le 12/07/2018

Action en exécution d’une convention tripartite adossée à un contrat de partenariat : compétence du juge administratif

TC, 14 mai 2018, Société Batimap c/ Commune de Nogent-sur-Seine, req. n° C4119

Le Tribunal des conflits, par une décision du 14 mai 2018, reconnait à la juridiction administrative la compétence pour connaitre des litiges relatifs à l’exécution d’un crédit-bail et d’une convention tripartite conclus pour financer les opérations de restructuration d’un musée, dans le cadre d’un contrat de partenariat.

L’affaire qui lui a donné l’occasion de statuer sur le sujet est somme toute classique : à la suite de la résiliation du contrat de partenariat par la commune de Nogent-sur-Seine, le prêteur avait saisi le Tribunal administratif pour obtenir la condamnation de la commune au paiement, à titre de provision, des sommes dues par application des stipulations du contrat de crédit-bail et de la convention tripartite. Par une ordonnance du 19 octobre 2017, le Tribunal a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente, considérant que le contrat de crédit-bail et la convention tripartite étaient des actes de droit privé. Saisi d’un pourvoi contre cette ordonnance, le Conseil d’Etat a, par une décision n° 415425 du 5 février 2018, renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits afin que soit tranchée la question de la compétence juridictionnelle.

L’enjeu du sujet est entendu : est-ce que des actes de financement qui sont attachés à un contrat administratif (le contrat de partenariat) et qui sont nécessaires à son exécution sont également des contrats administratifs ou, à tout le moins, relèvent aussi des juridictions administratives ? Les juridictions ont déjà eu, pour partie, l’occasion de se prononcer sur le sujet.

On sait que le Tribunal administratif de Bordeaux (TA Bordeaux, 19 décembre 2012, M. Rouveyre, req. n° 1104924) puis la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 17 juin 2014, M. Rouveyre, req. n° 13BX00564) avaient analysé comme étant « accessoire » à un contrat administratif un « accord autonome », à savoir l’accord qui est conclu en parallèle d’un contrat de partenariat ou d’une concession et qui a pour objet de garantir la continuité du financement du projet en cas de recours des tiers contre le contrat de partenariat. Le Conseil d’Etat a validé cette analyse, mais de façon elliptique (CE, 11 mai 2016, M. Rouveyre, req. n° 383768).

La jurisprudence s’est également prononcée sur les contrats de crédit-bail attachés à des contrats publics d’affaires. Mais il n’est guère aisé de dégager des certitudes sur ce point. En effet, le contrat de crédit-bail, qui a pour objet de prévoir les modalités de financement des opérations objet d’un contrat de droit public, a jusqu’ici toujours été considéré comme ayant la nature d’un contrat de droit privé (CAA Versailles, 14 septembre 2006, Société Unifergie, req. n° 04VE03502 ; Cass., Civ., 28 mai 2008, Commune de Draveil, req. n° 07-17.648). Mais, sans affecter cette conclusion, le Tribunal des conflits a toutefois eu l’occasion de juger que l’action du crédit-bailleur dirigée contre la personne publique et tendant au paiement de sa créance relève en revanche de la juridiction administrative (T. confl., 18 octobre 1999, Société Cussenot Matériaux, req. n° 03130). Et, dans la présente décision, il a sans surprise confirmé cette analyse, jugeant que « la nature de la créance que le titulaire détient sur la personne en exécution de ce contrat n’est pas modifiée par la cession dont elle peut être l’objet ».

Les conventions tripartites, ou encore appelés « accords directs », avaient également été étudiées par les juridictions. On sait que l’accord direct présente des caractéristiques communes à celles de l’accord autonome : il s’agit là aussi d’un accord qui se veut indépendant du contrat de partenariat et qui a également pour objet de sécuriser les prêteurs. Mais, à la différence de l’accord autonome, il sécurise les prêteurs non pas dans l’hypothèse où le contrat est annulé à la suite du recours d’un tiers mais en cas de résiliation du contrat de partenariat par l’acheteur public. La jurisprudence demeure toutefois, ici aussi, peu claire. La Cour de cassation a en effet analysé la convention tripartite comme un contrat de droit privé, notamment à raison de son caractère accessoire au contrat de crédit-bail, à raison de son objet purement financier, à raison de l’absence de clause exorbitante du droit commun et à raison de l’absence de participation du crédit-bailleur à l’exécution du service public (Cass., Civ., 28 mai 2008, Commune de Draveil, précitée). Mais, la motivation demeurait toutefois très discutable. Et cette nouvelle décision du Tribunal des conflits ne permet malheureusement pas d’y voir réellement plus clair. Certes, le Tribunal indique que l’action en exécution de la convention tripartite relève des juridictions administratives, mais sans se prononcer sur la nature de ces accords directs. Il fait en effet uniquement une application au cas d’espèce, considérant que « la convention tripartite prévoyait notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d’une résiliation du contrat de partenariat, l’acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit bailleur contre versement de l’indemnité irrévocable prévue par ce contrat ». Le sujet demeure donc toujours quelque peu ouvert.