le 18/10/2018

Vers un alignement de la police municipale sur les forces de sécurité de l’Etat ?

Rapport de Mme Alice THOUROT et M. Jean-Michel FAUVERGUE, Députés - "D'un continuum de sécurité vers une sécurité globale"

Le 19 mars 2018, le Premier ministre commandait un rapport aux députés Alice THOUROT et Jean-Michel FAUVERGUE, visant à « repenser un continuum de sécurité ». Remis le 11 septembre dernier, il a eu un écho certain, en raison des propositions qu’il contient concernant la police municipale. Celles-ci, au nombre de 24, sont articulées autour de quatre thématiques principales, dont il ressort une volonté d’harmonisation des polices municipales et d’Etat peut-être excessive.

1- Repenser la coordination entre les polices

Les rapporteurs dressent là le constat d’une difficile articulation entre les différentes polices, due notamment à l’éparpillement géographique des polices municipales, lesquelles, comme leur nom l’indique, sont rattachées pour principe à la commune. En ce sens, il est préconisé de « privilégier une approche par bassin de vie », c’est-à-dire, d’encourager le développement des polices intercommunales.

Il est à ce titre proposé de « permettre à des policiers municipaux de sortir de leurs zones pour exercer des missions définies », ou encore de « mettre en place un dispositif assurant la péréquation financière entre les efforts consentis par les communes participant à une démarche de mutualisation ». Les dispositifs de vidéoprotection pourraient être mutualisés, la circulation d’information sur les procédures en cours serait, elle, améliorée. Plus encore, des hôtels de police pourraient être créés sur le bassin de vie, regroupant les différentes forces de police municipale, mais également les forces de l’Etat. Il est cependant à préciser que ce seraient les services de l’Etat qui seraient chargés de coordonner l’action des polices municipales au sein des bassins de vie.

2- Définir une nouvelle politique de ressources humaines

La formation des policiers municipaux s’est naturellement développée en parallèle du renforcement de leurs compétences. Ainsi, en 1999 était instituée l’obligation de formation préalable à l’agrément du policier municipal. S’il est dès lors envisagé de renforcer leurs missions, cela ne peut être envisagé sans une meilleure homogénéisation des formations, celles-ci étant, à l’heure actuelle, organisées de façon tout à fait hétérogène, par les centres de formation régionaux du centre national de la fonction publique territoriale.

Il est par conséquent proposé de créer une école nationale des polices municipales. En outre, puisque c’est la commune qui le recrute qui prend en charge sa formation, les rapporteurs proposent que les policiers formés soient débiteurs d’une obligation minimum de présence dans la commune en question de trois années. Des propositions sont également faites, concernant les titres et grades, ainsi que la fusion des cadres d’emplois des policiers municipaux et gardes champêtres.

Enfin, il est proposé de « clarifier le statut des agents de surveillance de la voie publique » en inscrivant leur existence dans la loi et leur fonctionnement et statut par un décret en Conseil d’Etat.

3- Faire évoluer les moyens d’action

C’est à n’en pas douter la proposition qui a suscité le plus de débats : « proposer l’armement obligatoire des polices municipales sauf décision motivée du maire ». Les auteurs avancent plusieurs raisons. En premier lieu, les policiers municipaux sont des cibles tout autant identifiées que les autres forces de sécurité, dès lors, elles doivent pouvoir être en mesure de se défendre. En second lieu, la proposition ici avancée ne serait qu’une simple harmonisation des règles : 84% des 18 044 policiers municipaux sont équipés d’une arme et 44% d’une arme à feu. Aujourd’hui, la police municipale n’est armée que si le maire en formule la demande motivée au préfet, qui doit l’approuver, sous réserve d’une formation préalable des agents. Dès lors, la présente proposition ne constituerait qu’un renversement de ce principe sans incidence concrète majeure.

Cette proposition doit nécessairement s’accompagner, selon les auteurs, de l’harmonisation des équipements, formations et modalités d’intervention, de sorte que les différentes forces pourront intervenir de concert. Enfin, pour rendre pleinement opérationnel le dispositif, les rapporteurs proposent d’assouplir les conditions d’habilitation des policiers municipaux mutés d’une commune à une autre, par exemple en supprimant l’obligation de délivrance préalable d’un nouvel agrément. 

Toujours dans le but d’harmoniser les moyens d’action des différentes polices, le rapport aborde la délicate question des fichiers de police en proposant d’en faciliter l’accès aux policiers municipaux, par exemple en supprimant l’entremise nécessaire de l’agent des forces de l’Etat, préalable à la consultation du fichier. Si les agents de police municipale disposent déjà d’un accès direct aux fichiers relatifs au permis de conduire et à la circulation des véhicules, une telle mesure pourrait cependant susciter des difficultés au regard des principes de la réglementation relative à la protection des données personnelles.

Dans le même sens, il est envisagé le déploiement des caméras-piéton, de la transmission automatique des procès-verbaux à l’officier du ministère public en certains cas, ou encore la participation aux actions de sécurisation de manifestations locales ou au traitement des ivresses publiques et manifestes.

4- Une extension des pouvoirs des maires et des polices municipales

Le rapport n’envisage là que des évolutions à la marge car la répartition actuelle des compétences y est perçue comme offrant « un large champ des possibles » pour les maires, dont les compétences sont « encadrées par une jurisprudence bien établie qui préserve les libertés fondamentales autant qu’elle affirme le contrôle supérieur de l’Etat ».

Les rapporteurs envisagent ainsi d’étendre les pouvoirs du maire « pour lui permettre de faire respecter ses arrêtés de police sous le contrôle de légalité du préfet », et notamment de l’habiliter à assortir ses arrêtés d’une décision de mise en demeure, ou de permettre d’augmenter « sensiblement » le montant des amendes prononcées pour non-respect des arrêtés municipaux. En outre, ses pouvoirs pourraient être renforcés en matière de fermeture d’établissements ou, s’agissant des policiers municipaux, de constatation des infractions commises sur la voie publique.

S’il est indéniable que ces propositions ne manqueront pas d’alimenter les débats à l’occasion des prochaines élections municipales, il convient de souligner la spécificité des pouvoirs de police du maire et des moyens d’action de la police municipale. Ceux-ci doivent être pensés davantage en termes de complémentarité que d’harmonisation avec les forces de sécurité de l’Etat.

En conséquent, l’un des reproches qui peut être adressé aux préconisations du présent rapport est de chercher à trop aligner les moyens et l’organisation de la police municipale sur ceux des forces de sécurité de l’Etat, au risque de la dénaturer et d’en affecter la spécificité et l’efficacité.