Fonction publique
le 24/01/2023

Sanction disciplinaire et détective privé : Aux grands maux les grands remèdes !

CAA Bordeaux, 19 octobre 2022, n° 20BX00450

La démonstration par l’administration de la matérialité des faits qu’elle reproche à un agent est absolument essentielle à la réussite de la procédure disciplinaire, mais elle va être plus ou moins aisée, de sorte qu’il est parfois nécessaire de déployer les moyens ad hoc, en mettant en œuvre une enquête administrative ou en faisant appel, selon le dossier, à un détective privé.

Ce point pose alors la question de la loyauté de la preuve, déjà tranché par le Conseil d’Etat en 2014, dans un arrêt de section qui rappelait que la preuve s’administre par tout moyen, avec pour limite cette loyauté, et à moins qu’un intérêt majeur justifier de passer outre.

La haute juridiction avait ainsi validé le fait qu’afin d’établir qu’un agent exerçait sans autorisation, en lien avec son épouse, une activité lucrative privée par l’intermédiaire de deux sociétés, une commune avait confié à une agence de détectives privés le soin de réaliser des investigations dans le but « de mettre en évidence les activités professionnelles du couple et d’en administrer les preuves par des surveillances », en soulignant que cette agence avait réalisé un rapport reposant sur des constatations matérielles dans des lieux ouverts au public, et donc selon des constats qui ne traduisaient pas un manquement à la loyauté (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 355201).

Le Juge administratif a ensuite pu donner d’autres exemples intéressants quant aux preuves admises, en considérant par exemple que :

  • n’a pas méconnu son obligation de loyauté à l’égard d’un de ses enseignants une université se fondant sur des conversations téléphoniques, enregistrées à son insu par une étudiante, pour lui infliger une sanction disciplinaire, dès lors que ces pièces ont été soumises au débat contradictoire (CE, 21 juin 2019, n°424593) ;
  • des images extraites d’un système de vidéo-surveillance disposé sur la voie publique constituent des éléments de preuve qui, n’ayant pas été obtenus par des stratagèmes ou des procédés déloyaux, peuvent légalement être utilisés pour établir la réalité des faits retenus à l’encontre d’un agent dans le cadre d’une procédure disciplinaire (CAA Marseille, 4 mars 2021, n° 19MA04107).

Saisie d’un recours contre une sanction de révocation, la Cour administrative d’appel de Bordeaux vient de donner un nouvel exemple, s’agissant d’une enquête menée dans une déchetterie d’un syndicat mixte intercommunal. Elle d’abord rappelé que le recours du Syndicat à des investigations menées par des enquêteurs privés était justifié en l’espèce dès lors qu’il existait des soupçons portant sur la participation de certains agents à un trafic de métaux, d’appareils électroménagers et de batteries, que l’enquête de la gendarmerie n’avait pu mettre à jour.

Puis elle a relevé que l’agence de recherches privées avait mené ses investigations dans des lieux accessibles au public, durant les heures de service des agents et sans organiser un mode de surveillance intrusif ou encore écouter sciemment ses conversations téléphoniques privées.

En synthèse, sauf peut-être à faire fouiller les poubelles des agents à leur domicile, les employeurs publics ont une latitude certaine dans le recours à des investigations privées dans le but d’établir la réalité et l’ampleur de faits fautifs.