Parution de l’arrêté fixant pour 2018 la contribution des GRD pour l’électrification rurale

Par arrêté en date du 27 septembre 2018, le Ministre de la transition écologique et solidaire et le Ministre de l’action et des comptes publics ont fixé, pour l’année 2018, la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.

Le principe de cette contribution est fixé par l’article L. 2224-31 I bis du Code général des Collectivités Territoriales qui prévoit qu’« il est dû par les gestionnaires des réseaux publics de distribution une contribution, assise sur le nombre de kilowattheures distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l’année précédant celle du versement de la contribution. Le taux de cette contribution est fixé annuellement au début de l’exercice concerné par arrêté des ministres chargés du budget et de l’énergie après consultation du conseil mentionné à l’avant-dernier alinéa du I.». La contribution doit correspondre aux prévisions de dépenses et assurer l’équilibre du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (CAS-Facé), lequel retrace les aides versées aux Autorités Organisatrices de la Distribution d’Electricité pour le financement des travaux d’électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage.

Pour l’année 2018, et conformément à ces principes, les taux sont fixés aux montants suivants (art. 1er de l’arrêté) :

  • 0,1891616 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants,
  • 0,037832 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants.

On constatera que ces taux affichent une légère baisse par rapport à ceux qui avaient été fixés pour 2017 (à hauteur, respectivement de 0,191450 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et à 0,038290 centime d’euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants).

Annulation partielle par le Conseil d’Etat de la décision sur les tarifs réglementés de vente d’électricité 2016

Par une décision en date du 3 octobre 2018, le Conseil d’Etat a annulé partiellement la décision conjointe du ministre en charge de l’économie et du ministre en charge de l’énergie du 28 juillet 2016 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) en ce qu’elle est applicable à tous les consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

Ce nouvel arrêt du Conseil d’Etat est la confirmation pure et simple de sa précédente décision du 18 mai 2018 (n° 413688 et 414656) qui, tout en admettant la légalité des TRVE, a annulé les tarifs adoptés par la décision du 27 juillet 2017 (cf. notre Focus de juin 2018).

Sur une nouvelle requête de l’Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Energie (ANODE), la Haute juridiction a également été saisie de la légalité des tarifs qui se sont appliqués à compter du 1er août 2016 tels que résultant de la décision du 28 juillet 2016.

Or, la base juridique constituée des textes législatifs et réglementaires relatifs aux TRVE étant identique en 2016 et en 2017, le Conseil d’Etat a donc repris intégralement, dans la décision commentée, les considérants de sa décision du 18 mai 2018 précitée sur la légalité des TRVE au regard de la directive n° 2009/72/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE.

Notamment, au considérant n° 31 de la décision commentée, le Conseil d’Etat conclut que :

« l’entrave à la réalisation d’un marché de l’électricité concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée est disproportionnée aux objectifs d’intérêt économique général invoqués pour la justifier en ce qu’elle ne prévoit pas un réexamen périodique de la nécessité de l’intervention étatique sur les prix de vente au détail et en ce qu’elle est applicable à tous les consommateurs finals, domestiques et non domestiques, pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ».

Il en résulte pour le Conseil d’Etat que les dispositions applicables aux TRVE sont illégales au regard de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 précitée mais que cette illégalité n’affecte pas la décision du 28 juillet 2016 attaquée dans la mesure où elle a été prise pour une période d’un an au maximum.

Le Conseil d’Etat annule donc la décision du 28 juillet 2016 attaquée seulement en ce qu’elle est applicable à tous les consommateurs finals, domestiques et non domestiques pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères.

C’est le même raisonnement qui avait abouti à l’annulation par le Conseil d’Etat des tarifs adoptés par la décision du 27 juillet 2017.

A noter une différence avec la décision précédente du Conseil d’Etat en mai dernier, l’ANODE a soulevé plusieurs autres moyens d’annulation[1] à l’encontre de la décision du 28 juillet 2016 qui ont tous été écartés par le Conseil d’Etat.

Il appartient maintenant au législateur de se saisir de l’avenir des TRV d’électricité et de gaz. C’est l’objet du récent projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, en cours de discussion au Parlement, qui prévoit de renvoyer au Gouvernement la définition d’un nouveau dispositif en l’autorisant à agir par voie d’ordonnance.

Dans cette attente, on rappellera que les TRVE, actuellement en vigueur depuis le 1er août 2018, résultent de plusieurs décisions du 27 juillet 2018 (cf. notre brève de septembre 2018).

[1] Absence de prise en compte des coûts des fournisseurs historiques, méconnaissance de l’article L. 337-6 du Code de l’énergie, abus de position dominante, existence de subventions croisées et atteintes au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre de ces fournisseurs, au principe d’égalité devant les charges publiques.

Avis favorable de la CRE sur un projet de décret instaurant un mécanisme de souscription progressive à l’ARENH

Saisie par le ministre de la transition écologique et solidaire le 26 septembre 2018, la Commission de Régulation de l’Energie (« CRE ») a rendu un avis favorable sur un nouveau projet de décret en Conseil d’État relatif aux conditions d’achat de l’électricité cédée dans le cadre de l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (« ARENH »).

Pour rappel, ce dispositif introduit par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter, à un prix régulé, l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF.

Aux termes de l’article L. 336-10-2° du Code de l’énergie, « un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, précise (…) les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l’énergie calcule et notifie les volumes et propose les conditions d’achat de l’électricité cédée dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique en application du présent chapitre et les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’économie et de l’énergie arrêtent ces conditions d’achat ».

Dans ce cadre, la CRE a analysé un projet de décret visant, d’une part, à supprimer le guichet à mi-année de l’ARENH et, d’autre part, à instaurer un mécanisme de souscription progressive des volumes de l’ARENH sur une année, composé de trois guichets avec des seuils de souscription.

En 2016 et 2017, le guichet à mi-année a permis aux fournisseurs alternatifs d’opérer des arbitrages dans leur achat en électricité entre l’ARENH et le marché de gros, en raison notamment de hausses importantes des prix sur le marché de gros pendant cette période.

La CRE, dans son rapport d’évaluation du dispositif du 18 janvier 2018, ainsi que la Cour des comptes dans un référé du 22 décembre 2017 portant sur l’évaluation de la mise en œuvre de l’ARENH, avaient relevé que la « conformité avec l’esprit du dispositif » de l’ARENH de ces arbitrages opérés par les fournisseurs alternatifs devait être questionnée.

Le projet de décret soumis à l’avis de la CRE satisfait donc à ces recommandations, sous trois réserves liées à la possibilité de faire évoluer les seuils des guichets et à deux composantes de la référence de prix visant à juger l’attractivité du prix des marchés de gros vis-à-vis du prix de l’ARENH.

La CRE relève toutefois, dans la délibération commentée, que les gestionnaires de réseaux peuvent eux-aussi opérer des arbitrages, entre marché de gros et ARENH, pour la gestion de leurs pertes techniques, et que ces arbitrages devraient eux-aussi être limités.

Par ailleurs, la CRE rend également, dans la délibération commentée, un avis favorable sur les autres dispositions du projet de décret portant sur le traitement des volumes d’ARENH demandés aux guichets antérieurs, ainsi que, à une seule réserve, sur la modification de la méthodologie de calcul des compléments de prix dans les conditions des articles R. 336-33 et suivants du Code de l’énergie.

Le point sur le régime juridique de l’autoconsommation d’électricité

L’autoconsommation (souvent associée ou confondue avec l’autoproduction) se place progressivement comme une solution permettant à la fois de promouvoir les énergies renouvelables mais aussi de préparer les acteurs à la décentralisation du système électrique français.

Elle implique chaque acteur du système électrique à des degrés divers.

Perspective nouvelle pour les consommateurs, celle de l’autosuffisance électrique, l’autoconsommation est également un nouveau débouché pour les producteurs d’électricité. Pour les propriétaires et gestionnaires des réseaux publics d’électricité, elle constitue un défi financier et technique, alors que les pouvoirs publics en ont fait une de leurs priorités en matière de politique énergétique nationale et locale.

Si seulement 20.000 autoconsommateurs ont été compatibilisés à la fin de l’année 2017, leur développement à plus grande échelle n’est sans nul doute qu’à ses débuts.

Avant d’entrevoir le régime juridique qui s’applique à l’autoconsommation ainsi que ses perspectives d’évolution, revenons tout d’abord sur les conditions qui ont permis son essor en France.

  • Les deux initiatives en faveur du développement de l’autoconsommation

C’est le Législateur a qui donné la première impulsion par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Par cette loi, le Gouvernement s’est vu autoriser à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin « de mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé et sécurisé des installations destinées à consommer tout ou partie de leur production électrique, comportant notamment la définition du régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation, les conditions d’assujettissement de ces installations au tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité et le recours à des expérimentations » (cf. article 119 la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 précitée).

Sur ce fondement, le cadre juridique de l’autoconsommation a été instauré par l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation, dont les dispositions sont codifiées aux articles L. 315-1 et suivants du Code de l’énergie.

Cette ordonnance a ensuite été ratifiée en 2017[1] et ses modalités d’applications ont été précisées la même année par un décret n° 2017-676 du 28 avril 2017[2], dont les dispositions sont codifiées aux articles R. 315-1 et suivants du Code de l’énergie.

Concomitamment, l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables a également remis à plat les dispositifs existants de soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables.

Désormais, un producteur d’électricité est, d’une part, autorisé à consommer sa propre production d’électricité (la plupart du temps d’origine renouvelable pour le domestique), et d’autre part, à bénéficier d’un tarif lié à une obligation d’achat ou d’une prime de rémunération pour la part d’électricité qu’il ne souhaite pas consommer lui-même.

La deuxième impulsion en faveur de l’autoconsommation résulte des appels d’offres expérimentaux de l’Etat portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en autoconsommation.

Ils visent à atteindre les objectifs de la France en matière de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables tels qu’inscrits dans la programmation pluriannuelle des investissements (PPI).

L’arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables a fixé la date de lancement au 31 décembre 2016, ainsi que le calendrier indicatif, des appels d’offres qui portent sur un volume total de 150 MW annuel sur 3 ans avec 9 périodes de candidature.

La première période a été attribuée à 145 projets le 11 décembre 2017[3]. Depuis lors, les deuxième, troisième et quatrième périodes ont été attribuées en janvier, mai et septembre 2018. La cinquième période de l’appel d’offres est encore ouverte jusqu’au 21 janvier 2019[4].

  • La distinction entre autoconsommation individuelle et collective

D’une part, l’autoconsommation « individuelle » consiste à ce qu’un producteur (ou autoproducteur) consomme « lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation », que cette électricité soit consommée « instantanément » ou « après une période de stockage », en vertu de l’article L. 315-1 du Code de l’énergie.

D’autre part, l’autoconsommation « collective » concerne un ou plusieurs producteurs et consommateurs liés, aux fins de produire et de consommer de l’électricité entre eux, par la création d’une personne morale commune, responsable de l’opération.

Point de rigidité pour l’autoconsommation collective, les points de soutirage (pour les consommateurs) et d’injection (pour les producteurs) doivent obligatoirement être « situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension » (appelé aussi « poche de réseau ») en vertu de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie.

On verra d’ailleurs que le régime de l’autoconsommation collective est plus contraignant, comme en témoigne les obligations selon lesquelles la quantité d’électricité autoconsommée ne doit pas excéder celle produite, et l’électricité produite doit être affectée selon la consommation mesurée de chacun des consommateurs participants (cf. article D. 315-4 du Code de l’énergie).

Pour autant, quelle que soit la situation, le régime juridique de l’autoconsommation s’écarte des régimes applicables aux « réseaux fermés de distribution d’électricité » (cf. notre brève de janvier 2017) ou aux « réseaux intérieurs des bâtiments » (cf. nos brèves de janvier et juin 2018).

En effet, il ressort des particularités de son régime juridique qu’une opération d’autoconsommation doit nécessairement être raccordée aux réseaux publics de distribution d’électricité.

  • L’articulation entre autoconsommation et réseaux publics de distribution d’électricité

S’agissant des participants à une opération d’autoconsommation, ceux-ci doivent s’adresser au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité (GRD) compétent préalablement à la mise en service de l’opération (cf. article L. 315-7 du Code de l’énergie).

Ils sont également assujettis à certaines obligations à l’égard du GRD. 

En cours d’exploitation, le ou les participant(s) à une opération d’autoconsommation ont l’obligation de céder le surplus d’électricité produite à titre gratuit au GRD[5], lorsque ce surplus n’est pas vendu à des tiers via une obligation d’achat ou dans le cadre d’un complément de rémunération ou encore sur le marché (cf. article L. 315-5 du Code de l’énergie).

Enfin, pour les opérations d’autoconsommation collective, le responsable de l’opération doit indiquer au GRD de quelle manière la production autoconsommée est répartie entre les consommateurs impliqués, par un coefficient de répartition ou une méthode de calcul (cf. articles L. 315-4 et D. 315-6 du Code de l’énergie).

S’agissant du GRD, celui-ci doit lui-aussi respecter des obligations particulières à l’égard des autoproducteurs, notamment en situation d’autoconsommation collective.

Le GRD a aussi pour obligation de mettre en œuvre les dispositifs nécessaires pour le bon fonctionnement de l’autoconsommation suivants :

  • les dispositifs de comptage électrique pour l’autoconsommation collective (cf. article D. 315-3 du Code de l’énergie) ;
  • les formulaires pour les déclarations d’autoconsommation individuelle et collective (cf. article D. 315-11 du Code de l’énergie) ;
  • les modalités de traitement des demandes d’autoconsommation collective (cf. article D. 315-8 du Code de l’énergie) ;
  • le calcul de la quantité d’électricité consommée auprès d’un fournisseur pour compléter l’alimentation électrique d’un consommateur en situation d’autoconsommation collective (cf. articles L. 315-4 et D. 315-7 du Code de l’énergie).

Enfin, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) participe également à l’articulation entre l’autoconsommation et réseaux publics de distribution d’électricité.

La CRE doit ainsi fixer le tarif particulier qui s’applique aux participants à une opération d’autoconsommation collective pour leur utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (cf. article L. 315-3 du Code de l’énergie).

Ce tarif s’applique aux « installations de productions d‘électricité », dont la puissance est inférieure à 100 kW, entendue comme « l’ensemble des installations appartenant à un même producteur participant à l’opération d’autoconsommation collective » (cf. article D. 315-2 du Code de l’énergie).

Concrètement, la CRE a donc intégré l’autoconsommation, en distinguant le traitement de l’autoconsommation collective et individuelle, au sein des tarifs existants d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT (« TURPE HTA BT »).

C’est le cas depuis le « TURPE 4 », qui fût applicable du 1er janvier 2014 à fin janvier 2017, de même que sur la période tarifaire en cours du « TURPE 5 », dont la prise en compte de l’autoconsommation a été modifiée récemment par une délibération du 7 juin 2018 et entrée en vigueur depuis le 1er août dernier[6].

  • L’articulation entre autoconsommation et tarifs réglementés de vente d’électricité

La CRE a proposé d’adapter les modalités de fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité[7] afin que le TURPE associé aux soutirages autoproduits soit facturé aux participants à une opération d’autoconsommation collective.

En d’autres termes, la proposition visait à résoudre le cas où, un participant à une opération d’autoconsommation collective ayant souscrit une offre de fourniture d’électricité pour compléter son alimentation en électricité, le fournisseur d’électricité ne peut facturer à ce client que l’électricité qu’il lui a fournie et non la part autoproduite de sa consommation.

Cette proposition de la CRE a été suivie par le Ministre de la transition écologique et solidaire et le Ministre de l’économie et des finances dans leurs deux décisions conjointes du 27 juillet 2018 relatives aux tarifs réglementés de vente[8].

Désormais, les différents tarifs réglementés de vente entrés en vigueur depuis le 1er août 2018 intègrent une majoration de l’abonnement pour les consommateurs participant à une opération d’autoconsommation individuelle avec injection, ainsi qu’un prix pour les flux autoproduits des consommateurs participant à une opération d’autoconsommation.

  • Perspectives d’évolution du régime juridique de l’autoconsommation

L’autoconsommation collective devrait prochainement couvrir un champ d’application plus large afin d’intéresser davantage de producteurs et de consommateurs d’électricité.

Il est indéniable que l’autoconsommation collective peut intéresser un plus grand nombre de consommateurs que l’autoconsommation individuelle, notamment dans les secteurs industriels, agricoles ou encore tertiaires (comme les centres commerciaux), et en particulier en cas d’opérations d’urbanisme de grande envergure.

C’est pourquoi un élargissement de son champ d’application est déjà envisagé dans le cadre d’un amendement au projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit projet de loi « PACTE ») actuellement en cours de discussion au Parlement.

Cet amendement, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, prévoit de mettre fin à la limite du périmètre d’une même opération d’autoconsommation collective au seul poste de distribution publique auquel il est raccordé, par un critère de proximité géographique défini par arrêté du ministre chargé de l’énergie, après avis de la CRE, et cela à titre expérimental pendant une période de cinq ans.

Cette suppression a également été préconisée par la CRE[9].

Le cadre juridique de l’autoconsommation reste également à parfaire.

Comme le suggère la CRE dans sa délibération n° 2018-027 du 15 février 2018 portant orientations et recommandations sur l’autoconsommation[10], plusieurs points méritent encore d’être précisés.

Il en va ainsi des conditions de raccordement, des modalités de déclaration, des compteurs communicants d’électricité chez les autoproducteurs, du nombre de contrats à conclure en autoconsommation individuelle, ou encore des règles de répartition de la production en autoconsommation collective.

Ce sont ces différents éléments de perspective qui, d’un point de vue juridique, sont envisagés à ce jour pour que l’évolution du droit puisse contribuer encore davantage au développement de l’autoconsommation, source importante de développement des énergies renouvelables.

Maxime GARDELLIN, Avocat à la cour et Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE, Avocat Associé

 

[1] Cf. Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables

[2] Cf. Décret n° 2017-676 du 28 avril 2017 relatif à l’autoconsommation d’électricité et modifiant les articles D. 314-15 et D. 314-23 à D. 314-25 du Code de l’énergie

[3] Communiqué de presse du ministère de la transition écologique et solidaire « Dans le cadre du Sommet sur le Climat « One Planet Summit », Nicolas Hulot accélère le développement de l’énergie solaire et de l’autoconsommation », 11 décembre 2017.

[4] Cf. site de la CRE : https://www.cre.fr/Documents/Appels-d-offres/Appel-d-offres-portant-sur-la-realisation-et-l-exploitation-d-Installations-de-production-d-electricite-a-partir-d-energies-renouvelables-en-auto.

[5] Pour les seules installations de production d’électricité dont la puissance installée maximale est de 3 kilowatts en vertu des articles L. 315-5 et D. 315-10 du Code de l’énergie.

[6] Cf. délibération de la CRE du 7 juin 2018 portant décision sur la tarification de l’autoconsommation, et modification de la délibération de la CRE du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT, faisant suite à la consultation publique n°2018-003 lancée le 15 février 2018 relative à la prise en compte de l’autoconsommation dans la structure du TURPE HTA-BT et des tarifs réglementés de vente.

[7] Cf. Consultation publique n°2018-003 lancée le 15 février 2018 relative à la prise en compte de l’autoconsommation dans la structure du TURPE HTA-BT et des tarifs réglementés de vente.

[8] Cf. Décision du 27 juillet 2018 relative aux tarifs règlementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale et décision du 27 juillet 2018 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale.

[9] Cf. Délibération n° 2018-027 du 15 février 2018 portant orientations et recommandations sur l’autoconsommation.

[10] Faisant suite à une conférence organisée en septembre 2017, à de plusieurs ateliers jusqu’à la mi-octobre 2017 et d’appels à contributions sur un site internet dédié (cf. notre brève sur le sujet du 9 novembre 2017).

Disparues de l’Yonne : Didier Seban s’est rendu samedi 20 octobre 2018 à l’inauguration du square Christian Jambert

 

Vive émotion à l’occasion de l’inauguration du square Christian Jambert, samedi 20/10, où se trouve le mémorial des disparues de l’Yonne. Monsieur Jambert, ce gendarme dont l’enquête élucidant l’affaire avait été négligée par la justice. Avec notamment Pierre Monnoir et Corinne Herrmann, nous avons repris son combat au côté des familles pour la justice.

 

Que prévoit le plan « pauvreté » ?

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le chef de l’Etat a présenté mi-septembre le plan pauvreté. Ce dernier prévoit une dotation de 8,5 milliards d’euros sur quatre ans. Trois populations sont principalement ciblées : les bénéficiaires des minimas sociaux, les jeunes et la petite enfance. Le partenariat est par ailleurs renouvelé et renforcé avec les départements, chefs de file de l’action sociale.

Pour ce qui est des mesures à destination des bénéficiaires des minimas sociaux, la création d’un revenu universel d’activité est envisagée. Ce dernier devrait permettre la fusion d’un certain nombre de prestations. Si les contours de ce revenu sont encore à être déterminés (périmètre, profil, etc.), ce revenu devrait regrouper au minimum le Revenu de solidarité active (RSA), les aides au logement et la prime d’activité. En instaurant ce revenu, le gouvernement souhaite un système plus simple et plus lisible pour les citoyens afin de faciliter l’accès de chacun à ses droits. Il convient de ne pas confondre ce revenu avec le revenu universel de base puisque contrairement au deuxième, le premier est sous condition de revenu et en contrepartie d’une recherche d’emploi. Plus précisément, il est prévu que si une personne refuse deux offres d’emplois “raisonnables”, elle perdra ce revenu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui du RSA.

Le gouvernement souhaite par ailleurs rénover l’accompagnement de tous les allocataires de minima sociaux, en centralisant auprès d’un guichet unique appelé le service public de l’insertion, l’accompagnement des chômeurs et celui des publics les plus éloignés. Les départements, les communes, les régions et le gouvernement seront ainsi amenés à coopérer afin de créer ce service public de l’insertion.

Ces deux mesures, le revenu universel d’activité et le service public de l’insertion, devraient faire l’objet d’un projet de loi en 2020.

Dans le cadre du service public de l’insertion, un nouveau dispositif d’accompagnement des bénéficiaires du RSA devrait être créer : la « garantie d’activité ». 300 000 bénéficiaires du RSA par an devront ainsi profiter de cet accompagnement vers l’emploi où ils seront suivis par Pôle emploi dans le cadre de l’accompagnement global et par des opérateurs privés et associatifs choisis par appels d’offres commun Etat-département.

                Concernant les mesures à destination des jeunes et de la petite enfance, il est prévu que les jeunes les plus vulnérables, ceux suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE), bénéficient d’un accompagnement par les départements jusqu’à leur 21 ans soit au-delà de leur majorité, afin d’empêcher les « sorties sèches » de l’ASE. Cependant, le plan ne prévoyant aucune incitation financière en contrepartie de l’accompagnement global, il est difficile pour les associations d’imaginer comment ces jeunes rentreront dans une logique d’accompagnement sans revenus.

La petite enfance devrait se voir elle aussi octroyer des moyens supplémentaires pour les places en crèche notamment en prévoyant à côté d’un bonus mixité, un bonus pour les communes « pauvres » à hauteur de 1000 € par place de crèche créée.

En outre, la tarification sociale pour les cantines devrait être étendue à toutes les petites communes et les quartiers prioritaires.

Dans le cadre de l’instauration de ces mesures, les départements seront amenés à s’engager sur des résultats et non plus des moyens. D’après Olivier Noblecourt, chargé au sein du gouvernement de la lutte contre la pauvreté, l’Etat entend introduire une « logique partenariale dans les territoires qui créera une dynamique positive pour réduire les disparités territoriales ». Cette contractualisation de l’Etat avec les départements devrait s’étendre à l’ensemble du territoire au courant du premier semestre 2019.

Des moyens suffisants ? Plusieurs acteurs de la lutte contre l’exclusion s’interrogent quant à la réalité du financement des différentes mesures présentées. En effet, les départements vont avoir besoin de davantage de moyens et s’inquiètent de la suffisance du budget de 8 milliards sur quatre ans dévoilé.

 

Compétence pour la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

Par un arrêt en date du 9 juillet 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité du décret n° 2016-1814 du 21 décembre 2016 qui précise notamment le mode de calcul du forfait relatif à la dépendance dont le département d’implantation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes à la charge.

Plusieurs départements ont en effet déposé un recours pour excès de pouvoir contre ledit décret.  

Ils contestaient les dispositions de l’article 2 du décret modifiant notamment les articles R. 314-172 à R. 314-75 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) qui détaillent les modalités de calcul du forfait global relatif à la dépendance.

L’article L. 314-2 du CASF prévoit qu’il revient au président du conseil départemental de fixer par arrêté le forfait global relatif à la dépendance des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) prenant en compte le niveau de dépendance moyen des résidents dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat.

Les nouveaux articles R. 314-73 et R. 314-75 du CASF précisent que le forfait global relatif à la dépendance est déterminé en fonction du niveau de perte d’autonomie moyen des personnes hébergées, apprécié en nombre de « points GIR » (groupes iso-ressources), et de la valeur du « point GIR » départemental, lui fixé annuellement par le président du conseil départemental. Attention, la valeur du « point GIR » est fixée à un niveau au moins égal à la valeur arrêtée l’année précédente. Le président du conseil départemental peut cependant librement fixer une valeur supérieure à la valeur du point GIR départemental.

Ainsi, le président du conseil départemental a le pouvoir de fixer la valeur du « point GIR » départemental, valeur qui est pris en compte pour déterminer le forfait global dépendance qu’il verse aux EHPAD et aux petites unités de vie.

A l’appui de leur recours, les requérants soutenaient que ces dispositions portent atteinte à divers principes ou règles relevant de la loi notamment le principe de la libre administration des collectivités territoriales et le principe d’égalité.

Le Conseil d’Etat adopte une ligne argumentative unique pour rejeter l’ensemble des moyens invoqués et précise, concernant le régime financier et la tarification des établissements et services de l’action sociale, la répartition des compétences entre la loi et le règlement.

La Haute juridiction rappelle tout d’abord, conformément à sa jurisprudence Association Faste sud Aveyron[1], qu’il appartient bien qu’à la loi, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer tant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques que les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de la sécurité sociale et de l’aide sociale.

Par conséquent, le principe de l’encadrement du régime financier et de la tarification des personnes morales de droit privé gérant des établissements et services intervenant dans le champ de l’action sociale relève de la compétence législative.

Le Conseil d’Etat précise qu’« il revient au législateur de définir, avec une précision suffisante quant à leur objet et à leur portée, les catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire, notamment certains des frais exposés par les personnes accueillies dans des établissements et services relevant du champ de l’action sociale, qu’ils soient gérés par des personnes morales de droit privé ou de droit public ».

Cependant, elle considère qu’il appartient au pouvoir règlementaire de mettre en œuvre les règles posées par le législateur, notamment en précisant les éléments et les modalités de calcul des dépenses considérées. La fixation du « point GIR » départemental par le président du conseil départemental est un élément du calcul des dépenses. Lorsque le président détermine ce « point GIR », le Conseil d’Etat considère qu’il ne fait que mettre en œuvre les règles posées par le législateur à l’article L. 314-2 du CASF notamment la règle selon laquelle le département verse aux établissements, au titre de l’APA, un forfait global relatif à la dépendance, dont il fixe le montant et qui prend en compte le niveau de dépendance moyen des résidents.

Cette mise en œuvre des règles posées par le législateur par le pouvoir règlementaire permet au Conseil d’Etat de conclure à la légalité du décret n° 2016-1814 du 21 décembre 2016.

 

Par ailleurs, les départements requérants contestaient la modulation du forfait global relatif à la dépendance en fonction de l’activité réalisée.

Une des nouveautés du décret est en effet de prévoir qu’à compter de l’exercice 2018, le forfait global dépendance des EHPAD puisse être modulé au regard du taux d’occupation de l’établissement. Comme cela a été évoqué ci-avant, l’équation tarifaire permettant de déterminer le forfait global relatif à la dépendance est modulée en fonction de l’activité réalisée au regard de la capacité de places autorisées et financées d’hébergement permanent de l’établissement.

L’article 5, II du décret du 21 décembre 2016 prévoit que le forfait global relatif à la dépendance ne fait pas l’objet d’une modulation en fonction de l’activité pour l’exercice 2017. La nouvelle rédaction de l’article R. 314-174 du CASF quant à elle issue de l’article 2 du même décret prévoit pour les exercices suivants que le forfait est minoré à la condition que le taux d‘occupation de l’établissement est inférieur à un seuil fixé par arrêté interministériel et que le pourcentage de minoration est égal à la moitié de la différence entre ce seuil et le taux d’occupation constaté.

De la même manière, le Conseil d’Etat considère qu’en prévoyant ces modalités de calcul, le pouvoir règlementaire n’a fait que mettre en œuvre, sans les dénaturer, les principes fixés par la loi. 

[1] CE, 21 novembre 2008, n° 293960

Ce qui change au 1er octobre 2018 pour le contentieux de l’urbanisme

Le décret du 17 juillet 2018, qui fait suite au rapport Maugüe rendu le 11 janvier 2018 (Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace), comprend plusieurs dispositions applicables depuis le 1er octobre 2018 et relatives au contentieux de l’urbanisme.

  1. Tout d’abord et au-delà du seul contentieux de l’urbanisme, le décret crée un nouvel article R. 612-5-2 du Code de justice administrative selon lequel, en cas de rejet d’une demande de référé-suspension à défaut de doute sérieux sur la légalité de la décision, il appartient au requérant (sauf lorsqu’un pourvoi en cassation est exercé contre l’ordonnance rendue par le juge des référés) de confirmer le maintien de sa requête à fin d’annulation ou de réformation dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s’être désisté.

Cette nouvelle disposition est applicable aux recours en annulation enregistrés à compter du 1er octobre 2018.

  1. Ensuite, le décret comprend plusieurs dispositions spécifiques au contentieux de l’urbanisme. Ainsi et tout d’abord, depuis le 1er octobre 2018, les autorisations d’urbanisme doivent comporter la date de l’affichage en mairie de la demande d’autorisation (article R. 424-5) ; cela, notamment dans l’objectif de faciliter l’analyse de l’intérêt à agir du requérant qui doit s’apprécier à cette date (articles L. 600-1-1 et L. 600-1-3).

En cas d’autorisation implicite, cette autorisation doit figurer sur le certificat sollicité par le demandeur conformément aux dispositions de l’article R. 424-13.

  1. Le décret modifie, par ailleurs, les articles R. 600-1, R. 600-3 et R. 600-4 du Code de l’urbanisme.

Ainsi, l’obligation de notification prévue par l’article R. 600-1 est désormais étendue à toute « décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol » régie par le code de l’urbanisme.

Le délai à compter duquel il n’est plus possible de demander l’annulation d’une autorisation d’urbanisme est réduit d’un an à six mois à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement (article R. 600-3).

L’article R. 600-4 impose, quant à lui, désormais au requérant de joindre à sa requête l’acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien. S’agissant des associations, il leur appartient de produire ses statuts et le récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.

Ces dispositions sont applicables aux recours enregistrés à compter du 1er octobre 2018.

  1. Trois nouveaux articles sont également créés dans le code de l’urbanisme afin d’accélérer le contentieux des autorisations d’urbanisme (R. 600-5, R. 600-6 et R. 600-7).

L’article R. 600-5 instaure une cristallisation automatique des moyens dans un délai de deux mois après la communication du premier mémoire en défense.

L’article R. 600-6 prévoit que le juge administratif statue dans un délai de 10 mois sur les recours contre les permis de construire de plus de deux logements ou les permis d’aménager un lotissement (aucune sanction pour non-respect du délai n’est toutefois prévue).

Ces deux articles sont également applicables aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018.

Enfin, l’article R. 600-7, qui entre en vigueur à la même date, codifie la possibilité d’obtenir auprès du greffe un certificat de non recours ou de non appel.

L’histoire de l’art au service de l’architecture

Le classement d’un immeuble au titre de la règlementation sur les monuments historiques a pour objet de garantir la conservation de l’immeuble. Précisément, aux termes des dispositions de l’article L .621-9 du Code du patrimoine, tout projet de modification quelconque d’un immeuble classé, doit faire l’objet d’une autorisation préalable du préfet de région. S’ils sont autorisés, ces travaux devront être réalisés sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat.

Cependant, par un arrêt du 5 octobre 2018, le Conseil d’Etat a apporté un éclairage utile sur l’appréciation devant être faite par l’autorité administrative du projet qui lui est soumis.

Précisément, il considère : « il revient à l’autorité administrative d’apprécier le projet qui lui est soumis, non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette mesure de conservation. ».

En d’autres termes, la mesure de préservation du monument historique n’a pas pour objet de figer celui-ci tel qu’il existait à la date de son classement. Et pour cause, un monument a pu subir de multiples modifications avant d’être classé.

Il revient donc à l’administration d’apprécier la légalité du projet au regard de l’ensemble des connaissances acquises sur ce monument et sur son histoire.

La légalité des travaux ne saurait être simplement appréciée au regard de l’état du monument en cause telle qu’il existait à la date de son classement.

Réforme de la commande publique : Le Ministère de l’Economie et des Finances décide d’exclure des marchés publics les prestations juridiques en lien avec l’activité juridictionnelle

Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances et Madame Delphine Gény-Stephann, Secrétaire d’Etat, viennent de présenter différentes mesures de simplification et de modernisation de la commande publique, dont trois nous paraissent essentielles :

  • Une procédure simplifiée et plus lisible avec l’élaboration d’un Code de la commande publique qui devrait être publié en décembre 2018 et qui rassemblera, selon un plan cohérent, l’ensemble des dispositions existantes en matière de Droit de la commande publique. En outre, la dématérialisation des marchés publics et la facturation électronique seront généralisées.
  • Les règles de la commande publique s’aligneront sur la règlementation européenne et en particulier, les prestations juridiques liées à une procédure juridictionnelle seront exclues des marchés publics pour renforcer la liberté du choix de l’avocat. Une telle mesure prend en compte la liberté nécessaire pour les acheteurs publics quant au choix de leur conseil, particulièrement dans le cadre juridictionnel qui implique des relations fortes, continues et de confiance.
  • Enfin, nous soulignons l’effort fait en faveur des entreprises innovantes. Bercy propose d’expérimenter, sur une durée de trois ans, la suppression des obligations en matière de publicité et de mise en concurrence des marchés publics en deçà de 100 000 € pour les achats innovants commandés aux PME.

Projet de loi de finances pour 2019 : focus sur les quelques mesures qui concernent les dotations des collectivités et des intercommunalités

Le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit dans la poursuite de l’objectif de stabilisation des concours financiers de l’Etat aux collectivités. Ces concours sont, dans l’ensemble, relativement stables voire, bénéficient d’une légère hausse. 

En particulier, certaines dotations telles que les dotations rurales et urbaine ainsi que les dotations de péréquations départementales profitent d’une augmentation cumulée de 190 millions d’euros.

En revanche, certaines dotations sont impactées par une baisse relative. C’est le cas de la dotation de compensation relais de la taxe professionnelle (DCRTP) et du Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). La DGCL indique en outre dans un document de présentation consacrée au PLF 2019 que ces « baisses individuelles seront opérées au prorata des dépenses réelles de fonctionnement ».

Hormis ces quelques évolutions, le PLF pour 2019 prévoit une mesure qui génère déjà quelques discussions. Il s’agit de la réforme de la dotation d’intercommunalité (article 79 du PLF). Cette refonte a été annoncée par le Premier Ministre le 19 septembre lors de la Conférence des villes organisées par France urbaine.

La réforme de la dotation d’intercommunalité s’articule autour de plusieurs axes et mesures :

  • la mise en place d’une seule enveloppe au lieu des 4 actuelles réparties en fonction des différentes catégories d’intercommunalités ;
  • la réduction des écarts entre les montants de dotation d’intercommunalité attribués aux différentes catégories de communautés ;
  • l’introduction d’un critère de « revenu moyen par habitant » parmi les critères de répartition, dans le but de tenir compte des charges auxquelles sont confrontés les territoires ;
  • un encadrement des variations individuelles d’une année sur l’autre (+10% / -5%) ;
  • une réalimentation initiale à 5 € par habitant pour les EPCI constatant une dotation d’intercommunalité nulle ou inférieure à ce niveau.

Selon des simulations de la DGCL, la réforme aurait un impact positif pour la plupart des intercommunalités, en particulier pour les Communautés de communes dont la population est la plus faible et pour les Communautés de communes soumises à la fiscalité additionnelle.

De la même façon, les Métropoles et les Communautés urbaines bénéficieraient d’une progression de leur dotation d’intercommunalité plus favorable que les Communautés d’agglomération. 

Un point sur le projet définitivement adopté est à prévoir.

Application des pénalités en cas de dépassement des délais prévus aux contrats

A l’occasion d’un récent rapport concernant la gestion de la mairie d’Alençon sur la période 2013 à 2016, la chambre régionale des comptes Normandie a rappelé au pouvoir adjudicateur qu’il devait appliquer les pénalités en cas de dépassement des délais prévus au contrat.

Plus précisément, la chambre régionale des comptes Normandie a constaté que les délais d’exécution de plusieurs lots d’un marché de travaux de mise en conformité d’une école primaire n’avaient pas été respectés par les titulaires desdits lots. Or, la chambre régionale des comptes Normandie constate que la commune d’Alençon n’a pas appliqué les pénalités de retard contractuellement prévus et qu’elle n’était pas en mesure de lui fournir des explications sur ce point.

La chambre régionale des comptes Normandie déclare alors que la commune « aurait dû procéder à l’application de pénalités de retard comme prévu au cahier des clauses administratives particulières, à défaut d’acte portant prorogation de ces délais. La chambre rappelle que la commune doit faire preuve de vigilance quant au dépassement des délais d’exécution contractuels. Ici, ces lots pour lesquels des pénalités auraient dû être appliquées représentent un montant global de 7 800 €, déduction faite de la tranche d’exonération de 1 000 € HT pour chaque lot, précisée dans le CCAP ».

Au regard de ces remarques de la chambre régionale des comptes Normandie, on ne peut que rappeler aux personnes publiques de veiller à l’application des pénalités de retard contractuellement prévues.

Cette vigilance n’implique pas nécessaire une application systématique et intégrale de ces pénalités. A ce titre, l’on rappellera que le Conseil d’Etat se reconnait le pouvoir de moduler leur montant, « si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché » (CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930).

Projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable » : quelles orientations ?

Rejeté par les sénateurs le 25 septembre dernier, le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, a été adoptée en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 2 octobre.

Ce projet de loi contient 17 articles scindés en trois axes principaux à savoir assurer la souveraineté alimentaire de la France ; promouvoir des choix alimentaires favorables ; réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et durable.

Il vise d’abord à améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, qui passe notamment par la modification du dispositif de contractualisation entre le producteur agricole et l’acheteur (industriel ou distributeur), prévu par le Code rural et de la pêche maritime (art. L. 631-24 modifié et suivants)

En vertu des articles 1 à 3 de ce projet de loi, la proposition de contrat écrit devra désormais émaner du producteur, l’exploitant agricole, dans les secteurs où la contractualisation écrite est obligatoire. Cette contractualisation obligatoire est d’ailleurs étendue à de nouveaux secteurs qui seront désignés par décret en Conseil d’Etat ou par extension d’un accord interprofessionnel.

Lorsque le producteur a donné mandat à une organisation de producteurs ou une association d’organisation de producteurs de commercialiser ses produits, le contrat conclu avec l’acheteur devra respecter l’accord-cadre écrit conclu par l’organisation ou l’association avec l’acheteur.

L’article 6, relatif à la clause de négociation prévue par l’article L. 441-8 du Code de commerce, élargit le champ d’application de cette clause et prévoit qu’elle prend notamment en compte un ou plusieurs indicateurs des prix des produits agricoles ou alimentaires, le cas échéant définis par accords interprofessionnels.

L’article 9 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance deux mesures dans le champ du Code de commerce, pour une durée de deux ans : d’une part le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte des denrées alimentaires revendues en l’état au consommateur ; d’autre part un encadrement en valeur et en volume des promotions pratiquées sur les denrées alimentaires.

La lutte contre les prix abusivement bas est élargie et renforcée par l’article 10 qui habilite le Gouvernement à apporter par ordonnances diverses modifications et clarifications des dispositions du titre IV du livre IV du Code de commerce, relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées, rendues nécessaires par l’évolution des textes et les apports de la jurisprudence.

La médiation agricole est facilitée et renforcée, L’article 4 modifie les dispositions concernant le règlement des litiges relatifs aux contrats ou accords-cadres portant sur la vente de produits agricoles les missions des interprofessions sont élargies. Quant à l’article 5 il précise les missions des organisations interprofessionnelles agricoles, en prévoyant qu’elles ont la possibilité de définir les indicateurs auxquels pourront se référer les contrats de vente de produits agricoles (articles 4 et 5).

Le projet de loi vise ensuite à accompagner la transformation des modèles agricoles vers une multi-performance sociale, sanitaire, environnementale et économique afin de renforcer la qualité des produits pour répondre aux besoins des consommateurs et favorise une alimentation saine, de qualité, durable et accessible à tous.

Ainsi l’article 11 dispose qu’au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective devront comprendre au moins 50 % de produit issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité

Les articles 12 et 15 vise à réduire le gaspillage alimentaire dans la restauration collective par la mise en place d’un diagnostic obligatoire et le don alimentaire, étendu à la restauration collective et à et l’industrie agroalimentaire.

L’article 13 comporte plusieurs dispositions tendant à une meilleure prise en compte du bien-être animal, en ce sens notamment le délit de maltraitance animale est étendu et les peines, doublées.

Les articles 14 et 15 visent à lutter contre l’incitation commerciale pouvant conduire à l’utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques. Ainsi les activités de vente et de conseil sont séparées et le dispositif des certificats d’économies des produits phytopharmaceutiques sera, par voie d’ordonnance, sécurisé. Les rabais, ristournes et remises lors de la vente de ces produits sont interdits.

Enfin, l’article 15 habilite entre autre, le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour renforcer les pouvoirs d’enquête et de contrôle des agents chargés de la protection de la santé, de la protection animale et de la sécurité sanitaire des aliments.

L’article 16 fixe les conditions d’entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi, notamment celles relatives à l’encadrement des contrats de vente de produits agricoles.

Enfin l’article 17 rend applicable à Wallis-et-Futuna l’article L. 441-8 du Code de commerce dans sa version issue du présent projet de loi.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 octobre 2018 par 60 députés et 60 sénateurs pour se prononcer sur la constitutionnalité de ce projet de loi, sa réponse reste attendue à ce jour.

Directeur général d’OPH et emploi fonctionnel : la confusion n’est plus permise

Une décision isolée de la Cour administrative d’appel de Marseille avait semé chez certains un doute quant à la qualification de l’emploi occupé par un Directeur général d’OPH (Voir la brève du Cabinet). La confusion n’est désormais plus possible en tant que le pouvoir règlementaire, au travers du décret n° 2018-840 du 4 octobre 2018 modifiant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale a enfin supprimé l’emploi de Directeur général d’OPHLM de la liste posée au décret n° 88-546 du 6 mai 1988 fixant la liste des établissements publics mentionnés à l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ainsi qu’il aurait dû le faire lors de la création des OPH en 2007.

Il n’en reste pas moins que la confiance que le Conseil d’administration et de son Président doivent avoir dans le Directeur général peut, en cas de délitement du lien nécessaire à l’exercice de ces fonctions, justifier d’un licenciement, selon la procédure spécifiquement prévue par l’article R. 421-20-4 Code de la construction et de l’habitation.

Réorganisation du temps de travail pour se conformer à la durée annuelle légale : pas de saisine du CHSCT

A la suite d’un rapport de la Chambre régionale des comptes et après une période de négociation médiatisée avec les représentants du personnel, les collectivités de l’agglomération rochelaise, dont la communauté d’agglomération, ont adopté une délibération mettant en conformité la durée du temps de travail de leurs agents avec la réglementation nationale.

Le Syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville, de la communauté d’agglomération (CDA) et du centre communal d’action sociale (CCAS) de la Rochelle en ont sollicité l’annulation, au motif, notamment, de l’absence de saisine préalable du CHSCT.

Le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 45 du décret n° 85-565 du 10 juin 1985, le CHSCT doit être consulté, notamment, « sur les projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail […] », mais pour immédiatement constater que « n’entraînant aucune modification des conditions de travail ou de l’organisation du travail des agents de la communauté d’agglomération mais uniquement une adaptation de la durée annuelle, afin de la conformer à la durée légale, la délibération du 7 juillet 2016 pouvait être adoptée par le conseil communautaire sans consultation préalable du CHSCT. »

Alors que nombre de collectivités sont sujettes, depuis quelques années, à des demandes de mises en conformité de la durée annuelle de travail avec les dispositions nationales, le jugement du Tribunal administratif de Poitiers vient clarifier la procédure permettant d’aboutir à un respect du plancher de 1607 heures annuelles, laquelle ne comprend donc pas la saisine du CHSCT, seul le comité technique (CT) étant compétent.

A cet égard, il est enfin intéressant de relever que cette décision, pour l’obtention de laquelle le Cabinet représentait les intérêts des collectivités, indique également que « dans les circonstances de l’espèce, marquées par le refus déterminé des représentants du personnel de siéger à la réunion du comité technique amené à se prononcer sur le temps de travail, le vice de procédure relatif aux modalités de convocation aux deux réunions successives n’a privé les agents de cette collectivité d’aucune garantie et n’a eu aucune incidence sur la décision attaquée. »

Il s’en infère que les organisations syndicales ne sauraient se prévaloir d’erreurs de procédure lorsqu’elles ont, de fait, refusé de participer aux réunions obligatoires.

Application dans le temps de la prescription disciplinaire

Depuis l’entrée en vigueur de la loi « déontologie » du 20 avril 2016, un délai de prescription de trois ans s’impose à l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des agents publics.

Les autorités administratives doivent donc garder à l’esprit cette contrainte lorsqu’est envisagée la sanction de faits relativement anciens.

Le Conseil d’Etat a apporté au sujet de l’application de ce délai de prescription une précision importante justifiant sa mention aux tables du recueil Lebon. 

Par un arrêt du 20 décembre 2017, il a effet jugé, après avoir rappelé les termes de l’article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, que « lorsqu’une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’une action disciplinaire dont l’exercice n’était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ».

Sur le fondement du principe ainsi posé, le Conseil d’Etat a rejeté le moyen du requérant qui soutenait que les faits sanctionnés, intervenus en 2008 et 2009, mais poursuivis seulement en 2015 et sanctionnés en 2016, ne pouvaient l’être du fait de la prescription.

Le Conseil d’Etat rejoint sur ce point le principe posé par la chambre criminelle de la Cour de cassation pour l‘application dans le temps des lois modifiant les délais de prescription de l’action publique (Cass., Crim., 5 février 2008, n° 06-88.299). Par conséquent, le délai de prescription de trois ans ne court, à l’égard de l’ensemble des faits intervenus antérieurement à la loi du 20 avril 2016, qu’à compter de son entrée en vigueur.

Pratiquement, il faut donc retenir de cette jurisprudence que l’ensemble des faits fautifs commis antérieurement à cette loi pourrons faire l’objet d’une action disciplinaire jusqu’au 19 avril 2019. Le lendemain, l’ensemble de ces faits seront été frappés de l’effet de la prescription et ne pourront plus fonder une sanction.

Précisions sur la portée du jugement annulant un refus de permis de construire sur le contentieux de l’autorisation finalement délivrée

Par un arrêt en date du 12 octobre 2018, le Conseil d’Etat poursuit son œuvre prétorienne de clarification des diverses conséquences qui peuvent s’attacher à l’annulation d’un refus de permis de construire.

Dans la lignée de ses arrêts en date du 23 février 2017, n° 395274 – le juge, annulant un refus de permis de construire, peut enjoindre le réexamen de la demande -, et de celui en date du 25 mai 2018, n° 417350  » le juge, annulant un refus de permis de construire, peut enjoindre la délivrance de cette autorisation « , le Conseil d’Etat précise cette fois-ci les conséquences de l’annulation du refus de permis sur le contentieux du permis de construire alors délivré.

Dans cette affaire, une société avait sollicité un permis de construire en vue d’édifier quatre éoliennes et un poste de livraison électrique. Le préfet avait refusé l’octroi de cette autorisation, considérant que ces constructions étaient de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt de plusieurs sites classés ou inscrit. Au regard des pièces qui lui ont été soumises, le tribunal administratif saisi de cet arrêté de refus a jugé que le préfet avait commis une erreur d’appréciation en estimant qu’était caractérisée une telle atteinte aux divers sites avoisinants. Le refus du préfet a donc été annulé, et en l’absence d’appel il est devenu définitif.

Le préfet a alors délivré l’autorisation sollicitée en vue de l’implantation des éoliennes. Toutefois, cet arrêté de permis de construire a fait l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif. Ce faisant le tribunal administratif, comme la Cour administrative d’appel, ont annulé le permis de construire. Pour ce faire, la Cour s’est appuyée sur des documents nouveaux (qui n’avaient pas été versés au débat lors du contentieux contre le refus de permis) qui établiraient une covisibilité non négligeable des éoliennes avec plusieurs sites classés alentour. En somme, le projet était exactement le même, mais les documents versés lors de ce second contentieux permettaient d’établir plus efficacement la covisibilité traduisant une atteinte au caractère ou à l’intérêt des sites voisins.

Saisi dans le cadre d’un pourvoi de cette affaire, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt de la Cour administrative d’appel. En effet, il a jugé qu’en l’absence d’un quelconque changement qui aurait affecté la réalité de la situation de fait, la Cour ne pouvait ainsi s’affranchir de l’autorité de la chose jugée qui était attachée au jugement devenu définitif annulant le refus de permis de construire.  

En résumé, le Conseil d’Etat juge que lorsque le motif avancé pour refuser un permis de construire a été censuré par le juge administratif, l’autorisation délivrée en conséquence ne peut, en l’absence de modification dans les circonstances de fait ou de droit, être annulée sur ce même motif.

Résiliation irrégulière d’un marché public : précisions sur l’indemnisation du titulaire

Le Conseil d’Etat précise comment doit se calculer, en cas de résiliation irrégulière d’un marché public, l’indemnisation du titulaire au titre du bénéfice net dont il a été privé.

Pour rappel, le centre hospitalier de Vendôme a résilié le marché à bons de commande par lequel il avait confié à la société du docteur Jacques Franc l’interprétation des clichés radiographiques réalisés au sein de l’hôpital sur prescription des praticiens de celui-ci. Par un premier jugement avant-dire droit, le Tribunal administratif d’Orléans a jugé irrégulière cette résiliation et, par un second jugement faisant suite à une expertise, a condamné le centre hospitalier à indemniser la société au titre du manque à gagner subi du fait de la résiliation condamnée. Saisi par la société, la Cour administrative d’appel de Nantes a, par un arrêt du 15 mars 2017, augmenté la somme à verser au titre de l’indemnisation. Mais, le surplus de ses conclusions ayant été rejeté, la société a exercé un pourvoi en cassation et le Conseil d’Etat a statué le 10 octobre 2018 sur cette affaire.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat souligne, après avoir cité les dispositions de l’article 77 du Code des marchés publics alors applicable, que si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de « la perte du bénéfice net dont il a été privé », il lui appartient d’établir la réalité de ce préjudice.

Ensuite, et c’est là le principal apport de cette décision, mentionnée dans les tables du recueil Lebon sur ce point, le Conseil d’Etat juge que, dans le cas d’un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, « le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti ».

Une fois le montant du manque à gagner connu avec certitude, il convient, pour calculer le bénéfice indemnisable, d’en soustraire « l’ensemble des charges ». A cet égard, le Conseil d’Etat précise que la Cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que « le taux de marge devait être déterminé en prenant en compte non seulement les charges variables de la société mais également ses charges fixes ». La Cour n’a pas davantage commis d’erreur de droit en se référant, pour évaluer le taux de marge moyen de la société, aux résultats nets des quatre exercices précédant la résiliation du marché en litige.

Au regard de ce qui précède, le Conseil d’Etat conclut au rejet du pourvoi de la société.

Vers un alignement de la police municipale sur les forces de sécurité de l’Etat ?

Le 19 mars 2018, le Premier ministre commandait un rapport aux députés Alice THOUROT et Jean-Michel FAUVERGUE, visant à « repenser un continuum de sécurité ». Remis le 11 septembre dernier, il a eu un écho certain, en raison des propositions qu’il contient concernant la police municipale. Celles-ci, au nombre de 24, sont articulées autour de quatre thématiques principales, dont il ressort une volonté d’harmonisation des polices municipales et d’Etat peut-être excessive.

1- Repenser la coordination entre les polices

Les rapporteurs dressent là le constat d’une difficile articulation entre les différentes polices, due notamment à l’éparpillement géographique des polices municipales, lesquelles, comme leur nom l’indique, sont rattachées pour principe à la commune. En ce sens, il est préconisé de « privilégier une approche par bassin de vie », c’est-à-dire, d’encourager le développement des polices intercommunales.

Il est à ce titre proposé de « permettre à des policiers municipaux de sortir de leurs zones pour exercer des missions définies », ou encore de « mettre en place un dispositif assurant la péréquation financière entre les efforts consentis par les communes participant à une démarche de mutualisation ». Les dispositifs de vidéoprotection pourraient être mutualisés, la circulation d’information sur les procédures en cours serait, elle, améliorée. Plus encore, des hôtels de police pourraient être créés sur le bassin de vie, regroupant les différentes forces de police municipale, mais également les forces de l’Etat. Il est cependant à préciser que ce seraient les services de l’Etat qui seraient chargés de coordonner l’action des polices municipales au sein des bassins de vie.

2- Définir une nouvelle politique de ressources humaines

La formation des policiers municipaux s’est naturellement développée en parallèle du renforcement de leurs compétences. Ainsi, en 1999 était instituée l’obligation de formation préalable à l’agrément du policier municipal. S’il est dès lors envisagé de renforcer leurs missions, cela ne peut être envisagé sans une meilleure homogénéisation des formations, celles-ci étant, à l’heure actuelle, organisées de façon tout à fait hétérogène, par les centres de formation régionaux du centre national de la fonction publique territoriale.

Il est par conséquent proposé de créer une école nationale des polices municipales. En outre, puisque c’est la commune qui le recrute qui prend en charge sa formation, les rapporteurs proposent que les policiers formés soient débiteurs d’une obligation minimum de présence dans la commune en question de trois années. Des propositions sont également faites, concernant les titres et grades, ainsi que la fusion des cadres d’emplois des policiers municipaux et gardes champêtres.

Enfin, il est proposé de « clarifier le statut des agents de surveillance de la voie publique » en inscrivant leur existence dans la loi et leur fonctionnement et statut par un décret en Conseil d’Etat.

3- Faire évoluer les moyens d’action

C’est à n’en pas douter la proposition qui a suscité le plus de débats : « proposer l’armement obligatoire des polices municipales sauf décision motivée du maire ». Les auteurs avancent plusieurs raisons. En premier lieu, les policiers municipaux sont des cibles tout autant identifiées que les autres forces de sécurité, dès lors, elles doivent pouvoir être en mesure de se défendre. En second lieu, la proposition ici avancée ne serait qu’une simple harmonisation des règles : 84% des 18 044 policiers municipaux sont équipés d’une arme et 44% d’une arme à feu. Aujourd’hui, la police municipale n’est armée que si le maire en formule la demande motivée au préfet, qui doit l’approuver, sous réserve d’une formation préalable des agents. Dès lors, la présente proposition ne constituerait qu’un renversement de ce principe sans incidence concrète majeure.

Cette proposition doit nécessairement s’accompagner, selon les auteurs, de l’harmonisation des équipements, formations et modalités d’intervention, de sorte que les différentes forces pourront intervenir de concert. Enfin, pour rendre pleinement opérationnel le dispositif, les rapporteurs proposent d’assouplir les conditions d’habilitation des policiers municipaux mutés d’une commune à une autre, par exemple en supprimant l’obligation de délivrance préalable d’un nouvel agrément. 

Toujours dans le but d’harmoniser les moyens d’action des différentes polices, le rapport aborde la délicate question des fichiers de police en proposant d’en faciliter l’accès aux policiers municipaux, par exemple en supprimant l’entremise nécessaire de l’agent des forces de l’Etat, préalable à la consultation du fichier. Si les agents de police municipale disposent déjà d’un accès direct aux fichiers relatifs au permis de conduire et à la circulation des véhicules, une telle mesure pourrait cependant susciter des difficultés au regard des principes de la réglementation relative à la protection des données personnelles.

Dans le même sens, il est envisagé le déploiement des caméras-piéton, de la transmission automatique des procès-verbaux à l’officier du ministère public en certains cas, ou encore la participation aux actions de sécurisation de manifestations locales ou au traitement des ivresses publiques et manifestes.

4- Une extension des pouvoirs des maires et des polices municipales

Le rapport n’envisage là que des évolutions à la marge car la répartition actuelle des compétences y est perçue comme offrant « un large champ des possibles » pour les maires, dont les compétences sont « encadrées par une jurisprudence bien établie qui préserve les libertés fondamentales autant qu’elle affirme le contrôle supérieur de l’Etat ».

Les rapporteurs envisagent ainsi d’étendre les pouvoirs du maire « pour lui permettre de faire respecter ses arrêtés de police sous le contrôle de légalité du préfet », et notamment de l’habiliter à assortir ses arrêtés d’une décision de mise en demeure, ou de permettre d’augmenter « sensiblement » le montant des amendes prononcées pour non-respect des arrêtés municipaux. En outre, ses pouvoirs pourraient être renforcés en matière de fermeture d’établissements ou, s’agissant des policiers municipaux, de constatation des infractions commises sur la voie publique.

S’il est indéniable que ces propositions ne manqueront pas d’alimenter les débats à l’occasion des prochaines élections municipales, il convient de souligner la spécificité des pouvoirs de police du maire et des moyens d’action de la police municipale. Ceux-ci doivent être pensés davantage en termes de complémentarité que d’harmonisation avec les forces de sécurité de l’Etat.

En conséquent, l’un des reproches qui peut être adressé aux préconisations du présent rapport est de chercher à trop aligner les moyens et l’organisation de la police municipale sur ceux des forces de sécurité de l’Etat, au risque de la dénaturer et d’en affecter la spécificité et l’efficacité.

Précisons sur l’erreur et le vice du consentement

Erreur- Vice du consentement : la possibilité de mettre en location le bien acheté peut être envisagée comme une qualité essentielle de la chose, de nature à déterminer le consentement de l’acquéreur. Si cette qualité fait défaut, l’acquéreur peut solliciter l’annulation de la vente en se prévalent d’une erreur sur la substance.

Le 3 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si l’erreur sur la décence d’un logement déjà loué et acquis en vue d’une location par une société non professionnelle de l’immobilier sans moyens d’accès à la réglementation applicable était excusable.

En l’espèce, suivant acte authentique en date du 14 avril 2010 Monsieur et Madame X ont vendu à une société civile immobilière un appartement d’une superficie de 13,49 m2, alors loué à un tiers.

Suite à une visite effectuée dans les lieux en date du 29 octobre 2010, le service communal de d’hygiène et de santé a informé la SCI que la pièce principale était d’une superficie inférieure à 9 m2, ce qui est contraire à la réglementation en vigueur.

En conséquence la SCI a été enjoint de faire cesser l’occupation des lieux suivant un arrêté préfectoral.

Aussi, la SCI a assigné les vendeurs en annulation de la vente et la Cour d’appel a accueilli ses demandes.

Les vendeurs ont alors formé un pourvoi en cassation.

Au soutien de leur pourvoi, les vendeurs ont notamment fait valoir le caractère inexcusable de l’erreur commise par la SCI, dont l’objet social, « l’acquisition, la location, l’édification, l’exploitation et la gestion ainsi que la cession éventuelle de tous immeubles, biens et droits immobiliers » – exclurait selon eux qu’elle ait pu acquérir l’appartement en méconnaissance de ses dimensions et caractéristiques.

La Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fond, qui ont souverainement relevé qu’il résultait de l’acte authentique de vente que le bien vendu était loué et qu’en se portant acquéreur du logement, la SCI entendait disposer de la pleine propriété du bien comprenant la possibilité de le mettre en location, qu‘il s’agissait d’une qualité essentielle de la chose vendue qui était entrée dans le champ contractuel et qui avait été déterminante de son consentement, qu’elle n’avait pas la qualité de professionnel de l’immobilier et que son erreur sur cette qualité essentielle du logement était excusable 

C’est ainsi que la Cour de cassation considère que l’erreur commise par la SCI (qui n’est pas considéré comme un professionnel bien que son objet social porte sur la location et la gestion de biens immobiliers) ayant acquis un appartement aux fins de le louer alors que ses dimensions et caractéristiques excluaient toute possibilité de location, compte tenu du règlement sanitaire départemental qui lui était applicable, est excusable.