Production d’électricité renouvelable : les offres de raccordement alternatives (intelligentes)

L’objectif des offres de raccordement « alternatives », parfois appelées « intelligentes » (ou « ORI »), est de réduire les coûts et délais de raccordement en contrepartie d’une limitation de la puissance d’injection par un producteur d’énergie renouvelable.

Ces offres de raccordement peuvent être proposées aux producteurs par les gestionnaires de réseau de distribution dans les conditions fixées à l’article D. 342-23 du Code de l’énergie[1] :

« Sur demande du producteur, le gestionnaire de réseau propose une offre de raccordement alternative, qui peut inclure le financement d’ouvrages supplémentaires non prévus au schéma et nécessaires au raccordement ou la limitation de la puissance injectée en cas de contrainte sur le réseau. Les modalités de limitation de la puissance injectée sont précisées par arrêté du ministre de l’énergie.

Le gestionnaire de réseau peut proposer une offre de raccordement alternative dans l’intérêt du réseau.

Les offres de raccordement alternatives sont proposées sans préjudice de l’application de l’article D. 342-22. Si le gestionnaire de réseau réalise la solution de raccordement alternative à son initiative, il supporte les surcoûts qui en résultent par rapport à la solution de référence. S’il la réalise à l’initiative du demandeur du raccordement, ce dernier en supporte les surcoûts ».

Les modalités de limitation de la puissance injectée devaient être précisées par arrêté. C’est l’objet du projet d’arrêté soumis à l’avis de la Commission de régulation de l’énergie qui a donné lieu à la délibération commentée.

Le texte de l’arrêté soumis à la CRE propose deux séries de plafonds :

D’une part, des plafonds en énergie et en puissance cumulatifs (application toutefois seulement aux gestionnaire de réseau desservant plus de 100 000 clients) pour qu’une offre de raccordement alternative puisse être proposée :

  • l’énergie écrêtée annuellement ne doit pas dépasser 5% de la production annuelle ;
  • la puissance minimale « non garantie » en injection devrait être inférieure ou égale à 30% de l’installation raccordée : ce plafond signifie qu’un projet ne pourrait bénéficier d’une modulation de puissance trop importante.

D’autre part, des plafonds qui s’appliquent directement au gestionnaire du réseau de distribution. Le texte prévoit ainsi que le gestionnaire du réseau ne pourra pas proposer une offre de raccordement si :

  • la puissance non garantie en injection dans le cadre prévu par l’arrêté dépasse 1% de la capacité d’origine renouvelable raccordée à son réseau ;
  • l’énergie pouvant être écrêtée dans le cadre prévu par l’arrêté dépasse 0,1 % de la production d’origine renouvelable raccordé à son réseau, constatée sur l’année précédente.

Dans sa délibération, la CRE a toutefois estimé que l’ensemble des plafonds proposés étaient inutiles, voire préjudiciables car ils pourraient empêcher ou retarder de nombreux projets de production renouvelable. En particulier, la CRE est très défavorable à l’introduction d’un plafond en puissance pour les ORI : « Elle considère en effet, que pour résoudre une contrainte ponctuelle sur les ouvrages propres du raccordement, une baisse de puissance important, sur une durée courte, peut être nécessaire tout en n’induisant qu’une réduction très limitée de l’énergie injectée ».

Elle estime cependant que si un encadrement devait avoir lieu, il devrait être limité à un plafond en énergie par projet. C’est donc un avis défavorable que la CRE a émis sur le projet d’arrêté qui lui a été soumis par le ministère de la transition écologique et solidaire, dans la mesure où celui-ci prévoit un encadrement excessif des offres de raccordement alternatives.

Il conviendra donc d’être attentif à la rédaction de l’arrêté que le ministre édictera, prochainement sans doute, afin d’examiner si un assouplissement des règles d’encadrement des offres de raccordement alternatives est finalement introduit.

[1] Modifié par le décret n° 2020-382 du 31 mars 2020 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables 

Consultation publique jusqu’au 26 juin sur un Projet d’ordonnance et trois projets de décrets relatifs à l’énergie et au climat en transposition du paquet européen « une énergie propre pour tous les européens »

Le Ministère de la transition écologique et solidaire a lancé une consultation publique sur son site portant sur un projet d’ordonnance et trois projets de décrets relatifs à l’énergie et au climat.

Cette démarche participative s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement, dont les conditions et limites ont été précisées par l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, fixant le principe de la participation au public aux décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement.

L’ordonnance soumise à ladite consultation a quant à elle été prise sur le fondement de l’article 39 de la loi du 8 novembre 2019[1] qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition des directives communautaires suivantes.

En effet, cette ordonnance, de même que les trois projets de décret, ont pour objet de porter diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne, en application des directives européennes du 11 décembre 2018 relative à l’efficacité énergétique[2], du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables[3], et du 30 mai 2018[4] portant sur la performance énergétique des bâtiments.

Ainsi, les textes objet de cette consultation viennent modifier le Code de l’énergie, le Code de l’environnement, le Code la construction et de l’habitation ainsi que les lois fixant le statut de la copropriété[5] et tendant à améliorer les rapports locatifs[6], et portent notamment sur les points suivants :

  • Obligation d’information des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, équipés de dispositifs d’individualisation de frais de chauffage, sur leur consommation de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire ainsi que sur les charges associées ;

  • Modalités d’accès aux données de consommation et de facturation pour les abonnés d’un réseau de chaleur et leur information sur leur consommation de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire ainsi que sur la facturation associée pour les immeubles à usage d’habitation ;

  • Droit à la déconnexion d’un réseau de chaleur ;

  • Modification du périmètre de contrôle des systèmes thermodynamiques ;
  • Obligation d’installation de systèmes d’automatisation et de contrôle dans tous les bâtiments tertiaires neufs et existants dont le système de chauffage, de refroidissement, de ventilation ou combinant plusieurs de ces composantes, est d’une puissance supérieure à 290 kW ;

  • Exigence d’installation de dispositifs de régulation de chaleur pour les bâtiments neufs.

Le public aura donc jusqu’au 26 juin pour se prononcer sur ces mesures.

[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2]Directive n° 2018/2002 modifiant la directive 2012/27/UE

[3] Directive n° 2018/2001

[4] Directive n° 2018/844

[5] Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965

[6] Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

La CRE précise les conditions de mises en œuvre du dispositif d’expérimentation règlementaire introduit par la loi Energie-Climat et ouvre un premier guichet de candidature afin d’y participer

Pour rappel, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat[1] introduit un dispositif d’expérimentation réglementaire (aussi appelé « bac à sable réglementaire ») dans le secteur de l’énergie.

Plus précisément, l’article 61 de la loi Energie Climat permet à la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) et, dans le cadre des échanges transfrontaliers d’électricité, à l’autorité administrative compétente, d’accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents.

Afin de recueillir l’avis des acteurs sur ce dispositif qu’elle envisage d’initier prochainement, la CRE a procédé, entre le 30 janvier et le 2 mars 2020, à une consultation publique au cours de laquelle trente-cinq contributions ont été reçues.

C’est dans ce contexte que la CRE a, par sa délibération en date du 4 juin 2020 ici commentée[2], déterminé les conditions de mise en œuvre dudit dispositif d’expérimentation réglementaire d’une part, et ouvert le premier guichet de candidature à ce dispositif d’autre part.

En premier lieu, la CRE rappelle dans cette délibération le contexte de cette expérimentation règlementaire et ses compétences en la matière qu’elle tire des articles L. 134-1 et 134-2 du Code l’énergie.

A ce titre, la Commission indique le périmètre des dérogations permises par l’expérimentation règlementaire tel qu’il est fixé par l’article 61-I et 61-II de la loi énergie climat et les éléments de procédures du dispositif fixés par l’article 61-IV et V de ladite loi.

En second lieu, la CRE présente le retour des acteurs interrogés dans le cadre de la consultation publique qu’elle a organisée sur les modalités de mises en œuvre de l’expérimentation.

Sur chacun des éléments soumis à cette consultation, la CRE indique que les acteurs interrogés sont globalement favorables aux conditions d’expérimentation proposées et précise les éléments sur lesquels des demandes de précisions, de modifications de suppressions ou encore des contre-propositions ont été formulées par ces derniers.

A ce titre, la CRE a eu l’occasion d’apporter certains éclaircissements relatifs notamment à la prise en charge des coûts associés à l’expérimentation : ceux-ci seront supportés par les porteurs de projets dès lors que ce dispositif n’a pas vocation à apporter de financement ou de soutien d’aucune sorte. En ce sens, la CRE précise également qu’en conséquence, toute demande qui se limiterait à une demande d’exonération ou de réduction des tarifs de réseaux ne saurait être considérée comme éligible.

Dans ce cadre, la CRE établit, en annexe de sa délibération, les modalités d’octroi des dérogations et d’organisation des expérimentations, qui sont les suivantes :

  • La procédure d’octroi des dérogations est fixée en cinq grandes étapes : la phase de candidature, l’analyse préliminaire d’éligibilité, l’analyse approfondie des candidatures, l’expérimentation et la clôture de cette dernière (article 2 de l’annexe) ;
  • Cinq critères d’éligibilité permettront d’examiner les projets, à savoir : le concours aux objectifs de la politique énergétique définis à l’article L. 100-1 du Code de l’énergie, la présentation d’une dimension innovante, l’existence d’un obstacle législatif ou règlementaire identifié auquel il convient de faire face, la présentation d’un potentiel de déploiement ultérieur et d’un bénéfice pour la collectivité (article 3 de l’annexe) ;
  • Les demandes seront déposées via un formulaire prévu à cet effet, accessible depuis le site de la CRE (article 4 de l’annexe) ;
  • Les dossiers doivent comporter toutes les pièces listées nécessaires à l’instruction des projets, visées à l’article 5 de l’annexe ;
  • Les modalités d’attribution de la dérogation sont fixées comme suit : celle-ci sera attribuée par voie de délibération de la CRE, pour une durée maximale de quatre ans renouvelables une fois et un périmètre pouvant être délimité par la Commission ; cette autorisation sera assortie, pour le porteur de projet, d’une obligation d’information régulière de la CRE et éventuellement d’obligations relatives à l’information des utilisateurs (article 6 de l’annexe) ;

  • Les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation : à ce titre sont notamment prévues les modalités de suivi et de modification de l’expérimentation.

 

C’est donc selon ces modalités que la CRE ouvre un premier guichet de candidature du 15 juin au 15 septembre 2020.

Reste à savoir si le dialogue ainsi organisé et ces précisions permettront d’attirer les candidatures des acteurs du secteur de l’énergie.

On rappellera enfin que ces projets, lorsqu’ils touchent aux réseaux de distribution d’électricité et gaz, associent les gestionnaires de réseau compétents et les autorités organisatrices de la distribution d’électricité et de gaz à l’expérimentation ainsi qu’au suivi de son avancement et à son évaluation. Et dans ce cas également, le gestionnaire du réseau de distribution concerné tient à la disposition des autorités organisatrices compétentes, liées audit concessionnaire dans le cadre de contrats de concession, les informations relatives aux expérimentations menées sur leur territoire, à leur suivi et à leur évaluation, conformément au pouvoir de contrôle dont ces autorités disposent sur leur gestionnaire de réseau. Ces deux obligations résultent de l’article 61, II, de la loi Energie Climat.

[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi « Energie Climat »

[2] Délibération de la CRE n°2020-125 en date du 4 juin 2020 portant décision sur la mise en œuvre du dispositif d’expérimentation réglementaire prévu par la loi relative à l’énergie et au climat

Modification unilatérale d’une concession hydroélectrique et conditions d’indemnisation du concessionnaire

Dans un arrêt du 25 mai 2020, la Cour administrative d’appel de Paris a apporté d’intéressantes précisions concernant le régime applicable aux modifications unilatérales apportées aux concessions hydroélectriques.

Il s’agissait en l’espèce d’un litige opposant la société Électricité de France (EDF) à l’Etat au sujet de la concession pour l’exploitation de l’énergie hydraulique des chutes de Salon et de Saint-Chamas, ayant fait l’objet d’une convention conclue le 22 novembre 1971 et approuvée par un décret du 6 avril 1972 approuvant la convention et le cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, sur la Durance (départements des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Gard).

Les prescriptions techniques prévues au cahier des charges spécial de la concession, visant à limiter les incidences des rejets d’effluents sur le milieu aquatique de l’étang de Berre, ont été jugées insuffisantes par la Cour de justice de l’Union européenne qui, par un arrêt du 7 octobre 2004, a condamné la République française pour manquement à diverses dispositions relatives à la protection des milieux aquatiques.

Tirant les conséquences de cette décision, l’État a modifié unilatéralement le cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, par un avenant approuvé par le décret n° 2006-1557 du 8 décembre 2006, en limitant les plafonds de volumes d’eau douce susceptibles d’être rejetés dans l’étang de Berre à 1 200 milliards de m3 par an et les plafonds d’apport de limons à 60 000 tonnes par an, des conditions sur la salinité de l’étang ayant également été introduites.

Estimant subir un préjudice du fait de ces modifications des conditions d’exploitation des chutes, la société EDF a demandé en vain à l’État de lui verser une somme de 32 078 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, le cas échéant capitalisés, en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi entre le 1er novembre 2007 et le 31 octobre 2013 du fait de l’entrée en vigueur du décret n° 2006-1557 du 8 décembre 2006 approuvant l’avenant n°1 au cahier des charges spécial des chutes de Salon et de Saint-Chamas, sur la Durance, paru au Journal Officiel du 9 décembre 2006.

Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société EDF.

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Paris a posé les conditions dans lesquelles une modification unilatérale d’une concession hydroélectrique pouvait donner lieu à indemnisation. L’arrêt relève ainsi qu’« une modification unilatérale des conditions d’exploitation d’une installation d’énergie hydroélectrique concédée par l’Etat, même lorsqu’elle porte sur le règlement d’eau annexé au cahier des charges et constitue ainsi une mesure de police, et qu’elle est motivée, comme en l’espèce, par une menace majeure pour le milieu aquatique, ouvre droit à indemnisation lorsqu’elle emporte une rupture de l’équilibre général de l’exploitation, voire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit » (considérant n°7).

La société EDF faisait alors valoir que l’abaissement cumulé des plafonds de volume d’eau et de quantités de limons rejetés dans l’étang de Berre était la cause de la limitation de la production d’électricité par les installations de la concession de Salon et Saint-Chamas.

Toutefois, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris rejette les demandes de la société EDF estimant que celle-ci n’apportait « pas d’éléments suffisamment probants de nature à établir, ou a minima à présumer de façon convaincante, que le manque à gagner dont elle se prévaut résulterait des contraintes issues du décret du 8 décembre 2006 » (considérant n° 9). La Cour relève notamment que «  l’impact des opérations de maintenance et de l’usure des équipements, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ont nécessairement un impact sur le niveau de production, n’est pas précisé par la société Électricité de France » (considérant n° 10).

Au total, la Cour rejette le recours de la société EDF faute pour cette dernière de démontrer l’existence d’un lien direct et certain entre les préjudices allégués et la modification du contrat. Ces conclusions, conformes à la jurisprudence en matière de modifications unilatérales des contrats administratifs par la personne publique, rappellent utilement les démonstrations attendues du cocontractant de l’administration pour qu’il puisse être fait droit à une demande indemnitaire.

 

Publication du rapport annuel d’activité 2019 du Médiateur National de l’Energie

Le Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) vient de publier son rapport d’activité relatif à l’année 2019.

Dans ce rapport, le MNE identifie les quatre dossiers prioritaires suivants sur lesquels il fait part de son analyse :

 

Sur l’ouverture des marchés au bénéfice des consommateurs :

Le MNE, tout en saluant l’opportunité constituée par cette ouverture pour les consommateurs, invite ces derniers à faire preuve de vigilance lorsqu’ils comparent différentes offres et décident de mettre un terme à un contrat en cours.

Le MNE déplore également le faible degré concurrentiel constaté sur les territoires où la distribution d’électricité et de gaz est assurée par une entreprise locale de distribution. Les fournisseurs alternatifs sont en effet encore peu présents sur ces territoires.

 

Sur la fin des TRV gaz :

A cet égard, le MNE indique qu’il entend « surveiller tout particulièrement le passage du tarif réglementé de vente du gaz aux offres de marché » afin de prévenir toute dérive qui pourrait survenir au détriment des consommateurs.

 

Sur le combat contre les pratiques abusives de démarches :

Sur ce thème, le MNE se montre particulièrement virulent à l’encontre des auteurs de ces pratiques. Le MNE relève ainsi qu’« il n’est pas possible de laisser perdurer des pratiques commerciales malsaines, trop souvent malhonnêtes, et qui risquent de jeter le discrédit sur l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, en faisant oublier les avantages qu’elle peut procurer pour les consommateur ». Le MNE relève de surcroit qu’en 3 ans, le nombre de litiges dont il a été saisi et relatifs à des pratiques de démarchage a augmenté de 65 %.

Le MNE propose d’ailleurs d’interdire purement et simplement le démarchage à domicile, ou, à défaut, de l’encadrer très strictement.

 

Sur la nécessité de faire progresser les pratiques des opérateurs de l’énergie :

Le MNE entend dénoncer les opérateurs à l’encontre desquels un nombre trop important de litiges est introduit devant le médiateur.

A ce titre, le MNE pointe tout particulièrement l’opérateur ENI en soulignant qu’il « représente 19 % des litiges reçus par le médiateur (principalement des problèmes de facturation), avec un taux de litiges bien supérieur à celui de tous ses concurrents ». Le MNE souligne en outre que « ce fournisseur ne parvient pas à mettre en œuvre, même après plusieurs relances, certaines recommandations [que le médiateur] formule et sur lesquelles il a pourtant fait connaître son accord ! ».

Le MNE dénonce également la situation de la société Enedis avec laquelle des difficultés persistantes sont déplorées et une attitude peu constructive face aux litiges liés à la qualité de l’électricité.

Le MNE pointe notamment la persistance, en dépit des clarifications apportées par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite « loi ELAN »), de litiges en lien avec les colonnes montantes électriques.

Deux types de difficultés spécifiques sont identifiées par le MNE :

  • d’une part, l’absence d’accompagnement de la part d’Enedis et de transparence dans ses réponses lorsque lui sont signalés par des usagers des risques pour la sécurité dus à la vétusté d’une colonne montante et,
  • d’autre part, le refus quasi systématique opposé par Enedis à des demandes d’augmentation de la puissance de l’alimentation électrique d’un logement ou de raccordement en électricité d’un nouveau lot créé dans la copropriété lorsqu’elles doivent s’accompagner d’une remise aux normes de la colonne compte-tenu de son ancienneté et/ou de son inadaptation aux besoins actuels des consommateurs.

Le MNE rappelle donc une nouvelle fois que « Dès lors que la question de l’intégration au réseau de distribution des colonnes montantes a été réglée par la loi, et sera effective pour toutes à la fin du mois de novembre 2020, les gestionnaires de réseaux de distribution (ENEDIS et les entreprises locales de distribution) doivent s’organiser pour que la rénovation et la mise aux normes des 200 à 300 000 colonnes montantes qui le nécessitent soient menées dans un délai raisonnable ».

Il formule la recommandation suivante « Le médiateur national de l’énergie demande qu’ENEDIS assume la mission qui lui incombe en sa qualité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité, et prenne en charge les travaux de rénovation des colonnes montantes, notamment ceux de renforcement nécessaires lorsqu’un consommateur a besoin de modifier la puissance à laquelle il a souscrit. Au regard du chantier important que la rénovation et la mise aux normes des colonnes montantes représente dans les années à venir, le médiateur national de l’énergie recommande que les obligations précises du distributeur d’électricité en la matière soient définies avec la Commission de régulation de l’énergie ».

On signalera d’ailleurs que le 8 juin dernier, le MNE a rendu publiques 11 nouvelles recommandations prononcées à l’occasion de litiges dont il était saisi. Parmi lesdites recommandations, on peut en signaler deux qui ont donné l’occasion au MNE de rappeler au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité que sa responsabilité était susceptible d’être engagée en cas de refus persistant de sa part de procéder à la rénovation de colonnes montantes vétustes (Recommandation n° D2019-10438 du 10 février 2020, et également recommandation n° D2019-05830 du 4 septembre 2019).

En lien avec les thèmes susmentionnés et le bilan de son activité de 2019, le MNE formule 10 propositions qui concernent l’encadrement strict des pratiques commerciales, l’amélioration des conditions de facturation, la simplification du paiement par les consommateurs, la lutte contre la précarité énergétique et la « clarification » des responsabilités des distributeurs.

IRVE : 75% des coûts de raccordement sont pris en charge par le TURPE

La parution de l’arrêté du 12 mai 2020 fixant la part du coût de raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables ouvertes au public était très attendue par les porteurs de projets.

L’article L. 341-2 du Code de l’énergie fixe en effet à 40% au maximum la part des coûts de raccordement intégrés dans le TURPE (tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, supporté par tous les consommateurs). Les autres 60% du coût de raccordement sont, selon les cas de figure, à la charge de la collectivité en charge de l’urbanisme ou du demandeur.

Par dérogation à cette répartition, l’article 64 II de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (dite « LOM ») avait, au titre des mesures destinées à encourager le développement des « infrastructures pour le déploiement de véhicules plus propres », posé le principe d’une prise en charge par le TURPE, supérieure à 40%, des coûts de raccordement au réseau de distribution d’électricité des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables ouvertes au public.

L’article 64 II de la LOM indiquait que cette prise en charge s’élèverait au maximum à 75% et concernerait les demandes de raccordement présentées entre la publication de la loi (intervenue le 26 décembre 2019) et le 31 décembre 2021. Toutefois, le même article renvoyait à un arrêté le soin de fixer, dans la limite de ce plafond de 75%, le taux de prise en charge retenu.

C’est l’objet de l’arrêté du 12 mai 2020 qui retient finalement ce taux maximal de 75% :

  • pour le raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables ouvertes au public, dès lors que la puissance du raccordement est inférieure ou égale à 250 kVA (article 1er ) ;
  • pour le raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables ouvertes au public installées sur les aires de service des routes expresses et des autoroutes, dès lors que la puissance du raccordement est inférieure ou égale à 1 000 kVA (article 2).

L’article 3 de l’arrêté précise toutefois que :

  • Si plusieurs demandes de raccordement sont effectuées simultanément pour le compte du même aménageur, avec une distance inférieure à 100 mètres entre les deux raccordements, seul le raccordement le moins onéreux peut bénéficier du taux de prise en charge de 75 %.
  • Si plusieurs demandes de raccordement sont effectuées successivement, pour le compte du même aménageur, dans un délai de moins d’un an entre la première demande et la suivante, et avec une distance inférieure à 100 mètres entre les raccordements, seule la première demande peut bénéficier du taux de prise en charge de 75 %.

Ce taux de 75% s’applique également au raccordement des ateliers de charge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables affectés à des services de transport public routier de personnes. Et pour ce type d’ouvrage, le taux de 75% s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2022.

Actualités relatives au principe d’information et de participation du public en matière environnementale

Conseil Constitutionnel, 28 mai 2020, Décision n° 2020-843 QPC 

CJUE, 28 mai 2020, IL et a. c. Land Nordrhein-Westfalen, C‑535/18

 

Le principe d’information et de participation du public en matière environnementale, inscrit notamment à l’article 7 de la Charte de l’Environnement, a récemment fait l’objet de précisions par le biais de différentes sources.

 

 

I – Publication d’une circulaire relative à la mise en œuvre des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement

 

La Ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a tout d’abord publié une circulaire le 11 mai 2020, relative à la mise en œuvre des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement. Cette circulaire a pour objectif d’améliorer l’accompagnement et le suivi de l’exécution des dispositions régissant le droit d’accès à l’information relative à l’environnement, le constat ayant été fait d’une connaissance limitée de ce dispositif tant du public que de certaines autorités publiques qui tardent à remplir leurs obligations en la matière.

La circulaire comporte six annexes qui constituent des fiches thématiques sur les points suivants :

  • Fiche n° 1 : Les principaux textes en vigueur relatifs à l’accès à l’information relative à l’environnement ;
  • Fiche n° 2 : Le champ d’application : notion d’information environnementale et d’autorités publiques concernées ;
  • Fiche n° 3 : Les motifs légaux de refus de communication ;
  • Fiche n° 4 : L’accès sur demande aux informations relatives à l’environnement : modalités de communication et de refus ;
  • Fiche n° 5 : Les mesures destinées à faciliter l’accès aux informations relatives à l’environnement : liste des établissements publics et autres personnes qui exercent pour le compte et sous le contrôle des autorités publiques des missions de service public en rapport avec l’environnement, réparatoires ou listes des catégories d’informations relatives à l’environnement détenues et désignation d’une personne responsable de l’accès à l’information relative à l’environnement ;
  • Fiche n° 6 : La diffusion publique des informations relatives à l’environnement.

 

Outre ces fiches thématiques, la Ministre a insisté sur deux points. Le premier concerne le respect des modalités de communication et de refus de communication des informations relatives à l’environnement. Il est notamment souligné que les administrations sont tenues d’accuser réception de toutes les demandes qui leur sont faites en la matière et de répondre explicitement dans le délai d’un mois, avec, en cas de refus de la communication, notification de ce refus par écrit au demandeur avec mention des motifs du rejet ainsi que des voies et délais de recours, sous peine d’illégalité.

Le deuxième point sur lequel la Ministre a insisté concerne la désignation d’une personne responsable de l’accès à l’information relative à l’environnement qui doit être portée à la connaissance du public, qui est de fait la personne responsable de l’accès aux documents administratifs. A défaut d’une telle personne, une autre personne doit être désignée spécifiquement. Par ailleurs, afin de faciliter l’accès du public aux informations relatives à l’environnement, cette personne doit être identifiable. Les Préfets ainsi que les représentants de l’Etat dans les collectivités d’outre-mer sont ainsi tenus de recenser pour leur département ou collectivité les personnes responsables de cette mission, recensement qui devra être communiqué à la Ministre.

 

 

2 – Décision du Conseil constitutionnel relative aux décisions autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité

 

Le Conseil constitutionnel a rendu le 20 mai 2020 une décision QPC portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du Code de l’énergie, qui dispose :

« L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte des critères suivants :

« 1 ° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité, des installations et des équipements associés ;

« 2 ° Le choix des sites, l’occupation des sols et l’utilisation du domaine public ;

« 3 ° L’efficacité énergétique ;

« 4 ° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ;

« 5 ° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l’environnement ;

« 6 ° Le respect de la législation sociale en vigueur.

« L’autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d’exploitant, l’autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision de l’autorité administrative ».

 

L’association requérante soutenait que la décision administrative autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité a une incidence directe et significative sur l’environnement et que cet article ne prévoyait aucun dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, et que, dès lors, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et l’article 7 de la Charte de l’environnement.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel retient que l’article L. 311-5 prévoit que, l’autorité administrative, lorsqu’elle se prononce sur une telle autorisation, tient compte, notamment, du « choix des sites » d’implantation de l’installation, des conséquences sur l’« occupation des sols » et sur l’« utilisation du domaine public », de l’« efficacité énergétique » de l’installation et de la compatibilité du projet avec « la protection de l’environnement ». Le Conseil constitutionnel estime dès lors qu’une décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement et que, à ce titre, le législateur doit prévoir un dispositif de participation du public dans le processus décisionnel.

Le Conseil constitutionnel examine en second lieu si les dispositions de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie répondent aux exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement et prévoient un tel dispositif.

A ce titre, le Conseil d’Etat relève que l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement a inséré dans le Code de l’environnement l’article L. 120-1-1, entré en vigueur le 1er septembre 2013. Or cet article prévoit « la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande. Il permet ensuite au public de déposer ses observations, par voie électronique, dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition ».

Partant, le Conseil constitutionnel raisonne en deux temps.

Avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, ni l’article L. 311-5 du Code de l’énergie examiné, ni aucune autre disposition ne prévoyait de dispositif permettant la participation du public et son expression dans le cadre d’une décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité. Partant, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 5 août 2013, le législateur a méconnu les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Cependant, depuis l’entrée en vigueur de cette ordonnance, l’article L. 120-1-1 du Code de l’environnement prévoit, s’agissant des décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public, la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande.

Dès lors, à compter du 1er septembre 2013, date à laquelle les dispositions de l’ordonnance doivent être regardées comme de valeur législative, la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité peut faire l’objet d’une participation du public grâce au dispositif de participation prévu à l’article L. 120-1-1 du Code de l’environnement.

Partant, les dispositions de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie ne méconnaissent plus les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement à compter du 1er septembre 2013.

 

 

3 – Décision de la Cour de Justice de l’Union européenne relative aux informations à communiquer au public en matière de qualité des masses d’eau

 

La question soumise à la CJUE était relative à l’interprétation de l’article 6 et de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et de l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), et sous b), i), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

La question portait plus précisément sur le point de savoir si les documents mis à la disposition du public au titre de l’article 6 de la directive 2011/92 doivent systématiquement comporter un rapport relatif au respect de la réglementation relative à la qualité de l’eau, dans le cadre d’une décision autorisant la construction d’un tronçon d’autoroute et autorisant le maître d’ouvrage à évacuer les eaux pluviales s’écoulant sur les surfaces routières dans trois masses d’eau de surface ou dans les eaux souterraines.

La CJUE retient, s’agissant des obligations relatives à l’information du public, que « L’article 6 de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que les informations à mettre à la disposition du public au cours de la procédure d’autorisation d’un projet doivent inclure les données nécessaires afin d’évaluer les incidences de ce dernier sur l’eau au regard des critères et obligations prévus ». Il en ressort que l’ensemble des données permettant au public d’apprécier les conséquences d’un projet sur l’eau, et notamment la qualité de cette dernière, doivent être mises à la disposition du public amené à se prononcer sur une décision relative à ce projet.

Or, s’agissant de la réglementation relative à la qualité de l’eau et plus particulièrement de la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, la CJUE estime en outre que « doit être considéré comme une détérioration de l’état chimique d’une masse d’eau souterraine en raison d’un projet, d’une part, le dépassement d’au moins l’une des normes de qualité ou des valeurs seuils ». Dès lors, si un projet a pour conséquences d’entraîner le dépassement par une masse d’eau d’une norme de qualité ou d’un seuil réglementaire, cela signifie en droit que ce projet a pour conséquence de détériorer l’état chimique d’une masse d’eau souterraine.

Partant, au vu de l’interprétation de l’article 6 de la direction 2011/92, cette conséquence doit être mise à disposition du public afin que ce dernier puisse évaluer les incidences du projet en question et qu’il puisse « faire valoir, devant les juridictions nationales compétentes, la violation des obligations de prévenir la détérioration des masses d’eau et d’améliorer leur état, si cette violation les concerne directement ».

Les Agences de l’eau expérimentent les PSE

Les paiements pour services environnementaux (PSE) sont des dispositifs juridiques consistant en une transaction volontaire et qui peuvent être définis comme permettant à un ou plusieurs « clients » d’acheter un service environnemental clairement défini à un ou plusieurs « fournisseurs » de ce service, le paiement n’ayant lieu que si le service est effectivement fourni.

Ce mécanisme contractuel, qui repose sur le volontariat, permet ainsi d’offrir une rémunération en contrepartie de l’adoption de pratiques favorables à l’environnement et notamment à la préservation de la biodiversité. Il constitue dès lors une incitation économique vers une gestion durable des espaces, dans la mesure où il privilégie la rémunération des efforts environnementaux à la taxation des dommages.

Les PSE, qui peuvent tant reposer sur des partenariats privé/privé que sur des partenariats publics/privé ont longtemps été pensés en dehors de tout cadre juridique.

Si aucun texte légal ou réglementaire ne vient en effet encadrer ce dispositif, la Commission européenne a cependant autorisé le 18 février 2020, sur demande de la France, le mécanisme des partenariats public/privé au titre des aides d’Etat.

Ce régime d’aides, intitulé « Valorisation des services environnementaux et incitation à la performance environnementale des exploitations », a pour but d’inciter le secteur agricole à engager sa transition écologique vers des modes de production à moindre impact environnemental, reposant sur les principes de l’agro-écologie.

Ce nouvel outil, qui repose sur des subventions publiques, s’inscrit dès lors dans le cadre des mécanismes de financiarisation des actions de valorisation environnementales volontaires, au même titre que les obligations réelles environnementales (ORE) par exemple.

Le mécanisme des aides PSE repose alors sur plusieurs acteurs. Les Agences de l’eau sont les structures responsables du fonctionnement des PSE. Elles sont notamment chargées de définir les critères d’éligibilité des dossiers et de sélectionner les projets qui lui sont soumis, pour ensuite les financer grâce au budget alloué par le Ministère. L’aide individuelle est ensuite versée annuellement aux bénéficiaires sélectionnés, dans le cadre d’un engagement contractuel, sous la forme d’une subvention directe. Le contrat est conclu pour cinq ans.

Outre le bénéficiaire et le financeur, le mécanisme repose sur les porteurs de projets territoriaux, qui mettent en œuvre des projets collectifs territoriaux dans le cadre desquels les agriculteurs pourront inscrire leurs projets.

A la suite de cette autorisation, plusieurs Agences de l’eau se sont saisies de l’opportunité pour lancer des expérimentations sur leur territoire et ont ainsi publié des appels à manifestation d’intérêt. Les projets retenus devront dès lors avoir pour objectif d’améliorer les ressources naturelles et la biodiversité sur le territoire.

C’est par exemple le cas pour l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, qui a lancé un premier appel à manifestation d’intérêt, dont la clôture doit intervenir le 1er août 2020, destiné aux collectivités et leurs groupements, aux syndicats mixtes ou établissements publics et aux syndicats d’eau potable et de bassin versant afin d’encourager le maintien ou la création de prairies, l’allongement des rotations culturales, l’implantation de cultures à bas niveau d’impact pour la qualité de l’eau, la faible utilisation de pesticides, les intercultures longues et la couverture des sols, l’implantation et la préservation des haies, des bois et des zones humides etc.

C’est également le cas pour l’Agence de l’eau Artois-Picardie, qui avait déjà lancé un appel à projet fin 2019 et qui a aujourd’hui retenu deux projets éligibles au nouveau régime d’aide, visant pour l’un à limiter les inondations grâce à des pratiques agronomiques de lutte contre l’érosion et pour l’autre à faire évoluer les pratiques agricoles dans les prairies de son territoire, dont une part importante se situe en milieux humides.

De la même façon, l’Agence de l’eau Seine-Normandie a également lancé un appel à manifestation d’intérêt qui s’est clôturé le 31 janvier 2020 et dont les résultats devraient être bientôt connus.

L’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a également retenu 21 projets qui pourront bénéficier des aides PSE, dont la moitié concerne des projets territoriaux prenant en compte les enjeux de captages prioritaires et biodiversité.

L’Agence de l’eau Adour-Garonne, quant à elle, s’est positionné en amont de la validation par la Commission européenne de ce mécanisme d’aides d’Etats, et a expérimenté dès fin 2019 les PSE, sur le fondement du dispositif de la règle de minimis.

Enfin, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne a lancé un appel à projets afin de mettre en place des aides PSE à hauteur de 1,5 millions d’euros, qui s’est clôturé le 31 mars 2020 et dont les résultats devraient également bientôt être connus.

Les Agences de l’eau se sont donc rapidement manifestées et montrent un intérêt marqué pour ce dispositif financier qui s’inscrit surtout dans une démarche territoriale, collective et participative. Il s’agira de voir si cet engouement est suivi d’effets concrets sur l’environnement.

Pollution causée par l’activité d’une station d’épuration : le Conseil d’Etat rejette un référé mesures-utiles pour défaut d’urgence sanitaire ou environnementale

Le Conseil d’Etat a été saisi en référé en vue d’ordonner au syndicat intercommunal des eaux de la Vienne (SIVEER) de rétablir l’étanchéité des bassins de lagunage d’une station d’épuration, les boues de la station débouchant à la sortie d’une canalisation des terrains des requérants, ce qui entraînait, sur ces terrains, une zone de stagnation des eaux et le dépérissement des arbres. Le juge des référés du Tribunal administratif a alors enjoint au SIVEER de présenter un programme d’intervention permettant de réduire puis supprimer les dommages subis par les requérants, ce qu’a contesté le SIVEER devant le Conseil d’Etat.

S’agissant de l’office du juge des référés, le Conseil d’Etat relève tout d’abord que, lorsqu’il est saisi sur le fondement d’une requête en référé mesure-utile (article L. 521-3 CJA) d’une demande « qui n’est manifestement pas insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif », le juge des référés peut dès lors « prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l’urgence justifie, notamment sous formes d’injonctions adressées à l’administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ». Notamment, dans le cadre de dommages imputables à des travaux publics ou un ouvrage public, le juge des référés peut dès lors enjoindre à l’administration de prendre les mesures destinées à mettre fin aux dommages subis par les requérants, dans la mesure où tant l’imputabilité de ces dommages aux travaux publics ou à l’ouvrage public considérés que la faute commise par l’administration ne font pas l’objet d’une contestation sérieuse.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que le juge des référés n’avait pas recherché si un motif d’intérêt général ou les droits des tiers pouvaient justifier l’abstention de la personne publique et ainsi exclure toute faute de la part de cette dernière, ainsi qu’il y était pourtant tenu.

La Conseil d’Etat a donc annulé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif et, réglant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée, a relevé que, si les défauts d’étanchéité de la station et ses conséquences environnementales (asphyxie des terres et du milieu forestier) étaient connus depuis 2010 et n’étaient pas contestés, les requérants n’apportaient cependant aucun élément permettant « permettant d’établir un danger immédiat sur le plan sanitaire ou environnemental ». Par suite et considérant que la condition d’urgence n’était pas remplie, le Conseil d’Etat a rejeté la demande des requérants.

Panorama des actualités juridiques relatives à la biodiversité

Selon les termes de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».

Comme le souligne la Cour des comptes européenne dans son rapport n° 13/2020 du 5 juin 2020, « le déclin de la biodiversité à l’échelle mondiale est largement reconnu ». De nombreuses études concordent en effet sur la diminution alarmante de cette biodiversité, qui est la « conséquence directe de l’activité humaine »[1]. À cet égard, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) alertait dans son dernier rapport sur le dangereux déclin de la biodiversité, la disparition des espèces se produisant à une vitesse sans précédent. L’IPBES affirme ainsi que « depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés »[2]. Un récent rapport dénommé L’Atlas des insectes 2020[3], publié le 9 juin 2020 par deux associations (Heinrich Böll Foundation et Friends of the Earth Europe), indique que 41 % des espèces d’insectes verraient leur population décliner et que, bien que ce déclin soit difficile à mesurer, la biomasse totale des insectes diminuerait de 2,5 % par an[5]. L’Europe n’échappe pas à cette tendance mondiale ; depuis 1990, la population d’oiseaux des champs a diminué de 34 % et celle des papillons de 39 %[4]. En France, le bilan annuel de 2019 de l’Observatoire national de la biodiversité relevait également que « les territoires de métropole et d’Outre-mer ne sont pas épargnés par l’érosion de la nature » et que « la disparition rapide de la diversité biologique est bien le résultat conjugué des activités humaines »[5].

Le Code de l’environnement français, en application notamment du droit de l’Union européenne, fixe un cadre législatif et règlementaire de la protection de la biodiversité. Ces dernières semaines, plusieurs actualités ont précisé l’étendue de la protection accordée tant aux espaces (I) qu’aux espèces (II).

 

I – Protection des espaces 

Plusieurs actualités ayant trait à la protection des espaces et des écosystèmes peuvent être relevées. Tout d’abord, les communes situées dans un site Natura 2000, un cœur de parc national ou un parc naturel marin pourront recevoir des dotations de l’Etat pour la protection de la biodiversité, les modalités de calcul de cette dotation ayant été précisées par décret (1). Par ailleurs, le Conseil d’État a rendu deux décisions portant sur les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (2) et sur la création et la modification d’une réserve naturelle (3).

1 – Précisions sur la modalité de répartition de la dotation de l’Etat aux communes pour protection de la biodiversité

Décret n° 2020-606 du 19 mai 2020 relatif aux dotations de l’Etat aux collectivités territoriales et à la péréquation des ressources fiscales 

La loi de finances pour 2020, en son article 252 codifié à l’article L. 2335-17 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), a introduit une dotation de l’Etat pour la protection de la biodiversité aux communes situées au sein d’un site Natura 2000, d’un cœur de parc national ou d’un parc naturel marin. Il est également indiqué que les communes concernées sont celles « de moins de 10 000 habitants dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant des communes de la même strate démographique ».

La loi de finances dispose en outre que la dotation se compose de trois fractions et précise quelles sont les communes concernées :

  • Première fraction : 55 % du montant total de la dotation sera réparti entre les communes situées sur un site Natura 2000, à la condition que 75 % de leur territoire terrestre soit couvert par un tel site. Pour chaque commune, la dotation sera répartie « au prorata de la population et de la proportion du territoire terrestre de la commune couverte par un site Natura 2000 au 1er janvier de l’année précédente ».
  • Deuxième fraction : 40 % du montant total de la dotation sera réparti entre les communes situées en tout ou partie dans un cœur de parc national, défini par l’article L. 331-1 du Code de l’environnement comme les espaces terrestres et maritimes à protéger au sein du parc national, et ayant adhéré à la charte de ce parc. L’attribution individuelle est également déterminée en fonction de la population et de la superficie de chaque commune couverte par le cœur du parc, mais il est également précisé que l’attribution individuelle est triplée lorsque celui-ci a été créé il y a moins de 7 ans.
  • Troisième fraction : 5 % du montant total de la dotation sera réparti entre les communes situées en tout ou partie dans un parc naturel marin, en rapportant le montant de cette fraction au nombre de communes concernées.

Le décret n° 2020-606 du 19 mai 2020 précise à quelle date la situation des communes doit être appréciée, s’agissant de leur population et/ou de la proportion de leur territoire située dans un espace protégé. Ainsi, s’agissant de la deuxième fraction de la dotation, le décret en cause précise que la population et la proportion de territoire couvert par le cœur de parc national sont appréciées au 1er janvier de l’année précédant l’année de répartition, alors que l’adhésion à la charte du parc s’apprécie au 1er janvier de l’année au titre de laquelle la dotation est répartie. Toutefois, une exception est prévue pour la dotation attribuée au titre de l’année 2020 : la proportion du territoire située dans le cœur du parc national est appréciée au 1er janvier 2020, tandis que la condition de l’adhésion est appréciée au 30 avril 2020. Il est également précisé qu’est seul pris en compte le territoire terrestre. Concernant la troisième fraction, la localisation du territoire de la commune dans un parc naturel marin est appréciée au 1er janvier de l’année précédant l’année de répartition.

Le décret indique également que, pour la répartition de la dotation de protection de la biodiversité, la population et le potentiel fiscal devant être pris en compte sont calculés de la même manière que pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement. Ainsi, la population « est celle qui résulte du recensement, majorée chaque année des accroissements de population dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat » (article L. 2334-2 CGCT) et le potentiel fiscal s’obtient en additionnant les éléments énumérés à l’article L. 2334-4 du CGCT.

2 – Absence de portée et d’effets de la création d’une ZNIEFF

CE, 3 juin 2020, Commune de Piana, n° 422182 

Par un arrêt Commune de Piana du 3 juin 2020, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur la portée juridique et les effets d’un acte portant création ou modification d’une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).

Dans cette affaire, la commune de Piana avait demandé au Préfet de réduire le périmètre d’une ZNIEFF, dénommée « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots », soutenant que l’existence d’une ZNIEFF sur son territoire limitait son droit à construire sur celui-ci. Le Préfet ayant refusé de faire droit à sa demande, la Commune sollicite l’annulation de ce refus auprès du juge.

L’identification des ZNIEFF provient de la réalisation par l’Etat de l’inventaire national du patrimoine naturel ; cet inventaire recense les « richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques » (article L. 411-1 A du Code de l’environnement). Certaines zones sont identifiées comme des ZNIEFF par le Muséum national d’histoire naturelle, sur proposition de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et après validation du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), lorsqu’elles « correspondent à « une ou plusieurs unités écologiques homogènes » qui abritent « au moins une espèce caractéristique, remarquable ou rare justifiant d’une valeur patrimoniale plus élevée que celle des milieux environnants » » ou lorsqu’elles constituent « des « ensembles naturels cohérents », plus riches en biodiversité et moins artificialisés que le territoire environnant »[6]. Comme l’indique le rapporteur public O. Fuchs dans ses conclusions sur cette affaire « Les ZNIEFF sont donc des données brutes de biodiversité qui sont retraitées et corrélées afin d’obtenir des zonages permettant d’identifier les territoires particulièrement riches en biodiversité ». L’existence d’une ZNIEFF peut être prise en compte lors de l’élaboration de certaines décisions d’urbanisme et d’aménagement (par exemple, article L. 101-2 Code de l’urbanisme, qui vise notamment la « protection des milieux naturels »).

Toutefois, si les ZNIEFF délimitent des zones de plus grand intérêt écologique, cela ne signifie pas qu’il s’agit de zones juridiquement protégées. A ce titre, le Conseil d’État relève que l’inventaire du patrimoine naturel et les ZNIEFF constituent un outil scientifique et sont « par eux-mêmes, dépourvus de portée juridique et d’effets ». La constitution d’une ZNIEFF, sa modification ou son refus de modification ne sont donc pas des actes faisant grief et sont donc insusceptibles de recours. Le Conseil d’Etat précise toutefois que les données portées à l’inventaire d’une ZNIEFF peuvent être contestées.

3 – Précisions sur les modalités d’extension d’une réserve naturelle nationale

CE, 3 juin 2020, Association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon, n° 414018

L’association Amis du banc d’Arguin du bassin d’Arcachon demandait au juge d’annuler le décret n° 2017-945 du 10 mai 2017 portant extension et modification de la réserve nationale du banc d’Arguin. Le Conseil d’État s’est prononcé sur cette requête dans sa décision n° 414018 du 3 juin 2020, apportant des précisions sur les zones pouvant être classées en réserve naturelle et leur procédure de classement, son analyse facilitant leur création ou leur extension.

Le Conseil d’Etat énonce les zones susceptibles d’être classées en réserve naturelle en indiquant que « En vertu [des articles L. 332-1 et L. 332-3 du Code de l’environnement], peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu’elles en constituent, d’un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu’elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire ».

Concernant l’extension du périmètre de la réserve naturelle, le juge en contrôle donc la conformité aux exigences de l’article L. 332-1 du Code de l’environnement, lequel énonce que doivent notamment être pris en compte pour la délimitation de la réserve la préservation d’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition, la reconstitution de populations animales ou végétales ou de leurs habitats ou encore la préservation ou la constitution d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage. A cet égard, le rapporteur public souligne l’importance de la protection accordée aux zones contribuant à la sauvegarde des terrains présentant une valeur écologique significative, « entérinant la théorie dite de « de l’écrin et des joyaux » [8] ». En l’espèce, afin de considérer que la décision d’extension de la réserve naturelle est fondée, le Conseil d’Etat relève d’une part que le périmètre retenu par le décret revêt une grande importance pour plusieurs espèces d’oiseaux, que la réserve est une voie de migration importante pour les oiseaux européens et que, d’autre part, les activités humaines à proximité perturbent cette avifaune (envols intempestifs, abandon des nids, perturbation de la reproduction, …). La protection accordée à cette zone est donc jugée justifiée.

Par ailleurs, le juge indique qu’il est possible de superposer l’aire géographique de deux catégories de zones protégées si cela n’est pas interdit pas un texte. En l’occurrence, la superposition d’une zone Natura 2000 et d’une réserve naturelle n’est pas interdite et donc possible.

Concernant les prescriptions assorties à l’acte de classement ou d’extension, il est en outre rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 332-3 du Code de l’environnement, il est possible d’instaurer au sein d’une réserve des « zones de protection renforcée » dans lesquelles certaines activités sont interdites ou règlementées. En l’espèce, le décret attaqué restreint l’exercice de certaines activités, comme la pêche, la circulation des personnes et le mouillage des navires. Le Conseil d’Etat juge que, en raison des impacts de ces activités sur la biodiversité, ces restrictions sont justifiées.

Par ailleurs, l’association requérante soutenait que la décision attaquée était entachée de vices de procédure dès lors que le Conseil maritime de façade et le Conseil de gestion du parc naturel marin du bassin d’Arcachon n’avaient pas été consultés, contrairement aux exigences respectives des articles R. 332-2 et L. 334-4 du Code de l’environnement.

La consultation du Conseil maritime de façade avait en effet été rendue obligatoire quelques semaines avant l’adoption de l’acte en cause. Le Conseil d’Etat fait application de sa jurisprudence dite Danthony, aux termes de laquelle un vice de procédure n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie (CE, 23 décembre 2011, n° 335033). Cette jurisprudence peut également s’appliquer « en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ». En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que la consultation du Conseil maritime de façade ne constitue pas une garantie et son omission n’a pas affecté la compétence de l’auteur de l’acte. Afin d’établir que cette omission n’a pas eu d’incidence sur le sens de la décision attaquée, le juge relève que l’ensemble des membres composant cette entité ont pu exprimer leurs observations dans le cadre d’autres consultations.

En outre, l’article L. 334-4 du Code de l’environnement prévoit, depuis le 1er janvier 2017, la consultation obligatoire du Conseil de gestion du parc national marin du bassin d’Arcachon « sur les questions intéressant le parc ». Il aurait donc dû être consulté sur l’extension de la réserve naturelle située au sein de ce parc, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le Conseil d’Etat considère néanmoins que la circonstance que l’entité qui assurait la gestion du parc national marin au moment de la phase de consultation ait été consultée suffit pour écarter ce moyen.

La régularité de la procédure est interprétée dans un sens favorable pour l’extension du périmètre du parc. Cette lecture compréhensive peut s’expliquer par la circonstance que les procédures de consultation non réalisées sont devenues obligatoires peu de temps avant l’adoption de la décision contestée et alors que la phase de consultation avait abouti.

 

 

II – Protection des espèces

Deux décisions, de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et du Conseil d’État, ont précisé les contours de la protection accordée à certaines espèces, ainsi que les modalités de mise en œuvre des dérogations pouvant être introduites à cette protection (1). Par ailleurs, la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires a introduit la possibilité de vendre des semences paysannes, ce qui permettraient de favoriser la biodiversité, certaines méthodes de production agricoles constituant l’un des motifs de l’érosion de la biodiversité (2).

 

1 – Actualités sur les dérogations espèces protégées 

La CJUE s’est prononcée sur l’étendue de la protection accordée aux espèces protégées (a) tandis que le Conseil d’État a précisé l’appréciation devant être portée sur les dérogations à cette protection (b).

(a) La protection des espèces s’étend aux zones de peuplement humain

CJUE, 11 juin 2020, Alianța pentru combaterea abuzurilor c. TM, UN, Direcția pentru Monitorizarea și Protecția Animalelor, C-88/19

Dans cette affaire, un Tribunal de première instance de Roumanie a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « habitats ».

Comme le rappelle la Cour, cette directive a pour objectif d’« assurer une protection stricte des espèces animales protégées » (§ 46). Ainsi, les Etats membres doivent adopter un cadre législatif complet sur la question et mettre en œuvre des mesures concrètes et spécifiques de protection. Notamment, aux termes de l’article 12 de la directive habitats, toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle d’un spécimen d’une espèce protégée est interdite « dans [son] aire de répartition naturelle ». Des dérogations à cette interdiction sont également prévues lorsqu’il n’existe pas « une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nui[t] pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » (article 16). On indiquera que ces éléments ont été transposés en droit français aux articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement.

En l’espèce, un loup fréquentait la résidence d’un habitant de la commune de Şimon en Roumanie et jouait avec ses chiens. Une association et un vétérinaire sont donc intervenus pour capturer cet animal et le transporter vers une réserve naturelle. Or aucune autorisation permettant de procéder à la capture de ce loup, qui fait partie des espèces protégées au titre de la directive habitats, n’avait été délivrée préalablement, ni même sollicitée.

Ainsi, la question se posait de savoir si la capture d’un spécimen d’une espèce protégée à proximité d’une zone de peuplement humain nécessitait une autorisation préalable et comment devait être interprétée la notion d’« aire de répartition » d’une espèce. Autrement dit, il s’agissait dans cette affaire de déterminer l’étendue de l’interdiction de capture d’un spécimen d’une espèce protégée.

La Cour a ici livré une interprétation large de la notion d’aire de répartition d’une espèce. En premier lieu, le juge européen relève que, en application de la directive habitats, les espèces sont protégées indépendamment du « lieu, de l’espace ou de l’habitat où [elles] se trouvent à un moment donné » (§31). En second lieu, elle indique que la protection des espèces animales n’est pas limitée aux sites protégés, tels que les parcs ou les réserves naturelles. Ainsi, l’aire de répartition naturelle d’une espèce est un concept dynamique qui correspond « à l’espace géographique dans lequel l’espèce animale concernée est présente ou s’étend dans le cadre de son comportement naturel » (§38) et « prend en compte les zones de toute nature que traverse cette espèce » (§41). Cette aire peut donc inclure des zones de peuplement humain.

Il en résulte qu’il est nécessaire de solliciter une autorisation pour réaliser la capture d’un loup à proximité d’établissements humains. En outre, la CJUE indique que ces autorisations de déroger à la protection accordée aux espèces doivent être délivrées « uniquement dans les conditions strictes énoncées à l’article 16, paragraphe 1 […] lequel doit être interprété de manière restrictive » (§46).

La Cour précise toutefois qu’ « il incombe […] à l’Etat membre concerné d’adopter des dispositions permettant, en cas de nécessité, l’octroi effectif et en temps utile de telles dérogations » (§57). Or la législation roumaine n’aurait pas permis d’obtenir une autorisation permettant d’agir dans un délai bref. Selon la Cour, cet élément devrait être pris en compte pour la détermination de la sanction applicable.

La CJUE livre donc une interprétation large de la protection pouvant être accordée aux espèces protégées et restrictive des dérogations à cette protection.

(b) Appréciation des raisons impératives d’intérêt public majeur permettant de déroger à la protection des espèces protégées

CE, 5 juin 2020, Société La Provençale, n° 425395 

Dans une décision du 5 juin 2020, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la notion de « raison impérative d’intérêt public majeur » qui, aux termes de l’article L. 411-2 I 4° c) du Code de l’environnement, peut permettre de déroger à la protection accordée aux espèces protégées en application de l’article L. 411-1 du même code.

Une association de protection de l’environnement sollicitait l’annulation d’un arrêté par lequel le Préfet a autorisé une société à déroger à la protection accordée aux espèces protégées pour la réouverture d’une carrière à ciel ouvert qui devrait permettre une production annuelle de 120 000 tonnes de marbres calcaires blancs. En effet, ce projet porterait atteinte à l’habitat, l’aire de reproduction ou aux spécimens de faune et de flore appartenant à 28 espèces protégées.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle le raisonnement qui doit être suivi par le juge lorsqu’il se prononce sur une dérogation espèces protégées accordées sur le fondement de l’article L. 411-2 I 4° c), c’est-à-dire fondée sur « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ».

Il est tout d’abord nécessaire d’apprécier s’il existe un intérêt public majeur, c’est-à-dire que « la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage ». Ce n’est que si l’existence de cet intérêt est caractérisée que le juge se penchera sur la question de la prise en considération des atteintes aux espèces protégées. Il lui appartiendra alors de déterminer si, « eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, […] d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Dans un second temps, cette décision révèle le faisceau d’indices qui peut être utilisé pour apprécier si un projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur. En l’espèce, pour considérer qu’un tel intérêt existe, le Conseil d’Etat se fonde sur le nombre d’emplois créés par le projet et sur la situation de l’emploi dans le Département en question, sur la politique économique européenne dans laquelle il s’inscrit, sur la disponibilité de la matière extraite et sur la contribution du projet à l’existence d’une filière extractive.

Il est intéressant de noter que, si le rapporteur public proposait la même grille d’analyse que celle retenue par la juridiction, il concluait à l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur. Il considérait en effet que, si les caractéristiques et la nature du projet sont de nature à constituer une raison impérative d’intérêt public majeur, « nous peinons à trouver dans les pièces du dossier […], des éléments permettant d’établir ce qu’avancent tant la société que la ministre ou de leur conférer une vraisemblance suffisante »[9].

 

2 – Rôle essentiel de l’agriculture dans la protection de la biodiversité

 

Rapport 13/2020 de la Cour des comptes européenne, Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin, 5 juin 2020

Loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires

L’agriculture a un important rôle à jouer dans la protection de la biodiversité. C’est ce que rappelle la Cour des comptes européenne, qui a publié le 5 juin 2020 un rapport intitulé Biodiversité des terres agricoles : la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin, dans le cadre duquel elle se penche sur les incidences de la Politique agricole commune (PAC) sur la biodiversité sur la période 2014-2020 (a). En France plus particulièrement, la vente de semences paysannes a été autorisée dans un cadre restreint, ce qui pourrait avoir des effets bénéfiques sur la biodiversité (b).

(c) L’inefficacité de la PAC face au déclin de la biodiversité

En Europe, « l’intensification agricole reste l’une des principales causes de la perte de biodiversité et de la dégradation des écosystèmes » (§3 du rapport). La stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2020 prévoit donc d’étendre les surfaces agricoles couvertes par des mesures de biodiversité au titre de la PAC.

La Cour des comptes constate cependant que les mesures de la PAC sensées favoriser la biodiversité ont dans la pratique un impact « négatif […], limité ou inconnu » (§ 77). Concernant par exemple les paiements directs aux agriculteurs, dont le versement est soumis au respect d’exigences environnementales, la Cour considère que « la grande majorité des régimes de paiements directs dans l’UE n’ont pas d’impact direct mesurable sur la biodiversité des terres agricoles » (§ 40). En outre, la Cour note la faiblesse des indicateurs visant à mesurer objectivement l’impact des mesures de la PAC sur la biodiversité, notamment parce qu’ils ne sont pas suivis par certains Etats-membres.

Il est également reproché aux Etats-membres de ne pas avoir mis en œuvre l’ensemble des outils de protection de la biodiversité de la PAC qu’ils avaient à disposition, favorisant notamment les options les moins protectrices de la biodiversité. Par ailleurs, la Cour observe que, s’agissant des mesures de développement rural comme l’aide à l’agriculture biologique, les agriculteurs tendent à opter pour les solutions les moins exigeantes en termes de biodiversité.

La Cour recommande alors notamment de mettre en place des indicateurs fiables permettant de mesurer les impacts des politiques agricoles sur la biodiversité, de renforcer la contribution des paiements directs à la biodiversité des terres agricoles et d’accroître la contribution du développement rural à la biodiversité des terres agricoles.

La Commission européenne et les États-membres travaillent en ce moment à la PAC 2021-2027, ces derniers préparant l’élaboration de la déclinaison de la PAC au niveau national, soit le plan stratégique national relatif à la PAC. Il leur appartient donc de prendre en compte les remarques formulées par la Cour des comptes européenne.

(b) Introduction de la possibilité de vendre des semences paysannes

Au niveau national, il peut être souligné que la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires autorise la vente de semences non inscrites au catalogue officiel, ou semences paysannes, aux « utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété » (article 10 de la loi – article L. 661-8 du Code rural et de la pêche maritime), ce qui peut donc concerner les jardiniers amateurs ou les collectivités territoriales. Selon la présidente de la commission développement durable de l’assemblée nationale, il s’agirait d’un « grand pas pour la biodiversité ».

On entend par semences paysannes les variétés relevant du domaine public qui ne sont pas inscrites au Catalogue officiel des variétés dont les semences peuvent être commercialisées, c’est-à-dire les semences traditionnelles ou nouvelles. Les travaux parlementaires indiquent que « Compte tenu de la charge financière et de la complexité administrative que représente l’inscription au catalogue officiel d’une semence, de nombreuses variétés ne sont pas commercialisées mais sont entretenues par des jardiniers amateurs qui contribuent au maintien de la biodiversité »[10].

Cependant, les agriculteurs professionnels ne pourront pas acquérir de semences paysannes, limitant l’impact que pourrait avoir cette mesure sur la protection de la biodiversité. En outre, la Cour des comptes européenne indiquait dans son rapport du 5 juin 2020 que la diversification des cultures, qui impose à certains agriculteurs de cultiver plus d’un type de végétaux, est « la mesure de verdissement qui produit le moins d’effets bénéfiques pour l’environnement » (§ 54) dès lors qu’elle « entraîne rarement un changement dans les pratiques de gestion des terres » (§ 54).

 

Par Solenne Daucé et Julie Cazou

[1] IPBES, Le dangereux déclin de la nature : Un taux d’extinction des espèces « sans précédent » et qui s’accélère, Communiqué de presse [consultable ici : https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr].

[2] Ibidem. Résumé du rapport en français [consultable ici : https://www.afbiodiversite.fr/sites/default/files/resume-IPBES_fr.pdf].

[3] Heinrich Böll Foundation, Friends of the Earth Europe, Insect Atlas 2020, Facts and figures about friends and foes in farming, 9 juin 2020 [consultable ici : http://www.foeeurope.org/sites/default/files/biodiversity/2020/insect_atlas.pdf].

[4] Ibidem, p. 13.

[5] Cour des comptes européenne, rapport n° 13/2020 du 5 juin 2020, §3-4.

[6] Observatoire national de la biodiversité, La nature sous pression, pourquoi la biodiversité disparait ?, 2019 [consultable ici : http://indicateurs-biodiversite.naturefrance.fr/sites/default/files/bilan_2019_onb.pdf].

[7] Conclusions du rapporteur public O. Fuchs.

[8] Voir les conclusions du président Genevois sur CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, au Recueil.

[9] Conclusions du rapporteur public O. Fuchs, CE, 5 juin 2020, Société La Provençale, n° 425395.

[10] Rapport n° 2441, fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative à plusieurs articles de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, sûre et durable (n° 1786), de Mme Barbara Bessot Ballot.

Les fonds de pérennité ont enfin leur décret d’application

La parution du décret d’application relatif aux fonds de pérennité institués par la loi Pacte permet leur création effective. Ce décret précise en effet les modalités de création et de dissolution des fonds et du contrôle administratif de leur gestion.

 

  • La création du fonds de pérennité

La déclaration de création du fonds de pérennité se fait en préfecture. L’article 2 du décret prévoit que cette déclaration doit mentionner plusieurs informations obligatoires telles que la dénomination, l’objet et le siège du fonds de pérennité ou encore la durée pour laquelle il est constitué. La préfecture devra délivrer récépissé de la déclaration dans un délai de cinq jours. La déclaration de création du fonds sera publiée au Journal officiel.

Par ailleurs, le fonds doit publier ses statuts et de leur modification sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative (DILA) et est tenu d’informer la préfecture de toute modification statutaires dans un délai de trois mois.

 

  • Le contrôle administratif de la gestion du fonds de pérennité

Selon la loi PACTE du 22 mai 2019, le fonds de pérennité doit établir et publier des comptes annuels dans les six mois de la clôture de l’exercice sur le site de la DILA et nommer un commissaire au compte si ses ressources dépassent 10 000€.

Les fonds soumis à cette obligation doivent ainsi mettre leurs comptes annuels à disposition du commissaire aux comptes au moins 45 jours avant la date de la réunion du conseil d’administration convoquée pour leur approbation. Il appartient alors au commissaire aux comptes de certifier les comptes annuels et de vérifier leur concordance avec le rapport d’activité. Le rapport d’activité du fonds, les comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes doivent être adressés à la préfecture dont dépend le fonds.

Lorsque l’autorité administrative compétente constate un dysfonctionnement grave affectant la réalisation de l’objet du fonds de pérennité, elle mettra en demeure le fonds d’y remédier dans le délai de six mois . Constitue par exemple un dysfonctionnement le fait pour le fonds de pérennité de disposer de tout ou partie de sa dotation en violation des règles légales ou statutaires ou encore le fait pour le fonds de ne pas respecter ses obligations en matière comptable.

 

  • La procédure d’alerte à disposition du commissaire aux comptes

La procédure d’alerte peut être engagée par le commissaire aux comptes lorsqu’il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité du fonds. Si le conseil d’administration ne prend pas de mesures suffisantes, le commissaire devra rédiger un rapport spécial et le transmettre dans les 15 jours à compter de la réponse du conseil.

Lorsque, à la suite de son rapport, le commissaire aux comptes invite le conseil d’administration du fonds à délibérer sur les faits en cause, il lui appartient de fixer la date de réunion du conseil dans un délai qui ne peut excéder huit jours à compter de la date du rapport.

 

  • La dissolution du fonds de pérennité

Lorsque l’autorité administrative compétente décide de saisir le juge en vue de dissoudre le fonds de pérennité, elle doit notifier sa décision au conseil d’administration et au commissaire aux comptes du fonds ainsi qu’au préfet du département dans le ressort duquel le fonds a son siège. Cette décision est publiée au Journal officiel.

L’assurance maladie au secours des TPE-PME

La subvention « Prévention Covid » a pour but de soutenir les entreprises de moins de 50 salariés, ainsi que les travailleurs indépendants à mettre en place des actions de prévention limitant la transmission du Covid-19 en milieu professionnel.

Cependant, le budget dédié à la subvention étant limité, l’assurance maladie a prévu de privilégier les demandes de subvention selon l’ordre chronologique d’arrivée. Le versement de la subvention ne sera donc plus possible lorsque le budget sera épuisé.

 

  • Bénéficiaires

En premier lieu, la subvention s’adresse aux entreprises dont l’effectif est compris entre 1 et 49 salariés et aux travailleurs indépendants qui cotisent au régime général de la sécurité sociale et qui n’emploient pas de salarié à la date de la demande de subvention. Une entreprise multi-établissements pourra faire plusieurs demandes de subvention si son effectif total reste inférieur au seuil de 49 salariés. Toutefois, le total des montants versés ne pourra pas dépasser 5 000 €.

Pour pouvoir bénéficier de la subvention, l’entreprise doit notamment cotiser au régime général de la sécurité sociale et être implantée en France. En revanche une entreprise ou un travailleur indépendant n’est pas éligible à la subvention si elle bénéficie d’un contrat de prévention ou encore si les éléments ont été commandés avant la date de début de la subvention ou s’ils ont été financés par crédit-bail.

Le montant de la subvention, plafonné à 5 000 €, est égal à la moitié du montant de l’investissement hors taxes réalisé par les employeurs et les travailleurs indépendants pour l’achat ou la location d’équipements de protection du Covid-19. L’investissement minimum doit être de 1 000 € HT pour une entreprise avec salariés et de 500 € HT pour un travailleur indépendant.

 

  • Les mesures de préventions couvertes par la subvention

La subvention est destinée à financer le matériel acheté ou loué par les entreprises, entre le 14 mars et le 31 juillet 2020, pour isoler le poste de travail des contacts avec les clients ou le public (pose de vitre, plexiglas…), faire respecter les distances (guides files, poteaux, grilles…) et communiquer (écrans, tableaux …). Cependant, les éléments à usage unique (scotchs, peintures…) sont exclus du dispositif.

De plus, la subvention « Prévention Covid » couvre aussi les mesures d’hygiène et de nettoyage : cela vise les installations permanentes permettant le lavage des mains et du corps et les installations temporaires et additionnelles telles que les toilettes et les lavabos.

Il est à noter les masques, gels hydroalcooliques et visières sont financés uniquement si l’entreprise a également investi dans au moins l’une des mesures barrière et de distanciation sociale évoquées.

 

  • La demande de subvention : procédure et contrôles

La demande de subvention s’effectue en remplissant le formulaire mis en ligne par l’assurance maladie. Elle doit être accompagnée des pièces justificatives telles qu’un extrait K-bis, une attestation Urssaf datant de moins de 6 mois et sur laquelle figure l’effectif de l’entreprise ou encore une déclaration sur l’honneur de ne pas bénéficier d’une autre aide publique pour le même financement de matériel ou d’équipement. La demande doit être envoyée avant le 31 décembre 2020. La subvention sera versée à l’employeur ou au travailleur indépendant qui en remplit les conditions en une seule fois par la caisse régionale.

 

Enfin, l’assurance maladie a prévu des contrôles réalisés par les agents des caisses qui exigeront de voir le matériel ou équipement subventionné ainsi que les justificatifs d’achat. In fine, la caisse pourra demander le remboursement de la totalité de l’aide financière accordée si le contrôle révèle que ce matériel ou équipement n’est pas monté ou visible, si les prestations n’ont pas été réalisées ou si les déclarations sur l’honneur sont erronées.

La tenue d’une assemblée générale « à huis clos » encore permise depuis la fin du confinement

L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020, complétée par le décret d’application du 10 avril 2020, a adapté les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées, dans l’objectif de permettre aux groupements de droit privé de continuer d’exercer leurs missions malgré la crise sanitaire et la période de confinement. L’ordonnance autorise la tenue des assemblées et réunions à huis clos ou en visioconférence, étant entendu que la décision de faire application de cette mesure revient à l’organe compétent pour convoquer l’assemblée.

Par ailleurs, l’ordonnance précitée rappelle que l’assemblée générale des associés peut être tenue à huis clos, à condition qu’elle soit convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation, ou à celle de la réunion, par une mesure administrative limitant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires. Le ministère de l’économie, par le biais de la direction générale du trésor, a précisé que cette condition devait impérativement être satisfaite pour pouvoir organiser une assemblée à huis clos.

Quid de la tenue des assemblées générales après la période de confinement ? L’article 11 de l’ordonnance du 25 mars 2020 répond clairement à cette interrogation puisqu’il dispose que toutes les mesures évoquées sont applicables aux assemblées et aux réunions tenues jusqu’au 31 juillet 2020.

De surcroît, le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020, détaillant la phase 2 du déconfinement, n’est d’aucune incidence sur la validité des assemblées générales tenues à huis clos. En effet, parmi les mesures adoptées par ce décret, sont notamment prévues le respect des gestes barrières définis en tout lieu et en toute circonstances et l’interdiction de toute réunion de plus de dix personnes à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public.

Le ministère de l’économie considère que ces mesures permettent de considérer que la condition pour pouvoir organiser une assemblée à huis clos est satisfaite dès lors qu’elles sont applicables au lieu où l’assemblée est convoquée.

Le candidat dont l’offre était irrégulière peut se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire en référé précontractuel et contractuel

Un acheteur public avait engagé une procédure de passation d’un accord-cadre de prestations de nettoyage de locaux et de sites, qui était divisé en neuf lots. La société Clean Building, retenue pour un seul lot, a introduit une requête en référé contractuel contre la procédure de passation de plusieurs lots, requête rejetée au motif que son offre était irrégulière si bien que l’ensemble des moyens sur lesquels reposait sa requête devaient être analysés comme inopérants.

Dans cette décision, le Conseil d’État a sanctionné cette analyse : il énonce, pour la première fois, la possibilité, pour un candidat évincé, de soulever un moyen tiré de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire, et ce alors même que son offre est elle-même irrégulière.

Depuis la décision SMIRGEOMES (CE, 3 octobre 2008, req. n° 305420), il est constant qu’en référé précontractuel, le candidat dont l’offre était irrégulière ne peut jamais être considéré comme lésé par le choix d’un candidat irrégulièrement retenu, sauf dans le cas où le manquement dont il se prévaut est justement à l’origine de l’irrégularité de son offre (CE, 12 mars 2012, Sté Clear Channel France, req. n° 353826). Un tel moyen est donc inopérant.

En première instance, le Tribunal administratif avait ainsi (logiquement) rejeté les conclusions de la société Clean Building : la requérante se prévalait du caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire, alors que l’offre qu’elle avait présentée était elle-même irrégulière ; cette irrégularité découlait de la circonstance qu’elle n’avait pas répondu à la demande de justifications que lui avait adressée le pouvoir adjudicateur, qui suspectait son offre d’être anormalement basse.

En cassation, le Conseil d’État juge toutefois que « la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige », notamment « lorsqu’une offre peut être assimilée, par le juge des référés dans le cadre de son office, à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas ».

Les magistrats du Palais Royal s’alignent ainsi sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 4 juillet 2013, Fastweb, C-100/12 ; CJUE, 5 avril 2016, PFE, C-689/13 ; CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi, C-333/18) au terme de laquelle, pour reprendre les mots du rapporteur public, « l’irrégularité de l’offre ou de la candidature du requérant ne peut faire obstacle à ce qu’il invoque l’irrégularité de la candidature ou de l’offre retenue, à l’appui d’un référé précontractuel ou contractuel » (conclusions Gilles Pellissier sur CE, 27 mai 2020, Sté Clean Building, req. n° 435982).

Cette évolution est toutefois apparemment circonscrite aux référés précontractuel et contractuel, et ne s’étend donc pas aux procédures contentieuses au fond, aux recours en contestation de la validité du contrat. C’est à tout le moins le sens des conclusions du rapporteur public, sans que l’on mesure toutefois très bien les raisons qui justifient ce sort différent. Il faut donc comprendre que demeure pleinement applicable la décision du Conseil d’État du 9 novembre 2018, à l’occasion de laquelle, dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne, il avait refusé de faire application de la jurisprudence européenne au contentieux de la validité du contrat, « où seuls demeurent opérants les manquements en rapport direct avec les motifs d’éviction » des candidats (CE, 9 novembre 2018, Société CERBA, req. n° 420654 ; conclusions Gilles Pellissier).

Contestation de la validité d’un contrat administratif : précisions sur la recevabilité des recours intentés par des tiers en charge de la défense d’intérêts collectifs

Par sa décision Département de Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014 (req. n° 358994), le Conseil d’État avait élargi le recours direct contre les contrats administratifs à tous les tiers susceptibles d’être lésés, dans leurs intérêts, par sa passation ou ses clauses.

Récemment, le Conseil d’Etat avait, par une importante décision du 27 mars 2020 publiée au recueil Lebon, reconnu la recevabilité d’un tel recours introduit par les contribuables locaux, dès lors que ceux-ci établissent « que la convention ou les clauses dont ils contestent la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité » (voir la décision CE, 27 mars 2020, req. n° 426291, que nous avons commentée).

Cette décision semblait consacrer une acception large de la notion de « tiers susceptible d’être lésé » au sens de la décision Tarn-et-Garonne.

Toutefois, par sa décision du 3 juin 2020, qui sera mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient quelque peu temporiser cette tendance, en refusant de reconnaitre la recevabilité d’un recours contre un marché de conception-réalisation introduit par un conseil régional de l’ordre des architectes au nom de la défense des intérêts professionnels dont il avait la charge.

Cette décision intervient dans le cadre d’un litige relatif à la passation d’un marché de conception-réalisation en vue de la construction d’un collège par le Département de la Loire-Atlantique en 2014. Le Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire a contesté la régularité de ce marché devant le Tribunal administratif qui, par jugement du 23 mars 2017, a rejeté sa requête. Saisie par le Conseil régional de l’ordre des architectes, la Cour administrative d’appel a, par un arrêt du 9 novembre 2018, annulé ce jugement ainsi que le marché litigieux.

Saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt par le Département de la Loire-Atlantique, le Conseil d’Etat rappelle, par sa décision du 3 juin 2020, qu’un tiers à un contrat administratif « n’est recevable à contester la validité d’un contrat […] que s’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses ».

En l’espèce, il considère que si les conseils régionaux de l’ordre des architectes ont, en vertu des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qualité pour agir en justice en vue notamment d’assurer le respect de l’obligation de recourir à un architecte, la seule passation, par une collectivité territoriale, d’un marché public confiant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l’établissement d’études et l’exécution de travaux ne peut être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont ils ont la charge.

Par suite, le Conseil d’Etat conclut que le Conseil régional de l’ordre des architectes des Pays de la Loire n’était pas recevable à former un recours Tarn-et-Garonne contre le marché de conception-réalisation litigieux et annule donc l’arrêt de la Cour administrative d’appel.

Liberté d’expression : rappel quant à la nécessité d’un examen objectif des critères de la bonne foi

Monsieur B., maire d’une commune du Bas-Rhin, était poursuivi du chef de diffamation non publique pour avoir adressé aux maires de communes voisines deux courriers aux termes desquels il mettait en cause un agent de l’Office National des Forêts pour l’Alsace (ONF), Monsieur S.

Monsieur S. se voyait, en effet, imputer des actes susceptibles de donner lieu à des sanctions pénales ou disciplinaires, à savoir d’avoir autorisé un « défrichement qualifié d’illégal » et d’avoir « commis une tentative d’agression sur Monsieur W ».

Ces courriers, selon Monsieur B., avaient pour objectif de prendre la défense de Monsieur W., agent de l’ONF, à la suite d’une décision de mutation d’office (sanction disciplinaire) qui était envisagée à son encontre dans le cadre, en toile de fond, d’un différend professionnel opposant Monsieur W. et Monsieur S (ce dernier imputant à celui là des faits de harcèlement moral ayant donné lieu à l’exercice d’un droit d’alerte et à une enquête du CHSCT).

Monsieur W., agent de l’ONF, était également poursuivi pour avoir diffusé lui-même ces deux courriers pour servir l’exercice des droits de sa défense devant la commission administrative paritaire appelée à prononcer un avis sur la sanction envisagée.

En première instance, le Tribunal de police renvoyait les prévenus des fins des poursuites ; les parties civiles et le Parquet interjetaient appel de cette décision.

La Cour d’appel infirmait le jugement et condamnait Messieurs B. et W. en retenant que l’exception de bonne foi devait être rejetée, au motif que :

  • l’existence du différend entre M. W. et M. S. permettait de déduire une animosité personnelle du premier à l’encontre du second, de sorte que M. W. ne pouvait prétendre au bénéfice de la bonne foi.

  • les moyens utilisés par M. B. pour défendre M. W., à savoir les deux courriers, étaient disproportionnés au regard du but poursuivi, de sorte que M. B ne pouvait poursuivre une légitimité d’information et, par suite, ne remplissait pas toutes les conditions de l’exception de bonne foi :

« [M. B.] souhaitait prendre la défense de M. W…, agent de l’ONF mais aussi membre du conseil municipal, défense qui pouvait passer par le signalement de dysfonctionnements de l’ONF imputables à des collègues de celui-ci, mais ne nécessitait nullement de se livrer à des attaques personnelles contre M. S… et de les répercuter à l’ensemble des maires du même triage forestier que la commune [dirigée par M. B.], de sorte qu’il n’y a ni légitimité du but poursuivi, ni prudence ou mesure dans l’expression, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres critères communément admis pour retenir la bonne foi ».

Invoquant l’exception de bonne foi, les prévenus reprochaient à la Cour d’appel dans leur pourvoi la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment.

La Cour, leur faisant droit et usant de la nouvelle technique de rédaction de ses arrêts, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel en rappelant les principes suivants :

« La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 du premier de ces textes.
En matière de diffamation, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges, qui examinent à cette fin si celui-ci s’exprimait dans un but légitime, était dénué d’animosité personnelle, s’est appuyé sur une enquête sérieuse et a conservé prudence et mesure dans l’expression, de rechercher d’abord, en application de ce même texte, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, afin, s’ils constatent que ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement ces quatre critères, notamment s’agissant de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence ».

Dans ce cadre, s’agissant des poursuites à l’encontre du Maire, la Cour de cassation précise que :

« les juges se sont contredits en reconnaissant qu’il pouvait dénoncer des dysfonctionnements de l’ONF imputables à des collègues de M. W…, tout en lui déniant la légitimité du but qu’il poursuivait en informant les maires concernés de ces dysfonctionnements, qui constituaient pourtant pour eux un sujet d’intérêt général ».

La contradiction de motifs équivalant à une absence de motifs, la Cour d’appel a ainsi commis un vice dans son raisonnement juridique.

La Cour de cassation lui reproche par ailleurs de ne pas avoir recherché si les propos pouvaient être couverts par les stipulations de l’article 10 CEDH : partant, elle a tout autant failli, de surcroît en refusant de moduler les critères traditionnels de la bonne foi compte tenu du débat d’intérêt général dans lequel ils s’inscrivaient.

S’agissant des poursuites contre M. W., elle constate que :

« les juges ne pouvaient déduire une animosité personnelle, de nature à le priver du bénéfice de la bonne foi, des mauvaises relations entre lui et M. S…, alors que c’était précisément pour éclairer les membres de la commission administrative paritaire appelée à donner un avis sur un projet de mutation dans l’intérêt du service entendant tirer les conséquences de cette situation que M. W… avait transmis à ceux-ci les courriers adressés par M. B ».

Ainsi, la Cour de cassation rappelle que la liberté d’expression telle que garantie par la Convention européenne des droits de l’Homme doit amener le juge à un examen strict des propos poursuivis et du contexte dans lequel ils sont diffusés ; dès lors, la circonstance que des propos répondent à la définition légale et textuelle de la diffamation n’est pas suffisante pour entrer en voie de condamnation ; un second raisonnement doit conduire les juges à s’interroger sur leur caractère « sanctionnable », au regard du moyen de défense dénommé « bonne foi » tel qu’il doit être éclairé/interprété par le droit européen dégagé à travers les stipulations de l’article 10 de la CEDH.

Pour les plus avertis, cet arrêt pose toutefois la question de la nature attribuée par la Chambre criminelle au moyen de l’article 10 de la CEDH  : pourvue d’un effet vertical (opposable à l’État donc à ses juridictions) et horizontal (invocable directement entre parties privées à un litige), surtout émanant d’une source internationale ayant une valeur supra-nationale, la norme conventionnelle est-elle réellement un moyen de défense distinct de celui « franco-français » de la bonne foi, ou un texte d’interprétation/éclairage de cette dernière, laissé à la disposition de nos magistrats?

Projet de loi relatif au Second tour des municipales

Le Gouvernement avait déposé le 27 mai 2020 à l’Assemblée nationale un projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon 2020, organisation d’un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires, et engagé la procédure accélérée sur ce texte. Le texte a ensuite été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 juin 2020 et par le Sénat le 10 juin 2020.

Si le texte déposé comportait notamment des dispositions relatives à l’annulation du second tour, nonobstant l’adoption du décret convoquant les électeurs pour le second tour au 28 juin 2020 sur la base de l’avis du conseil scientifique, la commission des lois du Sénat les supprimées pour ne maintenir que la possibilité pour le Gouvernement d’annuler, selon certaines conditions, la tenue du scrutin dans les foyers épidémiques et en en adaptant les conséquences quant à la nécessaire prorogation des mandats subséquente (article 5), et modifié l’intitulé du texte, désormais « projet de loi tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires ».

Tirant les conséquences de ces modifications, elle a également adopté des mesures permettant de mieux organiser le scrutin du 28 juin (faciliter le recours aux procurations notamment). On peut également noter une mesure d’ordre général, à l’article 2 decies du projet, qui modifie le régime de l’opposition par les maires au transfert à l’EPCI ou groupement de collectivité territoriales des pouvoirs de police ou à la reconduction de ce transfert.

Parallèlement, des dispositions ont été adoptées, tant par la commission des lois qu’en séance publique, pour faciliter le fonctionnement des assemblées locales pendant et au-delà du terme de l’état d’urgence sanitaire (I.) et pour adapter le fonctionnement de certains syndicats (II.).

 

I – Les mesures facilitant le fonctionnement des assemblées locales

 

L’article 2 quater permet l’adoption jusqu’au 30 septembre 2020, pour les communes et EPCI intégralement renouvelés au premier tour, de la ou les délibérations à portée le cas échéant rétroactive portant sur les indemnités des membres des conseils municipaux et des conseils communautaires. L’article 2 undecies prolonge le délai de communication aux conseillers communautaires de l’état présentant l’ensemble des élus siégeant au conseil.

L’article 2 quinquies modifie les dispositions de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19. Ainsi, l’article 11 de cette ordonnance serait modifié pour prolonger les règles dérogatoires relatives aux consultations préalables des commissions internes (article 4 de l’ordonnance) et aux réunions dématérialisées des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que des commissions permanentes des collectivités territoriales et des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale (article 6 de l’ordonnance) jusqu’au 30 octobre 2020 ou, si l’état d’urgence est prorogé au-delà de cette date, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Il est également prévu, pour les communes pour lesquelles l’organisation d’un second tour est nécessaire et les EPCI comportant de telles communes, de limiter le champ d’application de la délégation de plein droit à l’exécutif prévue par l’article 1er de l’ordonnance au lendemain du second tour, ne maintenant la limite d’applicabilité de ce dispositif au 10 juillet 2020 (déjà prévue en l’état actuel du texte) qu’à défaut d’organisation de ce second tour avant cette date.

L’article 2 sexies réduit le délai de convocation des conseils communautaires renouvelés, pour porter le délai à trois jours francs au lieu des cinq prévus par l’article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales.

L’article 2 septies vise à prolonger au-delà de la durée de l’état d’urgence sanitaire et à étendre à toutes les collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre la faculté dont dispose le maire, pendant l’état d’urgence sanitaire, aux termes de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de l’épidémie de covid-19, de réunir son conseil municipal en tout lieu sous réserve des conditions prévues.

L’article 2 octies vise à prolonger au-delà de la durée de l’état d’urgence sanitaire la possibilité de déroger au caractère public des réunions des assemblées délibérantes.

L’article 2 nonies permet aux assemblées délibérantes des communes et EPCI de déroger, à l’unanimité, au scrutin secret exigé pour les nominations des délégués au sein des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes fermés.

 

II – Les mesures relatives à la gouvernance des syndicats

 

L’article 2 ter prévoit une modification des dispositions de l’article 19, X, de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 pour introduire, pour les syndicats mixtes fermés comportant des communes pour lesquelles l’organisation d’un second tour est nécessaire ou des EPCI comportant de telles communes, une dérogation aux dispositions de l’article L. 5711-1 du CGCT visant à leur accorder un délai supplémentaire pour organiser la réunion d’installation de leur organe délibérant renouvelé (la législation en vigueur prévoyant que le comité syndical doit se réunir au plus tard le vendredi de la quatrième semaine suivant l’élection des exécutifs).

L’article 2 duodecies vise à préciser, dans les syndicats de communes et les syndicats mixtes fermés, les modalités de remplacement provisoire, dans la plénitude de ses fonctions, et jusqu’à l’installation de l’organe délibérant du syndicat qui suit le second tour du renouvellement général des conseils municipaux, du Président qui aurait perdu son mandat à la suite de la désignation par les membres dudit syndicat de leurs nouveaux représentants.

Le texte doit désormais être examiné par la commission mixte paritaire.

Précisions autour de la notion d’ensemble immobilier

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, entrée en vigueur le 1er juin dernier, soumet les immeubles bâtis ou groupes d’immeubles bâtis à destination d’habitation au régime de la copropriété de manière impérative. Cependant, les ensembles immobiliers restent soumis au régime de la copropriété à titre facultatif.

L’arrêt rendu par la troisième chambre civile le 26 mars 2020 permet néanmoins de préciser la notion d’ensemble immobilier. En l’espèce, deux sociétés sont propriétaires de fonds contigus sur lesquels sont construits deux groupes d’immeubles et dont les garages souterrains respectifs sont desservis par une rampe d’accès commune.

L’un des propriétaires a assigné le propriétaire voisin afin qu’il lui soit fait interdiction de traverser ses parcelles. Le défendeur demande alors reconventionnellement que soit reconnu la soumission de l’ensemble immobilier constitué des immeubles édifiés sur les deux fonds au statut de la copropriété, ce qui lui permettrait alors d’emprunter la rampe litigieuse.

La Cour d’appel de Chambéry applique le statut de la copropriété, sur le fondement de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965, en se fondant sur la seule présence d’une rampe d’accès permettant l’accès aux sous-sols respectifs des deux sociétés sans avoir constaté l’existence de terrains et de services communs partagés par les deux ensembles immobiliers. Insatisfait de cette décision, le propriétaire désireux d’interdire la rampe au propriétaire voisin a formé un pourvoi en cassation.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation censure l’arrêt des juges en expliquant que la qualification d’ensemble immobilier suppose l’existence de terrains, d’aménagements et de services communs, ce qui ne saurait résulter uniquement de la présence d’une rampe d’accès aux sous-sols de deux bâtiments privatifs.

En effet, la copropriété est une forme d’indivision organisée. Il est dès lors incontournable que l’élément commun fédérateur soit en indivision pour qu’il y ait nécessairement besoin d’un organe commun de gestion. Or, selon la Haute Cour, la Cour d’appel n’a pas expressément constaté la propriété commune des parties sur la rampe desservant les garages en sous-sol et l’entrée commune mais uniquement sa construction avec leur accord, dans le but de servir à un usage commun.

Sincérité du scrutin et abstention : les résultats ne peuvent être contestés

Dans la commune de Vezin-le-Coquet le taux d’abstention au 1er tour des élections municipales a atteint 54,30%, il était de 55,25 % sur le territoire national.

Dans le cadre des contentieux relatifs à la contestation des résultats des élections municipales, la question de l’impact de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a, très souvent été invoquée par les requérants.

A titre d’exemple, le tribunal administratif de Rennes a été saisi de 180 recours au total en contentieux électoral dont 78 recours portant sur les opérations électorales et 102 déférés. Au total, 9 décisions ont été rendues par ordonnances.

En l’espèce, il s’agissait alors pour le requérant de démonter l’insincérité du scrutin en raison du fort taux d’abstention constaté.

Le candidat perdant a demandé au Tribunal administratif de Rennes d’annuler le scrutin du premier tour.

Il soutient que le premier tour des élections municipales est entaché d’insincérité, eu égard au fait que les élections ont été organisées dans un « climat non serein ». Il estime également que le taux d’abstention est record dans la mesure où il n’a jamais été atteint dans le passé et que cette abstention s’explique par « les mises en garde répétées et contradictoire des pouvoirs publics ».

Il mentionne à titre d’exemple l’intervention télévisée du Président de la République du 12 mars 2020, l’annonce de la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires qui sont intervenues quant aux risques liés à l’épidémie de Covid-19 et qui ont eu un effet négatif sur la participation notamment des personnes âgées et fragiles, créant un contexte anxiogène.

Le juge administratif a considéré que l’abstention liée aux craintes entourant cette pandémie a impacté de la même manière toutes les listes en présence et que la seule circonstance que cette baisse du taux de participation par rapport aux élections municipales antérieures serait consécutive à des annonces de la part du Gouvernement sur l’épidémie de Covid-19 ne permet pas, à elle seule, d’établir l’existence d’une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Le Tribunal administratif de Rennes ne retient pas l’argumentaire développé et rejette la requête par une ordonnance de tri en date du 26 mai 2020. Le requérant dispose d’un délai d’un mois pour faire appel de la décision devant le Conseil d’Etat.

Cependant, il semble difficile de titrer toutes les conséquences de cette décision et d’une censure par le juge administratif, dans les hypothèses où l’écart des voix serait plus faible que dans le cas d’espèce.

Municipales 2020 – Transmission de deux QPC au Conseil constitutionnel par le Conseil d’Etat

CE, 25 mai 2020, n° 440335

 

Dans deux décisions du 25 mai 2020, le Conseil d’Etat, dans son rôle de filtre, a transmis au Conseil constitutionnel, deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

La première QPC, qui lui avait été transmise par le Tribunal administratif de Nice, tend à la protestation des opérations électorales qui se sont déroulées à La Brigue (commune de – 1 000 habitants en Alpes-Maritimes). Cette QPC est dirigée contre diverses dispositions prévues à l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 qui entérinent le 1er tour des élections, organisent le report du 2nd et l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires.

La seconde QPC, qui lui avait été transmise par le Tribunal administratif de Montpellier, tend à la protestation des opérations électorales qui se sont déroulées à Juvignac (commune de + 1 000 habitants dans l’Hérault). Elle soulève sur le fond les mêmes moyens que la première mais porte aussi sur la constitutionalité des modes de scrutin. En effet, pour les scrutins de liste dans les communes de + 1 000 habitants, l’article L. 262 du Code électoral ne prévoit pas de condition de quorum pour la répartition des sièges à l’issue du 1er tour des élections (disposition déclarée constitutionnelle en 1982). Le Conseil estime qu’au regard de la situation, il existe bien un changement de circonstances de faits et que la question présente un caractère sérieux. Il est à noter que cette disposition n’est pas sans lien avec celles développées dans la première décision.

Le Conseil rappelle dans un premier temps dans les deux décisions les règles de transmission d’une QPC (article 23-4 de l’ordonnance n° 58-1067).

Concernant la 1ère QPC, le Conseil considère que les dispositions I, III et IV de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 sont applicables au litige. Le Conseil renvoie donc la totalité de l’article 19, sans chercher véritablement à expliquer pourquoi il estime la question sérieuse. Ainsi, son contrôle portera sur la validation a posteriori du 1er tour et le report en juin du 2nd tour. Cette appréciation peut s’expliquer notamment car c’est une commune de – 1 000 habitants pour laquelle une seule partie des sièges a été pourvue au 1er tour. Elle est donc susceptible d’être concernée par ces dispositions. En renvoyant l’ensemble de l’article 19, le Conseil apprécie souplement le critère de l’applicabilité au litige.

En outre, le Conseil considère que ces dispositions n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, notamment concernant le principe de sincérité du scrutin, qui a pour corollaire l’exigence de loyauté et de clarté du scrutin (Cons. const, 24 juillet 2003, n° 2003-475).

Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer sur diverses questions.

Concernant le taux d’abstention au 1er tour, il n’a jamais été l’unique cause d’invalidation d’une élection (CE, 22 juillet 2015, n° 385989) et il est apprécié au cas par cas (manœuvres et pressions ou circonstances exceptionnelles (Cons.const., 1er juillet 1993, n° 93-1279)). Il n’existe pas de principe selon lequel le vainqueur doit avoir été désigné par une part suffisante du corps électoral. Une critique d’ensemble du processus électoral sur ce fondement parait donc assez improbable.

Le délai très important entre les deux tours de l’élection pourrait poser une question plus sérieuse tenant au principe de sincérité du scrutin, qui figure dans les normes de références du Conseil constitutionnel. Cependant il n’a que récemment été rattaché à l’article 3 de la Constitution (Cons. const., 20 décembre 2018, n° 2018-773) et son contenu reste indéterminé concernant la validation, l’annulation ou le report d’une élection.

Il est à noter que le Conseil constitutionnel a déjà admis la validité d’une élection obtenue après que le 2nd tour ait été reporté en raison de circonstances exceptionnelles (Cons. const, 27 juin 1973, n° 73-603-741). Cependant le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à se prononcer sur un écart aussi conséquent de quinze semaines entre les deux tours.

Concernant le principe d’égalité, en cas de situation différente, le traitement peut être différent. Il convient de distinguer l’égalité entre les communes dont les résultats ont été acquis au 1er tour et les autres et l’absence de « quorum » face aux principes d’égalité entre électeurs et d’égalité entre candidats.

Le Rapporteur public n’invite pas particulièrement à donner satisfaction aux requérants sur le fond mais il considère, et le Conseil d’Etat avec lui visiblement, que la responsabilité de dire le droit sur ce point touchant aux équilibres démocratiques appartient au Conseil constitutionnel.