Fonction publique
le 24/01/2023

Conditions de retrait d’une décision de réintégration d’un agent public révoqué

CE, 9 décembre 2022, n° 451500

Par un arrêt en date du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles une décision de réintégration provisoire, prise en exécution d’une ordonnance de référé portant suspension de la révocation d’un agent, peut être retirée par l’employeur.

Dans cette espèce, le juge des référés avait, par une ordonnance du 8 juillet 2017, suspendu la révocation infligée par le Département de la Seine-Saint-Denis à M. A, adjoint administratif de seconde classe, et enjoint à l’administration de réintégrer provisoirement l’intéressé, ce qu’elle fit par une décision du 8 septembre 2017.

Puis, la sanction de révocation avait été annulée par le juge du fond, qui avait enjoint à l’employeur de réintégrer l’agent définitivement. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Versailles annulait ce jugement le 4 décembre 2019 et un pourvoi était formé contre l’arrêt d’appel.

Bien que le pourvoi soit toujours pendant, le Département tirait les conséquences de l’arrêt d’appel confirmant la légalité de la révocation, et retirait sa décision du 8 septembre 2017, portant réintégration provisoire de l’agent, par une décision du 19 janvier 2021, avec pour conséquence la révocation effective de celui-ci.

C’est dans ces conditions que l’agent a sollicité la suspension de cette décision devant le juge des référés, lequel a accueilli sa demande, et que le Conseil d’Etat, saisi par le Département, a été amené à trancher le litige.

La Haute juridiction administrative a jugé que « en cas d’annulation, par une décision du juge d’appel, du jugement ayant prononcé l’annulation de la décision portant révocation d’un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l’autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l’administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l’arrêt ayant confirmé la révocation de l’agent, l’autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l’annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l’agent à présenter ses observations ».

Or, au cas particulier, le retrait de la décision de réintégration provisoire du 13 juillet 2017 était intervenu le 19 janvier 2021, soit bien au-delà du délai de quatre mois dont disposait l’administration à compter de la notification de l’arrêt d’appel du 4 septembre 2019, mais avant que le Conseil d’Etat ne se soit prononcé au fond concernant la révocation de l’agent. Ainsi, le Conseil d’Etat a considéré que « en retenant comme propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu’à la date du 19 janvier 2021 le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement retirer la décision de réintégration prise à la suite de la suspension de la décision du 26 avril 2017 portant révocation de M. A…, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n’a pas commis d’erreur de droit ».

On relèvera qu’un arrêt similaire avait déjà été rendu par le Conseil d’Etat (CE, 23 mai 2018, n° 416313). Toutefois, sa position est ici affirmée comme solution de principe, le présent arrêt étant classé en catégorie A, ce qui est réservé aux arrêts dont la portée est majeure, là où le précédent arrêt est classé en catégorie B.

Les conclusions du rapporteur public rendues dans cet arrêt, seules à avoir été publiées, permettent de comprendre la logique retenue par le Conseil d’Etat, à savoir qu’en s’abstenant de retirer, dans le délai raisonnable de quatre mois suivant le jugement qui lui donnait raison, les décisions prises à titre provisoire en application de l’ordonnance du premier juge des référés, l’employeur les a laissées continuer à produire leurs effets et devenir définitives.

En conclusion, il convient pour l’administration d’être réactive lorsqu’elle reçoit la notification d’un jugement confirmant la légalité d’une sanction disciplinaire prise à l’encontre d’un agent, en retirant très rapidement toute éventuelle mesure de réintégration provisoire prise en application d’une ordonnance de suspension de la sanction, sous peine de voir une telle mesure devenir définitive.