Ça roule pour Smoovengo !

Par une ordonnance rendue le 4 mai dernier, le Juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la Société JCDecaux tendant notamment à ce que soit annulée la procédure ayant abouti à l’attribution du marché « Vélib’ 2 » au groupement Smoovengo.

Pour mémoire, la Société JCDecaux, spécialisée dans le mobilier urbain et l’affichage publicitaire, est l’actuel titulaire du marché parisien du vélo en libre-service (VLS) conclu en 2007 pour une durée de dix ans.

En avril 2016, le Syndicat d’études Vélib’ Métropole (devenu par la suite le Syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole) a publié un avis d’appel public à concurrence en vue de la passation d’un marché public ayant pour objet la conception, la fabrication, la pose, la mise en service, l’entretien, la maintenance et la gestion d’un dispositif de vélos en libre-service à Paris et en région parisienne, en remplacement du dispositif Vélib’ actuellement en service.

Un dialogue compétitif s’est engagé avec quatre candidats ayant déposé une offre, parmi lesquels un groupement dont la Société JCDecaux était le mandataire et un autre pour lequel le mandataire était la Société Smoove. Au terme de ce dialogue, l’offre de la Société Smoove a été classée en première position. Deuxième du classement, la Société JCDecaux a saisi le Juge du référé précontractuel sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative aux fins de voir, notamment, la procédure de passation du marché annulée.

En particulier, la Société requérante soulevait un moyen tiré de la double irrégularité – de la procédure de passation et de l’offre retenue – en raison du manquement à l’obligation de reprise, par l’attributaire du marché, du personnel salarié actuellement affecté à la gestion du système Vélib’.

Pour rappel en effet, l’article L. 1224-1 du Code du travail impose à l’attributaire du marché de procéder à la reprise des salariés si les conditions sont réunies à la date du transfert de l’activité.

A cet égard, le Juge rappelle que si le coût de la masse salariale est un élément essentiel du marché, qui devait être communiqué à l’ensemble des candidats, aucune obligation ne pesait sur le pouvoir adjudicateur de se prononcer sur l’applicabilité de l’article L. 1224-1 du Code du travail au marché en cause ni de prévoir expressément dans les documents de la consultation la reprise des salariés. Au cas présent, le Syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole, qui avait pris soin de mentionner l’information tenant au coût de la masse salariale dans les documents de la consultation et indiqué que l’article L. 1224-1 du Code du travail était susceptible de s’appliquer, n’a pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Et l’offre du groupement attributaire n’était pas davantage irrégulière. En effet, le Juge a considéré, « sans qu’il soit besoin de déterminer si les critères d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont remplis en l’espèce », que si, potentiellement, ladite offre n’intégrait pas le coût de la reprise des salariés actuellement employés, cela n’impliquait pas que le prix aurait été sous-évalué. En effet, aucune règle n’interdit que les salariés actuellement affectés à la gestion du système Vélib soient, après leur éventuelle reprise par le groupement attributaire, affectés à d’autres tâches au sein des entreprises composant le groupement, dans le respect de leurs contrats actuels.

La Société JCDecaux a indiqué vouloir faire appel de cette décision.

L’interruption du délai de prescription décennale par la citation en justice

A la suite d’une opération de réhabilitation d’un bâtiment réceptionné au mois d’octobre 2000, un maître d’ouvrage public saisissait le Tribunal administratif de Lille d’une demande de condamnation solidaire à l’encontre de la société titulaire du lot couverture bardage, de l’architecte et du bureau de contrôle aux fins d’obtenir réparation des divers préjudices dont il avait déjà demandé réparation devant le Juge judiciaire en 2007 ; ce dernier s’étant déclaré incompétent.

Le Tribunal administratif de Lille et la Cour administrative d’appel de Douai rejetaient les demandes du maître d’ouvrage public aux motifs que l’assignation au fond formée devant le Tribunal de grande instance n’avait pas eu pour effet d’interrompre le délai de l’action en garantie décennale, dès lors que les termes dans lesquels la demande était formulée ne permettaient pas de la regarder comme implicitement mais nécessairement fondée sur la garantie décennale.

Saisi du pourvoi du maître d’ouvrage public, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai en précisant que, conformément aux dispositions de l’article 2244 du Code civil alors applicable, « pour les désordres qui y sont expressément visés, une action en justice n’interrompt la prescription qu’à la condition d’émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ».

Le Conseil d’Etat ajoute que la Cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit dès lors qu’il lui « appartenait de rechercher si cette assignation identifiait de manière suffisamment précise les désordres dont elle demandait réparation, émanait de la personne qui avait qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et visait ceux-là mêmes qui en bénéficieraient ».

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat réaffirme la position déjà adoptée en la matière en 2009 (CE, 7 octobre 2009, n° 308163) selon laquelle pour interrompre la prescription l’acte doit mentionner précisément les désordres dont le maître d’ouvrage souhaite la réparation.

Décret n° 2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations

Le décret du 9 mai 2017 publié au journal officiel du 10 mai 2017 vient combler une carence du Code du travail lequel ne contenait aucun article relatif au repérage de l’amiante avant travaux. Désormais de telles dispositions figureront à l’article R. 4412-97 du code du travail.

Ce décret impose désormais au donneur d’ordre, « qu’il soit maître d’ouvrage ou propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, de faire rechercher la présence d’amiante préalablement à toute opération comportant des risques d’exposition des travailleurs à l’amiante ».

Les résultats de cette recherche préalable devront préciser la quantité estimée de matériaux amiantés repérés. Ces résultats devront être mentionnés dans les rapports de repérage qui seront obligatoirement communiqués à l’entreprise qui sera chargée des travaux, afin que celle-ci puisse anticiper les protections collectives et individuelles de ses travailleurs.

Ce décret qui entrera en application au plus tard le 1er octobre 2018 devra, d’ici là, être complété par des arrêtés ministériels lesquels préciseront les compétences que devront posséder les opérateurs de repérage ainsi que les modalités précises de réalisation de ces repérages.

Arrêté du 10 avril 2017 relatif aux constructions à énergie positive et à haute performance environnementale sous maîtrise d’ouvrage de l’Etat, de ses établissements publics et des collectivités territoriales (JORF du 19 avril 2017)

L’arrêté relatif aux constructions publiques à énergie positive et à haute performance environnementale a été publié au Journal officiel du 19 avril 2017.

Cet arrêté, très attendu, avait pour objet de fixer les seuils des critères déjà prévus par le décret n° 2016-1821 du 21 décembre 2016 sur l’exemplarité énergétique et environnementale des constructions publiques qui devait entrer en vigueur « le premier jour du cinquième mois suivant l’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné à son article 3 » et ce, à partir du référentiel « Energie-Carbone ».

Ainsi, pour être qualifiés de construction « à haute performance énergétique » (HPE), les bâtiments publics doivent émettre une quantité d’émissions de gaz à effet de serre (mesurée en kg eq CO2/m2) au cours de l’ensemble de leur cycle de vie, inférieure aux seuils du niveau Carbone 1 ou Carbone 2 prévus par l’arrêté et remplir deux des trois critères suivants :

  • valoriser une quantité de déchets de chantier pour leur construction supérieure à 50% de la masse totale des déchets générés ;
  • comporter une part minimale de matériaux faiblement émetteurs en composés organiques volatils (étiquetés A+ selon l’arrêté) et présenter une qualité de mise en œuvre des installations de ventilation ;
  • comporter un taux minimal de matériaux biosourcés correspondant au premier niveau du label « bâtiment biosourcé » au sens de l’arrêt du 19 décembre 2012 fixant le contenu et les conditions d’attribution de ce label.

Ce décret avait été pris en application de la loi n° 2015-992 relative à la transaction énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015.

L’arrêté retient donc les niveaux de performance « Energie 3 » (de 40 % supérieur à la RT 2012) ou « Energie 4 » (correspond à un bâtiment avec bilan énergétique nul sur tous les usages et contribuant à la production d’énergie renouvelable à l’échelle du quartier) pour qualifier une construction de « bâtiment à énergie positive » (BEPOS). 

Ces seuils pourraient être réévalués par le ministère du Logement compte tenu de la haute ambition énergétique attendue et qui pourrait générer des difficultés techniques et économiques de réalisation pour les professionnels du bâtiment.

L’insuffisante définition des objectifs poursuivis par l’élaboration du PLU n’est plus susceptible d’être invoquée à l’encontre de la délibération approuvant le document d’urbanisme (article L. 103-3 du Code de l’urbanisme – ancien article L. 300-2)

Par une décision en date du 5 mai 2017, la section du contentieux du Conseil d’Etat est revenue sur la possibilité d’invoquer, à l’appui d’un recours contre la délibération approuvant un plan local d’urbanisme, l’insuffisante définition des objectifs poursuivis en méconnaissance des dispositions de l’article L. 103-3 du Code de l’urbanisme (anciennement L. 300-2).

En application de ces dispositions, rappelons que les auteurs d’un PLU doivent, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la collectivité en projetant d’élaborer ou de réviser ce document d’urbanisme (CE 10 février 2010 Commune de Saint-Lunaire, n° 327149).

Cela a entraîné l’annulation de nombreux documents d’urbanisme locaux par les Juges du fond alors même que, comme le souligne le Rapporteur public dans cette affaire « il n’est en effet pas évident de remettre en cause un plan local d’urbanisme au motif que la définition initiale des objectifs poursuivis était insuffisante alors que ces objectifs ne bornent pas les propositions du publics dans la phase de concertation et ne lient ensuite nullement les auteurs du plan » (conclusions de Monsieur le Rapporteur public Louis Dutheillet de Lamothe).

Ainsi, après avoir assouplit les exigences attendues sur le degré de précision des objectifs poursuivis (CE 3 novembre 2016 Commune de Saint-Martin d’Hères, n° 387090), le Conseil d’Etat est finalement revenu sur sa jurisprudence antérieure en considérant que le moyen tiré de l’illégalité de la délibération prescrivant le PLU en raison de l’insuffisante définition des objectifs poursuivis ne peut plus être invoqué à l’encontre de la délibération approuvant le PLU :

« que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d’une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser ce document d’urbanisme, et, d’autre part, sur les modalités de la concertation ; que, si cette délibération est susceptible de recours devant le Juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme ; qu’ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé ».

Baux d’habitation HLM

En application combinée des articles 14 et 40 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en cas de décès du locataire portant sur un local d’habitation appartenant à un organisme d’habitation à loyer modéré, son descendant bénéficie d’un droit au transfert du bail s’il vivait dans le local depuis plus d’un an à la date du décès et à condition que le bénéficiaire du transfert remplisse les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage. Ces deux conditions ne sont pas requises envers les personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du Code de l’action sociale et des familles.

Un récent arrêt de Cour d’appel vient de préciser la notion de « personne présentant un handicap » au sens des dispositions susvisées.

L’espèce concernait le refus du bailleur social de faire droit à la demande de transfert de bail du fils d’une locataire décédée ayant, de ce fait été assigné en expulsion pour occupation sans droit ni titre.

Le bailleur estimait qu’ayant vécu pendant moins d’un an avec la locataire en titre avant son décès, le fils ne remplissait pas à cet égard les conditions de transfert de bail posées de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989.

Le fils de la locataire décédée a rapporté la preuve d’une cohabitation supérieure à un an devant le Tribunal d’instance.

S’est donc posée la question de la vérification des conditions complémentaires imposées par l’article 40 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, à savoir que le bénéficiaire du transfert remplisse également les conditions d’attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage.

Ces deux conditions cumulatives n’étaient pas remplies, mais le fils de la locataire a fait valoir qu’elles ne pouvaient lui être opposées en raison de sa situation de travailleur handicapé.

Effectivement, en matière de logement social, en application de l’article 40 susvisé, les deux conditions ci-dessus ne sont pas requises pour les personnes présentant un handicap au sens de l’article L114 du Code de l’action sociale et des familles et les personnes âgées de plus de 65 ans.

Toutefois, la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 7 mars 2017, a considéré que :

« […] La notion de personne handicapée au sens de l’article L. 114 du Code de l’action sociale et de la famille coexiste avec celle de travailleur handicapé telle que définie à l’article L. 5213-1 du Code du travail mais ne se confond pas avec elle.

Seules les personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du Code de l’action sociale et de la famille bénéficient de l’exception prévue à l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989.

En conséquence, le fait que la qualité de travailleur handicapé ait été reconnue à M. H. ne le dispense pas de remplir les deux conditions de ressources et de taille du ménage requises pour lui permettre de bénéficier du transfert du bail ».

Ainsi, pour la Cour d’appel de Versailles, si la situation de handicap permet de déroger aux conditions imposées par la règlementation HLM pour bénéficier d’un transfert de bail, sa définition  s’entend toutefois de manière stricte et correspond uniquement à celle donnée par l’article L. 114 du CASF (selon lequel « constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ») et ne saurait dès lors être étendue aux travailleurs handicapés au sens du droit du travail.

 

 

 

 

 

 

 

Obligation de raccordement à la fibre optique d’immeubles à rénover

Le décret n° 2017-832 du 5 mai 2017 relatif à l’application de l’article L. 111-5-1-2 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après, le « Décret ») a été publié au Journal officiel de la République Française du 7 mai 2017 et est entré en vigueur à compter du 8 mai 2017.

Le Décret est pris pour l’application de l’article 118 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et a pour objet d’introduire le raccordement en fibre des logements dans le cadre de travaux sur des bâtiments d’habitation collectifs ou des bâtiments accueillant des locaux professionnels.

En effet, l’article L. 111-5-1-2 du Code de la construction et de l’habitation impose aux propriétaires d’immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux soumis à permis de construire conformément à l’article L. 111-1 du Code précité de pourvoir ces bâtiments, à leur frais, de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à leur desserte par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ouvert au public.

Le Décret précise les bâtiments qui sont soumis à cette obligation en créant un article R. 111-14 dans le Code de la construction et de l’habitation qui dispose que « sont soumis à l’obligation prévue à l’article L. 111-5-1-2 les immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux de rénovation soumis à permis de construire, sauf lorsque le coût des travaux d’équipement en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, y compris les travaux induits, est supérieur à 5 % du coût des travaux faisant l’objet du permis de construire ».

Cet article précise qu’un « arrêté conjoint des Ministres chargés de la construction et des communications électroniques détermine les modalités techniques de raccordement de chaque logement ou local professionnel à une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ».

Il faudra donc attendre cet arrêté pour connaître avec précision les modalités de raccordement des bâtiments qui tombent sous l’obligation objet de l’article L. 111-5-1-2 du Code de la construction et de l’habitation.

Précision sur les pouvoirs d’enquête de l’ARCEP

Attendu pour la mise en œuvre de l’article 43 de la loi Lemaire (loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique), le décret n° 2017-768 du 4 mai 2017 relatif aux actes d’enquête effectués en application du II de l’article L. 32-4 du Code des postes et des communications électroniques, a été publié au Journal officiel de la République Française du 6 mai 2017.

Ce décret, pris après un avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes du 9 février 2017, est relatif au pouvoir d’enquête des agents du ministère chargé des communications électroniques et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), mis en œuvre dans le cadre de l’article L. 32-4 du Code des postes et des communications électroniques (ci-après, le « CPCE »).

A titre de rappel, les fonctionnaires et agents placés sous l’autorité du Ministre chargé des communications électroniques et de l’ARCEP, habilités à cet effet par ledit Ministre et assermentés, peuvent, pour l’exercice de leurs missions, opérer sur la voie publique, pénétrer entre 8 heures et 20 heures dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques, des personnes fournissant des services de communication au public en ligne et des gestionnaires d’infrastructure d’accueil.

Le décret ajoute trois articles R. 20-44-4-1 à R. 20-44-4-3 au CPCE. L’article R. 20-44-4-1 du CPCE précité que les enquêtes mentionnées à l’article L. 32-4 de ce Code sont menées par les fonctionnaires et agents du ministère assermentés dans les conditions prévues aux articles R. 20-44-1 à R. 20-44-4 du CPCE.

L’article R. 20-44-4-2 du CPCE précise le contenu du procès-verbal qui doit être établi lors des visites et auditions réalisées dans le cadre d’une enquête simple prévue par l’article L. 32-4 du CPCE, à savoir mentions de la nature, de la date et du lieu des constatations effectuées. Il indique également que l’inventaire des pièces et documents dont les fonctionnaires et agents ont pris copie doit être annexé au procès-verbal.

Enfin, l’article R. 20-44-4-3 du CPCE indique que le contenu du procès-verbal établi à la suite de constatations réalisées via un site internet mentionne les nom, qualité et résidence administrative du fonctionnaire ou de l’agent réalisant la constatation, ainsi que la date et l’heure de celle-ci. Il convient également de relever qu’au titre de cet article, lorsqu’une constatation est effectuée à partir d’un service de communication au public en ligne, le procès-verbal doit également préciser les conditions dans lesquelles elle a été réalisée (modalités de connexion, de consultation et d’utilisation du service de communication au public en ligne, modalités de recueil et de retranscription des informations).

Responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif

Lorsque une société ayant une insuffisance d’actif fait l’objet d’une liquidation judiciaire, les dispositions des articles L. 651-2 et suivants du Code de commerce prévoient les conditions de mise en œuvre de l’action en responsabilité contre le dirigeant dont la faute de gestion a contribué à cette insuffisance.

En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire en avril 2008.

La procédure a ensuite été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du mois de juin 2008, qui a pris acte de l’engagement personnel du gérant de la société, d’effectuer un virement mensuel de 3.000 € sur le compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations afin d’apurer le passif social.

Après avoir effectué plusieurs versements entre les mains du liquidateur, le gérant a invoqué des difficultés puis a été mis en redressement judiciaire par un jugement en janvier 2012.

En février 2012, le liquidateur judiciaire de la société a déclaré une créance de 343.076 € à titre chirographaire au passif du redressement judiciaire du gérant correspondant au solde du passif de la société restant à apurer. Le Juge-commissaire a ainsi rejeté cette créance.

Le 4 février 2015, la Cour d’appel de Douai a confirmé le rejet de la créance déclarée.

Le 8 mars 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, précisant que, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, les dispositions des articles L. 651-2 et suivants du Code de commerce ouvrent, aux conditions qu’ils prévoient, une action en responsabilité contre le ou les dirigeants, en cas de faute de gestion de leur part ayant contribué à cette insuffisance.

Elle en a déduit qu’il en résulte que l’insuffisance d’actif ne peut être mise, en tout ou partie, à la charge d’un dirigeant qu’à la suite d’une assignation de celui-ci à cette fin et seulement par une décision de condamnation ou, avant l’intervention d’une telle décision, par une transaction.

En l’espèce, la Cour de cassation a indiqué que la Cour d’appel a rappelé que les conditions dans lesquelles l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire peut être mise à la charge de son dirigeant sont strictement définies par le Code de commerce.

Elle a estimé que la Cour d’appel a exactement retenu qu’aucune obligation à ce titre ne saurait résulter des mentions du jugement de conversion en liquidation judiciaire du redressement de la société.

Elle a conclu que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision de rejeter la créance déclarée.

Publicité des accords collectifs sur une base de données nationale

Pour rappel, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dite « loi Travail » rend obligatoire, à compter du 1er septembre 2017, la publication de tous les accords collectifs, quel que soit le niveau de leur conclusion, sur une base de données nationale.

Si une telle publicité peut contribuer au développement des bonnes pratiques, elle peut aussi porter atteinte aux intérêts de l’entreprise. Certains accords contiennent en effet des informations sensibles sur la situation de l’entreprise ou sur sa stratégie, ou encore des informations susceptibles de relever du secret industriel et commercial.

Pour en tenir compte, des exceptions ont été prévues par la loi afin de concilier l’accessibilité du droit conventionnel avec la protection des intérêts de l’entreprise.

Le décret du 3 mai 2017 en fixe les modalités.

Ainsi, il est prévu qu’après la conclusion de la convention ou de l’accord, les parties peuvent acter qu’une partie de la convention ou de l’accord ne doit pas être publiée. Cet acte doit être signé et motivé. Par ailleurs, il convient de noter que cet acte ainsi que la version intégrale de la convention ou de l’accord et la version destinée à la publication sont joints au dépôt.


 

Contrat de construction de maisons individuelles : la réception des travaux doit faire l’objet d’une acceptation non équivoque de la part du maître de l’ouvrage

Un couple de particuliers a conclu deux contrats de construction de maisons individuelles. Après avoir réglé les appels de fonds au fur et à mesure et jusqu’à 95 % de l’avancement des travaux, ils confient à une société la réalisation de l’accès chantier, le raccordement à l’égout, le réseau pluvial, l’adduction des fluides, la réalisation d’un parking, la réalisation d’une clôture et d’un terrassement.

Se prévalant d’irrégularités de désordres et de retards, les propriétaires ont notamment assigné cette société en réparation de différents préjudices.

La Cour d’appel a rejeté les demandes formées par le couple de propriétaires aux motifs que les travaux réalisés par la société avaient fait l’objet d’une réception tacite le 14 septembre 2009.

Pour juger ainsi, la Cour d’appel a retenu que les propriétaires avaient réglé les travaux commandés sur facture du 14 septembre 2009, dont ils se sont acquittés sans retenue ni réserve, ce qui permettait selon elle, de fixer la réception tacite de l’ouvrage à la date de ladite facture.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point, au visa de l’article 1792-6 du Code civil, qui dispose : « la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné.

En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.

L’exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usure normale ou de l’usage ».

La Cour de cassation a en effet jugé « qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque de M. et Mme d’accepter les travaux de construction réalisés par la société Sicaud, la cour d’appel n’a pas donné de base légal à sa décision ».

Ainsi, la Cour de cassation juge t’elle qu’une juste application des termes de l’article 1792-6 du Code civil, ne permet pas à la Cour d’appel de ne retenir d’une « réception tacite », alors qu’il est nécessaire de caractériser « la volonté non équivoque » du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux.

En effet, en application de l’article 1792-6 du Code civil, le maître de l’ouvrage doit « déclarer » accepter l’ouvrage, en mentionnant ou non des réserves, ce qui exclu dès lors la possibilité de caractériser la réception par un quelconque comportement « tacite ».

Bail réel solidaire : le décret d’application est publié

L’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 avait créé le bail réel solidaire, contrat de location aux termes duquel un organisme de foncier solidaire peut consentir à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements avec la possibilité d’y assortir l’obligation pour ce dernier de construire ou réhabiliter des constructions existantes.

Ce nouveau contrat vise uniquement des logements ayant vocation à être occupés à titre de résidence principale et sa durée, semblable au régime général des baux conférant des droits réels tels que le bail emphytéotique ou le bail à construction, peut s’étendre de 18 à 99 ans.

L’ordonnance du 20 juillet 2016 avait prévu que l’économie de ce nouveau bail reposerait sur le respect de plafonds.

C’est précisément ce que vient préciser le décret n° 2017-1038 du 10 mai 2017 publié ce 11 mai.

L’outil juridique est ainsi achevé puisque le texte identifie désormais les plafonds qui devront être observés tels que les plafonds de prix de cession des droits réels et les modalités d’évaluation de ce prix, le plafond des ressources du preneur ou encore le plafond de fixation du loyer.

Le décret précise encore les modalités juridiques de formalisation du bail, notamment au regard des formalités d’agrément, des documents justificatifs à produire ou encore des délais d’examen à observer.

Enfin, aux termes d’un nouvel article R. 255-8 au Code de la construction et de l’habitation (CPH), le décret fixe le délai d’action en nullité à l’encontre du contrat de bail réel solidaire conclu en méconnaissance des articles L. 255-2, L. 255-3 ou L. 255-4 du CHP à cinq ans à compter de la date de signature.

Le bail réel solidaire renforce désormais l’offre juridique de location et d’aide à l’accession à la propriété dans le domaine du logement à loyer modéré.

Le statut issu d’une disposition conventionnelle n’est pas immuable en cas de transfert du contrat de travail en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail

Par un arrêt en date du 20 avril 2017 (Cass., Soc., 20 avril 2017, n° 15-28.789), la Cour de cassation est venue affirmer qu’un salarié peut perdre son statut de cadre à la suite d’un transfert d’entreprise.

En effet, à l’expiration du délai de survie de 15 mois, en l’absence d’accord de substitution, la convention collective mise en cause par le transfert d’entreprise cesse de s’appliquer aux salariés transférés : le salarié dont le statut n’était pas contractuellement prévu comme un élément essentiel du contrat peut alors perdre son statut.

Tel est le cas des salariés dont le statut figure à leur contrat de travail en référence à la convention collective dénoncée du fait du transfert d’entreprise.

Pour ces derniers, à l’issue du délai de survie, seul le statut collectif du nouvel employeur reste applicable.

Reste alors seul applicable le statut collectif du nouvel employeur.

Extinction de la sûreté en raison de sa déclaration irrégulière dans le cadre d’une procédure de sauvegarde judiciaire

En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde judiciaire à l‘encontre d’une société, les créanciers sont appelés a déclarer leurs créances auprès du mandataire judicaire désigné par le jugement d’ouverture.

A ce sujet, l’article L. 624-2 du Code de commerce prévoit que le Juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet de ces créances.

Il est précisé que, lorsqu’il constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, le Juge-commissaire ne distingue pas entre les différents motifs de rejet d’une créance déclarée.

La décision par laquelle le Juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et qu’elle ne peut être admise au passif est, au sens du texte précité, une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait sans possibilité pour le créancier de procéder de nouveau et de régulariser sa déclaration de créance.

Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 4 mai 2017 (Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-24.854, FS-P+B+I).

En l’espèce une banque avait consenti à une société un prêt garanti par un nantissement sur le fonds de commerce de celle-ci. La société débitrice a ensuite fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

Un plan de sauvegarde en faveur de la société a été arrêté par ordonnance, devenue irrévocable, le Juge-commissaire a déclaré irrecevable la déclaration de créance faite par la banque par l’intermédiaire d’un préposé sans pouvoir régulier.

La banque ayant renouvelé son inscription de nantissement, le débiteur a saisi le Tribunal afin qu’il ordonne la radiation de cette sûreté. La Cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 2 juillet 2015, n° 14/02360) a rejeté la demande du débiteur, retenant que la créance ayant été déclarée irrégulière, elle n’est pas éteinte mais seulement inopposable à la procédure.

Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel.

 

Nouvelle étape dans le « chantier de simplification » du droit de l’urbanisme : publication de l’arrêté du 30 mars 2017 relatif au certificat d’urbanisme, au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme et modifiant le Code de l’urbanisme

Dans le prolongement des dernières mesures de simplification du droit de l’urbanisme opérées depuis deux ans (décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 ; loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ; décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017) un arrêté du 30 mars 2017 relatif au certificat d’urbanisme, au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme et modifiant le code de l’urbanisme vient d’être publié au Journal officiel le 13 avril 2017.

Lors de son entrée en vigueur le 1er juillet 2017, il modifiera deux aspects du Code de l’urbanisme.

D’une part, il offre un toilettage de son livre IV en renumérotant certains de ses articles. D’autre part, dans le cadre de la simplification du droit de l’urbanisme, il instaure deux mesures proposées par le groupe sénatorial de travail sur la simplification législative du droit de l’urbanisme (rapport d’information du Sénat du 23 juin 2016).

La première a pour buts de sécuriser le point de départ du délai de recours contentieux et de simplifier le recours des tiers contre les autorisations d’urbanisme. Elle imposera désormais de mentionner sur le panneau d’affichage visé à l’article A. 424-15 C.Urb, la date d’affichage de l’autorisation en Mairie.

La seconde a pour but de réduire le nombre d’exemplaires à fournir de certaines pièces dans le cadre du dépôt d’un dossier de déclaration préalable. Ainsi, en application de l’article R. 423-2 C.Urb, les déclarations préalables et le dossier joint doivent être fournis en deux exemplaires. Toutefois, certaines pièces visées par l’article A. 431-9 C.Urb (certains plans de masse ou plans de coupe), qui devaient auparavant être fournies en cinq exemplaires supplémentaires, devront désormais être transmises en seulement deux exemplaires supplémentaires.

Le nombre d’exemplaires supplémentaires afférent aux demandes de permis de construire demeure quant à lui inchangé.

Renonciation à la révision du loyer commercial à la baisse : conditions de validité

Cass. civ. 3ème, 30 mars 2017, n° 16-13.914

Alors que l’illégalité de la clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation en stipulant que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ne fait plus débat (prononçant la nullité d’une telle clause (v. Civ. 3e, 14 janv. 2016, n° 14-24.681), la question de la validité de la renonciation du preneur à se prévaloir d’une révision du loyer à la baisse a récemment été posée.

Plus précisément, dans l’arrêt rapporté, les parties avaient expressément convenu, «comme constituant une condition essentielle et déterminante du […] bail, sans laquelle il n’aurait pas été consenti, que le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel […], même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieure au loyer contractuel ».

Or, à la suite d’une variation du loyer de plus d’un quart par le jeu de l’indexation, le preneur a, en cours d’exécution du contrat, sollicité la révision du loyer à la baisse sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce.

Excipant de la clause ci-dessus mentionnée, le bailleur s’est alors opposé à cette demande.

Après avoir été débouté devant le Tribunal de grande instance, il a obtenu gain de cause devant la cour d’appel de Paris, celle-ci fixant le loyer révisé au montant du loyer contractuel initial, motif pris que la clause litigieuse « ne fait pas échec aux dispositions de l’article L. 145-39 puisqu’elle permet au preneur, dès lors que sont remplies les conditions de la demande de révision, d’obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé mais dans la limite du loyer “plancher” convenu [le loyer contractuel] ».

Pour censurer cette décision, la Cour de cassation se place dans la double perspective de l’article L. 145-15 du Code de commerce (qui répute non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont, notamment, pour effet de faire échec aux dispositions relatives à la révision du loyer) et l’article L. 145-39 du même Code.

Ils constatent que, faute d’être postérieure à l’acquisition, par le preneur, de son droit à obtenir la révision de son loyer à valeur locative (en baisse) – c’est à dire à compter du constat de son augmentation de plus d’un quart par le jeu de la clause d’échelle mobile – la renonciation contenue dans le bail ne pouvait produire d’effet.

Parution du décret relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte

Tenant compte des affaires « Panama Papers » et « Luxleaks » notamment, la loi dite « Sapin 2 » (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), s’inscrivant dans le prolongement des précédents textes de renforcement de la transparence de la vie publique et de lutte contre la fraude fiscale, a créé un système de protection des lanceurs d’alerte.

Est un lanceur d’alerte, « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi » :

  • un crime ou un délit ;
  • une violation grave et manifeste d’un engagement international ratifié ou approuvé par la France (ou d’un acte d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement), de la loi, du règlement ;
  • une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

A certaines conditions, les lanceurs d’alerte bénéficient d’un régime d’exonération de responsabilité pénale, qui constitue « le cœur du dispositif » de leur protection (Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, Rapport n° 712 de Monsieur le Sénateur F. Pillet).

La loi Sapin 2 a prévu les modalités de signalement d’une alerte, lequel doit avoir lieu auprès du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci, et, à défaut de diligence de cette personne, à l’autorité judiciaire, administrative ou aux ordres professionnels, enfin, à défaut de traitement par l’une de ces autorités et en dernier ressort, le signalement peut avoir lieu publiquement.

Par ailleurs, la loi a précisé que des procédures appropriées de recueil des signalements doivent être mises en place par « les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10.000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions » (article 8 III).

Ces dispositions devaient être précisées par décret, c’est désormais chose faite avec le décret n° 2017-564 paru le 19 avril 2017.

Il en résulte que chacun des « organismes » précité, à l’exception des administrations de l’Etat, détermine l’instrument juridique susceptible d’être le mieux à même de répondre à l’obligation d’établir une procédure de recueil des signalements et l’adopte conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui le régissent. Il en est de même pour les autorités publiques indépendantes et autorités administratives indépendantes.

Il peut être prévu des procédures de recueil des signalements communes à plusieurs d’entre eux, sous réserve de l’accord des organes compétents. Ainsi, par exemple, une procédure d’alerte unique peut être prévue pour un même groupe de sociétés. Par ailleurs, un arrêté ministériel ou interministériel peut également organiser une procédure commune de recueil de signalements pour les services et établissement publics placés sous son autorité ou sa tutelle.

S’agissant des administrations centrales, services à compétence nationale et services déconcentrés relevant des administrations de l’Etat, la procédure de recueil des signalements est créée par voie d’arrêté ministériel.

Par ailleurs, le décret apporte des précisions quant aux qualités du référent auquel l’alerte peut être confiée (article 4) ainsi que les modalités de la procédure de recueil des signalements et les garanties qu’elle doit présenter (notamment confidentialité de l’auteur du signalement) (article 5).

Les dispositions du décret s’appliquent en France métropolitaine ainsi que dans les collectivités d’outre-mer soumises au principe d’identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon). Le texte entre en vigueur le 1er janvier 2018.

La mise en œuvre de la prescription en matière disciplinaire

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a modifié pour mémoire l’article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose désormais qu’aucune procédure disciplinaire ne pourra être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu « une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction ».

S’il était besoin de préciser les conditions d’application dans le temps de cette prescription c’est chose faite par le Conseil d’Etat qui, le 13 avril dernier, a jugé que ces dispositions ne sauraient être appliquées dans le cadre de procédures engagées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, soit le 22 avril suivant.

C’est ainsi que la requérante, qui faisait valoir cette prescription dans une affaire relative à la mise en œuvre à son encontre d’une révocation de ses fonctions de directrice de la médiathèque municipale, n’a pu s’en prévaloir utilement à quelques jours près, la procédure de révocation ayant été introduite le 15 avril 2016, c’est-à-dire la semaine précédente.

Sans surprise, cette décision portant sur l’application d’une prescription instaurée il y a maintenant un an pourrait en revanche être complétée dans les prochains mois par des décisions plus intéressantes car contenant des précisions quant à la mise en œuvre concrète de ladite prescription. Plus particulièrement, le point de savoir exactement quand il peut être relevé une connaissance « effective » des faits passibles de sanction serait particulièrement utile à préciser.

Sanctions disciplinaires : quelles pièces doivent être versées au dossier de l’agent ?

Conseil d’Etat, 23 novembre 2016, M. B c/ Ministre de la Défense, n° 397733

Cour administrative d’appel de Versailles, 20 décembre 2016, Mme A c/ Préfet de Police, n° 15VE00395

L’article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905 prévoit que « tous les fonctionnaires civils et militaires […] ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, […] avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office […] ».

Lorsque l’administration se fonde sur des documents pour établir un rapport sur la manière de servir d’un agent et édicter sa sanction, ces documents doivent ainsi être mis à la disposition de l’agent sanctionné dans le cadre de son droit d’accès à son dossier.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation d’une sanction de vingt jours d’arrêt d’un militaire intervenue au regard de témoignages écrits de membres de la section qu’il dirigeait mais qui ne lui avaient pas été communiqués avec son dossier disciplinaire, composé uniquement de documents reprenant le sens de ces témoignages.

Ceci étant, dans un arrêt postérieur, la Cour administrative d’appel de Versailles n’est pas allée aussi loin que le Conseil d’Etat, en jugeant qu’il n’incombait pas à l’administration, en l’occurrence Police secours, de transmettre spontanément à un agent des éléments tels que des enregistrements d’appels d’urgence lorsque, d’une part, un rapport du responsable de l’unité et d’autres pièces comportaient toutes précisions utiles quant aux griefs reprochés et « reproduisaient clairement le sens des propos échangés » au cours des appels en cause et que, d’autre part, l’agent aurait parfaitement pu demander à bénéficier d’une copie des enregistrements s’il l’avait jugé utile en temps voulu.

Il s’en infère pour l’administration une obligation d’analyser précisément la portée des éléments sur lesquels elle se fonde et, lorsqu’elle apparait cruciale ou en cas de doute, de les faire connaître à l’agent, afin d’éviter toute annulation contentieuse liée à un simple vice de procédure.

Les modifications de la loi du 29 juillet 1881 introduites par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

  • La notion d’« identité de genre »

La loi du 27 janvier 2017 modifie les articles 24 alinéa 8, 32 alinéa 3 et 33 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 qui répriment la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, la diffamation et l’injure publiques à mobile particulier. Les termes définissant la circonstance aggravante d’« identité sexuelle » sont révisés. A la notion d’« identité sexuelle » se substitue désormais la notion d’« identité de genre ».

  • La possibilité de requalifier dans le domaine de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et le sexisme

La loi du 27 janvier 2017 crée un article 54-1 à la loi du 29 juillet 1881.

Cet article est une dérogation à la règle selon laquelle, en matière d’infraction à la loi sur la presse, la qualification du fait incriminé est irrévocablement fixée par l’acte de poursuite.

Il permet de procéder à une requalification limitée entre les infractions de diffamation raciale, injure raciale et provocation à la haine raciale (art. 32 alinéa 2 ; art. 33 alinéa 3 ; art. 24 alinéa 7).

Le même mécanisme est mis en place en matière d’homophobie et de sexisme (art. 32 alinéa 3 ; art. 33 alinéa 4 ; art. 24 alinéa 8).

L’impossible requalification reste cependant en vigueur pour les autres infractions dont la diffamation et l’injure à l’égard des corps constitués, des personnes dépositaires de l’autorité publique et des personnes chargées d’un service public ou d’un mandat public (articles 30 et 31 alinéa 1er).

  • La recevabilité de l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires pour les diffamations à caractère raciste, antisémite, homophobe ou sexiste

L’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 relatif à l’offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires est complété.

 En cas de requalification d’une infraction initialement qualifiée d’injure ou de provocation à la haine en diffamation à mobile discriminatoire, en application du nouvel article 54-1, il est désormais possible pour la personne poursuivie de prouver la vérité des faits diffamatoires conformément à l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, ce qui avait pourtant toujours été refusé par la jurisprudence : toute preuve de la vérité des faits était exclue en matière de diffamation à caractère raciste, antisémite, homophobe ou sexiste.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins validé cette disposition au nom des droits de la défense dans sa décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017.

  • Le droit d’agir des associations

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté modifie l’article 48-1 et crée un article 48-1-1 à la loi du 29 juillet 1881.

L’article 48-1 autorise désormais les associations à se constituer partie civile pour les infractions d’incitation à la haine raciale, de diffamation et d’injure raciale ou de provocation à commettre un délit ou un crime raciste, dès lors qu’elles justifient que la victime ne s’oppose pas aux poursuites.  Auparavant, il était nécessaire d’obtenir  l’accord de la victime pour agir lorsque celle-ci était considérée individuellement.

Le nouvel article 48-1-1 permet aux associations dont l’objet est la lutte contre l’esclavage de se constituer partie civile en ce qui concerne les infractions d’apologie, de négation, de minoration ou de banalisation des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage prévues aux articles 24 et 24 bis.

L’article 48-2 est également modifié et ouvre l’action civile en matière d’apologie de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ainsi qu’en matière de négationnisme aux associations dont l’objet est l’assistance des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, la défense de leur mémoire ou la lutte contre les discriminations.

  • Les modifications et ajouts de certaines peines

 L’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 se voit ajouter une nouvelle peine : 1 an  d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour « ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d’un autre crime contre l’humanité, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre défini aux articles 6,7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3,224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du Code pénal, lorsque : 1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ».

La loi du 27 janvier 2017 ajoute également la peine complémentaire de stage de citoyenneté pour les infractions prévues aux articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881.

Elle aggrave au surplus la peine de l’infraction d’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (art. 33 alinéa 3). Antérieurement de 6 mois d’emprisonnement et 22.500 euros d’amende, la peine est désormais de 1 an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.