Alignement de la procédure de règlement amiable des litiges dans le secteur de l’énergie sur la procédure applicable au Médiateur de la consommation

Le décret n° 2017- 1113 du 27 juin 2017 relatif au processus de la médiation dans le secteur de l’énergie, pris en application de l’article L. 122-1 du Code de l’énergie, a pour objet d’adapter le processus de médiation mis en œuvre par le Médiateur national de l’énergie aux dispositions du Code de la consommation relatives à la médiation des litiges de consommation issues de l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Pour mémoire, le Médiateur national de l’énergie « est chargé de recommander des solutions aux litiges entre les personnes physiques ou morales et les entreprises du secteur de l’énergie et de participer à l’information des consommateurs énergie sur leurs droits » (art. L. 122-1 du Code de l’énergie).

Pour sa part, la médiation de la consommation a été instituée en France par l’Ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation dont les modalités pratiques ont été précisées par le décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation et le décret n° 2015-1607 du 7 décembre 2015 relatif aux conditions de désignation des médiateurs d’entreprise. Ces dispositions constituent la transposition de la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Le décret du 27 juin 2017 commenté a ainsi pour objet d’aligner les dispositions plus anciennes du Code de l’énergie sur ces nouvelles dispositions afin d’unifier les dispositifs. Le décret n’emporte cependant que des incidences relativement limitées sur la procédure conduite devant le Médiateur national de l’énergie, les deux procédures étant d’ores et déjà assez proches.

Ainsi, les articles R. 122-1, R. 122-2 et R. 122-3 du Code de l’énergie sont désormais remplacés par un unique article R. 122-1 qui rend applicable les articles R. 612-1 à R. 612-5 du Code de la consommation. Parmi les quelques règles nouvelles, on peut relever les principes suivants :

  • les parties ont la faculté, à leur charge, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation ;
  • chaque partie peut également solliciter l’avis d’un expert, dont les frais sont à sa charge ; en cas de demande conjointe d’expertise, les frais sont partagés entre les parties ;
  • le Médiateur communique, à la demande de l’une des parties, tout ou partie des pièces du dossier ;
  • le Médiateur national de l’énergie peut demander aux parties, en plus de produire leurs observations (ce qui existait déjà), de formuler leur proposition de solution dans le délai qu’il fixe ;
  • le délai maximal dans lequel le Médiateur formule sa recommandation écrite et motivée passe de deux mois (à compter de l’accusé de réception de sa saisine) à quatre-vingt dix jours, éventuellement prolongé en cas de litige complexe.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 30 juin 2017.

Seban & Associés annonce la nomination de trois nouveaux associés et de deux directeurs

SEBAN & ASSOCIES renforce ses équipes en cooptant trois nouveaux associés : Solenne Daucé, Céline Lherminier et Aloïs Ramel. Le Cabinet, leader dans ses secteurs d’activité, compte aujourd’hui 13 associés pour 70 avocats. Ces nominations permettent, dans le contexte de croissance importante du cabinet, d’assurer la pérennité de ses expertises et de renforcer l’accompagnement de ses clients.

Solenne Daucé, associée 

Solenne Daucé avocat chez Seban & AssociésSolenne Daucé, 37 ans, est avocate au Barreau de Paris depuis 2005. Titulaire d’un DEA de droit public interne (Université de Paris II – Assas) et d’un DESS Droits de l’Homme Droit de l’humanitaire (Université de Paris II – Assas), elle est entrée chez Seban & Associés en 2009 où elle est en charge depuis 2011 des secteurs Intercommunalité, Finances locales, Environnement.

En qualité d’associée, elle interviendra en Droit de l’intercommunalité et de la coopération locale, Droit des finances publiques, Droit de l’environnement et Droit du tourisme avec une équipe de 4 avocats. 

 

 

Céline Lherminier, associée 

Céline Lherminier Avocat chez Seban & AssociésJusqu’alors responsable des secteurs Aménagement et Urbanisme de Seban& Associés, Céline Lherminier, 39ans, est avocate au Barreau de Paris depuis 2005. Titulaire d’un DEA Droit de l’environnement (Université Paris I – Sorbonne) et d’un DESS Juriste-Conseil des Collectivités locales  (Université Paris II– Assas) après l’Institut d’Etudes Politiques de Lille, elle rejoint Seban & associés en 2006.

En qualité d’associée, elle interviendra sur toutes les questions liées aux Droits de l’urbanisme, de l’aménagement et au Droit foncier qui se posent aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et à leurs outils, avec une équipe de 6 avocats.

 

Aloïs Ramel, associé

Aloïs Ramel avocat chez Seban & AssociésAloïs Ramel, 37 ans, est avocat depuis 2007 au Barreau de Paris. Jusqu’alors responsable du secteur Vie des acteurs publics, Responsabilité administrative et Transports, il est titulaire d’un DEA de Droit public interne (Université Paris II – Assas), d’un DESS de Juriste territorial (Université Paris II –Assas) et diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

En qualité d’associé, il interviendra dans les domaines du Droit institutionnel, du Droit électoral, de la Responsabilité administrative et des Transports avec une équipe de 4 avocats. 

 

 

Nadia Ben Ayed et Eglantine Enjalbert sont nommées Directeurs dans deux domaines en fort développement. Nadia Ben Ayed aura en charge le secteur de l’Economie sociale et solidaire et de l’Action sanitaire et sociale et Eglantine Enjalbert celui du Logement social.

Avec ces 5 nominations, le Cabinet affirme sa volonté de se structurer pour pérenniser les savoir-faire et favoriser l’implication de toute son équipe dans la poursuite de son développement. Le Cabinet confirme ainsi son effort pour mieux offrir, conformément à sa vocation, un regroupement dynamique de toutes les compétences et la recherche des meilleures pratiques au service des acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire.

« Ces nominations s’inscrivent dans la volonté du Cabinetà la fois de promouvoir les talents de la nouvelle génération d’avocats et de s’appuyer sur les compétences des avocats confirmés, afin qu’ils contribuent au développement de leurs pratiques respectives pour répondre aux besoins de nos clients publics dans un univers juridique en évolution permanente et toujours plus exigeant », souligne Didier Seban, associé gérant et fondateur du Cabinet.

L’ordonnance relative à la propriété des personnes publiques : une réforme attendue mais inachevée

L’ordonnance du 19 avril dernier a introduit dans le droit positif de nouvelles dispositions importantes en droit de la propriété des personnes publiques : certaines sont, il est vrai, très techniques, mais sont importantes en pratique ; d’autres modifient clairement la culture qui imprégnait jusque-là le droit national, mais suscitent maintenant – et c’est logique – bien des questions. L’obligation de principe de procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence préalables à la délivrance des titres d’occupation du domaine public est, de ce point de vue, l’évènement que renferme l’ordonnance.

Il n’est naturellement pas possible de brosser ici le détail de l’ensemble des nouveautés apportées par l’ordonnance du 19 avril 2017 ; mais pour s’en tenir à l’essentiel, il faut distinguer selon que les nouveautés introduites portent sur la cession (I) ou sur la mise à disposition des dépendances du domaine public (II).

I.- Les nouveautés attachées à la cession des dépendances du domaine public

Si la réforme introduit en la matière des dispositifs techniques qui étaient très attendus et qui sont importants en pratique, elle brille toutefois par une absence : l’ordonnance n’introduit pas – comme on pouvait pourtant s’y attendre – un mécanisme de mise en concurrence préalable aux cessions domaniales.

A.– L’absence de procédure de mise en concurrence préalable à la cession

On sait, comme le Conseil d’Etat l’a rappelé récemment, qu’« aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à une personnes morale de droit public autre que l’Etat de faire précéder la vente d’une dépendance de son domaine privé d’une mise en concurrence préalable » (CE, 27 mars 2017, Centre Hospitalier spécialisé de la Savoie, n° 390347). Mais on sait aussi que nombreux sont ceux qui appelaient néanmoins de leur vœu un changement du droit positif sur le sujet, et ce soit au titre de principes constitutionnels sollicités pour l’occasion (bonne gestion des deniers publics, égal accès à la commande publique, égalité devant les charges publiques,…), soit, plus sûrement, en considération du droit européen, conforté récemment encore par une décision de la Cour de justice (14 juillet 2016, Promoimpresa, C-458/14). Et il est du reste de nombreuses juridictions administratives qui se sont inscrites dans ce mouvement en jugeant, au titre de « principes généraux de la commande publique », que certaines cessions domaniales devaient faire l’objet à ce titre d’un minimum de mesures de publicité et de mise en concurrence préalables (CAA Marseille, 25 février 2010, Commune de Rognes, n° 07MA03620).

Et c’est sans doute en considération de ce que le sujet est ainsi dans l’« air du temps » (européen) que la loi d’habilitation du 9 décembre 2016, sur le fondement de laquelle l’ordonnance du 19 avril dernier a été adoptée, invitait le gouvernement à introduire « des règles régissant les transferts de propriété réalisés par les personnes publiques en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession ».

Mais sans succès donc : tandis que les premiers projets d’ordonnance prévoyaient une mise en concurrence des cessions domaniales, le texte final n’en dit rien, sans que l’on sache très bien pourquoi. Certains s’en émeuvent (Terneyre Ph., Noguellou R., « Ordonnances domaniales : encore un effort pour les cessions », AJDA, 2017, p. 1102 et s.).

B.– Les nouveaux dispositifs « techniques »

Cette absence de marque ne doit toutefois pas masquer le reste : l’ordonnance introduit plusieurs dispositifs, certes techniques, mais importants en pratique. Il faut pour l’essentiel retenir deux sujets.

Déjà, l’ordonnance indique que « les biens des personnes publiques qui, avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, ont fait l’objet d’un acte de disposition et qui, à la date de cet acte, n’étaient plus affectés à un service public ou à l’usage direct du public peuvent être déclassés rétroactivement par l’autorité compétente de la personne publique qui a conclu l’acte de disposition en cause, en cas de suppression ou de transformation de cette personne, de la personne venant aux droits de celle-ci ou, en cas de modification dans la répartition des compétences, de la personne nouvellement compétente ».

Le dispositif est en en effet important, puisqu’il est en pratique bon nombre de cessions domaniales qui ont été « mal faites » et qui faisaient donc peser une insécurité juridique forte sur le droit de propriété des acquéreurs actuels. Il est donc maintenant possible d’effacer le vice qui entachait la vente. Le champ d’application du dispositif est du reste très large, et non pas limité – comme on pouvait le craindre au départ – à des cas bien spécifiques. La réforme doit être saluée au-delà par la circonstance que les modalités de « régularisation » des cessions sont, contrairement ici aussi à ce qui avait été envisagé au départ, relativement souples : le texte indique que le « déclassement rétroactif » est tout simplement réalisé par l’autorité administrative qui était compétente au départ pour déclasser la dépendance concernée (le conseil municipal,…), sans autre formalité supplémentaire.

Ensuite, l’ordonnance introduit un dispositif – jusque-là réservé à l’Etat – qui, schématiquement, donne la possibilité à une collectivité territoriale de déclasser et de vendre immédiatement un bien alors même qu’il n’est pas encore désaffecté dans les faits. L’article L. 2141-2 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose en effet désormais que : « par dérogation à l’article L. 2141-1, le déclassement d’un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l’usage direct du public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l’usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l’acte de déclassement ».

 Et dans la continuité de ce dispositif, l’ordonnance insère par ailleurs dans le Code général de la propriété des personnes publiques un article L. 3112-4 selon lequel : « un bien relevant du domaine public peut faire l’objet d’une promesse de vente ou d’attribution d’un droit réel civil dès lors que la désaffectation du bien concerné est décidée par l’autorité administrative compétente et que les nécessités du service public ou de l’usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse ».

Cette ouverture est importante dans la vie des affaires que conduisent les collectivités territoriales, notamment dans le cadre des opérations d’aménagement ou autres opérations immobilières d’importance : la possibilité d’obtenir un engagement ferme de vente de la part d’une collectivité territoriale avant la désaffectation d’un bien immobilier permet aux opérateurs économiques d’apporter dès le départ des garanties aux investisseurs et financeurs du projet, et permet de mobiliser immédiatement du financement pour commencer les études et le façonnement du projet concerné.

II.– La sélection préalable à la mise à disposition des dépendances du domaine public

L’évènement que renferme l’ordonnance du 19 avril dernier porte naturellement sur l’obligation qui pèse maintenant sur les personnes publiques de solliciter une procédure de publicité et de sélection préalable à la délivrance de titres d’occupation du domaine public. Et, bien qu’il existe d’autres dispositions nouvelles qui sont également bienvenues, c’est sur ce sujet qu’il faut s’arrêter. A cet effet, il faut saluer ce nouveau principe de publicité et de mise en concurrence préalable, clairement poussé par le droit européen ; mais il faut aussi immédiatement signaler les importantes questions que son champ d’application suscite déjà.

A.– Le principe d’une compétition préalable à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public

Un nouvel article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques indique que « sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ».

Naturellement, la notion « d’exploitation économique » demeure bien générale, et ne manquera pas de susciter des débats. A lire les nombreuses et assez lâches exceptions portées au principe, on y vient, il y a toutefois sans doute tout lieu de penser que la formule doit être comprise de façon étendue : la mise en concurrence s’imposera dès lors que le titulaire de l’autorisation d’occupation du domaine public pourra produire, en conséquence de l’occupation permise, une activité qui lui assurera des recettes.

Il est toutefois un grand absent dans le principe de mise en concurrence : le texte ne porte que sur les dépendances du domaine public, et ce sans doute en considération de ce que la loi d’habilitation ne portait effectivement son invitation que sur les dépendances du domaine public. Contrairement à ce qu’indique étrangement le rapport du Président de la République, qui accompagne l’ordonnance, le nouveau dispositif ne s’applique donc pas aux dépendances du domaine privé. Beaucoup le regrettent. Et il est vrai que la nature des dépendances (publique ou privée) ne justifie pas (ou pas pleinement) un sort différent sur le terrain de la mise en concurrence. Il restera donc toujours matière à réfléchir directement en considération du droit européen lorsqu’il sera question de la délivrance de titres d’occupation sur le domaine privé (baux emphytéotiques, baux commerciaux,…) : il faudra apprécier si le contrat relève du droit européen, en considération notamment de la jurisprudence Promoimpresa évoquée plus haut.

B.– Le champ d’application du principe

On le disait, il est un grand nombre d’exceptions posées à ce principe étendu de sélection préalable à la délivrance des titres d’occupation privative du domaine public. Sans qu’il soit possible en quelques lignes d’embrasser dans le détail l’ensemble du sujet, il est acquis que les exceptions évoquées, très nombreuses, suscitent fatalement la réflexion.

Certaines se comprennent sans peine et ne devraient pas poser de difficultés d’application. C’est vrai de la disposition qui indique que le principe de mise en concurrence n’est pas applicable « lorsque le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection ». C’est vrai sans doute aussi du cas dans lequel « la délivrance du titre […] s’insère dans une opération donnant lieu à une procédure présentant les mêmes caractéristiques que la procédure » à suivre sinon. Il faut penser également au cas dans lequel « le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente ».

Il est d’autres exceptions au principe de mise en concurrence dont le champ d’application suscitera en revanche bien des débats.

Le texte indique ainsi que l’obligation de procéder à des mesures préalables de publicité et de mise en concurrence n’est pas non plus applicable lorsque « l’organisation de la procédure qu’il prévoit s’avère impossible ou non justifiée ». Voilà deux adjectifs dont on mesure bien qu’ils ne seront pas nécessairement perçus de la même façon par les uns et par les autres. Et ce sentiment est conforté par la liste des exceptions énoncées (de façon non exhaustive) comme étant précisément « des cas » dans lesquels la mise en concurrence est impossible ou injustifiée. Elles le sont plus ou moins. On devrait ainsi rapidement s’accorder sur la portée du cas dans lequel « le titre est délivré à une personne publique dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l’autorité compétente ou à une personne privée sur les activités de laquelle l’autorité compétente est en mesure d’exercer un contrôle étroit », situation qui fait écho à la notion de quasi-régie, propre au droit de la commande publique mais qui présente ici un caractère nettement plus englobant. C’est peut-être également l’avenir de l’exception justifiée par la circonstance qu’« une première procédure de sélection s’est révélée infructueuse ou qu’une publicité suffisante pour permettre la manifestation d’un intérêt pertinent est demeurée sans réponse », exception qui trouve ici aussi une analogie avec le droit de la commande publique.

En revanche, il est des exceptions qui commanderont fatalement aux juridictions administratives d’apporter des précisions à l’avenir. Le texte indique ainsi que la mise en concurrence n’est pas applicable « lorsque l’urgence le justifie », sachant que la « durée du titre ne peut alors excéder un an ». La mise en concurrence n’est pas autrement possible « lorsque des impératifs tenant à l’exercice de l’autorité publique ou à des considérations de sécurité publique le justifient ». Au-delà et surtout, l’ordonnance indique que la mise en concurrence peut ne pas être justifiée ou être impossible « lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d’occupation ou d’utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l’exercice de l’activité économique projetée ». Et cette exception, nettement moins large qu’il n’y paraît, doit être distinguée de celle dans laquelle « une seule personne est en droit d’occuper la dépendance du domaine public en cause ».

L’évènement que porte l’ordonnance du 19 avril dernier – la mise en concurrence des titres d’occupation du domaine public – est salutaire parce qu’il neutralise pour une part l’insécurité juridique dans laquelle se trouvaient les personnes publiques lorsqu’elles concluaient des conventions d’occupation du domaine ; conventions dont elles ne savaient pas trop si elles devaient être précédées d’une procédure de mise en concurrence, au titre du droit national, sinon du droit européen. Mais, comme il advient de tout grand chamboulement dans l’ordonnancement juridique sinon culturel, l’évènement suscite donc lui-même de nouvelles questions et, d’un certain point de vue, introduit fatalement une nouvelle insécurité juridique. Il n’y a toutefois pas matière à reproche, à tout le moins si l’on veut bien croire que c’est toujours de cette façon que le droit avance, et que cette insécurité nouvelle n’est que passagère.  

Alexandre VANDEPOORTER, Avocat associé

Le droit de suivi de l’entrepreneur en cas de résiliation du marché à ses frais et risques

Dans le cadre d’un marché de travaux portant réalisation d’une digue, une commune a, d’une part, prononcé la résiliation du marché aux torts de l’entrepreneur principal se fondant sur des malfaçons et retards d’exécution et, d’autre part, conclu un marché de substitution.

L’entrepreneur dont le marché a été résilié a saisi le Tribunal administratif de Nice, et ensuite la Cour administrative d’appel de Marseille, afin d’obtenir l’annulation du marché de substitution et du décompte général notifié par le maître d’ouvrage, ainsi qu’un droit de suivi sur les opérations exécutées par le nouvel entrepreneur. Les demandes étant rejetées, c’est sur ce dernier point qu’un pourvoi a été formé devant le Conseil d’Etat.

Se fondant sur les articles 49.5 et 46 du CCAG Travaux, le Conseil d’Etat a considéré que « l’entrepreneur dont le marché est résilié à ses frais et risques doit être mis à même d’user du droit de suivre les opérations exécutées par un nouvel entrepreneur dans le cadre d’un marché de substitution » et ce afin de pouvoir « veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d’ouvrage en raison de l’achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge ». Toutefois, le Conseil d’Etat souligne également que « lorsque l’entrepreneur dont le marché est résilié n’a pas exécuté les mesures de conservation et de sécurité prescrites par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées par les stipulations de l’article 46 du CCAG Travaux, mesures qui peuvent comprendre la démolition des ouvrages réalisés et qui sont elles aussi à la charge de l’entrepreneur, ce dernier [ne dispose pas] du droit de suivre l’exécution d’office de ces mesures ».

En l’espèce, l’entrepreneur, qui n’a pas exécuté les mesures conservatoires et de sécurité exigées, ne pouvait donc pas bénéficier d’un droit de suivre l’exécution de telles mesures.  

L’intérêt supérieur de l’enfant : une considération primordiale des décisions des départements rappelée par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a affirmé que les départements étaient tenus de verser une allocation au tiers digne de confiance auquel le Juge des enfants a confié un mineur au titre de l’assistance éducative, même si les arrêtés qui devaient en fixer le mode de calcul prévus à l’article R. 228-3 du Code de l’action sociale et des familles n’ont pas été publiés.

L’article L. 228-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que le département prend à sa charge financièrement au titre de l’aide sociale à l’enfance les dépenses d’entretien d’éducation et de conduite de chaque mineur confié au titre de l’assistance éducative ou de la sauvegarde de justice. L’article R. 228-3 du CASF précise que les frais d’entretien des mineurs confiés par un Juge au titre de l’assistance éducative sont remboursés aux particuliers sur la base d’un prix de pension mensuel auquel s’ajoute une indemnité d’entretien et de surveillance lorsque le mineur est placé dans une famille, se trouve en apprentissage ou poursuit ses études et d’une indemnité de surveillance et, éventuellement, d’entretien lorsque le mineur est salarié, « des arrêtés déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés les prix de pension et les indemnités ainsi que les modalités de calcul des frais de transfèrement des mineurs ci-dessus mentionnés ».

Au cas d’espèce, le Président du conseil départemental de Mayotte a rejeté la demande de versement des indemnités précitées d’un tiers digne de confiance auquel un enfant mineur a été confié par l’autorité judiciaire, au motif que le conseil départemental n’avait pas encore fixé le montant ni les modalités de versement d’une telle indemnité.

Le Conseil d’Etat a estimé que le Président du conseil départemental ne pouvait légalement se fonder, pour refuser de verser au tiers digne de confiance l’allocation qui lui était légalement due en cette qualité, sur la circonstance que le département n’avait pas encore, en méconnaissance de la loi, fixé le montant et les modalités de versement de cette allocation.

Il est patent de souligner que le Conseil d’Etat a fondé sa décision sur la nécessité de préserver  l’intérêt supérieur de l’enfant, dont l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant prévoit que : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Le Conseil d’Etat précise également que si les arrêtés prévus par le dernier alinéa de l’article R. 228-3 du Code de l’action sociale et des familles n’ont pas été adoptés, les dispositions combinées de cet article et de l’article L. 228-3 du même Code sont suffisamment précises pour permettre aux conseils départementaux d’adopter les règles fixant le montant et les modalités de versement du  prix de pension mensuel et de l’indemnité d’entretien et de surveillance dus aux particuliers auxquels l’autorité judiciaire confie un enfant mineur.

Aussi, en s’abstenant d’adopter ces règles dans un délai raisonnable le département de Mayotte a ainsi méconnu tant les dispositions précitées du CASF, une telle décision révélant par ailleurs une inexacte appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Projet de loi « pour la confiance dans notre vie démocratique » présenté le mercredi 14 juin 2017 en Conseil des ministres : plusieurs propositions applicables aux élus locaux

Mercredi 14 juin 2017, le Garde des Sceaux, François Bayrou, a présenté son projet de loi  intitulé « pour la confiance dans notre vie démocratique » et articulé autour d’une révision constitutionnelle, d’une loi ordinaire et d’une loi organique.

Selon les premières déclarations de l’exécutif, cette réforme, parmi les premières que l’Assemblée nationale nouvellement constituée aura à connaître, intègre plusieurs mesures de nature à intéresser plus ou moins directement les élus locaux.

Plus précisément, il est envisagé à ce stade :

– l’interdiction pour les élus de cumuler plus de trois mandats identiques successifs – à noter toutefois que cette limitation ne devrait pas concerner le mandat de conseiller local non membre d’un exécutif et les mandats exercés au sein de « petites » communes ;

–   l’interdiction pour les Ministres d’exercer a minima la présidence d’un exécutif local, voire plus largement toute fonction exécutive locale (des informations divergentes  ont été communiquées) ;

–  la fin des « collaborateurs familiaux » pour les titulaires de fonctions exécutives locales ;

–  la création d’une peine d’inéligibilité de dix ans maximum pour les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation pénale pour des délits et des crimes portant atteinte à la probité (corruption, trafic d’influence, ou encore prise illégale d’intérêts par exemple) ;

–  la création d’un « fonds d’action pour les territoires et les projets d’intérêt général » en lieu et place de la Réserve parlementaire, qui serait supprimée.

Cette réforme a vocation à être débattue et amendée dans les semaines à venir. Un état régulier de son évolution sera effectué au sein de la Lettre d’actualité juridique du Cabinet.

Prestation de compensation du handicap (PCH) : clarification des prérogatives du département et de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) dans l’attribution de la PCH

Par une décision en date du 19 mai 2017, le Conseil d’Etat est venue rappeler qu’une décision de la CDAPH accordant la prestation de compensation du handicap ne vaut pas décision d’attribution de l’aide, celle-ci relevant de la seule compétence du Président du Conseil départemental.

En l’espèce, Mme B. a demandé au Juge des référés d’ordonner au département des            Alpes-Maritimes de lui verser les sommes dues au titre de la PCH sur une demande qui avait été accordée par la CDAPH. A la suite de l’intervention de la décision de la CDAPH, le Département a, dans le cadre de l’instruction du dossier en vue de la liquidation de la prestation, demandé à l’intéressée de produire un avis d’imposition ou de non-imposition sur le revenu, sans que cette dernière n’ait répondu à cette demande.

Le Juge de première instance a enjoint au Département de procéder au versement de la prestation de compensation en estimant que, dès lors que la prestation est accordée par la CDAPH, il incombe nécessairement au département du domicile du demandeur de la verser à ce dernier.

Toutefois, le Conseil d’Etat a estimé qu’en adoptant une telle position, alors même qu’une contestation sérieuse sur les conditions d’ouverture du droit à la prestation était soulevée, était entachée d’une erreur de droit. A cet effet, le Conseil d’Etat est venu préciser que si la prestation de compensation est accordée par la CDAPH, compétente pour apprécier sur les besoins de compensation de l’adulte handicapé en justifient l’attribution, elle est servie par le département où le demandeur a son domicile de secours ou, à défaut, où il réside. En vertu de l’article 241-8 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), les décisions du département chargé du paiement de la prestation sont prises conformément à la décision de la CDAPH sous réserve que soient remplies les conditions d’ouverture du droit aux prestations.

Dès lors, la décision favorable de la CDAPH ne vaut pas décision d’attribution de la PCH qui doit nécessairement faire l’objet d’une instruction des services du département afin de rechercher si les conditions d’attributions notamment au regard du lieu de résidence ou des revenus sont remplies.

Il incombe ainsi au département de vérifier que les conditions administratives d’octroi de la prestation sont réunies et de déduire, le cas échéant, du montant de la PCH le montant e la prestation de sécurité sociale ayant le même objet et de définir le taux de prise en charge selon la situation financière de la personne handicapée.

Le Conseil d’Etat précise également que le silence gardé par le département à la suite de la CDAPH ou après la réception des pièces qu’il aurait demandé fait naître une décision implicite de rejet de la prestation.

 

Valeur probatoire de la notice descriptive de travaux en matière de VEFA

En l’espèce, un promoteur avait livré une maison à des acquéreurs dont les façades n’étaient pas de la couleur attendue.

Les acquéreurs ont alors assigné le promoteur en indemnisation du coût de la mise en conformité des briques. Ils ont obtenu gain de cause en première instance mais leur demande a été rejetée en appel, puis en cassation au motif que la couleur de la façade n’a jamais été contractuellement prévue.

Les acquéreurs rappelaient, à l’appui de leur pourvoi, les dispositions des articles L. 261-11 et R. 261-13 du Code de la construction et de l’habitation donnant valeur contractuelle à la notice descriptive des travaux ainsi qu’à tout document déposé chez le notaire auquel l’acte de vente fait référence, dont le permis de construire qui prévoyait une couleur de façade différente de celle appliquée. Le vendeur s’était également expressément engagé à respecter cette couleur dans l’acte de vente et cette exigence avait été reprise sur les documents publicitaires, dans la notice descriptive sommaire transmise aux acquéreurs avant conclusion du contrat de réservation, ainsi que dans le dossier de consultation des entreprises. A l’inverse, la notice descriptive des travaux annexée à l’acte de vente définitif ne stipulait pas de couleur particulière.

Cette argumentation a été rejetée par la Cour de cassation qui se fonde exclusivement sur la notice descriptive annexée au contrat de vente qui imposait seulement à l’architecte la pose de murs en brique. En outre, les acquéreurs avaient été informés par le vendeur des modifications qui avaient été apportées aux plans et notices descriptives depuis la signature du contrat préliminaire.

Ainsi, par cet arrêt, il apparait que la notice descriptive des travaux prime sur les autres documents contractuels permettant d’apprécier l’obligation de délivrance du vendeur et ce, au détriment d’autres documents tels que le permis de construire.

Cette prépondérance de la notice descriptive des travaux peut s’expliquer par la nécessité de faire primer le contrat de vente final et ses annexes en cas de contrariété de contenu des nombreux documents contractuels d’une VEFA.

La Cour de cassation avait ainsi pu retenir que l’indication de la surface habitable approximative dans le contrat de réservation était valide dans la mesure où le document indiquant une surface habitable supérieure n’avait pas été annexé au contrat ni signé. L’acquéreur n’était donc pas fondé, dans ce cas, à refuser de verser le solde du prix (Cass. civ.,3ème, 8 juin 2005, n° 04-11.797).

Pour autant, faire primer la notice descriptive des travaux sur le permis de construire pourrait être source de contentieux entre les acquéreurs en VEFA et l’Administration dans le cas où le bien construit ne répondrait pas aux mentions du permis de construire.

Mai 2018 : Entrée en vigueur du Règlement européen RGPD

A moins d’un an de l’entrée en vigueur du Règlement européen sur le traitement des données personnelles, les administrations commencent à s’organiser dans les territoires expérimentaux désignés.

Il s’agit d’une révolution dans le processus puisque l’on passe du régime de la déclaration vers l’obligation de rendre le traitement des données à caractère personnel conforme au Règlement.

Rappelons que selon la Loi Informatiques et Libertés (LIL), une donnée à caractère personnel est définie comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou pouvant être identifiée, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite « Loi Lemaire », a renforcé les sanctions financières de la CNIL, qui peuvent aller jusqu’à 3 millions d’euros et a prévu de nouvelles informations dans les mentions d’information, telles que la durée de conservation des données personnelles et la possibilité d’organiser le sort de ces données après la mort.

De surcroît, la Loi Lemaire a instauré le principe selon lequel tout document administratif est publiable, sauf dans certains cas, mais pose l’interdiction de publication de documents portant atteinte à la vie privée ou comportant des données personnelles, sauf dans des conditions très strictes (accord des personnes intéressées, disposition législatives expresses, anonymisation des données).

Le Règlement européen, qui entrera en vigueur le 25 mai 2018, prévoit un niveau de sanction encore plus élevé en cas de non-conformité.

Il instaure un système de responsabilisation et de transparence des administrations, qui suppose la prise en compte du traitement de la donnée dès le début de la mise en place d’un service ou d’un produit. L’information des personnes concernées par les données collectées est renforcée, de nouveaux droits apparaissent, comme le droit à la limitation du traitement ou à la portabilité des données.

Les actions doivent donc être engagées dès aujourd’hui pour recenser les applications contenant des données à caractère personnel, mettre en place les mécanismes de sécurité et de protection et procéder à la vérification de la conformité au Règlement.

Le Conseil Constitutionnel censure les dispositions relatives à la durée des émissions diffusées par les partis politiques lors des élections législatives

Sur renvoi du Conseil d’Etat saisi en référé par l’association « En marche ! », le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 167-1 du Code électoral, et, plus précisément, de ses paragraphes II et III.

Ces dispositions fixent les conditions d’accès, pour les partis et groupements politiques, aux antennes du service public de radiodiffusion et de télévision dans le cadre de la campagne officielle en vue des élections législatives. 

Deux situations sont distinguées, selon que les partis ou groupements politiques sont représentés ou non par des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale.

Les premiers (relevant du II de l’article L. 167-1 du Code électoral) bénéficient d’une durée totale d’émission de trois heures au premier tour et d’une heure trente au second tour du scrutin, lesquelles sont réparties en deux séries égales entre les partis et groupements qui appartiennent à la majorité et ceux qui ne lui appartiennent pas. 

Les seconds (relevant du III de l’article L. 167-1 du Code électoral) peuvent, à leur demande, bénéficier d’une durée d’émission de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second tour du scrutin.

C’est cette différence de traitement qui était critiquée par l’association requérante.

Le Conseil Constitutionnel, qui rappelle qu’il est loisible au législateur « d’arrêter des modalités tendant à favoriser l’expression des principales opinions qui animent la vie démocratique de la Nation et de poursuivre ainsi l’objectif d’intérêt général de clarté du débat électoral », c’est-à-dire de réserver un temps d’antenne spécifique aux partis et groupements représentés à l’Assemblée nationale à renouveler, précise par ailleurs que les partis et groupements politiques non représentés à l’Assemblée nationale doivent bénéficier d’un « accès aux antennes du service public de nature à assurer leur participation équitable à la vie démocratique de la Nation et à garantir le pluralisme des courants d’idées et d’opinions ».

En l’espèce, compte tenu de l’écart entre la durée d’émission sur les antennes du service public pour les partis ou groupements politiques représentés à l’Assemblée nationale et ceux non représentés, et de la circonstance que, pour les seconds, « les durées d’émission sont fixées de manière identique, sans distinction selon l’importance des courants d’idées ou d’opinions qu’ils représentent », les Sages soulignent que le temps d’émission dont ils peuvent bénéficier peut être significativement inférieur à celui prévu pour les premiers et ainsi « ne pas refléter leur représentativité ».

Considérant que les dispositions contestées peuvent conduire à l’octroi d’un temps d’antenne manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation de ces partis et groupements politiques, le Conseil constitutionnel censure les paragraphes II et III de l’article L. 167-1 du Code électoral au titre de la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l’article 4 de la Constitution (prévoyant que la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation) et d’une atteinte disproportionnée à l’égalité devant le suffrage.

Usant de la faculté prévue à l’article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel reporte l’abrogation de ces dispositions au 30 juin 2018.

Toutefois, et afin, selon les propres termes de la décision, de « faire cesser l’inconstitutionnalité constatée » en vue des législatives des 11 et 18 juin 2017, les Sages ont prévu un mécanisme correctif transitoire.

Ainsi, en cas de disproportion manifeste entre le temps d’émission accordé à un parti ou groupement relevant du III de l’article L. 167-1 du Code électoral et celui accordé aux partis et groupements relevant du II du même article, un parti relevant de cette première catégorie peut bénéficier, au regard de sa représentativité, d’un temps d’antenne supérieur aux sept et cinq minutes prévues par la loi, dans la limite du quintuple de ces durées respectives.

L’Autorité de la concurrence rejette la plainte déposée par la société Transdev Group à l’encontre du groupe SNCF s’agissant de pratiques mises en œuvre sur le marché du transport interurbain par autocar

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron », a libéralisé les services de transport routier par autocar. Cette liberté est totale lorsque la liaison est supérieure à 100 kilomètres, une limitation ou une interdiction par une autorité organisatrice de transport (AOT) étant possible, pour les liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, après avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) dès lors qu’ils « portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre économique »  de la ou des ligne(s) de transport conventionnée(s) ou du contrat d’exploitation du service afférent (article L. 3111-18 du Code des transports).

Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, l’ARAFER a été saisie de nombreux projets de limitation ou d’interdiction de services libéralisés par les régions, AOT pour les services de transports collectifs régionaux de personnes (article L. 2121-4 du Code des transports). Le Conseil d’Etat a récemment rendu ses premières décisions dans des contentieux initiés par les AOT à l’encontre d’avis défavorables ou partiellement favorables rendus par l’ARAFER (voir la LAJ du mois d’avril 2017).

C’est ici un contentieux entre opérateurs intervenant sur ce nouveau marché libéralisé qui est survenu, sur lequel avait à se prononcer l’Autorité de la concurrence.

La société Transdev Group a en effet saisi l’Autorité d’une plainte à l’encontre du groupe SNCF s’agissant de pratiques mises en œuvre sur le marché du transport interurbain par autocar (utilisation abusive des moyens tirés du monopole sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs, subventions croisées, tarifs de prédation ou d’éviction, couplage d’offres…), la requérante soutenant qu’elles visent à renforcer la position concurrentielle de sa filiale Ouibus sur ledit marché, et, ainsi, à en évincer les concurrents, via l’utilisation de moyens dont le groupe bénéficie en raison de sa situation de monopole sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs. En complément de sa plainte, la requérante a également sollicité le prononcé de mesures conservatoires visant à faire cesser immédiatement ces comportements.

S’agissant du subventionnement « massif et durable » de Ouibus par la SNCF, l’Autorité rappelle que le simple constat d’un subventionnement croisé n’est pas suffisant pour caractériser une pratique anticoncurrentielle « si aucune pratique commerciale anormale n’est établie ». Elle considère que la saisine de la requérante sur ce point ne repose sur aucun élément sérieux.

S’agissant des pratiques tarifaires et commerciales de Ouibus, l’Autorité retient qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que les prix pratiqués sont fixés « dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un ou des concurrents ni qu’ils sont susceptibles de provoquer des effets, potentiels ou réels, d’éviction ». De plus, selon elle, « l’agressivité tarifaire de Ouibus n’est pas établie, ni les prétendus comportements commerciaux relatifs aux surcapacités mises en place ou aux investissements marketing ».

Elle précise néanmoins qu’une telle conclusion ne préjuge pas d’une analyse ultérieure qu’elle pourrait faire s’il s’avérait que Ouibus « enregistrait des pertes sans perspectives raisonnables de retour à l’équilibre ou si de nouveaux éléments relatifs à son comportement sur le marché étaient portés à la connaissance de l’Autorité ».

S’agissant des pratiques de couplage dénoncées (bon d’achat de 10 euros  par an à valoir sur un trajet Ouibus pour l’achat d’une carte jeune SNCF), l’Autorité considère qu’elles ne sont pas appuyées d’éléments probants suffisants et rejette encore la saisine de Transdev sur ce point.

Enfin, s’agissant de l’utilisation des moyens matériels et immatériels (image de marque, logo, notoriété…) de la SNCF par Ouibus, elle considère qu’il n’est pas établi à ce stade que celle-ci serait abusive.

Au final, considérant que la saisine de la société Transdev Group est dénuée d’éléments probants, l’Autorité de la concurrence rejette l’ensemble de ses demandes.

Elle ajoute néanmoins que cette conclusion ne préjuge pas de l’analyse qu’elle pourrait faire si de nouveaux éléments relatifs au comportement du groupe SNCF vis-à-vis de Ouibus étaient portés à sa connaissance.

Détournement de fonds par une personne chargée d’une mission de service public

Condamné par la Cour d’appel pour le détournement d’une somme de 1.153.719 euros issue des comptes de ses clients, le directeur d’une agence de La Banque Postale a formé un pourvoi en cassation pour contester plusieurs points de l’arrêt rendu.

Parmi les moyens soulevés, deux font l’objet de précisions intéressantes apportées par la Chambre criminelle : la première s’agissant de la prescription de l’action publique des infractions dissimulées (I), la seconde relative à la notion de personne chargée d’une mission de service public (II).

  • Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler les règles d’application dans le temps de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

En l’espèce, la Cour d’appel, avait rejeté l’exception de prescription soulevée par le prévenu qui faisait valoir que la dissimulation du détournement n’était pas caractérisée. Les Juges avaient au contraire considéré que le directeur de l’agence avait usé de manœuvres pour dissimuler les détournements aux yeux de ses clients et de la banque. De ce fait, le délai de prescription ne devait commencer à courir que du jour où l’infraction était apparue et avait pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

Cette exception jurisprudentielle de report du point de départ du délai de prescription pour les infractions dissimulées a été codifiée par la loi du 27 février 2017 qui a créé un article 9-1 dans le Code de procédure pénale. Le législateur a toutefois précisé que le délai de prescription ne pouvait excéder douze années révolues pour les délits. Mais cette loi a également prévu un encadrement strict de son application dans le temps. Son article 4 précise ainsi que « la présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise ». 

La Chambre criminelle écarte ici le moyen avancé au soutien du pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. Etonnamment, alors même que le moyen n’en faisait pas état, elle rappelle la règle posée par l’article 4 de la loi du 27 février 2017 et semble en conclure que l’infraction dissimulée de détournement visée pour des faits commis à partir de 2002 n’aurait, en tout état de cause, pas pu se retrouver prescrite par application des nouvelles dispositions du Code de procédure pénale.

  • Le deuxième moyen soulevé permet à la Cour de cassation de préciser la notion de personne chargée d’une mission de service public telle que visée à l’article 432-15 du Code pénal incriminant « le fait, par une personne […] chargée d’une mission de service public […] de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ».

Le directeur d’agence de La Banque Postale contestait le fait d’avoir eu la qualité de personne chargée d’une mission de service public au cours de la période des faits reprochés. Il faisait valoir qu’il avait été salarié de l’établissement bancaire La Banque Postale, société anonyme, exerçant classiquement le métier de banquier et que les fonds concernés n’étaient pas publics. Il soutenait par ailleurs que La Banque Postale n’exerçait pas de mission de service public, l’accessibilité bancaire étant une obligation générale pesant sur toutes les banques.

La Chambre criminelle écarte ces arguments et confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a exactement reconnu au directeur d’agence de La Banque Postale la qualité de personne chargée d’une mission de service public en retenant qu’il a été embauché en qualité de fonctionnaire au sein de l’établissement public La Poste, que son statut n’a pas été modifié lors de la création de La Banque Postale et qu’il était agent d’encadrement des personnes en poste au sein de l’agence qu’il gérait en veillant à l’accomplissement de la mission de service public d’accessibilité bancaire définie par la loi. Elle précise enfin que la Cour d’appel n’avait pas à établir que les détournements avaient été commis à l’occasion de l’exécution de la mission d’accessibilité bancaire dont le directeur était investi.

L’exercice du droit de préemption par une SEM doit être systématiquement soumis au contrôle de légalité, peu important la qualification de mandat

Dans un arrêt en date du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat a précisé la lecture à donner aux articles L. 2131-2 -8°, L. 3131-2, 7° et L.4141-2, 6° du Code général des collectivités territoriales selon lesquels, doivent être soumises au contrôle de légalité les « décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les sociétés d’économie mixte locales pour le compte » d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale, d’un département ou d’une institution interdépartementale, d’une région ou d’un établissement public de coopération interrégionale.

La lecture stricte qu’en avait faite la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 22 décembre 2015, n° 14NT01840) conditionnait le contrôle de légalité des actes des SEM à deux critères cumulatifs : l’existence d’une décision relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique d’une part, prise dans le cadre d’un mandat, d’autre part.

Le Conseil d’Etat écarte néanmoins cette lecture littérale des textes en considérant que : « […] en retenant, pour juger que la décision de préemption litigieuse n’avait pas à être transmise au représentant de l’Etat en application de ces dispositions, que la SONADEV ne pouvait être regardée comme ayant exercé le droit de préemption ni pour le compte de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire ni pour celui de la commune de Saint-André-des-Eaux, au motif que la concession d’aménagement conclue le 27 octobre 2009 n’avait pas le caractère d’un mandat donné par la personne publique à l’aménageur, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit. »

Le Conseil d’Etat précise ainsi clairement que, dès lors qu’une SEM exerce un droit de préemption, cette décision devra être soumise au contrôle de légalité.

La CJUE se prononce sur la portée de l’exonération de TVA des services rendus par un groupement de moyens à ses membres, notamment en ce qui concerne les services rendus au titre des frais généraux des membres

Dans un arrêt en date du 4 mai 2017 (aff. 274/15), la CJUE a apporté des précisions sur l’interprétation des dispositions de l’article 132-1 f de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2016 lequel prévoit la possibilité pour les états membres d’exonérer les services rendus à leurs membres par les groupements autonomes de personnes sous certaines conditions.

Ces dispositions ont été transposées en droit interne à l’article 261 B du Code général des impôts (CGI) aux termes duquel, « les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la TVA ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, sont exonérés de cette taxe à la condition qu’ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes » .

Dans l’arrêt du 4 mai 2017 rendu dans l’affaire opposant la Commission au Luxembourg (aff. 274/15), trois griefs étaient formulés à l’encontre de la législation luxembourgeoise :

  • l’exonération des services rendu par un groupement au bénéfice de ses membres, y compris lorsque ces services sont utilisés pour les opérations taxées desdits membres dont le chiffre d’affaires annuel soumis à TVA n’excède pas 30 % (voire 45 % dans certains cas) de leur chiffre d’affaires total hors taxe. Rappelons qu’en France, l’administration fixe le plafond d’opérations imposables à 20 % du chiffre d’affaires des membres du groupement et soumet le maintien de l’exonération des prestations rendues par le groupement à l’exclusion du/des membres dont le chiffre d’affaires taxable dépasse le plafond au 1er janvier de l’année suivante (cf. BOI-TVA-CHAMP-30-10-40)
  • la possibilité pour les membres exerçant une activité au moins en partie soumise à la TVA de récupérer celle supportée par le groupement pour les besoins des services rendus à ses membres ;
  • et, enfin, la non-imposition à la TVA des services rendus par les membres au groupement pour les besoins des services communs.

Sur le premier grief, la CJUE a rappelé au point 51 qu’il résultait du libellé de l’article 132,1-f  que « cette disposition ne prévoit pas d’exonération pour des prestations de services qui ne sont pas directement nécessaires à l’exercice des activités exonérées des membres du Groupement Autonome de Personnes ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti ». Elle a également relevé que « Contrairement à ce que fait valoir le Grand-Duché de Luxembourg, cette interprétation de l’article 132, 1-f de la directive 2006/112 n’a pas pour conséquence de priver d’effet l’exonération prévue par cette disposition. En particulier, l’application de cette exonération ne se limite pas aux groupements dont les membres exercent exclusivement une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti. Ainsi, les services rendus par un GAP dont les membres exercent également des activités imposables peuvent bénéficier de cette exonération, mais seulement dans la mesure où ces services sont directement nécessaires pour les activités exonérées desdits membres ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti » (point 53). Puis elle ajoute que « le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas démontré que cette exigence rendrait l’exonération visée à l’article 132, 1-f de la directive 2006/112 quasi inapplicable dans la pratique. D’une part, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 42 de ses conclusions, les services fournis par un GAP à ses membres ne sont pas nécessairement rattachables à leurs frais généraux et à l’ensemble de leurs activités. D’autre part, le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas démontré pour quelle raison, le cas échéant, il serait excessivement difficile pour le GAP de facturer ses services hors TVA, en fonction de la part qu’occupent dans l’ensemble des activités de ses membres les activités exonérées de cette taxe ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti » (point 54).

Ce faisant, la CJUE a consacré le fait que l’exonération de TVA prévue à l’article 132-1 f est uniquement liée à l’utilisation par ses membres, exclusive ou non, des services rendus par le GIE, pour les besoins de leurs activités exonérées.

La Cour a ainsi admis la possibilité d’une ventilation des services analysés comme des frais généraux et facturés par le groupement à la fois pour les besoins des activités exonérées et imposables de ses membres, ce qui est exclu pas la législation française.

Sur le second grief la Cour après avoir rappelé que le Groupement étant autonome et effectuant des prestations de services de façon indépendante au sens de l’article 9 de la directive 2006/112 a décidé que les membres d’un groupement ne peuvent procéder à la déduction de la TVA afférentes aux dépenses engagées pour les besoins des services qui leur sont facturés en exonération de TVA.

Sur le troisième grief, la Cour a jugé que l’affectation au groupement par l’un de ses membres de dépenses engagées par ce membre en son nom mais pour le compte du groupement est une opération qui relève du champ d’application de la TVA imposable à ce titre.

Le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier librement cessible, lequel ne peut être soumis à l’agrément du bailleur

CA Versailles, 4ème chambre, 6 février 2017, n° 15/00102

Les consorts B, copropriétaires indivis d’un terrain, ont donné celui-ci à bail à construction à la SCI La Navas de Tolosa pour une durée de 20 ans.

La société preneuse s’est obligée à édifier sur le terrain loué un centre équestre et y a exploité une activité de manège de chevaux jusqu’au 31 décembre 2009.

Puis, elle a consenti à la société Shetland un bail commercial portant sur les installations aménagées sur le terrain loué.

Considérant que ce bail commercial avait été conclu au mépris des stipulations du bail à construction, les bailleurs ont assigné les preneurs en résiliation du bail à construction.

Le Tribunal de grande instance a prononcé la résiliation du bail à construction et ordonné l’expulsion de la SCI Las Navas de Tolosa, laquelle a interjeté appel de cette décision.

La Cour d’appel, pour infirmer le jugement déféré, rappelle dans son arrêt que le bail à construction confère au preneur, tant sur le bien loué que sur les constructions y édifiées, un droit réel immobilier librement cessible.

Le preneur peut ainsi céder à bail, et en particulier à bail commercial, pour la durée du bail à construction.

La Cour d’appel a donc jugé que la clause du bail à construction, qui était en contradiction avec la liberté de cession reconnue au preneur, s’analysait en une clause d’agrément.

Les bailleurs ne pouvaient donc se prévaloir d’une clause leur réservant le droit de renégocier le contrat de bail à construction en cas de cession par les preneurs de tout ou partie de leurs droits.

En effet, les dispositions conférant au preneur d’un bail à construction un droit réel immobilier librement cessible sont d’ordre public, ce qui interdit au bailleur de soumettre une telle cession à son agrément.

C’est ainsi que, s’inscrivant dans la continuité de la jurisprudence rendue en la matière, la Cour d’appel conclut que « le bail à construction confère au preneur, ainsi que précédemment rappelé, un droit réel immobilier ; il en découle que la clause qui soumet la cession à l’agrément du bailleur constitue une restriction au droit de céder du preneur, contraire à la liberté de cession et, comme telle, nulle et de nul effet ».

Les conséquences du droit à réintégration en cas de licenciement nul

Par un arrêt en date du 11 mai 2017 (Cass., Soc., 11 mai 2017, FS-P+B, n° 15-27.554), la Cour de cassation est venue préciser que si le salarié peut, prétendre à une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dite « période d’éviction » dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass., Soc. 3 juill. 2003, n° 01-44.522), le salarié ne peut solliciter l’octroi des jours de congés payés correspondants à la période d’éviction.

 

Le refus d’homologation de la rupture conventionnelle est un acte administratif pouvant être retiré par son auteur

Par un arrêt en date du 12 mai 2017 (Cass., Soc. 12 mai 2017, n° 15-24.220), la Cour de cassation vient tirer les conséquences de la nature juridique d’une  rupture conventionnelle : s’agissant d’un acte administratif, la DIRECCTE peut revenir sur un refus d’homologation d’une convention de rupture conventionnelle motif pris qu’ « une décision de refus d’homologation d’une convention de rupture conclue en application des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail ne crée de droits acquis ni au profit des parties à la convention, ni au profit des tiers ; qu’une telle décision peut, par suite, être légalement retirée par son auteur ».

Ainsi, une partie peut venir compléter une demande de rupture conventionnelle et ce même si le délai implicite de réponse est expiré.

L’employeur doit être en mesure de remettre des documents complets sur la durée du travail à l’inspection du travail

Par un arrêt en date du 25 avril 2017 (Cass., Crim., 25 avril 2017, n° 16-81.793), la Cour de cassation est venue rappeler que commet le délit d’obstacle à l’accomplissement des devoirs de l’inspection du travail, l’employeur qui ne remet pas les documents permettant de vérifier le temps de travail effectif des salariés et, en cas de documents incomplets, s’abstient de fournir les informations demandées.

Ce délit est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 37.500 euros (article L. 8114-1 du Code du travail).

Ce délit est constitué lorsque l’employeur fournit à l’inspecteur du travail, lors d’un contrôle sur le temps de travail, des renseignements comportant des inexactitudes ou étant incomplets en sorte qu’ils ne permettent pas de vérifier si les heures effectivement travaillées sont conformes aux bulletins de paie (Cass., Crim., 8 nov. 2005, n° 05-81.269).

Ainsi l’employeur doit être particulièrement attentif au suivi et à la conservation des documents afférents au temps de travail.

Droit des concessions – trois décisions du Conseil d’Etat précisent le régime de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession

Par trois décisions en date du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat est venu compléter sa jurisprudence en la matière en rappelant le critère de qualification d’une concession relatif au transfert du risque d’exploitation au délégataire (CE, 24 mai 2017, Société Régal des iles, n° 407213), ainsi que les obligations des acheteurs en matière de hiérarchisation des critères d’attribution des offres (CE, 24 mai 2017, SIVU du limouxin, n° 407264) et enfin la prohibition pour les acheteurs d’exiger la remise d’offres conditionnelles (CE, 24 mai 2017, Commune de Limoux, n° 407431).

Dans sa décision « Régal des iles », la commune de Saint-Benoît avait signé avec la société Dupont Restauration Réunion une convention provisoire pour la gestion du service public de restauration municipale. La société Régal des îles avait saisi le Juge des référés pour obtenir l’annulation du contrat et le Conseil d’Etat a dû, à l’occasion de ce recours, se prononcer sur la qualification du contrat. La convention litigieuse avait pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire.

Les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoyaient que le concessionnaire recevrait, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune, qui couvraient 86 % de la rémunération du cocontractant. Ainsi, le risque économique du cocontractant ne portait, aux termes de la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés.

Or, le Conseil d’Etat considère que ce risque n’était pas substantiel. Il conclut donc que « la part de risque transférée au délégataire n’implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service ; qu’il en résulte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d’un contrat de concession, et donc d’une délégation de service public, mais celui d’un marché public ». Il constate ensuite que la commune ne pouvait conclure un tel marché sans publicité ni mise en concurrence préalable et annule la convention litigieuse.

Dans sa décision « SIVU du Limouxin », le Conseil d’Etat rappelle l’obligation faite aux acheteurs de hiérarchiser les critères d’attribution des offres. Dans l’affaire en cause, le Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de la station d’épuration du Limouxin avait lancé une procédure pour la passation d’une délégation de service public ayant pour objet l’exploitation de l’assainissement collectif. Cependant, le SIVU n’avait pas informé les sociétés soumissionnaires, notamment la société requérante, des modalités de hiérarchisation des critères au cours de la procédure de passation en cause. Le Conseil d’Etat commence par juger que le SIVU ne pouvait pas utilement soutenir que les règles de l’ordonnance concession et du décret concession étaient inapplicables à la procédure de passation aux motifs que la délibération du 29 février 2016 par laquelle son comité syndical s’était prononcé sur le principe de la délégation du service public était intervenu avant l’entrée en vigueur des textes précités dès lors que l’avis de concession relatif à la procédure de passation litigieuse avait été envoyé à la publication à une date postérieure à cette entrée en vigueur. Le Conseil d’Etat rappelle ensuite que « les contrats de concession dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure au seuil européen publié au Journal officiel de la République française, l’autorité concédante est tenue de procéder à une hiérarchisation des critères d’attribution des offres et d’indiquer cette hiérarchie dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation ». Il relève qu’au cas d’espèce, le SIVU n’avait pas communiqué la hiérarchisation des critères d’attribution et qu’une telle « insuffisance d’information sur les critères de sélection des offres est susceptible d’influer sur la présentation des offres et de léser un concurrent admis à présenter une offre et non retenu à l’issue de la procédure, sans que la circonstance que le candidat évincé ait obtenu, sur chacun des critères, une note inférieure à celle de la société attributaire du contrat n’ait d’incidence à cet égard ».

Enfin, dans sa décision « Commune de Limoux », le Conseil d’Etat a précisé les dispositions des articles 46 et 47 de l’ordonnance concession en jugeant qu’il résulte de ces dispositions « qu’une autorité concédante ne peut modifier en cours de procédure les éléments d’appréciation des candidatures ou des offres en remettant en cause les conditions de la mise en concurrence initiale ; qu’elle ne peut non plus, sans méconnaître l’objet de la concession qu’elle entend conclure et l’obligation de sélectionner la meilleure offre au regard de l’avantage économique global que présente pour elle cette offre, demander aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité concédante ou prendre en compte, pour choisir un délégataire, des éléments étrangers à ce contrat ». En l’espèce, la commune de Limoux a, à l’issue des négociations et après avoir demandé aux candidats de lui remettre leur proposition finale, adressé aux candidats, conjointement avec le SIVU de la station d’épuration du Limouxin qui avait lancé dans le même temps une procédure de délégation du service public de l’assainissement, un courrier leur demandant, compte tenu de l’unicité de facturation des services de l’eau potable et de l’assainissement, de remettre une ultime offre financière pour le service de l’eau potable dans l’hypothèse de l’attribution simultanée à un même candidat des deux contrats de délégation de service public de l’eau potable et de l’assainissement. Le Conseil d’Etat décide qu’en procédant de la sorte, la commune de Limoux a demandé aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité concédante, portant sur la délégation d’un service public dont tant l’objet que le périmètre géographique étaient différents du service public en cause. En conséquence, le Conseil d’Etat conclut que le Juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la commune avait, ce faisant, fondé son appréciation de l’avantage économique global que présentaient les offres sur des éléments étrangers au service public concédé et sans lien avec cet avantage économique global et méconnu les règles qu’elle avait elle-même fixées en vue de l’attribution du contrat de délégation du service public de l’eau potable.


 

Les conséquences pour l’agent d’un rejet de sa demande d’annulation d’une décision préalablement suspendue par le Juge des référés

A la suite de sa révocation, un agent d’une Chambre de commerce et d’industrie (CCI) a obtenu du Juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, qu’il suspende l’exécution de cette décision, ce qui a permis qu’il bénéficie de nouveau du versement de sa rémunération, et ce jusqu’à son départ à la retraite.

Est finalement intervenue la décision du Juge du fond, laquelle a rejeté la requête dirigée contre la décision de révocation, considérée comme régulière.

C’est ainsi que la Chambre de commerce, pour tenir compte de la légalité de sa décision telle que finalement retenue par le Juge administratif, a entrepris de recouvrer, d’une part, les rémunérations versées à la suite de l’intervention de l’ordonnance du Juge des référés et, d’autre part, l’indemnité de départ à la retraite perçue par l’agent au titre des dispositions particulières applicables aux agents des CCI.

Saisi à la suite d’un recours de l’agent contre les décisions de recouvrement, le Conseil d’Etat a confirmé que la légalité de la décision de révocation permettait à la CCI de recouvrer l’indemnité de départ à la retraite. En revanche il a précisé que si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du Juge des référés n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l’article L. 11 du Code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l’autorité qui s’attache aux décisions de justice, obligatoires. Dès lors, l’intéressé était en principe en droit de percevoir la rémunération correspondant à ses fonctions jusqu’à ce que la mesure ordonnée en référé cesse de produire effet, sauf évidemment absence de service fait.