Certificat d’urbanisme : La cristallisation des règles est prorogée en cas d’annulation d’un refus de permis de construire dont la demande avait été déposée dans le délai imparti

Par une décision en date du 24 novembre dernier, le Conseil d’Etat a considéré que le pétitionnaire bénéficiant d’un certificat d’urbanisme qui s’est vu opposer un refus irrégulier à sa demande de permis de construire, lequel a été annulé par le juge administratif, est en droit de voir sa demande de permis de construire initiale examinée au regard des dispositions d’urbanisme en vigueur à la date de délivrance du certificat d’urbanisme, quand bien même il aurait été délivré plus de 18 mois avant que l’autorité administrative compétente ne statue à nouveau sur cette demande.

 

Dans cette affaire, la société requérante, qui avait obtenu un certificat d’urbanisme pour la réalisation d’une opération mixte sur un terrain situé à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) le 24 février 2014, a déposé, le 30 juillet suivant, une demande de permis de construire tendant à l’édification d’un ensemble immobilier de 4 589,65m², comprenant 941,95m² de surface commerciale et 51 logements.

Le Maire de la commune de Bagnolet a opposé un premier refus à la demande de permis de construire lequel a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 13 octobre 2016 qui a, en outre, enjoint au Maire de Bagnolet de réexaminer la demande de la société requérante dans un délai de trois mois. Après un nouvel examen, le maire a opposé un second refus de délivrer le permis de construire, lequel a de nouveau été annulé par un jugement du 18 janvier 2018, le Tribunal ayant par ailleurs jugé que la société était bénéficiaire d’un permis de construire tacite depuis le 15 janvier 2017, résultant de l’injonction prononcée dans son précédent jugement.

Par suite, Mme D. et autres ont saisi le Tribunal administratif de Montreuil d’une demande tendant à l’annulation de ce permis de construire tacite ainsi que de la décision par laquelle le maire de Bagnolet a refusé de retirer ce permis. La société requérante se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à leur demande, a annulé le permis de construire tacite et que le refus du Maire de le retirer.

C’est dans ce contexte que la Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’application des règles contenues dans les certificats d’urbanisme lorsqu’une demande de permis de construire a bien été déposée dans le délai de 18 mois imparti, mais qu’elle a été irrégulièrement refusée et que ce refus a été annulé par le juge administratif postérieurement à l’expiration du délai de 18 mois.

Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme :

« Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique […] ».

Le Conseil d’Etat a rappelé que ces dispositions ont pour effet « de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ».

Par suite, il a considéré que les pétitionnaires étaient « en droit [de] voir [leur] demande examinée au regard des dispositions d’urbanisme en vigueur à la date [du] certificat » et alors même que le certificat d’urbanisme avait été délivré plus de 18 mois avant que l’autorité administrative compétente ne statue à nouveau sur cette demande dont elle demeure saisie.

Le Conseil d’Etat a précisé qu’« il en va ainsi alors même que le demandeur n’est susceptible de bénéficier d’un permis tacite qu’à la condition d’avoir confirmé sa demande ».

Par suite, en jugeant que la société pétitionnaire ne pouvait bénéficier du maintien des règles d’urbanisme applicables à cette date, faute d’avoir demandé la prorogation du certificat d’urbanisme obtenu le 24 février 2014, la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit dès lors que la demande initiale avait été déposé dans le délai de 18 mois prévu par l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.

Parution du décret d’application relatif à la vente de logements appartenant à des organises d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété

Pour rappel, l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété a été prise en application de la Loi ELAN et vise à permettre l’aménagement de l’application du statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans le cadre de la vente de logements sociaux.

L’article L. 443-15-5-1 a été inséré dans le Code de la construction et de l’habitation, aux termes duquel le contrat de vente d’un logement situé dans un immeuble destiné à être soumis au statut de la copropriété conclu entre un organisme d’habitation à loyer modéré et une personne privée peut prévoir un transfert différé de la propriété de la quote-part des parties communes.

Il s’agit d’un régime dérogatoire au statut de la copropriété des immeubles bâtis, pendant une période transitoire qui ne peut excéder dix ans.

Dans l’attente du transfert de propriété de la quote-part des parties communes, il est prévu que l’organisme d’habitations à loyer modéré entretient les parties communes et les équipements communs et veille à leur conservation.

De son côté, l’acquéreur bénéficie d’un droit d’usage réel des parties communes et des éléments d’équipements communs et verse à l’organisme vendeur une contribution aux charges en contrepartie des services rendus et des dépenses.

Le décret n° 2021-1534 du 26 novembre 2021 vient préciser et compléter ce dispositif en définissant les charges auxquelles l’acquéreur contribue en contrepartie de son droit d’usage réel sur les parties communes et équipements communs.

En effet, l’article R. 443-17-3.-I est inséré au Code de la construction et de l’habitation.

Ce décret détermine également les modalités de paiement de ces charges.

Enfin, l’article R. 443-17-5 est inséré au sein du Code de la construction et de l’habitation précisant les modalités d’information des occupants sur leur consommation, lorsque l’immeuble est équipé d’une installation centrale de chauffage, de froid ou d’eau chaude sanitaire et est muni des dispositifs d’individualisation des frais télé-relevables.

Le Code général de la fonction publique est (presque) arrivé

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 portant transformation de la fonction publique avait prévu dans son article 55 une habilitation du Gouvernement par voie d’ordonnance aux fins de création d’un Code de la fonction publique.

C’est donc à ce titre que le 24 novembre 2021 l’ordonnance, qui adopte la partie législative du Code général de la fonction publique (CGFP), a été signée : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044411525.

La partie règlementaire est, elle, attendue pour 2023.

Le but de la manœuvre est de réunir, en principe à droit constant, les dispositions constituant le statut des fonctionnaires, lesquelles sont effectivement éparses.

Pour commencer ce vaste chantier, le texte de l’ordonnance réunit donc dans la partie législative du Code les quatre lois statutaires que sont la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l’Etat, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 afférente à la fonction publique territoriale et, enfin, la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 régissant la fonction publique hospitalière. Leurs dispositions relatives aux agents contractuels de droit public sont également intégrées et désormais l’organisation répond à un plan thématique et non plus par fonction publique.

On recense au total un chapitre liminaire, huit livres, des articles numérotés L. 1 à L. 829-2, pour une entrée en vigueur le 1er mars 2022. Le classement est le suivant :

  • droits, obligations et protections (I),
  • droit syndical et dialogue social (II),
  • recrutement (III),
  • organisation et gestion des ressources humaines (IV),
  • carrière et parcours professionnels (V),
  • temps de travail et congés (VI),
  • rémunération et action sociale (VII),
  • prévention et protection en matière de santé et sécurité (VIII).

Et bien entendu, le tableau de concordance est déjà accessible : https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/autour-de-la-loi/codification/tables-de-concordance/code-general-de-la-fonction-publique

Publication du rapport public annuel de contrôle de l’ANCOLS

L’ANCOLS a rendu son – très attendu – rapport public annuel de contrôle, dans lequel sont exposées les principales conclusions de ses contrôles.

L’année 2020 correspondait à la fin d’un cycle sexennal (2015-2020) de contrôle des organismes de logement social par l’ANCOLS, permettant ainsi d’en tirer les conclusions suivantes sur cette période :

  • le taux de couverture du parc social par les contrôles est de 90 % ;
  • le taux de contrôle des organismes de logement social est de 79 % avec les contrôles en cours à la fin de l’année 2020 ;
  • ce taux de contrôle est de 91 % pour les organismes de plus de 12 000 logements et atteint 100 % pour ceux détenant 50 000 logements et plus.

Pour l’année 2020, les données importantes sont :

  • la réalisation de 99 contrôles d’organismes de logement social, dont 10 portaient sur des groupes d’organismes comptant chacun entre 2 et 8 organismes ;
  • l’examen par le Comité du contrôle et des suites (« CCS ») de l’ANCOLS de 87 contrôles, dont 74 ont fait l’objet de suites administratives ;
  • à la suite de l’examen des dossiers par le CCS, le Conseil d’administration de l’ANCOLS a proposé [au Ministre chargé du Logement] des sanctions pécuniaires à l’encontre de 22 organismes pour un montant de 761.000 €, la dissolution d’un organisme et cinq sanctions à l’encontre de dirigeants ou d’administrateurs.

Sur le formalisme de la renonciation au droit d’usage et d’habitation viager

Si l’acte de vente prévoit que le vendeur peut renoncer au droit d’usage et d’habitation viager par lettre recommandée avec avis de réception envoyée à l’acheteur 6 mois à l’avance, la renonciation ne peut pas avoir lieu de manière tacite.

En l’espèce, une maison a été mise en vente et le vendeur s’est réservé le droit d’usage et d’habitation viager. Huit ans après la vente, l’acheteur loue la maison au vendeur. Le vendeur assigne l’acheteur en annulation du bail, en remboursement des loyers versés et en indemnisation de son préjudice moral.

La Cour d’appel de Dijon rejette la demande du vendeur. Selon les juges du fond, le vendeur a renoncé de manière tacite au droit d’usage et d’habitation qu’il s’était réservé sur l’immeuble aux motifs qu’il a signé un contrat de bail, payé un loyer mensuel pendant 4 ans et avait sollicité par écrit un délai pour apurer l’arriéré locatif.

La Cour de cassation casse cet arrêt et estime que la renonciation n’est pas intervenue dans les formes prévues par l’acte de vente. Selon les termes de l’acte, le vendeur peut renoncer au droit d’usage et d’habitation par lettre recommandée avec avis de réception envoyée à l’acheteur 6 mois à l’avance : la renonciation ne pouvait donc pas avoir lieu de manière tacite.

Il est à noter que le crédirentier peut valablement renoncer à percevoir la rente, ou encore à son droit d’usage et d’habitation comme c’est le cas ici, et dispenser ainsi le débirentier du paiement des arrérages ultérieurs (Cass. 1e civ. 15 juin 1973, n° 72-12.811 : Bull. civ. I n° 205). Toutefois, cette renonciation ne se présume pas : en effet, le silence et l’inaction du crédirentier ne constituent pas des faits positifs et non équivoques témoignant d’une volonté manifeste de renoncer aux prestations définies dans l’acte de vente (Cass. 3e civ. 4 janvier1991, n° 89-14.858).

Sur la mise en pratique du droit de préférence en matière de bail commercial

Le droit de préférence n’interdit pas au propriétaire de mettre en vente son bien avant de le proposer en priorité au locataire et l’offre envoyée au preneur peut mentionner des honoraires d’agence, dès lors que le prix est clairement identifié.

En l’espèce, un bailleur commercial avait confié un mandat de vente à une agence immobilière le 3 mars 2018. Ayant trouvé un acquéreur potentiel, le bailleur avait transmis, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2018 puis par acte d’huissier du 24 octobre 2018, une offre de vente à son preneur qui mentionnait, en sus du prix principal proposé, des honoraires d’agence. Par une lettre du 29 octobre 2018, le preneur avait contesté la régularité de l’offre de vente. Malgré cette contestation, le bailleur avait consenti le 9 novembre 2018 une promesse unilatérale de vente à un tiers, sous la condition suspensive de non-exercice par le preneur de son droit de préférence. Le preneur n’ayant pas accepté l’offre transmise, le propriétaire l’avait fait assigner aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci, ce qui devait lui permettre de vendre le bien au tiers bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente.

Par l’arrêt rapporté, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 mai 2020 qui était venu préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, disposition d’ordre public.

La position de la Cour de cassation est particulièrement claire : l’offre de vente notifiée par un propriétaire à son locataire est valable à la condition qu’elle soit antérieure à la vente avec un tiers. Par cette décision, la Cour de cassation s’assure que le locataire qui exerce son droit de préférence mettra le propriétaire dans la position dans laquelle il aurait été s’il avait vendu son bien à un tiers. Droit de préférence ne signifie pas droit à une réduction du prix ou à des conditions plus avantageuses pour le locataire.

Bien que l’arrêt ne le dise pas expressément, l’interprétation large de la Cour de cassation devrait permettre au propriétaire de faire tout acte préalable à la vente, et notamment de conclure une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente avec un tiers. En effet, en cas de promesse unilatérale, la vente n’est formée qu’au jour de la levée de l’option par le bénéficiaire. Pour se conformer à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, il suffira donc que l’offre de vente soit transmise au locataire avant la levée de l’option.

Reconduction tacite du bail verbal

Une commune a sollicité le remboursement de frais de relogement d’un occupant auprès de propriétaires indivis dont l’immeuble a été frappé d’un arrêté de péril, puis les assigne en tierce opposition d’un jugement ayant constaté que l’occupant était sans droit ni titre.

Le premier juge rejette la demande de la commune tendant à voir reconnaître le caractère licite de l’occupation du logement au motif que si l’existence d’un bail verbal initial n’est pas contestée, sa reconduction tacite ou son renouvellement ne peut être supposé et n’était pas prouvé.

La Cour de cassation casse et annule le jugement au visa de l’article 10, alinéa 1 à 3 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 qui dispose que :

« Le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l’article 13 et à six ans pour les bailleurs personnes morales.

Si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l’article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé.

En cas de reconduction tacite, la durée du contrat reconduit est de trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l’article 13, et de six ans pour les bailleurs personnes morales ».

Selon la Cour de cassation, « le bail verbal portant sur un logement à usage d’habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en SCI familiale ou en indivision, l’est pour une durée au moins égale à trois ans, et qu’en absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par périodes triennales ».

L’absence d’écrit n’est pas une condition de validité du bail qui, même verbal, est régi par la loi du 6 juillet 1989 et est reconduit tacitement, faute de congé.

Le régulateur des transports lance une consultation sur l’ouverture et la réutilisation des données de mobilité

L’autorité de régulation des transports (ART) lance une consultation sur l’ouverture et la réutilisation des données de mobilité. Celle-ci doit permettre de mesurer le degré de connaissance, d’appropriation et les éventuelles difficultés des acteurs concernés par le nouveau cadre juridique mis en place.

En effet, la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 met en place un cadre visant à soutenir le déploiement et l’utilisation de systèmes de transport intelligents dans l’Union européenne. Elle définit des actions prioritaires devant être menées à cette fin, dont la mise à disposition, dans l’ensemble de l’Union, de services d’information sur les déplacements multimodaux.

Ces services nécessitant un accès à des données théoriques et en temps réel, le règlement délégué (UE) 2017/1926 définit les conditions d’ouverture et de réutilisation des données relatives aux déplacements et à la circulation. En France, c’est l’article 25 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) qui précise les dispositions de ce règlement et étend son application à d’autres catégories de données (articles L. 1115-1 à L. 1115-7 du Code des transports).

L’article 25 de la loi prévoit l’ouverture des données des services de transport et leur mise à disposition sur un canal unique, le point d’accès national (PAN), conformément à un règlement européen de 2017 sur les services multimodaux.

La consultation mise en place par l’ART est disponible du 10 novembre au 11 février 2021.

La CNIL publie 8 recommandations pour renforcer la protection des mineurs en ligne

Depuis 2020, les autorités de régulation sont confrontées à des outils numériques qui visent de plus en plus spécifiquement les mineurs. Fort du constat issu de ses études et de sa volonté de dépasser le régime juridique existant quant au statut des mineurs, la CNIL a publié 8 recommandations issues d’une réflexion menée avec l’ensemble des acteurs concernés.

 

I. Le statut du mineur en droit français

A titre de rappel, les mineurs sont sous tutelle de leurs parents : c’est l’autorité parentale. L’autorité parentale s’exerce sur la personne du mineur, en ce qui concerne les droits et devoirs relatifs à l’éducation de l’enfant, et sur ses biens, avec la possibilité de réaliser des actes conservatoires, d’administration ou de disposition.

L’exercice de l’autorité parentale est mis en œuvre par les deux parents, sauf interdiction judiciaire à l’encontre d’un des parents ou pour les actes usuels.

De plus, en droit français, les mineurs disposent de la capacité de jouissance de droits mais pas de la capacité d’exercice. Les mineurs sont des sujets de droit mais ils n’ont pas de capacité juridique, cette aptitude étant dévolue aux parents au travers de l’autorité parentale.

En conséquence, il existe une prohibition générale sur la capacité du mineur à conclure un contrat. L’article 1146 du Code civil disposant que « Sont incapables de contracter […], les mineurs non émancipés », un mineur ne peut donc pas conclure un contrat. On parle d’une incapacité d’exercice qui s’étend à toute la période de la minorité. Cette incapacité cesse à la majorité (à l’âge de 18 ans) ou avec l’émancipation.

 

II. Les mineurs et la règlementation relative aux données à caractère personnel

Le mineur est mentionné à plusieurs reprises au sein du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi informatique et liberté (LIL).

Le RGPD évoque à plusieurs reprises les mineurs :

  • Considérant 38 : les mineurs doivent bénéficier d’une protection particulière ;
  • L’article 8 :

« Article 8 – Conditions applicables au consentement des enfants en ce qui concerne les services de la société de l’information

Lorsque l’article 6, paragraphe 1, point a), s’applique, en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information aux enfants, le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans. Lorsque l’enfant est âgé de moins de 16 ans, ce traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant.

Les États membres peuvent prévoir par la loi un âge inférieur pour ces finalités pour autant que cet âge inférieur ne soit pas en-dessous de 13 ans.

Le responsable du traitement s’efforce raisonnablement de vérifier, en pareil cas, que le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, compte tenu des moyens technologiques disponibles ».

Avec son article 45, la LIL fixe l’âge de 15 ans à partir duquel un mineur peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information. Il en résulte :

  • Mineur de 15 ans et plus : dispose de la capacité à consentir à un traitement de DCP en lien avec une offre directe de services liée à la société de l’information ;
  • Mineur de moins de 15 ans : partage la capacité à consentir à un traitement de DCP en lien avec une offre directe de services liée à la société de l’information.

 

III. Le constat de la CNIL

Sur son site internet[1], la CNIL indique que :

  • La navigation sur Internet sans intervention parentale est généralisée puisque 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents, contre 95 % pour les 15-17 ans ;
  • Les jeunes internautes se connectent de plus en plus tôt : selon la CNIL, la première inscription à un réseau social semble intervenir actuellement en moyenne vers 8 ans et demi.

Face à cela, la CNIL précise que 46 % des parents de jeunes âgés de 8 à 17 ans ont mis en place des solutions pour suivre l’activité de l’enfant sur Internet. La solution la plus utilisée est le système de contrôle parental, devant l’interdiction de parler aux inconnus.

IV. La consultation de la CNIL

Fort du constat, la CNIL a publié 8 recommandations issues d’une réflexion menée avec l’ensemble des acteurs concernés.

Les 8 recommandations de la CNIL :

1 – Encadrer la capacité d’agir des mineurs en ligne

2 – Encourager les mineurs à exercer leurs droits

3 – Accompagner les parents dans l’éducation au numérique

4 – Rechercher le consentement d’un parent pour les mineurs de moins de 15 ans

5 – Promouvoir des outils de contrôle parental respectueux de la vie privée et de l’intérêt de l’enfant

6 – Renforcer l’information et les droits des mineurs par le design

7 – Vérifier l’âge de l’enfant et l’accord des parents dans le respect de sa vie privée

8 – Prévoir des garanties spécifiques pour protéger l’intérêt de l’enfant

A titre de rappel, et comme cela est souligné par la CNIL, il n’est pas possible d’appréhender de la même manière l’autonomie, la protection, le consentement ou encore le rapport à l’autorité parentale d’un enfant de 6 ans et d’un adolescent de 16 ans.

Dans le cadre de cette brève, deux propositions seront évoquées : encadrer la capacité des mineurs d’agir en ligne et encourager les mineurs à exercer leurs droits.

 

V. La proposition de la CNIL d’encadrer la capacité des mineurs d’agir en ligne

Il existe un paradoxe à ne pas avoir reconnu une absence de « majorité numérique      globale » à 15 ans.

En effet, un mineur de plus de 15 ans peut décider seul :

  • d’accepter les cookies ;
  • d’opter pour un profil public ou privé sur un réseau social ;
  • d’activer une fonctionnalité optionnelle de géolocalisation sur une application.

Alors qu’un mineur de plus de 15 ans ne peut pas s’inscrire sur un réseau social.

Face à ce paradoxe, la CNIL a entamé une petite révolution. Elle permet dorénavant de conclure des contrats (en les qualifiant d’actes courants) ayant pour objet le traitement des données des mineurs dans le cadre de services en ligne (tels que l’inscription à un réseau social ou à un site de jeux en ligne), si et seulement si :

  • ces services sont adaptés aux publics mineurs qu’ils accueillent ;
  • ces traitements respectent strictement les règles de protection des données personnelles telles que fixées par le RGPD et la loi Informatique et Libertés (minimisation des données collectées, pour une finalité bien déterminée, une durée limitée et de manière sécurisée…) ;
  • le mineur est informé de façon claire et adaptée des conditions d’utilisation de ses données et de ses droits informatique et libertés, afin qu’il puisse comprendre le sens et la portée de son engagement ;
  • les parents disposent d’une voie de recours pour demander la suppression du compte de leur enfant s’ils l’estiment nécessaire afin de protéger son intérêt supérieur.

Aussi, il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’il serait possible, pour un mineur, de conclure des contrats dans certaines conditions.

 

VI. La proposition de la CNIL d’encourager les mineurs à exercer leurs droits

En France, ce sont les parents (représentants légaux titulaires de l’autorité parentale) qui exercent, en principe, les droits du mineur ; les mineurs ne bénéficient pas de la capacité d’exercice de leurs droits avant leur majorité.

Face à cela, la CNIL encourage de nouveau une évolution des pratiques.

Tout d’abord, elle constate que cette évolution est induite par le RGPD et la LIL.

Ensuite, il qu’il s’agirait d’une demande formulée par les parents (sondage IFOP).

Enfin, cela s’inscrit dans l’accroissement de la protection des mineurs.

Aussi, la CNIL permet aujourd’hui aux mineurs d’exercer directement leurs droits sur leurs données personnelles lorsque cette démarche peut être regardée comme un acte courant, notamment si elle correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cette capacité d’agir de manière autonome est sans préjudice de la possibilité pour les parents d’exercer les droits au nom de leur enfant et de l’accompagner dans cette démarche.

 

[1] https://www.cnil.fr/fr/droits-numeriques-des-mineurs-la-cnil-publie-les-resultats-du-sondage-et-de-la-consultation-publique

La CNIL condamne la RATP à une amende de 400. 000 euros

Le contexte

En mai 2020, un syndicat a déposé une plainte auprès de la CNIL alléguant que le nombre de jours de grève exercés par le personnel figurait dans les fichiers utilisés pour préparer les décisions de promotion.

La CNIL a alors mené des enquêtes dans plusieurs centres de bus de la RATP. Celles-ci ont abouti à la confirmation de cette pratique dans trois centres bus de la RATP.

La CNIL a indiqué que les dossiers d’évaluation des performances et des perspectives de promotion ne devaient contenir que les données nécessaires à l’évaluation des employés. En particulier, il suffisait d’indiquer le nombre total de jours d’absence sans avoir besoin d’entrer dans le détail et de distinguer les jours liés à l’exercice du droit de grève.

Les manquements

Elle a estimé que l’utilisation des données relatives au nombre de jours de grève des agents n’était pas nécessaire à ces fins, et que la RATP violait ainsi le principe de minimisation des données énoncé à l’article 5, paragraphe 1, point c), du RGPD.

En outre, la CNIL a constaté que la RATP avait conservé de manière excessive de nombreuses données de ses employés. En effet, la RATP a conservé les dossiers d’évaluation des agents pendant plus de trois ans après la commission d’avancement, alors que leur conservation n’était requise que pendant 18 mois après la tenue de ces commissions. De plus, la CNIL a constaté que la RATP ne différenciait pas suffisamment les niveaux d’habilitation du personnel, permettant à un nombre plus important d’agents que nécessaire d’accéder à certaines données. Pour cette raison, la CNIL a conclu que la RATP a manqué à son obligation de mettre en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer un niveau de protection adapté au risque.

De la possibilité d’exclure temporairement de ses fonctions un agent en maladie

Dans un arrêt du 25 novembre 2021, la Cour administrative d’appel de Douai est venue apporter un éclairage supplémentaire sur l’effectivité d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions durant le congé maladie d’un agent (CAA Douai, 25 novembre 2021, n° 20DA01958). 

Pour mémoire, il a déjà été jugé qu’il est permis de prononcer la révocation d’un agent, y compris lorsque ce dernier se trouve en congé maladie (CE, 16 juillet 2016, n° 392728). 

Reste à savoir si cette solution peut être élargie s’agissant d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions. 

Les Cours administratives d’appel de Nancy et de Versailles ont jugé en ce sens, en reprenant le considérant du Conseil d’État relatif à la sanction de la révocation et ont ainsi considéré que « la circonstance qu’un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision d’exclusion temporaire du service » (CAA Versailles, 5 juin 2020, n° 18VE03613 ; en ce sens également : CAA Nantes, 6 décembre 2019, n° 17NT03283 et CAA Versailles,  31 octobre 2019, n° 16VE02797).

Cependant, dans un arrêt du 15 octobre 2020 soit postérieurement aux décisions précitées, la Cour administrative d’appel de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d’État, a adopté une position dissonante en considérant que la circonstance que le placement d’un fonctionnaire en congé de maladie le fait bénéficier du régime de rémunération attaché à cette situation fait obstacle à ce qu’il exécute pendant son congé de maladie une sanction disciplinaire prononcée à son encontre (CAA Marseille, 15 octobre 2020, n° 19MA04416). C’est ce qui avait déjà été jugé avant les décisions de Versailles et Nantes précitées.

Mais pour la Cour administrative d’appel de Douai , les dispositions de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat conserve, selon la durée de son congé maladie, l’intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie mais ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision d’exclusion temporaire du service (CAA Douai, 25 novembre 2021,  n° 20DA01958). 

Ainsi, la Cour a annulé le jugement rendu par le Tribunal administratif de Rouen du 3 novembre 2020 qui avait annulé, pour ce motif, l’arrêté du 19 juillet 2018 prononçant à l’encontre de l’agent une exclusion temporaire de fonctions en tant qu’elle avait pris effet avant l’expiration du congé de maladie dont il bénéficiait à la date de la notification de cet arrêté.

Le sens de cette décision reste à confirmer par le Conseil d’Etat mais, pour l’heure, reste utile aux administrations qui estimeraient la nécessité d’une sanction d’infliger entrant en vigueur avant la fin du congé de maladie d’un agent. 

Responsabilité contractuelle et décennale des constructeurs : vétusté et prise en compte du caractère historique de l’ouvrage

Dans cette affaire, un groupement d’entreprise était intervenu pour effectuer des travaux de zinguerie sur le toit de la basilique Sainte-Clotilde à Reims, nécessitant l’usage d’un chalumeau. Une heure après le début des travaux, un incendie s’était déclaré au niveau de la toiture où intervenait l’entreprise, avant de se propager aux dômes nord de la basilique.

Par un jugement du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait notamment condamné solidairement les entreprises à verser à la société mutuelle d’assurance des collectivités locales (SMACL), assureur de la ville de Reims, en sa qualité de subrogée dans les droits de cette collectivité, une somme de 1.098.484 euros en réparation des préjudices subis du fait de cet incendie.

Les entreprises avaient alors formé appel qui a été rejeté par la Cour administrative d’appel de Nancy. C’est dans ces conditions que le Conseil d’Etat a été saisi.

Cet arrêt est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler les principes permettant de savoir si la vétusté d’un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale des entrepreneurs et architectes est recherchée à l’occasion de désordres survenus sur un bâtiment, à un abattement, parfois non négligeable, affectant l’indemnité allouée au titre de la réparation des désordres.

Rappelons, que, à l’inverse des juridictions administratives, les juridictions judiciaires refusent quant à elle en principe d’appliquer un abattement pour vétusté de l’ouvrage.

Dans le cadre de la fixation du coût des travaux réparatoires, la vétusté s’apprécie classiquement, à la date d’apparition des désordres et que l’usage qui était fait du l’ouvrage peut être prise en compte (CE, 7 octobre 1983, n° 34966).

A titre d’illustration toute aussi récente, il a pu être retenu que « […] eu égard au temps écoulé et à la durée normale d’utilisation d’un revêtement de sol en résine, il y a lieu d’estimer qu’à la date d’apparition des désordres en 2010, ce revêtement était atteint d’une vétusté de 40 % » (CAA Bordeaux, 2 novembre 2021, n° 19BX00260).

La question d’une éventuelle plus-value apportée à l’ouvrage dans le cadre des travaux réparatoires aux dommages causés à la basilique pouvait donc se poser, et le Conseil d’Etat a tranché de la manière suivante :

« […] si la vétusté d’un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale des entrepreneurs et architectes est recherchée à l’occasion de désordres survenus sur un bâtiment, à un abattement affectant l’indemnité allouée au titre de la réparation des désordres, il appartient au juge administratif, saisi d’une demande en ce sens, de rechercher si, eu égard aux circonstances de l’espèce, les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l’ouvrage, compte tenu de la nature et des caractéristiques de l’ouvrage ainsi que de l’usage qui en est fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel de Nancy, dont l’arrêt est suffisamment motivé, aurait commis une erreur de droit en prenant en considération le caractère historique de ce bâtiment pour apprécier s’il y avait lieu d’appliquer un coefficient de vétusté au montant de l’indemnité due au titre des travaux de réfection de la toiture de la basilique Saint-Clothilde doit être écarté ».

En définitive, les travaux réparatoires n’ont, compte tenu de la nature, des caractéristiques et de l’usage de l’ouvrage, pas été considérés comme de nature à lui apporter une plus-value et n’ont donc fait l’objet d’aucun abattement.

A noter que le Conseil d’Etat a aussi écarté tout manquement de la Commune à son obligation d’entretien de l’ouvrage, la présence de branchages, fientes d’oiseaux et poussières au niveau de la toiture étant visible et prévisible des constructeurs ayant exécuté les travaux à l’origine des désordres.

Enfin, dans cette affaire, le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur les conditions de la subrogation d’un assureur dans les droits de son assuré en application des dispositions de l’article L. 121-12 du Code des assurances.

Il a ainsi été précisé que « est fondé à se prévaloir de cette subrogation l’assureur qui, bien que n’ayant pas produit la police d’assurance en exécution de laquelle il a indemnisé l’assuré, a mentionné dans le rapport d’expertise établi à sa demande les éléments concernant cette police et notamment les évènements garantis ainsi que les modalités d’indemnisation en cas de sinistre ».

En d’autres termes, afin de justifier avoir versé une indemnité en application d’un contrat d’assurance et corrélativement sa subrogation dans les droits de son assuré, l’assureur n’est pas tenu de produire sa police d’assurance et peut valablement se reporter au rapport d’expertise qui y fait référence (évènements garantis et modalités d’indemnisation).

Une nouvelle attribution pour le juge de l’excès de pouvoir : l’abrogation d’un acte réglementaire devenu illégal

Par une décision de Section, le Conseil d’Etat a ouvert au juge de l’excès pouvoir la possibilité de prononcer l’abrogation, c’est-à-dire la disparition juridique pour l’avenir, d’un acte administratif réglementaire.

Pour rappel, on distingue traditionnellement, en contentieux administratif, le recours pour excès de pouvoir(REP) du plein contentieux. Alors que dans le cadre du premier, le juge, qui se place à la date de la décision attaquée, n’a d’autre choix que d’annuler l’acte administratif attaqué ou rejeter le recours, il peut, dans le cadre du second, prononcer la réformation de l’acte en cause, après s’être prononcé au regard de la situation à la date à laquelle il statue.

La solution rendue le 19 novembre dernier constitue donc une évolution marquante du REP.

Il a plus précisément été jugé que :

« 2. Lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S’il le juge illégal, il en prononce l’annulation.

    1. Ainsi saisi de conclusions à fin d’annulation recevables, le juge peut également l’être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu’il prononce l’abrogation du même acte au motif d’une illégalité résultant d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu’un acte règlementaire est susceptible de porter à l’ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d’annulation.
    2. Dans l’hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d’annulation et où l’acte n’aurait pas été abrogé par l’autorité compétente depuis l’introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l’acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
    3. S’il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l’acte est devenu illégal, le juge en prononce l’abrogation. Il peut, eu égard à l’objet de l’acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu’aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l’abrogation ne prend effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine ».

Il ressort ainsi de cette décision que la demande d’abrogation ne peut concerner que les actes réglementaires et être faite qu’à titre subsidiaire par rapport à des conclusions aux fins d’annulation, dont la recevabilité conditionnera, au demeurant, celles aux fins d’abrogation.

Ces conclusions subsidiaires pourront, ainsi que cela était le cas dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, être présentées en cours d’instance, dès lors qu’un changement dans les circonstances de droit ou de fait sera intervenu.

Le juge administratif devra, en premier lieu, examiner les conclusions aux fins d’annulation en se plaçant à la date de la décision attaquée puis, le cas échéant, celles aux fins d’abrogation, si l’acte attaqué n’a pas été abrogé par l’administration elle-même dans l’intervalle. Dans ce cas, il se prononcera au vu des règles et circonstances existant à la date de sa décision.

S’il constate qu’une illégalité est survenue depuis l’édiction de l’acte, il devra en prononcer l’abrogation, voire une abrogation différée dans le temps si cela est justifié eu égard à l’objet de l’acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu’aux intérêts en présence, dans la lignée de la jurisprudence AC ! (CE, 11 mai 2004, n° 255886).

Notons encore qu’il ne s’agit pas d’un pouvoir propre du juge, qui ne peut y procéder d’office, de sorte que les parties et leurs conseils devront en prendre l’initiative.

Cette décision témoigne de l’adaptabilité du juge administratif qui fait évoluer son office afin de garantir le respect du principe de légalité, lequel constitue, selon les termes de Madame Sophie Roussel, rapporteure publique sur cette affaire, une « exigence continue », mais aussi de préserver l’effet utile de l’intervention du juge.

Madame Roussel soutenait ainsi, dans ses conclusions :

« Il arrive pourtant, quoique les délais de jugement se soient, à l’échelle de l’ensemble de la juridiction administrative, considérablement raccourcis, que des circonstances de fait ou de droit nouvelles altèrent la légalité de l’acte en litige avant même qu’il ait été statué sur les conclusions d’annulation. Le juge de l’excès de pouvoir est-il condamné, dans une telle configuration, à garder des œillères sur le présent et à rester imperméable à l’écoulement du temps, quand la légalité de l’acte sur lequel doit ne prononcer, elle, ne l’est pas et que les requérants qui l’ont saisi s’en plaignent ?

[…]

Il faut, au risque d’une justice administrative perçue comme étant coupée du contexte dans lequel elle rend ses décisions, privilégier une approche fonctionnelle du recours pour excès de pouvoir sur une conception figée de l’orthodoxie conceptuelle ».

Caducité de la déclaration d’appel pour non-dépôt de conclusions contenant la formulation de prétentions dans leur dispositif dans le délai de l’article 908 du Code de la Procédure Civile

L’article 908 du Code procédure civile dispose : « A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe ».

L’étendue des prétentions dont est saisie la Cour d’appel est déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même Code :

« […]

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

[…] ».

La Cour de cassation rappelle en effet dans cet arrêt que « le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel ».

Elle fonde cette exigence notamment sur les principes du respect des droits de la défense et de la bonne administration de la justice.

C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a jugé que « il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue ».

Elle prend d’ailleurs le soin d’expliquer cette sanction part le fait que cela « permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur » et conclue que cette décision « poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice ».

Organismes HLM : quelles prises de participations ?

Les organismes HLM – c’est-à-dire les offices publics de l’habitat (OPH), les sociétés d’habitations à loyer modéré (ESH) et les coopératives HLM (SCP ou SCIC HLM) – s’interrogent régulièrement sur la nature des participations qu’ils sont habilités à souscrire ou à acquérir.

1. Des facultés de prises de participation limitées par le Code de la construction et de l’habitation

Si le législateur a facilité pour les organismes HLM la recherche de nouveaux modes de production de logements, leur permettant non seulement de faire croître l’offre de logement social mais également de répondre aux demandes des collectivités et habitants tout en développant de nouvelles sources de financement, il n’en demeure pas moins que ces nouvelles activités de diversification doivent nécessairement être conformes au droit à faire des organismes HLM.

Outre le respect du droit à faire, les OPH doivent – en qualité d’établissements publics à caractère industriel et commercial – respecter le principe de spécialité, qui « […] signifie que la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée, n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il n’appartient pas à l’établissement d’entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s’immiscer dans de telles activités »[1].

Ce principe de spécialité n’ayant pas vocation à s’appliquer aux ESH et aux coopératives HLM, il est régulièrement rappelé par la doctrine[2] que « [l]es sociétés anonymes d’HLM ne sont pas gouvernées par ce principe [de spécialité]. Toutefois, cela a aussi été précisé, la doctrine juridique estime que les sociétés anonymes d’HLM sont régies par un principe de compétence limitée, par le fait que leurs attributions sont limitativement énumérées par le code de la construction et de l’habitation. On ajoutera qu’elles sont spécialement agréées par l’Etat pour le faire. Nous sommes donc portés à conclure, comme le cas des offices publics de l’habitat, que les prises de participation par les sociétés anonymes d’HLM ne doivent pas les conduire, de manière indirecte, à outrepasser le champ de leurs compétences ».

Combiné aux principes de spécialité ou de compétence limitée, le Code de la construction et de l’habitation – énumérant limitativement l’objet social des organismes HLM – tend donc à éviter que les organismes HLM n’exercent, au travers de filiales, des activités qui ne leur seraient pas autorisées.

A ce propos, une étude[3] du Groupement de Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de l’Habitat (« GRIDAUH »), de 2012, nous semble malgré tout être toujours d’actualité, en ce qu’elle relève que « [l]a diversification des opérations menées ne peut pas conduire à une « banalisation » des opérateurs d’HLM. Les montages complexes réalisés pour mettre en place une coopération entre les organismes de logement social ou un partenariat avec des opérateurs privés ne doit pas faire  » perdre leur âme «  aux bailleurs sociaux et les assimiler purement et simplement avec les autres opérateurs privés alors que la loi leur attribue une mission bien spécifique ».

 

2. Les cas limitativement énumérés par le Code de la construction et de l’habitation

Les organismes HLM peuvent ainsi prendre des participations au sein des entités suivantes :

  • des sociétés d’habitat participatif[4];
  • des sociétés civiles immobilières[5] en vue de leur dissolution par l’actionnaire unique ;
  • des sociétés civiles de construction-vente[6] (SCCV destinées à l’accession sociale à la propriété, sauf une exception prévue par la loi ALUR et dont l’interprétation doit rester stricte) ;
  • des sociétés d’habitations à loyer modéré[7];
  • des sociétés d’économie mixte d’aménagement, de construction et de gestion de logements sociaux[8], s’agissant des OPH ; étant observé que s’agissant des ESH et des coopératives HLM, il est seulement fait mention des « sociétés d’économie mixte »[9] ;
  • des sociétés anonymes de coordination d’organismes d’habitations à loyer modéré[10]; autrement dit les « anciennes » sociétés de coordination. A ce propos, il est probable que les textes évoluent aux fins de supprimer la précision d’« anonymes », pour renvoyer aux sociétés de coordination créées par l’article L. 423-1-2 du Code de la construction et de l’habitation, issu de la loi ELAN ;
  • des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP)[11];
  • de sociétés ou d’organismes à caractère mutualiste ou coopératif susceptibles de faciliter leur action dans le cadre de la réglementation des habitations à loyer modéré[12] ;
  • d’organismes de foncier solidaire définis à l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme lorsque les activités définies dans leurs statuts font partie du service d’intérêt général défini à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation[13];
  • de sociétés pouvant réaliser des opérations d’aménagement ou conclure une convention de projet urbain partenarial[14]; étant souligné que cette participation est soumise à un régime d’autorisation préalable du représentant de l’Etat dans le département (et de la collectivité de rattachement pour les OPH) ;
  • des sociétés, qui devront avoir la qualité de filiales de l’organisme HLM, ayant pour seul objet de construire et gérer des logements locatifs intermédiaires[15];
  • faisant l’objet d’une aide directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, accordée par l’Etat, une collectivité locale ou l’un de ses groupements, ou par toute autre personne morale et conditionnée au respect, pendant une certaine durée, des conditions prévues par le Code de la construction et de l’habitation ;
  • destinés à être occupés, à titre de résidence principale, pendant la durée fixée lors de l’attribution de l’aide mentionnée ci-dessus, par des personnes physiques dont les ressources n’excèdent pas des plafonds, fixés par décret en fonction de la typologie du ménage, de la localisation et du mode d’occupation du logement, lesquels ne sauraient être inférieurs aux plafonds réglementaires prévus par le Code de la construction et de l’habitation ;
  • dont le loyer n’excède pas, pendant la durée mentionnée juste ci-dessus, des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement, de son type et, le cas échéant, de son mode de financement, lesquels ne sauraient être inférieurs aux plafonds précités.
  • de filiales ayant pour objet de construire, acquérir, vendre ou donner en location des équipements locaux d’intérêt général ou des locaux à usage commercial ou professionnel, gérer des immeubles abritant des équipements locaux d’intérêt général et des locaux à usage commercial ou professionnel[16].
  • de filiales ayant pour objet de réaliser pour le compte des collectivités territoriales ou de leurs groupements des études d’ingénierie urbaine[17];
  • de filiales ayant pour objet de fournir des services d’animation sociale, de veille, d’aide aux démarches et d’accompagnement en faveur des personnes âgées, en situation de handicap ou victimes de violences conjugales locataires ou occupants d’un logement social, répondant à des besoins non satisfaits ou partiellement satisfaits[18].

S’agissant de ces nouvelles filiales, il conviendra de vérifier les éléments suivants :

  • la détention par l’organisme HLM de la majorité du capital social de la structure afin qu’elle soit qualifiée de filiale au sens du Code de commerce ;
  • le respect du principe de séparation des activités relevant du service d’intérêt général et des autres activités et notamment la question de la provenance des fonds propres investis par les organismes HLM dans ces filiales ;
  • la justification d’un intérêt public conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat[19] et à la doctrine administrative[20].

Enfin, il conviendra également de respecter, pour chacun des organismes considérés, le formalisme requis en cas de prise de participation (autorisations administratives ou délibérations préalables des actionnaires, etc…).

 

Anne-Christine FARCAT

 

 

[1] CE, Avis, 7 juillet 1994, Diversification des activités d’EDF/GDF, n° 356089.

[2] B. WERTENSCHLAG, Le logement social en action, Dalloz, 2019, p.316.

[3] E. FATOME et Y. JEGOUZO, Les modes de coopération et de partenariat entre les organismes de logement social ou avec des opérateurs privés dans le domaine de l’aménagement partenariats contractuels et opérationnels, Etude du GRIDAUH, 10 septembre 2012.

[4] CCH, art. L. 421-2, 5°: OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 25 : ESH ; CCH, art. L. 422-3, 12° : Coopératives HLM.

[5] CCH, art. L. 421-2, 8° : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 28 : ESH ; CCH, art. L. 422-3, 16° : Coopératives HLM.

[6] CCH, art. L. 421-1, 10° et art. L. 421-2, 3° : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 64  et art. R. 423-75-1: ESH ; CCH, art. L. 422-3, al. 53 et Annexe à l’art. R. 422-6 : Coopératives HLM.

[7] CCH, art. L. 421-2, 1°: OPH ; CCH, art. R. 423-75-1 : ESH et Coopératives HLM.

[8] CCH, art. L. 421-2, 1°: OPH.

[9] CCH, art. R. 423-75-1 : ESH et Coopératives HLM.

[10] CCH, art. L. 421-2, 1°: OPH ; CCH, art. R. 423-75-1 : ESH et Coopératives HLM.

[11] CCH, art. L. 421-2, 2°: OPH ; CCH, art. L. 215-3 : ESH et Coopératives HLM.

[12] CCH, art. L. 421-2, 6°: OPH ; CCH, art. R. 423-75-1 : ESH et Coopératives HLM.

[13] CCH, art. L. 421-2, 7° : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 26 : ESH ; CCH, art. L. 422-3, 14° : Coopératives HLM.

[14] CCH, art. L. 421-2, 4°: OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 27 : ESH ; CCH, art. L. 422-3, 11° : Coopératives HLM.

[15] CCH, art. L. 421-1, al. 26 – 40 : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 47- 61 : ESH ; CCH, art. L. 422-3, al. 56 – 70 : Coopératives HLM.

[16] CCH, art. L. 421-1, 19° : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 65 : ESH ; art. L. 422-3, al. 28 : Coopératives HLM.

[17] CCH, art. L. 421-3, 2° bis : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 66 : ESH ; art. L. 422-3, al. 29 : Coopératives HLM.

[18] CCH, art. L. 421-4, 6° ter : OPH ; CCH, art. L. 422-2, al. 67 : ESH ; art. L. 422-3, al. 30 : Coopératives HLM.

[19] CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, n°06780 ; CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n°275531.

[20] Rep. min., n°7503 : JO AN, 17 avril 2018, p. 3136, CHALUMEAU P.

Le paiement différé bientôt permis pour les contrats de performance énergétique de l’Etat et des collectivités ?

Dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement a déposé devant l’Assemblée nationale un amendement, adopté par les députés, ayant pour objet de permettre aux contrats de performance énergétique (CPE) de l’Etat et des collectivités territoriales, passés sous la forme d’un marché public global de performance (MGP), de déroger à titre expérimental aux règles d’exécution financière des marchés publics, et notamment à l’interdiction du paiement différé (articles L. 2191-5 et L. 2191-6 du Code de la commande publique).

Le recours au paiement différé serait donc admis pour ces types de marchés publics pour une période de cinq ans, à compter de janvier 2022.

Concrètement, alors que le Code de la commande publique impose actuellement à l’Etat et aux collectivités de payer la réalisation des travaux au gré de leur avancement, le paiement différé leur permettrait, par exemple, de payer les travaux de manière étalée sur toute la durée de l’exécution du MGP, notamment durant la phase d’exploitation ou de maintenance. Les montants payés pourraient donc être uniformisés sur la durée du marché et les paiements durant la phase d’exploitation-maintenance seraient facilités par compensation des économies d’énergie réalisées.

Le Gouvernement entend ainsi inciter l’Etat et les collectivités à recourir aux CPE et servir d’exemple aux autres propriétaires de bâtiments présentant une faible performance énergétique.

En l’état, l’article 29 ter du projet de loi de finances pour 2022, déposé à l’Assemblée nationale le 24 novembre 2021, prévoit ainsi que :

« Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation  de la présente loi, l’État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent, à titre expérimental, déroger aux articles L. 2191‑2 à L. 2191‑8 du code de la commande publique pour les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance mentionné à l’article L. 2171‑3 du même code, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments. Les articles L. 2211‑1 à L. 2212‑4, L. 2221‑1 à L. 2223‑4, L. 2232‑2 et L. 2235‑1 à L. 2235‑3 dudit code sont applicables à ces contrats […] ».

A ce stade, après le rejet du projet de loi par le Sénat le 23 novembre et l’échec de la Commission mixte paritaire convoquée le 24 novembre et réunie le 1er décembre, le texte fait l’objet d’une nouvelle lecture devant Assemblée nationale.

Une pierre supplémentaire à l’édifice de la réglementation thermique des bâtiments neufs

Le décret n° 2021-1548 du 30 novembre 2021 s’inscrit dans la mise en œuvre de la réglementation environnementale des bâtiments neufs « RE2020 » prévue par la loi « Evolution du logement, de l’Aménagement et du Numérique » (ELAN). Cette réglementation prend en compte l’enjeu de diminution significative des émissions de carbone du bâtiment grâce à la transformation progressive des techniques de construction, des filières industrielles et des solutions énergétiques. La RE2020 s’imposera aux constructions neuves en France métropolitaine le 1er janvier 2022.

Cette réglementation mentionne trois objectifs :

  • La diminution de l’impact sur le climat des bâtiments neufs en prenant en compte l’ensemble des émissions du bâtiment dès la phase de construction (recours aux matériaux biosourcés, consommation de sources d’énergie décarbonées encouragé) ;
  • L’amélioration de la performance énergétique et la baisse de la consommation des bâtiments neufs (performance de l’isolation grâce à l’indicateur « de besoin bioclimatique ») ;
  • La garantie aux habitants que leur logement sera adapté aux conditions climatiques futures (notamment résister aux épisodes de canicule).

Un décret du 29 juillet 2021[1] et un arrêté du 4 août 2021[2] ont déjà détaillé cette nouvelle réglementation environnementale. Le décret n°2021-1548 du 30 novembre 2021 ici commenté vient s’ajouter à eux.

Le décret du 30 novembre 2021 a pour objet de fixer les modalités de délivrance des attestations de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale, et de réalisation d’une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie lors de la construction de bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.

Les documents mentionnés dans ce décret du 30 novembre 2021 devront être produits à compter du :

  • 1er janvier 2022, pour les constructions de bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation. Cependant, l’étude de faisabilité d’approvisionnement en énergie ne sera plus exigée pour les logements collectifs, à partir du 1er janvier 2025, dès lors qu’en principe, les solutions alternatives au chauffage au gaz auront été développées à grande échelle dans ces immeubles. Par ailleurs, selon l’article R.122-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) modifié par le décret étudié, les constructions de maisons individuelles ou accolées seront dispensées de la réalisation de cette étude dès l’application de la RE2020.
  • 1er juillet 2022 s’agissant des constructions ou parties de bâtiments de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire.
  • Au 1er janvier 2023 concernant les extensions de ces bâtiments et les constructions provisoires répondant aux mêmes usages.

Le nouveau décret définit deux éléments :

  • L’attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale

Le décret du 30 novembre 2021 ajoute au CCH les articles R. 122-24-1 et l’article R. 122-24-3 instaurant une attestation de prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale, telles que fixées par la réglementation RE2020.

Cette attestation devra être établie avant le début du chantier puis à l’achèvement des travaux.

L’attestation susmentionnée devra comporter la mention selon laquelle la construction et certains ensembles de ses composants respectent un besoin maximal en énergie (Bbio) pour le chauffage, le refroidissement et l’éclairage, et limitent les situations d’inconfort en période estivale.

On relèvera qu’il convient de distinguer l’attestation délivrée avant les travaux, qui sera jointe à la demande de permis de construire, et l’attestation produite en fin de chantier, qui complètera la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux.

  • L’étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie lors de la construction de bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine

Sauf dans les cas où l’autorité compétente pour les services de distribution d’énergie imposera l’utilisation d’un approvisionnement en énergie spécifique, les maîtres d’ouvrage seront désormais tenus de faire réaliser une étude de faisabilité technique et économique. Cette étude aura pour objet l’évaluation des diverses solutions d’approvisionnement en énergie.

L’objectif d’un tel outil est de favoriser le recours aux énergies renouvelables. Ainsi, selon l’article L. 122-1 2° du CCH, « Les solutions d’approvisionnement à étudier, notamment celles qui font appel aux énergies renouvelables, aux productions combinées de chaleur et d’énergie, aux systèmes de chauffage ou de refroidissement urbain ou collectif s’ils existent, aux pompes à chaleur performantes en termes d’efficacité énergétique ou aux chaudières à condensation gaz ».

Selon les dispositions du décret du 30 novembre 2021, qui vient préciser les catégories de bâtiments concernés par cette étude, sont exemptés les bâtiments situés dans le périmètre de développement prioritaire d’un réseau de chaleur ou de froid classés en vertu des article L. 712-1 à L.7 12-3 du Code de l’énergie, sauf pour les bâtiments auxquels l’obligation de raccordement au réseau ne sera pas applicable et pour ceux qui auront obtenu une dérogation à cette obligation de raccordement.

Le choix d’une solution d’approvisionnement plutôt qu’une autre devra en outre être justifié notamment par la présentation des avantages et des inconvénients de chacune des solutions étudiées (gestion du dispositif, coûts d’investissement et d’exploitation, durée d’amortissement et bilan carbone).

Selon l’article R. 122-2-1 du CCH créé par le décret du 30 novembre 2021, l’analyse portera sur la consommation d’énergie primaire du bâtiment pour le chauffage, la ventilation, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage des locaux et la mobilité des occupants interne au bâtiment.

Enfin, les articles R. 122-24-2 du CCH et R. 431-16 du Code de l’urbanisme, créé et modifié respectivement par le décret 30 décret 2021, prévoient que l’étude de faisabilité devra être réalisée préalablement au dépôt du permis de construire puisque l’existence de cette étude devra être justifiée par une attestation qui sera jointe à la demande de permis.

 

[1] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine.

[2] Arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du Code de la construction et de l’habitation.

La responsabilité de la société ENEDIS en cas de dysfonctionnement dans la fourniture d’électricité

Le juge judiciaire précise dans cette affaire la responsabilité de la société ENEDIS en cas de dysfonctionnement dans la fourniture d’électricité.

Les demandeurs ont assigné les sociétés EDF et ENEDIS aux fins d’obtenir l’annulation de plusieurs factures d’électricité émises sur une période pendant laquelle ils ont subi des dysfonctionnements et sollicitent également l’indemnisation de leurs préjudices moral et de jouissance.

Par un jugement du 16 mai 2018, le Tribunal de grande instance de Brest a rejeté la demande d’annulation des factures contestées, mais a condamné les sociétés EDF et ENEDIS à indemniser les préjudices moraux et de jouissance subis par les demandeurs.

Après avoir rappelé que seule la société Enedis a la charge de l’exploitation et de la maintenance du réseau d’électricité, le juge d’appel relève que les perturbations provenaient d’une fourniture de tension insuffisante ne permettant pas de faire fonctionner l’ensemble des appareils électriques équipant le logement des demandeurs. En l’absence de coupure d’électricité imputable au fournisseur EDF, la Cour d’appel de Rennes rejette la demande d’annulation des factures émises par EDF aux motifs que les factures litigieuses correspondent à des consommations réelles de l’électricité fournie par la société EDF, malgré les dysfonctionnements du réseau géré par la société Enedis.

Les sociétés EDF et Enedis contestaient également leur responsabilité au titre des préjudices moral et de jouissance consécutifs à l’insuffisance du réseau.

Pour contester sa condamnation, la société Enedis se prévalait du fait que la maîtrise d’ouvrage des travaux de renforcement du réseau, résultant du surcroît de demande énergétique générée par les travaux réalisés par les demandeurs, ne relevait pas de sa compétence mais de celle du Syndicat d’énergie du Finistère conformément à l’article 9 du cahier des charges du contrat de concession conclu avec celui-ci. Le domicile des demandeurs relevant du régime basse tension, les travaux de renforcement avaient été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage du Syndicat. Ce faisant, Enedis estimait qu’il ne pouvait lui être reproché une quelconque carence alors qu’elle n’était pas en capacité de remédier à la difficulté générée par le réseau basse tension.

Sur ce point, la Cour relève d’abord que les relations contractuelles entretenues par la société Enedis avec le Syndicat départemental d’énergie n’étaient pas opposables aux demandeurs. Une telle conclusion nous semble étonnante dans la mesure où le contrat de concession régit les relations avec les usagers du service public de la distribution d’électricité.

En tout état de cause, et surtout, la Cour rappelle que, indépendamment du contrat de concession conclu avec le Syndicat départemental d’énergie, Enedis « reste l’interlocuteur direct du particulier client ».

Ainsi, dès lors que le gestionnaire avait diagnostiqué la nécessité d’un renforcement du réseau de distribution publique pour améliorer la qualité de la fourniture d’électricité, Enedis ne pouvait se contenter de renvoyer les demandeurs « au contact du syndicat pour connaître de la suite donnée à la demande de renforcement du réseau sans s’assurer elle-même de l’avancement du dossier de façon à réduire le préjudice généré par les dysfonctionnements affectant leur installation électrique ».

La Cour confirme donc la condamnation prononcée par le Tribunal de grande instance de Brest à l’encontre de la société Enedis dès lors que « la société Enedis gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, chargée en conséquence, d’assurer une mission d’acheminement de l’énergie électrique, ne peut s’exonérer de sa responsabilité contractuelle à l’égard des [demandeurs] au motif qu’elle n’aurait pas la maîtrise d’ouvrage des opérations de renforcement du réseau qui reviendrait au Syndicat départemental d’énergie du Finistère ».

Participation du public : modification des caractéristiques de l’affichage

Publié au Journal officiel du 28 novembre 2021, l’arrêté du 9 septembre 2021 relatif à l’affichage des avis d’enquête publique, de participation du public par voie électronique et de concertation préalable, ainsi que des déclarations d’intention prévus par le Code de l’environnement a précisé les caractéristiques des affichages informant le public de ces procédures, c’est-à-dire :

  • La nature du support, l’article 5 de l’arrêté imposant un support papier ;
  • La taille de l’affiche, en format A2 ou A4 ;
  • La taille, la casse et l’intitulé du titre de l’affiche (celui-ci doit ainsi, pour toutes les procédures visées par l’arrêté du 9 septembre 2021, apparaitre en caractères gras, majuscules d’au moins deux centimètres de haut);
  • Le cas échéant, la couleur des caractères et celle du fond de l’affiche.

De telles caractéristiques n’étaient en effet auparavant définies que pour la procédure d’enquête publique, par l’arrêté du 24 avril 2012 fixant les caractéristiques et dimensions de l’affichage de l’avis d’enquête publique, abrogé par celui du 9 septembre 2021.

Les caractéristiques de l’affichage de l’avis d’enquête publique, affichage prévu par l’article R. 123-11 du Code de l’environnement, n’ont pas été modifiées par l’arrêté du 9 septembre 2021 qui prévoit toujours une affiche de format A2 et l’utilisation de caractères noirs sur fond jaune.

La procédure de participation du public par voie électronique prévoit quant à elle, sur le fondement de l’article R. 123-46-1, I 4° du Code de l’environnement, l’affichage d’un avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet visant à informer le public de la tenue de cette procédure. Une affiche de format A2 est à cet égard également requise, ainsi que le recours à des caractères noirs sur fond blanc.

Pour la procédure de concertation préalable, s’agissant de l’avis de concertation préalable et de la déclaration d’intention, les articles R. 121-19 et R. 121-25 du Code de l’environnement prévoyant un affichage en mairie pour les projets ou dans les locaux de l’autorité responsable de l’élaboration du plan ou programme en cause, les affiches doivent être au format A4.

Ces prescriptions ne sont pas applicables aux affichages déjà effectués à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 9 septembre 2021.

Déchets : le Conseil d’Etat précise leur définition

Dans un arrêt du 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé la définition de la notion de déchet, particulièrement telle qu’elle doit s’entendre dans le cadre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Dans cette affaire, une société exerçant une activité d’achat et de vente en gros de pneus neufs et d’occasion et disposant pour cette activité d’un entrepôt de stockage de pneus usagés, s’est vue notifier par le Préfet de Côte d’Or un arrêté lui demandant notamment de régulariser sa situation au regard de la réglementation ICPE et des déchets.

L’enjeu était ainsi de déterminer si les pneumatiques utilisés par cette société avaient la qualité de déchets, ce qui aurait fait rentrer ou non cette activité dans la rubrique n° 2714 de la nomenclature ICPE soumettant l’activité de stockage des déchets de pneumatiques au régime de la déclaration et aurait imposé à la société d’obtenir un agrément pour la collecte de déchets pneumatiques en application de l’article R. 543-145 du Code de l’environnement.

Les déchets sont définis par le Code de l’environnement, en son article L. 541-1-1 comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

En l’occurrence, le Conseil d’Etat constate que la société « acquiert les pneus usagés qu’elle revend auprès de centres de véhicules usagés et de garages, qui s’en défont auprès d’elle ». Le juge en conclut que ces pneumatiques constituent donc des déchets, peu important si les biens en cause n’ont pas été recherchés comme des déchets dans le processus de production dont ils sont issus, dès lors que cette condition n’est pas prévue par la définition légale des déchets susmentionnée.

Le juge précise en outre que la circonstance que ces biens aient une valeur commerciale et soient susceptibles de donner lieu à une réutilisation économique ne saurait permettre de remettre en cause leur qualité de déchets.

Le critère de la volonté de se défaire du bien est donc central dans la définition de déchet, comme le soulignent d’ailleurs les conclusions du rapporteur public dans cette affaire.