Confirmation en appel de la validité de cinq contrats de concession de distribution d’électricité conclus sans mise en concurrence en Nouvelle-Calédonie

Par cinq arrêts du 21 décembre 2018, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la validité de plusieurs contrats de concession de distribution d’électricité conclus sans procédure de mise en concurrence et de publicité par plusieurs collectivités de Nouvelle-Calédonie.

Entre 2014 et 2016, la société Enercal, gestionnaire à la fois de réseaux de distribution d’électricité et de transport d’électricité en Nouvelle Calédonie, a conclu cinq contrats de concession de distribution d’électricité avec les communes de Poya (signé le 2 juin 2015), de Pouembout (le 25 août 2014), de Kone (signé le 25 septembre 2014), et de Voh (signé le 18 mars 2018), ainsi qu’avec le Syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est (signé le 4 novembre 2016).

Considérant que la conclusion sans publicité ni mise en concurrence de ces contrats était contraire aux principes de la commande publique, la société Electricité et Eau de Calédonie (EEC) a introduit un recours en contestation de validité contre chacun desdits contrats de concession devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie. N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, la société EEC a interjeté appel de cinq jugements devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans les cinq arrêts commentés, la Cour a tout d’abord repris la jurisprudence du Conseil d’Etat relative aux règles applicables aux contrats de concession des communes de Nouvelle-Calédonie[1] aux termes de laquelle « en l’absence de toute disposition mettant en œuvre les principes fondamentaux de la commande publique […] des motifs d’intérêt général peuvent justifier qu’un pouvoir adjudicateur en aménage les conditions de mise en œuvre, sous le contrôle du juge, afin de tenir compte notamment, s’agissant des délégations de service public, des particularités du service délégué ».

En effet, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire imposant aux communes de Nouvelle-Calédonie de respecter une procédure de mise en concurrence particulière lors de l’attribution des contrats de délégation de service public.

Une telle réglementation n’a pas été adoptée par la Nouvelle-Calédonie, compétente en application de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, pour édicter les règles relatives à la commande publique.

Il appartient ainsi seulement aux communes de procéder à l’attribution des délégations de service public dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d’efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics en procédant notamment à un avis d’appel public à la concurrence et en assurant une information appropriée des candidats sur les critères de sélection des offres.

Hormis ces règles, les communes conservent donc une certaine part de liberté dans l’organisation de la procédure de mise en concurrence et peuvent même déroger aux principes fondamentaux de la commande publique lorsque des circonstances particulières le justifient et en présence d’un motif d’intérêt général.

C’est ce que la Cour a précisé dans les affaires ici commentées toutes relatives à l’attribution de concessions de distribution électrique qui relèvent de la compétence des communes en vertu de l’article 51 de la loi organique du 19 mars 1999 précitée.

Se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne[2], la Cour considère ainsi que « c’est à l’autorité adjudicatrice qu’il appartient d’établir, […], l’existence de circonstances particulières justifiant, pour un motif d’intérêt général, une dérogation aux principes fondamentaux de la commande publique et la mise en œuvre d’un tel aménagement » (des conditions de mise en œuvre des principes de la commande publique).

En l’espèce, dans les cinq arrêts commentés, des circonstances particulières justifiaient l’absence de mise en concurrence et de publicité préalable à la conclusion des cinq contrats litigieux, résultant de « la structure particulière du réseau de distribution d’électricité […] » qui « rendrait techniquement complexe, et financièrement coûteuse, l’attribution de la gestion de ce réseau à tout autre délégataire […] » que la société Enercal.

Pour la Cour, ces circonstances sont au cas précis « la dispersion de la population », les « particularités topographiques du territoire à desservir », le fait que « la gestion distincte des réseaux de transport et de distribution d’électricité nécessiterait la création de  » points-frontières », et « l’installation, à la jonction des deux réseaux, d’un grand nombre de dispositifs de comptage et de détection de pannes supplémentaires ». 

Les requêtes d’appel de la société EEC ont donc été rejetées

[1] CE, 27 mars 2015, Ministre des Outre-Mer, n°386646, concernant le renouvellement sans mise en concurrence ni publicité du contrat de distribution d’électricité conclu entre le Syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est et la société Enercal.

[2] CJUE, 14 septembre 2004, Commission c. République italienne, n° C-385/02.

Précisions sur la passation d’un marché public sans publicité ni mise en concurrence pour des motifs d’ordre technique

La décision du 10 octobre 2018 a été l’occasion pour le Conseil d’Etat d’apporter des précisions sur les conditions permettant de conclure un marché sans publicité ni mise en concurrence sur le fondement du 3° du I de l’article 30 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Cette décision permet également d’apprécier l’importance d’informer l’organe délibérant d’une personne publique pour qu’il autorise son organe exécutif à signer un marché public.

Le syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l’Est (ci-après, le « SYDNE ») a conclu, le 10 novembre 2017, avec la société Inovest, sans publicité ni mise en concurrence, un marché de services de tri, traitement, stockage et enfouissement des déchets non dangereux, pour un montant de 243 millions d’euros et une durée de quinze ans.

La communauté intercommunale Réunion Est (ci-après, le « CIREST »), membre du SYDNE, et le premier vice-président du comité syndical du SYDNE, ont introduit un recours en contestation de la validité de ce marché devant le tribunal administratif de La Réunion. Ils ont également présenté devant le juge des référés de ce tribunal, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, une demande tendant à la suspension de l’exécution du marché. Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande par une ordonnance du 13 février 2018 contre laquelle la CIREST et le premier vice-président du comité syndical du SYDNE ont introduit un pourvoir en cassation.

En première instance, les requérants soutenaient que le fait pour le comité syndical d’avoir autorisé son président à signer le contrat litigieux au vu d’un rapport qui ne comportait pas le prix du marché et sans disposer du projet de contrat ni d’aucun document préparatoire ou annexe, et sans pouvoir, en conséquence, appréhender la totalité des modalités d’exécution et les risques financiers de ce contrat, faisait peser un doute sérieux sur la légalité du marché en litige. Le juge des référés a toutefois relevé qu’un tel vice, alors même qu’il serait de nature à entraîner l’annulation du contrat, était au nombre de ceux qui peuvent être régularisés par l’adoption d’une nouvelle délibération Il en a déduit que ce vice n’était donc pas de nature à faire peser un doute sérieux quant à la légalité du marché en litige. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement aux motifs « qu’en jugeant qu’un vice affectant les conditions dans lesquelles la personne publique a donné son consentement à être liée par un contrat ne saurait conduire à sa suspension, au seul motif qu’il est susceptible d’être régularisé et n’est donc pas de nature à entraîner inéluctablement l’annulation du contrat, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit ». Il annule donc l’ordonnance litigieuse et, en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, règle l’affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Après avoir rappelé qu’au titre de la jurisprudence « Tarn et Garone » (CE, Ass., 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, n° 358994) les parties sont parfaitement fondées à assortir leur recours en contestation de validité contractuelle d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat, le Conseil d’État écarte la fin de non-recevoir par le SYDNE et déclare les recours recevables.

Appréciant l’urgence, le Conseil d’Etat constate que l’exécution du marché risquerait d’affecter de façon substantielle les finances du SYDNE et serait susceptible de créer, à brève échéance, une situation difficilement réversible alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que le site actuel de stockage des déchets arriverait à saturation dans un délai tel que la suspension du marché contesté porterait une atteinte grave et immédiate à un intérêt public. Il conclut donc à l’existence d’une urgence à suspendre l’exécution du marché litigieux.

Le Conseil d’État commence par relever que le marché a été conclu sans publicité ni mise en concurrence sur le fondement de l’article 30 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Le SYDNE justifiait le recours à cette procédure dérogatoire aux motifs qu’il existerait un risque de saturation de l’installation de stockage des déchets non dangereux dès 2020 et que la société Inovest était le seul opérateur en capacité d’apporter une solution de tri et de valorisation des déchets non dangereux pouvant être mise en œuvre courant 2019. Cependant, le Conseil d’État constate, au terme de l’instruction, que l’installation de stockage ne devait pas être saturée avant la fin de 2021 et qu’il n’apparaissait donc pas qu’aucun autre opérateur économique n’aurait pu se manifester si le calendrier retenu par le SYDNE avait été différent. Le Conseil d’État juge donc que l’absence de concurrence résulte d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché public et que le SYDNE a méconnu les dispositions de l’article 30 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, ce qui est de nature à créer un doute sérieux sur la validité du marché.

Les conditions du référé suspension étant remplie, il suspend l’exécution du marché litigieux.

Résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle du logement par le preneur

Un bailleur assigne son preneur en résiliation du bail pour défaut d’occupation personnelle des lieux loués.

En l’espèce, les pièces versées par le demandeur établissent d’une part que le preneur a mis les lieux loués à la disposition de tiers (courrier à leur nom etc.) – sans pour autant caractériser une sous-location – et d’autre part du fait qu’il occupe un autre logement que celui donné à bail.

De surcroît, le preneur a entreposé du matériel de chantier au sous-sol de l’immeuble, alors que son bail lui fait interdiction d’encombrer les parties communes.

Se fondant sur les dispositions des articles 1103 et 1217 et sur l’ancien article 1184 du Code civil, la Cour d’appel juge que les manquements susvisés sont suffisamment graves à eux seuls pour justifier le prononcé de la résiliation du bail.

Sursis à statuer de la Cour de cassation à la suite de la question préjudicielle soumise à la Cour de Justice de l’Union européenne relative à l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation

L’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose que :

« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. »

Se fondant sur cet article, un procureur a assigné une SCI qui se livrait à de la location de courte durée à une clientèle de passage, sans avoir au préalable obtenu une autorisation de changement d’usage.

Condamnée par la Cour d’appel, la SCI s’est pourvue en cassation en considérant que la Cour avait violé le principe de primauté du droit de l’Union européenne.

La Cour de cassation a sursis a statué et saisi la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivants : le régime de l’autorisation préalable posé par l’article L. 631-7 du Code de la construction poursuit-il un objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location ? Cette mesure est-elle proportionnée et constitue-t-elle enfin une raison impérieuse d’intérêt général

De plus en plus de collectivités se fondent sur l’article susvisé avec l’article L. 651-2 du même code pour agir contre les loueurs contrevenants et ainsi lutter contre les plateformes de locations de courte durée qui éloignent les habitants des villes et accentuent la crise du logement.

La décision de la CJUE est donc très attendue.

 

Conséquences d’une résiliation pour motif d’intérêt général d’un contrat de concession avant mise en service des ouvrages à réaliser

Le 23 novembre dernier, le Conseil d’Etat a rendu public l’avis rendu le 26 avril 2018 par son Assemblée générale sur trois questions du Gouvernement portant sur les conséquences de la renonciation au projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Ces trois questions portaient précisément sur la possibilité de modifier par voie d’avenant le contrat de concession conclu entre l’Etat et la société Aéroports du Grand Ouest (1), de résilier le contrat sur le fondement de la force majeure dans les conditions prévues par le cahier des charges (2) et, en cas de résiliation pour motif d’intérêt général, de faire application des modalités d’indemnisation prévues par le cahier des charges dans une telle hypothèse (3).

Après avoir rappelé le contexte du contrat de concession ayant pour objet à la fois la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et l’exploitation des aéroports de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire Montoir, le Conseil d’Etat a répondu par la négative à deux des trois questions du Gouvernement. 

1) S’agissant tout d’abord de la première question, le Gouvernement souhaitait savoir s’il était possible, par voie d’avenant au contrat de concession, de retirer de son périmètre la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de confier des missions supplémentaires au concessionnaire sur l’aérodrome de Nantes-Atlantique.

Le Conseil d’Etat a estimé qu’une telle modification du contrat initial changerait la nature globale du contrat en méconnaissance de l’article 55 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession (qui s’appliquent aux contrats en cours avant leur date d’entrée en vigueur).

Pour le Conseil d’Etat, cette résiliation partielle du contrat de concession serait, en outre, de nature à introduire « des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage de participants ou permis l’admission de candidats ou soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou le choix d’une offre autre que celle initialement retenue » au sens de l’article 36-5° a) du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 précité.

Le Conseil d’Etat a précisé surtout que la lecture de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 précités sur les modifications des contrats de concession doit être combinée avec l’interdiction générale de modifier la nature globale du contrat à l’article 55 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016.

2) Concernant ensuite la deuxième question, le Conseil d’Etat a considéré que les conditions d’une résiliation pour force majeure ne sont pas réunies au cas d’espèce et, partant, que les stipulations du cahier des charges prévues à cet effet ne peuvent être appliquées.

Rappelant la définition de la force majeure comme le « bouleversement de l’économie du contrat tel, par son ampleur et sa durée, qu’il peut en justifier une résiliation », le Conseil d’Etat a admis que le contrat de concession avait subi un bouleversement économique tenant à ce que le concessionnaire n’a, ni réalisé les études d’avant-projet de l’aéroport, ni les travaux de construction, ni respecter ses obligations financières.

En revanche, les autres conditions de la force majeure (caractères d’extériorité, d’imprévisibilité, et d’irrésistibilité des évènements ayant un lien direct avec le bouleversement de l’économie du contrat) feraient défaut, selon le Conseil d’Etat, pour caractériser une telle force majeure en l’espèce.

Notamment, le Conseil d’Etat a souligné que le rôle de l’autorité concédante peut être prépondérant dans l’analyse des conditions d’extériorité et d’irrésistibilité de la force majeure.

3) Enfin, pour ce qui est de la troisième question, le Conseil d’Etat estime que la résiliation pour motif d’intérêt général, comme l’application des stipulations du cahier des charges de concession sur l’indemnisation des pertes subies par le concessionnaire, ne « soulèverait pas de difficulté » pour la renonciation du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Mais, s’agissant de l’indemnisation d’un manque à gagner, les stipulations du cahier des charges ne peuvent s’appliquer, selon le Conseil d’Etat, dès lors qu’elles éludent le cas d’une résiliation intervenant avant tout la mise en service des ouvrages et même, ici, avant le début d’exécution des travaux.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a précisé que « lorsqu’elles sont confrontées à des stipulations lacunaires d’un contrat, il incombe aux parties, conformément à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de leur donner, sous le contrôle du juge, une portée qui soit conforme à la volonté des parties et qui respecte les principes dégagés par la jurisprudence » (considérant n°18).

Au cas présent, l’indemnisation d’un manque à gagner comme la pertinence des paramètres financiers retenus par le contrat de concession n’ont pas à être remis en cause dans leur principe pour le Conseil d’Etat.

En revanche, le Conseil d’Etat a rappelé que les modalités de calcul de cette indemnisation ne pouvaient pas méconnaître, d’une part, l’interdiction de consentir des libéralités et, d’autre part, l’interdiction pour les parties de prévoir des modalités d’indemnisation faisant obstacle au pouvoir de résiliation unilatérale de la partie publique.

Or, en l’espèce, les modalités de calcul de l’indemnisation du manque à gagner, bien que fondées dans leur principe, s’opposerait au principe d’interdiction de consentir des libéralités, eu égard notamment au taux de rentabilité qu’il procurerait aux actionnaires de la société concessionnaire.

Pour le Conseil d’Etat, cette indemnisation doit être calculée en tenant compte de la situation particulière du contrat de concession et, en particulier ici, du volume des fonds investis par les actionnaires du concessionnaire à la date de la résiliation et de la durée d’immobilisation de ces fonds investis.

Au-delà, le Conseil d’Etat anticipe sur l’avenir par une recommandation : « dans l’hypothèse où le groupe Vinci serait pressenti pour reprendre l’exploitation des aéroports […], il appartiendrait à l’Etat, pour apprécier l’existence d’un préjudice et en évaluer le montant, de prendre en compte, au titre du recoupement partiel entre les deux concessions, le bénéfice que ce groupe serait susceptible de retirer de la réalisation, en tant que titulaire du nouveau contrat, de prestations identiques à celles exécutées au titre du contrat résilié […] ».

La régularisation d’une offre irrégulière ou inacceptable en application de l’article 59-III du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

Le Député des Charente-Maritime a déposé, le 17 juillet 2018, une question à l’attention du Ministère de l’économie et des finances au sujet de l’interprétation du II et III de l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

En principe, les offres irrégulières ou inacceptables doivent être éliminées par le pouvoir adjudicateur.

Par exception, le II de l’article 59 du décret précité prévoit que, en matière de procédures d’appel d’offres et procédures adaptées sans négociation, « l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses ».

Pour les autres procédures, adaptée avec négociation, formalisée négociée ou dialogue compétitif, le III de l’article 59 du décret précité prévoit que, si les offres inappropriées doivent être éliminées quoiqu’il arrive, « les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables à l’issue de la négociation ou du dialogue, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses ».

Dans les deux hypothèses, le IV de l’article 59 du décret précité précise que « la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier des caractéristiques substantielles des offres ».

Pour le Député, la rédaction de l’article 59-III du décret précité suggèrerait que la négociation ou dialogue est un préalable permettant de régulariser les offres irrégulières ou inacceptables, créant de ce fait une rupture d’égalité entre les candidats participant à une procédure avec négociation et ceux participant à une procédure sans négociation.

Concrètement, lorsqu’un acheteur prévoit dans le règlement de consultation que seules les trois premières offres feront l’objet d’une négociation, la régularisation d’offres irrégulières ne semblerait, à la lecture de l’article 59-III du décret précité, envisageable que pour les offres arrivées en tête de l’analyse des offres avant négociation.

Par ailleurs, la question du Député a également porté sur la notion de « caractéristiques substantielles des offres » au sens de l’article 59-IV du décret précité.

Dans sa réponse sur l’interprétation de l’article 59-III du décret précité, le Ministère de l’économie et des finances rappelle tout d’abord les termes du dernier alinéa de l’article 59-III suivants :

« Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses ».

Ainsi, lorsqu’un acheteur souhaite limiter la négociation à trois candidats, le Ministère propose de distinguer les hypothèses de régularisation :

  • S’agissant d’une procédure adaptée avec négociation:
  • Concernant les offres irrégulières, « l’acheteur sera tenu, afin d’assurer l’égalité de traitement des candidats, soit de rejeter l’ensemble des offres irrégulières soumises, soit d’inviter l’ensemble des soumissionnaires ayant remis de telles offres à les régulariser pour pouvoir procéder ensuite au classement des offres» ;
  • Concernant les offres inacceptables, « dès lors que leur régularisation ne peut, en principe, être opérée qu’au cours de la négociation, la seule solution juridique pour garantir le principe d’égalité de traitement consistera à écarter l’ensemble des offres recevant cette qualification».
  • S’agissant d’une procédure concurrentielle avec négociation: « les offres irrégulières ou inacceptables peuvent toujours, si l’acheteur le souhaite, être l’objet d’une demande de régularisation » dans la mesure où l’acheteur est tenu d’organiser une première phase de négociation avec l’ensemble des offres remises.
  • S’agissant d’un dialogue compétitif: la question ne se pose pas réellement puisque, lors de la phase de dialogue, les candidats ne remettent pas d’offres fermes mais de simples « solutions de nature à répondre aux besoins de l’acheteur ».

Enfin sur la notion de « caractéristiques substantielles des offres », le Ministère précise que la régularisation au sens de l’article 59 du décret précité ne concerne, par exemple, que les erreurs matérielles des offres, l’incomplétude d’un bordereau des prix unitaires ou encore lorsque ne sont pas renseignés dans l’acte d’engagement les délais d’exécution figurant dans un planning annexe à l’offre. En revanche, l’absence d’un document requis par le dossier de consultation n’est pas régularisable.

Existence du lien de causalité entre l’irrégularité d’une procédure de passation d’un marché public et le manque à gagner en résultant pour un candidat évincé

Par une décision du 19 novembre 2018, le Conseil d’Etat précise que le contrôle que doit exercer le juge du contrat sur l’existence d’un lien de causalité entre l’irrégularité d’une procédure de passation d’un marché public et le manque à gagner en résultant pour un candidat évincé.

La communauté d’agglomération havraise (ci-après la « CODAH ») a attribué à la société SOGEA Nord-Ouest un marché public portant sur la rénovation d’un complexe aquatique à la suite d’une procédure de dialogue compétitif. Saisi de demandes d’annulation et à des fins indemnitaires par un candidat évincé, la société SNIDARO, le Tribunal administratif de Rouen a annulé le marché mais rejeté les demandes indemnitaires au titre des frais de présentation de l’offre et du manque à gagner. N’ayant pas obtenu la réformation du jugement en appel, la société SNIDARO s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, et la CODAH a également présenté un pourvoi incident.

Rejetant tout d’abord le pourvoi incident, le Conseil d’Etat a confirmé, dans la décision commentée, l’annulation du marché au motif que la CODAH ne pouvait recourir au dialogue compétitif alors qu’elle était en mesure de définir les moyens techniques nécessaires à la satisfaction de ses besoins.

S’agissant ensuite du pourvoi principal, le Conseil d’Etat a estimé que la Cour administrative d’appel de Douai avait, à tort, rejeté les demandes indemnitaires de la société SNIDARO en considérant que le recours irrégulier au dialogue compétitif n’était pas la cause directe de l’éviction de la société SNIDARO dans la mesure où cette irrégularité ne lui avait pas empêché de remettre une offre finale.

Or, dans la décision commentée du Conseil d’Etat, le juge administratif est tenu « de vérifier si cette irrégularité est susceptible d’avoir eu une incidence sur le sort de ce candidat afin de déterminer s’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par celui-ci ».

Ainsi, le simple fait pour la société SNIDARO d’avoir pu remettre une offre n’est pas suffisant pour écarter l’existence d’un lien direct entre l’irrégularité de la procédure de passation et le préjudice en résultant sur son manque à gagner.

En l’absence d’une telle vérification du lien de causalité par le juge d’appel, le Conseil d’Etat annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Douai pour son règlement au fond.

Application de la jurisprudence SMATP au recours d’un candidat évincé contre la décision de refus de résilier un marché public

Par une décision du 30 novembre dernier, le Conseil d’Etat a fait application de sa jurisprudence du 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, dite « SMPAT » (n°398445).

Pour mémoire, cette jurisprudence du Conseil d’Etat établit, dans la continuité de la décision du 4 avril 2014, Département Tarn-et-Garonne (n°358994), le régime d’un recours de pleine juridiction ouvert aux « tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat ».

Dans l’affaire commentée, la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris a attribué au Groupement d’Intérêt Economique (GIE) dénommé « Groupement des poursuites extérieures » sept lots d’un marché public portant sur l’intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux du département de Paris.

Considérant que le titulaire du marché avait commis des actes frauduleux en procédant, par l’intermédiaire du GIE lui-même et non d’huissiers, au recouvrement par chèque d’amendes, un autre GIE, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice, a introduit un recours demandant à ce qu’il soit mis fin à ces marchés. N’ayant pas obtenu satisfaction en première instance et en appel contre cette décision de rejet, le GIE s’est finalement pourvu en cassation.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat admet tout d’abord la recevabilité du moyen du GIE tiré de la méconnaissance par le titulaire du marché du monopole des huissiers de justice en matière de recouvrement par chèque des amendes en vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et son arrêté d’application du 5 août 2006.

En effet, un requérant peut, dans le cadre du recours SMPAT, « se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général » et à la condition que ce moyen soit « en rapport direct avec l’intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut »[1].

Dans ses conclusions à la jurisprudence SMPAT ,  le rapporteur public, M. Gilles Pellissier, avait précisé, au regard de la résiliation pour faute, que « dès lors qu’il s’agit d’une mesure intimement liée à l’exécution du contrat, les tiers, qui n’ont pas à s’immiscer dans la conduite des relations contractuelles […], ne devraient pas pouvoir invoquer des fautes du cocontractant dans l’exécution du contrat au soutien de la contestation du refus de la personne publique de le résilier » sauf dans « […] l’hypothèse d’inexécutions d’une gravité ou d’une portée telle qu’elles compromettent l’intérêt général ». Cette possibilité existe également dans le cadre de l’action en reprise des relations contractuelles (cf.  CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806)[2].

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que le montant des chèques irréguliers étaient faibles et que le titulaire du marché n’avait pas eu d’intention frauduleuse. Partant, le Conseil d’Etat conclut que les irrégularités dans l’exécution du contrat « n’étaient pas constitutives d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettraient manifestement l’intérêt général et justifiaient qu’il soit mis à l’exécution » du marché.

Le pourvoi est donc rejeté par le Conseil d’Etat.

[1] cf. CE, 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, n° 398445.

[2] Pour un exemple, voir CE, 16 novembre 2016, Commune d’Erstein, n° 401321.

Le Sénat crée une « Commune-Communauté » et renforce l’incitation à la création de communes nouvelles

Une proposition de loi concernant les communes nouvelles a été adoptée par le Sénat, le 12 décembre dernier, en première lecture.

Plus exactement, cette proposition de loi vise à mettre en place des mécanismes incitatifs pour la création de communes nouvelles. A titre d’illustration, le texte prévoit une adaptation des règles en matière d’effectifs du conseil municipal d’une Commune nouvelle. L’article 1er de la proposition de loi modifie en effet l’article L. 2113-8 du CGCT, lequel dispose en principe que, lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu à l’article L. 2121-2 du CGCT pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.

Or, la proposition de loi prévoit à cet égard que le nombre de conseillers municipaux d’une commune nouvelle ne peut être inférieur à trois fois le nombre de communes déléguées lorsqu’elles existent, augmenté d’une unité en cas d’effectif pair.

En outre, la proposition met en place un nouveau type de collectivités territoriales : « la Commune – Communauté ».

Les modalités de création de cette nouvelle « entité » sont précisées par l’article 4 de la proposition de loi.

Il est proposé qu’une commune nouvelle née de la fusion de toutes les communes membres d’une intercommunalité à fiscalité propre soit dispensée de l’obligation de se rattacher à un autre EPCI à fiscalité propre (article 4 de la proposition de loi). Il ressort du rapport fait au nom de la Commission des lois déposé le 5 décembre 2018 que l‘intention de la commission est bien qu’une « commune-communauté » dispose des mêmes prérogatives et soit soumise aux mêmes obligations qu’un EPCI à fiscalité propre ou qu’une commune membre d’un tel établissement, sous les mêmes conditions (de population notamment). (Sénat, Rapport n° 179 de Mme Agnès CANAYER, fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 décembre 2018).

Un amendement adopté par le Sénat a également visé à empêcher que des communes limitrophes à l’intercommunalité désireuse de devenir une « commune-communauté » puissent rejoindre celle-ci (amendement n° 20 présenté par monsieur Canayer).

Il n’est ainsi pas question de fragiliser la carte intercommunale avec l’apparition de cette nouvelle structure. 

Le gouvernement s’est montré favorable à cette nouvelle structure.

Le texte adopté par le Sénat a été transmis à l’Assemblée nationale le 12 décembre dernier. Il conviendra donc de suivre l’évolution des débats parlementaires sur ces questions.

Les manifestations des « gilets jaunes » et la responsabilité de l’Etat pour les dommages dus aux attroupements et rassemblements

Les collectivités locales et leurs établissements publics, victimes de dommages survenus à l’occasion des différentes actions revendicatives des « gilets jaunes » peuvent envisager d’engager la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des attroupements et des rassemblements.

L’article L. 211-10 du Code de la sécurité intérieure dispose, en effet, que :

« L’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée».

L’intérêt de ce régime de responsabilité de l’Etat est qu’il n’impose pas d’établir l’existence d’une faute, ce qui est d’autant plus intéressant que la faute, s’agissant de l’ampleur des manifestations et de la mobilisation des forces de l’ordre, devrait certainement être une faute lourde compte-tenu des difficultés particulières du maintien de l’ordre dans les circonstances récentes.

Comme la jurisprudence l’a précisé, il est permis d’envisager de recourir à un tel fondement dès lors que 3 critères cumulatifs sont réunis :

  • la caractérisation d’un attroupement ou d’un rassemblement armé ou non armé
  • la caractérisation d’un crime ou d’un délit commis, à force ouverte ou par violence,
  • l’identification d’un lien direct entre ladite infraction et le rassemblement.

Mais, on ne peut ignorer que le Juge administratif se montre très restrictif, et a introduit plusieurs autres critères, permettant à l’État de se soustraire à sa responsabilité.

Il a écarté le régime de responsabilité de l’Etat lorsque les dommages ont été causés par un groupe de type «commando» et qui se réunit dans le seul but prémédité d’occasionner des dommages.

Au contraire, il n’écartera pas l’application de ce régime, si les dommages ont été le fait d’un groupe qui s’était constitué dans un autre but que d’occasionner des dommages, ce but pouvant être la revendication ou la protestation.

Dans une telle hypothèse, le groupe devra avoir une grande taille. Il y a lieu de penser que, dans le cas des dommages causés par de grands groupes, le Juge administratif cherchera à déterminer si les dommages sont le fait du grand groupe ou rassemblement, ou d’un groupuscule qui a agi très en marge du groupe de l’ensemble des manifestants.

Toutefois, la jurisprudence a enregistré, très récemment, une tendance à ne plus considérer inapplicable l’article 211-10 du Code de la sécurité intérieure au seul vu du caractère prémédité et organisé des dommages.

Dans un arrêt récent, en effet, le Conseil d’Etat a reconnu que la seule circonstance du caractère organisé et prémédité des dégradations ne suffisait pas à écarter la responsabilité de l’Etat dès lors que les dégradations avaient été commises dans le cadre d’une manifestation sur la voie publique à laquelle avaient participé plusieurs centaines de personnes (CE 7 décembre 2017, Commune de Saint-Lô n° 400801).

Cette évolution offre plus de chances aux collectivités de rencontrer des succès dans les contentieux qu’elles pourraient engager devant les juridictions administratives pour obtenir d’être indemnisées par l’Etat des dommages subis à l’occasion des manifestations des « gilets jaunes ».

Tout dépendra, alors, des éléments qui pourront être réunis pour répondre aux critères de la loi : l’existence d’un lien direct entre des manifestations locales ou nationales et des dommages subis dans des bâtiments, équipements publics, sur la voie publique ; la démonstration que ce sont des groupes de « gilets jaunes » bien identifiés, qui sont à l’origine de ces dommages et que ces  derniers résultent non pas d’actions de  « commandos » isolés des groupements ou rassemblements organisés par les « gilets jaunes », mais de l’action revendicative menée par ces groupements.

Il restera, alors, à lier le contentieux indemnitaire, soit : à présenter au Préfet, une demande indemnitaire, argumentée, chiffrée, par LRAR.

Le Tribunal administratif du ressort de la Préfecture, ne pourra être saisi que par voie de recours contre la décision de refus que le Préfet aura adressée. Le Tribunal devra être obligatoirement saisi par un avocat, dans un délai de deux mois suivant le rejet de la demande indemnitaire.

Par Jean-Louis Vasseur

     

Le Conseil d’Etat apporte un éclairage sur la répartition des compétences en matière de contrats de mobiliers urbains

CE, 28 novembre 2018, La société Philippe Vediaud Publicité,  n° 414384

Par deux décisions du 28 novembre 2018, le Conseil d’Etat a apporté un éclairage sur la répartition des compétences entre intercommunalités et communes membres par rapport à l’attribution de marchés de mobiliers urbains.

La commune de Bègles et la commune d’Eysine ont chacune conclu avec la société CDA Publimédia un contrat aux termes duquel cette société s’engageait principalement à fournir, installer, maintenir et entretenir des mobiliers publicitaires d’information municipales sur le territoire de la commune, ainsi qu’à imprimer et mettre en place les affiches municipales, la société se rémunérant en louant à des annonceurs les espaces non utilisés pour l’affichage municipal.

Les deux communes étaient membres de la Communauté urbaine de Bordeaux, laquelle était compétente de plein droit, en vertu du 11° de l’article L. 5215-20-1 du CGCT en matière de « voirie et signalisation ».

La légalité des contrats a été contestée par la Société Philippe Védiaud publicité, candidat évincé. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie en appel, a, par deux arrêts du 17 juillet 2017, jugé illicites ces contrats comme dépourvus de cause au motif que les communes cocontractantes ne pouvaient transférer à leur cocontractant, en contrepartie des prestations obtenues, un droit d’exploitation de ces espaces publicitaires dont elles ne disposaient pas.

Telle n’est pas la position adoptée par le Conseil d’Etat.

La Haute Juridiction relève d’abord que le marché de mobilier urbain dont il était question en l’espèce, passé par les communes de Bègles et d’Eysine, avait pour objet de permettre la réalisation et la fourniture de prestations de service en matière d’information municipale par voie d’affichage. Ce contrat répondait donc aux besoins des Communes.

Et le Conseil d’Etat retient qu’un tel contrat ne constitue ni une simple convention domaniale, ni une convention se rapportant à la gestion de la voirie.

Le Conseil d’Etat tient en conséquence le raisonnement suivant :

« 5. Par suite, si l’installation sur le domaine public routier des dispositifs de mobilier urbain nécessitait la délivrance d’une autorisation de la part du gestionnaire du domaine public, celui-ci n’était compétent ni pour prendre la décision de recourir à ce mode d’affichage, ni pour l’exploiter. La cour administrative d’appel de Bordeaux a, dès lors, commis une erreur de droit en déduisant de la circonstance que l’implantation des mobiliers urbains sur le domaine public routier nécessitait la délivrance d’une permission de voirie par la communauté urbaine de Bordeaux l’incompétence de la commune pour passer un tel contrat ». 

Dit autrement, si l’intercommunalité, -Communauté urbaine en l’espèce-, est seule gestionnaire du domaine public en application de l’article L. 5215-20-1 du CGCT, celle-ci n’est compétente ni pour prendre de décision de recourir à ce mode d’affichage, ni pour exploiter.

A cet égard, les conclusions du rapporteur public, qui ont été suivies par le Conseil d’Etat, sur ces deux décisions sont intéressantes pour comprendre la frontière tracée entre les compétences :

«  Dès lors, la seule compétence qu’exerce la communauté urbaine vis-à-vis des mobiliers urbains est celle de les autoriser à s’implanter sur le domaine public. Cette compétence ne lui donne aucun pouvoir sur la gestion de ces installations, pas davantage que l’autorisation délivrée à un restaurateur d’installer une terrasse ne donne à la personne publique gestionnaire du domaine de compétence pour élaborer les menus. […] En juger différemment comme l’a fait la cour aurait d’ailleurs pour effet d’interdire aux communes d’externaliser la diffusion de leur information municipale puisqu’elles ne pourraient elles-mêmes conclure de contrats en ce sens et que la Communauté urbaine ne le pourrait pas davantage puisqu’elle n’exerce aucune compétence en matière de diffusion de l’information municipale de ses membres ».

Il conviendra donc de redoubler de vigilance à l’occasion de la conclusion de tels contrats afin de s’assurer que la personne publique qui conclut ce contrat est bien la personne compétente.

 

Réseaux FTTH / Zone fibrée

Au terme d’un long processus d’élaboration, le gouvernement achève de donner corps au statut de zone fibrée.

Pour rappel, ce statut avait été introduit dans la loi République Numérique par amendement de plusieurs sénateurs, dont Patrick CHAIZE, par ailleurs président de l’AVICCA (www.senat.fr/enseance/2014-2015/371/Amdt_150.html). L’objet était de déclencher des « mesures d’accompagnement et d’accélération de la migration vers le réseau de la fibre ».

Le statut avait ensuite donné lieu à une consultation publique et à une décision de l’ARCEP (Décision n° 2017-0972 du 27 juillet 2017 proposant au ministre chargé des communications électroniques les modalités et les conditions d’attribution du statut de « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut).

Par arrêté du 6 décembre 2018 pris en application de l’article L. 33-11 du code des postes et des communications électroniques relatif à l’attribution d’un statut « zone fibrée », le gouvernement vient affirmer que « les modalités et les conditions d’attribution du statut « zone fibrée » ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut » sont celles sont fixées par l’ARCEP.

Le statut prévoit quelques avantages pour l’opérateur ou la collectivité qui en dispose, comme le fait de bénéficier plus rapidement d’un basculement du cuivre vers la fibre, mais aussi des obligations.

Rappel des conditions de la protection de son nom par une collectivité territoriale

Par un arrêt en date du 28 juin 2018 la Cour d’appel de Paris est venu préciser à quelles conditions une collectivité territoriale peut faire interdire à un tiers l’utilisation de son nom à titre de marque.

Pour rappel, en vertu de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) il est possible de déposer le nom d’une collectivité territoriale à titre de marque.

Mais, si le nom d’une collectivité peut être déposé en tant que marque par la collectivité concernée, il peut également être déposé par toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, dès lors que l’utilisation du nom ne crée aucun risque de confusion avec les activités de la collectivité (CA Versailles, 13 sept. 2007, n° 06/03071 : JurisData n° 2007-346646).

La loi dite « Hamon » n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et son décret d’application du 15 juin 2015 ont mis en place un privilège et offrent certains moyens aux collectivités territoriales. Ainsi, une procédure d’alerte prévu à l’article L. 712-2-1 du CPI permet désormais aux collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’être informés par l’INPI dans les cinq jours ouvrables suivant la publication d’un dépôt de demande d’enregistrement de la marque contenant leur nom.

En l’espèce, un particulier avait déposé à titre de marque le signe « # PARIS » dans les classes 14, 18 et 25 auprès de l’INPI.

En vertu de la loi HAMON précitée, la commune de Paris a fait opposition à cette demande d’enregistrement en invoquant une atteinte au nom, à l’image et à la renommée de la collectivité.

Dans un premier temps la Cour d’appel de Paris a rappelé que « l’article L. 711-4 h) du CPI n’a pas pour objet d’interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où il résulte de ce dépôt une atteinte à des intérêts publics.

En effet, l’atteinte aux droits d’une collectivité territoriale sur son nom, son image ou sa renommée n’est constituée que pour autant que celle-ci établisse que l’enregistrement du signe peut entraîner un risque de confusion avec ses propres attributions où est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés ».

Puis, la Cour a retenu qu’en l’espèce, « il existe une grande proximité entre le signe « # PARIS » de la demande d’enregistrement et le nom « PARIS », dès lors que la dénomination « PARIS », seul élément verbal du signe contesté, en constitue l’élément essentiel ».

Enfin, la Cour a pris le soin de vérifier que la commune de Paris, pour se prévaloir des dispositions de la loi HAMON, justifiait bien qu’elle est active dans les domaines d’activité concernés par les produits des classes 14, 18 et 25 désignés dans l’enregistrement de la marque contestée. Et en effet, ce nom bénéficie d’une exceptionnelle notoriété non seulement en tant que capitale de la France mais également en raison de sa renommée mondiale dans les domaines du luxe notamment dans les secteurs de l’habillement, de la bijouterie, de la joaillerie, de la maroquinerie ou de la parfumerie.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour a ainsi pu juger que le risque de confusion est particulièrement élevé pour les produits désignés dans l’enregistrement de la marque contestée et par voie de conséquence a pu en déduire que « le signe contesté « # PARIS » est de nature à porter atteinte au nom et à la renommée de la commune de Paris, étant susceptible d’empêcher ou d’entraver l’utilisation par celle-ci de son nom « Paris » pour commercialiser des produits en classes 14 et 18 ou du hashtag « # PARIS » pour communiquer, notamment sur les réseaux sociaux, sur des événements qu’elle soutiendrait concernant les produits précités ; le signe contesté est également de nature à porter atteinte aux intérêts des parisiens, administrés de la commune de Paris, notamment des acteurs économiques intervenant dans les mêmes secteurs d’activité ».

Cette décision permet donc d’observer le cheminement intellectuel suivi par les juge afin de pouvoir décider qu’une demande d’enregistrement de marque porte atteinte à une collectivité territoriale. Ce fût l’occasion de rappeler que le privilège dont jouissent les collectivités territoriales sur leur nom n’est pas absolu et que les conditions pour l’activer doivent être réunies pour obtenir une décision favorable.

Le formulaire DC4 devient conforme au RGPD

Lors de l’adoption du règlement général sur la protection des données (ci-après « RGPD »), il avait été question de mettre à jour les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) pour les mettre en adéquation avec le nouveau dispositif législatif, les contrats de commande publique impliquant des traitements de données personnelles devant tenir compte de l’applicabilité du RGPD.

Le 19 novembre 2019, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après « CNIL ») a indiqué qu’à la suite de ses échanges avec le ministère de l’Economie et des Finances, celui-ci a actualisé le formulaire de déclaration de sous-traitance proposé aux soumissionnaires/titulaires de marchés (DC4) et publié des recommandations à l’intention des acheteurs publics.

Selon la CNIL, ce nouveau formulaire va servir de modèle utilisé par les soumissionnaires ou titulaires de marchés publics pour présenter un « sous-traitant », au sens du droit de la commande publique, à l’acheteur public et obtenir l’acceptation de ce dernier.

La nouveauté ici est que ce formulaire s’accompagne dorénavant d’une fiche technique résumant les impacts du RGPD sur les marchés publics.

Pour les administrations et leurs co-contractants, cette fiche technique permet de traduire la terminologie du RGPD en vocable des marchés publics, sensibiliser à la logique de responsabilisation, rappeler l’obligation d’intégrer dans tous les marchés publics les clauses obligatoires prévues par le règlement (article 28) et d’attirer l’attention des acheteurs faisant de l’achat mutualisé sur la nécessité de définir de façon transparente et par voie d’accord leurs obligations respectives.

Pas d’enrichissement du locataire principal au détriment du sous-locataire

La Cour d’appel de Nancy par un arrêt rendu le 25 avril 2018 est venue affirmer la stricte application des termes de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 concernant la fixation des loyers de sous location.

En l’espèce, un locataire preneur à bail d’un appartement à usage d’habitation dont le loyer principal s’élevait à la somme de 305,90 € auquel s’ajoutait une provision de charges de 42,69 € a consenti une sous-location portant sur une des chambres de l’appartement pour un loyer mensuel de 300 € charges comprises.

Le sous locataire versait donc, pour une chambre, un montant quasiment équivalent au loyer dû au bailleur pour l’entier appartement.

Le sous-locataire a assigné le locataire principal en restitution du trop versé de loyer en se fondant sur l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui dispose que :

« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation. Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location ».

Aux termes de cet article le loyer du sous-bail ne peut excéder celui du bail principal.

Le locataire principal soutenait que pour fixer le loyer de sous-location, il ne fallait pas uniquement prendre en considération le prix du loyer inscrit en numéraire dans le contrat de bail principal mais qu’il devait également être tenu compte de la valeur locative de l’appartement augmentée notamment grâce à d’importants travaux réalisés ce dernier.

Après avoir rappelé que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sont d’ordre public de protection des locataires et ne sont pas applicables au sous-locataire à l’exception de cet article 8, les juges ont affirmé que « l’argumentation du locataire principal méconnait l’exigence de sécurité juridique contenue dans le texte en faisant dépendre la limite de l’engagement du sous locataire d’une estimation de la valeur locative du logement représentant en l’occurrence 4 fois celle arrêtée par le bail, en raison de l’exécution de travaux de rénovation, par et à la charge du locataire principal sur la base d’un prétendu accord implicite avec le propriétaire, dont la réalité n’est d’ailleurs pas prouvée ».

Les juges ont par ailleurs précisé que « la raison d’être de cette disposition est, notamment, de protéger le sous-locataire en prohibant toute possibilité d’enrichissement du locataire principal au regard des conditions financières de la sous-location et ce, au moyen d’un élément de comparaison univoque, vérifiable et indiscutable, à savoir le montant du loyer mentionné dans le bail liant le propriétaire et le locataire principal et payé par ce dernier ».

Ainsi, la Cour fait prévaloir une interprétation stricte du texte, peu importe l’importance des travaux réalisés par le locataire, la répercussion de leur prix n’a pas à être réalisée au détriment de son sous-locataire.

Les faits de l’espèce ont donc permis de caractériser une violation manifeste des dispositions de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ayant pour conséquence la condamnation du locataire principal à rembourser au sous-locataire le trop-perçu de loyers.

La Cour d’appel de Nancy vient donc réaffirmer une jurisprudence initiée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er mars 2016 (CA Paris, pôle 4, ch 4. n° 14/08524).

La recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile d’une personne morale à but lucratif

Aux termes des dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, il ressort que « lorsque la plainte avec constitution de partie civile est formée par une personne morale à but lucratif, elle n’est recevable qu’à condition que la personne morale justifie de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat ».

Au cas d’espèce, une personne morale à but lucratif s’était constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, et avait omis, à cette occasion, de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat. En réponse, le magistrat instructeur avait rendu une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile, sanctionnant de fait cette carence.

Saisie d’un appel à l’encontre de cette décision, la Chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance entreprise et énonçait que la loi impose pour tout formalisme à la présentation, par une personne morale à but lucratif, d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, la justification de ses ressources par la production de son bilan et de son compte de résultat, ces éléments étant indispensables pour permettre au magistrat de fixer le montant de la consignation ; elle ajoutait que la société ne pouvait s’exonérer de la jonction des documents comptables exigés expressément à peine d’irrecevabilité de sa plainte avec constitution de partie civile et qu’elle n’était plus recevable à le faire dans le cadre de son recours.

Au visa de l’article 85 précité, la Cour de cassation énonce que « la personne morale à but lucratif qui, s’étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d’instruction, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l’instruction au soutien de son appel de l’ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ».

Immobilier : Les associations syndicales libres (ASL) sont tenues de respecter les formalités imposées par l’ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 lorsqu’elles mettent leur statut en conformité (troisième chambre civile de la cour de cassation, 6 septembre 2018 n°17-22.815)

Le 6 septembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer notamment sur le point de savoir si lors de la mise en conformité des statuts d’une ASL l’annexion d’un plan parcellaire et d’un état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre est exigée, comme la législation l’impose au moment de sa création (article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006)

En l’espèce, des propriétaires de lots dans un ensemble immobilier géré par une association syndicale libre des propriétaires du lotissement ont assigné l’ASL en annulation de l’assemblée générale du 13 août 2010 et, subsidiairement, des résolutions 3 à 9, mise en conformité des statuts et établissement de l’état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre.

La Cour d’appel rejette la demande au motif que si la création d’une ASL impose d’annexer aux statuts le plan parcellaire et la déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales, ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage, ces formalités ne sont pas exigées pour la mise en conformité des statuts avec la législation.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la nullité de l’assemblée générale de l’ASL est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le membre qui n’a pas été convoqué à celle ; les propriétaires mécontents ayant été convoqués à l’assemblée générale ne pouvait en solliciter l’annulation.

Mais sur le second moyen du pourvoi, la troisième chambre civile, visant les articles 7 et 60-1 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et l’article 3 du décret du 3 mai 2006, précise que les associations syndicales libres ne sont pas dispensées, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes de respecter les formalités qu’ils imposent.

C’est ainsi que lors de la mise en conformité des statuts d’une ASL l’annexion d’un plan parcellaire et d’un état nominatif des propriétaires des immeubles inclus dans son périmètre est exigée, comme la législation l’impose au moment de sa création (article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006).

 

Responsabilité administrative du fait de l’insécurité et de l’insalubrité des rues : Une décision susceptible de faire jurisprudence

Le Conseil d’Etat a rendu, le 9 novembre 2018, une décision qui devrait inciter les autorités disposant du pouvoir de police en matière de sécurité et de salubrité publiques dans une commune (le Maire, ou bien le Maire et le Préfet, si la commune est sous un régime de police d’État), à s’assurer qu’elles ont pris les mesures appropriées pour remédier aux nuisances, et au climat d’insécurité ou d’insalubrité dont se plaignent les résidents d’un quartier.

En l’espèce, l’association « La Vie Dejean », ayant pour objet la défense des riverains d’une rue piétonnière du 18ème arrondissement de la Capitale, avait dénoncé l’encombrement permanent de ses trottoirs et de sa chaussée par les étalages sans autorisation, l’existence d’un marché clandestin et de vendeurs à la sauvette, et, enfin, la saleté et les troubles importants résultant de cette situation.

Le Tribunal administratif de Paris, saisi par l’association en vue d’obtenir la condamnation de la Ville et de l’Etat à l’indemniser des préjudices résultant, selon elle, de la carence dont ils faisaient preuve dans l’exercice de leurs missions de maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité, avait, par un jugement du 24 mai 2016, condamné la Ville de Paris verser 3.000 euros à l’association, dont 2.000 au titre de la carence du Préfet dans l’exercice de ses missions de protection de la sécurité et de la tranquillité et 1.000 au titre de la carence du maire dans sa mission de maintien de la salubrité.

Le Préfet de police et la Ville s’étant pourvus en appel, la Cour administrative d’appel de Paris a, par un arrêt du 18 avril 2017, rejeté leurs demandes, considérant que « les difficultés de l’activité de police administrative n’exonéraient pas les services compétents de leur obligation de prendre des mesures appropriées. » et que le jugement du Tribunal administratif de Paris devait être confirmé.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a, à son tour, confirmé la condamnation de la Ville et de l’Etat. Son arrêt, rendu le 9 novembre 2018, apporte quelques précisions importantes :

  • Compte-tenu de la persistance des problèmes et des troubles constatés, en dépit des mesures prises par le Préfet et le Maire, le Conseil d’Etat a estimé que les mesures réglementaires comme matérielles qui auraient permis d’assurer un niveau raisonnable de sécurité et salubrité aux habitants du quartier, n’ont pas été prises. La carence fautive de la Ville de Paris et du Préfet de police sont ainsi bien caractérisés,
  • Le Conseil d’Etat a ajouté que la responsabilité de la Ville de Paris pouvait être engagée par une faute simple et pas seulement par une faute lourde.

Précision sur la notion de modification matérielle des facteurs de commercialité

Le 25 octobre 2018 la Cour de cassation est venue affiner sa jurisprudence sur la notion de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

En l’espèce, les différents acquéreurs des lots de copropriété d’une résidence située dans une station touristique ont consenti un bail commercial à une société ayant pour activité la gestion et l’exploitation d’ensemble immobiliers à usage touristique. La société locataire a notifié à chaque propriétaire un mémoire en révision du loyer en invoquant une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation de la valeur locative de la totalité de la résidence.

La société s’est fondée sur l’article L.145-38 du Code de commerce qui permet une révision légale à la valeur locative en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité de plus de 10%.

Il convient de rappeler que la commercialité appliquée au cas d’espèce doit s’entendre de la capacité pour un établissement de tourisme à attirer la clientèle et à louer à ses clients des nuitées et des locations saisonnières.

La société locataire soutenait que les facteurs locaux de commercialité avaient évolués de manière significative dans la mesure où quatre établissements voisins avaient fait faillite et que la reprise de leurs fonds de commerce s’était faite à une valeur nulle conduisant à une baisse des loyers leur permettant de proposer des prix inférieurs constituant pour la demanderesse un environnement économique très défavorable.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette sa demande de révision en précisant que « la présence de sociétés commerciales concurrentes ne peut être considérée comme la démonstration à elle seule d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ».

La Cour de cassation rejette à son tour le pourvoi formé par la société et approuve la Cour d’appel d’avoir retenu que la société ne rapporte pas la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité puisque « le fait que quatre autres résidences de tourisme de la station aient renégocié les loyers versés aux propriétaires investisseurs est une décision de gestion propre aux résidences concernées et n’est pas opposable aux preneurs pour apprécier la commercialité de la résidence ».

La notion de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité de l’article L.145-38 du Code de commerce est donc entendue strictement par la Cour de cassation qui refuse de l’admettre en cas d’évolution, d’augmentation ou de diminution de la commercialité, seule la preuve de la transformation d’un de ses éléments pouvant être accueilli favorablement.

La Cour de cassation penche ainsi dans le sens de la sécurité juridique et donne un caractère exceptionnel à l’article L.145-38 précité.