le 13/06/2017

Droit des concessions – trois décisions du Conseil d’Etat précisent le régime de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession

Par trois décisions en date du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat est venu compléter sa jurisprudence en la matière en rappelant le critère de qualification d’une concession relatif au transfert du risque d’exploitation au délégataire (CE, 24 mai 2017, Société Régal des iles, n° 407213), ainsi que les obligations des acheteurs en matière de hiérarchisation des critères d’attribution des offres (CE, 24 mai 2017, SIVU du limouxin, n° 407264) et enfin la prohibition pour les acheteurs d’exiger la remise d’offres conditionnelles (CE, 24 mai 2017, Commune de Limoux, n° 407431).

Dans sa décision « Régal des iles », la commune de Saint-Benoît avait signé avec la société Dupont Restauration Réunion une convention provisoire pour la gestion du service public de restauration municipale. La société Régal des îles avait saisi le Juge des référés pour obtenir l’annulation du contrat et le Conseil d’Etat a dû, à l’occasion de ce recours, se prononcer sur la qualification du contrat. La convention litigieuse avait pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire.

Les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoyaient que le concessionnaire recevrait, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune, qui couvraient 86 % de la rémunération du cocontractant. Ainsi, le risque économique du cocontractant ne portait, aux termes de la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés.

Or, le Conseil d’Etat considère que ce risque n’était pas substantiel. Il conclut donc que « la part de risque transférée au délégataire n’implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service ; qu’il en résulte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d’un contrat de concession, et donc d’une délégation de service public, mais celui d’un marché public ». Il constate ensuite que la commune ne pouvait conclure un tel marché sans publicité ni mise en concurrence préalable et annule la convention litigieuse.

Dans sa décision « SIVU du Limouxin », le Conseil d’Etat rappelle l’obligation faite aux acheteurs de hiérarchiser les critères d’attribution des offres. Dans l’affaire en cause, le Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de la station d’épuration du Limouxin avait lancé une procédure pour la passation d’une délégation de service public ayant pour objet l’exploitation de l’assainissement collectif. Cependant, le SIVU n’avait pas informé les sociétés soumissionnaires, notamment la société requérante, des modalités de hiérarchisation des critères au cours de la procédure de passation en cause. Le Conseil d’Etat commence par juger que le SIVU ne pouvait pas utilement soutenir que les règles de l’ordonnance concession et du décret concession étaient inapplicables à la procédure de passation aux motifs que la délibération du 29 février 2016 par laquelle son comité syndical s’était prononcé sur le principe de la délégation du service public était intervenu avant l’entrée en vigueur des textes précités dès lors que l’avis de concession relatif à la procédure de passation litigieuse avait été envoyé à la publication à une date postérieure à cette entrée en vigueur. Le Conseil d’Etat rappelle ensuite que « les contrats de concession dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure au seuil européen publié au Journal officiel de la République française, l’autorité concédante est tenue de procéder à une hiérarchisation des critères d’attribution des offres et d’indiquer cette hiérarchie dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation ». Il relève qu’au cas d’espèce, le SIVU n’avait pas communiqué la hiérarchisation des critères d’attribution et qu’une telle « insuffisance d’information sur les critères de sélection des offres est susceptible d’influer sur la présentation des offres et de léser un concurrent admis à présenter une offre et non retenu à l’issue de la procédure, sans que la circonstance que le candidat évincé ait obtenu, sur chacun des critères, une note inférieure à celle de la société attributaire du contrat n’ait d’incidence à cet égard ».

Enfin, dans sa décision « Commune de Limoux », le Conseil d’Etat a précisé les dispositions des articles 46 et 47 de l’ordonnance concession en jugeant qu’il résulte de ces dispositions « qu’une autorité concédante ne peut modifier en cours de procédure les éléments d’appréciation des candidatures ou des offres en remettant en cause les conditions de la mise en concurrence initiale ; qu’elle ne peut non plus, sans méconnaître l’objet de la concession qu’elle entend conclure et l’obligation de sélectionner la meilleure offre au regard de l’avantage économique global que présente pour elle cette offre, demander aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité concédante ou prendre en compte, pour choisir un délégataire, des éléments étrangers à ce contrat ». En l’espèce, la commune de Limoux a, à l’issue des négociations et après avoir demandé aux candidats de lui remettre leur proposition finale, adressé aux candidats, conjointement avec le SIVU de la station d’épuration du Limouxin qui avait lancé dans le même temps une procédure de délégation du service public de l’assainissement, un courrier leur demandant, compte tenu de l’unicité de facturation des services de l’eau potable et de l’assainissement, de remettre une ultime offre financière pour le service de l’eau potable dans l’hypothèse de l’attribution simultanée à un même candidat des deux contrats de délégation de service public de l’eau potable et de l’assainissement. Le Conseil d’Etat décide qu’en procédant de la sorte, la commune de Limoux a demandé aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité concédante, portant sur la délégation d’un service public dont tant l’objet que le périmètre géographique étaient différents du service public en cause. En conséquence, le Conseil d’Etat conclut que le Juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la commune avait, ce faisant, fondé son appréciation de l’avantage économique global que présentaient les offres sur des éléments étrangers au service public concédé et sans lien avec cet avantage économique global et méconnu les règles qu’elle avait elle-même fixées en vue de l’attribution du contrat de délégation du service public de l’eau potable.