le 14/06/2017

L’Autorité de la concurrence rejette la plainte déposée par la société Transdev Group à l’encontre du groupe SNCF s’agissant de pratiques mises en œuvre sur le marché du transport interurbain par autocar

Autorité de la concurrence – Décision n° 17-D-08 du 1er juin 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport de voyageurs

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi « Macron », a libéralisé les services de transport routier par autocar. Cette liberté est totale lorsque la liaison est supérieure à 100 kilomètres, une limitation ou une interdiction par une autorité organisatrice de transport (AOT) étant possible, pour les liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, après avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) dès lors qu’ils « portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre économique »  de la ou des ligne(s) de transport conventionnée(s) ou du contrat d’exploitation du service afférent (article L. 3111-18 du Code des transports).

Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, l’ARAFER a été saisie de nombreux projets de limitation ou d’interdiction de services libéralisés par les régions, AOT pour les services de transports collectifs régionaux de personnes (article L. 2121-4 du Code des transports). Le Conseil d’Etat a récemment rendu ses premières décisions dans des contentieux initiés par les AOT à l’encontre d’avis défavorables ou partiellement favorables rendus par l’ARAFER (voir la LAJ du mois d’avril 2017).

C’est ici un contentieux entre opérateurs intervenant sur ce nouveau marché libéralisé qui est survenu, sur lequel avait à se prononcer l’Autorité de la concurrence.

La société Transdev Group a en effet saisi l’Autorité d’une plainte à l’encontre du groupe SNCF s’agissant de pratiques mises en œuvre sur le marché du transport interurbain par autocar (utilisation abusive des moyens tirés du monopole sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs, subventions croisées, tarifs de prédation ou d’éviction, couplage d’offres…), la requérante soutenant qu’elles visent à renforcer la position concurrentielle de sa filiale Ouibus sur ledit marché, et, ainsi, à en évincer les concurrents, via l’utilisation de moyens dont le groupe bénéficie en raison de sa situation de monopole sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs. En complément de sa plainte, la requérante a également sollicité le prononcé de mesures conservatoires visant à faire cesser immédiatement ces comportements.

S’agissant du subventionnement « massif et durable » de Ouibus par la SNCF, l’Autorité rappelle que le simple constat d’un subventionnement croisé n’est pas suffisant pour caractériser une pratique anticoncurrentielle « si aucune pratique commerciale anormale n’est établie ». Elle considère que la saisine de la requérante sur ce point ne repose sur aucun élément sérieux.

S’agissant des pratiques tarifaires et commerciales de Ouibus, l’Autorité retient qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que les prix pratiqués sont fixés « dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un ou des concurrents ni qu’ils sont susceptibles de provoquer des effets, potentiels ou réels, d’éviction ». De plus, selon elle, « l’agressivité tarifaire de Ouibus n’est pas établie, ni les prétendus comportements commerciaux relatifs aux surcapacités mises en place ou aux investissements marketing ».

Elle précise néanmoins qu’une telle conclusion ne préjuge pas d’une analyse ultérieure qu’elle pourrait faire s’il s’avérait que Ouibus « enregistrait des pertes sans perspectives raisonnables de retour à l’équilibre ou si de nouveaux éléments relatifs à son comportement sur le marché étaient portés à la connaissance de l’Autorité ».

S’agissant des pratiques de couplage dénoncées (bon d’achat de 10 euros  par an à valoir sur un trajet Ouibus pour l’achat d’une carte jeune SNCF), l’Autorité considère qu’elles ne sont pas appuyées d’éléments probants suffisants et rejette encore la saisine de Transdev sur ce point.

Enfin, s’agissant de l’utilisation des moyens matériels et immatériels (image de marque, logo, notoriété…) de la SNCF par Ouibus, elle considère qu’il n’est pas établi à ce stade que celle-ci serait abusive.

Au final, considérant que la saisine de la société Transdev Group est dénuée d’éléments probants, l’Autorité de la concurrence rejette l’ensemble de ses demandes.

Elle ajoute néanmoins que cette conclusion ne préjuge pas de l’analyse qu’elle pourrait faire si de nouveaux éléments relatifs au comportement du groupe SNCF vis-à-vis de Ouibus étaient portés à sa connaissance.