Travaux exécutés d’office par une commune sur un immeuble frappé d’un arrêté de péril imminent annulé : le remboursement avec l’action civile en enrichissement sans cause

Dans cette affaire, une commune avait initié une procédure de péril imminent sur le fondement de l’ancien article L. 511-3 du Code de la construction et de l’habitation

Au vu du rapport d’expertise, le maire de cette commune a pris, en 2008, un arrêté de péril imminent, ordonnant à un Syndicat des copropriétaires (SDC) placé sous administration judiciaire de démolir certaines constructions, refaire la toiture, et surtout poser des témoins de contrôle des fissures existantes.

A défaut d’exécution spontanée, la commune a fait réaliser d’office ces travaux.

L’arrêté de péril imminent a ensuite été partiellement annulé par la juridiction administrative.

N’étant plus en droit d’émettre de titre exécutoire pour recouvrer le coût des travaux réalisés en exécution des dispositions annulées de l’arrêté de péril imminent, la commune a assigné le SDC en paiement du coût des travaux réalisés pour son compte, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Dès lors que les travaux dont la commune avait supporté le coût avaient enrichi le patrimoine des copropriétaires, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait droit à cette demande.

Saisie du pourvoi formé par le SDC, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel et rappelé les règles de l’enrichissement sans cause :

 

  • « D’une part, ayant relevé que l’arrêté de péril imminent, sur le fondement duquel le maire avait prescrit les travaux, avait été annulé par la juridiction administrative, sauf en ce qu’il prescrivait des travaux d’extension de la façade Est, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que, du fait de l’effet rétroactif de l’annulation de cet acte, qui était censé n’avoir jamais existé, l’appauvrissement de la commune ne trouvait pas sa cause dans l’accomplissement, par celle-ci, d’une obligation légale.
  • D’autre part, la cour d’appel a retenu à bon droit que le fait, pour le maire, de ne pas pouvoir délivrer un titre exécutoire afin de mettre à la charge du propriétaire, sur le fondement de l’article L. 511-4 du code de la construction et de l’habitation, le coût des travaux exécutés d’office par la commune en exécution de l’arrêté de péril annulé ne faisait pas obstacle à l’exercice de l’action de la commune fondée sur l’enrichissement sans cause».

 

Cette jurisprudence offre donc la possibilité aux communes dont l’arrêté de péril aurait été annulé (et privées alors de la possibilité d’émettre un titre exécutoire) de solliciter le remboursement du coût des travaux qui ont été réalisés d’office pour sécuriser l’immeuble en introduisant une action devant le juge civil sur le fondement de l’article 1303 du Code civil.

Subvention à la nouvelle mosquée de Strasbourg : la délibération annulée

Par un jugement en date du 10 novembre 2022, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé une délibération du 22 mars 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Strasbourg avait acté le principe de l’attribution d’une subvention de 2.563.599 euros à l’association « Communauté islamique Milli Görüs Grande Mosquée Eyyub Sultan » (CIMG-GMES) en vue de l’édification d’une mosquée.

A l’origine de ce contentieux, la Préfète du Bas-Rhin ainsi que des conseillers municipaux d’opposition qui avaient sollicité du Tribunal administratif de Strasbourg l’annulation de cette délibération.

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en Alsace – Moselle, les règles diffèrent de celles applicables sur le reste du territoire. Une partie de la loi de 1905 s’applique ainsi qu’une loi en date du 25 décembre 1942 qui autorise le subventionnement public des travaux réalisés sur les édifices cultuels propriétés des associations cultuelles, que ces édifices soient ou non classés au titre des monuments historiques.

En premier lieu, pour annuler la délibération litigieuse, le Tribunal administratif de Strasbourg a rappelé le principe selon lequel la collectivité financeuse doit respecter les règles qu’elle s’est elle-même fixées en la matière.

Cette obligation de respecter ses propres règles, qui s’impose toujours en droit administratif, a conduit la juridiction à considérer que la ville de Strasbourg n’avait pas respecté les critères de subventionnement des lieux de culte qu’elle s’était fixés par la voie de deux délibérations de 1999 et 2000. Ce cadre préexistant prévoyait en particulier que la demande de subvention devait intervenir avant le début des travaux et être étayée d’un plan de financement consolidé. En l’occurrence, le Tribunal a relevé que la demande de subvention de la CIMG-GEMS a été déposée postérieurement au démarrage de la construction et l’association n’a à aucun moment présenté de plan de financement.

En second lieu, la juridiction a estimé que la ville de Strasbourg ne démontrait pas que le versement de la subvention répondait à un intérêt public local. Alors que la Préfète faisait valoir – en recensant les lieux de culte musulmans déjà présents sur le territoire – que les capacités existantes pour l’accueil des pratiquants du culte musulman étaient suffisantes, le Tribunal a estimé que la commune de Strasbourg ne pouvait se borner à faire état de l’existence d’une demande de financement de l’association sans procéder à une analyse des besoins ni s’assurer que les capacités d’accueil étaient insuffisantes.

L’existence d’un intérêt public local n’étant pas établi, la délibération litigieuse est annulée.

Cette décision demeure néanmoins susceptible d’appel et reste donc à suivre.

Elargissement des catégories de dépenses que peuvent confier les autorités organisatrices de la mobilité (« AOM ») à un tiers doté d’un comptable public pour l’attribution et le paiement des dépenses publiques

Rappelons que, en principe, seuls les organismes dotés d’un comptable public ou les organismes préalablement habilités par l’Etat peuvent recouvrer les recettes publiques et assurer le paiement des dépenses publiques, compte tenu de l’impératif de protection des deniers publics.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs établissements publics recourent depuis de nombreuses années à des tiers pour l’attribution et le paiement de leurs dépenses par la voie du mandat de l’article 1984 du Code civil.

Les catégories de dépenses dont le paiement peut ainsi être confié à un tiers par voie de convention de mandat sont limitativement énumérées aux articles L. 1611-7 et suivants et D. 1611-26-1 du Code général des collectivités territoriales (« CGCT »).

Parmi ces dépenses, celles-ci peuvent concerner la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle prévue à l’article L. 6341-6 du Code du travail, les aides en matière d’emploi, d’apprentissage et de formation professionnelle continue ou encore les dépenses énumérées par décret.

Le présent décret n° 2022-1307 en date du 12 octobre 2022 créé un 3ème alinéa à l’article D. 1611-26-1 du CGCT qui intègre une nouvelle catégorie de dépenses que peut confier la collectivité publique à un tiers doté d’un comptable public, à savoir les « aides individuelles en faveur de la mobilité qui concourent aux objectifs énumérés par l’article L. 1214-2 du code des transports ou aux aides individuelles à la mobilité afin d’améliorer l’accès à la mobilité des personnes se trouvant en situation de vulnérabilité économique ou sociale et des personnes en situation de handicap ou dont la mobilité est réduite ».

Accès au service de la restauration scolaire pour les enfants allergiques

TA Polynésie Française, 29 septembre 2022, n° 2100598 

TA Poitiers, 3 octobre 2022, n° 2002208

Par trois jugements récents en date des 27, 29 septembre et 3 octobre 2022, le juge administratif a précisé les modalités d’accès au service public de restauration pour les enfants atteints d’une allergie ou d’un handicap.

Pour rappel, le législateur a, par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, créé un article L. 131-13 au sein du Code de l’éducation, aux termes duquel :

« L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Le Conseil d’Etat avait d’ores et déjà admis la possibilité pour les collectivités territoriale, de légalement refuser l’accueil d’un élève à la cantine scolaire, lorsque la capacité maximale d’accueil du service public était atteinte (CE, 22 mars 2021, Commune de Besançon, n° 429361).

Toutefois, si l’accès au service public de la restauration scolaire peut-être restreint celui-ci n’est pas sans limite.

En effet, par un jugement en date du 29 septembre 2022, le Tribunal administratif de Polynésie française s’est très récemment prononcé en ce sens à propos d’un règlement intérieur de la restauration scolaire d’une commune qui interdisait, de manière générale, l’accès à la cantine scolaire de tous les enfants ayant des réactions allergiques et intolérances alimentaires.

Le Tribunal a considéré que le fait pour une commune de refuser l’accès à la cantine scolaire de tous les enfants ayant des réactions allergiques et intolérances alimentaires, sans justifier d’une contrainte déraisonnable qu’elle devrait ainsi supporter au regard de l’obligation de respect de sécurité alimentaire et d’hygiène, méconnaissait le principe d’égalité de traitement, en établissant une discrimination fondée sur l’état de santé des enfants » (TA Polynésie Française, 29 septembre 2022, n° 2100598).

Pour faciliter l’accueil des élèves ayant une pathologie alimentaire ou encore un handicap, un projet d’accueil individualisé (« PAI ») peut être mis en place par la famille, en coordination avec le chef d’établissement scolaire, afin d’organiser la répartition des obligations et responsabilités entre les parents et le service compétent en matière de restauration scolaire.

Sur ce point plus spécifique, s’agissant de la mise en œuvre du PAI, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu’une caisse des écoles n’était pas responsable d’un accident survenu au sein d’une cantine qu’elle gérait, dès lors que le PAI prévoyait que c’étaient les parents qui devaient solliciter le retrait des allergènes au vu du menu transmis et non le service de restauration scolaire (TA Paris, 27 septembre 2022, n° 2021773).

Enfin, très récemment le Tribunal administratif de Poitiers a jugé que le refus d’accès aux services de restauration scolaire à un enfant aux motifs, d’une part, que celui-ci souffrait d’épilepsie et, d’autre part, que sa mère n’exerçait pas d’activité professionnelle, portait atteinte au principe d’égal accès aux services publics.

Dans ce jugement, le Tribunal administratif rappelle que seul un PAI trop complexe à mettre en œuvre par les agents communaux, compte tenu de la gravité de la pathologie, peut justifier le refus d’accès à un enfant aux services de restauration scolaire, ce qui n’était manifestement pas le cas pour l’épilepsie qui constitue une « affection commune et la plupart du temps sans gravité, qui concerne nombre de P.A.I. dans le milieu scolaire » (TA Poitiers, 3 octobre 2022, n° 2002208).

Corruption passive : pas d’infraction sans caractérisation d’un acte de la fonction en contrepartie de l’avantage obtenu

A l’issue d’investigations portant sur des irrégularités dans l’attribution de marchés publics d’un Office public de l’habitat (OPH), sa directrice et son directeur des services techniques étaient poursuivis devant le Tribunal correctionnel des chefs de favoritisme et de corruption passive, notamment pour s’être vu offrir des voyages par le directeur général d’une société attributaire.

Relaxés en première instance, ils étaient toutefois déclarés coupables du chef de corruption passive par la Cour d’appel de Paris, au motif que « les ʺ gestes commerciaux ʺ adressés à des agents publics chargés de contracter au nom de l’OPH sont bien constitutifs de corruption dès lors qu’ils s’inscrivent, ce qui n’est pas réellement contesté, dans une ʺ rétribution ʺ de la préférence accordée par le passé et susceptible d’être renouvelée à l’avenir ».

Aux termes d’un arrêt rendu le 25 mai 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation cassait cet arrêt rappelant qu’est « constitutif du délit de corruption passive le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui, pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ».

En s’abstenant de caractériser à la charge des prévenus l’existence d’un acte de leurs fonctions que ceux-ci auraient accompli ou se seraient abstenus d’accomplir au bénéfice de la société attributaire, et dont les voyages offerts constitueraient la contrepartie, la Cour d’appel a méconnu la portée de l’article 432-11, 1° du Code pénal.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que l’obtention d’un avantage ne saurait à elle seule caractériser le délit de corruption passive, qui nécessite de démontrer que celui-ci a été obtenu en contrepartie de l’accomplissement ou du non-accomplissement d’un acte de la fonction dont est titulaire l’agent corrompu.

En définitive, l’antériorité des voyages offerts aux agents de l’OPH par rapport à l’attribution des marchés publics était, selon la Chambre criminelle, insuffisante pour caractériser l’existence d’un pacte corruptif, d’autant que les prévenus avaient été relaxés du chef de favoritisme.

Assurance dommages-ouvrage : la mise en demeure prévue à l’article L. 242-1 du Code des assurances doit émaner du maître de l’ouvrage

Cette décision vient illustrer la mise en œuvre de l’article L. 242-1 du Code des assurances relatif à l’assurance dommages-ouvrage.

On rappellera que l’assurance dommage-ouvrage (dite « DO ») garantit, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1 du Code civil, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du Code civil (c’est-à-dire entrant dans le champ de la garantie décennale).

L’assurance DO, qui doit être souscrite avant l’ouverture du chantier, ne prend normalement effet qu’après l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement défini à l’article 1792-6 du Code civil, soit un an après la réception des travaux.

Toutefois, l’assurance DO garantit également le paiement des réparations nécessaires lorsque, avant la réception des travaux et après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.

Néanmoins, l’acquisition de la garantie dommages-ouvrage, pour des désordres en cours de chantier, suppose que le maître d’ouvrage ait mis en demeure l’entrepreneur défaillant.

Ainsi, l’article L. 242-1 du Code des assurances alinéa 9 dispose que « avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ».

Dans notre affaire, la Cour de cassation, confirme la position de la Cour d’appel qui a su faire une application exacte de l’article L. 242-1 du Code des assurances et rappelle ainsi que :

 

« La mise en demeure s’entendant de l’acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu’il exécute ses obligations, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l’article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l’entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l’ouvrage ou de son mandataire ».

 

Ainsi, la Cour de cassation vient préciser que la mise en demeure doit émaner soit du maître d’ouvrage, soit de son mandataire (par exemple l’architecte, peut également réaliser cette formalité dès lors qu’il a reçu mandat exprès de réaliser cette mission.).

La mise en demeure est faite, en principe, par lettre recommandée AR. Toutefois, il a été jugé que pour l’application de l’article L. 242-1 du Code des assurances, valait mise en demeure une assignation délivrée à l’entrepreneur devant la juridiction des référés et une assignation en résolution du contrat d’entreprise.

Modification des conventions domaniales : un terrain en friche

L’enjeu du sujet tient dans l’énoncé d’une question simple : dans quelle mesure est-il possible de prolonger la durée d’une convention d’occupation temporaire du domaine public pour permettre au titulaire de la convention domaniale d’amortir de nouveaux investissements qu’il souhaite réaliser pour optimiser ou modifier l’activité économique qu’il exerce sur la dépendance ?

Le sujet se comprend sans peine. On sait qu’aujourd’hui, depuis l’ordonnance du 19 avril 2017[1], une convention d’occupation du domaine publique qui « permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique » doit être conclue au terme d’« une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester »[2]. En conséquence, si une convention a été conclue  au terme d’une procédure de publicité et de sélection préalable, sa modification en cours d’exécution pourrait affecter cette obligation de mise en concurrence. Une modification qui a pour objet d’augmenter le périmètre de la dépendance mise à disposition, qui a pour objet de baisser le montant de la redevance due, ou bien encore qui a pour objet de permettre la réalisation d’aménagements jusque-là prohibés sur la dépendance affecte les caractères sur la base desquels la compétition initiale s’était pourtant jouée. Et une modification qui a pour objet (en conséquence) de prolonger (indéfiniment) la durée d’une convention heurte frontalement le principe d’une (re)mise en concurrence régulière des conventions domaniales économiques.

Cette fatalité est bien connue dans l’univers de la commande publique : la modification des marchés ou des concessions est aujourd’hui très encadrée, et ce précisément en considération de l’obligation de mise en concurrence préalable à l’attribution de ces contrats d’affaires. Mais dans l’univers du droit des propriétés publiques, cette considération de bon sens se présente toutefois très différemment, puisque la modification n’a cette fois pas pour objet de satisfaire autrement le besoin d’un acheteur public ; elle a au contraire pour objet de satisfaire autrement l’activité économique de son titulaire, activité par définition étrangère à toute commande publique et essentiellement animée par des appétits privés. Cette différence est sûrement essentielle. Elle fait toutefois peu parler d’elle[3].

Le sujet semble en effet nettement moins que d’autres exposé à la lumière des débats doctrinaux et de la jurisprudence qui se découvre peu à peu : l’ordonnance du 19 avril 2017 – qui n’est plus si jeune maintenant – a fait couler beaucoup d’encre sur la portée de l’obligation de publicité et de sélection préalables qu’elle a introduit dans le droit positif ; mais le terrain demeure encore assez sec sur les conséquences que cette obligation fondamentale emporte sur la vie des conventions domaniales qui sont le siège d’une activité économique, et en particulier sur la possibilité – ou non – de les modifier en cours d’exécution. Cela tient peut-être à la circonstance que, contrairement à ce qu’il advient dans la sphère de la commande publique – et sans doute pour cause –, les textes sont frappés du syndrome de la page blanche : ni la directive « service »[4], ni l’ordonnance du 19 avril 2017 qui la transpose partiellement en droit français, ni les dispositions que l’ordonnance introduient dans le code général de la commande publique ne fixent un quelconque régime attaché à la modification des conventions domaniales.

Il est vrai qu’une disposition du code général de la propriété des personnes publiques organise les modalités de prolongation des conventions domaniales, opération qui est une forme de modification d’un contrat puisqu’il s’agit d’en modifier la durée. Mais malheureusement le texte tourne autour du sujet sans trancher l’essentiel, qui demeure donc en friche (I.). Il faut composer en conséquence. Parce qu’il existe sûrement une faculté de principe de modifier une convention domaniale, l’enjeu est ailleurs : il faut apprécier dans quelle mesure il est alors effectivement possible de modifier une convention qui a été conclue – ou aurait dû être conclue – au terme d’une procédure de publicité et de sélection préalable (II.).

 

I.  La prolongation des conventions domaniales « économiques »

Le sujet doit être regardé sous un jour nouveau maintenant, précisément parce que les titres d’occupation économique du domaine public sont attribués au terme d’une procédure de publicité et de sélection préalable et parce leur durée est en conséquence désormais limitée. L’article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques dispose en effet que lorsqu’un titre d’occupation « permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, sa durée est fixée de manière à ne pas restreindre ou limiter la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis, sans pouvoir excéder les limites prévues, le cas échéant, par la loi ». Cette durée maximale des conventions domaniales est évidemment la conséquence de ce que les titres d’occupation accordés en vue d’une exploitation économique doivent désormais en principe faire l’objet de mesures de publicité et de sélection préalables : en « imposant ainsi de déterminer la durée des autorisations accordées en vue d’une exploitation économique, là où jusqu’alors rien n’interdisait une durée indéterminée, le code impose des bornes temporelles pour mieux affirmer la fréquence des procédures de passation »[5].

Partant, la prolongation des conventions domaniales « économiques », dont la durée est désormais encadrée, ne saurait être libre. C’est ce que dit incidemment l’article L. 2122-1-2 du code général de la propriété des personnes publiques : il indique que ce n’est que dans certaines circonstances qu’il est possible de prolonger la durée d’une convention domaniale. Il indique qu’il n’y a pas lieu d’organiser une procédure de publicité et de sélection préalable à l’attribution d’un titre domanial « sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l’article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente ». Trois cas de prolongations sont donc ici envisagés : soit les conventions peuvent être prolongées librement parce qu’elles ne relèvent pas ou ne relèvent plus, en application de l’article L. 2122-1-3, du champ d’application de l’obligation de procéder à des mesures de publicité et de sélection préalables, soit parce qu’elles n’ont pas d’autre objet que d’aménager la fin de la convention, soit parce que la durée de la convention prolongée n’excédera pas la durée maximale autorisée par l’article L. 2122-2.

Au titre du premier cas, on comprend le sens de l’incise « sans préjudices des dispositions figurant aux 1° à 5° de l’article L. 2122-1-3 » : une autorisation d’occupation temporaire du domaine public peut être prolongée librement s’il apparaît qu’elle ne relève pas, ou ne relève plus, du champ d’application de l’obligation de procéder à des mesures de publicité et de sélection préalables, parce que la sélection préalable est « impossible ou non justifiée », notamment en considération des situations exposées à l’article L. 2122-1-3. Du reste, dans cette situation, il s’agit, en droit, non pas tant de prolonger l’autorisation, mais d’en attribuer une nouvelle, sans mesures préalables de publicité et de mise en concurrence. Il faut se placer au jour où il est envisagé de prolonger l’autorisation (d’en attribuer une nouvelle) pour apprécier s’il est (encore) possible – ou non – de procéder à des mesures de publicité et de sélection préalables et/ou si une procédure de cette nature est – ou non – (encore) justifiée. Cet exercice est évidemment affaire d’espèce. On retrouve en effet fondamentalement la logique de raisonnement qui doit prévaloir lorsqu’il s’agit d’apprécier si telle ou telle autorisation domaniale relève ou non des exceptions visées à l’article L. 2122-1-3 du code.

Concernant les deux (autres) vrais cas de prolongation, l’article L. 2122-1-2 pose plus précisément deux limites alternatives à la prolongation : (i) la prolongation ne doit pas excéder la durée nécessaire pour terminer proprement une convention d’occupation du domaine public ou (ii) la durée totale ne doit pas excéder celle prévue à l’article L. 2122-2.

La première alternative témoigne d’une volonté du législateur de laisser une grande souplesse aux parties pour mettre un terme à leurs relations contractuelles dans des conditions satisfaisantes : il est possible de prolonger la durée d’une convention d’occupation du domaine public dont l’échéance approche, pour permettre un « dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente ». Il s’agit donc essentiellement d’un dispositif « de secours » qui permettra notamment, lorsque l’on approche du terme de la convention initiale, de prolonger sa durée pour assurer le « tuilage » entre la convention initiale et l’attribution d’une nouvelle concession. Naturellement, parce qu’il s’agit d’un dispositif « purement transitoire », la durée de la prolongation est nécessairement limitée, et doit précisément être justifiée en considération des exigences attachées au « tuilage » ou à l’extinction sereine de la convention[6].

La seconde alternative suscite nettement plus la réflexion. L’article L. 2122-1-2 indique en effet que la prolongation de la durée d’une convention d’occupation domaniale « à objet économique » ne doit pas dépasser la durée maximale autorisée des conventions d’occupation du domaine public. L’alternative emporte donc avec elle les réflexions qui entourent la définition de la durée maximale des conventions domaniales. On sait qu’elle suscite le débat, notamment parce qu’elle est proche de la définition de la durée des concessions, sans être exactement non plus identique[7]. Au-delà, et surtout, l’article L. 2122-1-2 indique que c’est la « durée totale » du titre (en ce compris donc, la durée initiale et la durée issue de la prolongation) qui ne peut pas « excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 » (la durée maximale). Ce faisant, la formulation suggère apparemment que lorsque le titre a déjà fixé une durée ab initio qui correspond à la durée maximale , les cas dans lesquels il serait possible de prolonger la convention seraient nécessairement très limités, sinon nuls. Ce serait donc en réalité condamner toute prolongation d’une convention existante, sauf à imaginer des conventions dont la durée initiale aurait été fixée en deçà de la durée d’amortissement des investissements projetés et en deçà d’une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis. Il n’est toutefois pas raisonnable de suivre cette façon de voir, ne serait-ce qu’en considération de ce qu’il faut toujours donner un sens utile aux textes. Il faut donc retenir une autre interprétation du texte.

Sur le fondement de cette limite attachée à la « durée globale » de la convention qui ne doit pas excéder la durée maximale autorisée, il n’est pas absurde de penser que la prolongation d’une convention domaniale est possible, (i) soit lorsque l’exploitation économique de la dépendance a pris du retard ou a été suspendue, (ii) soit lorsque des modifications ont été apportées à la convention domaniale et ont modifié son « équilibre économique ».

Le premier cas de figure devrait faire consensus. Il semble logique de pouvoir prolonger la durée de la convention domaniale lorsque l’exploitation de la dépendance concernée n’a pas pu commencer à la date initialement prévue ou bien lorsqu’elle a été suspendue pendant un certain temps, à raison d’un évènement extérieur aux parties. Dans ce cas, en effet, la prolongation semble possible parce que la durée totale de la convention, prolongation comprise, correspondra alors bien à la durée nécessaire à « l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis » : il s’agit alors uniquement de « neutraliser », par la voie de la prolongation, le laps de temps pendant lequel les investissements ou les capitaux n’ont pas pu être amortis. La possibilité ainsi offerte de prolonger la durée de la convention domaniale est toutefois nécessairement limitée. Au risque sinon de neutraliser les effets de la limite posée par l’article L. 2122-1-2 à la liberté de prolonger les titres domaniaux, il ne devrait pas être possible de prolonger l’autorisation domaniale si le retard pris pour exploiter économiquement la dépendance ou si la suspension de l’exploitation de la dépendance devait être la conséquence d’une erreur, d’une faute ou d’une négligence de l’occupant. Et cette faculté de prolonger une convention domaniale ne devrait pas non plus pouvoir être sollicitée lorsque l’interruption de l’exploitation est la conséquence d’une modification unilatérale ou conventionnelle de la convention, puisque la prolongation ne pourra alors être justifiée qu’en conséquence de cette modification.

On se place alors en effet dans le second cas de figure : il devrait également être possible de prolonger la durée d’une autorisation domaniale lorsqu’une modification a été apportée à la convention, et que cette modification a affecté « l’amortissement des investissements projetés » et/ou la « rémunération équitable et suffisante des capitaux investis ». Et ce serait notamment le cas d’un avenant par la voie duquel l’occupant aurait été autorisé à réaliser de nouveaux investissements. Naturellement, le raisonnement n’a du sens que s’il est possible de modifier l’équilibre économique d’une convention domaniale, et que si cette possibilité n’est pas sans limite. Il va sans dire, en effet, que s’il était possible de modifier librement une convention domaniale, en modifiant régulièrement et/ou substantiellement son équilibre économique, la possibilité de la prolonger serait fatalement aussi sans limite : à chaque nouvel investissement autorisé, une prolongation pourrait être accordée à l’occupant, si bien que la convention pourrait dans l’absolu être prolongée indéfiniment. Ce faisant, il serait incidemment possible de contourner l’exigence de publicité et de sélection préalable, en arguant d’investissements nouveaux pour reporter sans cesse la durée de la convention et faire ainsi obstacle à sa remise en concurrence.

En conséquence, s’interroger sur la faculté de prolonger une convention d’occupation du domaine public renvoie fondamentalement au régime qui serait attaché à la modification d’une convention de cette nature. Et c’est bien ici la difficulté : on le disait, l’ordonnance du 19 avril 2017 et le code général de la propriété des personnes publiques sont muets sur les conditions dans lesquelles il est possible de modifier, en cours d’exécution, un titre qui permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique. Le silence des textes n’implique évidemment pas qu’il est interdit de modifier une convention domaniale en cours d’exécution. Au contraire, on sait qu’il n’existe aucun principe général de droit qui interdit de manière générale aux parties de modifier en cours d’exécution les contrats publics qui les lient. La difficulté est ailleurs : il faut identifier quelle est la mesure des modifications qui peuvent être apportées à des conventions d’occupation du domaine public ; et il est effectivement compliqué de procéder à cet exercice sans texte pour nous guider.

 

II. La portée de la modification apportée à des conventions domaniales « économiques »

S’il existe un droit de modifier une convention d’occupation du domaine public, il n’est sûrement pas sans limite, à tout le moins lorsqu’elle est le siège d’une activité économique : la modification de la convention en cours d’exécution doit être compatible avec l’exigence de publicité et de sélection préalable à l’attribution des titres d’occupation temporaire du domaine public qui ont un objet économique[8]. Et dans une approche stricte, il faudrait alors en conclure qu’il n’est pas possible de modifier une convention domaniale, sinon sur du détail, au risque de modifier les conditions initiales dans lesquelles l’occupant a été retenu. Et il faut remarquer en ce sens que la directive « Services », à l’origine de l’obligation de publicité et de sélection préalable, n’envisage aucunement la modification des autorisations d’occupation du domaine à objet économique. Mais cette façon de voir est quelque peu absurde. Outre qu’elle rendrait pour ainsi dire impossible la gestion des propriétés publiques, elle soumettrait les autorisations d’occupation du domaine public à un régime nettement plus fermé que celui qui encadre les contrats de la commande publique. Or, à l’évidence, ce n’est pas l’esprit qui anime la directive « Services », ni l’ordonnance du 19 avril 2017, laquelle au contraire témoigne d’une volonté du législateur de donner nettement plus de marge de manœuvre aux personnes publiques, que ce qu’il advient dans la sphère de la commande publique.

Il faut assurément retenir un raisonnement plus utile et considérer que, pour être régulière, la modification doit être compatible avec les « garanties de transparence et d’impartialité » propres à cette obligation de publicité et de sélection préalable ; elle ne doit par ailleurs pas faire obstacle à la mise en concurrence périodique de la convention ; et ne doit pas enfin conduire à modifier substantiellement les conditions de la sélection préalable initiale. Et, faute de texte, il n’est alors pas interdit de raisonner quelque peu par analogie avec ce qu’il advient en matière de commande publique, et en particulier de raisonner par analogie avec les règles applicables à la modification des contrats de concession en cours d’exécution. Certains auteurs raisonnent en ce sens[9]. Plusieurs cas de modification et de prolongation de la durée d’une convention domaniale pour les besoins de la réalisation de nouveaux investissements peuvent alors être envisagés.

Déjà, la durée des autorisations d’occupation du domaine public « à objet économique » devrait pouvoir être prolongée en considération d’investissements à réaliser, quelle que soit l’ampleur de la prolongation, lorsque le contrat renferme une clause qui prévoit expressément que, dans des circonstances bien précises et selon des modalités et conditions préalablement bien encadrées, le terme du contrat pourra être repoussé. Dans ce cas, en effet, la prolongation – qui serait une application quasi « automatique » de la clause – ne devrait en théorie pas remettre en cause les conditions initiales de la procédure de sélection préalable, puisque tous les candidats devraient avoir eu connaissance, lors de leur soumission à la procédure, des conditions et des modalités de prolongation éventuelle de l’autorisation.

Ensuite, la durée des autorisations d’occupation du domaine public devrait également pouvoir être prolongée, sous certaines conditions, lorsque certains investissements supplémentaires sont devenus nécessaires en cours d’exécution. C’est sans doute vrai à tout le moins lorsque l’occupant est contraint de réaliser des investissements qui sont rendus nécessaires par des circonstances totalement extérieures aux parties, imprévues et non prévisibles ab initio : il parait raisonnable de penser que la durée de l’autorisation d’occupation du domaine public peut être prolongée en conséquence de ces nouvelles dépenses à amortir. C’est vrai sans doute aussi lorsque l’occupant doit faire, en cours d’exécution, des investissements nouveaux qui sont rendus nécessaires par l’exploitation de l’activité pour laquelle il a été autorisé à occuper la dépendance et qu’il n’était pas raisonnablement possible de prévoir (investissement pour faire face à une situation exceptionnelle, à un évènement d’une ampleur non habituelle…).

Mais on parvient rapidement à la limite de l’exercice. Il semble logique en effet de penser que la durée ne peut pas être modifiée en conséquence des investissements que l’occupant aurait décidé d’engager librement, pour augmenter l’attractivité de son activité, pour augmenter sa rentabilité… et/ou in fine tout simplement pour prolonger son droit d’occuper la dépendance et continuer de profiter d’une bonne affaire[10]. L’affirmation s’offre sans doute à quelques nuances, lorsque les modifications envisagées sont modestes, peu substantielles, à l’instar de ce qu’il advient en matière de commande publique, parce qu’elles demeureront compatibles avec les « garanties de transparence et d’impartialité » d’une procédure de sélection initiale. Mais, pour le reste, la réserve est donc de rigueur.

Sur ce terrain encore bien en friche, et dont les quelques lignes qui précèdent n’épuisent pas la substance, ce sera donc sans doute bien souvent, surtout affaire d’équilibre.

 

[1] Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.

[2] Article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

[3] Boullault (A.), « Modifier et prolonger les autorisations d’occupation du domaine », Territorial, 2021.

[4] Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services »

[5] G. Clamour, « Une nouvelle donne pour l’occupation domaniale »,  Revue Contrats et Marchés publics, 1er mai 2017

[6] P. Hansen, « modalités d’attribution des autorisations d’occupation et d’utilisation des biens publics », JurisClasseur Propriétés publiques, fascicule 77-50 ; C. Roux, « Mise en concurrence des titres d’occupations domaniaux », JurisClasseur Contrats et Marchés Publics, fascicule 514, 18 janvier 2021

[7] J-L. Heckenroth, « Occupation du domaine public – Maîtriser la mise en concurrence des titres domaniaux », Contrats Marchés publics n° 10, Octobre 2017 ; C. Maugüé et P. Terneyre « Ordonnance domaniale : un bel effort pour la modernisation du CGPPP ! », AJDA, 2017, p. 1606.

[8] E. Lekkou, «  Vers un Code de la commande publique : l’obligation de mettre en concurrence les titres d’occupation du domaine public », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 1, 8 Janvier 2018, 2003

[9] G. Le Chatelier, « Liberté de transiger et respect des règles de la commande publique », AJCT 2017. 435).

[10] P. Hansen, « modalités d’attribution des autorisations d’occupation et d’utilisation des biens publics », JurisClasseur Propriétés publiques, fascicule 77-50.

Déchets : Réaffirmation du caractère subsidiaire de la responsabilité du propriétaire du terrain

Le principe de la subsidiarité de la responsabilité du propriétaire du terrain sur lesquels sont illégalement entreposés des déchets doit-il toujours s’appliquer lorsque leur producteur ou détenteur connu est en situation de liquidation judiciaire ? C’est la question qu’a tranché la Cour administrative d’appel de Douai par un arrêt du 18 octobre 2022.

Dans cette affaire, la requérante était propriétaire d’un terrain qu’elle louait à une société qui y exerçait une activité de traitement de déchets dangereux relevant du régime de l’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et qui a été mise en liquidation judiciaire. Dans ce contexte, la préfète a alors mis en demeure le propriétaire de procéder à l’élimination de ces déchets.

Or il résulte d’une jurisprudence constante que la responsabilité du propriétaire du terrain est subsidiaire et ne peut être recherchée que s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu (CE, 1er mars 2013, Société Natiocrédimurs et autres, n° 354188 et 348912) et si une négligence du propriétaire peut être établie.

Et la Cour administrative d’appel indique que selon les dispositions du Code civil applicables aux sociétés, celles-ci prennent notamment fin « par l’effet d’un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif » (article 1844-7).

Or la clôture de la liquidation judiciaire n’avait pas été prononcée au moment de la décision de mettre en demeure le propriétaire de procéder à l’élimination des déchets. La société n’avait donc pas disparue et il ne pouvait être exigé du propriétaire du terrain qu’il procède à l’élimination des déchets. La Cour administrative d’appel indique ainsi que « la circonstance que ce producteur soit insolvable, si elle permettait à l’Etat de charger l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ou un autre établissement public de la gestion des déchets en application du V de l’article L. 541-3 du code de l’environnement précité, ne l’autorisait pas à rechercher la responsabilité du propriétaire ».

Installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) : Soumission de certains travaux de restauration des continuités écologiques au régime de l’autorisation

Le 31 octobre 2022, le Conseil d’Etat s’est notamment prononcé sur la régularité de la création d’une nouvelle rubrique de la nomenclature installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA), relative aux travaux de continuité écologique, qui prévoyait que ces travaux ne pouvaient être soumis qu’au régime de la déclaration et non de l’autorisation.

Les requérants sollicitaient en effet l’annulation de diverses dispositions du décret en date du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature relative aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA). L’article 3, h) de ce décret prévoyait la création d’une nouvelle rubrique de la nomenclature IOTA, la rubrique 3.3.5.0., ainsi définie :

 

« 3.3.5.0. Travaux, définis par un arrêté du ministre chargé de l’environnement, ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif (D).

Cette rubrique est exclusive de l’application des autres rubriques de la présente nomenclature.

Ne sont pas soumis à cette rubrique les travaux n’atteignant pas les seuils des autres rubriques de la présente nomenclature ».

 

Et un arrêté du même jour, l’arrêté ministériel du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0. de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement, a défini les travaux relevant de cette nouvelle rubrique.

Ces IOTA doivent donc être soumis à déclaration, aucun régime d’autorisation n’étant institué.

Examinant la légalité de ces dispositions, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que les IOTA devant être soumis à autorisation sont ceux susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique ou d’accroître notablement le risque d’inondation, conformément à l’article L. 214-3 du Code de l’environnement. Or, il relève que si ces travaux objets de la rubrique contestée peuvent avoir des effets bénéfiques pour l’environnement et permettent de protéger les milieux, renouveler la biodiversité et rétablir la continuité écologique, « certains de ces travaux, notamment quand ils ont pour objet l’arasement des digues et des barrages […] sont susceptibles, par nature, de présenter des dangers pour la sécurité publique ou d’accroître le risque d’inondation », ce qui implique donc que certains de ces travaux puissent être soumis à autorisation.

Dès lors que cette rubrique ne permet pas de soumettre les projets à autorisation lorsqu’ils sont susceptibles d’entrainer un accroissement des risques d’inondations et de présenter des dangers pour la sécurité publique, elle méconnait donc l’article L. 214-3 du Code de l’environnement et les dispositions l’ayant instituée doivent être annulées.

Au regard des conséquences manifestement excessives d’une annulation rétroactive de ces dispositions, le juge a différé au 1er mars 2023 les effets de l’annulation.

Par ailleurs, dans le cadre de cette même affaire, les requérants sollicitaient également l’annulation de l’article 3, f) du décret contesté du 30 juin 2020, soumettant au titre de la rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature les plans d’eau dont la superficie est supérieure ou égale à 3 hectares au régime de l’autorisation et au régime de la déclaration ceux dont la superficie est supérieure à 0,1 hectare mais inférieure à 3 hectares. Cette rubrique inclut les vidanges des piscicultures auparavant dispensées de toute formalité. L’Union des étangs de France, requérante, soutenait alors que devaient être exclus de cette rubrique les étangs piscicoles dès lors qu’ils « n’auraient aucun impact négatif sur l’environnement et les milieux aquatiques et contribueraient à l’inverse au maintien de la biodiversité et à la lutte contre le réchauffement climatique et à la souveraineté alimentaire de la France ».

Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté cet argumentaire, et relève que les étangs piscicoles présentent « des risques d’altération de la quantité et de la qualité des eaux qui justifient qu’ils soient intégrés à la nomenclature relative aux plans d’eau » et que la nouvelle rubrique ne porte pas atteinte au droit de propriété.

Cette rubrique est donc maintenue.

Facturation de prestations dans le cadre d’une intervention pour impayés des factures d’électricité : Précisions du médiateur national de l’énergie

Dans le cadre d’une intervention pour impayés, Madame J et Monsieur D contestait une facture de leur consommation d’électricité au motif qu’ils n’avaient reçu aucune facture mettant à leur charge un tel montant.

Par une décision du 11 avril 2022, le Médiateur national de l’Energie (MNE) leur donne raison en affirmant, d’une part, que le distributeur Z a facturé des frais de déconnexion et de reconnexion de l’alimentation électrique au potelet (850,22 €) alors qu’il aurait dû facturer l’intervention pour impayés (environ 53 €) dont le montant est encadré par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) en tant que prestation réalisée à titre exclusif par le gestionnaire de réseau de distribution (GRD). D’autre part, le Médiateur estime que la pratique consistant à facturer des frais en raison de l’absence d’un client qui n’a pas été préalablement prévenu de ce rendez-vous n’est pas équitable en ce que cette absence ne peut être assimilée, par principe, à une opposition de coupure.

Dans ces conditions, le MNE recommande notamment au distributeur Z de respecter strictement le cadre des prestations réalisées à titre exclusif par le GRD fixé par la CRE.

Cela implique notamment, en cas de mise en œuvre d’une intervention pour impayés :

  • De ne pas facturer des frais de dépose du compteur en complément de la prestation d’intervention pour impayés ;
  • De modifier son catalogue de prestations afin de ne pas considérer que l’absence d’un client à un rendez-vous dont il n’a pas été informé au préalable est assimilable à une opposition volontaire de sa part et de ne pas facturer de prestation dans ces circonstances.

Le Médiateur ayant déjà constaté des litiges similaires avec ce même distributeur Z, il juge par ailleurs utile de signaler cette affaire à la CRE dont la délibération n° 201-136 du 25 juin 2019 relatives aux prestations réalisées à titre exclusif par le GRD n’est pas respectée par ledit distributeur.

Travaux d’électrification en zone rurale : Mise en place de nouveaux financements pour faire face aux dégâts causés par les incendies survenus en 2022

Pour mémoire, le « CAS-FACE » (compte d’affectation spéciale pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale) repose sur des contributions dues par les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) d’électricité, à savoir Enedis et les entreprises locales de distribution (ELD). Ce financement est versé aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (AODE) afin de les aider à financer les travaux sur ledit réseau de distribution situé en zone rurale et dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage.

A la suite des nombreux incendies survenus durant l’année, l’arrêté du 20 octobre 2022 relatif à la répartition complémentaire des montants d’aides provenant des reports de crédits 2021 au bénéfice des autorités organisatrices de la distribution d’électricité pour le financement des travaux d’électrification visés à l’article L. 322-6 du Code de l’énergie crée dans le programme principal du CAS-FACE un sous-programme exceptionnel pour 2022 intitulé « sécurisation incendie ».

Ce nouveau sous-programme vise à financer les opérations de confortement, de rétablissement et de mise en sécurité des réseaux électriques de distribution ayant subi des dégâts par les incendies de milieu naturel.

La répartition complémentaire des montants d’aides du fonds de réserve de 4,95 millions d’euros est fixée comme suit :

  • 08 millions d’euros pour le sous-programme « sécurisation incendies » ;
  • 7,87 millions d’euros pour le sous-programme « intempéries ».

Hausse du coût de l’énergie : le renouvellement des dispositifs d’aides en faveur du pouvoir d’achat

Décret n° 2022-1279 du 30 septembre 2022 modifiant le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine

Proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements, en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores

Proposition de loi visant à interdire les coupures d’électricité pour impayés de factures

Arrêté du 20 octobre 2022 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique et l’arrêté du 17 novembre 2020 modifié relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique

Arrêté du 13 octobre 2022 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique (évolution de MaPrimeRénov’en outre-mer)

 

Ainsi qu’annoncé en septembre 2022 par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), en raison de la flambée des prix à la consommation et plus particulièrement des prix de l’énergie, la hausse de l’inflation atteindrait 5,6 %, sur une année.

Si l’on peut souligner une récente baisse de l’inflation (l’INSEE indiquait en juillet 2022 une augmentation à hauteur de 6,1 % sur une année) force est de constater que les pays européens se trouvent toujours dans une situation de crise justifiant l’adoption de nouvelles mesures permettant de limiter l’inflation sur les dépenses courantes. Après les nombreuses mesures adoptées dès l’autonome 2021 (telles que le bouclier tarifaire énergie, la remise sur les carburants et les aides aux entreprises[1]), le Gouvernement poursuit sa politique d’aide en faveur du pouvoir d’achat en complétant son arsenal de mesures.

Il faut d’abord signaler la mise en en œuvre, par le décret n° 2022-1407 en date du 5 novembre 2022, d’un chèque énergie exceptionnel destiné aux ménages chauffés au fioul domestique et dont le revenu fiscal de référence sur une année par unité de consommation est strictement inférieur à 20.000 €. Le montant de ce chèque variera entre 100 € et 200 € en fonction dudit revenu fiscal.

Ensuite, le décret n° 2022-1279 en date du 30 septembre 2022 prolonge l’aide instituée par le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

Pour être bénéficiaire de cette aide, les entreprises doivent remplir, à la date de la demande, les conditions suivantes :

  • avoir des achats de gaz et/ou d’électricité atteignant au moins 3 % de leur chiffre d’affaires en 2021 ;
  • avoir subi un doublement du prix du gaz et/ou de l’électricité sur la période éligible par rapport à une moyenne de prix sur l’année 2021.

Une fois ces conditions remplies et compte tenu de la situation de l’entreprise, le montant de l’aide est égal à :

  • 30 % des coûts éligibles, avec un plafond à 2 millions d’euros pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation par rapport à 2021 ou ayant un excédent brut d’exploitation négatif ;
  • 50 % des coûts éligibles avec un plafond à 25 millions d’euros, pour les entreprises dont l’excédent brut d’exploitation est négatif et dont l’augmentation des coûts éligibles s’élève au moins à 50 % de la perte d’exploitation. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes ;
  • 70 % des coûts éligibles avec un plafond à 50 millions d’euros, pour les entreprises qui respectent les critères de l’aide plafonnée à 25 millions d’euros et qui exercent leur activité principale dans un des secteurs listés à l’annexe 1 du décret n° 2022-967 en date du 1er juillet 2022 précité. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes.

Outre l’édiction de ces mesures réglementaires, plusieurs propositions de loi en faveur du pouvoir d’achat ont également été présentées. A titre d’illustration, La France Insoumise a proposé, par un texte enregistré le 11 octobre 2022, des mesures visant à accélérer la rénovation thermique des logements, en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores.

En d’autres termes, ce texte vise « à interdire purement et simplement, sur tout le territoire français, la location des passoires thermiques ».

Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant une rénovation thermique globale.

Toujours au titre des propositions de loi portées par les députés de la NUPES, le texte n° 305 enregistré également le 11 octobre 2022, vise à interdire les coupures d’électricité pour impayés de factures. Les dispositions législatives relatives aux trêves hivernales contenues dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF) seraient ainsi supprimées pour généraliser temporellement cette interdiction. Pour ce faire, une nouvelle rédaction de l’article L. 115-3 du CASF prévoirait que cette interdiction s’applique « tout au long de l’année aux distributeurs d’eau ainsi que, pour les consommateurs mentionnés à l’article L. 124-1 du code de l’énergie, aux fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz ».

Enfin, on relèvera toutefois que le Gouvernement revoit le montant de certaines primes à la baisse. C’est le cas de « MaPrimeRenov’ » laquelle, pour mémoire, a été créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2020 de finances pour 2020. Ce dispositif d’aide permet de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s). Par deux arrêtés du 13 et 20 octobre 2022, respectivement applicables en Outre-Mer et sur le territoire métropolitain, les forfaits de MaPrimeRenov sont ainsi révisés à la baisse.

 

[1] Voir en ce sens notre brève faisant le point sur les nouveaux dispositifs en faveur du pouvoir d’achat dans le cadre de la hausse du coût de l’énergie, parue le 8 septembre 2022.

Aides au bénéfice des collectivités territoriales pour leur approvisionnement en électricité

Décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 pris en application de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022

 

Dans un contexte de crise énergétique entrainant des difficultés d’approvisionnement en électricité, la Première Ministre, Elisabeth Borne, accompagnée des Ministres de l’économie, de la transition énergétique et de la cohésion des territoires, a annoncé lors d’une conférence de presse du 27 octobre 2022 que l’Etat allait prendre en charge une partie des factures des petites entreprises et des collectivités territoriales via un dispositif intitulé « amortisseur électricité ».

En outre, le Gouvernement entend présenter un amendement au projet de loi de finances afin de prolonger et amplifier ce « filet de sécurité » pour l’année 2023.

Pour rappel, ce dispositif réside en une dotation, prévue par l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (dite « loi de finances rectificative »), qui pourra être versée, au plus tard le 31 octobre 2023, aux communes et leurs groupements dont l’épargne brute au 31 décembre 2021 représentait moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et dont l’épargne brute a enregistré en 2022 une baisse de plus de 25 %, principalement du fait des effets de l’inflation sur leurs dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achats de produits alimentaires.

Les communes et groupements concernés peuvent d’ailleurs demander au préfet ou au directeur départemental des finances publiques un acompte sur cette dotation avant le 15 novembre 2022, tel que le prévoit l’article 11 du décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 pris en application de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, qui est venu en outre préciser les modalités de calcul et de versement de cette dotation.

Afin d’aider dans leurs décisions les collectivités face à l’augmentation de leurs factures énergétiques, on peut également relever que la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, « CRE ») a publié, le 19 octobre 2022, plusieurs références indicatives de prix de l’électricité pour les PME et les collectivités territoriales. Ce référentiel permettra notamment aux collectivités devant souscrire ou renouveler un contrat de fourniture d’électricité pour l’année 2023 de vérifier que les offres qui leur sont proposées sont compétitives et reflètent la réalité des coûts d’approvisionnement.

La Commission précise que les références indicatives de prix publiées sont calculées pour une offre d’un fournisseur d’une durée d’un an pour livraison sur l’année calendaire 2023, valable 24 heures et fondée sur les prix de gros de l’électricité du lundi. Ces références seront actualisées par la CRE chaque mardi.

Application de la règle d’extinction des publicités lumineuses en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité

Dans la continuité du décret n° 2022-1294 en date du 5 octobre 2022 portant modification de certaines dispositions du Code de l’environnement relatives aux règles d’extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses, que nous commentions dans notre précédente lettre d’actualité juridique, le décret n° 2022-1331 du 17 octobre 2022 portant obligation d’extinction des publicités lumineuses en cas de situation de forte tension du système électrique vient d’être publié.

Pour rappel, dans un objectif d’harmonisation des règles en vigueur, le décret en date du 5 octobre 2022 susvisé est venu modifier les dispositions de l’article R. 581-35 du Code de l’environnement afin de généraliser la règle d’extinction de nuit, entre 1 heure et 6 heures, à toutes publicités lumineuses quel que soit leur lieu d’implantation.

Le décret en date du 17 octobre 2022 ici commenté fixe le cadre d’une interdiction plus générale de publicités lumineuses en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Est donc ainsi consacré un article D. 143-2 au sein du Code de l’énergie, lequel disposera, à compter du 1er juin 2023 : « lorsque le système électrique est dans la situation de forte tension décrite au premier alinéa de l’article L. 321-17-1, toutes les publicités mentionnées à l’article L. 143-6-2, y compris les publicités situées à l’intérieur d’un local lorsque leur emplacement les rend visibles depuis la voie publique, sont éteintes, ou à défaut mises en veille ».

La notice du décret précise que les situations de menaces graves et imminentes sur la sécurité des approvisionnements en électricité correspondent aux périodes sur lesquelles RTE, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, émettra un signal Ecowatt rouge.

Le dispositif Ecowatt permet à RTE de signaler les périodes de forte tension du système électrique et, plus précisément, un signal rouge sera activé lorsque tous les besoins du pays ne pourront pas être couverts par l’électricité produite et disponible.

Évolution du mécanisme de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH) et des modalités de calcul de la prise en compte du coût d’approvisionnement des volumes d’ARENH dans les Tarifs Réglementés de Vente d’électricité (TRVE)

Décret n° 2022-1380 du 29 octobre 2022 modifiant les modalités d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Délibération du 27 octobre 2022 portant décision des modalités et volume de lissage de l’écrêtement ARENH dans les TRVE

Délibération du 3 novembre 2022 relative au contenu du dossier de demande d’ARENH

Délibération du 10 novembre 2022 portant décision sur la méthode de répartition des volumes d’ARENH en cas de dépassement du plafond prévu par la loi et portant communication sur les critères d’évaluation des demandes d’ARENH 

 

Des évolutions récentes sont à relever dans le mécanisme d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ci-après, « ARENH ») et dans la prise en compte de l’ARENH dans le calcul des Tarifs Réglementés de Vente d’électricité (ci-après, « TRVE »).

 

Évolution du mécanisme de l’ARENH 

À la suite d’un avis favorable rendu par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, « CRE ») aux termes de sa délibération du 20 octobre 2022, le décret n°2022-1380 en date du 29 octobre 2022 modifiant les modalités d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique a apporté quelques modifications au Code de l’énergie qui entreront en vigueur le 1er janvier 2023.

D’une part, ce décret tend à étendre le pouvoir de contrôle de la CRE en instituant un contrôle ex-ante des droits à l’ARENH attribués à certains fournisseurs bénéficiaires.

Précisément, les modifications introduites par le décret ont vocation à permettre à la CRE de corriger la demande de volumes d’ARENH d’un fournisseur. A ce titre, la CRE pourra notamment rectifier la quantité de produit théorique du fournisseur lorsque les hypothèses de consommation ou de développement commerciales communiquées dans son dossier présenteront un risque de surestimation manifeste de cette quantité ou lorsque cette quantité sera manifestement disproportionnée par rapport à la consommation des consommateurs finals antérieurement constée et aux évolutions de prévisions d’évolution de cette consommation, tel qu’il ressort de la nouvelle rédaction de l’article R. 336-14 du Code de l’énergie.

Dans sa délibération, la CRE avait considéré qu’une telle extension de son pouvoir de contrôle était bienvenue pour limiter les demandes excessives d’ARENH dans le contexte où le niveau des prix de gros est toujours très élevé.

On notera également que dans une délibération récente du 10 novembre 2022, la CRE est venue préciser les modalités d’allocation des volumes d’ARENH pour le guichet de novembre 2022 en cas de dépassement du plafond ARENH. Par cette occasion, elle définit également des seuils d’alerte et des critères d’évaluation relatifs au comportement passé des fournisseurs dans le cadre du dispositif afin d’établir un faisceau d’indices pour identifier de potentielles incohérences dans les demandes d’ARENH que formuleront ceux-ci. En cas d’incohérence et si leur demande approche les seuils d’alerte, les fournisseurs devront présenter des éléments justificatifs et la CRE pourra par la suite décider de corriger les quantités théoriques demandées par les fournisseurs.

D’autre part, le décret vient supprimer le guichet ARENH de mi-année. Désormais, conformément à la nouvelle rédaction de l’article R. 336-2 du Code de l’énergie, une seule période de livraison commencera au 1er janvier de chaque année. La CRE avait émis un avis favorable sur cette modification, considérant que le guichet infra-annuel du 1er juillet ne répond plus aux besoins des acteurs et complexifie inutilement le dispositif ARENH. Et effectivement, depuis 2019, le guichet de 100 TWh se trouvant systématiquement atteint, les fournisseurs ne pouvaient plus augmenter en cours d’année leurs demandes de volumes d’ARENH.

En outre, on peut relever que la CRE a publié une autre délibération le 3 novembre 2022 par laquelle elle a mis à jour les modalités de constitution du dossier de demande d’ARENH afin que celui-ci puisse inclure le détail des hypothèses prises par les fournisseurs dans l’estimation de leurs demandes d’ARENH.

Dans cette même délibération, la CRE donne la possibilité aux fournisseurs qui lui communiqueront leur dossier dans la période allant du 3 au 17 novembre 2022 d’obtenir de sa part un retour sur la complétude et la conformité de ce dossier. Cette pré-vérification a vocation à faciliter le traitement du guichet qui s’effectue dans un temps contraint tout en maintenant la qualité de l’accompagnement des fournisseurs par la CRE dans le mécanisme de l’ARENH.

 

Précisions sur les modalités et le volume de lissage de l’écrêtement de l’ARENH dans les TRVE

Dans le prolongement de sa délibération en date du 22 septembre 2022, commentée dans une de nos précédentes lettres d’actualité juridique, par laquelle elle avait décidé, pour le calcul des TRVE, de prendre en compte le coût d’approvisionnement de l’écrêtement de l’ARENH lissé sur une période plus longue de deux mois pour 2023 et de trois mois pour 2024, la CRE a présentée dans une délibération du 27 octobre 2022 l’hypothèse de taux d’attribution de l’ARENH retenu pour le calcul des volumes écrêtés ainsi que la méthode d’approvisionnement de ces volumes pour le calcul des TRVE en 2023.

Elle indique précisément que le taux d’attribution retenu pour le calcul dans les TRVE de l’année 2023 du coût d’approvisionnement des volumes non attribués du fait de l’écrêtement de l’ARENH est de 65,45 %. Il s’agit d’une simple hypothèse qui, comme le précise la CRE, ne préjuge pas du taux d’attribution réel pour 2023 qui ne sera connu qu’à l’issue du guichet ARENH du 21 novembre 2022.

Les actualités du mois d’octobre en matière de certificats d’économie d’énergie

Le mois d’octobre 2022 a été marqué par diverses actualités en matière de certificats d’économie d’énergie.

On relèvera d’abord que le décret n° 2022-1368 en date du 27 octobre 2022 est venu :

  • D’une part, augmenter, pour les années 2023 à 2025, les coefficients d’économies d’énergie prévus à l’article R. 221-4 du Code de l’énergie ainsi que ceux à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité quant à eux prévus à l’article R. 221-4-1 du Code ;
  • D’autre part, augmenter le volume de CEE pouvant être délivré au titre des programmes de la cinquième période de 288 TWh cumac à 357 TWh cumac.

Par ailleurs, un arrêté en date du 7 octobre 2022 modifie les dispositions applicables aux contrôles réalisés par le demandeur ou l’organisme d’inspection dans le cadre du dispositif des CEE telles qu’elles avaient été prévues par l’arrêté du 28 septembre 2021, s’agissant notamment des réponses pouvant être données et la conclusion du rapport d’inspection réalisé dans le cadre de ce contrôle.

Enfin, plusieurs arrêtés sont venus créer de nouvelles opérations standardisées d’économie d’énergie ainsi que les fiches et bonifications afférentes :

  • l’arrêté du 7 octobre 2022 crée quant à lui la fiche d’opération standardisée BAR-SE-108 « Désembouage d’un réseau hydraulique individuel de chauffage en France métropolitaine », entrée en vigueur le 14 octobre 2022 ;
  • l’arrêté du 21 octobre 2022 crée la fiche d’opération standardisée TRA-SE-116 « Fret ferroviaire » ainsi que la bonification applicable aux opérations relevant de cette dernière, entrée en vigueur le 29 octobre2022 ;
  • l’arrêté du 22 octobre 2022 créé notamment une bonification pour les opérations relevant de la fiche d’opération standardisée BAT-TH-116 « Système de gestion technique du bâtiment pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement/climatisation, l’éclairage et les auxiliaires » engagées jusqu’au 31 décembre 2023, également entrée en vigueur le 29 octobre 2022.

Publication de deux arrêtés en matière d’interruptibilité de la consommation de gaz naturel

Arrêté du 3 octobre 2022 fixant le volume de capacités interruptibles à contractualiser par les gestionnaires de réseau de transport de gaz naturel prévu à l’article L. 431-6-2 du code de l’énergie

Instruction du Gouvernement du 16 septembre 2022 relative à l’organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l’électricité dans la perspective du passage de l’hiver 2022-2023 et à l’accélération du développement des projets d’énergie renouvelable

 

Pour mémoire, l’article L. 431-6-2 du Code de l’énergie prévoit qu’en cas de menace grave sur le fonctionnement normal des réseaux de transport de gaz naturel, le gestionnaire du réseau de transport concerné doit, pour pouvoir garantir l’alimentation de certains consommateurs protégés, procéder à l’interruption de la consommation de consommateurs finals agréés raccordés au réseau de transport ou faire procéder, par l’intermédiaire du gestionnaire de réseau de distribution (ci-après « GRD ») alimenté par le réseau de transport, à l’interruption de la consommation des consommateurs finals agréés raccordés à ce réseau de distribution.

A cette fin, les gestionnaires de transports contractualisent avec des consommateurs finals agréés, sous certaines conditions, des capacités de volumes interruptibles – dont la limite est fixée par arrêté ministériel – en contrepartie d’une compensation.

En parallèle et en vertu de l’article L. 431-6-3 du Code, les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution peuvent contractualiser des capacités interruptibles en dernier recours avec des consommateurs finals agréés raccordés à leur réseau, sans compensation.

Dans ce but, l’arrêté du 17 décembre 2019 est venu encadrer les modalités, notamment techniques, de mise en œuvre de l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel, qu’elle fasse l’objet de « contrats d’interruptibilité garantie » pour l’application du mécanisme prévu par l’article L. 431-6-2 ou de « contrats d’interruptibilité secondaire » dans le cadre du second dispositif prévu par l’article L. 431-6-3 du Code de l’énergie.

C’est cet arrêté en date du 17 décembre 2019 qui est modifié par l’arrêté du 3 octobre 2022 ici commenté.

Ce dernier vient notamment modifier les conditions dans lesquelles peuvent être conclus les contrats d’interruptibilité garantie telles qu’elles étaient jusque-là fixées.

Ainsi, en sus de la condition tenant au fait que le point de livraison dont dépend le lieu de consommation concerné livre exclusivement du gaz à ce dernier, cet arrêté vient ajouter deux nouvelles conditions :

  • Une consommation annuelle de gaz naturel supérieure à 5 000 mégawattheures doit avoir été mesurée sur le lieu de consommation concerné au cours de l’année civile précédant la signature du contrat d’interruptibilité garantie ;
  • Aucune activité de production d’électricité à partir de gaz naturel ne doit être exercée sur ce lieu de consommation.

Un autre arrêté du même jour est venu, par ailleurs, considérablement augmenter les volumes de capacités interruptibles maximales à contractualiser par les gestionnaires de réseau de transport de gaz naturel prévus à l’article L. 431-6-2 du Code de l’énergie comme suit :

  • 144.000 mégawattheures par jour pour les contrats conclus par GRTgaz (alors qu’il était antérieurement de 48.000 mégawattheures par jour) ;
  • 6.000 mégawattheures par jour pour les contrats conclus par Teréga (alors qu’il était antérieurement à 2.000 mégawattheures par jour).

On notera que ces arrêtés interviennent, dans le contexte actuel de crise énergétique et à l’approche de l’hiver, dans le prolongement d’une instruction du Gouvernement du 16 septembre 2022 ayant notamment vocation à donner des lignes directrices afin d’anticiper la mise en œuvre de mesures de délestage sur les réseaux de gaz. Ces mesures de délestage permettent de réduire ou d’arrêter les consommations de gaz naturel lorsque les possibilités d’interruptions susvisées risquent de ne plus suffire pour assurer l’équilibrage du réseau ou la continuité de l’acheminement en gaz naturel (article L. 434-1 du Code de l’énergie).

Point d’étape du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

Le 4 novembre 2022, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la production d’énergies renouvelables qui lui avait été soumis par le Gouvernement le 26 septembre 2022.

Le texte ainsi adopté a fait l’objet de nombreuses évolutions et de nombreux apports au regard du texte initial du Gouvernement. Parmi les ajouts notables, figurent notamment les points suivants :

  • L’association des Autorités Organisatrices de la Distribution publique d’Electricité à l’élaboration et à la mise en cohérence des listes des zones propices à l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables et de production d’hydrogène renouvelable ou bas carbone (art. 1er A) ;
  • Le renforcement de l’encadrement des nuisances sonores liées aux éoliennes terrestres lorsqu’elles sont situées à moins de 1 500 mètres des habitations (article 1er CB) ;
  • La suppression de la possibilité de recourir à la modification simplifiée des plans locaux d’urbanisme (PLU) pour modifier les règles relatives aux zones N et F et aux espaces boisés en vue de l’implantation de projets d’ENR (art. 3) ;
  • La possibilité pour le PLU de soumettre à conditions l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable dans certains secteurs (art. 3) ;
  • La création d’un fonds de garantie bénéficiant aux exploitants d’une installation de production d’énergie renouvelable lauréate d’un appel d’offres ou bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat, « destiné à compenser une partie des pertes financières qui résulteraient d’une annulation par le juge administratif d’une autorisation environnementale […] ou, pour les ouvrages de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique, d’un permis de construire» (art. 5 bis) ;
  • La reconnaissance de la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs aux installations de biogaz afin de réduire la durée des contentieux (art. 5 Bis A) ;
  • L’ajout de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) parmi les personnes consultées dans le cadre de l’élaboration de l’ordonnance sur l’accélération des raccordements aux réseaux (art. 6) ;
  • Sur ce même sujet, l’ajout de précisions pour encadrer les travaux du Gouvernement à venir pour l’adoption de l’ordonnance destinée à modifier un certain nombre d’éléments relatifs au raccordement aux réseaux. Il est notamment précisé que, pour « redéfinir certaines modalités de répartition et de prise en charge des coûts de raccordement par le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mentionné à l’article L. 341-2 du même code et le reste à charge des redevables mentionnés aux articles L. 342-7 et L. 342-11 dudit code», l’ordonnance ne devra pas «  aggraver la contribution des redevables mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 342-11 du même code, ni mettre en cause les modalités de réfaction ou de diminution prévues pour les installations de production d’électricité à partir de source renouvelable au c du 3° de l’article L. 341-2 du même code, ni les consommateurs d’électricité qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique à l’article L. 341-4-2 du même code ». Cet ajout par rapport au texte initial implique que l’ordonnance ne pourrait pas alourdir la contribution des collectivités en charge de l’urbanisme, des demandeurs des raccordements ou encore des aménageurs ;
  • L’inscription directement dans la loi de dispositions prévues par l’habilitation à légiférer par ordonnance s’agissant des schémas régionaux de raccordement (at. 6 bis) ;
  • L’ajout de précisions relatives aux types de parcs de stationnement extérieurs concernés par l’installation d’ombrières intégrant un procédé d’énergies renouvelables et l’instauration de sanctions financières dissuasives en cas de manquement à ces obligations de solarisation (50 euros par emplacement et par mois). On notera ainsi notamment l’exclusion des parkings de poids lourds (> 7,5 tonnes) de l’application des dispositions en cause (art. 11) ;
  • L’augmentation de 30 à 50 % de la part de la surface des toitures des bâtiments neufs non résidentiels devant être couverte de panneaux photovoltaïques à compter du 1er janvier 2025 ;
  • L’extension du tarif particulier de l’accise sur l’électricité aux opérations d’autoconsommation collective (Art. 11 octies A) ;
  • Le rétablissement de l’article 16 initial du Projet de loi permettant d’implanter des ouvrages de raccordement au réseau public de transport d’électricité en zone littoral (art. 16) ;
  • Très attendue, la modification des modalités de mise en œuvre des contrats de long-terme (également dénommés « Power Purchase Agreement » ou « PPA ») en matière d’électricité et de biogaz (art. 17). La possibilité, notamment pour les acheteurs publics soumis au code de la commande publique de recourir à cette technique contractuelle d’achat sera ainsi reconnue, à la fois en électricité et en gaz. Il est néanmoins prévu que cette faculté s’exerce dans les conditions prévues par le Code de la commande publique;

Sur ce même outil contractuel, le Projet de loi sorti du Sénat modifie l’article L. 2112-5 du Code de la commande publique relatif à la durée des marchés publics pour consacrer la possibilité de conclure des PPA d’une durée longue lorsqu’ils prennent la forme de marchés publics (« Cette durée tient également compte de la spécificité des contrats de vente directe à long terme d’électricité, mentionnés au 2° de l’article L. 333-1 du code de l’énergie, et des contrats de vente directe à long terme de biogaz, de gaz renouvelable ou de gaz bas-carbone, mentionnés à l’article L. 443-4-1 du même code, et notamment la nature des prestations et la durée d’amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas ces installations »).

Une disposition est également ajoutée pour prévoir que les conditions du Code de la commande publique doivent être respectées lorsqu’un acheteur public contracte dans le cadre d’une opération d’autoconsommation individuelle ou collective, apportant ainsi une précision jusqu’alors absente du cadre juridique, bien qu’on aurait pu espérer une précision inverse compte tenu des spécificités des opérations d’autoconsommation ;

  • La suppression de l’obligation de constituer un budget annexe pour les services publics locaux dans le cas de la production d’électricité photovoltaïque (art. 17 Bis A) ;
  • La consécration dans le Code de l’énergie de l’autoconsommation collective étendue en matière de gaz renouvelable (article 19 bis).

Le Sénat a transmis le texte le 8 novembre 2022 à l’Assemblée nationale qui a immédiatement démarré son examen en commissions (nomination des rapporteurs de la Commission des affaires économiques dès le 9 novembre 2022, et examen en commissions à partir du 21 novembre).

Dépôt d’un projet de loi destiné à faciliter et accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires

Communiqué de presse du Gouvernement

 

Le 2 novembre 2022, le Gouvernement a présenté en Conseil des Ministres et déposé sur le bureau du Sénat, selon la procédure accélérée (qui ne permet qu’un seul examen par chaque Chambre du Parlement et implique des délais d’examen réduits), un Projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Comme le relève le communiqué de presse du Gouvernement accompagnant le dépôt de ce texte, celui-ci « s’inscrit dans le contexte, d’une part, de l’urgence d’une crise climatique qui menace nos écosystèmes, nos sociétés, l’avenir des jeunes générations et, d’autre part, d’une crise de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement en énergie en 2022 à la suite du conflit ukrainien ».

Le projet de loi vise ainsi, d’abord, à faciliter les procédures devant être suivies en vue de la création de réacteurs électronucléaires dont l’installation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et pour lesquels la demande d’autorisation de création est déposée dans les quinze ans qui suivent la promulgation de la loi (art. 1er du projet de loi).

Cela se traduit notamment par les éléments suivants :

  • Un allègement de la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme pour permettre un projet de construction de réacteur électronucléaire (art. 2) ;
  • Une dispense d’autorisation d’urbanisme pour les constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation. L’exploitant devra néanmoins respecter les règles de fond en matière d’urbanisme et restera redevable des mêmes taxes que s’il ne bénéficiait pas d’une telle dispense (art. 3) ;
  • L’autorisation environnementale requise à raison des constructions, aménagements, installations ou travaux nécessaires à la construction d’un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, sera délivrée globalement, par décret, après enquête publique au vu d’une étude d’impact portant sur l’ensemble du projet (art. 4) ;
  • La possibilité de démarrer certains travaux de manière anticipée : le projet de loi autorise l’exécution des travaux autres que ceux portant sur l’« ilot nucléaire » dès que l’autorisation environnementale a été délivrée pour le projet, à raison des constructions, installations, aménagements ou travaux pour lesquels elle est requise, sous réserve que l’autorité administrative ait vérifié au préalable que ces constructions, installations, aménagements ou travaux respectent les règles d’urbanisme. En revanche, les travaux de construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde ne pourront pas débuter avant que la décision d’autorisation de création du réacteur électronucléaire soit intervenue, toujours sous réserve de la vérification de leur conformité aux règles d’urbanisme (art. 5) ;
  • À l’instar du projet de construction de la première paire d’EPR2 envisagée à Penly, par une dérogation aux dispositions protectrices issues de la « loi Littoral » (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi Littoral » codifiée au chapitre Ier du titre II du livre Ier du Code de l’urbanisme), la possibilité de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer, à condition qu’ils soient construits à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’un réacteur électronucléaire existant (art. 6) ;
  • La possibilité de recourir à l’expropriation pour cause d’utilité publique pour la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, de tous les immeubles bâtis ou non bâtis dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation « d’installations ou d’aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires ; » et « des constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires et des équipements et installations nécessaires à leur exploitation ainsi que des ouvrages permettant le raccordement aux réseaux de transport d’électricité» (art. 7).

S’agissant ensuite des règles de fonctionnement des installations existantes, le projet de loi procède à une modification de la procédure de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement, en simplifiant ladite procédure tout en renforçant la participation du public (art. 9). Enfin, le projet de loi modifie la procédure de mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans (art. 10) de manière « à améliorer la gestion des arrêts prolongés ou successifs de fonctionnement de ces installations »).

Modification du régime contentieux applicable aux décisions relatives aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité

Le décret n° 2022-1379 en date du 29 octobre 2022 modifie le régime juridique applicable aux contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité.

Ce régime est codifié au sein du nouvel article R. 311-6 du Code de justice administrative et concerne les installations et ouvrages suivants :

 

« – installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute, à l’exclusion des installations de méthanisation d’eaux usées ou de boues d’épuration urbaines lorsqu’elles sont méthanisées sur leur site de production ;

– ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque d’une puissance égale ou supérieure à 5 MW ;

– gites géothermiques mentionnés à l’article L. 112-1 du code minier à l’exclusion des activités de géothermie de minime importance mentionnées à l’article L. 112-2 du même code ;

– installations hydroélectriques d’une puissance égale ou supérieure à 3 MW ;

– ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité de raccordement des installations de production d’électricité mentionnées au présent I et ouvrages inscrits au schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l’article L. 321-7 du code de l’énergie, ainsi que les autres ouvrages qui relèvent du réseau public de transport et les postes électriques, à l’exclusion des installations et ouvrages relevant des dispositions des articles R. 311-5 et R. 311-1-1 du présent code ».

 

Et concernant ces installations et ouvrages, le nouveau régime contentieux s’applique aux décisions suivantes (incluant les décisions de refus) :

 

« 1° L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement ;

2° L’absence d’opposition à la déclaration d’installations, ouvrages, travaux et activités mentionnée au II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ;

3° La dérogation mentionnée au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;

4° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;

5° L’enregistrement d’installations mentionné à l’article L. 512-7 du code de l’environnement ;

6° La déclaration d’installations mentionné à l’article L. 512-8 du code de l’environnement ;

7° Le permis de construire mentionné à l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme ;

8° La déclaration préalable mentionnée à l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme ;

9° Les autorisations prévues par les articles L. 5111-6, L. 5112-2 et L. 5114-2 du code de la défense ;

10° Les autorisations requises dans les zones de servitudes instituées en application de l’article L. 5113-1 du code de la défense et de l’article L. 54 du code des postes et des communications électroniques ;

11° L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité prévue par l’article L. 311-1 du code de l’énergie ;

12° La déclaration d’utilité publique mentionnée à l’article L. 323-3 du code de l’énergie, hors les cas où elle emporte mise en compatibilité des documents d’urbanisme ;

13° La décision d’approbation du projet de détail des tracés prévue par l’article L. 323-11 du code de l’énergie ;

14° Pour les ouvrages d’acheminement de l’électricité, les décisions d’approbation prévues par les articles R. 323-26 et R. 323-40 du code de l’énergie ;

15° L’approbation du contrat de concession hydraulique et du cahier des charges qui lui est annexé relevant de la compétence du préfet en application de l’article R. 521-1 du code de l’énergie ;

16° L’autorisation de défrichement prévue par les articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;

17° Les autorisations d’occupation du domaine public mentionnées à l’article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

18° Les autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine ;

19° Les prescriptions archéologiques mentionnées à l’article R. 523-15 du code du patrimoine ;

20° L’autorisation prévue par l’article L. 6352-1 du code des transports ;

21° Les titres d’exploration de gîtes géothermiques prévus aux articles L. 124-2-3 et L. 124-3 du code minier, ainsi que ceux prévus à l’article L. 134-3 du même code ;

22° Les autorisations mentionnées à l’article L. 162-1 du code minier jusqu’à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2022-534 du 13 avril 2022 relative à l’autorisation environnementale des travaux miniers et, à compter de cette date, les autorisations mentionnées au 3° du L. 181-1 du code de l’environnement ;

23° Les décisions prorogeant ou transférant à un autre pétitionnaire ou à un autre exploitant les décisions mentionnées au présent I ;

24° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les décisions mentionnées au présent I.

25° Les actes préalables nécessaires à l’adoption des décisions mentionnées au présent ».

 

Pour l’ensemble de ces décisions, le nouvel article R. 311-6 du Code de justice administrative prévoit le régime contentieux dérogatoire suivant.

Tout d’abord, le délai de recours contre chacune de ces décisions est fixé à deux mois, le cas échéant, par dérogation aux dispositions spéciales applicables par chaque réglementation.

Ainsi et par exemple, s’agissant d’une installation classée pour la protection de l’environnement relevant des dispositions précitées et soumise à enregistrement, l’arrêté pourra être attaqué par les tiers pendant un délai de deux mois à compter du premier jour de sa publication ou de son affichage et non de quatre mois comme le prévoit l’article R. 514-3-1 du Code de l’environnement.

Par ailleurs, le nouvel article R. 311-6 prévoit que l’exercice d’un recours gracieux contre l’une de ces décisions n’aura pas pour effet de proroger le délai de recours contentieux contrairement à la règle générale prévue par les dispositions de l’article L. 411-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

 Enfin, un délai de dix mois est imparti aux juridictions administratives pour se prononcer sur les recours dirigés contre les décisions précitées.

Celui-ci est impératif puisqu’en l’absence de décision dans ce délai, le contentieux sera alors porté devant la juridiction supérieure :

 

« III.- Le tribunal administratif statue dans un délai de dix mois à compter de l’enregistrement de la requête. Si à l’issue de ce délai il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la cour administrative d’appel, qui statue dans un délai de dix mois. Si, à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d’Etat ».

 

A noter que lorsqu’une mesure de régularisation est prescrite par la juridiction, celle-ci dispose d’un délai de six mois à compter de l’enregistrement du mémoire transmettant la mesure de régularisation qu’elle a ordonnée pour se prononcer.

Ces nouvelles règles contentieuses sont applicables aux décisions prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026.