le 15/02/2018

Un établissement ne peut mettre fin à la prise en charge d’une personne handicapée tant qu’il ne s’est pas assuré que la personne dispose d’une solution d’accueil adaptée

CE, 31 mars 2017, n° 409026

Par une décision du 31 mars 2017, le Conseil d’Etat a ordonné la suspension de l’exécution d’une décision d’arrêt de prise en charge d’un majeur en situation de handicap. Il a en effet considéré que la condition d’urgence était remplie du fait qu’aucune solution alternative d’accueil ne lui avait été proposée.
Cette décision sanctionne pour la première fois le non-respect des dispositions de l’article L. 311-4-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles, créées par la loi n° 2015-1577 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (loi ASV), qui interdisent l’arrêt de prise en charge d’une personne tant que le gestionnaire ne s’est pas assuré que la personne dispose d’une solution d’accueil adaptée, y compris lorsqu’elle ne remplit plus les critères d’admission de l’établissement.
En l’espèce, un foyer d’accueil médicalisé (FAM), géré par une association, avait notifié à un adulte handicapé la fin de sa prise en charge, prenant effet le jour même, avant que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) n’ait pu prendre une nouvelle décision d’orientation pour le requérant.
Ce dernier, représenté à l’instance par sa mère et tutrice a introduit un référé-liberté auprès du tribunal administratif de Versailles, lui demandant notamment d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision de l’association. Le juge des référés a rejeté la demande au motif que la décision attaquée ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la sécurité du requérant, ni au droit à mener une vie privée et familiale normale de sa mère.

Le Conseil d’Etat a rappelé que l’Etat et les autres personnes publiques chargées de l’action sociale en faveur des personnes handicapées doivent « assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, une prise en charge effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l’état comme à l’âge des personnes atteintes du syndrome autistique. Elle implique que les organismes privés vers lesquels des personnes handicapées ont été orientées dans ce cadre accomplissent la mission de service public qui leur est ainsi confiée. Si une carence dans l’accomplissement de cette mission est de nature à engager la responsabilité de ces autorités ou établissements, elle n’est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, que si elle est caractérisée, au regard notamment des pouvoirs et des moyens dont disposent ces autorités, et si elle entraîne des conséquences graves pour la personne atteinte de ce syndrome, compte tenu notamment de son âge et de son état. En outre, le juge des référés ne peut intervenir, en application de cet article, que pour prendre des mesures justifiées par une urgence particulière et de nature à mettre fin immédiatement ou à très bref délai à l’atteinte constatée ».
Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’ordonnance du TA de Versailles en estimant que la condition d’urgence était remplie du fait de l’exclusion du requérant du FAM sans solution de prise en charge alternative et que cette situation fait subir à la personne handicapée un changement brutal de mode de vie la prive de la stabilité et des repères indispensables à son équilibre psychologique. Le Conseil d’Etat a également indiqué que le retour au foyer de sa mère était de nature à porter immédiatement atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale, en raison du fait qu’elle vit seule, que la pathologie de son fils nécessite une surveillance et des soins continus, et que la pathologie de son fils provoque chez lui des accès de violence qu’elle ne peut contrôler et qui sont de nature à les mettre tous les deux en danger.
Le Conseil d’Etat a également estimé que la condition relative à l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale était remplie au cas d’espèce au motif que l’association ne s’était pas conformée aux dispositions de l’article L. 241-6 du CASF selon lequel « l’établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l’accompagnement sans décision préalable de la commission ».
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi qu’il « résulte de ces dispositions une obligation pour les établissements concourant à l’accueil des adultes handicapés de saisir la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées avant toute décision de mettre un terme à leur prise en charge », faisant ainsi application des dispositions créées par la loi ASV précitées.