et végétales.

Dans cette affaire, il était question pour les requérants de demander au juge l’annulation de l’ordonnance de référé venant suspendre l’arrêté, dont bénéficiait les requérants, portant dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1.

Sur la question du doute sérieux quant à la légalité de la décision, le Conseil d’Etat précise tout d’abord que les interdictions posées par l’article L.411-1 « lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats » visent à assurer la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats.

Ces interdictions portent par exemple sur « la destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; » par l’action de l’Homme.

Il rappelle ensuite qu’il est possible de déroger aux interdictions de l’article L. 411-1 en se référant à l’article L. 411-2, à condition qu’il n’existe pas de solution alternative satisfaisante, que cela ne nuise au « maintien dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » et que soit justifié cette dérogation par un des cinq motifs que le texte énumère.

Le Conseil d’Etat s’intéresse principalement au motif énoncé au 4° c) de l’article L. 411-2, qui justifiait l’arrêté autorisant le projet de construction initial.

« C) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; »

Le motif d’intérêt public majeur n’est pas immédiatement rejeté par le Conseil d’Etat qui rappelle expressément dans un considérant qu’un tel motif ne suffit pas à justifier la dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1, les conditions susvisées devant en outre être vérifiées :

« Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée […], que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, […] que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »

La Haute juridiction affirme ainsi que les 3 conditions, à savoir le motif de dérogation (en l’occurrence l’intérêt public majeur), l’absence d’alternative et l’assurance d’un maintien de conservation des espèces, sont cumulatives et doivent toutes être remplies pour que la dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1 soit justifiée.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement initial qui consistait à considérer que le projet était d’intérêt général mais pas d’un intérêt public majeur, en se fondant sur l’analyse réalisée à l’occasion d’un précédent arrêté de dérogation.

Sur la question de l’urgence, qui s’apprécie par le juge au cas par cas, cet arrêt permet d’apporter quelques indices quant aux modalités de son appréciation :

« le juge des référés a pu […] tenir compte, en complément des risques induits pour des espèces protégées et de l’imminence de la réalisation de travaux, de la circonstance que les sociétés bénéficiaires de l’arrêté en cause avaient fait l’objet d’une procédure de manquement et d’une mise en demeure du fait des condition d’exécution d’une précédente dérogation prise en application des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation prévues par la dérogation litigieuse pourraient également ne pas être respectées par les sociétés requérantes. »

Le Conseil d’Etat confirme qu’il est possible de retenir l’urgence au regard du caractère imminent de la réalisation des travaux mais il ajoute aussi que cette urgence peut s’apprécier au regard de la situation particulière du bénéficiaire de l’arrêté.

En l’espèce, les bénéficiaires de l’arrêté dérogeant aux interdictions de l’article L. 411-1 avaient fait l’objet d’une procédure de manquement et d’une mise en demeure dans les conditions d’exécution d’un projet qui avait bénéficié des mêmes dérogations de l’article L. 411-2.

Par conséquent, le juge retient l’urgence en anticipant le non-respect par le requérant des mesures d’évitement, réduction et compensation prévues par la dérogation.

Brève d’actualité-Environnement- Edition d’un guide sur l’élaboration des études de danger

L’article R. 214-115 du Code de l’environnement impose, dans sa formulation postérieure eu décret « digues » de 2015 adopté postérieurement à la mise en place d’une compétence GEMAPI, l’élaboration d’une étude de dangers, notamment, pour les systèmes d’endiguement.

Ces systèmes d’endiguement doivent être mis en place par les autorités compétentes en matière de GEMAPI, soit, depuis le 1er janvier 2018, les EPCI à fiscalité propre, sauf à ce que ces derniers transfèrent leur compétence. Le sujet est cependant sensible et complexe, car le degré de technicité exigé pour mettre en place ce système est élevé, dans un domaine à les structures compétentes sont parfois profanes.

L’étude de dangers doit être réalisé par un organisme agréé (article R. 211-115 du Code de l’environnement), ses modalités de réalisation sont notamment précisées par un arrêté du 7 avril 2017 précisant le plan de l’étude de dangers des digues organisées en systèmes d’endiguement et des autres ouvrages conçus ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions. 

Avec l’objectif affiché « d’aider les maîtres d’ouvrages à élaborer les études de dangers, imposées par la réglementation », le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) vient de publier un guide, visant à prsenter :

  • Le cadre conceptuel, réglementaire et technique de réalisation d’une étude de danger ;
  • ses principes et modalités de réalisation ;
  • les outils disponibles et mobilisables pour son élaboration ;
  • les produits générés par sa réalisation
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Bibliographie :

Cerema Etude de dangers de système d’endiguement-Concept et principe de réalisation des études-Juin 2018

L’absence de délivrance d’un permis de construire pour les éoliennes soumises à autorisation ne va pas à l’encontre du principe de non régression

Par une décision n°409227 rendu le 14 juin 2018, le Conseil d’Etat, à qui il était demandé d’annuler le décret n°2017-81 du 26 janvier 2017, est venu en confirmer la légalité.

Ce décret permet d’exempter les éoliennes de la demande d’un permis de construire lorsqu’elles sont soumises à autorisation.

La loi dite Grenelle 2 n° 2010-788 du 12 juillet 2010 prévoyait que les éoliennes se voyaient soumises au régime de l’autorisation ICPE en modifiant l’ancien article L. 553-1 du Code de l’environnement, nouvellement L. 515-44 depuis l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 (article 5).

Par la suite, l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 (article 1) est venu mettre en place une autorisation unique dite autorisation environnementale, à laquelle les éoliennes sont soumises au regard de l’article L. 515-44 précité.

Le décret contesté prévoit à son article 11 l’introduction d’un article R425-29-2 au Code de l’urbanisme qui énonce que :

« Lorsqu’un projet d’installation d’éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, cette autorisation dispense du permis de construire ».

Dans cette affaire, les requérants demandaient à titre principal l’annulation de l’article 11 du décret et, à titre subsidiaire, l’annulation intégrale de ce décret. Pour justifier leur demande d’annulation pour excès de pouvoir, les requérants se sont fondés sur le principe de non régression prévu à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement :

« 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

Ces derniers considéraient en effet que la dispense de permis de construire pour l’installation d’une éolienne soumise à l’autorisation environnementale venait réduire les contraintes applicables à ces projets. L’importance pour ces associations du maintien de la nécessité d’un permis de construire, qui est un document réglementant l’urbanisme, est justifiée par le fait que c’est principalement pour des questions d’urbanisme que les projets de créations d’éoliennes se voient contestés.

Le Conseil d’Etat a rejeté les arguments des associations en considérant que la dispense de permis de construire ne conduit pas à déroger au respect des règles d’urbanisme :

« Si l’article R. 425-29-2 introduit dans le code de l’urbanisme par le décret attaqué dispense les projets d’installation d’éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l’obtention d’un permis de construire, il n’a, en revanche, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables. Les dispositions citées aux points 5 et 6 mettent à la charge de l’autorité administrative, à l’occasion de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, l’examen de la conformité des projets d’installations d’éoliennes aux documents d’urbanisme applicables. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de non-régression posé par l’article L. 110-1 du code de l’environnement au motif qu’il dispenserait ces projets du respect des règles d’urbanisme qui leurs sont applicables ne peut donc qu’être écarté. »

 Le Conseil d’Etat justifie donc le respect des règles d’urbanisme en renvoyant au décret n°2017-82 du 26 janvier 2017 qui crée l’article article D. 181-15-2 du code de l’environnement qui prévoit que, pour les installations terrestres de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, un document doit établir que le projet respecte les documents d’urbanisme.

Par cette décision, le Conseil d’Etat interprète concrètement le principe de non régression. La position du Conseil d’Etat reste donc dans la droite lignée d’un arrêt récent rendu le 8 décembre 2017 (n° 404391).

Dans cet arrêt ; le Conseil d’Etat avait considéré que l’examen au cas par cas d’un certain type de projet soumis antérieurement à une évaluation environnementale systématique ne méconnaissait pas le principe de non régression en ce qu’il soumet concrètement les projets susceptibles d’avoir un impact néfaste sur l’environnement à une évaluation selon l’article L. 122-1 du Code de l’environnement.

Par conséquent, la dispense de permis de construire ne contrevient pas, à lui seul, au principe de non régression.

Le premier bilan de la loi biodiversité : le constat des forces et des faiblesses du texte

Un rapport d’information mis en ligne le 20 juin 2018 sur le site de l’Assemblée Nationale permet le suivi précis de la mise en œuvre de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Ce rapport expose une quarantaine de recommandations qui permettent de donner la ligne à suivre pour atteindre au plus près le but recherché par la loi pour la reconquête de la biodiversité. Il a été présenté et examiné le 20 juin 2018 par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.

Ce rapport permet aussi de relancer les débats entourant les dispositifs de la loi dont il est question ici.
Parmi les thèmes évoqués, il est question de la biopiraterie, entrée dans le droit pénal français, de la mise en œuvre du dispositif APA, du volet cynégétique mais aussi de la consécration du préjudice écologique dans le Code civil, le triptyque « éviter réduire compenser », ainsi que la mise en place de la nouvelle catégorie de structure que constitue l’PECE.
A l’occasion de la rédaction de ce rapport, le contexte entourant l’adoption de cette loi de reconquête de la biodiversité ainsi que celui de la rédaction de ce rapport est rappelé par les deux députés, Mmes Nathalie Bassire et Frédérique Tuffnell, en charge de la rédaction de ce texte.
« Adoptée dans un contexte où le temps était davantage à la défense des fondamentaux de la protection de la biodiversité qu’à un changement de paradigme, la loi réussit le tour de force d’inscrire de grandes évolutions dans le droit ».

Lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée Nationale, le 26 mars 2014,
M. Philippe MARTIN, Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, avait exposé les différents axes de l’actions publiques mis en œuvre pour la protection de la nature et rappelé l’urgence à agir, ce qui justifiait l’adoption de cette loi.
« L’action publique s’est d’abord concentrée, en France, en Europe et dans le reste du monde, sur une politique de protection de la nature, marquée par la création d’espaces dédiés (création des parcs nationaux dans les années 60) ou la protection des espèces (loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages dite directive « Oiseaux »). […] L’action publique s’est ensuite diversifiée pour prendre en compte des aspects de plus en plus en complexes de la biodiversité tels que les continuités écologiques.
[…] En France la stratégie nationale pour la biodiversité, révisée en 2011, s’inscrit complètement dans cette logique de mobilisation des acteurs avec un système d’adhésion et d’engagements volontaires
Plus de trente ans après la loi de 1976 précitée, après de telles évolutions conceptuelles et sociales et compte-tenu de l’urgence à agir, l’action publique doit être renouvelée. C’est l’objet de cette loi entièrement consacrée à la biodiversité, prise dans son ensemble […]. »

Les rapporteures ont aussi précisé dans ce bilan qu’un travail a déjà été engagé mais qu’un certain nombre d’actions doivent encore être mises en œuvre.
« Le présent rapport de la mission d’application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages conduit vos rapporteures à souligner l’urgence à agir. Beaucoup a été fait mais beaucoup reste encore à faire. La mobilisation de toutes les énergies s’impose. »

Par conséquent, ce rapport met en avant les éléments de la loi sur la biodiversité ayant été mis en œuvre mais aussi le chemin qui reste à parcourir pour un certain nombre de domaine évoqué par cette loi de 2016.
S’y ajoute l’actualité particulièrement récente : le gouvernement a présenté mercredi 4 juillet son plan biodiversité en vue d’enrayer le déclin de la biodiversité.

1) Les dispositifs opérationnels

– La mise en place d’établissements publics de coopération environnementale (EPCE)
La loi Biodiversité du 8 août 2016 à son article 56, prévoyait la création d’EPCE. Cette création a été officialisée par un décret en date du 29 mars 2017.
Le régime de ces EPCE est similaire à celui des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) au regard de l’article R. 1431-1 du Code général des collectivités territoriales qui étend les dispositions des EPCC aux EPCE.
Selon l’objet de leur activité, les EPCE pourront être des établissements publics administratifs ou des établissements publics industriels et commerciaux et leur création intervient à la demande des collectivités ou groupements et peuvent également être constituées avec des établissements publics locaux.
De surcroit, ces EPCE peuvent se voir déléguer les missions de l’Agence Française pour la biodiversité, ce qui fait d’eux des antennes de l’agence sur le plan régional et leur confère la qualité d’agence régionale pour la biodiversité (ARB)
Toutefois, malgré le cadre juridique mis en place, le rapport explique « qu’à ce jour, seule une ARB prévoit d’être constituée sous forme d’EPCE (Occitanie). »

– Les modifications relatives au régime des parcs naturels régionaux
La loi sur la biodiversité est venue modifier les dispositions qui régissait les parcs naturels ses article 48 et suivant.
Un décret n° 2017-1156 du 10 juillet 2017 a été pris en application de cette loi pour permettre le renforcement des dispositifs d’évaluation de la mise en œuvre des chartes des parcs naturels , l’actualisation de la liste des documents soumis pour avis aux syndicats mixtes des parcs mais aussi pour préciser les modalités de classement et d’évaluation d’un territoire en PNR.
Les rapporteures précisent tout de même que l’association Région de France soulève le fait que les procédures de classement demeurent excessivement longues pour les territoires et sollicitent une simplification.

– L’introduction du préjudice écologique dans le Code civil
L’article 4 de la loi de 2016 est venu introduire la réparation du préjudice écologique dans le code civil en précisant que cette réparation se faisait en priorité en nature.
Cette nouveauté est vue comme une grande avancée et fait suite à l’affaire « Erika ».
Les rapporteures énoncent à cet égard certaines recommandations principalement sur la question de la preuve et le choix d’experts judiciaires compétents par le juge.
De plus, il est aussi question de renforcer la formation des magistrats aux questions environnementales et à leurs enjeux.

2) Les dispositifs non opérationnels

– La mise en place du triptyque ERC, « Eviter, Réduire , Compenser «
Les rapporteures rappellent que le concept de compensation n’est pas nouveau au sein du droit interne et a été mis en place par l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature:
« Les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ».

Mais la loi Biodiversité permet, par la codification de l’article L.163-1 du Code de l’environnement, de passer de la possibilité de compensation, du « si possible » donc, à une obligation de cette compensation:
« Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes ».
Les rapporteures préconisent la spécialisation et l’agrément des bureaux d’études pour garantir la qualité des études d’impacts fournies, pour que le coût réel de ces mesures puisse être anticipé.
De plus, il est précisé qu’une bonne évaluation du coût de la compensation permettrait d’encourager à éviter et réduire en amont, ce qui garantirait une application correcte du triptyque.

– Le manque de texte d’application pour le dispositif APA
La loi sur la biodiversité est venue créer les articles L. 412-3 et suivants du Code de l’environnement, relatifs au dispositif dit « APA » pour « accès et recours aux avantages » : ces textes visent à déterminer les conditions d’accès aux ressources génétiques faisant partie du patrimoine commun de la Nation (à savoir « les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les êtres vivants et la biodiversité »), en vue de leur utilisation, et à assurer un partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation et, le cas échéant, de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées, conformément à la convention sur la diversité biologique.
Les communautés d’habitants mentionnées dans ce dispositif (et définies à l’article L. 412-4 comme « toute communauté d’habitants qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité) sont principalement situées en outre-mer, territoires qui, à eux seuls, regroupent 80% de la biodiversité nationale.
Les rapporteures relèvent que cette richesse n’est pas utilement protégée, en particulier, aucune personne morale de droit public compétente pour organiser le partage des avantages n’a été mise en place.

– Rapprochement ONCFS / AFB :
L’article 21 de la loi sur la biodiversité est venu créer l’article L. 131-8 du Code de l’environnement et visait à rapprocher l’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) sans pour autant intégrer totalement l’un dans l’autre, ce qui semble être cohérent au regard de l’expérimentation relative à la mise en place d’unité de travail communes entre l’AFB et l’ONCFS avec les expérimentations
Cette mutualisation est toujours d’actualité en dépit des oppositions du monde cynégétique.

3) Le plan biodiversité du gouvernement
Parallèlement à ce rapport d’information, un plan biodiversité a été présenté le 4 juillet 2018 intégrant 6 axes, dont, notamment un objectif de « zéro artificialisation nette » des sols. A cet égard, le Premier ministre Edouard Philippe dans un discours au Comité́ interministériel de la Biodiversité, met en avant l’importance de renforcer le contrôle de légalité des documents d’urbanisme pour éviter notamment l’étalement urbain.
Le grand public a été appelé à s’exprimer dans le cadre d’une consultation publique achevée le mois dernier. Le comité national pour la biodiversité a pour sa part examiné le projet de plan le 21 juin et formulé 37 propositions, dont certaines intéressent au premier chef les collectivités publiques. On relèvera notamment le renforcement de la prise en compte de la biodiversité dans les PLU et les SCOT, l’information des acteurs du territoire par la mise en place de guide-catalogue des outils, la protection des sols en milieu urbain par la mise en place dans le Code de l’urbanisme de mesures incitatives à la végétalisation des sols notamment ou encore le développement des indicateurs pertinents de l’artificialisation et des changements d’usage des sols.
Les observations formulées à cette occasion se sont en outre exprimées pour une identification et une suppression des subventions et des dispositifs fiscaux considérées comme les plus néfastes pour la biodiversité ainsi que pour une prise en compte des enjeux environnementaux dans les finances publiques. Il reste néanmoins à voir si celles-ci seront reprises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Claire Léjard, Elève avocate et Solenne Daucé, Avocate Associée

Compétence du juge judiciaire quant au litige relatif à un contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur d’électricité et un concessionnaire de transport public urbain

La communauté de l’agglomération dijonnaise (ci-après, la « Communauté d’agglomération ») a confié à la société STRD, devenue Keolis Dijon (ci-après, la « Société Keolis »), la gestion et l’exploitation du réseau de transport public urbain dans le cadre d’une délégation de service public. La Société Keolis a ensuite conclu avec un fournisseur d’électricité (ci-après, le « Fournisseur ») un contrat de vente de gaz naturel véhicule, d’une durée de quinze ans, en vue de l’alimentation des autobus mis à sa disposition par la communauté d’agglomération.

La Communauté d’agglomération ayant décidé de procéder au remplacement des autobus par des véhicules hybrides, la Société Keolis a indiqué au Fournisseur que le contrat était devenu caduc par l’effet de cette décision.

Le Fournisseur a saisi la juridiction judiciaire afin d’obtenir réparation du préjudice résultant, selon lui, de la résiliation anticipée du contrat. Les juges de première instance se sont déclarés incompétents au motif que le contrat litigieux, bien que de droit privé, était indispensable à la bonne exécution de sa mission de service public par la Société Keolis, et avait été souscrit par elle dans le seul cadre de cette mission. Dès lors, le contrat constituait un contrat accessoire à la délégation de service public et il revenait à la juridiction administrative d’en connaître. Le Fournisseur a interjeté appel de ce jugement et la cour d’appel a retenu une solution contraire en jugeant que le contrat était de droit privé. La Société Keolis a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La Cour de cassation commence par rappeler le principe selon lequel « les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l’accessoire d’un contrat de droit public ». La Cour de cassation confirme ensuite l’arrêt de la Cour d’appel qui a jugé que ce contrat n’était pas l’accessoire de la convention de délégation de service public mais un contrat de droit privé pour quatre motifs. En premier lieu, bien qu’il existe un lien étroit entre le contrat litigieux et la convention de délégation de service public, ces deux contrats portent sur des opérations distinctes. En deuxième lieu, la circonstance que le contrat de vente ait été conclu près de six mois après la convention de délégation de service public révèle une absence d’automaticité des signatures entre les deux conventions, de sorte qu’en contractant avec le Fournisseur, la Société Keolis a choisi le cocontractant qui lui semblait proposer la solution la plus adaptée à ses besoins afin de pouvoir répondre aux engagements qu’elle avait souscrits à l’égard de la communauté d’agglomération. En troisième lieu, les parties au contrat litigieux n’ont pas entendu faire correspondre sa durée avec celle de la convention de délégation de service public. En quatrième et dernier lieu, aucune stipulation du contrat litigieux ne prévoit la faculté pour la Société Keolis d’exciper de la résiliation de la convention de délégation de service public pour demander la résolution du contrat litigieux.

Rapport d’activité de la Commission de Régulation de l’Énergie pour l’année 2017

Un des faits les plus marquants de l’année est l’accroissement significatif de la concurrence. Sur les volumes totaux de consommation, la part de marché des fournisseurs alternatifs s’élève à 31 % en électricité et à 57 % sur le marché du gaz. La CRE dénombre ainsi pas moins de vingt-quatre (24) nouveaux entrants dans le marché de l’électricité et une trentaine d’offres dans le marché du gaz.

Cette accélération de la concurrence a notamment été permise par le développement du numérique qui ouvre de nouvelles opportunités commerciales pour attirer l’intérêt du consommateur. Afin d’encadrer cette pratique, la CRE a engagé un important travail sur l’importance des données numériques dans le secteur de l’énergie et a formalisé des recommandations pour faire des données numériques un levier d’efficacité du système énergétique.
Dans cette perspective d’amélioration du marché de l’énergie, la CRE a engagé plusieurs actions de fond. En premier lieu, elle a rencontré les autorités de régulation de l’énergie des autres États membres afin de définir des règles communes de fonctionnement. En second lieu, la CRE a entrepris des travaux majeurs pour améliorer le fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz (préparation de la fusion des zones pour le gaz et définition d’une feuille de route sur l’équilibrage dans le domaine de l’électricité). En troisième lieu, enfin, la CRE a effectué un important travail s’agissant du développement des investissements dans les infrastructures principalement afin d’inciter à l’optimisation des interconnexions pour faciliter la diversification des sources d’approvisionnement.
Au regard de l’importance croissante des considérations écologiques dans la production d’énergie, la CRE attache une particulière attention à cette problématique dans son rapport d’activité. Afin de favoriser l’utilisation des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) la CRE a recommandé avec insistance de recourir aux appels d’offres pour les filières matures. Cette stratégie a porté ses fruits puisque par le jeu de la concurrence, les prix des énergies renouvelables ont très sensiblement diminué. Le prix du MWh photovoltaïque qui a culminé à 600 euros il y a dix ans, se situe aujourd’hui pour certaines installations aux environs de 60 euros. Cette procédure d’appel d’offres a été utilisée pour la première fois en 2017 pour l’éolien terrestre et a également entraîné une baisse significative des prix qui avoisinent aujourd’hui 64 euros par MWh. La France se rapproche ainsi progressivement des prix affichés dans les autres États membres dans ce domaine.

 

Un point sur les composantes environnementales du projet de loi ELAN

Le travail législatif du mois de juin a notamment été marqué par l’adoption, par l’Assemblée nationale, du projet de loi ELAN, passant notamment par une revitalisation des centres-villes.
A ce stade, il convient de faire un bilan des dispositions retenues et des mesures qui ont fait débat à l’Assemblée nationale en matière environnementale et qui seront de nouveau discutées devant le Sénat. A cet égard, trois dispositions méritent d’être mentionnées.
L’article 12 quinquies du projet, d’abord, propose de modifier l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme relatif aux conditions d’extension de l’urbanisation, en ajoutant notamment la possibilité d’autoriser des constructions et installations « en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement et d’implantation de services publics, lorsqu’elles n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti ». Il s’agit ainsi de permettre de ce qui est parfois qualifié de « comblement des dents creuses ». Cet article est sujet à de nombreuses controverses notamment de la part de certains littoraux qui craignent une bétonisation des côtes, auxquelles s’ajoutent les associations environnementales s’inquiètent d’une régression, considérant la loi LITTORAL comme un acquis majeur en matière environnementale, quand certains maires y voient un moyen de rendre attractifs des centres villes désertés quand les associations environnementales.
Le deuxième point abordé dans ce projet de loi, ensuite, porte, dans son article 54, sur les « objectifs de revitalisation du territoire », défini, selon ce projet toujours comme visant « la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire ». La réhabilitation des friches urbaines a été intégrée parmi ces objectifs, tandis que l’amendement visant à la lutte contre l’étalement urbain a été retiré et celui visant à intégrer des actions en faveur de la transition énergétique du territoire, notamment de l’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier a été rejeté.
Enfin, une nouvelle mesure importante concerne la limitation de la consommation des nouveaux espaces prévus par l’article 54 bis. Cette disposition s’appuie sur le constat que l’obligation d’engager une procédure complète d’autorisation d’exploitation commerciale n’encourage guère la reprise ou la rénovation des bâtiments existants. L’article prévoit ainsi de modifier l’article L. 752-1 du Code de commerce en augmentant (de 1.000 à 2.500 m²) le seuil d’autorisation commerciale pour les réouvertures au public, sur le même emplacement, d’un magasin de commerce de détail dont les locaux ont cessé d’être exploités pendant trois ans.
Pour être complet, on indiquera que la Commissiondes affaires économiques du Sénat a entendu, par l’adoption d’amendement le 4 juillet dernier, entendu offrir, selon ses termes « de nouvelles possibilités de constructibilité très encadrées dans les zones agricoles et littorales, afin d’encourager le développement maîtrisé des territoires ruraux, en s’inspirant de la proposition de loi de Jacques Genest visant à relancer la construction en milieu rural, adoptée en juin 2016 par le Sénat, et le comblement des « dents creuses » en s’inspirant de la proposition de loi de Michel Vaspart relative au développement durable des territoires littoraux, adoptée en janvier 2018. Le débat continue donc.

La disparition de l’ANESM au profit de la HAS entérinée par deux décrets publiés le 11 juin

L’article 72 de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale (LFSS) avait entériné la disparition de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au 1er avril 2018. A cette date, l’ensemble des biens, personnels, droits et obligations de l’Agence devaient être transférés à la Haute autorité de santé (HAS).

Une nouvelle commission a dès lors été créée au sein de la HAS, chargée, en vertu des dispositions de l’article L. 312-8 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) tel que modifié par la LFSS, d’établir et de diffuser les procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles.

Le 11 juin dernier, deux décrets ont été publiés, précisant les modalités d’application de ces dispositions.

Le décret n°2018-465, relatif à la commission mentionnée à l’article L. 312-8 du CASF introduit un nouvel article R. 312-207 au CASF qui détaille la composition de la commission. Celle-ci comprendra 25 membres, nommés par décision du collège de la HAS pour une durée de trois ans renouvelables deux fois. Parmi eux, 25 membres auront voix délibérative, ils seront « choisis principalement en raison de leurs compétences scientifiques ou techniques dans le domaine des établissements et services » pour 21 d’entre eux, et « parmi les adhérents d’une association d’usagers d’un établissement ou service social ou médico-social » pour les quatre derniers.

Quant au décret n° 2018-467, relatif à l’intégration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS), il tire les conséquences du transfert des missions de l’ANESM à la HAS en toilettant la partie réglementaire du CASF et notamment les articles D. 312-197 et suivants.

Le décret n° 2018-465

Le décret n° 2018-467

De nouvelles modalités de calcul du forfait global relatif aux soins des EHPAD

L’article R. 314-159 du Code l’action sociale et des familles, qui est entré en vigueur le 1er janvier, a introduit de nouvelles modalités de calcul du forfait global relatif aux soins. Celui-ci se calcule sur la base d’une équation tarifaire déterminée à partir de l’estimation des besoins en soins des résidents, selon des modalités précisées à l’article R. 314-162 du CASF.

Plus précisément, cette équation prend en compte le degré de dépendance de la personne et la moyenne nationale des besoins en soins requis en fonction des pathologies, elle permet ainsi de calculer, pour chaque EHPAD, le montant de sa dotation de soins.

Par un arrêté du 7 juin 2018, NOR : SSAS1815853A, la Ministre des solidarités et de la santé a établi les différentes valeurs du point qui sert de base à l’équation tarifaire :
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif global et ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est établie à 12,44 € ;
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif global et disposant d’une pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est établie à 13,10 € ;
– Pour les établissements ayant opté pour le tarif partiel et ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est fixée à 13,10 € ;
– Et enfin, pour les établissements ayant opté pour le tarif partiel et disposant d’une pharmacie à usage intérieur, la valeur du point est fixée à 10, 77 €.

Il convient également de préciser que les valeurs annuelles du point des tarifs plafonds sont majorées de 20 % dans les départements d’outre-mer.

Enfin, le montant des produits de la tarification reconductibles afférents aux soins est revalorisé à hauteur de 0,70 €. Cette revalorisation intervient dans le cadre transitoire de la convergence des EHPAD vers le forfait global de soins tel que défini au VII de l’article 58 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Copropriété : le droit réel attaché à un lot de copropriété établi pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires est perpétuel

La problématique des conditions d’existence des droits réels de jouissance spéciale vient à nouveau d’être posée devant le Cour de Cassation.

A cet égard, le 7 juin 2018, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation devait se prononcer sur le point de savoir si les droits de jouissance spéciale, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) avait acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont un à usage de piscine, faisant partie d’un immeuble en copropriété.

Les vendeurs avaient signé, le 20 août 1970, une convention « valant additif » au règlement de copropriété, par laquelle ils s’engageaient à assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, au moins pendant la durée des vacances scolaires.

Désireuse d’échapper à cette obligation, la SCI a fait valoir en justice l’expiration des effets de la convention.

Ses demandes ayant été rejetées, elle s’est pourvue en cassation, faisant notamment valoir la prohibition des engagements perpétuels.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de Cassation a jugé sur un motif de pur droit :

« Mais attendu qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot ; que la cour d’appel a retenu que les droits litigieux, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires ; qu’il en résulte que ces droits sont perpétuels ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation  »

C’est ainsi que la Cour de Cassation admet explicitement qu’un droit réel sui generis attaché à un lot de copropriété établi pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires est perpétuel.

Précisions sur la qualification des contrats de mobilier urbain

Dans une récente décision du 25 mai 2018, le Conseil d’État est venu préciser les critères de qualification des contrats de mobilier urbain.
En l’espèce, la commune de Saint-Thibaud-des-Vignes (ci-après, la « Commune ») avait publié en juin 2017 un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un contrat qu’elle avait qualifié de « marché de mise à disposition de mobiliers urbains destinés à l’affichage de l’information municipale avec ou sans publicité ».
L’objet du contrat consistait en l’installation, l’exploitation et l’entretien de plusieurs mobiliers urbains appartenant à la commune, le titulaire étant en contrepartie autorisé « à exploiter, à titre gratuit, sans paiement de la redevance d’occupation du domaine public, l’ensemble des faces d’affichages à des fins commerciales et publicitaires, des abris voyageurs et des faces d’information comportant un plan de la ville ».
La société Girod Médias (ci-après, la « Société évincée »), société évincée à l’issue de la procédure précitée, a intenté un référé précontractuel à l’encontre de la procédure précitée devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun. La Société évincée faisait notamment valoir que la Commune n’avait prévu aucun critère prix dans les critères d’attribution du contrat en violation de l’article L.62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a adopté un raisonnement similaire à la Société évincée. Il a commencé par qualifier le marché en cause de marché public au motif que « le contrat, en conférant à la société attributaire un monopole sur l’exploitation à des fins publicitaires du mobilier urbain installé par ses soins, ne comporte aucun risque réel d’exploitation. Dans ces conditions, la part de risque transféré au cocontractant n’impliquant pas une réelle exposition aux aléas du marché, celui-ci ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service ». Partant le juge des référés a jugé que la Commune aurait dû prévoir un critère prix pour attribuer ledit marché, conformément aux dispositions de l’article L.62, et a annulé la procédure de passation du marché.
Saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun, le Conseil d’État commence par relever que pour juger que le contrat litigieux « était un marché public et non une concession de service, [le juge des référés] s’est borné à constater qu’il confiait à titre exclusif l’exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu’aucun risque n’était transféré à ce dernier ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d’exploitation, il a commis une erreur de droit ».
Après avoir annulé l’ordonnance attaquée en raison de cette erreur de droit, le Conseil d’État envisage la qualification juridique du contrat en cause. En premier lieu, le Conseil d’État relève que le contrat ne prévoit par le versement d’un prix par la Commune. En second lieu, il constate que le titulaire du contrat « est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ». Le Conseil d’État en déduit que l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer et que le contrat constitue donc un contrat de concession et non un marché public.
Il s’ensuit de cette qualification que la Société évincée ne pouvait pas utilement soulever des manquements au décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics dès lors que celui-ci n’est pas applicable à la passation des contrats de concession.
Le Conseil d’État écarte également le moyen au terme duquel la Société évincée reprochait à la Commune de ne pas avoir respecter les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la passation des délégations de service public dès lors que la concession de services en cause ne confiait pas à son attributaire la gestion d’un service public.
Au regard de ce qui précède, le Conseil d’État rejette les prétentions de la Société évincée.
Par cette décision précise la qualification des contrats de mobilier urbain et plus largement la distinction entre les marchés publics et les concessions. Ainsi que le rappelle le rapporteur public dans cette affaire « ce qui distingue le contrat de concession du marché public, qui tendent tous deux à procurer à la personne publique la satisfaction de l’un de ses besoins, est la nature de la contrepartie de la prestation dont bénéficie la personne publique. Il s’agit dans les deux cas d’une contrepartie de nature économique, ce qui confère à ces deux contrats un caractère onéreux. Mais, alors que la contrepartie due au titulaire d’un marché est un prix versé par la personne publique, le concessionnaire se voit attribuer un droit d’exploiter dont le produit assurera au moins en partie sa rémunération. Au moins en partie car, ainsi que cela ressort de la définition que nous venons de lire, l’attribution de ce droit peut être assortie d’un prix ».
En conséquence, il convient d’apprécier, pour chaque contrat de mobilier urbain si un risque d’exploitation est transféré au titulaire du contrat pour en déduire la qualification de concession de services. Au regard de la décision du 25 mai 2018, c’est le cas lorsque le titulaire du contrat se rémunère sur les recettes publicitaires tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires et qu’aucune stipulation ne prévoit le versement d’un prix à son titulaire éliminant tout risque réel d’exploitation et qu’aucune stipulation ne prévoit la prise en charge, totale ou partielle, par le pouvoir adjudicateur des pertes qui pourraient résulter de l’exploitation commerciale du mobilier urbain.

Critères de définition d’une zone d’activités portuaire : le Conseil d’Etat annule l’instruction ministérielle

De nombreuses collectivités se sont interrogées sur la question du transfert de zones d’activité portuaire au profit des intercommunalités compétentes en la matière.
En effet, faute pour le législateur d’avoir donné une définition sur le contour des zones d’activités, de nombreux doutes ont émergé au moment de la suppression de l’intérêt communautaire en matière de zones d’activités économique.
C’est dans ce contexte qu’une instruction ministérielle du 8 décembre 2016 a donné trois critères destinés à pouvoir déterminer si une zone pouvait être qualifiée, ou pas, de zone d’activité portuaire (un critère organique, un géographique et un économique), en indiquant que, si la zone remplissait bien les trois critères, la zone avait vocation à être transférée au profit de l’intercommunalité compétente.
Cette instruction a fait l’objet d’un recours et le Conseil d’Etat a annulé cette instruction pour un motif d’incompétence de l’auteur de l’acte, en l’absence d’habilitation législative du Ministre pour procéder à une telle énonciation de critères :
« 4. Aucune disposition réglementaire ne définit de critères permettant d’identifier les zones d’activités portuaires, au sens des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du Code général des collectivités territoriales, dont les dispositions ne sont, par elles-mêmes, en tant qu’elles concernent le transfert de plein droit de ces zones, pas directement applicables. En fixant, en termes exclusifs et impératifs de tels critères sans y avoir été légalement habilité, le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales a pris, par l’instruction attaquée, une mesure réglementaire d’application de la loi. Les collectivités territoriales requérantes sont, dès lors, recevables et fondées à soutenir que cette circulaire est entachée d’incompétence.
5. Il résulte ce qui précède que l’instruction attaquée, dont les dispositions sont indivisibles, doit être annulée ».

Cette décision conduit in fine à devoir rediscuter les critères qui servent à définir les ZA portuaires.
Aussi et bien que le transfert des zones concernées a dû intervenir, en principe depuis le 1er janvier 2017 (date à laquelle l’intérêt communautaire de ces zones a été supprimé), les effets de cette décision pourrait donc être utilisée par les collectivités ou les intercommunalités sur le territoire desquelles des discussions sur le transfert d’une zone demeure.
En effet, les critères qui avaient été posés par l’instruction peuvent servie à titre indicatif mais ne peuvent désormais être considérés comme exhaustifs ni impératifs.

Allotissement : contrôle restreint du juge des référés précontractuels sur la définition du nombre et de la consistance des lots

Le Conseil d’Etat, par une décision en date du 25 mai 2018, précise que, lorsqu’un marché a été alloti, le contrôle du juge des référés précontractuels quant au nombre et à la consistance des lots est restreint à l’erreur manifeste d’appréciation. L’office public de l’habitat du département des Hauts-de-Seine (ci-après « Hauts-de-Seine Habitat ») a passé un marché de travaux d’entretien courant « tous corps d’état » et de remise en état des logements de son patrimoine, alloti en neuf lots géographiques. Saisi par le groupement des sociétés MPPEA, candidat évincé, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par ordonnance n° 1711246 du 3 janvier 2018, annulé la procédure de passation. Saisi d’un pourvoi en cassation par Hauts-de-Seine Habitat et par la société Eiffage construction amélioration de l’habitat, l’une des deux sociétés attributaires du marché, le Conseil d’Etat annule cette ordonnance.

La Haute Juridiction commence, et c’est là tout l’intérêt de cette décision, par distinguer deux intensités de contrôle du juge des référés précontractuels quant à l’allotissement.

Dans le cas où le pouvoir adjudicateur prend la décision de ne pas allotir, il appartient au juge de vérifier que cette décision n’est pas entachée « d’appréciations erronées » quant à l’existence d’un des motifs techniques ou économiques mentionnés à l’article L.32 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. En revanche, dans le cas où le pouvoir adjudicateur a bien alloti le marché, « le juge ne peut relever un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du fait de la définition du nombre et de la consistance des lots que si celle-ci est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine ». Le Conseil d’Etat conclut qu’en l’espèce, le juge des référés a commis une erreur de droit en ne s’étant pas borné à contrôler si la définition du nombre et de la consistance des lots était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Réglant l’affaire au fond, il considère que la décision de Hauts-de-Seine Habitat de se borner à une division du marché en neufs lots correspondant aux différents lieux d’exécution des travaux n’était pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation, eu égard notamment « aux difficultés techniques et de coordination qui étaient susceptibles de résulter de la multiplication du nombre de lots dans l’hypothèse où une division par lots techniques serait ajoutée à une division par lots géographiques ».

Responsabilité décennale – qualité pour agir après réception sans réserve de travaux effectués sur un monument historique

Cette affaire récente illustre parfaitement le principe selon lequel les bénéficiaires de l’action en garantie décennale sont, sauf exception, les propriétaires de l’ouvrage et en particulier le maître d’ouvrage (CE, 17 juin 1998, n° 149793).
Aux termes de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques : « Le ministre chargé des affaires culturelles peut toujours faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l’Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d’entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments classés n’appartement pas à l’Etat. L’Etat peut, par voie de convention, confier le soin de faire exécuter ces travaux au propriétaire ou à l’affectataire ».
C’est sur ce fondement que, en l’espèce, des travaux de restauration extérieure d’une église classée monument historique, propriété de la commune de Saint-Quentin La Chabanne, ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’Etat en vertu d’une convention passée entre les deux parties.
A la suite de l’apparition de désordres affectant la toiture de l’église, l’Etat a recherché la responsabilité de différents intervenants sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs devant le tribunal administratif de Limoges, lequel a fait droit à sa demande.
En appel, la Cour a toutefois considéré que la demande présentée en première instance par l’Etat sur le fondement de la garantie décennale était en réalité irrecevable.
En effet, la juridiction a retenu que « si l’Etat, qui assume au nom et pour le compte de la commune, la direction et la responsabilité des travaux a qualité pour mettre en cause la responsabilité contractuelle des entrepreneurs et des architectes jusqu’à la réception définitive, la commune, propriétaire des ouvrages, a seule qualité, après cette réception, pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s’inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ».
Ainsi, si l’Etat pouvait engager, avant la réception des ouvrages, la responsabilité contractuelle des constructeurs, il lui était en revanche impossible de mettre en jeu leur responsabilité décennale à compter de la réception, laquelle avait mis fin à sa mission.
Il aurait pu en être différemment si la convention conclue entre la commune et l’Etat avait prévu une clause confiant à ce dernier le suivi décennal des ouvrages.
Faute pour la commune de pouvoir régulariser la demande en s’appropriant les conclusions de l’Etat pour la première fois en appel, la condamnation in solidum du maître d’œuvre et de la société titulaire du marché en cause est alors annulée.

La signature du dirigeant et sa portée à l’égard de l’entreprise

Le nouvel article du Code civil L.1367 (ancien 1316-4 )pose le principe selon lequel « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ».
Cette disposition a souvent posé des difficultés d’interprétation sur le point de savoir si la signature du dirigeant ou associé d’une société l’identifie ou l’engage personnellement à l’égard des actes accomplis pour le compte de celle-ci. En d’autres termes, comment savoir si la signature du dirigeant l’engage personnellement ou n’engage exclusivement que l’entreprise qu’il représente ?
La lecture de ces trois arrêts de la Cour de cassation permet de répondre à cette préoccupation.
-  Les faits ayant donné lieu au premier arrêt (Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398) font état d’une société de fait créée entre deux vétérinaires pour l’exercice en commun de leur activité alors qu’ils étaient par ailleurs associés dans d’autres sociétés et que l’un d’entre eux était associé unique d’une société unipersonnelle. Ces deux vétérinaires ont convenu de trois cessions subordonnées à la conditions suspensive de deux autres cessions. Mais pour la signature d’un l’accord, l’associé de la société unipersonnelle n’agissait pas ex qualité de sorte que cette société a été mise hors de cause alors que les requérant entendaient engager sa responsabilité.
La Cour de cassation a effet jugé que « d’une part, le dirigeant n’engage en principe la société que par les actes qu’il accomplit en qualité de mandataire social et qu’à défaut de mention de cette qualité, il appartient au tiers contractant de faire la preuve que le dirigeant a eu et manifesté la volonté d’agir au nom et pour le compte de la société ».
 – Dans la deuxième espèce (Cass., 3ème civ., 12 septembre 2006, n° 03-19277), une personne a été assignée tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant d’une société, en paiement d’un solde d’honoraires en raison d’une faute qui aurait été commise dans l’exécution des prestations de la société.
Mais la Cour de cassation a jugé que le nom du défendeur n’étant indiqué que sous la rubrique « nom du représentant légal ou statutaire de la personne morale », il n’avait contracté qu’en sa seule qualité de gérant de la société.

 – Dans la dernière espèce (Cass., Com., 9 mai 2018, n° 16-28157) un contractant déclarant agir tant en son nom personnel qu’au nom de la société dont il était associé a conclu avec une autre société un contrat portant sur l’entretien d’un parcours de golf. Mais il n’a signé le contrat qu’une seule fois. La société au nom de laquelle il a agi ayant été placée en liquidation judiciaire sans avoir réglé les échéances prévues au contrat, la société prestataire de service d’entretien a engagé des poursuites contre l’associé en recouvrement des sommes impayées. L’associé s’était par ailleurs personnellement engagé, au moyen de plusieurs chèques, à payer les sommes dues, mais ils n’ont pu être encaissés pour avoir été révoquées.
Si les juges d’appel n’avaient pas retenu sa responsabilité faute de signature de l’acte à titre personnel, au contraire la Cour de cassation a estimé qu’une telle exigence n’était pas nécessaire dès lors que l’intéressé agissait en une double qualité, à la fois à titre personnel et en qualité de représentant d’un tiers.

Une lecture combinée de ces trois arrêts de la Cour de cassation permet d’affirmer que si en principe le dirigeant ou l’associé n’engage la société que par les actes qu’il accomplit en qualité de mandataire social (Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398), il n’agit en revanche qu’en sa seule qualité de représentant légal de la société lorsque son nom se réfère expressément à sa qualité de représentant légal (Cass., 3e civ., 12 septembre 2006, n° 03-19277).
Cependant, même si l’acte dont il est signataire ne comporte qu’une seule signature, celle-ci est suffisante pour l’engager personnellement dès lors qu’il intervient en une double qualité, à la fois à titre personnel et en qualité de représentant de la société ou plus globalement d’un tiers (Cass., Com., 9 mai 2018, n° 16-28157).

Cass., Com., 22 février 2005, n° 03-16398

Cass., 3ème civ, 12 septembre 2006, n° 03-19277

Le report de la dématérialisation des demandes d’autorisations d’urbanisme et de leur instruction à 2022

Initialement, à compter du 8 novembre 2018 prochain, les collectivités devaient être en mesure de recevoir toute demande d’autorisation d’urbanisme par voie électronique (décrets n° 2016-1491 dits SVE du 20 octobre 2016 et du 4 novembre 2016). La dématérialisation du dépôt des demandes d’autorisations d’urbanisme est une des mesures voulue par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie Logement et réaffirmée par le Premier ministre Edouard Philippe le 1er février à l’occasion du programme Action publique 2022. Parallèlement à la numérisation des demandes d’autorisations de construire, l’article 17 du projet de loi ELAN vise la dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme au 1er janvier 2022. Avec ces deux dispositifs, les communes sont obligées de mettre en œuvre une téléprocédure spécifique pour recevoir et instruire les permis de construire et autres autorisations d’urbanisme. Cela suppose que les collectivités disposent de temps pour parvenir à une numérisation de qualité et sécurisée de ces procédures. Pour cette raison, les présidents de l’AdCF et de l’AMF, Jean-Luc Rigaut et François Baroin, ont adressé le 26 janvier dernier un courrier commun au Ministre et secrétaire d’État à la Cohésion des territoires afin de demander un report de l’obligation de saisine par voie électronique en matière d’urbanisme. Le ministre y a répondu favorablement puisque l’échéance du 8 novembre 2018, initialement fixée pour le dépôt par voie électronique des demandes d’autorisation, a été reportée au 1er janvier 2022.
Les deux échéances sont désormais alignées.

Pouvoir d’injonction du juge administratif pour délivrer un permis de construire

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une demande d’avis portant sur la question de savoir si le juge administratif peut enjoindre à l’administration de délivrer un permis de construire. 

Le maire d’une commune avait refusé d’accorder un permis de construire à une association afin de créer un nouveau centre cultuel sur le territoire de la commune. Le préfet a déféré l’arrêté de refus de permis de construire au tribunal administratif, assorti de conclusion aux fins d’injonction et d’astreinte pour que soit accordé le permis de construire. Par ailleurs, l’association pétitionnaire avait également formé un recours contre le refus de permis de construire devant le tribunal administratif. Le tribunal a alors annulé l’arrêté de refus de permis de construire et transmis le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat en application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative.

Le tribunal administratif de Versailles s’interrogeait sur la question de savoir s’il pouvait enjoindre à l’administration d’accorder le permis de construire demandé en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative.

Par avis en date du 25 mai 2018, le Conseil d’Etat répond favorablement à cette interrogation :

« Il résulte de ce qui précède que, lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition »

Autrement dit, le juge administratif doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction comme tel était le cas en l’espèce, ordonner à l’autorité compétente de délivrer un permis de construire bien qu’elle ait opposé un refus à cette demande.

Le juge précise également que si une nouvelle décision juridictionnelle venait à annuler le jugement ayant prononcé une injonction de délivrer le permis de construire, l’autorité compétente peut alors la retirer dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de la notification de la nouvelle décision.

 

Adoption définitive du projet de loi pour un pour un nouveau pacte ferroviaire

Présenté en Conseil des ministres le 14 mars 2018 et examiné au Parlement selon la procédure accélérée, le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été définitivement adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat les 13 et 14 juin derniers.

Ce texte, qui s’appuie notamment sur les conclusions du Rapport « Spinetta » (L’avenir du transport ferroviaire, remis au Premier ministre le 15 février 2018), comporte deux volets : l’un relatif à la transformation du groupe public ferroviaire, c’est-à-dire la SNCF et ses filiales, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, l’autre relatif à l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs.

Sur le premier volet, les députés ont précisé que le capital de la société anonyme SNCF (ayant jusque-là nature juridique d’un établissement public industriel et commercial) était intégralement détenu par l’Etat, et les sénateurs que ce capital était incessible.

Par ailleurs, il est prévu que les trois entités du groupe public ferroviaire peuvent recruter des personnels sous le statut de cheminot jusqu’au 31 décembre 2019. 

En outre, les personnels de la SNCF dont les contrats de poursuivent auprès de l’attributaire du contrat de service public de transport attribué après mise en concurrence conserveront l’intégralité de leur rémunération et, en cas de réembauche sur un poste vacant au sein groupe public ferroviaire, ils pourront opter pour le statut de cheminot entre la troisième et la huitième année après le transfert.

S’agissant de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs, le calendrier francilien est différent de celui retenu pour les autorités organisatrices de transport du reste du territoire.

Pour ces dernières, à compter du 25 décembre 2023, c’est-à-dire à l’issue de la phase transitoire d’adaptation à l’ouverture à la concurrence prévue par le Règlement « OSP » du 23 octobre 2007, le monopole de SNCF Mobilités pour l’exploitation des trains express régionaux disparaît. Les conventions d’exploitation conclues avant cette date se poursuivent jusqu’à leur terme mais leur durée ne peut excéder dix ans.

Pendant la période transitoire, du 3 décembre 2019 au 24 décembre 2023, les régions peuvent soit choisir d’exploiter elles-mêmes les services de transport ferroviaire, soit en confier l’exploitation à un opérateur sélectionné après mise en concurrence.

En Ile-de-France, le monopole d’exploitation de SNCF Mobilités peut se poursuivre jusqu’à une date fixée par Ile-de-France Mobilités, laquelle est comprise entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2032 pour les services qui ne font pas partie du réseaux express régional, et entre le 1er janvier 2033 et le 31 décembre 2039 pour les autres[1]. Le calendrier d’ouverture à la concurrence francilien n’apparaît donc pas conforme à l’échéancier européen.

La loi doit désormais être promulguée. Mais elle pourrait être préalablement soumise au contrôle du juge constitutionnel, notamment sur saisine de soixante députés ou sénateurs, conformément à l’article L.61 de la Constitution.

[1] Les services de transport ferroviaire qui font partie du réseau express régional, à l’exception des services de transport ferroviaire empruntant pour une partie de leur parcours les mêmes lignes que les services de transport guidé mentionnés au 3° du II de l’article L. 1241-6.