le 12/07/2018

Le point sur la jurisprudence et la position administrative afférentes à l’application de la TVA sur marge aux opérations immobilières portant sur des terrains à bâtir

Les livraisons d’immeubles sont comprises dans le champ d’application de droit commun de la TVA dès lors qu’elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (art. 257-I-2° du Code général des impôts).
Conformément à l’article 256 A du CGI, sont considérées comme assujetties les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa de cet article, quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-20).
A cet égard, les livraisons d’immeubles réalisées à titre onéreux par les opérateurs publics, et notamment les collectivités territoriales, entrent en concurrence avec celles des opérateurs privés lorsqu’elles s’inscrivent dans une démarche économique d’aménagement de l’espace ou de maîtrise d’ouvrage.

Sont donc imposables, quand bien même le cédant les aurait réalisées en tant qu’autorité publique à raison des procédures mises en œuvre, les cessions de terrains à bâtir ou de constructions résultant de l’aménagement d’emprises acquises à cette fin, voire d’origine domaniale non établie, dès lors que le cadre administratif (notamment la motivation des actes en cause) fait apparaître une telle volonté de valoriser son activité et de répondre aux besoins des acquéreurs comme pourrait le faire un intervenant privé (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10).

En revanche, peuvent constituer des opérations réalisées hors du cadre économique les cessions de terrains à bâtir ou de bâtiments qu’une personne morale de droit public détient dans son patrimoine sans les avoir acquis ou aménagés en vue de les revendre (BOI-TVA-IMM-10-10-10 n° 140).

Ainsi, la personne publique sera fondée à ne pas soumettre à la TVA les livraisons d’immeubles de cette nature lorsque la délibération par laquelle il est décidé de procéder à l’aliénation fait apparaître que celle-ci relève du seul exercice de la propriété, sans autre motivation que celle de réemployer autrement au service de ses missions la valeur de son actif.

A cet égard, il y a lieu de souligner que selon la Cour de justice de l’Union Européenne, le nombre de cessions réalisées par un opérateur n’est pas en soit déterminant pour l’appréciation de la qualité d’assujetti dudit opérateur (CJUE 15 septembre 2011 aff. 180/10 et 181/10, 2e ch., Jarosław Słaby et Emilian Kuć).
Ainsi les cessions immobilières réalisées par les collectivités territoriales entrent dans le champ d’application de la TVA notamment lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre d’une opération d’aménagement.
Bien qu’elles entrent dans le champ d’application de la TVA, sont exonérées de cette taxe, les cessions de terrains non à bâtir et d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans, l’assujetti cédant pouvant cependant opter pour le paiement de la taxe (art. 261-5 du CGI).
Il en résulte que les ventes de terrain à bâtir par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA de plein droit.
En principe, conformément aux dispositions des article 266 et 267 du CGI, la base d’imposition des livraisons d’immeubles est constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le vendeur en contrepartie de ces opérations de la part de l’acheteur, à l’exclusion de la TVA elle-même.
Par dérogation, s’agissant de la cession d’un terrain à bâtir (ou de la livraison d’immeuble bâti achevé depuis plus de cinq ans lorsqu’elle a fait l’objet de l’option prévue au 5° bis de l’article 260), la base d’imposition est constituée de la marge s’il est établi que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction (art. 268 du CGI).
Outre cette condition qui est considérée comme remplie notamment lorsque l’acte d’acquisition ne mentionne pas de TVA ou lorsque l’immeuble a été acquis pour les besoins d’une activité hors du champ de la TVA, l’administration fiscale a dans sa doctrine posé une condition d’identité entre le bien acquis initialement et le bien revendu.
En application de cette seconde condition et dans le cadre de contentieux concernant des opérations de marchands de biens portant sur des détachements de parcelles, des services vérificateurs ont considéré que la condition d’identité n’était pas remplie au motif que la division cadastrale avait été opérée postérieurement à l’acquisition. La TVA sur marge était donc contestée et la TVA sur le prix total exigée.

Afin de justifier ces redressements, plusieurs réponses ministérielles sont venues au cours de l’année 2016 préciser les modalités d’appréciation de la condition d’identité celle-ci étant considérée comme remplie uniquement lorsque le bien revendu était identique au bien acquis « quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique ». (R.M. Bussereau n° 96679 et Savary n° 94538 du 20/09/2016 et R.M. JOAN La Raudière n° 94061 et Carré n° 91143 du 30/08/2016).

Par deux décisions de Tribunaux administratifs (TA Grenoble 14 novembre 2016 n° 14033397 et TA Montpellier 04 décembre 2017 n° 1602770) les juges se sont opposées à cette doctrine et ont pu décider que :

– l’application de la TVA sur la marge en matière de livraison de terrain à bâtir était conditionné au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction

– il ne ressortait pas des dispositions de l’article 268 du CGI que les terrains revendus comme terrains à bâtir devraient nécessairement avoir été acquis comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis pour que leur cession soit soumise à la TVA sur la marge.

Tirant en partie les conséquences de cette décision, le gouvernement est revenu sur sa doctrine antérieure et vient d’admettre que dans le cas de l’acquisition d’un terrain qui n’a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente de plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que seule la condition d’identité juridique est respectée.

Cet assouplissement qui rend caduque la nécessité de division parcellaire antérieure à l’acquisition par le cédant concerne également les opérations en cours (RM Jean-Pierre VOGEL, JO Sénat du 17 mai 2018 n° 04171).

L’administration fiscale persiste donc à ce jour à exiger pour l’application de la TVA sur la marge que les terrains à bâtir aient été acquis en tant que tel.

Il conviendra donc de suivre les évolutions jurisprudentielles prochaines pour déterminer si la condition d’identité juridique doit ou non être respectée pour pouvoir soumettre les cessions de terrains à bâtir à la TVA sur la marge.