le 21/11/2019

L’exclusion d’un candidat d’une procédure de passation justifiée par son comportement lors de précédents marchés

CJUE, 3 octobre 2019, Delta Antrepriză de Construcţii şi Montaj 93 SA, C-273/18

Par cet arrêt du 3 octobre 2019 faisant suite à une question préjudicielle de la Cour d’appel du Bucarest (Roumanie), la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) confirme que le pouvoir adjudicateur peut exclure d’une procédure de passation un candidat qui a commis une faute professionnelle lors de l’exécution d’un précédent marché (en l’occurrence, il s’agissait d’une sous-traitance non déclarée), sous réserve qu’au préalable, il procède à son propre analyse de ladite faute et qu’il laisse la possibilité au candidat de s’expliquer.

 

Dans cette affaire, la Compagnie nationale pour l’administration des infrastructures routières (CNAIR) avait lancé une procédure de passation pour un marché de construction. Au cours de la procédure, elle a appris, en consultant la plateforme « système électronique des marchés publics », que l’un des candidats, l’association temporaire d’entreprises dirigée par la Société DELTA, avait été évincée quelques semaines plus tôt d’un autre marché de travaux par une commune au motif qu’il avait sous-traité des prestations sans son accord. Au vu de cette information et après avoir sollicité des clarifications auprès de la commune et de la Société DELTA, la CNAIR a exclu cet opérateur de la procédure. Après avoir saisi sans succès le Conseil national pour la résolution des contestations, la Société DELTA a introduit un recours devant la Cour d’appel de Bucarest.

 

Pour rappel, l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24/UE relative aux marchés publics dispose que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsque des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un contrat antérieur, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit contrat, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable.

 

La Cour d’appel de Bucarest a décidé de surseoir à statuer et de demander à la CJUE si le recours à la sous-traitance sans le consentement du pouvoir adjudicateur pouvait être regardée comme une défaillance importante ou persistante au sens de l’article précité devant entraîner l’exclusion de son auteur de la participation à une procédure de passation de marché.

 

La CJUE répond qu’en effet, la sous-traitance, par un opérateur économique, d’une partie des travaux dans le cadre d’un marché public antérieur, décidée sans le consentement du pouvoir adjudicateur et qui a donné lieu à la résiliation de ce marché, constitue une défaillance importante ou persistante constatée lors de l’exécution d’une obligation essentielle afférente audit marché et est donc de nature à justifier l’exclusion de cet opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché public ultérieure.

 

Par ailleurs, elle précise que chaque pouvoir adjudicateur doit, sans se lier à l’appréciation rendue par le précédent adjudicataire, examiner par lui-même l’importance et la persistance de la défaillance commise dans le passé par l’opérateur afin d’apprécier si l’opérateur concerné est, de son point de vue responsable de défaillances importantes ou persistantes commises lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre dudit marché. Cet examen de manière doit être réalisé de manière diligente et impartiale, sur la base de tous les éléments pertinents, notamment la décision de résiliation, et en application du principe de proportionnalité. De plus, l’acheteur doit également apprécier si, en ne l’informant pas de cette précédente résiliation, l’opérateur ne s’est pas rendu coupable de fausse déclaration au titre des renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion, ce qui est également un motif d’exclusion. Enfin, l’acheteur est tenu, avant de prononcer l’exclusion, de laisser la possibilité à cet opérateur économique de présenter les mesures correctives qu’il a adoptées à la suite de la résiliation du marché public antérieur, ainsi que le prescrivent l’article 57, paragraphe 6 et le considérant 102 de la directive 2014/24/UE.