Directeurs généraux des offices publics de l’habitat : nouveaux plafonds de rémunération

Le 26 avril 2022, un décret ici commenté permettait de penser qu’interviendrait rapidement une revalorisation du plafond de rémunération des directeurs généraux des offices publics de l’habitat qui, pour mémoire, étaient de longue date soumis aux mêmes maximas de rémunération, fixés en 2009 et revalorisés uniquement en 2010, il y a plus de 12 ans donc.

Il aura fallu quelques mois supplémentaires aux deux ministres compétents, en charge des comptes publics et du logement, pour édicter l’arrêté désormais prévu à l’article R. 421-20 du CCH.

Paru au JO du 7 décembre, il prévoit plusieurs formules de calcul du plafond de la part forfaitaire, qui évoluent en fonction du nombre de logements locatifs gérés par l’OPH.

Ne s’agissant que de plafonds et non de planchers, les avenants qui pourraient en résulter restent à la discrétion des Conseils d’administration qui, pour mémoire, sont seuls compétents pour autoriser leur Président à signer tant le contrat du Directeur général que ses avenants.

La vente est parfaite dès que les parties sont convenues de la chose et du prix

L’article 1583 du Code civil énonce que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Dans un arrêt en date du 30 novembre 2022, la Cour de cassation est venue rappeler l’interprétation stricte qu’elle fait de ces dispositions, en cassant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 octobre 2021.

En l’espèce, les consorts L., propriétaires de deux lots de copropriété, ont conclu deux mandats de vente portant sur ces lots avec une agence immobilière, d’abord au prix de 198 000 euros net vendeur, puis le 16 novembre 2017 au prix de 110 000 euros net vendeur.

Le 16 novembre 2017, Madame O. fait une offre d’achat au prix de 110.000 euros, contresignée par les propriétaires avec la mention « bon pour accord, bon pour vente au prix de 110 000 euros », sans indication de date, et sans indication de l’adresse du bien.

Par la suite, alors que les propriétaires refusent de signer la promesse de vente, Madame O. les assigne en vente parfaite.

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 15 octobre 2021, déboute Madame O. de ses demandes au motif que les parties n’en étaient qu’au stade des pourparlers : « l’absence de précision de [l’offre d’achat] quant aux conditions de la vente et aux formalités de réalisation de celle-ci suffit à établir que les parties n’en étaient qu’au stade des pourparlers, la seule mention « bon pour vente au prix de 110 000 euros » apposée par les consorts L. ne suffisant pas à fixer les conditions de la vente immobilière qui est une opération complexe nécessitant que les vendeurs soient informés à minima des conditions de financement de la vente ».

Dans son arrêt en date du 30 novembre 2022, la Cour de cassation casse cet arrêt et considère que la vente est parfaite. Elle retient : « l’offre d’achat formulée par Mme O., portant sur les biens mis en vente par les consorts L., avait été contresignée par eux avec la mention ʺbon pour venteʺ au prix proposé, ce dont il résultait, d’une part, que l’offre comprenait les éléments essentiels du contrat envisagé et exprimait la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, d’autre part, que la vente était parfaite ».

La Cour de cassation renouvelle ici l’application stricte qu’elle fait des dispositions de l’article 1583 du Code civil : l’accord des parties sur la chose et le prix suffit à rendre la vente parfaite.

La majoration des droits à construire ne peut se faire que dans la limite fixée en valeur absolue par le règlement du plan local d’urbanisme

Par une décision en date 12 septembre dernier, le Conseil d’Etat a précisé que la majoration des droits à construire, sur le fondement de l’article L. 151-28 du Code de l’urbanisme, qui autorise le règlement du plan local d’urbanisme à prévoir un bonus maximum de 50 % du volume constructible tel qu’il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol dans des secteurs à l’intérieur desquels la réalisation de programmes de logements comporte des logements locatifs sociaux, ne pouvait dépasser la limite fixée en valeur absolue par le règlement du plan local d’urbanisme.

Dans cette affaire, le Maire de la commune de Neuilly-sur-Seine a délivré, le 16 janvier 2018, un permis de construire pour la réalisation de 12 logements comprenant un tiers de logements sociaux.

Saisi en première instance, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 4 février 2020, rejeté la requête déposée par Madame D. et Monsieur et Madame A. tendant à l’annulation de ce permis de construire en considérant notamment que, pour définir la distance d’implantation minimale de la construction projetée par rapport aux limites séparatives, il convenait de retenir non pas la hauteur effective de la construction mais la hauteur maximale théorique autorisée par le règlement du plan local d’urbanisme.

Saisi en cassation, le Conseil d’État a été amené à préciser la manière d’apprécier la mise en œuvre du bonus de constructibilité prévu par les dispositions de l’article L. 151-28 du Code de l’urbanisme.

Ces dispositions autorisent le règlement des PLU à :

« […] délimiter des secteurs à l’intérieur desquels la réalisation de programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux au sens de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation bénéficie d’une majoration du volume constructible tel qu’il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol. Cette majoration, fixée pour chaque secteur, ne peut excéder 50 % […] ».

Ainsi, s’agissant de l’application de ces règles, le Conseil d’Etat rappelle que, s’agissant des règles de gabarit, le règlement permet, pour une distance à la limite séparative donnée, d’augmenter d’un coefficient de 1,3 la hauteur du bâtiment autorisée par la règle de distance aux limites séparatives ou, pour une hauteur donnée, de réduire la distance aux limites séparatives exigée par l’article UD 7 d’un coefficient de 1,3.

Toutefois et cela constitue l’apport de la décision, le Conseil d’Etat a précisé que « cette hauteur ou cette distance ainsi calculée ne saurait, toutefois, être augmentée ou réduite au-delà ou en-deçà de la limite fixée en valeur absolue par le règlement du plan local d’urbanisme ».

L’affaire a été renvoyée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Période d’astreinte et risque de requalification en temps de travail effectif lorsque le salarié a une liberté d’action réduite

Par un arrêt rendu le 26 octobre 2022 (pourvoi n° 21-14.178)[1], la Chambre sociale de la Cour de cassation a apporté des précisions sur les situations où les périodes d’astreintes sont susceptibles d’être qualifiées de temps de travail effectif.

Pour rappel, en droit du travail, le dispositif des astreintes consiste en une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.[2]

La période d’astreinte, en elle-même, se distingue, ainsi, de la période d’intervention. En effet, seule la période d’intervention constitue du temps de travail effectif.  La période d’astreinte, en revanche, ne répond pas à la définition du temps de travail effectif prévue par l’article L. 3121-1 du Code du travail, car elle implique :

  • de ne pas être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur ;
  • et pouvoir vaquer à ses occupation personnelles sans avoir à se conformer à ses directives.

La période d’astreinte, qui n’est pas du temps de travail effectif, doit, cependant, faire l’objet d’une contrepartie.  Cette contrepartie peut être de nature exclusivement financière ou prendre la forme d’un repos.

Aussi, la mise en place et la mise en œuvre des astreintes en entreprise sont particulièrement délicates. Elles nécessitent de porter une attention particulière aux temps de repos quotidiens et hebdomadaires des salariés, aux durées maximales de travail, voire au travail de nuit.

L’arrêt ci-commenté est une occasion de mettre en perspective les difficultés susceptibles d’être rencontrées à cette occasion et permet de dégager des critères sur le fondement desquels, exceptionnellement, une période d’astreinte peut constituer du temps de travail effectif.Présentation du cas particulier

Présentation du cas particulier

Le cas particulier de l’arrêt précité concerne une société qui exerce une activité de dépannage de véhicule.

Dans le cadre de cette activité, la société organisait des « permanences » en dehors des jours et heures d’ouverture des locaux de l’entreprise. Pour assurer ces permanences, des équipes de 3 ou 4 salariés devaient se tenir à proximité des locaux de l’entreprise pour répondre sans délai à toute demande de dépannage. A cette fin, les salariés étaient équipés de téléphones et intervenaient à la demande d’un dispatcheur, dont la mission était de réceptionner les appels d’urgence.

Estimant, notamment, avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées dans ce cadre, un salarié a saisi les juridictions. Devant la chambre sociale de la Cour de cassation, le salarié, demandeur au pourvoi, faisait valoir que la Cour d’appel a eu tort de le débouter de sa demande de rappel d’heures supplémentaires au titre des périodes d’astreinte effectuées, car elle aurait dû rechercher et apprécier, ainsi qu’elle y était invitée :

« Si, au regard des sujétions auxquelles le salarié était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n’était pas en permanence à la disposition de son employeur et s’il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles ».

Estimant le moyen du salarié pertinent, la Cour de cassation a censuré le raisonnement des juges du fond.

Solution et portée de l’arrêt

La Cour de cassation a, en effet, estimé que puisque le demandeur invoquait qu’il lui était imparti un court délai d’intervention pour se rendre sur place après l’appel de l’usager, les juges du fond auraient dû, pour statuer conformément au droit, vérifier :

« Si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».

Ainsi, pour la Cour de cassation, des périodes d’astreinte peuvent être qualifiées de temps de travail effectif si :

  • le salarié est soumis à des contraintes d’une particulière intensité ;
  • qui ont pour conséquence que sa faculté de gérer librement son temps a été significativement et objectivement affectée.

En statuant ainsi, la Haute juridiction reprend le raisonnement qui a été tenu à l’occasion de deux arrêts rendus le 9 mars 2021 par la Cour de justice de l’Union européenne.[3] En d’autres termes, même lorsque le salarié ne se trouve pas en période d’intervention, la période d’astreinte peut être requalifiée en temps de travail effectif, lorsque les critères précités sont réunis. Sur le plan pratique, cela entraînera des conséquences :

  • Sur l’appréciation des durées de repos quotidien et hebdomadaire ;
  • Le décompte du temps de travail ;
  • L’obligation de sécurité de l’employeur ;
  • Le paiement éventuel d’heures supplémentaires.

L’employeur devra, ainsi, être vigilant aux sujétions qu’il impose au salarié d’astreinte, comme par exemple, un salarié gardien d’immeuble d’astreinte dans un logement de fonction ou un salarié d’une entreprise de télécommunication amené à résoudre des problématiques à distance en étant d’astreinte à son domicile.

Ainsi, outre le suivi des temps d’intervention à l’occasion de la mise en œuvre des astreintes, il pourrait être judicieux pour l’employeur de mettre en place un système de suivi de la fréquence des interventions.

La mise en place d’un tel système est d’autant plus pertinente que la Cour de cassation a récemment énoncé que le dépassement de la durée maximale de travail causait un préjudice automatique au salarié (i.e. que ce dernier n’a donc pas besoin de prouver), ce qui lui permet de solliciter une indemnisation à cet égard devant les juridictions.[4]

 

[1]https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046510365?init=true&page=1&query=2114.178&searchField=ALL&tab_selection=all

[2] Art. L 3121-9 du code du travail

[3]  CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19 et C-580/19

[4] Cass., soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636

L’agent public n’a pas d’intérêt à agir contre la décision mettant fin à la procédure d’alerte qu’il a initiée sur la situation d’un autre agent

Par un jugement en date du 8 novembre 2022 (n° 1908225) le Tribunal administratif de Nantes a rejeté pour irrecevabilité des conclusions à fin d’annulation soulevées par un agent public à l’encontre d’une décision portant clôture d’une alerte concernant la situation d’un autre agent public, faute pour le requérant de justifier selon le Tribunal d’un intérêt à agir.

En l’espèce, un Maître de conférences titulaire contestait un courrier adressé par le Président de l’Université de Nantes dans lequel ce dernier l’avait informé de l’absence de suite donnée à son alerte. Alors que l’intéressé avait dans le cadre de son « alerte » signalé au Président une situation de cumul irrégulier de fonctions d’un autre agent de l’Université, qui selon lui était de nature à constituer une faute disciplinaire, le Président lui avait alors indiqué par courrier, après instruction, que l’agent mis en cause avait régularisé sa situation avant sa prise de poste.

Après avoir rappelé les dispositions alors en vigueur des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (dite Loi Sapin 2) relatives au lanceur d’alerte, le Tribunal a, par un moyen soulevé d’office (MOP), estimé que cette décision en tant qu’elle informait de l’absence de suites données à l’alerte signalée, concernait un tiers, et ne portait pas atteinte aux droits statutaires ni aux prérogatives du requérant ni à ses perspectives de carrière. Il en a donc logiquement déduit que le requérant, bien qu’étant à l’origine du signalement, ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir pour contester cette décision et qu’il était par suite irrecevable à en demander l’annulation.

Il convient ainsi d’analyser la solution retenue par le Tribunal administratif de Nantes de la manière suivante : dès lors qu’une alerte porte sur la situation d’un autre agent et qu’elle n’emporte aucune atteinte sur les droits statutaires, prérogatives ou perspectives de carrière de l’agent à l’origine de l’alerte, ce dernier n’est pas recevable à solliciter l’annulation de la décision clôturant la procédure d’alerte.

Ce jugement est également intéressant en tant qu’il s’est prononcé sur le refus implicite du Président de l’Université de faire droit à la demande du requérant tendant à l’octroi du bénéfice des protections dues aux lanceurs d’alerte ayant procédé à un signalement d’alerte. A cet égard, le Tribunal administratif de Nantes a considéré que ce refus ne méconnaissait pas les dispositions de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 définissant le lanceur d’alerte dès lors que l’agent ayant procédé au signalement d’alerte ne répondait pas aux conditions prévues par la loi.

Aux termes de l’article 6 susmentionné, le lanceur d’alerte est en effet défini comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste […] de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Or en l’espèce, le Tribunal administratif de Nantes a considéré que compte tenu tant de la nature des faits dénoncés (cumul d’activités), que du litige qui opposait le Maître de conférences à l’agent mis en cause (lequel avait témoigné contre le requérant dans le cadre d’une procédure disciplinaire engagée contre ce dernier), le requérant ne pouvait être considéré, au sens de ces dispositions comme un lanceur d’alerte ayant agi de manière désintéressée pour révéler une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général.

On relèvera enfin la rigueur, pour ne pas dire la relative sévérité, adoptée par les juges du Tribunal administratif de Nantes quant à la formulation des conclusions qui leur étaient soumises. Alors que le requérant, qui se représentait seul, sollicitait que l’Université « soit déclarée coupable » de diverses fautes, les premiers juges ont regardé ces conclusions comme ne relevant pas de l’office du juge administratif, et par suite irrecevables, dès lors qu’elles ne tendaient ni à l’annulation d’une décision ni à la condamnation de l’administration.

La prise en charge financière de l’accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) sur le temps de restauration scolaire

Récemment, un jeune écolier lyonnais scolarisé au sein d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) s’est vu exclure de la cantine à la suite d’une crise liée à ses troubles autistiques. Il a ainsi été privé de restauration scolaire pendant plusieurs jours pour la troisième fois en un an et contraint de déjeuner devant l’école[1]. Selon l’établissement scolaire, cette exclusion faisait suite au manque de personnel qualifié sur ce temps périscolaire pour accompagner cet élève en situation de handicap.

Si une solution a finalement été trouvée par la ville de Lyon grâce au recrutement d’un AESH permettant au jeune garçon de regagner la cantine, cette affaire ravive la problématique liée à la prise en charge financière de cette aide humaine sur le temps périscolaire : revient-elle à l’Etat ou à la collectivité territoriale qui organise le temps périscolaire ?

Pour rappel, selon l’article L. 131-13 du Code de l’éducation « l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Ainsi, une collectivité territoriale ne peut légalement refuser l’accès à un élève, hormis le cas où la capacité maximale d’accueil de ce service serait atteinte. En dehors de ce cas, une discrimination fondée sur le handicap serait constituée.

Bien que le Conseil d’Etat ait précisé en avril 2011[2] que la prise en charge financière par l’État des « AESH en milieu ordinaire n’est pas limitée aux interventions pendant le temps scolaire », la question de son financement dans le cadre périscolaire est à l’origine de certaines crispations entre les acteurs communaux, départementaux, régionaux et l’Etat, menant parfois à la non-exécution des décisions rendues par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) concernant l’accompagnement humain dans ce cadre[3].

Compte tenu de plusieurs contentieux relatifs au financement de cette aide humaine sur le temps périscolaire[4], la section du contentieux du Conseil d’Etat a été amenée à se prononcer sur le sujet par un arrêt en date du 20 novembre 2020[5]. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé que ces accompagnants peuvent intervenir en dehors du temps scolaire tel que le prévoit la législation en vigueur. À cette fin, il a précisé que ces accompagnants peuvent être mis à la disposition de la collectivité territoriale sur le fondement d’une convention conclue entre la collectivité intéressée et l’employeur, ajoutant qu’il revient à la collectivité territoriale d’assurer cette prise en charge financière. Ensuite, la haute juridiction a indiqué que ces accompagnants peuvent également directement être employés par la collectivité territoriale pour les heures accomplies sur le temps périscolaire. Enfin, à titre d’ultime hypothèse, le Conseil d’Etat a indiqué que désormais ces accompagnants peuvent être recrutés conjointement par l’État et par la collectivité territoriale.

C’est ainsi que de manière subtile, la Haute juridiction administrative a, par ce revirement de jurisprudence, invité les deux acteurs à s’entendre sur cette question et a écarté toute obligation de prise en charge unilatérale par l’Etat.

Dans un arrêt ultérieur[6], le Conseil d’Etat est venu étendre et clarifier la portée de la décision rendue en novembre 2020, en précisant que cette dernière visait également la restauration scolaire. Ces deux arrêts confirment donc la volonté que soient partagées les responsabilités s’agissant du financement de l’accompagnement humain entre les collectivités territoriales et l’Etat.

Récemment, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt de février 2022[7], a confirmé la nécessaire cohésion des acteurs : « lorsque l’Etat, […], recrute une personne pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu’en outre, cet enfant participe au service de restauration scolaire ou à tout ou partie des activités complémentaires ou périscolaires organisées dans l’établissement scolaire, il appartient à l’Etat de déterminer avec la collectivité́ territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l’enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité́ de l’aide qui lui est apportée ».

Si la question du financement sur les temps périscolaires a été clarifiée par ces décisions successives, la mise en œuvre demeure encore relativement complexe.

 

[1] « La mobilisation a payé, nous sommes soulagés », le jeune Olivier, 10 ans, atteint d’autisme, réintègre la cantine de son école, France 3 Auvergne Rhône-Alpes, 5 décembre 2022

[2] Conseil d’Etat, 20 avril 2011, ministre de l’Éducation nationale, n° 345434 et n° 345442

[3] Selon la circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017, « lors des activités périscolaires et des temps de restauration, l’accompagnement spécifique de l’enfant en situation de handicap n’est pas systématique. La CDAPH notifie le besoin d’accompagnement au regard de la situation personnelle de l’enfant en situation de handicap […] ».

[4] Voir notamment un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, 15 mai 2018, n° 16NT02951

[5] Conseil d’Etat, 20 novembre 2020, Ministre de l’Education nationale, n° 422248

[6] Conseil d’Etat, 4ème chambre, 30 décembre 2020, n° 423549.

[7] CAA Nantes, 1ère chambre, 15 février 2022, n° 20NT03661.

Les nouvelles modalités de l’information à apporter aux acquéreurs et locataires en matière de risques et de pollution des sols

Le décret n° 2022-1289 en date du 1er octobre 2022 (JO en date du 5 octobre 2022) pris en application de la loi Climat et résilience modifie entièrement les articles R. 125-23 à R. 125-27 du Code de l’environnement, lesquels concernent l’information due aux acquéreurs et aux locataires de biens immobiliers situés dans des zones comportant des risques naturels et technologiques majeurs, des risques miniers et une pollution des sols.

Ce texte entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

Quels sont les changements majeurs ?

  • L’article R. 125-23 énumère des zones concernées et prévoit une nouvelle catégorie : Il s’agit des « Zones exposées au recul du trait de côte délimitées en application des articles L. 121-22-2 ou L. 121-22-6 du code de l’urbanisme par un plan local d’urbanisme, un document tenant lieu ou de carte, ou déterminées par une carte de préfiguration adoptée en application des articles L. 121-22-3 ou L. 121-22-7 du même code ».
  • L’article R. 125-24 précise les informations que doit contenir l’état des risques porté à la connaissance du futur acquéreur ou locataire et notamment :
    • La date de son élaboration ;
    • Le numéro de la ou des parcelles concernées et les zones ou périmètres cités à l’article R. 125-23 dans lesquels se situe le bien ;
    • Le renvoi à aux fiches d’information présentent sur le site Géorisques.
  • L’article R. 125-25 prévoit une information bien plus précoce que celle prévue par les dispositions en vigueur à ce jour.
    • En effet à partir du 1er janvier 2023, L’état des risques sera porté à la connaissance des acquéreurs ou locataires dès l’annonce de la vente ou de la location quel que soit le support de diffusion et doit comporter la mention : « les informations sur les risques auxquels ce bien est exposé sont disponibles sur le site Géorisques : www.georisques.gouv.fr » ;
    • L’état des risques établi depuis moins de six mois, sera remis à la première visite de l’immeuble au potentiel acquéreur ou locataire ;
    • Si les informations ne sont plus exactes lors de la signature de la promesse de vente, du contrat préliminaire en cas de vente en l’état d’achèvement, de l’acte authentique ou du contrat de bail, l’état des risques devra être actualisé.
  • Les articles R. 125-26 et R. 125-27 concernent la pollution des sols.

L’article R. 125-27 prévoit que le document d’information est annexé à la promesse de vente ou au contrat préliminaire en cas de vente en l’état futur d’achèvement, à l’acte authentique ou au contrat de location.

On notera donc une nouvelle extension de l’obligation d’information, chère au législateur depuis la réforme du droit des contrats.

Instruction des autorisations d’urbanisme – Coup d’arrêt (jurisprudentiel) à la pratique de la demande de pièces complémentaires excessive en cours d’instruction

Par une décision en date du 9 décembre dernier, le Conseil d’Etat a jugé que le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée par le Code de l’urbanisme.

Les juges précisent – et il s’agit là du principal apport de l’arrêt -, qu’« une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle » .

Le Conseil d’Etat confirme ainsi que :

  • l’autorité compétente ne peut pas suspendre un délai d’instruction à la faveur d’une demande de pièce excessive ;
  • une telle demande ne fera pas obstacle à la naissance d’une autorisation d’urbanisme à l’issue du délai d’instruction.

Jusqu’à présent, il était jugé que si l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise, était de nature à entacher d’illégalité le refus d’accorder l’autorisation demandée, elle ne pouvait en revanche « avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition » (CE, 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req. n° 390273).

Cette position « un peu trop favorable à l’administration » s’expliquait néanmoins en ce que la jurisprudence « répugne à la naissance accidentelle de décisions tacites d’acceptation, pour des raisons tenant au souci d’éviter que se cristallisent de façon imprévue des décisions créatrices de droits qui heurteraient des règles de fond » (Xavier Domino, concl. sous CE, n° 390273, précité).

Certes « la solution […] n’est pas parfaite », mais comme poursuit Monsieur le Rapporteur Public, « les inconvénients de la solution inverse seraient encore supérieurs à ceux de la jurisprudence actuelle ».

La décision en date du 9 décembre 2022 opère donc bien un revirement de jurisprudence. Toutefois, la solution n’est pas nouvelle puisque cette règle est consacrée par l’article R. 423-41 du Code de l’urbanisme dans sa version issue du décret d’application de la loi ELAN (décret n° 2019-481 du 21 mai 2019), lequel dispose :

« Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d’un mois prévu à l’article R.423-38 ou ne portant pas sur l’une des pièces énumérées par le présent code n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction définis aux articles R.423-23 à R.423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R.423-42 à R.423-49 ».

Cet article constituait l’aboutissement du mouvement initié par la loi ELAN qui visait à combattre les pratiques dilatoires de certains services instructeurs (dont l’article 578 avait modifié l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme en ajoutant ce deuxième alinéa :

« Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre »).

Le juge parachève ainsi cette évolution. Les inconvénients liés à la naissance d’une décision tacite illégale seraient désormais inférieurs à ceux liés à la jurisprudence antérieure.

Cette décision ne doit ainsi pas uniquement être appréhendée comme fustigeant la pratique des services instructeurs.

Outre que la règle de l’article R. 423-41 du Code de l’urbanisme guide désormais l’instruction des autorisations d’urbanisme, il est utile de préciser que la pratique de demande de pièces complémentaires permettait aussi, en raison de l’allongement de délai induit, d’instaurer un dialogue avec les porteurs de projet pour précisément satisfaire aux prescriptions du PLU et élever la qualité des projets.

Cette décision présente d’importantes répercussions pratiques sur l’instruction des autorisations d’urbanisme.

La vigilance est désormais de mise pour les services instructeurs sollicitant des pièces complémentaires, notamment dans l’hypothèse d’édiction ultérieure d’un arrêté de refus puisque, le cas échéant, ce dernier emporterait retrait d’une décision créatrice de droit (du PC tacitement acquis), retrait pour rappel :

  • subordonné à l’illégalité de l’arrêté ;
  • enfermé dans un délai de 3 mois ;
  • devant être précédé d’une procédure contradictoire.

La tentation va aussi être grande pour les pétitionnaires de ne solliciter le certificat d’autorisation tacite qu’à l’issue du délai de retrait de l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme. 

En définitive, cette solution pourrait inciter l’autorité administrative à opposer directement un refus aux demandes d’autorisation d’urbanisme, plutôt que de prendre le risque de formuler une demande de pièces qui serait jugée excessive.

Et ce, d’autant que, contrairement à l’hypothèse de retrait de la décision emportant elle-même retrait de l’autorisation tacite (hypothèse de retrait du retrait), le retrait d’un refus impose à l’administration – sous réserve d’une injonction de délivrance prononcée par le juge – de reprendre l’instruction suite à la confirmation de sa demande par le pétitionnaire.

Camille TREHEUX, avocate associée SEBAN Armorique

Permis de construire et domaine public : précisions relatives aux constructions en surplomb et au contrôle du juge sur la qualité pour déposer une demande sur le domaine public

CE, 23 novembre 2022, n° 449443

Par deux décisions en date du 23 novembre 2022 mentionnées aux Tables, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions concernant les demandes de permis de construire portant en surplomb ou sur une dépendance du domaine public.

Ainsi, dans la première affaire (450008), le Maire de La Baule-Escoublac avait délivré à la société civile de construction vente Aldéia un permis de construire un immeuble collectif comprenant six logements et deux locaux commerciaux, après démolition d’un bâtiment.

Le projet comportait des balcons en surplomb du domaine public.

Devant le Tribunal administratif de Nantes, était soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles :

« Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ».

Le Tribunal a écarté ce moyen en se fondant sur la circonstance que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet n’avaient pas pour effet de compromettre l’affectation au public du trottoir qu’ils surplombent et n’excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l’élévation par rapport au sol, le droit d’usage appartenant à tous.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse en rappelant qu’il résulte de l’article R. 431-13 précité que « lorsqu’un projet de construction comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire de ce domaine ».

Ainsi, en cas de surplomb du domaine public – comme dans tout cas d’occupation dudit domaine, il appartient au service instructeur et, le cas échéant, au juge, de s’assurer que le dossier de demande comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire et non de rechercher si le projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique.

Dans la seconde affaire (449443), le Maire de Juvigny avait délivré à la société civile de construction vente Les Jardins de Flore et à la société anonyme Mont-Blanc un permis de construire neuf bâtiments comportant quatre-vingt-dix-huit logements, un local commercial et trois niveaux de sous-sols de stationnement sur un terrain situé route de la Savoie.

Le projet portant sur une partie du domaine public communal, le Tribunal administratif de Grenoble a censuré le permis de construire en considérant que la commune de Juvigny ne pouvait ignorer qu’en l’absence de déclassement et de vente de la parcelle, ces sociétés ne disposaient d’aucun droit sur le domaine public communal leur permettant d’inclure ces aménagements dans leur projet, ce qui entrainait une méconnaissance des dispositions de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles :

« Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique».

Ici également, le raisonnement du Tribunal est censuré par le Conseil d’Etat qui considère qu’il résulte des dispositions précitées :

« Qu’en se fondant sur l’absence de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle pour en déduire que les sociétés pétitionnaires n’avaient pas qualité pour déposer une demande de permis de construire incluant les aménagements en cause, le tribunal administratif, à qui il incombait seulement de rechercher si, à défaut de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle, le dossier joint à la demande comportait une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, a commis une erreur de droit ».

Sur les conditions de l’acquisition du statut de preneur d’un bail rural par le conjoint survivant

Le bail rural, régi par les articles L. 411-1 à L. 493-1 du Code rural et de la pêche maritime, se définit comme un contrat de location de terres ou de bâtiments à usage agricole, entre un propriétaire et un exploitant, moyennant un loyer.

L’une des particularités d’un tel bail est que le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement, et ce « nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires », conformément à l’article L. 411-46 du Code précité.

En outre, le Code rural et de la pêche maritime dispose en son article L. 411-34 alinéa 1 qu’en cas de décès du preneur, le bail continue au profit « de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ».

A contrario, le bailleur sera en mesure de solliciter la résiliation du contrat de bail rural, dans les six mois à compter du jour où il a eu connaissance du décès de son locataire, lorsque « le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’ayant droit réunissant les conditions posées au premier alinéa ».

Ainsi, deux conditions cumulatives s’imposent au conjoint survivant pour bénéficier du statut de preneur du bail, à savoir avoir la qualité de pacsé ou d’époux de l’exploitant décédé, et justifier de sa participation effective à l’exploitation agricole au cours des cinq années antérieures au décès.

Par un arrêt en date du 16 novembre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les conditions d’application de ces deux conditions.

En l’espèce, des propriétaires ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, à la suite du décès de leur exploitant, aux fins de voir constater leur refus de la continuation du bail rural par les ayants droit du preneur, et ainsi obtenir leur expulsion.

Les bailleurs soutenaient que la participation à l’exploitation agricole, au cours des cinq dernières années antérieures au décès du preneur, requise par l’article L.411-34 du Code rural et de la pêche maritime, devait être réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d’ascendant ou de descendant, à l’exclusion de toute participation antérieure à l’acquisition d’une telle qualité.

Or, dans le cas présent, le défunt preneur et sa compagne s’étaient mariés seulement 49 jours avant son décès.

Dans ces conditions, les propriétaires affirmaient qu’il appartenait au juge du fond de rechercher si cette durée était suffisante.

Surtout, en prenant en considération une participation à l’exploitation antérieure au mariage, la Cour d’appel aurait, selon leur analyse, violé le texte susvisé.

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi formé par les bailleurs, au motif que la Cour d’appel avait souverainement retenu que la conjointe du preneur décédé avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l’exploitation depuis plus de cinq ans avant son décès, et qu’elle pouvait dès lors bénéficier du statut de preneur du bail dont son époux était titulaire, « peu important qu’elle n’ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation établit ainsi que les deux conditions cumulatives posées par l’article L 411-34 du Code rural et maritime doivent être apprécié distinctement, et qu’il n’est pas exigé que le conjoint survivant ait participé effectivement à l’exploitation agricole en cette qualité.

Annulation d’une vente immobilière et demande de garantie du notaire par le vendeur

Une SCI a vendu plusieurs lots d’un bien immobilier à un particulier. Cette vente a été annulée par la Cour d’appel de Paris en raison du changement de destination du bien.

Le vendeur faisait toutefois grief à la Cour d’avoir rejeté sa demande de condamnation du notaire à la garantir de toutes les condamnations sur les demandes formées à son encontre.

La Cour d’appel avait en effet jugé que le vendeur ne pouvait pas demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent pas à un préjudice indemnisable mais à des restitutions.

La Cour de cassation a considéré que les travaux réalisés par l’acquéreur, devant s’analyser en des dépenses de conservation du bien, la Cour d’appel en avait exactement déduit que ces dépenses donnant lieu à restitution du vendeur, elles ne pouvaient donner lieu à garantie du notaire, cette condamnation ne correspondant pas à un préjudice indemnisable.

En revanche, la Cour de cassation a considéré que les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l’assurance et des taxes foncières acquittés par l’acquéreur, ne constituaient pas des restitutions consécutives à l’annulation du contrat de vente, mais présentaient un caractère indemnitaire. Elle a donc cassé l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point, dans la mesure où celle-ci avait jugé qu’il ne s’agissait pas de préjudices indemnisables.

Cet arrêt de la Cour de cassation permet donc de distinguer les dépenses faites par l’acquéreur qui constituent des restitutions consécutives à l’annulation de la vente et celles qui constituent un préjudice indemnisable.

Seules celles constituant un préjudice indemnisable sont susceptibles de faire l’objet d’un appel en garantie du notaire.

L’acte d’approbation participant au processus de la conclusion d’un contrat ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir des tiers

Indépendamment du recours de pleine juridiction, dit « Tarn-et-Garonne »[1] dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat.

Ainsi, par une décision en date du 23 décembre 2016[2], le Conseil d’Etat affirmait la recevabilité d’un tel recours à l’encontre d’un décret approuvant la signature d’un contrat de partenariat, tout en précisant que les moyens susceptibles d’être invoqués devaient être tirés de vices propres à l’acte d’approbation.

La possibilité d’introduire un tel recours était donc limitée tant au niveau des intérêts dont les tiers se prévalent, qu’au niveau des moyens susceptibles d’être invoqués.

Par une décision rendue le 2 décembre 2022[3], le Conseil d’Etat vient apporter de nouvelles limitations à ce recours, en considérant que les actes d’approbation susceptibles de faire l’objet d’un tel recours « sont seulement ceux qui émanent d’une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s’ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion ».

Au cas de l’espèce, la délibération du Conseil d’administration approuvant a posteriori la conclusion d’un contrat de partenariat public-privé, dont l’établissement était signataire, n’entrait pas dans cette définition. Cette décision participe en effet en réalité au processus de sa conclusion et un recours en excès de pouvoir à son encontre n’est donc pas possible.

Cette décision vient donc de nouveau circonscrire la possibilité, pour les tiers, d’introduire un recours en excès de pouvoir à l’encontre d’un acte d’approbation du contrat, et s’inscrit ainsi dans la logique des décisions déjà rendues en la matière.

 

[1] CE, 4 avril 2014, Tarn-et-Garonne, req. n° 358994

[2] CE, 23 décembre 2016, Association Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon, req. n° 392815

[3] CE, 2 décembre 2022, req. n° 454318

Référent déontologue des élus : le décret d’application enfin publié

Arrêté du 6 décembre 2022 pris en application du décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local

 

La loi 3DS du 21 février 2022 a complété l’article L. 1111-1-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui consacre les principes déontologiques applicables aux élus au sein d’une charte de l’élu local, afin de prévoir que « tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect » de ces principes.

Il s’agissait davantage d’une consécration législative d’une pratique déjà largement existante, plutôt que d’une création ex nihilo d’un dispositif.

Pour autant, depuis la promulgation de la loi 3DS, un décret d’application déterminant les modalités et les critères de désignation des référents déontologues était attendu.

Celui-ci est paru au Journal officiel du 7 décembre dernier, de même qu’un arrêté pris en application de ce décret.

Le décret n° 2022-1520 en date du 6 décembre 2022 relatif au référent déontologue de l’élu local crée quatre articles – les articles R. 1111-1 A à R. 1111-1 D – au sein du CGCT qui entreront en vigueur le 1er juin 2023.

Le choix du déontologue

Le référent déontologue est désigné par l’organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou du syndicat mixte ouvert.

Plusieurs collectivités territoriales, groupements de collectivités territoriales ou syndicats mixtes ouverts peuvent désigner un même référent déontologue pour leurs élus par délibérations concordantes.

Les missions sont exercées par des personnes choisies en raison de leur expérience et de leurs compétences.

Le choix peut porter sur :

  • Une ou plusieurs personnes ;
  • Un collège.

Les personnes concernées doivent être extérieures aux collectivités au sein desquelles elles ont été désignées.

En effet, elles ne doivent ni exercer un mandat (actuel ou passé depuis moins de trois ans) ni être agent de ces collectivités.

Il s’agit ici d’une différence avec le référent déontologue des agents publics qui peut être interne ou externe (v. décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique) et auquel il n’est d’ailleurs aucunement fait référence dans le décret du 6 décembre 2022.

Enfin, et logiquement, les personnes désignées ne doivent pas se trouver en situation de conflit d’intérêt avec les collectivités concernées et exercer leurs missions en toute indépendance et impartialité.

Les obligations et moyens du déontologue

La délibération portant désignation du ou des référents déontologues ou des membres du collège qui le constituent précise la durée de l’exercice des fonctions de l’entité. Elle précise également les moyens matériels mis à sa disposition.

Le ou les référents déontologues ou les membres du collège qui le constituent sont tenus au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal et à la discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

La procédure de saisine et d’avis du déontologue

La délibération institutive précise les modalités de la saisine du déontologue et de l’examen de la question posée, ainsi que les conditions dans lesquelles les avis sont rendus.

Lorsque le référent déontologue est constitué en collège, celui-ci adopte un règlement intérieur précisant son organisation et son fonctionnement.

La délibération institutive ainsi que les informations permettant de consulter le ou les référents déontologues ou le collège sont portées par tout moyen à la connaissance des élus locaux intéressés par chaque collectivité territoriale, groupement ou syndicat mixte ouvert.

La rémunération du déontologue

La délibération institutive précise les éventuelles modalités de rémunération du référent déontologue.

Le cas échéant, la rémunération prend la forme de vacations dont le montant ne peut pas dépasser un plafond fixé par arrêté, à savoir :

  • 80 euros par dossier ;
  • pour la présidence effective d’une séance du collège d’une demi-journée : 300 euros ;
  • pour la participation effective à une séance du collège d’une demi-journée : 200 euros ;

Les membres du collège désignés comme rapporteurs peuvent cumuler les indemnités propres au collège et l’indemnité de maximum 80 euros.

La délibération peut également prévoir le remboursement de leurs frais de transport et d’hébergement dans les conditions applicables aux personnels de la fonction publique territoriale.

Le défaut d’impartialité de l’auteur d’un rapport d’enquête administrative n’entraîne pas l’irrégularité de la sanction prononcée sur son fondement

Le développement significatif de la pratique des enquêtes administratives interne ces dernières années s’accompagne logiquement d’un développement important de la jurisprudence relative à ces enquêtes.

Après un arrêt en date du 21 octobre 2022 qui avait précisé que la communication des procès-verbaux d’audition ne s’imposait que si l’agent les demandait spécifiquement (voir notre brève sur cet arrêt). Le Conseil d’Etat précise désormais les conséquences d’un manque d’impartialité apparent de l’auteur d’un rapport d’enquête, en consacrant un principe d’étanchéité procédurale entre la phase d’enquête administrative et la phase disciplinaire.

En l’espèce, une sanction avait été infligée à un fonctionnaire, en s’appuyant sur un rapport d’enquête administrative établi par l’inspection générale de la jeunesse. Conformément aux règles au principe général d’impartialité qui s’impose à tout fonctionnaire, la charte de déontologie de ces agents leur interdisait de participer à une mission d’inspection, de contrôle ou d’enquête portant sur un organisme ou un service au sein duquel il a exercé des responsabilités ou avec lequel il a noué une relation au cours des trois dernières années. Or, l’un des deux agents auteurs du rapport avait assuré la mission en méconnaissance de cette obligation puisqu’il était employé en tant que directeur de cabinet du ministère de rattachement de l’agent sanctionné.

Sur proposition de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a jugé que « le requérant ne saurait utilement soutenir que la méconnaissance du principe d’impartialité par l’un des auteurs du rapport de l’inspection générale, dont la mission ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d’illégalité le décret attaqué ».

Ce faisant, et pour reprendre les termes des conclusions du rapporteur public sur cette affaire, le Conseil d’Etat consacre « l’étanchéité de la phase juridictionnelle avec celle qui lui précède », afin d’éviter que d’éventuelles irrégularités entachant des opérations d’enquête et de contrôle « ne contaminent » la procédure de sanction ultérieure.

Pour cela, le Conseil d’Etat s’appuie sur le fait qu’il convient de distinguer l’appréciation portée par l’auteur du rapport d’enquête, qui peut être entachée de partialité, avec celle portée par l’autorité de poursuite disciplinaire qui ne sauraient être confondues. Autrement dit, les biais qui entachent le rapport n’ont pas nécessairement affecté l’appréciation portée par la suite.

La Haute juridiction, toujours selon les sages conclusions de son rapporteur, n’exclut pour autant pas que l’éventuelle partialité d’un rapport affecte la sanction infligée. Elle n’affecte pas sa légalité externe, mais peut affecter la légalité interne d’une erreur de fait : à un certain degré, on peut en effet comprendre que la partialité de l’auteur d’un rapport peut mettre lourdement en doute les faits qui y sont rapportés, et ainsi compromettre la preuve sur laquelle l’administration s’appuie.

C’est donc sous cet angle que l’éventuelle partialité d’un enquêteur pourra être invoquée. Non pas au titre d’une partialité objective déduite du conflit d’intérêt apparent, mais au titre d’une partialité subjective, constatée au vu des réels biais dont peut être affecté les termes du rapport du fait de son auteur.

L’avenir dira avec quelle sévérité le juge administratif examinera ce moyen. Dans l’intervalle, l’administration devra, par prudence, veiller à confier les enquêtes réalisées à des enquêteurs aussi impartiaux que possible, afin d’aménager une preuve insusceptible d’une remise en cause significative, et à maintenir une stricte séparation entre la phase d’enquête et la phase disciplinaire des procédures qu’elle conduit.

Marché de maîtrise d’œuvre : prolongation de la responsabilité du mandataire du groupement solidaire au-delà de la réception des travaux

Par un arrêt en date du 12 octobre 2022, le Conseil d’Etat a étendu la solution qu’il avait retenu dans sa décision Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer (CE, Section du Contentieux, 06 avril 2007, req. n° 264490, Publié au recueil Lebon) pour juger que la date de réception marque certes la fin des relations contractuelles mais demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution d’un marché de maîtrise d’œuvre, qui lient le mandataire au titre de l’engagement solidaire.

S’agissant du contexte, rappelons que la communauté d’agglomération du Grand Angoulême avait confié un marché de maîtrise d’œuvre relatif à la construction d’une médiathèque à un groupement conjoint avec mandataire solidaire et que, postérieurement à la réception de l’ouvrage, la communauté d’agglomération a émis à l’encontre dudit mandataire un titre exécutoire d’un montant de 62 535,72 euros.

Saisi d’une demande du mandataire d’annuler ce titre exécutoire ainsi que de la décharger de l’obligation de payer la somme de 62 535,72 euros, le tribunal administratif de Poitiers a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la demande tendant à l’annulation du titre exécutoire. En revanche, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé ce jugement et le titre exécutoire litigieux et a déchargé cette société de l’obligation de payer la somme demandée, au motif « que la responsabilité de la société FRA Architectes ne pouvait plus être recherchée en sa qualité de mandataire solidaire du groupement de maîtrise d’œuvre à compter de la date à laquelle la mission du groupement de maîtrise d’œuvre s’était achevée ».

Sur pourvoi de la communauté d’agglomération du Grand Angoulême, le Conseil d’Etat a remis en cause l’arrêt de la Cour.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a relevé :

  • d’une part, qu’aux termes de l’article 3.1 du CCAG-PI issu du décret du 26 décembre 1978 qui était applicable au marché, « les cotraitants sont conjoints lorsque chacun d’eux n’est engagé que pour la partie du marché qu’il exécute. Toutefois, l’un d’entre eux, désigné dans l’acte d’engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l’égard de la personne responsable du marché, jusqu’à la date où ces obligations prennent fin» et que « cette date est soit l’expiration de la garantie technique prévue à l’article 34, soit, à défaut de garantie technique, la date de prise d’effet de la réception des prestations. Le mandataire représente, jusqu’à la date ci-dessus, l’ensemble des cotraitants conjoints vis-à-vis de la personne responsable du marché pour exécution de ce dernier ». ;
  • et, d’autre part, qu’« en vertu de l’article 20 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d’œuvre, la mission du maître d’œuvre s’achève à la fin du délai de garantie de parfait achèvement, d’une durée d’un an, prévu au CCAG-Travaux applicable, ou après la levée des réserves signalées lors de la réception de l’ouvrage si cette levée est plus tardive. Dans cette dernière hypothèse, l’achèvement de la mission intervient lors de la levée de la dernière réserve».

Puis, le Conseil d’Etat a repris le considérant de principe formulé dans sa décision Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer selon lequel :

« La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. Ainsi, la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif. Seule l’intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d’interdire au maître de l’ouvrage toute réclamation à cet égard ».

Enfin, faisant application de ces règles au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a retenu que :

« En jugeant qu’en application des stipulations précitées de l’article 3.1 du CCAG-PI, la responsabilité de la société FRA Architectes ne pouvait plus être recherchée en sa qualité de mandataire solidaire du groupement de maîtrise d’œuvre à compter de la date à laquelle la mission du groupement de maîtrise d’œuvre s’était achevée alors que si cette dernière date marque la fin des relations contractuelles, elle demeure, ainsi qu’il a été dit au point précédent, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, qui lient le mandataire au titre de l’engagement solidaire qu’il a contracté, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Il suit de là que la communauté d’agglomération du Grand Angoulême est fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».

Modalités d’analyse de la candidature d’un groupement d’opérateurs dont le membre désigné comme devant exécuter les prestations ne dispose pas de l’expérience requise

Par une décision en date du 30 septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu à répondre la question préjudicielle, posée par une juridiction lettonne, tenant à savoir si « l’article 63, paragraphe 1, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il est établi que, en cas d’attribution d’un marché public de services à un groupement d’opérateurs économiques, l’exécution des activités pour lesquelles il est requis une expérience sera confiée à un seul membre du groupement, le groupement soumissionnaire peut uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’il satisfait à une condition tenant à l’expérience imposée par le pouvoir adjudicateur conformément à l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, de l’expérience dudit membre de ce groupement, et ce même si les documents de marché ne prévoient pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à cette condition ».

Pour répondre à cette question, la CJUE a rappelé que « conformément à l’article 58, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, de ladite directive, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques ainsi que l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. Ils peuvent ainsi exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement ».

Elle a ensuite relevé que « le premier alinéa du paragraphe 1 de l’article 63 de la directive 2014/24, qui, conformément au quatrième alinéa de ce paragraphe, est applicable à un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, de cette directive, prévoit le droit pour un opérateur économique d’avoir recours, pour un marché déterminé, aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en vue de satisfaire notamment aux critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2013, Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino, C94/12, EU:C:2013:646, points 29 et 33 ; du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C210/20, EU:C:2021:445, point 30, ainsi que du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C927/19, EU:C:2021:700, point 150). En ce qui concerne le critère relatif à l’expérience professionnelle pertinente, l’article 63, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive dispose que les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet ».

Après avoir rappelé ces éléments, la CJUE a considéré que :

« dans l’hypothèse où le chef de file d’un groupement d’opérateurs économiques déclare expressément que la fourniture des services faisant l’objet de la procédure de passation de marché public en cause sera assurée par un seul membre de ce groupement ou lorsqu’une telle conclusion peut être tirée du DUME, dès lors que celui-ci fait apparaître que seul un membre dudit groupement dispose d’une expérience dans l’activité de services en cause, le pouvoir adjudicateur est fondé à considérer que ce même groupement peut uniquement se prévaloir de l’expérience du membre de ce groupement auquel sera confiée, en cas d’attribution du marché, l’exécution des activités pour lesquelles l’expérience est requise ».

Enfin, répondant à la question préjudicielle, la CJUE a retenu que « lorsqu’il est établi que, en cas d’attribution d’un marché public de services à un groupement d’opérateurs économiques, l’exécution des activités pour lesquelles il est requis une expérience sera confiée à un seul membre du groupement, le groupement soumissionnaire peut uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’il satisfait à une condition tenant à l’expérience imposée par le pouvoir adjudicateur conformément à l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, de l’expérience dudit membre de ce groupement, et ce même si les documents de marché ne prévoient pas expressément que les membres d’un groupement d’opérateurs économiques doivent satisfaire individuellement à cette condition ».

Prescription et action en requalification en bail commercial

Par un arrêt très récent en date du 7 décembre 2022 et publié au Bulletin, la Cour de cassation est venue rappeler le principe de la prescription biennale en matière de demande de requalification d’un bail commercial.

En l’espèce, le 16 juillet 2009, une société (la bailleresse) avait pour une durée de sept années – soit jusqu’au 30 juin 2016 – donné en location à une société (locataire) un terrain nu.

Le 24 novembre 2015, la bailleresse a ainsi donné congé à la locataire pour le 30 juin 2016, puis l’a assigné le 27 juin 2017 en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

A titre reconventionnel, la locataire, a le 12 décembre 2018 sollicité l’annulation du congé en se prévalant du caractère non-écrit de la durée du contrat.

La Cour d’appel a déclaré prescrites les demandes de la locataire qui s’est pourvu en cassation.

La locataire se prévalait en effet des dispositions de l’article L.145-15 du Code de commerce qui prévoit que sont réputées non écrites les clauses qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement afin de démontrer que l’action en requalification du bail commercial n’était pas prescrite.

En effet, l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n’étant pas soumise à prescription, la locataire considérait qu’il s’agissait en réalité d’un bail commercial de 9 années dont le terme était le 30 juin 2018 et qu’ainsi l’action en requalification n’était pas prescrite.

Néanmoins, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en rappelant que l’article L.145-15 du Code de commerce n’est pas applicable à une demande en requalification d’un contrat en bail commercial et qu’ainsi la prescription de deux ans commençait à courir à compter de la conclusion de la convention le 16 juillet 2009, soit le 16 juillet 2011.

L’analyse de la demanderesse était ainsi intéressante dans la mesure où elle s’appuie sur ces dispositions d’ordre public de l’article L.145-15 du Code de commerce et leurs articulations avec les clauses du bail, mais n’a pu – à juste titre- aboutir en raison de ce principe, rappelé par la Cour de cassation, de la prescription biennale de l’action en requalification en bail commercial.

Le transfert d’un bail d’habitation est automatique pour le bénéficiaire qui remplit les conditions

Par un arrêt récent en date du 28 septembre 2022, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 28-9-2022 n° 21-11.533 F-D) est venue rappeler le caractère automatique du transfert du bail d’habitation au bénéficiaire qui en remplit les conditions.

En l’espèce, la locataire d’un logement social décède. Son fils demeure dans les lieux sans en informer son bailleur.

Informé par l’administration fiscale quatre ans après le décès de la locataire, le bailleur assigne le fils pour faire constater la résiliation de plein droit du bail à la date du décès, ordonner son expulsion et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

La Cour d’appel a fait droit aux demandes du bailleur et a ainsi déclaré irrecevable la demande du descendant tendant à bénéficier du transfert du bail.

Néanmoins, et sans surprise, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au visa des articles 14 et 40-1, I, de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Il résulte en effet de ces textes que d’une part lors du décès du locataire, le contrat est transféré automatiquement aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès. D’autre part, s’agissant d’un logement social comme en l’espèce, le bénéficiaire doit remplir les conditions d’attribution et le logement doit être adapté à la taille du ménage.

Ainsi, et contrairement à ce qu’avait indiqué à la Cour d’appel – à savoir que le transfert devait donner lieu à une action en justice du bénéficiaire visant à faire reconnaitre la réalité de ce droit – la Cour de cassation est venue rappeler que celui-ci s’opère par l’effet même de la loi à la date du décès du locataire si les conditions susmentionnées sont respectées.

Cette piqûre de rappel aux bailleurs et plus particulièrement aux bailleurs sociaux est salutaire et permettra ainsi d’éviter d’éventuels contentieux dont l’issue apparaît aujourd’hui certaine.

Félicitations à nos nouveaux avocats !

Nous sommes fiers de vous annoncer que Camille Langlade Demoyen, Louis Malbète et Marc Langlade ont prêté serment et sont maintenant officiellement avocats au sein de notre Cabinet !

Camille Langlade Demoyen est maintenant avocate dans le secteur de Clémence Du Rostu en droit de l’environnement !

Louis Malbète intègre en qualité d’avocat le secteur domanialité publique aux côtés d’Alexandre Vandepoorter, avocat associé.

Marc Langlade rejoint en qualité d’avocat l’équipe de Claire-Marie Dubois en droit immobilier

 

 

Usage de l’eau : protection du débit minimal biologique d’un cours d’eau

La gestion de la ressource en eau suppose de trouver un équilibre entre les différents usages de cette dernière. C’est ce que confirme le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le Tribunal administratif de Montpellier.

En l’espèce, la Fédération nationale de l’environnement Languedoc-Roussillon (FNE LR) a demandé en 2020 au Préfet des Pyrénées-Orientales de relever, par arrêté complémentaire, les débits minimums biologiques relatifs aux prises d’eau des canaux d’Ille, de Thuir, de Peu del Tarres, de Régleille, de Perpignan et de Millas Nefiac situés sur le fleuve de la Têt. Ces prises d’eau ont en effet vocation à alimenter des canaux d’irrigation.

Le « débit minimal » (aussi appelé « débit réservé ») désigne la valeur de débit maintenu à l’aval immédiat de la prise d’eau afin de maintenir un débit minimal garantissant la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux conformément à l’article L. 214-18 du Code de l’environnement. En l’espèce, les débits des six prises d’eau avaient été fixés par arrêtés du 6 septembre 2017, en fonction des canaux, le cas échéant modulé selon la période de l’année, pour des débits allant de 609 à 1217 litre/seconde (l/s).

Sa demande étant restée sans réponse de la part des services de l’Etat, la FNE demande au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet opposée par le Préfet des Pyrénées-Orientales à sa demande et par voie de conséquence de modifier les arrêtés du 6 septembre 2017 ou d’enjoindre au Préfet de prendre de nouveaux arrêtés.

Le tribunal était donc chargé de se prononcer sur les valeurs des débits réservés, ce qui suppose d’articuler les dispositions pertinentes du Code de l’environnement.

D’une part, l’article L. 214-18 du Code de l’environnement énonce que les ouvrages dans le lit d’un cours d’eau doivent « comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux ». Le préfet détermine ce débit minimal, qui ne peut être inférieur à certaines valeurs définies par l’article L. 214-18.

D’autre part, l’article L. 211-1 même Code assure la « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ». Cette dernière « doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population […] » mais doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différent usages, d’autres exigences telles que la vie biologique du milieu, la prévention des inondations ou l’agriculture.

Le tribunal administratif considère que, en application des articles L. 214-18 et L. 211-1 du Code de l’environnement, les dispositions que « l’administration est tenue de prendre en compte pour déterminer le débit à maintenir dans le lit du cours d’eau concerné peuvent conduire à fixer un débit supérieur au débit minimal prévu par l’article L. 214-18 du code de l’environnement pour assurer en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces peuplant les eaux en cause. Cet objectif peut, lui-même, conduire à fixer un débit supérieur au débit minimal en fonction des particularités du cours d’eau. Toutefois, l’administration ne peut prendre en compte les autres exigences prévues à l’article L. 211-1 du même code et notamment les besoins de l’activité agricole lorsque ce débit minimal n’est pas atteint ».

En l’espèce, l’association FNE LR soutenait que les débits réservés fixés en 2017 ne respectaient pas les prescriptions de l’article L. 214-18 du Code de l’environnement, dès lors que les valeurs de ces débits n’étaient manifestement pas de nature à garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux.

Pour donner raison à l’association requérante, le tribunal se fonde notamment sur une étude de détermination des volumes prélevables du bassin versant de la Têt, réalisée entre juin 2009 et avril 2012, sous pilotage de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et des services de l’Etat. Selon les juges, il résulte de cette étude que la valeur de débit minimal fixée à 1500l/s peut être regardée « comme constituant un seuil de fonctionnement satisfaisant ». Alors qu’il disposait de cette étude, le tribunal constate que le préfet « n’apporte aucun élément technique ou scientifique de nature à justifier son choix de fixer la valeur de 1 217 l/s correspondant à la valeur plancher prévue par le texte, alors même qu’il dispose d’une valeur hydrologique supérieure ».

En outre, le préfet ne pouvait justifier ce débit plus faible par la prise en compte des autres exigences prévues à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, puisque cela lui est interdit « dès lors que le débit minimum biologique prévu à l’article L. 214-18 du code de l’environnement n’est pas atteint ».

 

Rejetant le reste des arguments présentés en défense, le tribunal considère que la FNE LR « est fondée à soutenir que les valeurs des débits réservés imposées par les arrêtés contestés ont été fixées en méconnaissance de l’article L. 214-18 du code de l’environnement et qu’en refusant par la décision contestée d’édicter des prescriptions complémentaires en vue de modifier ces valeurs le préfet a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ».

Par conséquent, le Tribunal administratif de Montpellier prononce l’annulation de cette décision implicite. En outre, après avoir rappelé que le présent litige constituait un contentieux de pleine juridiction (article L. 181-17 du Code de l’environnement), le Tribunal décide de modifier les arrêtés du 6 septembre 2017 et de fixer la valeur du débit réservé pour les six prises d’eau à 1500 l/s. Il supprime également la modulation estivale existante pour certains canaux.

L’ensemble des modifications prendra effet au 1er avril 2023.