le 07/03/2018

Précisions sur l’imputation dans la redevance R2 des « frais de gestion » supportés par l’AODE maître d’ouvrage de travaux

CAA Lyon, 1er février 2018, Sté Enedis c/ SICECO, req. n° 15LY01850

Dans une décision du 1er février 2018, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement rendu en première instance par le Tribunal administratif de Dijon rejetant les recours introduits par la société ErDF, devenue Enedis en cours d’instance, à l’encontre de trois titres exécutoires émis par le Syndicat Intercommunal des Collectivités Electrifiées de la Côte d’Or (ci-après, SICECO) en vue de procéder au recouvrement de la redevance R2 due au titre des années 2013 et 2014 et de la compensation PCT/R2 due au titre de l’année 2011. L’objet du différend entre le SICECO et la société Enedis portait sur la répercussion des frais de gestion supportés par le Syndicat à l’occasion des travaux réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage dans l’assiette de calcul de la redevance d’investissement dite « R2 ».

En liminaire, on rappellera que le contrat de concession relatif à la distribution publique d’électricité conclu localement entre une Autorité Organisatrice de la Distribution publique d’Electricité (ci-après, « AODE »), la société Enedis et la société EDF organise les différents flux financiers existant entre l’autorité concédante et les concessionnaires. Parmi ces flux, une redevance de concession comprenant une part d’investissement dite « R2 » est prévue à l’article 2-3 de l’annexe n°1 du modèle de cahier des charges de concession, ladite redevance étant versée annuellement par la société Enedis à l’autorité concédante en contrepartie des investissements effectués par l’autorité concédante sur le réseau. Le montant de cette redevance est déterminé en faisant application d’une formule de calcul, mentionnée à l’article 2-3 de l’annexe 1 précitée, composée de plusieurs termes, dont les termes A et B qui correspondent au coût des travaux réalisés sous la maîtrise d’ouvrage du Syndicat.

Le litige opposant le SICECO à la société Enedis portait sur le montant des « frais de gestion » supportés par le Syndicat et répercutés par ce dernier dans l’assiette de la redevance R2 et de la compensation PCT/R2[1]. Ces frais de gestion correspondent aux coûts internes supportés par l’AODE lorsqu’elle assure la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de travaux sur le réseau de distribution d’électricité en application de la répartition de cette maîtrise d’ouvrage prévue par le contrat. Le principe de l’intégration de ces coûts dans le calcul de l’assiette de la redevance R2 avait été confirmé à l’occasion d’une réunion de la Commission permanente de conciliation du 22 décembre 1994 réunissant, à l’époque, des représentants de la société EDF et de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR), laquelle a en outre préconisé de les prendre en compte, de préférence par application d’un taux forfaitaire ou, à défaut, sur la base de l’identification, dans la comptabilité de l’AODE, des dépenses exposées.

Dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Dijon, puis à la Cour administrative d’appel de Lyon, le SICECO et la société EDF, à laquelle s’est ensuite substituée la société ErDF, devenue Enedis, avaient d’un commun accord, décidé depuis 1998 (date de l’entrée en vigueur du contrat de concession localement applicable) et jusqu’en 2009, de fixer ce taux de frais de gestion interne à 12,25%. A compter de l’année 2010, la société ERDF (Enedis) avait toutefois dénoncé l’application de ce taux et contesté notamment trois titres de recettes émis par le Syndicat en vue de procéder au recouvrement de la redevance R2 des années 2013 et 2014 et de la compensation « PCT » au titre de l’année 2011.

Saisie de l’appel dirigé contre le jugement du Tribunal administratif de Dijon ayant rejeté les requêtes de la société Enedis, la Cour constate (considérant n° 8 et 9) que la société Enedis, après avoir dans un premier temps contesté le taux de 12,25%, avait fini par admettre son application. En conséquence de quoi, la Cour relève « que dès lors que les parties avaient trouvé, au titre de chacune des années en litige, un accord sur le taux de frais de gestion pour le calcul de la redevance R2 et de la compensation R2/PCT, il leur appartenait de faire application de ce taux forfaitaire ». La Cour apporte néanmoins deux précisions importantes :

–       D’une part, elle relève que dès lors que les parties se sont mises d’accord pour faire application d’un taux forfaitaire, il n’est pas nécessaire pour le Syndicat « d’établir que les montants qui en résultent correspondraient au montant des charges supportées réellement par lui » ;

–       D’autre part, répondant à un moyen soulevé par la société Enedis, la Cour relève qu’en dépit de l’application d’un taux forfaitaire, les sommes ainsi mises à sa charge constituent bien la contrepartie de charges supportées par l’autorité concédante en rapport avec le service concédé.

Par ailleurs, la société Enedis soutenait que le SICECO n’apportait pas la preuve de ce qu’il avait bien déduit du montant du terme A, le montant des aides émanant du FACE qu’il avait perçues au titre des années en cause, et d’autre part, que le SICECO devait, de manière prioritaire, solliciter auprès du FACE la prise en charge partielle des coûts de maîtrise d’œuvre, et ne pouvait donc imputer ces coûts dans la redevance R2, que de manière subsidiaire. On rappellera que le terme A correspond, aux termes de l’article 2-3 de l’annexe 1 précitée, « au montant total hors TVA, mandaté au cours de l’année pénultième par les collectivités exerçant la maîtrise d’ouvrage des travaux sur le réseau concédé réalisés dans le cadre des programmes aidés notamment par le Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ), duquel sont déduites les aides versés par ce fonds ».

Sur cette question, la Cour administrative d’appel précise :

–       Qu’avant d’appliquer le taux forfaitaire représentatif des frais de gestion, il convient de déduire du montant des travaux entrant dans le champ du terme A, les coûts de maîtrise d’œuvre pris en charge par le FACE. Toutefois, au cas présent, le Syndicat n’ayant pas bénéficié de la prise en charge par le FACE de ces coûts, aucune erreur de calcul ne pouvait lui être reprochée.

–       Qu’aucun principe, ni aucune disposition de quelle que nature que soit n’oblige l’AODE à faire usage de la possibilité qui s’offre à elle de solliciter la prise en charge partielle des coûts de maîtrise d’œuvre par le FACE. Ainsi, le Syndicat était fondé à chercher à obtenir la prise en charge de ces coûts uniquement via la redevance R2 versée par le concessionnaire.

[1] Ce mécanisme spécifique a été introduit par avenant dans certains contrats de concession afin d’organiser le reversement par le concessionnaire au concédant exerçant la maîtrise d’ouvrage de travaux de raccordement de la « part couverte par le tarif » (PCT), c’est-à-dire de la part du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de Distribution d’Electricité (TURPE) perçue par la société Enedis sur les usagers du service et correspondant à ces travaux de raccordement.