Logement social
le 24/01/2023

Logement social : précisions sur les modalités de contrôle d’un arrêté préfectoral de constat de carence

CE, 28 octobre 2022, n° 453414, Commune d’Auvers-sur-Oise

Depuis la loi SRU de 2000[1], la majorité des communes est tenue de réserver une portion de son parc immobilier à la création de logements sociaux. La liste des communes concernées par cet objectif est fixée au début de chaque période triennale, conformément à l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Confronté à une commune qui n’a pas respecté ses objectifs de réalisation de logements sociaux, le préfet peut prononcer la carence et majorer le prélèvement annuel de la commune en application de l’article L. 302-9-1 du CCH.

Par un arrêt en date du 28 octobre 2022, le Conseil d’État a, d’une part, précisé le pouvoir d’appréciation du préfet quant au prononcé de la carence et à la majoration du prélèvement et, d’autre part, explicité le contrôle exercé par le juge sur une telle décision.

En l’espèce, constatant le non-respect de son objectif de construction sur la période triennale 2014-2016, le Préfet du Val d’Oise avait pris un arrêté de carence à l’encontre de la commune d’Auvers-sur-Oise. Il avait fixé à 300 % le taux de majoration du prélèvement prévu par l’article L. 302-7 du CCH sur une durée de trois ans. La commune, qui sollicitait l’annulation de cet arrêté, a vu sa demande rejetée en première instance puis en appel.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a jugé « qu’il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis requis, d’apprécier si, compte tenu de l’écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l’affirmative, s’il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel, en fixant le montant dans la limite des plafonds fixés ». Ainsi, il revient au préfet de juger de l’opportunité de prononcer la carence et de majorer le prélèvement de la commune.

Par ailleurs, la Haute juridiction précise « qu’il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d’une erreur d’appréciation des circonstances de l’espèce et, dans la négative, d’apprécier si, compte tenu des circonstances de l’espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d’en réformer, le cas échéant, le montant ». En d’autres termes, saisi d’une demande d’annulation d’un arrêté préfectoral de constat de carence infligeant un prélèvement majoré, le juge du plein contentieux exerce un double contrôle sur l’arrêté litigieux.

En l’occurrence, après avoir admis que le prononcé de la carence de la commune ne procédait pas d’une erreur d’appréciation, la Cour administrative d’appel de Versailles, saisie de moyens sur la disproportion du taux de majoration du prélèvement annuel de la commune, aurait dû apprécier si la sanction infligée ne revêtait pas un caractère disproportionné. En conséquence, le Conseil d’Etat censure l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire à la Cour.

Cela étant, il importe de relever que cette décision est antérieure à la loi 3DS du 21 février 2022 qui supprime l’échéance de 2025 et pérennise le dispositif SRU en aménageant un nouveau rythme de rattrapage applicable à compter de la huitième période triennale (2023-2025). La solution reste semble-t-il toutefois transposable.

 

[1] Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.