Arrêté du 17 octobre 2019 fixant le contenu du dossier de demande de l’agrément des sociétés de coordination mentionnées à l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation

La société de coordination, créée par l’article 81 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite ELAN et introduite à l’article L. 423-1-2 du Code de la construction et de l’habitation (« CCH »), est pour rappel « […] une société anonyme agréée en application de l’article L. 422-5[1] […] ».

Cette procédure d’agrément de la société de coordination figure à l’article R. 423-85 du CCH qui a été modifié, par l’article 1er du décret n° 2019-911 du 29 août 2019[2], comme suit :

« [c]onformément à l’article L. 423-1-2, les sociétés de coordination d’habitations à loyer modéré sont agréées par le ministre chargé du logement après avis du Conseil supérieur des habitations à loyer modéré.

Le ministre chargé du logement peut, après avis du Conseil supérieur des habitations à loyer modéré, agréer spécialement les sociétés de coordination dont la qualité de la gestion sur les plans technique et financier ainsi que celle de ses membres est démontrée dans le dossier distinct de demande d’agrément pour leur permettre d’étendre leur activité aux compétences mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 423-1-2.

Un arrêté du ministre chargé du logement détermine le contenu du dossier de demande d’agrément ou de l’agrément spécial d’exercice de certaines compétences, qui comprend notamment des informations sur la société ainsi que sur son projet d’entreprise. Le ministre dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception du dossier complet pour se prononcer ».

Le dernier alinéa de l’article R. 423-85 du CCH précité renvoyait donc la détermination du contenu du dossier d’agrément ou de l’agrément spécial à un arrêté ministériel dont la publication était attendue par les organismes HLM projetant de se regrouper autour d’une société de coordination.

L’arrêté ministériel mentionné ci-dessus est paru le 17 octobre 2019 et a été publié au Journal Officiel le 26 octobre 2019. Il vient ainsi fixer le contenu du dossier de demande de l’agrément des sociétés de coordination en prévoyant :

D’une part, que le dossier présenté par la société de coordination à l’appui de sa demande d’agrément doit notamment comporter les neuf pièces suivantes :

  • «Les statuts de la société ;
  • La délibération des instances dirigeantes de la société sollicitant l’agrément prévu à l’article L. 423-1-2 ;
  • La délibération des conseils d’administration et de surveillance des organismes actionnaires ou associés ;
  • La liste des organismes actionnaires ou associés et leurs parts sociales ou leurs actions, ainsi que la répartition des droits de vote, et le pacte d’actionnaires si un tel pacte a été signé à la date de la demande d’agrément ;
  • La liste des membres autres que les organismes actionnaires représentés à l’assemblée générale, lorsque ces membres sont connus ;
  • La composition du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ;
  • Le projet d’entreprise, qui expose notamment l’exercice des missions obligatoires et facultatives définies à l’article L. 423-1-2, les axes stratégiques du groupe, l’efficience économique et sociale générée, le dispositif prévu pour la mise en œuvre de la soutenabilité financière du groupe et de chacun de ses actionnaires ou associés. Lorsqu’elles sont exercées, les prévisions de mutualisation des missions, des effectifs et des moyens sont précisées ;
  • Les comptes des trois derniers exercices clos des organismes actionnaires ou associés du groupe ;
  • Les projections financières à dix ans pour chaque organisme actionnaire ou associé et pour l’ensemble du groupe »[3].


Une attention toute particulière doit être portée sur la constitution du « projet d’entreprise » lequel doit donc exposer :

  • l’exercice des missions obligatoires et facultatives définies à l’article L. 423-1-2,
  • les axes stratégiques du groupe,
  • l’efficience économique et sociale générée,
  • le dispositif prévu pour la mise en œuvre de la soutenabilité financière du groupe et de chacun de ses actionnaires ou associés.
  • le cas échéant, la présentation des révisions de mutualisation des missions, des effectifs et des moyens.


Et d’autre part
, que le contenu du dossier présenté par une société de coordination à l’appui de sa demande d’agrément spécial lui permettant de d’exercer des compétences supplémentaires doit comporter les pièces précédemment énumérées, auxquelles il faut ajouter les cinq pièces suivantes :

  • « Un courrier listant la ou les compétences supplémentaires demandées au titre de l’agrément spécial ;
  • Le projet d’entreprise qui montre la nécessité d’un agrément spécial, notamment une présentation des projets envisagés, des territoires concernés, des impacts économiques, financiers et sociaux pour la société de coordination et ses membres ;
  • La délibération du conseil d’administration ou de surveillance de la société de coordination ;
  • Les comptes des trois derniers exercices clos des organismes actionnaires ou associés du groupe ;
  • Les projections financières à dix ans pour chaque organisme actionnaire ou associé et pour l’ensemble du groupe »[4].

Enfin, il est précisé que « [l]e dossier de demande d’agrément est adressé au ministre chargé du logement à l’attention de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, sous-direction de la législation de l’habitat et des organismes constructeurs » et qu’« [u]ne copie est adressée au préfet du département où est situé le siège social de la société »[5].

[1] Article L. 422-5, alinéa 1er du CCH : « [l]es sociétés d’habitations à loyer modéré doivent être agréées par décision administrative ».

[2] Décret n° 2019-911 du 29 août 2019 relatif aux sociétés de coordination mentionnées à l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation.

[3] Article 1er de l’arrêté ministériel du 17 octobre 2019.

[4] Article 2 de l’arrêté ministériel du 17 octobre 2019.

[5] Article 3 de l’arrêté ministériel du 17 octobre 2019.

Guide Pratique pour faciliter l’accès des TPE/PME à la commande publique

L’Observatoire économique de la commande publique (ci-après, « OECP ») a publié un Guide dont l’objet est de « poursuivre la démarche de facilitation de l’accès des TPE/PME à la commande publique, dans un contexte d’évolution normative, mais également de transformation numérique ».

En effet, selon l’OECP, il existe encore des obstacles à l’intervention des PME dans la commande publique du fait d’un « manque d’attractivité du secteur public (perçu comme complexe) et [de] l’emploi de clauses contractuelles standards, parfois inadaptées à des petits opérateurs et donc dissuasives ».

Ainsi, l’OECP a présenté, dans ce guide, ses conseils dans le cadre des grandes étapes de la commande publique sous la forme de trois parties relatives à la préparation de la procédure de passation du marché (Partie 1), à la procédure de passation (Partie 2) et au suivi de l’exécution du marché (Partie 3). Chacune de ces parties faisant l’objet de fiches pratiques (16 au total).

Au titre de la préparation de la procédure de passation du marché, ce guide contient une fiche dédiée à la pratique du sourcing, lequel est envisagé comme un « outil de connaissance du marché économique » ainsi qu’une fiche dédiée à la définition des besoins, laquelle est notamment axée sur l’intérêt de définir les besoins de manière fonctionnelle au lieu de se référer à des normes ou autres documents équivalents.

Sujet récurrent en matière d’accès des TPE/PME à la commande publique, l’allotissement fait l’objet de la troisième fiche de ce guide. Encourageant l’allotissement, cette fiche insiste cependant sur l’intérêt de limiter le nombre de lots pouvant être attribués au même fournisseur, cela permettant selon l’OECP « de varier les entreprises attributaires et de sécuriser les approvisionnements ».

De manière intéressante, la quatrième fiche de ce guide porte sur l’amélioration des délais de mise en concurrence en procédures adaptées. En effet, se penchant sur l’intérêt des opérateurs économiques, l’OECP a relevé à ce titre que « les délais de procédure ne sont pas seulement utiles à l’élaboration d’offres économiquement avantageuses, mais constituent également un temps de recherche de partenaires. En effet, les entreprises peuvent être amenées, notamment parce que la réponse nécessite de s’adosser à d’autres compétences, à candidater en groupement d’entreprises ou à rechercher des sous-traitants dans certains domaines ».

Les conseils en matière de préparation de la procédure portent encore sur le choix des critères de sélection des candidatures et des offres (Fiche n° 5), sur les variantes avec la présentation d’une méthode de distinction des variantes, des prestations supplémentaires éventuelles et des options (Fiche n° 6) et sur les modalités permettant de développer les candidatures des TPE/PME sous la forme de groupements momentanés d’entreprises (Fiche n° 7).

S’agissant ensuite de la procédure de passation du marché, le Guide apporte des éléments de réflexion intéressants et parfois originaux en matière de négociation (Fiche n° 7), de garanties de la confidentialité des offres (Fiche n° 8), de détection des offres anormalement basses (Fiche n° 9) et de l’indemnisation des prestations réalisées par les soumissionnaires pour la présentation de leurs offres (Fiche n° 10).

Enfin, le Guide apporte de nombreux éléments en matière de suivi de l’exécution des marchés, notamment au sujet des avances (Fiche n° 11), des délais de paiement (Fiche n° 13), des pénalités, des clauses incitatives et des clauses de réexamen (Fiche n° 14), ainsi qu’en matière de contrôle et d’accompagnement de la sous-traitance (Fiche n° 16).

Recours en garantie engagé par un constructeur à l’encontre d’un groupement solidaire

Par un arrêt en date du 13 novembre 2019, le Conseil d’État a apporté des précisions en matière de recours en garantie engagé par un constructeur à l’encontre d’un groupement solidaire.

Cette décision a été rendue dans le cadre d’une opération de construction d’un dépôt d’autobus à gaz lancée par Lille Métropole Communauté Urbaine (ci-après, « LMCU ») sur le territoire de la commune de Wattrelos. Précisément, LMCU avait confié l’exécution du lot n° 1 relatif aux missions « VRD, espaces verts, clôtures » au groupement solidaire composé des sociétés Valerian et SOCAFL. Toutefois, un différend est né entre ce groupement et LMCU lors de l’établissement du décompte général du marché. Précisément, les sociétés Valerian et SOFACL ont sollicité du tribunal administratif de Lille qu’il les décharge de l’obligation de payer la somme de 7.121,73 euros mise à leur charge par des titres de perception émis par LMCU, et qu’il condamne LMCU à leur verser la somme de 1.458.916,38 euros, augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du solde de ce marché. Dans le cadre de cette instance, LMCU, aux droits de laquelle est venue la Métropole européenne de Lille (ci-après, « MEL »), a appelé en garantie l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société Omnium Technique Européen (OTE) Ingénierie, membres du groupement solidaire de maîtrise d’œuvre.

En première instance, le Tribunal administratif de Lille a fait partiellement droit à la demande des sociétés Valerian et SOCAFL en condamnant la MEL à leur verser une somme de 298.564,02 euros TTC augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts et a condamné la société Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société OTE Ingénierie à garantir la MEL à hauteur d’une somme de 107.558,76 euros et a mis à leur charge 15 % des frais d’expertise.

Puis, par un arrêt du 4 juin 2018, la Cour administrative d’appel de Douai a rejeté le recours en garantie formé par la société Denu et Paradon Architectes et la société Marc Larivière contre la société OTE Ingénierie. C’est ainsi que les sociétés précitées se sont pourvues en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’Etat.

A ce titre, rappelons que, pour rejeter le recours des sociétés précitées, la Cour administrative de Douai s’était fondé sur le fait que « les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’œuvre ». Or, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai.

Pour parvenir à cette solution, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé la solution dégagée dans sa décision Société Acore (CE, 19 novembre 2018, req. n° 413536) selon laquelle « un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d’ouvrage est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur si et dans la mesure où les condamnations qu’il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur ». Il a ensuite précisé, et c’est l’intérêt de cette décision, que « dans le cas d’un groupement, il appartient au juge administratif d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévue dans l’acte d’engagement ».

Ainsi, au cas présent, le Conseil d’Etat a retenu que « en rejetant le recours en garantie formé par la société Denu et Paradon Architectes et la société Marc Larivière contre la société OTE Ingénierie au motif que les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’oeuvre, alors qu’il lui incombait, même dans cette hypothèse, d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre du groupement, la cour a commis une erreur de droit ».

Par ailleurs, cette décision a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que, si « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties » et que « l’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales », il demeure toutefois que « la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».

Nullité du licenciement pour violation de la protection accordée aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle : déduction des revenus de remplacement du montant de l’indemnité de réintégration

Dans un arrêt du 16 octobre 2019 (n° 17-31.624), la Cour de cassation a apporté des précisions sur le quantum et la nature de l’indemnité de réintégration octroyée à un salarié dont le contrat de travail était suspendu suite à un accident du travail.

En l’espèce, l’intéressé avait été licencié pour cause réelle et sérieuse par son employeur pendant sa période d’arrêt maladie et avait saisi le Conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir l’annulation de son licenciement et le versement d’une indemnisation à ce titre.

Pour rappel, à peine de nullité du licenciement, le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne peut être rompu qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de le maintenir pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. (C. trav., art. L. 1226-9 et L. 1226-13).

Dans ces conditions, la Cour d’appel a constaté la nullité de la rupture du contrat de travail du salarié et a condamné l’employeur à lui verser à ce titre, une indemnité de réintégration égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration après déduction des salaires et revenus de remplacement qu’il a perçus pendant cette période.

Cependant, le salarié s’est pourvu en cassation en soutenant que cette déduction constituerait une atteinte au droit à la protection de la santé garanti par l’alinéa 11 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie la constitution du 4 octobre 1958. Or, dès lors que la nullité du licenciement résultant d’une atteinte à une liberté fondamentale garantie par la Constitution, l’indemnité de réintégration à laquelle peut prétendre le salarié concerné revêt un caractère forfaitaire et partant, sans déduction, ni cotisations sociales (voir pour exemple, Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-20.527 pour un atteinte au droit de grève ou encore Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-28.734 pour une discrimination liée à l’état de santé).

Toutefois, la Cour de cassation approuve la solution retenue par les juges du fond en retenant que le salarié dont le licenciement est nul puisque ne reposant pas sur l’un des motifs limitativement admis lorsque le salarié est en arrêt maladie suite à un accident du travail, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

En effet, au cas particulier, la nullité du licenciement résultait de la violation de la protection accordée par le Code du travail au salarié victime d’un accident du travail et non d’une discrimination liée à son état de santé.

En outre, la Cour de cassation juge que comme tel est le cas en l’espèce, dès lors qu’elle est versée dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été privé, l’indemnité de réintégration doit être assujettie aux cotisations sociales puisqu’elle correspond aux sommes que l’intéressé aurait dû percevoir à l’occasion de son travail, si l’employeur ne lui avait pas notifié son licenciement entaché de nullité.

Vers un changement de paradigme sur la justification d’une discrimination en raison d’un accord collectif ?

L’article L.1134-1 du Code du travail organise un régime probatoire particulier en matière de discrimination : le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, l’employeur devant quant à lui prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Se posait alors la question de déterminer si les différences de traitement résultant de l’application d’un accord collectif sont présumées justifiées et que dès lors la charge de la preuve de leur caractère injustifié reposerait sur le salarié.

Dans l’espèce objet de l’arrêt sus visé, une salariée occupait au sein d’une société le poste de conseiller privé et avait obtenu en 2011 la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d’honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service. La salariée s’est estimée victime d’une discrimination fondée sur l’âge découlant des dispositions transitoires d’un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d’attribution des gratifications liées à l’obtention des médailles d’honneur du travail.

La Cour d’appel déboute la salariée au motif que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, les différences de traitement qu’elle invoquait, étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Au terme de l’arrêt sus visé, la Cour de cassation censure les juges du fond motif pris que « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les stipulations transitoires de l’accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison de l’âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l’entrée en vigueur de l’accord et relevant d’une même classe d’âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l’affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Ainsi, il ne peut plus être affirmé conformément à la jurisprudence de 2015 (Cass. Soc., 27 janvier 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773) que « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

La Cour de cassation invite, ainsi que cela avait été le cas antérieurement aux arrêts de 2015 (Cass. Soc., 28 octobre 2009, n° 08-40.457), les juges du fond à rechercher si les différences de traitement entre salariés résultant d’un accord collectif « reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

La simple existence d’un accord collectif ne peut à lui seul suffire à justifier une inégalité de traitement.

Propos diffamatoires contre un maire : office du juge et étendue de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat d’intérêt général

Le Maire d’une commune a fait citer une personne devant le Tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public. Il reprochait à cette personne en sa qualité de directeur de la publication, d’avoir mis en ligne sur son site internet un texte titré « scandale financier à … » et comprenant les propos suivants poursuivis : « Le maire de […] prend chaque mois totalement illégalement 50 euros aux personnes âgées qu’il est supposé assister » et « L’origine de cet impôt illégal« .

Cette publication avait pour contexte un conflit judiciaire opposant le Maire de la Commune en sa qualité de Président du C.C.A.S de la Ville, propriétaire d’une résidence pour personnes âgées et certains de ses résidents se plaignant de hausse de loyers dans la résidence.

Le Tribunal correctionnel déclarait le prévenu coupable de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public. Ce dernier relevait appel de sa condamnation.

La Cour d’appel, pour confirmer le jugement de première instance, avait considéré que les propos étaient diffamatoires en ce qu’ils imputaient au Maire, des agissements susceptibles de revêtir la qualification pénale de vol à l’encontre de personnes vulnérables et à tout le moins, d’abus de pouvoir par un détenteur de l’autorité publique.

Ces propos contraires à l’honneur ou à la considération du Maire, contenaient selon la Cour, l’imputation de faits précis susceptibles de débats sur une preuve contraire. Par ailleurs, pour écarter la bonne foi du prévenu, les juges d’appel avaient considéré que le prévenu n’avait procédé à aucune recherche sérieuse sur le sujet dont il traitait et que ses imputations ne reposaient sur aucune base factuelle suffisante.

La Cour de cassation, notamment au visa de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel : « Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, d’une part, le texte litigieux participait d’un débat d’intérêt général relatif à l’exercice par le maire de ses responsabilités dans la gestion d’une résidence pour personnes âgées, d’autre part, le prévenu, qui n’est pas un professionnel de l’information, n’était pas tenu aux mêmes exigences déontologiques qu’un journaliste, la cour d’appel, qui devait analyser précisément les pièces produites par le prévenu au soutien de l’exception de bonne foi, pièces qui avaient seulement été énumérées par les premiers juges en tant qu’elles avaient été jointes à l’offre de preuve, afin d’apprécier, au vu de ces pièces et de celles produites par la partie civile pour combattre cette exception, et en considération de ce qui précède, la suffisance de la base factuelle, n’a pas justifié sa décision ».

L’arrêt de la Cour de cassation vient rappeler ainsi l’étendue de la liberté d’expression des non professionnels de l’information dans le cadre d’un débat d’intérêt général. La Cour y souligne par ailleurs, que l’admission ou le rejet de l’exception de bonne foi, ne peut être décidé qu’après une analyse effective des pièces produites par la personne mise en cause : « Attendu qu’il se déduit du deuxième de ces textes que, si c’est au seul auteur d’imputations diffamatoires qui entend se prévaloir de sa bonne foi d’établir les circonstances particulières qui démontrent cette exception, celle-ci ne saurait être légalement admise ou rejetée par les juges qu’autant qu’ils analysent les pièces produites par le prévenu et énoncent précisément les faits sur lesquels ils fondent leur décision ».

Au-delà d’une protection accrue de la liberté d’expression citoyenne dans le cadre de questions relevant d’un débat d’intérêt général, les juridictions sont donc invitées à ne pas occulter l’analyse effective de l’ensemble des pièces produites par les mis en cause afin d’apprécier la bonne foi et la base factuelle dont ils disposent au moment des faits.

L’exclusion d’un candidat d’une procédure de passation justifiée par son comportement lors de précédents marchés

Par cet arrêt du 3 octobre 2019 faisant suite à une question préjudicielle de la Cour d’appel du Bucarest (Roumanie), la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) confirme que le pouvoir adjudicateur peut exclure d’une procédure de passation un candidat qui a commis une faute professionnelle lors de l’exécution d’un précédent marché (en l’occurrence, il s’agissait d’une sous-traitance non déclarée), sous réserve qu’au préalable, il procède à son propre analyse de ladite faute et qu’il laisse la possibilité au candidat de s’expliquer.

 

Dans cette affaire, la Compagnie nationale pour l’administration des infrastructures routières (CNAIR) avait lancé une procédure de passation pour un marché de construction. Au cours de la procédure, elle a appris, en consultant la plateforme « système électronique des marchés publics », que l’un des candidats, l’association temporaire d’entreprises dirigée par la Société DELTA, avait été évincée quelques semaines plus tôt d’un autre marché de travaux par une commune au motif qu’il avait sous-traité des prestations sans son accord. Au vu de cette information et après avoir sollicité des clarifications auprès de la commune et de la Société DELTA, la CNAIR a exclu cet opérateur de la procédure. Après avoir saisi sans succès le Conseil national pour la résolution des contestations, la Société DELTA a introduit un recours devant la Cour d’appel de Bucarest.

 

Pour rappel, l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24/UE relative aux marchés publics dispose que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsque des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un contrat antérieur, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit contrat, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable.

 

La Cour d’appel de Bucarest a décidé de surseoir à statuer et de demander à la CJUE si le recours à la sous-traitance sans le consentement du pouvoir adjudicateur pouvait être regardée comme une défaillance importante ou persistante au sens de l’article précité devant entraîner l’exclusion de son auteur de la participation à une procédure de passation de marché.

 

La CJUE répond qu’en effet, la sous-traitance, par un opérateur économique, d’une partie des travaux dans le cadre d’un marché public antérieur, décidée sans le consentement du pouvoir adjudicateur et qui a donné lieu à la résiliation de ce marché, constitue une défaillance importante ou persistante constatée lors de l’exécution d’une obligation essentielle afférente audit marché et est donc de nature à justifier l’exclusion de cet opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché public ultérieure.

 

Par ailleurs, elle précise que chaque pouvoir adjudicateur doit, sans se lier à l’appréciation rendue par le précédent adjudicataire, examiner par lui-même l’importance et la persistance de la défaillance commise dans le passé par l’opérateur afin d’apprécier si l’opérateur concerné est, de son point de vue responsable de défaillances importantes ou persistantes commises lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre dudit marché. Cet examen de manière doit être réalisé de manière diligente et impartiale, sur la base de tous les éléments pertinents, notamment la décision de résiliation, et en application du principe de proportionnalité. De plus, l’acheteur doit également apprécier si, en ne l’informant pas de cette précédente résiliation, l’opérateur ne s’est pas rendu coupable de fausse déclaration au titre des renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion, ce qui est également un motif d’exclusion. Enfin, l’acheteur est tenu, avant de prononcer l’exclusion, de laisser la possibilité à cet opérateur économique de présenter les mesures correctives qu’il a adoptées à la suite de la résiliation du marché public antérieur, ainsi que le prescrivent l’article 57, paragraphe 6 et le considérant 102 de la directive 2014/24/UE.

L’avertissement de la CNIL à l’encontre du projet de captation de bruit suspect par la ville de Saint Etienne

Par un courrier daté du 25 octobre 2019, la CNIL a adressé un avertissement à la ville de Saint Etienne pour son projet de captation et d’analyse des sons sur le territoire de la commune. Cette décision fait suite à un contrôle sur pièce effectué par la CNIL le 26 mars 2019 et d’une audition de représentant de la ville de Saint Etienne et de la métropole de Saint Etienne effectuée le 12 juin 2019.

Le dispositif envisagé prévoyait que la captation d’un bruit suspect déclenche une alerte aux opérateurs du centre de supervision urbaine qui avaient alors la possibilité d’orienter les caméras de vidéoprotection vers la zone concernée. Il est à noter que la ville de Saint Etienne a envisagé un temps que l’alerte déclenche un dispositif de drone se rendant sur place pour identifier la source de l’alerte.

Lors de son audition, la délégation a informé la commission que la finalité des traitements envisagés était « l’amélioration de la qualité de vie des citoyens en accélérant et facilitant l’intervention des pompiers, du SAMU et de la police municipale ». De plus, la CNIL indique dans son courrier que lors d’une réunion publique, dont la retranscription a été communiquée à l’autorité de contrôle, la délégation avait précisé que « le dispositif de capteurs sonores [est] destiné à améliorer la tranquillité publique ».

En premier lieu, sur l’existence d’un traitement de données personnelles. La CNIL indique dans ce courrier que le dispositif envisagé permet de capter de manière indifférenciée les sons émis sur la voie publique. Ainsi les voix et conversations des personnes sont susceptibles de faire l’objet d’une captation. Or, la CNIL rappelle à la ville de Saint Etienne que « la voix d’une personne constitue une donnée à caractère personnel au sens de l’article 4-1) du RGPD ». L’autorité de contrôle ajoute que « si les dispositifs de captation et d’analyse des sons ne permettent pas d’identifier directement les personnes, leur association avec le système de vidéoprotection existant peut permettre in fine cette identification » car l’alerte enclenchera l’orientation des caméras de vidéoprotection vers le lieu de l’alerte, ce qui permettra in fine une identification des personnes.

En second lieu, sur le régime juridique applicable au dispositif projeté, tout d’abord la CNIL rappelle que le dispositif de captation et d’analyse des sons ne relève ni des dispositions du code de la sécurité intérieur concernant les dispositifs de vidéoprotection ni des dispositions du code de la sécurité intérieur encadrant les caméras mobiles.

Ensuite, la CNIL rappelle que ce projet « ne saurait se fonder sur la base légale de l’intérêt légitime du responsable de traitement, évoquée lors de l’audition du 12 juin 2019. Le dernier alinéa de l’article 6-1 du RGPD prévoit en effet que cette base légale ne s’applique pas au traitement effectué par les autorités publiques dans l’exécution de leurs missions ».

Par suite, la CNIL précise que le traitement pourrait être fondé sur l’exécution d’une mission d’intérêt public car la répression des atteintes à la tranquillité publique est l’une des missions de la police municipale du maire (article L. 2212-2 du CGCT).

D’autre part la CNIL rappelle qu’indépendamment des finalités évoquées, les responsables du projet ne peuvent pas exclure l’application de la directive européenne « police justice » du 27 avril 2016 pour le projet envisagé. En effet, les sons qui seront détectés peuvent correspondre à des infractions volontaires ou involontaires pouvant aller jusqu’à des infractions criminelles dans le cas de coup de feu.

En troisième lieu, sur la nécessité d’un encadrement législatif. L’autorité de contrôle développe cinq points du dispositif envisagé qui sont susceptibles de contrevenir au cadre législatif existant.

Le dispositif envisagé repose sur une captation continue systématique et indifférenciée des sons dans l’espace public et peut donc capter des conversations privées, ce qui est susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles.

Le couplage de ce dispositif avec la vidéoprotection apparaît pour la CNIL fortement intrusif. En outre, pour la CNIL, le risque d’atteinte au droit à la vie privée est d’autant plus important « qu’aucune garantie technique ou juridique ne permet de prévenir, de manière suffisante, une écoute en direct des sons ou un enregistrement de ceux-ci ».

Le traitement est susceptible de porter sur des catégories de données à caractère personnel dites « sensibles » telles que les opinions politiques, les convictions religieuses, l’orientation sexuelle ou la santé.

La CNIL relève que le dispositif envisagé prive les personnes du droit de s’opposer au traitement consacré par les articles 21 du RGPD et 110 de la loi « Informatique et Libertés ». Or, la limitation du droit des personnes est strictement prévue par le droit de l’Union européenne ou le droit des Etats membres. De plus la CNIL relève que si le traitement devait relever des dispositions de la directive « Police Justice », l’article 110 de la loi « Informatique et Libertés » prévoit que « toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel le concernant fasse l’objet d’un traitement ».

Le dispositif a pour effet d’intervenir dans le champ d’autres droits fondamentaux tels que « la liberté d’expression, de manifestation, d’association et d’aller et venir ». Par conséquent les personnes concernées seront probablement amenées à changer leur comportement en censurant leurs propos tenus dans l’espace public ou en modifiant leurs déplacements.

En conséquence, pour ces différentes raisons, la CNIL considère qu’une « base législative spécifique apparaît nécessaire avant toute mise en œuvre opérationnelle, que ce soit à titre expérimental ou non ». Ainsi, le projet ne saurait trouver son fondement dans les dispositions législatives d’ordre général ou dans le seul pouvoir réglementaire de la ville de Saint Etienne et donc nécessite « une intervention préalable du législateur ». À défaut, le traitement de données personnelles envisagé dans ce projet « ne saurait être mis en œuvre de façon licite ».

À la suite de ce courrier de la CNIL, la ville de Saint Etienne a indiqué dans un communiqué de presse qu’elle « ne fera pas appel de la décision de la décision de la CNIL auprès du Conseil d’Etat » et que « compte tenu de l’absence de cadre législatif clairement arrêté, la ville de Saint-Etienne ne mènera pas l’expérimentation des capteurs sonores envisagée au printemps dernier ».

Précisions apportées à la notion de soutenabilité financière dans une société anonyme de coordination

A l’occasion d’une question écrite n°11242, publiée au Journal Officiel du Sénat le 4 juillet 2019, le sénateur Jacques BIGOT a sollicité du ministre chargé de la Ville et du Logement « […] de bien vouloir clarifier l’articulation [des] différents dispositifs d’aides aux organismes d’HLM en difficultés » et plus précisément, « […] l‘articulation entre les aides financières délivrées aux organismes d’habitations à loyer modéré par la caisse de garantie du logement locatif social en cas de difficultés et la garantie de soutenabilité financière devant être mise en place par les sociétés anonyme de coordination (SAC) prévues à l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation ».

Par une réponse, publiée au Journal Officiel du Sénat le 10 octobre 2019, le Ministre chargé du Logement a rappelé que la société de coordination, créée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« Loi ELAN ») et définie à l’article L. 423-1-2 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après dénommé « CCH »), doit notamment « […] prendre les mesures nécessaires pour garantir la soutenabilité financière du groupe ainsi que de chacun des organismes qui le constituent, autres que les collectivités territoriales et leurs groupements […] ».

Sans revenir sur les mesures mises à la disposition de la société de coordination pour garantir cette soutenabilité financière, il convient de relever que ladite soutenabilité financière ne faisait l’objet d’aucune définition juridique.

En l’absence de définition juridique, les premiers commentateurs de la Loi ELAN ont néanmoins tenté de définir cette notion et d’en préciser les incidences sur les membres d’une société de coordination.

La Fédération des OPH a ainsi indiqué que « la notion de soutenabilité financière n’est pas définie par un texte. Tout au plus relève-t-on que la commission européenne connaît le concept de « soutenabilité de la dette », défini comme la capacité des ressources budgétaires à financer une dette future, et qu’en France la soutenabilité budgétaire est évoquée par quelques textes [tels que le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable public de 2012, complété par une circulaire de 2017]. La combinaison de ces approches permettait d’entendre la soutenabilité financière comme la capacité du groupe et des organismes qui le constituent à présenter une situation financière leur assurant d’une part la faisabilité des opérations engagées à court terme et d’autre part la pérennité de leur activité à moyen terme. C’est donc un critère d’appréciation de la situation financière du groupe et de ses membres reposant sur une analyse à la fois rétrospective et prospective »[1]

 

Et, la Fédération des OPH a surtout ajouté que cette soutenabilité financière « […] n’équivaut pas une solidarité juridique des membres de la société de coordination envers les créanciers de la société de coordination ou d’un des membres »[2].

L’Union Sociale pour l’Habitat[3] a également confirmé « que l’existence de soutenabilité financière posée par la loi n’entraine pas d’obligation de solidarité au sens juridique entre les membres du groupe contrairement aux membres d’un GIE ».

La notion de soutenabilité, employée en finances publiques, renvoie à la capacité d’un Etat de rester solvable c’est-à-dire de conserver des marges de manœuvres budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements.

Le principal apport de cette réponse ministérielle est donc de définir juridiquement la notion de soutenabilité financière d’un organisme HLM comme :

« […] la capacité à dégager des ressources suffisantes pour honorer ses engagements à court, moyen et long terme, c’est-à-dire la capacité à rembourser sa dette et à réaliser les investissements nécessaires à l’accomplissement de son plan stratégique de patrimoine (PSP). Les ressources financières disponibles pour investir sont assimilées dans le secteur HLM au potentiel financier, alimenté notamment par l’autofinancement d’exploitation dégagé par l’organisme chaque année ».

Le ministre chargé du Logement a en outre ajouté que « […] la société de coordination disposera des outils et informations nécessaires au suivi de la soutenabilité financière de chacun de ses associés, notamment au travers de projections financières et des résultats d’exploitation ».

Outre cette définition attendue de la soutenabilité financière et afin de répondre à la demande de clarification formulée par le sénateur Jacques BIGOT, le ministre en charge du Logement a, après avoir cité in extenso les dispositions de l’article L. 452-1 du CCH, rappelé que ces dernières confient « […] pour partie des missions similaires à la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social […] » et a précisé que ces dispositions « […] se [matérialisent] par les protocoles d’aide au rétablissement de l’équilibre et à la consolidation dont peuvent bénéficier les organismes de logement social ».

S’agissant de l’articulation entre les aides financières accordées par la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social et les mesures pouvant être mises en œuvre par la société de coordination pour garantir la soutenabilité financière du groupe d’organismes de logement social, le ministre chargé du Logement a relevé que « [l]e régime des aides de la CGLLS datant de 2008, et les sociétés de coordination étant en cours de création pour être ensuite agréées, il devra bien entendu être revu rapidement, en lien très étroit avec l’État et bien sûr le secteur HLM ».

Préconisant une réflexion basée sur la concertation de l’ensemble des parties prenantes du secteur HLM et dont l’objet est de repenser l’articulation du système actuel des aides financières accordées aux organismes HLM, le ministre chargé du Logement a précisé que cette réflexion « […] devra redéfinir, sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui, un nouvel équilibre entre les mesures de redressement interne, les mesures de soutien des actionnaires, collectivités et éventuellement des autres membres du groupe et également la solidarité nationale qu’exerce cette caisse de garantie […] ».

[1] FEDERATION DES OPH, Guide juridique, La société de coordination, mars 2019.

[2] Ibidem.

[3] Cahier Repères, Loi ELAN du 23 novembre 2018, Principales dispositions intéressant les organismes HLM : Analyse de la direction juridique et fiscale de l’USH, janvier 2019, n°54, page n°62)

Précision de la CNIL sur les traitements ne nécessitant pas d’étude d’impact préalable

Par une délibération n° 2019-118 en date du 12 septembre 2019, la CNIL a adopté une liste définitive de douze types d’opérations de traitement ne nécessitant pas l’élaboration d’une étude d’impact préalable, conformément aux dispositions de l’article 35.5 du RGPD. De plus, conformément à cet article, le projet de liste établi par la CNIL a été communiqué au Comité européen de la protection des données (anciennement dénommé le G 29) qui a adopté un avis sur ce projet le 10 juillet 2019.

Ainsi, la CNIL estime que sont exonérés d’étude d’impact préalable notamment :

  • Les traitements mis en œuvre dans les conditions prévues par les textes relatifs à la gestion du fichier électoral des communes ;
  • Les traitements mis en œuvre par une association, une fondation ou toute autre institution sans but lucratif pour la gestion de ses membres et de ses donateurs dans le cadre de ses activités habituelles dès lors que les données ne sont pas sensibles ;
  • Les traitements mis en œuvre par les collectivités territoriales et les personnes morales de droit public et de droit privé aux fins de gérer les services en matière d’affaires scolaires, périscolaires et de la petite enfance ;
  • Les traitements mis en œuvre aux seules fins de gestion des contrôles d’accès physiques et des horaires pour le calcul du temps de travail, en dehors de tout dispositif biométrique.


Dans cette délibération, la CNIL rappelle également que « si la présence d’une opération de traitement sur la présente liste dispense de réaliser une analyse d’impact, le responsable de traitement reste soumis à l’ensemble des autres obligations qui lui incombent en application du RGPD et de la loi du 6 janvier 1978. Notamment, le fait qu’une activité de traitement relève de cette liste ne signifie pas qu’un responsable de traitement est exempté des obligations énoncées à l’article 32 du RGPD en matière de sécurité du traitement ».

Enfin, la CNIL rappelle dans son communiqué que cette liste n’est pas exhaustive. En effet, des traitements qui ne figurent pas sur cette liste peuvent ne pas nécessiter l’élaboration d’une étude d’impact préalable. Tel est le cas des traitements de données « qui ne présentent pas de risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques car ils ne répondent à aucun des critères issus des lignes directrices du G29 ».

L’avis négatif de la CNIL sur l’expérimentation de la reconnaissance faciale dans deux lycées de la Région Sud

La Région Sud a souhaité mettre en place un dispositif de reconnaissance faciale afin de contrôler les entrées de deux lycées de la région dans un objectif de sécurisation et de fluidification de ces entrées. La Région Sud a saisi la CNIL pour avis. L’autorité de contrôle vient de rendre un avis négatif sur ce projet en estimant que le dispositif projeté est contraire aux grands principes de proportionnalité et de minimisation des données posés par le RGPD.

Le projet de la Région Sud reposait sur le consentement préalable des lycéens pour une expérimentation d’une année scolaire. La CNIL indique que ce projet a fait l’objet d’une analyse d’impact, par la Région Sud et les deux lycées, qui a été transmise à l’autorité de contrôle fin juillet.

Dans son communiqué, la CNIL estime que « les dispositifs de reconnaissance faciale sont particulièrement intrusifs et présentent des risques majeurs d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles des personnes concernées. Ils sont par ailleurs de nature à créer un sentiment de surveillance renforcé ».

La commission ajoute que ces risques d’atteintes à la vie privée sont plus importants s’agissant de mineur comme dans l’expérimentation proposée, et rappelle par ailleurs que les mineurs font l’objet d’une protection renforcée dans le droit européen et national.

Ainsi, l’autorité de contrôle estime qu’une vigilance importante s’impose, en raison des dommages que pourrait entrainer un incident de sécurité sur ces données. Ce risque n’est pas hypothétique, en atteste la récente découverte d’une fuite de millions de données biométriques et de reconnaissance faciale au Royaume-Unis provenant de l’entreprise de sécurité Suprema.

Dans son communiqué, la CNIL indique que l’objectif poursuivi par cette expérimentation peut tout aussi bien être atteint par des moyens moins intrusifs et permettant d’assurer le respect de la vie privée et des libertés individuelles des élèves comme par exemple le contrôle par badge. Ainsi, le contrôle des accès d’un lycée par un dispositif de reconnaissance faciale apparait comme disproportionné et apparait contraire aux dispositions du RGPD.

En conséquence, la CNIL conclut qu’un « tel dispositif ne saurait donc être légalement mis en œuvre » et que, dès lors, les responsables de cette expérimentation doivent « en tirer les conséquences ».

Pour conclure, cet avis négatif de la CNIL peut être analysé au regard de la décision du 20 août 2019 de la Datainspektionen, i.e. l’autorité de contrôle suédoise en matière de protection des données, qui a condamné un établissement scolaire à une amende de 200 000 SEK (environ 18 500 euros). L’établissement scolaire avait testé pendant trois semaines la reconnaissance faciale pour remplacer le système d’appel des élèves. L’établissement n’avait pas consulté préalablement l’autorité de contrôle, ni effectué une étude d’impact préalable. Dans le cadre de cette expérimentation, l’établissement avait obtenu le consentement de 22 élèves. A ce sujet, la Datainspektionen estime que le consentement n’était pas le bon fondement de la licéité du traitement en raison du déséquilibre manifeste entre la personne concernée et le responsable du traitement.

La Datainspektionen conclut, tout comme la CNIL, que la reconnaissance faciale est un traitement particulièrement sensible et que ce dispositif est susceptible d’enfreindre les articles 5 et 9 du RGPD si l’établissement décidait de poursuivre cette expérimentation.

Parution du décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel

Après l’intervention des grandes Villes pour réguler le déferlement des trottinettes électriques dans leurs rues, et alors que la loi d’orientation des mobilités (LOM) proposant un encadrement juridique du free floating sera prochainement définitivement adoptée, c’est une nouvelle pierre à l’édifice de l’encadrement des trottinettes électriques, mais, plus largement, des « engins de déplacement personnel », que vient ajouter le pouvoir règlementaire.

Notons que texte ne s’applique pas :

  • qu’aux seules trottinettes, mais à tout engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé, tels que les hoverboard, gyropodes et monoroues. Une nouvelle catégorie de véhicules est créée au sein du Code de la route (Article R. 311-1 du Code de la route, catégorie « Autres véhicules», nouvelles sous-catégories 6.14, 6.15 et 6.16) ;
  • qu’aux engins en libre service (ou free floating) : les propriétaires de ce type d’engins sont tout autant concernés que les personnes recourant à des applications digitales pour louer une trottinette sans station d’attache.

Il vise à définir des règles de sécurité précises (vitesse, circulation, stationnement, équipements…), que les usagers devront respecter, dans la plupart des cas sous peine d’amende.

Parmi les principales mesures, on peut noter l’âge minimal de 12 ans pour conduire ce type d’engins, l’interdiction de tracter ou pousser une charge ou un véhicule et, par ailleurs, l’impossibilité qu’il y ait plusieurs conducteurs sur un même engin (il est en effet souvent remarqué la présence de deux personnes sur les plateformes des trottinettes électriques) sous peine d’une amende de 35 euros.

Par ailleurs, les usagers ne devront pas circuler avec un engin conçu pour dépasser 25 kilomètres par heure, sous peine d’une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, soit 1.500 euros, voire 3.000 euros en cas de récidive. En l’état de la rédaction du texte, le paiement de cette amende pèserait bien sur les conducteurs d’engins, et non les constructeurs : il faudra donc que les premiers veillent à ce que leur machine soit bridée à 25 kilomètres par heure et, concrètement, il conviendra que les vendeurs informent leurs clients de cette limitation.

Il est permis de s’interroger sur la légalité de cette sanction pénale, lorsque l’on constate, comparativement, que ce sont les excès de vitesse égaux ou supérieures à 50 kilomètres par heures au-delà de la vitesse autorisée, avec un véhicule terrestre à moteur, qui justifient l’application d’une contravention de cinquième classe.

Sur ce point, rappelons que la Ville de Paris, quant à elle, propose aux opérateurs de trottinettes électriques que leur vitesse soit bridée à 20 kilomètres par heure.

Le décret apporte également des précisions sur les espaces de circulation des engins. En principe, la circulation en agglomération doit se faire sur les bandes ou pistes cyclables lorsqu’elles existent et elle est en principe interdite, sauf sur les voies vertes et les pistes cyclables, hors agglomération. Par dérogation, l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation peut, par décision motivée, autoriser la circulation sur le trottoir (les conducteurs devant respecter l’allure du pas et ne pas gêner les piétons) ou, sous certaines conditions, sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 80 kilomètres par heure. Le non-respect des règles de circulation est puni d’une amende de 35 euros.

Enfin, le décret fixe des règles applicables aux prescriptions techniques des véhicules (largeur et longueur maximales, feux avant et arrière, dispositif de freinage efficace) et aux équipements des usagers. Le port d’un casque attaché et d’un équipement réfléchissant est obligatoire dans le cas exceptionnel où l’usage des engins est autorisé sur les routes à 80 kilomètres par heure et, en tout état de cause, le port d’un gilet ou d’un autre type d’équipement                               rétro-réfléchissant conforme à la règlementation en vigueur est obligatoire pour la circulation de nuit ou lorsque la visibilité est insuffisante.

Enfin, ces engins constituant une nouvelle catégorie de véhicules à part entière, ils sont pleinement concernés par la règle selon laquelle il est interdit de circuler avec un téléphone en main ou en écoutant de la musique avec un casque ou des écouteurs (Article R. 412-6-1 du Code de la route).

La très grande majorité de ces dispositions sont entrées en vigueur dès le 26 octobre dernier, seules celles applicables aux dispositifs techniques des véhicules s’appliquant plus tardivement, à compter du 1er juillet 2020.

Ce décret résulte de l’usage du pouvoir règlementaire dit « autonome », par opposition avec l’usage du pouvoir règlementaire en application de la loi.

Le processus d’encadrement juridique des nouvelles solutions de mobilité – et notamment du free floating – laisse définitivement perplexe puisqu’il a débuté par l’édiction d’arrêté municipaux, puis de ce décret et, enfin, par la future LOM, soit une inversion complète de la hiérarchie normes.

 

Santé publique : la personne de confiance

Les récents débats autour de la fin de vie sont l’occasion de refaire le point sur l’utilité de désigner une personne de confiance en matière de santé.

Expression de la volonté du patient, la personne de confiance peut être désignée par toute personne majeure selon les dispositions visées à l’article L. 1111-6 du Code de la santé publique issue de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Elle aura de ce fait plusieurs missions, selon que la personne malade peut ou non exprimer encore sa volonté.

Dans le premier cas, la personne de confiance aura un rôle d’accompagnement, ce qui signifie qu’elle pourra, par exemple, soutenir la personne malade dans son cheminement personnel et l’aider dans ses décisions concernant sa santé, assister aux consultations ou aux entretiens médicaux, prendre connaissance d’éléments du dossier médical du malade en sa présence.

Dans le second cas, elle aura un rôle de référent auprès de l’équipe médicale. La personne de confiance sera en priorité consultée par l’équipe médicale pour toute interrogation sur la mise en œuvre, la poursuite ou l’arrêt de traitements et recevra les informations nécessaires à la transmission de la volonté du malade.

Si la personne malade a rédigé des directives anticipées, la personne de confiance les transmettra aux personnels soignants.

Evidemment, la personne de confiance ne prend aucune décision médicale, laquelle appartient en tout état de cause aux médecins, mais témoigne des souhaits, volontés et convictions du patient. En toute hypothèse, la personne de confiance a un devoir de confidentialité concernant les informations médicales qu’elle reçoit, et sur les directives anticipées dont elle peut avoir connaissance.

  

Dans un souci d’efficacité et d’effet probatoire, la désignation de la personne de confiance doit être faite par écrit : sur papier libre, daté et signé des deux intéressés, en précisant les nom, prénom, coordonnées de la personne désignée ou en utilisant un formulaire disponible sur le site : service-public.fr. Si la personne malade souhaite rédiger des directives anticipées, le formulaire disponible sur le site : solidarites-sante.gouv.fr prévoit également la désignation d’une personne de confiance.

Si la personne malade a des difficultés pour écrire, elle peut solliciter le témoignage de deux personnes attestant par écrit que cette désignation est bien sa volonté. En cas de changement d’avis et/ou de personne de confiance, la personne malade doit le préciser par écrit (ou par oral devant deux témoins qui l’attesteront par écrit).

Pour être effective et efficace, il est important que l’information de la désignation d’une personne de confiance soit connue des professionnels de santé ; dans cette perspective, le document en attestant peut être versé au dossier médical du médecin traitant et/ou, le cas échéant, celui de l’équipe soignante hospitalière ou dans le Dossier Médical Partagé.

Associations syndicales libres : un outil d’avenir ?

L’association syndicale libre (ASL) est un groupement de propriétaires immobiliers constitué pour mener diverses actions dans l’intérêt collectif de leurs propriétés. Elle peut regrouper des personnes physiques ou morales, de droit privé comme de droit public.

Proche du régime de la copropriété, elle ne doit toutefois pas être confondue.

Le régime de la copropriété est plus réglementé (loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et son décret n° 67-223 du 17 mars 1967), alors que dans le même temps les ASL sont soumises à un régime associatif.

Ainsi, les associés ont la main sur la rédaction de leurs statuts, de leurs modalités de gouvernance, et d’adoption des décisions. Seul impératif, ces dispositions ne doivent pas être contraires à l’ordre public et respecter l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, et son décret n° 2006-504 du 3 mai 2006.

Mal connue, l’ASL est pourtant un outil pertinent et moins contraignant que le statut de la copropriété.

L’ASL peut ainsi apparaître comme l’outil à privilégier pour la gestion des grands ensembles immobiliers.

En effet, en raison d’un cadre légal très souple, la liberté contractuelle s’exprime pleinement au travers des statuts des ASL.

Pour les associations existantes, l’attention doit être toutefois attirée sur la mise en conformité des ASL créées avant l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

En effet, ces associations relevaient essentiellement de la loi du 21 juin 1865 et divers textes spéciaux en fonction de leur objet, mais ces textes ont été abrogés par l’ordonnance du 1er juillet 2004, laquelle a harmonisé les régimes de ces associations et imparti aux associations existantes un délai de 2 ans à compter de la promulgation du décret d’application (décret n° 2006-504 du 3 mai 2006) pour se mettre en conformité.

Ainsi, si tel n’a pas été le cas, il apparait urgent de réagir.

En effet, le défaut de mise en conformité des statuts, fait perdre à l’ASL, l’ensemble de ses attributs juridiques et plus particulièrement sa capacité d’agir en justice, d’acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer (article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004).

Toutefois le législateur est intervenu, aux termes de l’article 59 de la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, afin de préciser que les associations syndicales libres avaient la possibilité de recouvrer leur droit d’ester en justice en accomplissant, même après l’expiration du délai de 2 ans, les mesures de publicité prévues par l’article 8 de ladite ordonnance.

Il ne faut pas dès lors pas hésiter. Il est encore temps.

Dans cette hypothèse, quelle est la démarche à suivre ?

1- En premier lieu, il est indispensable de procéder à la mise en conformité des statuts, qui doit être votée à la majorité prévue par les anciens statuts, voire à l’unanimité si ceux-ci sont silencieux.

Lors de cette adaptation, et compte tenu de l’ancienneté des ASL, il s’avère souvent complexe de définir avec précision le périmètre de l’association, faute de plan annexé ou de retrouver trace du plan périmétral originel.

Par ailleurs, les statuts qui ont été constitués préalablement à la réalisation des équipements communs, s’avèrent être, après plusieurs années, inadaptés quant aux règles de fonctionnement mises en place lors de la constitution de l’ASL.

Dans cette situation il conviendra de s’adjoindre les conseils d’un géomètre expert afin de définir avec précision le périmètre de l’association.

2 – En second lieu, l’association syndicale libre doit effectuer en préfecture une déclaration de modification des statuts, dont elle reçoit récépissé sous 5 jours.

C’est à compter de cette date qu’elle recouvre la plénitude des attributs de la personnalité juridique, la préfecture se chargeant directement de la publication d’un extrait des statuts au Journal Officiel.

Toutefois, pour de nombreuses ASL, le processus se complique davantage par l’impossibilité de retrouver la trace de la publication initiale de la constitution de l’association syndicale.

En effet, il peut être difficile de retrouver les références de publication. Parfois même, les formalités n’ont jamais été accomplies.

Dans ces conditions, il apparait indispensable d’être accompagné sur une telle mise en conformité.

****

En conclusion, l’ASL présente d’importants atouts dans la mesure où les associés disposent d’une large liberté pour décider, via les statuts, des règles de gouvernance et de prise de décisions.

Pour les ASL existantes, il convient toutefois de procéder à la mise à jour des statuts, en s’adjoignant le cas échéant une équipe d’experts (avocats, géomètres experts, etc.).

A défaut, l’ASL, dépourvue de ses attributs juridiques, ne pourra accomplir aucun acte de disposition.

Par Claire-Marie Dubois-Spaenlé et Samira Nina

Détermination du Tribunal administratif territorialement compétent pour connaître des litiges relatifs à la délivrance des « chèques énergie »

La décision du Conseil d’État du 30 septembre 2019 ici commentée a été l’occasion pour le Conseil d’État de préciser la compétence territoriale des Tribunaux administratifs s’agissant de la contestation des décisions relatives à l’attribution du « chèque énergie ».

Pour rappel, l’article L. 124-1 du Code de l’énergie prévoit que le chèque énergie est un titre spécial de paiement qui permet aux ménages, dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un plafond fixé par décret, d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses d’énergie relatives à leur logement ou de certaines dépenses qu’ils assument en vue d’améliorer la qualité environnementale ou de maîtriser la consommation d’énergie de ce logement.

En l’espèce, l’Agence de services et de paiement avait refusé le bénéfice du chèque énergie à une personne pour son logement situé à Rians dans le département Var. Cette dernière a alors introduit un recours de plein contentieux pour demander l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Toulon.

Par une ordonnance du 8 janvier 2019, le vice-président du tribunal administratif de Toulon a, sur le fondement du premier alinéa de l’article R. 351-3 du Code de justice administrative, transmis la demande au Tribunal administratif de Lille. Par une ordonnance du 16 janvier 2019, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a, sur le fondement du second alinéa de l’article R. 351-3 du Code de justice administrative, transmis le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d’État pour que ce dernier tranche la question du tribunal administratif compétent pour connaître de cette demande.

Le Conseil d’État commence par rappeler que les litiges relatifs au chèque énergie relève de la compétence de la juridiction administrative au titre de l’article R. 772-5 du Code de justice administrative.

Le Conseil d’État rappelle ensuite les termes de l’article R. 312-7 du Code de justice administrative, lequel dispose notamment que « les litiges relatifs aux déclarations d’utilité publique, au domaine public, aux affectations d’immeubles, au remembrement, à l’urbanisme et à l’habitation, au permis de construire, d’aménager ou de démolir, au classement des monuments et des sites et, de manière générale, aux décisions concernant des immeubles relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouvent les immeubles faisant l’objet du litige ».

Qualifiant le recours de plein contentieux contre la décision de refus de délivrance du chèque énergie au regard de ces dispositions, le Conseil d’État juge que la demande de la requérante « est dirigée contre un refus d’aide afférente à son logement, doit être regardée comme soulevant un litige relatif à une décision concernant un immeuble, au sens des dispositions de l’article R. 312-7 du Code de justice administrative » et il conclut que cette demande « relève, par suite, de la compétence en premier ressort du Tribunal administratif de Toulon, dans le ressort duquel est situé le logement en cause ».

Raccordement au réseau public de distribution d’électricité : précisions sur la transparence exigée du gestionnaire

Par cette décision, le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (CoRDIS) est venu apporter de nouvelles précisions sur les conditions dans lesquelles les demandes de raccordement des consommateurs au réseau public de distribution d’électricité doivent être instruites de manière transparente par les gestionnaires de ce réseau.

Le différend soumis ici au CoRDIS concernait le raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’une maison récemment achevée à la suite de la délivrance d’un permis de construire. S’agissant du raccordement, il apparaît que les demandeurs, représentés devant le CoRDIS par la société Elec’Chantier, avaient été informés (lors de la phase d’instruction de leur permis de construire) de ce que le raccordement au réseau public de distribution d’électricité de leur maison ne nécessiterait aucune extension du réseau mais seulement un branchement.

Puis, finalement, lors de l‘instruction de leur demande de raccordement, le gestionnaire du réseau de distribution, Enedis, leur a indiqué que si leur raccordement ne nécessitait pas d’extension du réseau sous sa maîtrise d’ouvrage, une extension devait être en réalité effectuée sous la maîtrise d’ouvrage de l’autorité concédante, propriétaire du réseau.

Estimant que la société Enedis avait commis plusieurs manquements dans l’instruction de leur dossier, les demandeurs ont saisi le CoRDIS afin de voir tranché leur différend.

Les demandeurs reprochaient principalement à la société Enedis des pratiques trompeuses et abusives (défaut de transparence) sur la nécessité de réaliser des travaux d’extension de même que sur la répartition de la maîtrise d’ouvrage entre la société Enedis et l’autorité concédante (un syndicat d’électricité en l’espèce). Les demandeurs invoquaient également le fait qu’Enedis avait traité leur demande de raccordement de manière discriminatoire.

Sur le défaut de transparence invoqué tout d’abord, le CoRDIS accueille le moyen des demandeurs en relevant qu’Enedis ne les avait pas suffisamment informés de la nécessité de réaliser des travaux d’extension.

Et à cette occasion, le CorDIS est venu préciser que dans le cadre des demandes de raccordement des consommateurs au réseau public de distribution d’électricité, la société Enedis peut ou non tenir compte de l’application de la norme NF C 14-100 pour proposer, soit l’opération de raccordement de référence qui minimiserait la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement, soit une opération de raccordement différente de celle-ci, à son initiative ou à la demande de l’utilisateur, dès lors que ladite norme n’est plus obligatoire.

Le CoRDIS considère ainsi que la société Enedis ne pouvait procéder comme elle l’a fait pour répondre à la demande de raccordement qui lui avait été soumise, c’est-à-dire en déterminant une unique solution technique dans le cadre d’une application de la norme NF C 14-100 considérée comme impérative par ses services.

S’agissant de la norme NF C 14-100, il faut en effet relever qu’Enedis détermine en principe toujours les travaux de branchement et d’extension à réaliser en application de cette norme et plus largement de sa Documentation Technique de Référence publiée (voir sur ce point son barème et sa procédure de traitement).

Cette norme traite de la conception et de la réalisation des installations de branchement basse tension comprises entre le point de raccordement au réseau et le point de livraison aux utilisateurs. Elle été éditée et diffusée par l’Union Technique de l’Electricité (UTE) et elle est homologuée par l’AFNOR. Cette norme n’est toutefois plus d’application obligatoire, selon le CoRDIS, depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 3 août 2016 portant réglementation des installations électriques des bâtiments d’habitation.

C’est dans ce contexte que le CoRDIS a finalement été conduit à demander à Enedis de réaliser une étude permettant de déterminer l’opération de raccordement de référence et, en tant que de besoin, l’opération de raccordement alternative, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information des demandeurs.

Sur le moyen relatif au traitement discriminatoire de la demande de raccordement ensuite, le CoRDIS a également accueilli le moyen en considérant que la proposition de raccordement dite de référence, transmise par la société Enedis, avait été réalisée dans des conditions qui ne respectent pas les règles visant à garantir le principe d’accès non-discriminatoire au réseau dès lors que le gestionnaire du réseau avait proposé une solution technique sur le seul fondement de la norme NF C 14-100 qui n’est plus d’application obligatoire pour établir l’opération de raccordement de référence.

Pour régler le différend, le CoRDIS a enjoint à la société Enedis de produire une proposition de raccordement se fondant sur l’opération de raccordement de référence, en tenant compte du caractère non-obligatoire de la norme NF C 14-100 et en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information des demandeurs.

 

Fonds de péréquation de l’électricité (FPE) : arrêtés publiés pour 2018 et 2019

Arrêté du 8 octobre 2019 relatif aux coefficients à appliquer à la formule du fonds de péréquation de l’électricité pour l’année 2019

Deux arrêtés relatifs au fonds de péréquation de l’électricité (FPE) ont été récemment publiés. Pris en application de l’’article R. 121-58 du Code de l’énergie, ces arrêtés fixent la valeur des coefficients servant au calcul de la péréquation forfaitaire permettant de déterminer les dotations à recevoir ou contributions à verser par les gestionnaires de réseaux pour les années 2018 et 2019. 

On rappellera ainsi que le FPE est un dispositif qui a pour objet de répartir entre les gestionnaires de réseaux de distribution les charges d’exploitation qu’ils supportent dans l’exercice de leur mission alors même que le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (dit « TURPE ») qu’ils perçoivent ne permet pas de couvrir l’ensemble de leurs charges, à l’exception de la société Enedis.

Pour cette dernière, dont la zone de desserte exclusive couvre 95 % du territoire métropolitain (contre 5% pour les entreprises locales de distribution – les ELD), le TURPE est calculé de manière à couvrir l’ensemble de ses charges d’exploitation et d’investissement.

C’est pour corriger ce déséquilibre, et permettre aux ELD de voir les charges qu’elles supportent au titre de leurs obligations de service public couvertes au vu de ce contexte particulier, que la loi a instauré le FPE.

Le FPE est régi par les articles L. 121-29 et L. 121-30 et R. 121-44 à R. 121-64 du Code de l’énergie, ces dispositions étant issues des modifications apportées par le décret n° 2017-847 du 9 mai 2017 relatif à la péréquation des charges de distribution d’électricité (et commenté dans notre LAJEE n°29 publiée en Juin 2017).

Les articles R.121-53 et R.121-57 du Code de l’énergie définissent les modalités de calcul des contributions appelées et des dotations versées au titre du FPE selon que l’exploitation du service public de la distribution assurée par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité est bénéficiaire ou déficitaire.

Et c’est en application de ces dispositions que le Ministre de la transition écologie et solidaire a fixé les valeurs des coefficients pour les années 2018 et 2019 par   deux arrêtés ici commentés, lesquels fixent également les contributions et dotations de chacun des gestionnaires des réseaux publics de distribution qui en résultent.

 

 

 

 

Tarifs réglementés de vente d’électricité : nouvelles précisions de la CRE en cas d’atteinte du plafond de l’ARENH en 2020

Délibération de la CRE du 17 octobre 2019 portant décision sur la méthodologie de prise en compte dans les tarifs réglementés de vente d’électricité pour l’année 2020 de l’éventuelle atteinte du plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique au guichet de novembre 2019

 

Par délibérations en date des 17 et 30 octobre 2019, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a précisé les règles qu’elle envisage d’appliquer en 2020 en cas de dépassement du plafond du dispositif de l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ARENH) lors du guichet à venir de novembre 2019.

Introduit par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite « loi NOME »), le dispositif transitoire de l’ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d’électricité d’acheter l’électricité produite par les centrales nucléaires de la société EDF à un prix régulé (art. L. 336-1 et suivants du Code de l’énergie). La quantité d’électricité à céder dans ce cadre ne peut excéder un plafond fixé par arrêté dans la limite de 100 TWh par an. Depuis l’arrêté du 28 avril 2011, ce plafond est fixé à son maximum légal.

Face à des prix élevés sur les marchés de gros de l’électricité, les demandes des fournisseurs pour bénéficier de l’ARENH pour l’année 2019 ont atteint un volume total de 133 TWh, dépassant le plafond de l’ARENH pour la première fois depuis sa création.

En conséquence de quoi, la CRE avait défini, par une délibération du 25 octobre 2018 une méthode visant à rationner (ou « écrêter ») le plafond de l’ARENH au prorata des volumes demandés par les fournisseurs, ainsi que des corrections apportées aux compléments de prix (appliquées en cas de demandes excédentaires ou excessives d’ARENH des fournisseurs).

Et ce rationnement ou « écrêtement » de l’ARENH avait été répercuté dans le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) de l’année 2019 selon une méthode fixée par délibération de la CRE du 11 janvier 2018 et appliquée dans sa délibération du 7 février 2019.

De plus, la prochaine loi relative à l’énergie et au climat (art. 62-III) devrait prévoir une augmentation du plafond légal de l’ARENH à 150 TWh par an, ce qui permettrait au Gouvernement de relever le plafond à respecter dans cette même limite lorsque la loi sera en vigueur (cette dernière étant actuellement en cours d’examen devant le Conseil constitutionnel – voir notre Focus de juillet 2019).

Or, si un relèvement du plafond de l’ARENH n’est pas envisagé à ce jour selon les annonces du Gouvernement dans la presse, les demandes d’ARENH pour l’année à venir devraient être supérieures à celles de 2019, dépassant derechef le plafond de 100 TWH toujours en vigueur.

Dans ce contexte, les délibérations commentées apportent trois séries de précisions afin de (mieux) anticiper les règles d’attribution de l’ARENH en cas de demandes supérieures au plafond en 2020 et les conséquences de ce dépassement sur les tarifs réglementés de vente d’électricité.

S’agissant tout d’abord de la règle d’écrêtement de l’ARENH, la délibération du 30 octobre 2019 précise que la règle appliquée début 2019 sera reconduite en 2020 : elle s’appliquera aux nouvelles demandes d’ARENH des fournisseurs au guichet de novembre 2019, déduction faite des demandes effectuées au guichet précédent et restant à livrer.

De même, les demandes des filiales contrôlées par EDF dépassant le plafond seront écrêtées intégralement. Encore par sa délibération, la CRE vient également poser un cadre pour sanctionner le comportement d’un fournisseur qui demanderait des quantités « manifestement excessives » d’ARENH. Dans un tel cas, ces demandes excessives d’ARENH seront écrêtées intégralement. Le cas échéant, la CRE pourra n’attribuer aucun volume d’ARENH au fournisseur concerné. De plus, afin d’anticiper de telles situations, la CRE a par ailleurs d’ores et déjà demandé aux fournisseurs qui auraient des demandes plus élevées de justifier la prévision de consommation formulée dans leur dossier de demande, en cas d’augmentation substantielle par rapport à l’année 2019.

En outre, en cas d’abus de droit à l’ARENH au sens de l’article L. 134-26 du Code de l’énergie, la délibération donne la possibilité au Président de la CRE de saisir le CoRDIS d’une demande de sanction.

Concernant ensuite le calcul des compléments de prix en cas de dépassement du plafond ARENH en 2020, la CRE a indiqué, dans sa délibération du 30 octobre 2019, que le calcul de ces compléments de prix continuera de prendre en compte l’atteinte du plafond de l’ARENH, sous réserve de l’adoption d’un texte réglementaire sur ce point[1].

Pour ce qui est enfin de la méthode de prise en compte de l’écrêtement de l’ARENH dans le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité en 2020, la CRE a décidé, dans sa délibération commentée du 17 octobre dernier, d’appliquer sa précédente méthode.

Après avoir analysé les retours des participants à une consultation publique du 2 octobre 2019 sur sa proposition de lissage dans le temps des effets de l’écrêtement sur les tarifs, la CRE a finalement abandonné cette proposition, à « l’impact très modéré », face à un risque de « renchérissement du coût (…) pour les consommateurs ».

En définitive, en l’absence d’un relèvement du plafond de l’ARENH par le Gouvernement, ainsi que la future loi relative à l’énergie et au climat devrait le lui permettre jusqu’à 150 TWh, la CRE reconduit, pour 2020, l’essentiel des règles édictées pour le dépassement du plafond de l’ARENH au titre de l’année 2019, et en les anticipant davantage.

[1] Qui ferait suite à l’entrée en vigueur de l’article 62-II de la loi relative à l’énergie et au climat

Publication d’un document de réflexion et de proposition sur « Le stockage d’électricité en France »

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a récemment publié un document de réflexion et de proposition sur le stockage d’électricité en France.

Cette publication fait suite à un appel à contributions organisé par la CRE au cours du premier trimestre 2019. Une quarantaine de ces contributions est publiée par la CRE, parmi lesquelles celles de RTE, d’EDF, d’Enedis, de l’ADEME ou encore de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR).

La CRE indique que les réponses apportées à l’appel à contribution montrent qu’il n’existe pas d’obstacle majeur au développement du stockage en France et que « le stockage par batteries apparait ainsi comme une technologie prometteuse pour répondre au besoin croissant de flexibilités engendré par la transition énergétique mondiale» (p.2).

La CRE entend néanmoins définir une feuille de route permettant de faciliter le développement du stockage sur la base des trois catégories d’enjeux, correspondant aux trois parties du rapport.

Tout d’abord, la CRE souhaite faciliter l’insertion des installations de stockage dans le système électrique (première partie du document). Dans ce cadre, la CRE envisage notamment les pistes suivantes :

  • La création d’un statut juridique spécifique du stockage (piste proposée par de nombreux contributeurs) : la CRE considère qu’il s’agit d’une question complexe et que si la création d’un statut du stockage pourrait certes présenter des avantages en matière de sécurité juridique, cet objectif pourrait également être atteint par une évolution du cadre juridique ne passant pas par la création d’un statut spécifique du stockage ;
  • La simplification et la clarification des procédures de raccordement des installations de stockage;
  • L’amélioration du contenu des études de raccordements aux spécificités de l’activité de stockage ;
  • La clarification du cadre applicable au stockage dans le cadre des S3REnR en ne faisant apparaître dans ces schémas que les installations hybrides alliant production d’énergie renouvelable et stockage ;
  • La détermination des prescriptions techniques devant s’imposer au stockage, en l’absence, à ce jour, de toute précision fournie par le cadre légal et réglementaire.

 

Ensuite, la CRE souhaite s’assurer que le stockage puisse offrir facilement ses services (deuxième partie du document).

La CRE estime en effet que le stockage d’électricité peut créer de la valeur de différentes manières : « permettre des arbitrages de prix sur les marchés, permettre à un producteur d’étaler sa production, permettre à un consommateur de diminuer sa pointe de consommation, fournir des services système au réseau, contribuer à la gestion des congestions, etc. ». Mais la CRE poursuit en relevant que « le développement du stockage ne pourra se faire au bénéfice de tous que si les dispositifs de stockage sont exploités au maximum de leurs capacités. Pour cela, ils doivent notamment savoir où s’implanter et pouvoir effectivement valoriser ces services. ».

Pour ce faire, les leviers identifiés par la CRE sont notamment les suivants :

  • assurer la transparence sur les besoins en flexibilité des gestionnaires de réseaux, ce qui nécessite la publication par RTE des congestions identifiées sur le réseau de transport à compter de janvier 2020 et la publication par Enedis des contraintes sur le réseau de distribution, dans un premier temps sur la plage de tension HTA, et ses besoins de flexibilité associés, pour mars 2020 ;
  • encadrer le recours aux flexibilités locales et inciter les gestionnaires de réseaux à les intégrer dans leurs décisions relatives aux investissements et au dimensionnement des réseaux ;
  • rendre compatibles l’intégralité des marchés du système électrique avec les spécificités du stockage.

Enfin, la CRE souhaite s’assurer de la viabilité économique de l’activité de stockage (sujet développé dans la troisième partie du document). Ce sujet conduit la CRE à s’interroger sur une éventuelle exonération de paiement du TURPE ou l’instauration d’un TURPE spécifique pour les dispositifs de stockage, sur l’assujettissement des installations de stockage au paiement de la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) ou encore sur la création de dispositifs de soutien financier spécifiques à l’activité de stockage (mécanisme auquel la CRE n’est pas favorable).

En synthèse, dans ce rapport, la CRE définit un programme de travail, adresse des demandes aux gestionnaires de réseaux et formule des recommandations aux pouvoirs publics pour les actions de leur ressort.

Pour parvenir à réaliser ce programme, la CRE et la Direction Générale de l’Énergie et du Climat proposent la création d’un groupe de travail spécifique au stockage. Ce groupe de travail sera chargé d’établir l’état d’avancement de la feuille de route et d’aborder les problématiques spécifiques au stockage parmi lesquelles la définition juridique de l’opérateur de stockage.

Avis de la CRE sur la définition du critère de proximité géographique proposé par le Ministre de l’écologie en matière d’autoconsommation collective

Après avoir été introduite dans le Code de l’énergie par l’ordonnance n°2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité, puis modifiée par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (voir notre Lettre d’actualité juridique énergie et environnement du mois de novembre 2018), la notion d’autoconsommation collective a, de nouveau, été amendée par l’article 126 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (ci-après « loi PACTE »).

Dans sa version issue de la loi PACTE, l’article L. 315-2 du Code de l’énergie dispose, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, qu’une « opération d’autoconsommation est collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur le réseau basse tension et respectent les critères, notamment de proximité géographique, fixés par arrêté du ministre chargé de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie ».

C’est dans ce cadre qu’un projet d’arrêté a été établi par le Ministre de l’énergie et transmis à la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) afin que cette dernière rende un avis. C’est l’objet de la délibération de la CRE du 29 septembre 2016 ici commentée.

Il résulte de la délibération de la CRE que le projet d’arrêté propose de fixer les critères suivants :

«1. [Les participants à une opération d’autoconsommation collective] sont raccordés au réseau basse tension d’un unique gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité et sont contenus dans un périmètre d’un kilomètre de rayon (défini comme une distance maximale de deux kilomètres entre deux participants au projet d’autoconsommation collective). La distance entre les sites participants à l’opération d’autoconsommation collective s’apprécie à partir :

    • du point de livraison pour les sites de consommation ;
    • du point d’injection pour les sites de production.

2. La puissance cumulée des installations de production est inférieure à :

    • 3 MW sur le territoire métropolitain continental ;
    • 0,5 MW dans les zones non interconnectées.

Pour l’énergie solaire, la puissance considérée est la puissance crête. »

Ainsi, alors que la rédaction de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie en vigueur avant la loi PACTE retenait un critère géographique reposant sur le fait que les participants à l’opération soient « situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution », le projet d’arrêté soumis à la CRE retient un critère uniquement lié à l’éloignement géographique des participants, sans lien avec l’architecture du réseau.

Commentant cette proposition d’évolution, la CRE observe que « ce nouveau critère de proximité rend possible la réalisation de davantage d’opérations d’autoconsommation collective, tout en conservant la dimension « locale » inhérente à l’autoconsommation ».

Pour autant, la CRE relève que « ce critère dilue la possibilité d’un éventuel avantage de l’autoconsommation collective en matière de dimensionnement du réseau électrique » puisque des participants à une même opération d’autoconsommation collective pourront relever de postes HTA/BT différents.

Ainsi « une production et une consommation situées dans deux poches différentes, même proches géographiquement, peuvent être éloignées d’un point de vue électrique, et impliquent des transits sur les réseaux en HTA, voire en HTB ».

Or, la CRE considère que dès lors que le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (ci-après, TURPE) optionnel à destination des utilisateurs participant à une opération d’autoconsommation collective a été construit sur la distinction

« entre flux « alloproduits » et « autoproduits » (soit produits et consommés à l’aval d’un même poste HTA/BT) », ledit TURPE ne pourra s’appliquer qu’aux seules opérations d’autoconsommation collective dont l’ensemble des participants se situe à l’aval d’un même poste HTA/BT. Ce TURPE optionnel ne pourra donc s’appliquer qu’à une partie des opérations d’autoconsommation collective.

Ensuite, si la CRE valide le recours à une combinaison entre le critère géographique et un critère de puissance maximal, de nature selon elle à garantir « que les opérations d’autoconsommation collective conservent des proportions contenues », elle juge néanmoins excessif le seuil de 3MW proposé pour le territoire métropolitain continental compte tenu du caractère dérogatoire des opérations d’autoconsommation collective. La CRE estime que ce seuil devrait être ramené à 1MW seulement.

Enfin, le projet d’arrêté identifie également les données nécessaires à l’établissement du bilan de l’expérimentation dont la réalisation est imposée par l’article 126 II de la loi PACTE, en distinguant les informations à transmettre en amont du projet, les données à transmettre annuellement durant l’expérimentation et les données à transmettre avant le 1er janvier 2023 pour permettre l’évaluation de l’expérimentation. A cet égard, la CRE identifie un certain nombre de données supplémentaires dont la collecte mériterait d’être organisée en vue de dresser le bilan de l’expérimentation

En définitive, la CRE émet un avis favorable au projet d’arrêté sous réserve que la puissance maximale des opérations d’autoconsommation collective soit réduite à 1 MW en métropole et que la liste des pièces demandées soit complétée.