Retour sur les changements apportés par la loi Egalité et Citoyenneté sur le logement social

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté, à travers son titre II « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat » a modifié sensiblement le droit locatif social, qu’il s’agisse des modalités d’occupation par le locataire (1), des conditions financières (2) et de la fin du bail (3).

1- Les modalités d’occupation par le locataire

Le nouvel article L.442-3-5 du Code de la construction et de l’habitation impose au locataire, que son logement soit conventionné ou non, d’occuper son logement au moins 8 mois par an à titre de résidence principale, et lui interdit de le céder, l’échanger (sauf dans le cadre de l’article 9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) ou de le sous-louer.

S’agissant de l’interdiction de sous-location, la loi « Egalité et Citoyenneté » l’assouplit par ailleurs puisque les organismes HLM peuvent désormais déroger à l’interdiction de sous-location, outre les personnes âgées, handicapées ou des jeunes de moins de 30 ans, au profit des actifs dont la mobilité professionnelle implique un changement de secteur géographique, et ce en vertu de l’article L.442-8-1 du Code de la construction et de l’habitation modifié.

2- Les conditions financières du bail

a – En premier lieu, la loi Egalité et Citoyenneté a assoupli l’acte de cautionnement en modifiant l’article L.22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui n’impose plus à la caution personne morale de reproduire de manière manuscrite le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, sa connaissance explicite et non équivoque de la nature ainsi que l’étendue de l’obligation contractée et l’alinéa 7 de l’article L.22-1 relatif à la durée du cautionnement. Est par ailleurs supprimée l’obligation de remettre à la caution personne morale un exemplaire du bail.

b – En deuxième lieu, la loi Egalité et Citoyenneté harmonise le montant du dépôt de garantie du parc locatif social (bénéficiant d’une convention APL ou non) avec celui du parc privé, les articles L.353-16 et L.442-6 du Code de la construction et de l’habitation prévoyant désormais un montant égal à un mois de loyer.

c – En troisième lieu, la référence de révision du loyer est désormais, pour tous les logements des organismes d’HLM qu’ils soient conventionnés (article L.353-9-3 du Code de la construction et de l’habitation modifié) ou non (article L.442-1 du Code de la construction et de l’habitation modifié), l’indice IRL du 2ème trimestre de l’année précédant celle de la révision[1].

d – En quatrième lieu, l’article L.441-4 du Code de la construction et de l’habitation prévoit depuis le 1er janvier 2018 un plafonnement unique du loyer augmenté du SLS lequel ne peut désormais plus dépasser 30% des ressources de l’ensemble des personnes vivant au foyer.

De nombreuses dérogations au plafonnement, notamment celles relatives à la convention d’utilité sociale, ont donc été supprimées, même si un nouveau cas de dérogation a été créé à l’article L.441-3 du Code de la construction et de l’habitation qui prévoit, pour les conventions APL signées à compter du 29 janvier 2017, qu’en cas d’acquisition d’un immeuble privé par un organisme HLM, les locataires dont le bail est en cours et dont les ressources excèdent d’au moins 20% les plafonds en vigueur, ne seront pas soumis au SLS pendant les 3 ans qui suivent la signature de la convention APL dès lors que leur loyer est établi en surface habitable.

e – En cinquième et dernier lieu, les articles L.353-21, L.442-8-2 et L.442-8-4 modifiés du Code de la construction et de l’habitation permettent désormais de pratiquer un forfait de charges pour les locations de logements meublés ou non consenties à un ou plusieurs étudiants, aux jeunes de moins de 30 ans ainsi qu’aux titulaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

3- La fin du bail

a – En premier lieu, la loi Egalité et Citoyenneté facilite la mise en œuvre de la déchéance du droit au maintien dans les lieux en abaissant, à compter du 1er janvier 2018 à 150% le seuil des plafonds de ressources, auparavant fixé à 200%[2], déclenchant, en zone tendue, la perte du droit au maintien dans les lieux des locataires qui dépassent deux années de suite les plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement social.

En outre, la sous-occupation de l’article L6.21-2 du Code de la construction et de l’habitation, s’entend désormais d’un logement comportant un nombre de pièces habitables, non compris les cuisines, supérieur de 1 au nombre de personnes qui y ont effectivement leur résidence principale.

Par ailleurs, le nouvel article L.442-3-4 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la perte du droit au maintien dans les lieux du locataire qui ne répond pas deux années consécutives à l’enquête ressources.

Toutefois, concernant les deux cas ci-dessus, la mise en œuvre de la déchéance du droit au maintien dans les lieux n’est pas sans appel.

En effet, non seulement elle n’est pas immédiate, mais son fait générateur peut en outre être régularisé. Par ailleurs, la perte du droit au maintien dans les lieux au défaut de réponse à l’enquête ressource, ne s’applique pas aux logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ni aux locataires âgés de plus de 65 ans ou présentant un handicap.

Enfin, la loi du 27 janvier 2017 a modifié les dispositions des articles L.353-15 et L.442-6 du Code de la construction concernant les conséquences de la démolition d’immeubles dans lesquels se situent des logements sociaux, la perte pour le locataire du droit au maintien dans les lieux après son refus de 3 offres de relogement concernant tant les démolitions dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) que celles réalisées dans le cadre du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU).

b – En second lieu, la loi Egalité et Citoyenneté a impacté les procédures d’expulsion d’une part en redéfinissant la notion d’« habitation» laquelle s’entend désormais, en vertu des articles L.412-1, L.412-3 et L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution modifiés, de « tout lieu habité par la personne expulsée».

Le recours au système informatique EXPLOC[3] pour les échanges entre bailleurs, huissiers de justice, commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) et préfet est généralisé, à travers la modification de l’article L412-5 du Code des procédures civiles d’exécution et la création d’un nouvel article L431-2 du même code.

Le système EXPLOC, quoiqu’opérationnel depuis le 31 décembre 2017 pour les huissiers, est encore à parfaire. Les bailleurs disposent eux d’un délai jusqu’au 30 juin 2018 pour y avoir recours.

Enfin la loi Egalité et Citoyenneté prévoit pour l’huissier de justice une réquisition fu concours de la force publique par voie électronique.

[1]Une hausse supplémentaire de 5% du loyer en sus de la variation IRL est possible en cas de plan de redressement approuvé par la Caisse de garantie du logement locatif social ou si l’immeuble a fait l’objet de travaux de réhabilitation, dans la limite du loyer plafond visé dans la convention APL

[2] Cet abaissement de seuil ne concerne pas les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et aux locataires âgés de plus de 65 ans ou présentant un handicap

[3] Créé par l’arrêté du 23 juin 2016 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention et à la gestion des procédures d’expulsions locatives dénommé « EXPLOC »

Mise en consultation d’un projet de décret modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l’évaluation environnementale

Faisant directement écho à la loi du 2 mars 2018 ratifiant, notamment, l’ordonnance du 3 août 2016 relative à l’évaluation environnementale (voir focus), un projet de décret modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l’évaluation environnementale a été soumis à la consultation du public depuis le 1er mars 2018 et ce jusqu’au 21 mars prochain.

Ce projet de décret a pour objet de modifier certaines rubriques de la nomenclature prévue à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement qui détermine, parmi les catégories de projets, ceux qui sont soumis à évaluation environnementale et ceux qui doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas.

Le projet de décret fait suite non seulement aux retours d’expérience de terrain, mais également à la décision du Conseil d’Etat qui s’est prononcé , le 8 décembre 2017, sur la légalité des dispositions de l’article R. 122-2, précité. Dans cette décision, le Conseil d’Etat a accueilli la demande de l’association requérante portant sur l’annulation de certaines dispositions de la rubrique 44 de la nomenclature énoncée à cet article (rubrique relative aux équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés), après avoir posé le principe selon lequel « une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine » (CE, 8 décembre 2017, Fédération Allier Nature, n°404391).

Il propose ainsi, outre l’ajout du plan de protection de l’atmosphère au II de l’article R.122-17, la modification des rubriques suivantes :
– Rubrique n°1 « Installations classées pour la protection de l’environnement »
– Rubrique n°27 « Forages en profondeur, notamment les forages géothermiques, les forages pour approvisionnement en eau, à l’exception des forages pour étudier la stabilité des sols »
– Rubriques n°35. « Canalisations de transport d’eau chaude » et 36 : « Canalisations de transport de vapeur d’eau ou d’eau surchauffée »
– Rubrique 37. « Canalisations de transport au sens des articles L. 554-5 1° et L. 554-6 du code de l’environnement »
– Rubrique 38. « Canalisations pour le transport de fluide autres que celles visées aux rubriques 35 à 37 »
– Rubrique 39. « Travaux, constructions et opérations d’aménagement »
– Rubrique 44. « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés. »

Le contrat conclu entre un éco-organisme et une collectivité publique est un contrat administratif

Par deux arrêts récents, en date respectivement des 5 décembre 2017 et 15 février 2018, les Cours d’appel d’Angers et de Nîmes se sont prononcées en faveur du caractère administratif du contrat conclu en un éco-organisme et une collectivité publique.

En l’absence de qualification légale ou réglementaire, la nature du contrat – de droit privé ou public – faisait débat.

Les deux arrêts susmentionnés sont les premiers qui, après les juridictions de première instance, se prononcent sur cette question.

Les deux Cours ont, après avoir écarté la clause contractuelle attributive de compétence au profit du juge judiciaire, sur le fondement du caractère d’ordre public du principe de séparation des pouvoirs, appliqué les critères jurisprudentiels d’identification des contrats.

Pour rappel, un contrat est administratif lorsqu’au moins l’une de ses parties est une personne publique (critère organique) et lorsque, de manière alternative, il comprend une clause exorbitante de droit commun, ou son objet a trait à l’exécution d’une mission de service public (critère matériel).

Dans les deux affaires soumises au juge, le critère organique était sans conteste rempli.

La Cour d’appel d’Angers s’est ensuite bornée, comme elle le pouvait dès lors que le second critère est alternatif pour conclure au caractère administratif d’un contrat, à juger que l’objet du contrat en cause avait trait à l’exécution de missions service public, à savoir celles de la collecte et du traitement des déchets ménagers, érigées comme telles par l’article L. 2224-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

La Cour d’appel de Nîmes s’est prononcée dans le même sens mais a, en outre, considéré que le contrat en cause comprenait diverses clauses exorbitantes du droit commun, à savoir la faculté de résiliation unilatérale et sans contrepartie indemnitaire au profit du syndicat et l’obligation pour le cocontractant d’être agréé.

Cette analyse, bien que superfétatoire, peut être utile si certains éco-organismes ne participent pas aux missions de collecte et de traitement des déchets.

La Cour de cassation a vraisemblablement été saisie d’un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers. Si celui-ci est admis, nous devrions disposer prochainement d’un arrêt fixant le droit sur ce point.

 

 

Propositions de la Commission de régulation de l’énergie sur les principes de calcul de la contribution versée à l’occasion des travaux de raccordement au réseau public de distribution d’électricité

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié une délibération qui devrait donner lieu prochainement à un nouvel arrêté ministériel fixant les principes de calcul de la contribution versée par les demandeurs d’un raccordement au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, maître d’ouvrage de travaux de raccordement.

Avant de présenter le contenu de cette délibération, on rappellera quelques éléments de contexte.

Il faut tout d’abord rappeler que les travaux de raccordement (branchement et/ou extension) a un réseau de distribution d’électricité sont réalisés par le gestionnaire du réseau public de distribution (GRD), dans sa zone de desserte exclusive et sous réserve des stipulations des cahiers des charges de concession. Le GRD est en effet chargé – notamment – de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs.

Ensuite, le financement de ces travaux est assuré, pour partie (40%) par le tarif d’utilisation des réseaux (TURPE) lequel couvre donc une partie des coûts de raccordement aux réseaux publics d’électricité. Et, la part (60%) des coûts de raccordement des réseaux non couverte par le TURPE peut faire l’objet d’une contribution qui est versée au maître d’ouvrage par les redevables visés à l’article L.342-11 du code de l’énergie.

Les principes généraux de calcul de la contribution due aux gestionnaires de réseaux publics de distribution maîtres d’ouvrages des travaux de raccordement sont actuellement fixés par l’arrêté du 28 août 2007 pris en application des articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000. Les dispositions légales et réglementaires qui s’appliquent en complément de cet arrêté figurent quant à elles au Code de l’énergie (en particulier : articles L. 341-2, L. 342-1 et suivants, D. 342-1 et D. 342-2 du Code de l’énergie).

En pratique, le calcul de cette contribution qui prend en compte plusieurs paramètres techniques (par exemple l’opération de raccordement dite « de référence »), a parfois soulevé des difficultés d’application.

C’est pourquoi la CRE a mené une réflexion afin de trouver des axes d’amélioration possibles pour calculer cette contribution et plus généralement pour améliorer le processus de raccordement des utilisateurs au réseau.

Cette réflexion a conduit la CRE à élaborer en avril 2017 un nouveau projet d’arrêté portant sur les conditions financières de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité, en remplacement de l’arrêté du 28 août 2007. Elle avait également élaboré, à cette même date, un projet d’arrêté portant sur les conditions financières de raccordement au réseau public de transport d’électricité.

Dans le prolongement de ces projets d’arrêtés, la CRE avait également lancé une consultation publique sur les principes généraux de calcul de la contribution versée au maître d’ouvrage des travaux de raccordement aux réseaux publics d’électricité et sur les prescriptions techniques de raccordement à ces réseaux.

Dans le cadre de cette même consultation, la CRE avait lancé un appel à contributions afin d’engager une réflexion sur l’encadrement de la relation entre le gestionnaire du réseau de distribution et les collectivités en charge de l’urbanisme (CCU), cette dernière étant redevable dans certains cas d’une contribution au titre des ouvrages d’extension selon les dispositions de l’article L. 342-11 du code de l’énergie.

A la suite de cette consultation publique, la CRE a poursuivi sa réflexion pour formuler de nouvelles propositions d’arrêté sur les conditions financières de raccordement aux réseaux public de distribution d’électricité, en remplacement de l’arrêté du 28 août 2017 modifié. C’est l’objet de la délibération du 8 février 2018 ici commentée qui résume donc les principales modifications apportées par le nouvel arrêté qu’elle entend proposer au Ministre en charge de l’énergie.

Ce projet d’arrêté, s’il devait être entériné par le Ministre, aurait donc vocation à remplacer l’arrêté du 28 août 2007 précité. En revanche, la délibération ne concerne pas les autres aspects de la consultation publique précitée notamment sur l’encadrement de la relation entre GRD et CCU. Ces derniers points s’ils donnent lieu à des propositions, devraient donc faire l’objet d’une délibération de la CRE ultérieure.

On signalera que le 8 février 2018, la CRE a également publié une délibération (n°2018-25) portant proposition d’arrêté sur les principes généraux de calcul de la contribution versée au maître d’ouvrage des travaux de raccordement au réseau public de transport d’électricité et une délibération (n° 2018-26) portant recommandations sur l’évolution de la règlementation relative aux prescriptions techniques de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité.

Par la délibération n° 2018-24 ici commentée, la CRE vient donc, en application de l’article L. 342-8 du code de l’énergie, proposer au Ministre en charge de l’énergie un nouveau projet d’arrêté sur les principes généraux de calcul de la contribution versée au maître d’ouvrage des travaux de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité.

Ce projet prévoit, notamment :

–       de préciser la définition de l’opération de raccordement et de l’opération de raccordement de référence (projet d’articles 2 et 3) : la définition actuelle de l’opération de raccordement devrait donc être légèrement modifiée afin de prendre en compte le raccordement d’installation de productions et pas uniquement de consommation ;

–       d’introduire la notion d’ « opération de raccordement intelligente » qui pourrait être proposée par le gestionnaire du réseau de distribution, après étude, après proposition de l’opération de raccordement de référence (ORR) et sur demande du demandeur du raccordement. Il s’agit d’une opération de raccordement alternative avec des caractéristiques qui diffèrent de l’opération de raccordement et dont l’objet est d’inciter les utilisateurs à moduler leur puissance de raccordement et/ou leur mode de consommation (projet d’article 4) ;

–       la possibilité pour les gestionnaires de réseaux publics de distribution de se regrouper pour établir un barème de raccordement commun ou bien pour certains d’entre eux (ceux desservant moins de 1000.00 clients) d’utiliser le barème de raccordement d’un autre gestionnaire de réseaux de distribution selon certaines conditions (projet d’article 5) ;

–       la possibilité de prévoir des formules de coûts simplifiées pour certains gestionnaires de réseaux publics de distribution pour certaines opérations de raccordement (projet d’article 11).

Le projet d’arrêté comporte par ailleurs d’autres articles sur le barème, concernant les modalités d’élaboration, de notification, d’approbation, d’entrée en vigueur, de publication et de révision du barème. On relèvera notamment l’encadrement du recours dans le barème à une tarification sur devis, lequel doit être « suffisamment détaillé » c’est à dire comporter toutes les indications permettant d’apprécier les propositions de prix, et notamment le détail des quantités et prix unitaire de l’opération de raccordement.

La délibération accompagnée de la nouvelle proposition d’arrêté a donc été soumise par le Président de la CRE au ministre en charge de l’énergie, soit le ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Avis du CESE sur la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Deux ans et demi après la publication de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (« LTECV »), le Conseil économique, social et environnemental (« CESE ») dresse le bilan de l’application de ce texte fondateur dans un avis publié le 28 février 2018, intitulé « Comment accélérer la transition énergétique ? ».

À titre liminaire, on précisera que cet avis, préparé par la Section environnement du CESE, porte essentiellement sur la dimension « énergie-climat » de la LTECV et ne traite pas d’un certain nombre de sujets tels que l’économie circulaire, les déchets ou encore la sûreté nucléaire.

Le CESE considère qu’au vu de l’état d’avancement de la France dans la réalisation des objectifs fixés dans la LTECV, certains de ceux-ci, relatifs en particulier à la réduction d’émission des gaz à effet de serre et au déploiement des énergies renouvelables, risquent de ne pas être atteints dans les délais impartis.

Pour rappel, en application de l’article L.100-4 du Code de l’énergie, la politique énergétique nationale a notamment pour objectifs :

  • – de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de les diviser par quatre entre 1990 et 2050 ;
  • – de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
  • – de réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 ;
  • – de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ;
  • – de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025.

Selon le CESE, ce possible retard dans l’atteinte des objectifs fixés pourrait s’expliquer par un « pilotage national peu efficace », qui d’une part est complexe du fait notamment des nombreuses instances et de leur articulation délicate, et d’autre part ne permet pas d’assurer une pleine cohérence entre les orientations prises au niveau local et régional, et les objectifs fixés au niveau national. En outre, le CESE déplore que certains sujets centraux tels que le nucléaire ou les agrocarburants ne soient pas suffisamment abordés et estime que le suivi actualisé des indicateurs pertinents et l’adoption rapide de mesures coercitives sont insatisfaisants.

En outre, le CESE considère que les moyens mis au service de la transition énergétique sont insuffisants et que leur pérennité n’est pas assurée. A cet égard, il estime que les collectivités territoriales, pourtant invitées à jouer un rôle important dans la transition énergétique – en particulier les régions, « cheffes de file » en la matière –, n’ont pas été dotées des moyens nécessaires à cette fin. Les collectivités auraient notamment des difficultés à mettre en place le service public de la performance énergétique de l’habitat, prévu à l’article L. 252-2 du code de l’énergie.

Au vu de ce bilan, le CESE faire cinq préconisations :

–       se fixer des objectifs réalistes dans tous les domaines essentiels à la transition énergétique et s’y tenir ;

–       mettre les moyens dans la durée de manière stable et prévisible ;

–       se mettre en ordre de marche pour engager un plan efficace de rénovation des bâtiments ;

–       lever les obstacles au développement des énergies renouvelables ;

–       faciliter l’engagement de tous les acteurs.

Sur le plan juridique, on relèvera que, si d’après le CESE, 167 textes d’application de la LTECV ont été adoptés, des ordonnances, décrets et arrêts sont encore attendus, comme par exemple le décret d’application visé à l’article L. 2224-31 I. du Code général des collectivités territoriales, portant sur l’établissement par les organismes de distribution d’électricité et de gaz d’un inventaire des ouvrages utilisés pour l’exécution de ces services publics.

Enfin, on notera aisément que le récent avis du CESE tranche avec le bilan de l’application de la LTECV dressé par la Ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer en avril 2017.

Propriété et entretien des colonnes montantes d’électricité : une nouvelle décision du juge judiciaire favorable aux propriétaires d’immeubles

En rendant une décision favorable aux copropriétaires d’un immeuble, la Cour d’appel de Paris confirme, dans un arrêt du 15 février 2018, la tendance de la jurisprudence judiciaire en matière de propriété des colonnes montantes d’électricité (voir en ce sens le focus réalisé dans le cadre de la Lettre d’actualités Energie et Environnement du mois de février 2018).

Dans cette affaire, deux incendies s’étaient déclarés à quelques jours d’intervalle dans les parties communes d’un immeuble situé à Paris. Le Syndic de l’immeuble avait alors alerté le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité (ci-après, le GRD), de cette situation et de l’existence d’un danger provenant, selon le Syndic, d’une surchauffe dans la colonne montante électrique. Le GRD avait alors réalisé des travaux de mise en sécurité de la colonne montante. Mais, après avoir souligné la vétusté généralisée de ladite colonne et la nécessité de procéder à son renouvellement intégral, le GRD avait indiqué que, faute d’avoir fait l’objet d’une rétrocession à la ville de Paris (en sa qualité d’Autorité Organisatrice de la Distribution publique d’Electricité, ci-après « AODE »), la colonne montante de l’immeuble se trouvait hors concession, de sorte que les travaux incombaient, selon lui, au syndicat des copropriétaires.

Face au refus répété du GRD de réaliser les travaux, le Syndic de copropriétaires avait fini par l’assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris, lequel, par un jugement en date du 21 novembre 2016, avait jugé que la colonne montante de l’immeuble était incorporée au réseau de distribution publique concédé et avait condamné son gestionnaire à réaliser, à ses frais et sous sa responsabilité, les travaux nécessaires au remplacement de la colonne montante et à assurer sa mise en conformité avec les normes en vigueur.

La Cour d’appel confirme ce raisonnement et le principe selon lequel, sauf preuve contraire devant être rapportée par le GRD, les colonnes montantes d’électricité sont incorporées au réseau public de distribution d’électricité et doivent être entretenues par lui.

Pour ce faire, la juridiction commence par rappeler que les ouvrages du réseau public de distribution d’électricité appartiennent aux collectivités locales (plus exactement, aux AODE) et que leur maintenance ainsi que leur entretien sont confiés au GRD. Puis, la Cour d’appel rappelle la teneur de l’article 44 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, et de l’article 1er du décret n° 46-2503 du 8 novembre 1946 relatif aux colonnes montantes d’électricité pris en application de la loi précitée, et en déduit que « le jugement déféré a parfaitement retenu que comme l’affirme à bon droit le syndicat des copropriétaires, il est ainsi constant que la loi du 8 avril 1946 et son décret précités ont édicté pour principe l’incorporation des colonnes montantes au réseau de distribution public, une seule exception étant offerte au propriétaire souhaitant expressément conserver la propriété de cette colonne. Il s’en déduit que ces dispositions ont fait naître au bénéfice des propriétaires une présomption d’incorporation des colonnes montantes au réseau public, la preuve contraire devant être apportée par tout moyen justifiant d’un refus express de concession au bénéfice du gestionnaire d’électricité ».

En l’espèce, la Cour d’appel relève que cette présomption trouve à s’appliquer au cas présent dès lors que la colonne montante litigieuse a été construite en 1912, qu’elle est donc entrée de plein droit dans le champ d’application des dispositions de la loi du 8 avril 1946 et que le GRD n’apporte aucun élément de nature à démontrer que les copropriétaires de l’immeuble auraient entendu en conserver la propriété.

La Cour d’appel écarte également deux séries d’arguments soulevés par le GRD :

–       D’une part, le GRD s’appuyait, pour contester la solution retenue par le Tribunal de Grande Instance, sur le contenu du cahier des charges annexé au traité de concession conclu en 1955 par la Ville de Paris et applicable au litige. La Cour écarte l’argumentaire en relevant « que ces dispositions, sans portée rétroactive, n’ont aucune vocation à régir le régime d’une colonne montante préexistante, datant de 1912 et incorporée en 1946 ».

–       D’autre part, le GRD invoquait les termes du contrat de raccordement au réseau de distribution d’électricité conclu le 14 février 1913 entre le propriétaire de l’immeuble et la compagnie d’éclairage électrique du secteur des Champs Elysées, lequel prévoyait que les branchements intérieurs, colonnes montantes et dérivations appartenaient au propriétaire de l’immeuble. La Cour d’appel écarte logiquement cet argument dès lors que ces dispositions étaient antérieures à la présomption d’incorporation résultant de la loi et du décret précités de 1946.

Ainsi, alors que pendant un temps on a pu identifier une forme de divergence entre la juridiction administrative (consacrant de manière constante le principe d’incorporation au réseau public de distribution d’électricité et faisant peser la charge de la preuve contraire sur le concessionnaire dudit service), et la juridiction judiciaire qui se montrait plus hésitante, il semble désormais se dessiner une convergence, favorable aux propriétaires d’immeubles, entre les deux ordres juridictionnels.

On signalera enfin une décision de la Cour de cassation du 15 février 2018 donnant acte du désistement de la société Enedis du pourvoi qu’elle avait introduit à l’encontre d’une décision rendue par la Cour d’appel de Versailles du 29 mars 2016 n°13/08946. Cette décision de la Cour d’appel de Versailles, désormais définitive, avait statué de manière similaire à la Cour d’appel de Paris dans son arrêt ici commenté.

 

Evaluation environnementale et participation du public : la promulgation de la loi n° 2018-148 le 2 mars 2018 ratifie et modifie les ordonnances de 2016

L’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement ont été publiées au Journal officiel de la République française le 5 août 2016. Le 29 juin 2017, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale, un projet de ratification de ces ordonnances qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire en décembre 2017. Puis l’Assemblée a adopté le texte issu de cet accord le 7 février et enfin le Sénat a définitivement adopté le projet de loi le 15 février dernier. La loi n° 2018-148, promulguée le 2 mars 2018 par le Président de la République, donne pleinement valeur législative au texte. Ce dernier, qui avait initialement vocation à simplement ratifier les ordonnances précitées, contient finalement des apports destinés à faire évoluer ces mêmes textes

I – La simplification de l’évaluation environnementale 

A- Rappel des principaux apports de l’ordonnance n° 2016-1058

                L’ordonnance n° 2016-1058 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes est venue compléter la réforme de l’autorité environnementale qui avait déjà renforcé l’indépendance des décisions et avis rendus par les autorités environnementales locales sur les plans et programmes (avec l’adoption du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016). Elle fait également suite à l’avis rendu par la Commission européenne en mars 2015 qui estimait que la liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale en droit français était incomplète et fermée et donc non conforme au droit de l’Union. Les dispositions de l’ordonnance n° 2016-1058 améliorent ainsi la conformité du droit français de l’évaluation environnementale au droit de l’Union européenne, achèvent la transposition de la directive 2014/52/UE, relative à l’évaluation environnementale des projets, et introduisent des procédures communes ou coordonnées entre plusieurs évaluations.

                Dans ce contexte, un des apports particulièrement importants de l’ordonnance concerne le champ d’application de l’évaluation environnementale, ce dispositif n’ayant pas été modifié par la loi de ratification.

Tout d’abord, on rappellera ainsi que le nouvel article L. 122-1 du Code de l’environnement, dans sa version issue de l’ordonnance précitée, définit désormais la notion de projet comme « la réalisation de travaux de construction, d’installations ou d’ouvrages, ou d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol ». On retiendra en premier lieu que la notion de « programme de travaux », qui permettait à plusieurs projets qui concourraient à un même programme d’être soumis à une même étude d’impact, est abandonnée.

Surtout, il convient de rappeler que, parmi ces projets, seuls ceux qui sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine doivent désormais faire l’objet d’une évaluation environnementale. Cette disposition est aujourd’hui inscrite à l’article L.122-1 du Code de l’environnement dans ces termes: « Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale ».

De plus, l’article L. 122-1 du Code de l’environnement a été modifié de  sorte que l’obligation d’évaluation est réalisée, pour certains projets, « après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale ». Cette approche par projet était une réponse à la volonté de mieux évaluer les incidences sur l’environnement et d’éviter les études d’impact redondantes.

 Ainsi, le nombre d’études d’impact a vocation à diminuer grâce au développement des examens au cas par cas effectués par les autorités environnementales et un ciblage de l’évaluation environnementale sur les projets les plus impactants  au travers d’une nomenclature rénovée par le décret du 11 août 2016 (Les députés adoptent le projet de loi de ratification des ordonnances sur la démocratie environnementale, Adrien Pouthier, Nohmana Khalid, Sandrine Pheulpin, Le Moniteur, 19/07/17) (s’agissant de la modification de cette nomenclature, voir brève ci-dessous relative à la proposition de décret modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l’évaluation environnementale).

Parmi les apports phares de cette ordonnance, on peut encore rappeler que :

–              celle-ci tendait également à mieux associer les collectivités territoriales et leurs groupements à l’examen de l’évaluation environnementale d’un projet en les associant au processus avant la décision d’octroi ou de refus de l’autorisation par l’autorité compétente. Les avis des collectivités territoriales et leurs groupements « sont mis à disposition du public sur le site internet de l’autorité compétente, ou à défaut sur le site de la préfecture du département » ( article. L. 122-1 du Code de l’environnement).

–              plusieurs modifications avaient été apportées au contenu de l’étude d’impact (le contenu de l’étude d’impact ayant été précisé par le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 pour prendre en compte les nouvelles exigences légales : précisions quant aux mesures de compensation proposées, ainsi que l’impose le article L. 122-1-1 du Code de l’environnement ;  proposition d’un scénario de référence…) ;

–              des procédures communes et coordonnées ont été proposées pour certains projets (art. L. 122-13 et L. 122-14 du Code de l’environnement

B- Les modifications introduites par la loi n° 2018-148

L’adoption de la loi n° 2018-148 a permis la ratification de l’ordonnance n° 2016-1058 mais également d’introduire des amendements. Ainsi, les sénateurs et députés ont réussi à trouver un compromis en introduisant, dans les évaluations environnementales, l’impact sur les projets sur l’agriculture. Dès lors, l’étude d’impact devra notamment porter « sur la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers ». Cette disposition vient désormais compléter l’article L.122-3 du Code de l’environnement.

Le texte ajoute également à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement l’obligation, pour tous les projets, d’une réponse écrite du maître d’ouvrage à l’avis formulé par l’autorité environnementale.

Néanmoins, on relèvera que le Gouvernement a décidé de ne pas introduire dans le droit interne la « clause-filet » retenue par la Cour de Justice de l’Union européenne. En effet, selon la CJUE, l’application de seuils ou de critères à partir desquels un projet doit être soumis à évaluation environnementale est contestable (CJUE, 24 mars 2011, Commission contre Belgique, C-435/09). Le dispositif de la « clause filet » viserait ainsi à « rattraper » certains projets situés au-dessous des seuils réglementaires en les soumettant à évaluation environnementale.

Déjà, l’absence de clause filet dans l’ordonnance du 3 août 2016 avait été notée, ce mécanisme n’est pas plus retenu par la loi adoptée. En effet, selon le secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu, ce dispositif soulève « des questions juridiques complexes » et mérite donc « d’être étudié de manière spécifique et approfondie dans le cadre d’un autre texte législatif ». On observera toutefois que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne s’impose même en l’absence d’une telle transposition écrite, dès lors, l’impératif de sécurité juridique aurait pu conduire l’Etat à préciser le sens et la portée de la « clause-filet ».

II- Le renforcement de la concertation en amont du processus décisionnel 

A- Rappel des principaux apports de l’ordonnance n° 2016-1060

                L’ordonnance n° 2016-1060 dite « sur la démocratisation du dialogue environnemental », adoptée le 3 août 2016, porte réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

Concernant les principaux apports de cette ordonnance, on rappellera que l’article L. 121-17 du Code de l’environnement, qui en est issu, ouvre un droit d’initiative afin d’organiser une concertation préalable pour les projets, plans et programmes soumis à évaluation environnementale hors champ de la Commission nationale du débat public (art. L. 121-15-1 du Code de l’environnement). La nouvelle disposition indique, d’abord, que l’initiative de la concertation préalable peut être prise par la personne responsable du plan ou programme ou par le maître d’ouvrage du projet. Ensuite, l’autorité compétente pour autoriser un projet peut imposer cette concertation préalable. Enfin, en l’absence de ces initiatives, un droit d’initiative citoyenne est ouvert au public qui peut demander au préfet l’organisation d’une concertation préalable en amont de l’instruction du projet.

Une autre disposition importante issue de l’ordonnance précitée est inscrite à l’article L. 121-18 du Code de l’environnement et porte sur la « déclaration d’intention », nouvelle obligation pour les porteurs de projets, plans et programmes qui doivent communiquer sur leur intention de réaliser tel projet, plan ou programme en amont de la phase d’instruction.

Enfin, l’ordonnance n° 2016-1060 a modernisé les procédures de participation du public notamment avec un nouvel article L. 123-10 du Code de l’environnement qui indique une systématisation de l’usage de l’informatique pour transmettre l’information du public qui est « assurée par voie dématérialisée et par voie d’affichage sur le ou les lieux concernés par l’enquête, ainsi que, selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale ».

B – Les modifications complémentaires adoptées par la loi n°2018-148

Afin de donner davantage d’effectivité aux mécanismes de consultation, la loi de ratification permet de rallonger le délai à quatre mois au cours duquel les populations concernées par un projet, les exécutifs territoriaux et les associations agréées peuvent se saisir du droit d’initiative. De plus, le seuil de dépenses ou subventions au-delà duquel il peut être exercé a été abaissé de 10 millions à 5 millions d’euros en raison du très faible nombre de projets qui auraient été concernés par la disposition, de l’ordre d’un « projet tous les 5 ans », selon le whip LREM Jean-Baptiste Djebbarri (Députés et sénateurs trouvent un texte de compromis sur un projet de loi relatif au droit de l’environnement, Claire Avignon, Le Moniteur, le 29/12/17).

En matière de participation du public, la loi n° 2018-148 donne également la possibilité de désigner un garant entre la fin de la phase de participation préalable et le début de l’enquête publique en complétant l’article L. 121-16-2 du Code de l’environnement, comme suit : « la Commission nationale du débat public peut, à la demande du maître d’ouvrage ou de l’autorité compétente pour autoriser le projet, désigner un garant chargé de veiller à la bonne information et à la participation du public jusqu’à l’ouverture de l’enquête publique. La commission détermine alors les conditions dans lesquelles le garant la tient informée. Le rapport final du garant est rendu public. L’indemnisation de ce garant est à la charge du maître d’ouvrage. ». Le refus par un garant de transmettre à la Commission nationale du débat public une demande d’étude technique ou d’expertise complémentaire formulée lors de la concertation devra être motivé (L.121-16-1 du code de l’environnement).

Clémence DU ROSTU, Avocate sénior et Manon LEMAIRE 

Les compteurs communicants d’électricité Linky disséqués

Les compteurs communicants d’électricité Linky ont rigoureusement été étudiés dans trois publications récentes, alors que leur déploiement « massif » a été lancé et se poursuit avec vigueur.

– Le rapport public annuel 2018 de la Cour des comptes

Dans ses observations du 7 février 2018, la Cour des comptes pointe quatre critiques à l’endroit des compteurs communicants : (i) le cadre financier des compteurs serait, à ce jour, plus profitable au gestionnaire de réseau de distribution d’électricité (GRD) qu’aux consommateurs, (ii) l’investissement de 5,7 milliards d’euros ne serait justifié qu’à l’égard des bénéfices attendus pour les consommateurs dans la mesure où la rentabilité économique du projet est faible pour le GRD, mais (iii) les gains pour les consommateurs comme (iv) le rôle des services de l’Etat pour rendre le projet acceptable par la société sont encore insuffisants.
En conséquence, la Cour recommande à la CRE de faire évoluer (a posteriori) le modèle de rémunération du GRD pour le déploiement des compteurs communicants Linky, à l’Etat de renforcer son pilotage et au GRD de définir un plan d’actions pour valoriser toutes les potentialités du compteur communicant.

– Le rapport d’information de l’Assemblée nationale du 22 février 2018

La commission des affaires économiques et l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de l’Assemblée nationale ont organisé des tables rondes réunissant de nombreux acteurs (GRD, autorités administratives indépendantes, associations et collectifs, universitaires et scientifiques) afin d’échanger sur les « enjeux des compteurs communicants » d’énergies autour de trois sujets : leur opportunité économique (i), leur impact sur la santé et leur perception par la société (ii), et la sécurisation des données utilisées par lesdits compteurs (iii).

A l’issue de ces tables rondes, un rapport d’information publié le 22 février 2018 rend un compte-rendu exhaustif des débats qui peuvent être très brièvement résumées ainsi :

(i) sur la question de l’opportunité économique, les compteurs communicants apporteraient des avantages financiers pour les GRD mais des économies plus faibles pour le consommateur, certains regrettant même la réalisation d’une étude d’impact socio-économique préalable ;

(ii) sur les questions d’acceptabilité des compteurs communicants, de leur impact sur la santé et de leur perception par la société, le rapport constate l’absence d’adhésion des utilisateurs aux compteurs communicants, et l’inexistence de fonctionnalités destinées à leurs usages domestiques, puis recommande d’améliorer l’information du citoyen, la connaissance de ses attentes et motivations, en passant notamment par l’organisation de débats contradictoires ;

(iii) sur la question de la sécurité des données, les enjeux de l’application du nouveau règlement général de la protection des données à caractère personnel ont été évoqués lors des échanges rapportés par le rapport, ainsi que les revendications d’associations de citoyens tenant à privilégier des données ouvertes et de laisser aux consommateurs la responsabilité de l’utilisation des données pour limiter leurs dépenses énergétiques.

Lors des tables rondes, les participants ont également répondu à 87 questions émanant de 92 personnes s’étant connectées à la plateforme internet dédiée à l’évènement. Ces questions ont été reproduites en annexe du rapport d’information.

La recommandation du Médiateur national de l’énergie du 22 janvier 2018
Saisi par un consommateur d’un litige l’opposant à son distributeur d’électricité sur un préjudice résultant d’une coupure de courant électrique pour avoir déposé, sans information préalable, le compteur Linky sur son installation, le Médiateur national de l’énergie a rappelé que l’information par les GRD sur la date de pose auprès des consommateurs a fait l’objet d’un large consensus dans le cadre des consultations publiques de la Commission de régulation de l’énergie.
En l’espèce, le Médiateur a estimé que cette information préalable n’a pas été assurée par l’entreprise mandatée par le GRD, et a recommandé un dédommagement financier du consommateur (d’un montant inférieur toutefois à sa demande, faute de justificatifs suffisants).
Et, le Médiateur a également recommandé, de manière plus générale, au GRD « de rappeler à ses prestataires qu’il est nécessaire de prévenir les consommateurs de la période de pose du compteur Linky au moins 3 jours avant la semaine de l’intervention, lorsque le compteur est accessible ».
Le consommateur est libre d’accepter ou non la recommandation commentée, et le GRD devra informer le Médiateur des suites qu’il entend donner à ladite recommandation dans un délai d’un mois.

Autoconsommation : des orientations pour son développement et une consultation pour son intégration progressive aux tarifs de l’électricité

L’autoconsommation d’électricité consiste « pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation ». Son régime juridique est fixé par l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation, ratifiée par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 et codifiée aux articles L. 315-1 et suivants du Code de l’énergie.

A la suite d’une conférence organisée en septembre 2017, de plusieurs ateliers jusqu’à la mi-octobre 2017 et d’appels à contributions sur un site internet dédié (cf. notre brève du 9 novembre 2017), c’est désormais par la voie d’une délibération et du lancement d’une consultation publique que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) poursuit la réflexion sur l’autoconsommation.

Sur le cadre technique du développement de l’autoconsommation, il est recommandé par la CRE d’améliorer (i) les conditions de raccordement, (ii) de simplifier et de dématérialiser la déclaration des installations d’autoconsommation, et (iii) de fournir prioritairement les compteurs communicants d’électricité chez les autoproducteurs.

Puis, s’agissant du cadre contractuel de l’autoconsommation, la CRE recommande de réduire le nombre de contrats à conclure à deux contrats uniques voire à un seul dans des cas particuliers et exceptionnels pour l’autoconsommation individuelle. Pour l’autoconsommation collective, la CRE souhaite une concertation sur les règles de répartition de la production et limiter le périmètre d’une même opération au seul poste de distribution publique auquel il est raccordé (appelé aussi « poche de réseau »).

Enfin, la CRE recommande, d’une part, de limiter le soutien financier indirect de l’Etat aux petites installations d’autoconsommation individuelle[1], mais de l’étendre aux autoproducteurs faisant appel à un tiers investisseur et aux autoproducteurs collectifs, et d’autre part, de maintenir les conditions actuelles du soutien financier direct de l’Etat[2].

Dans une note du 15 février 2018, la CRE formule trois séries de propositions qu’elle ouvre à la consultation publique (sous la forme de sept questions au total).

Sur l’autoconsommation individuelle, la CRE propose de maintenir en l’état la composante de soutirage et de gestion de l’actuel TURPE 5 pour la future période tarifaire du TURPE 6, et de ne pas créer une composante spécifique de comptage à payer par les autoproducteurs individuels pour la même période.

Concernant l’autoconsommation collective, la CRE soumet à consultation une grille tarifaire selon l’utilisation et la puissance des installations pour les composantes de soutirage du futur TURPE 6, et la création d’une composante de gestion applicable aux seules participations à une opération d’autoconsommation collective.

Enfin, s’agissant des tarifs réglementés de vente d’électricité, la CRE propose de prévoir des dispositions particulières pour les seuls clients en autoconsommation collective.

A toutes fins utiles, on relèvera une question de la CRE d’ordre plus général, sur les « chantiers prioritaires en vue du TURPE 6 » (question n°3).

Les intéressés ont jusqu’au 23 mars 2018 au plus tard pour apporter leurs réponses.

Consultation publique n°2018-003 du 15 février 2018 relative à la prise en compte de l’autoconsommation dans la structure du TURPE HTA-BT et des tarifs réglementés de vente

[1] Pour les opérations d’autoconsommation individuelle, la CRE propose de limiter l’exonération de la contribution pour le service public de l’électricité (CSPE) aux installations d’une puissance comprise entre 0 à 9 kilowatt crète (kWc).

[2] La CRE recommande le maintien des tarifs d’achat en guichet ouvert pour les installations d’une puissance de 0 à 100 kWc, et la sélection par appel d’offres pour les installations d’une puissance supérieure à 100 kWc.

[3] L’article L. 315-3 du Code de l’énergie dispose que : « la Commission de régulation de l’énergie établit des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d’autoconsommation, lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kilowatts ».

Compétence du Conseil d’Etat pour connaître des prérogatives de sanction du CoRDiS et conditions d’application de la suspension de l’obligation de conclure un achat d’électricité produite par une installation de production d’énergie renouvelable

Par une demande du 30 août 2010, la société Solareo, agissant pour le compte de la société Ateliers de construction mécanique de Marigny (ci-après, « ACMM »), avait sollicité auprès de la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après, « ERDF »), désormais nommée Enedis, son raccordement au réseau public de distribution d’électricité dans le cadre d’un projet de centrale photovoltaïque.

ERDF avait communiqué une offre de raccordement composée d’une convention de raccordement et d’une convention d’exploitation à la société ACMM qui a signé ses conventions le 3 décembre 2010. Cependant, ERDF a décidé de ne pas exécuter la convention de raccordement signée et notifiée par la société ACMM au motif qu’elle tombait dans le champ d’application du décret du 9 décembre 2010 par lequel le Premier ministre avait suspendu pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur, soit le 10 décembre 2010, l’obligation de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations, d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts.

La société ACMM avait alors saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions (ci-après, le « CoRDiS ») de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, la « CRE ») d’une demande de règlement des différends pour qu’ERDF exécute la convention et réalise les travaux de raccordement. Par une décision du 2 juillet 2012, le CoRDiS a fait droit à cette demande au motif que la société ERDF ne pouvait invoquer le décret précité du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil pour s’opposer à l’exécution de la convention de raccordement. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 septembre 2013.

Sur le fondement de cet arrêt, les travaux de raccordement ont été achevés les 29 et 30 octobre 2012 et l’installation a été mise en service le 8 février 2013. Cependant, par décisions des 12 mars et 13 mai 2013, la société Electricité de France (ci-après, « EDF ») a refusé de conclure avec la société ACMM un contrat d’achat d’électricité, au motif que le décret du 9 décembre 2010 précité était applicable au cas d’espèce. EDF a donc invité la société à déposer une nouvelle demande de raccordement auprès d’ERDF. La société ACMM a alors saisi le CoRDiS d’une demande de sanction à l’encontre d’EDF en application de l’article L. 134-25 du code de l’énergie mais le membre désigné du CoRDiS rejette sa demande et refuse de mettre en œuvre le pouvoir de sanction du CoRDiS. La société ACMM a alors demandé au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 février 2016 par laquelle le membre désigné par le CoRDiS a refusé de donner suite à sa demande de sanction dans les conditions fixées par l’article R. 134-33 du même code.

Le Conseil d’Etat a d’abord dû se prononcer sur sa compétence. Celle-ci n’était pas acquise car l’article L. 134-34 du code de l’énergie ne donne compétence au Conseil d’Etat que pour connaître des décisions de sanction prononcées par le CoRDiS. Dans la continuité de ce texte, le Conseil d’Etat a estimé qu’il était également compétent pour connaître des décisions par lesquelles le CoRDiS refuse, sur le fondement de l’article R. 134-33 du Code de l’énergie, de donner suite à une demande de sanction. Le Conseil d’Etat a ensuite admis, selon une jurisprudence bien établie (CE, sect., 30 novembre 2007, Tinez, n° 293952) que le recours de la société ACMM contre la décision de refus du CoRDiS de faire usage de son pouvoir de sanction était recevable (aux termes de la jurisprudence précitée le Conseil d’Etat exerce effectivement un contrôle restreint sur le refus d’une autorité administrative indépendante d’instruire une demande tendant à ce qu’elle fasse usage de ses pouvoirs de sanction).

Ces questions préliminaires de compétence et de recevabilité réglées, le Conseil d’Etat a examiné au fond le refus du CoRDiS de faire usage de ses pouvoirs de sanction.

En premier lieu, il a jugé que le membre désigné du CoRDiS n’avait pas commis d’erreur de droit en se fondant, pour refuser de donner suite à la demande de sanction à l’encontre de la société EDF s’agissant de l’opposition à la décision du 2 juillet 2012 invoquée par la société ACMM, sur ce que la société EDF était un tiers au regard de cette décision. En effet, si la demande de raccordement est un préalable à la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité, le litige du 2 juillet 2012 opposait ERDF à la société ACMM concernant la demande de raccordement. Dès lors, il ne pouvait être opposé à EDF à l’occasion d’un litige relatif à l’achat d’électricité.

En second lieu, le Conseil d’Etat a jugé que le décret du 9 décembre 2010 trouvait à s’appliquer en l’espèce. En effet, « il résulte des dispositions des articles 1er et 3 du décret du 9 décembre 2010 que l’obligation de conclure un contrat d’achat prévue par l’article 10 de la loi du 10 février 2000 a été suspendue pour une durée de trois mois à compter du 10 décembre 2010 et qu’ont notamment été exclues du champ de cette suspension les installations pour lesquelles l’acceptation de la proposition technique et financière a été notifiée au gestionnaire du réseau avant le 2 décembre 2010 ». Le Conseil d’Etat ajoute qu’« il découle également de ces dispositions que la suspension instituée par le décret ne saurait davantage s’appliquer au cas où une convention de raccordement a été proposée par le gestionnaire de réseau sans formalisation préalable d’une proposition technique et financière et où cette convention a été signée et notifiée au gestionnaire du réseau avant le 2 décembre 2010 ». Or, le Conseil d’Etat relève que tel était le cas en l’espèce puisque la société ERDF avait adressé directement une convention de raccordement à la société ACMM sans formalisation préalable et que la convention a été signée après le 2 décembre 2010. Le Conseil d’Etat en conclut que le membre désigné du CoRDiS n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, pour refuser de donner suite à la demande de sanction à l’encontre d’EDF, que la suspension de l’obligation d’achat d’électricité prévue par le décret du 9 décembre 2010 était applicable à la société ACMM.

La solution juridique retenue pour motivée qu’elle soit aboutit toutefois à une solution bien inopportune.

Précisions sur l’imputation dans la redevance R2 des « frais de gestion » supportés par l’AODE maître d’ouvrage de travaux

Dans une décision du 1er février 2018, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement rendu en première instance par le Tribunal administratif de Dijon rejetant les recours introduits par la société ErDF, devenue Enedis en cours d’instance, à l’encontre de trois titres exécutoires émis par le Syndicat Intercommunal des Collectivités Electrifiées de la Côte d’Or (ci-après, SICECO) en vue de procéder au recouvrement de la redevance R2 due au titre des années 2013 et 2014 et de la compensation PCT/R2 due au titre de l’année 2011. L’objet du différend entre le SICECO et la société Enedis portait sur la répercussion des frais de gestion supportés par le Syndicat à l’occasion des travaux réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage dans l’assiette de calcul de la redevance d’investissement dite « R2 ».

En liminaire, on rappellera que le contrat de concession relatif à la distribution publique d’électricité conclu localement entre une Autorité Organisatrice de la Distribution publique d’Electricité (ci-après, « AODE »), la société Enedis et la société EDF organise les différents flux financiers existant entre l’autorité concédante et les concessionnaires. Parmi ces flux, une redevance de concession comprenant une part d’investissement dite « R2 » est prévue à l’article 2-3 de l’annexe n°1 du modèle de cahier des charges de concession, ladite redevance étant versée annuellement par la société Enedis à l’autorité concédante en contrepartie des investissements effectués par l’autorité concédante sur le réseau. Le montant de cette redevance est déterminé en faisant application d’une formule de calcul, mentionnée à l’article 2-3 de l’annexe 1 précitée, composée de plusieurs termes, dont les termes A et B qui correspondent au coût des travaux réalisés sous la maîtrise d’ouvrage du Syndicat.

Le litige opposant le SICECO à la société Enedis portait sur le montant des « frais de gestion » supportés par le Syndicat et répercutés par ce dernier dans l’assiette de la redevance R2 et de la compensation PCT/R2[1]. Ces frais de gestion correspondent aux coûts internes supportés par l’AODE lorsqu’elle assure la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de travaux sur le réseau de distribution d’électricité en application de la répartition de cette maîtrise d’ouvrage prévue par le contrat. Le principe de l’intégration de ces coûts dans le calcul de l’assiette de la redevance R2 avait été confirmé à l’occasion d’une réunion de la Commission permanente de conciliation du 22 décembre 1994 réunissant, à l’époque, des représentants de la société EDF et de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR), laquelle a en outre préconisé de les prendre en compte, de préférence par application d’un taux forfaitaire ou, à défaut, sur la base de l’identification, dans la comptabilité de l’AODE, des dépenses exposées.

Dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Dijon, puis à la Cour administrative d’appel de Lyon, le SICECO et la société EDF, à laquelle s’est ensuite substituée la société ErDF, devenue Enedis, avaient d’un commun accord, décidé depuis 1998 (date de l’entrée en vigueur du contrat de concession localement applicable) et jusqu’en 2009, de fixer ce taux de frais de gestion interne à 12,25%. A compter de l’année 2010, la société ERDF (Enedis) avait toutefois dénoncé l’application de ce taux et contesté notamment trois titres de recettes émis par le Syndicat en vue de procéder au recouvrement de la redevance R2 des années 2013 et 2014 et de la compensation « PCT » au titre de l’année 2011.

Saisie de l’appel dirigé contre le jugement du Tribunal administratif de Dijon ayant rejeté les requêtes de la société Enedis, la Cour constate (considérant n° 8 et 9) que la société Enedis, après avoir dans un premier temps contesté le taux de 12,25%, avait fini par admettre son application. En conséquence de quoi, la Cour relève « que dès lors que les parties avaient trouvé, au titre de chacune des années en litige, un accord sur le taux de frais de gestion pour le calcul de la redevance R2 et de la compensation R2/PCT, il leur appartenait de faire application de ce taux forfaitaire ». La Cour apporte néanmoins deux précisions importantes :

–       D’une part, elle relève que dès lors que les parties se sont mises d’accord pour faire application d’un taux forfaitaire, il n’est pas nécessaire pour le Syndicat « d’établir que les montants qui en résultent correspondraient au montant des charges supportées réellement par lui » ;

–       D’autre part, répondant à un moyen soulevé par la société Enedis, la Cour relève qu’en dépit de l’application d’un taux forfaitaire, les sommes ainsi mises à sa charge constituent bien la contrepartie de charges supportées par l’autorité concédante en rapport avec le service concédé.

Par ailleurs, la société Enedis soutenait que le SICECO n’apportait pas la preuve de ce qu’il avait bien déduit du montant du terme A, le montant des aides émanant du FACE qu’il avait perçues au titre des années en cause, et d’autre part, que le SICECO devait, de manière prioritaire, solliciter auprès du FACE la prise en charge partielle des coûts de maîtrise d’œuvre, et ne pouvait donc imputer ces coûts dans la redevance R2, que de manière subsidiaire. On rappellera que le terme A correspond, aux termes de l’article 2-3 de l’annexe 1 précitée, « au montant total hors TVA, mandaté au cours de l’année pénultième par les collectivités exerçant la maîtrise d’ouvrage des travaux sur le réseau concédé réalisés dans le cadre des programmes aidés notamment par le Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ), duquel sont déduites les aides versés par ce fonds ».

Sur cette question, la Cour administrative d’appel précise :

–       Qu’avant d’appliquer le taux forfaitaire représentatif des frais de gestion, il convient de déduire du montant des travaux entrant dans le champ du terme A, les coûts de maîtrise d’œuvre pris en charge par le FACE. Toutefois, au cas présent, le Syndicat n’ayant pas bénéficié de la prise en charge par le FACE de ces coûts, aucune erreur de calcul ne pouvait lui être reprochée.

–       Qu’aucun principe, ni aucune disposition de quelle que nature que soit n’oblige l’AODE à faire usage de la possibilité qui s’offre à elle de solliciter la prise en charge partielle des coûts de maîtrise d’œuvre par le FACE. Ainsi, le Syndicat était fondé à chercher à obtenir la prise en charge de ces coûts uniquement via la redevance R2 versée par le concessionnaire.

[1] Ce mécanisme spécifique a été introduit par avenant dans certains contrats de concession afin d’organiser le reversement par le concessionnaire au concédant exerçant la maîtrise d’ouvrage de travaux de raccordement de la « part couverte par le tarif » (PCT), c’est-à-dire de la part du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de Distribution d’Electricité (TURPE) perçue par la société Enedis sur les usagers du service et correspondant à ces travaux de raccordement.

Annulation d’une garde à vue pour violation des exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale : absence de motivation de cette mesure au regard des objectifs prévus par ladite disposition

Par un arrêt rendu le 7 juin 2017, la Cour a confirmé l’annulation d’une mesure de garde à vue au motif que celle-ci méconnaissait les exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale. Pour rappel, cet article prévoit que la décision de placer quelqu’un en garde à vue doit impérativement constituer l’unique moyen de parvenir à l’un des six objectifs que le même article énumère.

En l’espèce, un individu mis en cause pour des faits de faux en écriture publique avait été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire au seul motif que cette mesure constituait l’unique moyen de garantir « la présentation de la personne devant le procureur de la République » (article 62-2, second alinéa, 2°).

Or, aucune raison objective ne permettait de penser que le mis en cause ne se présenterait pas devant le Procureur aux yeux de la chambre de l’instruction, ce dernier ayant déjà déféré à une première réquisition aux fins de remise de pièces et s’étant ensuite rendu à deux reprises à la gendarmerie sans jamais soulever de difficulté. En outre, la chambre soulignait que cet individu disposait d’une famille et d’une situation stable au moment des faits.

En validant le raisonnement de la chambre, cet arrêt de la Cour énonce trois précisions utiles :
• D’abord, il incombe à la chambre de l’instruction de vérifier avec rigueur si la motivation d’une mesure de garde à vue satisfait aux exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale fixant les motifs justifiant une telle mesure de contrainte ;

• Ensuite, la chambre doit opérer ce contrôle en se situant au moment du placement en garde à vue de l’individu concerné ;

• Enfin, cette irrégularité cause nécessairement un grief à la personne concernée car celle-ci a été retenue sous la contrainte alors qu’une audition libre aurait été suffisante. L’annulation de la garde à vue en question s’en trouve donc justifiée.

Les incidences de l’Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 sur les modalités de rupture du contrat de travail

Sur la motivation du licenciement :

Dans le but de limiter les risques d’erreurs des employeurs et ainsi réduire les risques de contentieux notamment dus à l’absence ou à l’insuffisance de motivation du licenciement, l’Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO, 23 sept.) prévoit la création par décret de modèles de lettres de licenciement, aussi bien économique que non économique.

Dans ce cadre, six modèles de lettres sont mis à la disposition de l’employeur (motif personnel disciplinaire, non disciplinaire, inaptitude aussi bien non professionnelle que professionnelle, motif économique individuel et collectif).
Il sera possible pour le salarié de demander à l’employeur des précisions sur le ou les motifs de licenciement ou pour l’employeur de préciser de sa propre initiative lesdits motifs : seule la lettre une fois complétée fixera les limites du litige.
Etant précisé que l’application d’un modèle est sans incidence sur l’application de stipulations conventionnelles ou contractuelles plus favorables applicables au contrat de travail du salarié licencié.
En tout état de cause, le recours à ces modèles proposé à l’employeur reste une faculté, il n’est donc pas dans l’obligation de les utiliser pour notifier un licenciement.
Ce décret est paru au Journal officiel du 30 décembre 2017 : A compter du 31 décembre 2017, l’employeur peut ainsi les utiliser pour procéder à la notification du licenciement.

Sur l’indemnité légale de licenciement :

Tout salarié licencié hors faute grave, qui justifie des conditions d’ouverture du droit (dont justifier de huit mois d’ancienneté ininterrompue), se voit accorder une indemnité légale de licenciement (à comparer toutefois avec l’indemnité conventionnelle ou contractuelle, seule l’indemnité la plus favorable lui sera versée).

L’article R.1234-2 du Code du travail précise le calcul applicable aux ruptures à compter du 27 septembre 2017 :

– Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

– Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Au regard des dates de publication de l’Ordonnance n°2017-1387 et du Décret n°2017-1398, le droit à l’indemnité de licenciement dès huit mois d’ancienneté s’est appliqué dès le 24 septembre 2017, néanmoins le calcul de l’indemnité de licenciement a été effectif à compter du 27 septembre 2017.

Majoration de 40% des indemnités de fonction des chefs d’exécutifs locaux : une instruction vient préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif

La loi de finances pour 2018 a modifié, en son article 100, les différentes dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT) encadrant le montant des indemnités de fonction des exécutifs locaux pour permettre aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre les plus importants de les majorer de 40%.
Sont plus précisément concernés les maires des communes de 100 000 habitants et plus, les présidents des conseils départementaux, le président du conseil de la métropole de Lyon, les présidents des conseils régionaux, le président de l’assemblée de Corse et le président du conseil exécutif de Corse, les présidents des conseils des communautés de communes de 100 000 habitants et plus, des communautés d’agglomération de 100 000 habitants et plus, des communautés urbaines de 100 000 habitants et plus, ainsi que les présidents des conseils des métropoles, dont le président du conseil de la Métropole du Grand Paris; le président de l’assemblée de Guyane, le président de l’assemblée de Martinique et le président du conseil exécutif de Martinique.
Le dispositif légal conditionne cette majoration à la circonstance que ne soit pas dépassé le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI à fiscalité propre hors prise en compte de ladite majoration.
Une circulaire du ministre de l’intérieur du 10 janvier 2018 est venue préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif.
Elle indique d’abord que la majoration est de même nature que l’indemnité de fonction, de sorte qu’elle obéit au même régime juridique, fiscal et social.
Elle rappelle ensuite que la majoration constitue un plafond à ne pas dépasser, qu’elle n’a aucun caractère automatique ou obligatoire, et qu’elle doit, dès lors, faire l’objet d’une délibération.
Il est encore précisé que la perception des indemnités étant liée à l’exercice effectif des fonctions, l’enveloppe mentionnée par les dispositions légales, comprenant le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI à fiscalité propre avant application de la majoration, est calculée à partir du nombre effectif, et non du nombre maximal, d’adjoints au maire et de conseillers municipaux (ou de vice-présidents, de conseillers départementaux, régionaux ou communautaires et, le cas échéant, de membres de la commission permanente).
Il est enfin souligné que cette enveloppe est distincte de l’enveloppe indemnitaire applicable pour encadrer l’octroi des indemnités aux adjoints (ou aux vice-présidents d’un EPCI à fiscalité propre).
Une annexe donne un exemple de calcul de majoration de l’indemnité d’un maire d’une commune de 100 000 habitants et plus.

Port de signes religieux par les infirmières

Le Conseil d’Etat a rendu, le 28 juillet 2017, un arrêt précisant les droits au port de signes religieux par les élèves infirmiers (CE, 28 juillet 2017 n° 390740 Boutaleb et a.).
Jusqu’alors, un arrêté ministériel imposait que le règlement des instituts de formation paramédicaux, interdise de porter des signes et tenues manifestant ostensiblement l’appartenance à une religion non seulement dans l’enceinte de l’établissement public d’enseignement supérieur, mais également au cours de toutes les activités se déroulant sous sa responsabilité ou celle de ses enseignants, y compris lorsqu’elles se déroulent dans d’autre lieux d’enseignement, et, enfin, dans les établissements de santé où les élèves apprennent la pratique de leur profession.
Deux élèves infirmières qui avaient fait l’objet de mesures disciplinaires, pour avoir méconnu ces dispositions, avait obtenu l’annulation de ces sanctions devant la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris 6 déc.2016 n°15PA03527), puis avaient, avec une association, demandée aux ministres compétents d’abroger ces dispositions. Sans réponse de leur part, elles avaient saisi le Conseil d’Etat.
Ce dernier, considérant que les instituts de formation, établissements d’enseignement supérieur, n’étaient pas concernés par la loi du 15 mars 2004, a estimé qu’en tant qu’usagers, les infirmières avaient droit au port de signes religieux dans l’établissement de formation, dès lors que ces signes ne portent pas atteinte ni au bon fonctionnement du service, ni à la liberté d’autrui.
Toutefois, le Conseil d’Etat nuance fortement son propos, dans le cas où une partie de la formation (académique par exemple) serait suivie dans un lycée public. Ici, la loi du 15 mars 2004 interdisant à tous les élèves et même ceux qui sont considérés comme des étudiants, le port de ces signes, les élèves infirmiers devraient se plier à ces dernières dispositions.
Le Conseil d’Etat a également précisé le cas où l’élève infirmier est en stage dans un établissement de santé. La question est différente ici. Exerçant leur futur métier lors des stages, ils ne sont pas des étudiants. Ils sont des agents du service public s’ils exercent dans des établissements chargés d’une mission de service public. Les stagiaires exerçant dans des établissements privés non chargés d’une mission de service public sont des salariés.
Dans le premier cas, le stagiaire est soumis à une obligation de stricte neutralité. Dans le second cas, le stagiaire est soumis au règlement intérieur de l’établissement qui doit lui-même être conforme aux dispositions du Code du travail. La liberté de porter de signes religieux ne peut être limitée que si le règlement intérieur de l’établissement le prévoit et si la restriction est justifiée par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elle est proportionnée au but poursuivi (Code du travail art. L. 1321-2-1).
Le Conseil d’Etat a conclu « qu’en interdisant aux élèves des instituts de formations paramédicaux […] de manifester leurs convictions religieuses sans distinguer entre les situations dans lesquelles les élèves sont susceptibles de se trouver en tant qu’usagers du service public ou en tant que stagiaires dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, le ministre a édicté une interdiction qui, par son caractère général, est entachée d’illégalité ».
Il a enjoint à la ministre en charge de la santé d’abroger ces dispositions ou de les modifier conformément aux motifs de la présente décision.

Rapport annuel de la Cour des comptes 2018 : un titre consacré à la sortie des emprunts toxiques

A l’occasion de la publication de son rapport annuel le 7 février 2018, la Cour des comptes vient de consacrer une sous-partie de son Chapitre III relatif aux finances publiques à « la sortie des emprunts à risques des collectivités locales » dont elle dresse le bilan en relevant que cette gestion est « un exercice mené à bien mais un coût élevé pour les finances publiques » (cf. pages 93 à 141 du rapport).

La Cour des comptes soulève ainsi dès l’introduction de cette partie que la crise des emprunts à risque relève d’une combinaison de responsabilités : celles des banques, de l’Etat et des collectivités territoriales.

Celle des banques, tout d’abord, et notamment celle de Dexia, pour avoir « conçu ces produits structurés et encouragé leur souscription, en particulier auprès des petites communes ».

La responsabilité des banques est cependant peu abordée sur le fond, ce qui a provoqué une vive critique du Département de la Seine-Saint-Denis qui déplore, dans sa réponse annexée au rapport, le fait que les responsabilités des différents acteurs soient mises sur un pied d’égalité alors que « ces contrats ont été proposés et vendus en dehors de toute considération déontologique des acteurs financiers. Votre rapport souligne d’ailleurs que les collectivités ne pouvaient mesurer l’intensité et la probabilité de survenance du risque. La part de responsabilité des banques, et notamment de Dexia, est incontestablement la plus importante eu égard à cette asymétrie de connaissance des modalités de structuration des produits. »

Celle de l’Etat, ensuite, « qui n’a pas pris la mesure des risques encourus lors de l’apparition de ces nouveaux emprunts et n’a pas mis en place rapidement les dispositifs juridiques et comptables qui auraient évité leur propagation ».

Si l’Etat a effectivement apporté une première réponse en décembre 2009 par la création de la « Charte Gissler », la Cour rappelle que l’aide étatique proposée en 2012 d’un montant de 50 millions d’euros dans le but de financer une partie des indemnités de remboursement anticipé (IRA) s’est rapidement avérée insuffisante.

Puis, d’une part, il est rappelé que l’Etat est devenu actionnaire majoritaire de la SFIL en janvier 2013, passant de conciliateur à « partie prenante car il était exposé à toute difficulté de la nouvelle entité bancaire ».

D’autre part, à la suite des trois jugements du Tribunal de Grande Instance de Nanterre rendus le 8 février 2013 et donnant gain de cause à l’action du Département de la Seine-Saint-Denis contre DEXIA et la SFIL quant à l’absence de mention du TEG dans les documents précontractuels, l’Etat a proposé la mise en place du fonds de soutien aux collectivités alimenté, en premier lieu, à 1,5 milliards d’euros en vue d’une sortie amiable des prêts structurés en échange d’une loi de validation rétroactive admise par les élus locaux qui réduirait à néant la jurisprudence du Tribunal de Grande Instance de Nanterre.

La Cour rappelle ainsi que l’Etat craignait un risque, évalué par lui, à 17 milliards d’euros lié aux effets de la jurisprudence nanterroise qui entrainait une application du taux d’intérêt légal aux prêts structurés égal à 0% environ, étant précisé que cet argument a été largement martelé dans le cadre des contentieux opposant les collectivités aux banques malgré l’opacité de ce calcul.

De ces deux considérations précédentes est né le fonds de soutien que la Cour estime, dans la limite de ses investigations, « transparent et cohérent ».

Néanmoins, la Cour considère que l’Etat a, « pendant trop longtemps, maintenu un cadre juridique trop accommodant. »

Enfin, la responsabilité des collectivités locales est également soulignée en ce que ces dernières ont emprunté librement et en ce que les présidents d’exécutifs locaux « ont pris des risques inconsidérés pour des avantages de court terme sans en informer correctement leur assemblée délibérante ».

La Cour déplore ainsi le fait que les dix plus gros bénéficiaires du fonds sont des grandes collectivités qui disposaient pourtant « d’une capacité d’expertise liée à leur taille qui aurait dû leur permettre des choix plus éclairés en matière d’emprunt. »

Très peu de passages sont d’ailleurs consacrés aux contentieux judiciaires que la Cour semble considérer comme désormais endigués et à faible impact budgétaire, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Versailles du 21 septembre 2016 ayant considéré les communes de Saint-Leu-la-Forêt, Saint-Dié-des-Vosges, Saint-Cast-le-Guildo et Carrières-sur-Seine comme des « emprunteurs avertis », prenant ainsi le contrepied des juges de première instance.

Pour autant, il doit être noté que ces quatre affaires sont actuellement pendantes devant la Cour de cassation. Une décision est donc attendue dans les mois prochains.

Les collectivités restent ainsi les grandes perdantes de ce dispositif de sortie de crise et il est patent de constater que tout en saluant la mise en place du dispositif du Fonds de soutien, la Cour relève que « même renégociés et refinancés, les emprunts à risque continueront de peser durablement sur la dette et les capacités d’investissement des plus petites collectivités au cours des quinze prochaines années. »

Ainsi, au total, le coût de cette sortie des emprunts à risque pour les finances publiques a dépassé les 3 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 dont 1 milliard d’euros pour l’Etat et 2 milliards d’euros pour les collectivités locales concernées.

Si l’opération de sortie des emprunts à risque est donc considérée comme satisfaisante pour la Cour dans son ensemble, elle ne manque pas de souligner que « le processus de désensibilisation des emprunts à risque des collectivités locales ne saurait faire oublier l’ampleur et la gravité de ce qui restera comme l’une des plus graves crises ayant affecté les finances locales ».

La signature d’un contrat de séjour ne place pas l’usager dans une relation contractuelle avec l’établissement d’accueil

Dans un arrêt en date du 5 juillet 2017 (n° 399977), le Conseil d’Etat jugé pour la première fois que les usagers des établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) de droit public ne sont pas placés dans une situation contractuelle quand bien même ils seraient signataires d’un contrat de séjour.
Le Conseil d’Etat ne s’était en effet jamais prononcé sur la qualification du contrat de séjour en ESSMS de droit public. Par cet arrêt, il vient trancher les solutions divergentes des Cours administratives d’appel (CAA) de Nancy et de Nantes sur la qualification du contrat de séjour, la première ayant déjà jugé que la signature d’un contrat de séjour ne plaçait pas l’usager dans une relation contractuelle avec l’établissement (CAA Nancy, 30 mai 2011, n° 10NC01016), contrairement à la CAA de Nantes qui a jugé l’inverse.
Au cas d’espèce, la requérante, qui était l’ayant droit d’une personne hébergée au sien d’un établissement géré par un centre communal d’action sociale a réclamé le versement de dommages et intérêts en réparation de préjudices consécutifs à une chute. Le Conseil d’Etat a jugé « que les usagers de ce service public ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l’établissement concerné, alors même qu’ils concluent avec celui-ci un  » contrat de séjour  » ou qu’est élaboré à leur bénéfice un  » document individuel de prise en charge », dans les conditions fixées par l’article L. 311-4 du même code ». De ce fait, il fait application du principe selon lequel l’usager du service public se trouve nécessairement placé dans une situation légale ou réglementaire et non contractuelle vis-à-vis de l’établissement. Il convient cependant de souligner que cette solution s’applique aux usagers des services publics administratifs et non à ceux d’ESSMS de droit privé.

Un établissement ne peut mettre fin à la prise en charge d’une personne handicapée tant qu’il ne s’est pas assuré que la personne dispose d’une solution d’accueil adaptée

Par une décision du 31 mars 2017, le Conseil d’Etat a ordonné la suspension de l’exécution d’une décision d’arrêt de prise en charge d’un majeur en situation de handicap. Il a en effet considéré que la condition d’urgence était remplie du fait qu’aucune solution alternative d’accueil ne lui avait été proposée.
Cette décision sanctionne pour la première fois le non-respect des dispositions de l’article L. 311-4-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles, créées par la loi n° 2015-1577 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (loi ASV), qui interdisent l’arrêt de prise en charge d’une personne tant que le gestionnaire ne s’est pas assuré que la personne dispose d’une solution d’accueil adaptée, y compris lorsqu’elle ne remplit plus les critères d’admission de l’établissement.
En l’espèce, un foyer d’accueil médicalisé (FAM), géré par une association, avait notifié à un adulte handicapé la fin de sa prise en charge, prenant effet le jour même, avant que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) n’ait pu prendre une nouvelle décision d’orientation pour le requérant.
Ce dernier, représenté à l’instance par sa mère et tutrice a introduit un référé-liberté auprès du tribunal administratif de Versailles, lui demandant notamment d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision de l’association. Le juge des référés a rejeté la demande au motif que la décision attaquée ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la sécurité du requérant, ni au droit à mener une vie privée et familiale normale de sa mère.

Le Conseil d’Etat a rappelé que l’Etat et les autres personnes publiques chargées de l’action sociale en faveur des personnes handicapées doivent « assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, une prise en charge effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l’état comme à l’âge des personnes atteintes du syndrome autistique. Elle implique que les organismes privés vers lesquels des personnes handicapées ont été orientées dans ce cadre accomplissent la mission de service public qui leur est ainsi confiée. Si une carence dans l’accomplissement de cette mission est de nature à engager la responsabilité de ces autorités ou établissements, elle n’est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, que si elle est caractérisée, au regard notamment des pouvoirs et des moyens dont disposent ces autorités, et si elle entraîne des conséquences graves pour la personne atteinte de ce syndrome, compte tenu notamment de son âge et de son état. En outre, le juge des référés ne peut intervenir, en application de cet article, que pour prendre des mesures justifiées par une urgence particulière et de nature à mettre fin immédiatement ou à très bref délai à l’atteinte constatée ».
Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’ordonnance du TA de Versailles en estimant que la condition d’urgence était remplie du fait de l’exclusion du requérant du FAM sans solution de prise en charge alternative et que cette situation fait subir à la personne handicapée un changement brutal de mode de vie la prive de la stabilité et des repères indispensables à son équilibre psychologique. Le Conseil d’Etat a également indiqué que le retour au foyer de sa mère était de nature à porter immédiatement atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale, en raison du fait qu’elle vit seule, que la pathologie de son fils nécessite une surveillance et des soins continus, et que la pathologie de son fils provoque chez lui des accès de violence qu’elle ne peut contrôler et qui sont de nature à les mettre tous les deux en danger.
Le Conseil d’Etat a également estimé que la condition relative à l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale était remplie au cas d’espèce au motif que l’association ne s’était pas conformée aux dispositions de l’article L. 241-6 du CASF selon lequel « l’établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l’accompagnement sans décision préalable de la commission ».
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi qu’il « résulte de ces dispositions une obligation pour les établissements concourant à l’accueil des adultes handicapés de saisir la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées avant toute décision de mettre un terme à leur prise en charge », faisant ainsi application des dispositions créées par la loi ASV précitées.

L’extension des vaccins obligatoires : focus sur les établissements et services de soins et médico-sociaux

Le Premier ministre a signé le 25 janvier dernier le décret n°2015-42 relatif à la vaccination obligatoire, pris en application de l’article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

L’article 49 précité prévoit l’extension de l’obligation vaccinale de 4 à 11 vaccins en élargissant le champ des vaccinations obligatoires de l’article L. 3111-2 du code de la santé publique (CSP). La loi abroge en outre les sanctions spécifiques au refus de vaccination pour ne laisser que l’infraction générale prévue à l’article 227-17 du Code pénal.

Enfin, l’article L. 3111-2 (CSP) précise désormais d’une part que « les personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues personnellement responsables de l’exécution de cette obligation » et, d’autre part, qu’ils devront justifier l’administration de ces vaccins avant « l’admission ou le maintien dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants », selon des modalités définies par décret. Ce sont ces règles qui sont précisées dans le décret du 25 janvier.

Le décret du 25 janvier prévoit en son article 2 modifiant notamment l’article D. 31117 du Code de la santé publique (CSP), que l’admission du mineur est subordonnée à la présentation du carnet de santé ou de tout autre document qui atteste du respect de l’obligation vaccinale, dans les établissements médico-sociaux suivants :

– ceux mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 2324-1 CSP, c’est dire ceux gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans sont subordonnées à une autorisation délivrée par le président du conseil départemental , après avis du maire de la commune d’implantation ; ainsi que ceux de droit public accueillant des enfants de moins de six ans sont décidées par la collectivité publique intéressée, après avis du président du conseil départemental ; il s’agit là des crèches ;

– ceux régis par les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 2324-1 CSP et R. 227-1 du même code, c’est à dire les accueils de loisirs sur temps périscolaire ou extrascolaire ;

– les accueils au domicile d’assistants maternels prévus par l’article L. 421-1 du Code de l’Action Sociale et de la Famille ;

– les pouponnières et maisons d’enfants à caractère sanitaire qui relèvent de l’article L. 2321-1 CSP ;
– les établissements prenant en charge des mineurs et des majeurs de moins de 21 ans relevant des services de l’aide sociale à l’enfance, relevant de l’article L. 312-1, I, 1° du CASF ;

– les établissements médico-éducatifs (EME), recevant des élèves orientés par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et offrant une prise en charge éducative et thérapeutique adaptée, relevant de l’article L. 312-1, I, 2° du CASF ;

– les centres d’action médico-sociale précoce visant à la prise en charge des enfants handicapés, relevant de l’article L. 312-1, I, 3° du CASF ;

– « et dans toute autre collectivité d’enfants ».

Il est à noter que l’article 2 du décret prévoit une dérogation qui s’applique à l’accueil au sein des structures citées ci-dessous, à l’exclusion donc de « toute autre collectivité d’enfants », pour lesquelles elle ne s’applique pas. Cette dérogation permet d’admettre provisoirement un mineur même en cas de défaut d’une ou plusieurs vaccinations obligatoires. Il doit dès lors réaliser ces vaccins dans les trois mois qui suivent l’admission provisoire, afin d’entrer en conformité avec le calendrier vaccinal.