le 15/02/2018

Rapport annuel de la Cour des comptes 2018 : un titre consacré à la sortie des emprunts toxiques

Rapport annuel public de la Cour des comptes 2018

A l’occasion de la publication de son rapport annuel le 7 février 2018, la Cour des comptes vient de consacrer une sous-partie de son Chapitre III relatif aux finances publiques à « la sortie des emprunts à risques des collectivités locales » dont elle dresse le bilan en relevant que cette gestion est « un exercice mené à bien mais un coût élevé pour les finances publiques » (cf. pages 93 à 141 du rapport).

La Cour des comptes soulève ainsi dès l’introduction de cette partie que la crise des emprunts à risque relève d’une combinaison de responsabilités : celles des banques, de l’Etat et des collectivités territoriales.

Celle des banques, tout d’abord, et notamment celle de Dexia, pour avoir « conçu ces produits structurés et encouragé leur souscription, en particulier auprès des petites communes ».

La responsabilité des banques est cependant peu abordée sur le fond, ce qui a provoqué une vive critique du Département de la Seine-Saint-Denis qui déplore, dans sa réponse annexée au rapport, le fait que les responsabilités des différents acteurs soient mises sur un pied d’égalité alors que « ces contrats ont été proposés et vendus en dehors de toute considération déontologique des acteurs financiers. Votre rapport souligne d’ailleurs que les collectivités ne pouvaient mesurer l’intensité et la probabilité de survenance du risque. La part de responsabilité des banques, et notamment de Dexia, est incontestablement la plus importante eu égard à cette asymétrie de connaissance des modalités de structuration des produits. »

Celle de l’Etat, ensuite, « qui n’a pas pris la mesure des risques encourus lors de l’apparition de ces nouveaux emprunts et n’a pas mis en place rapidement les dispositifs juridiques et comptables qui auraient évité leur propagation ».

Si l’Etat a effectivement apporté une première réponse en décembre 2009 par la création de la « Charte Gissler », la Cour rappelle que l’aide étatique proposée en 2012 d’un montant de 50 millions d’euros dans le but de financer une partie des indemnités de remboursement anticipé (IRA) s’est rapidement avérée insuffisante.

Puis, d’une part, il est rappelé que l’Etat est devenu actionnaire majoritaire de la SFIL en janvier 2013, passant de conciliateur à « partie prenante car il était exposé à toute difficulté de la nouvelle entité bancaire ».

D’autre part, à la suite des trois jugements du Tribunal de Grande Instance de Nanterre rendus le 8 février 2013 et donnant gain de cause à l’action du Département de la Seine-Saint-Denis contre DEXIA et la SFIL quant à l’absence de mention du TEG dans les documents précontractuels, l’Etat a proposé la mise en place du fonds de soutien aux collectivités alimenté, en premier lieu, à 1,5 milliards d’euros en vue d’une sortie amiable des prêts structurés en échange d’une loi de validation rétroactive admise par les élus locaux qui réduirait à néant la jurisprudence du Tribunal de Grande Instance de Nanterre.

La Cour rappelle ainsi que l’Etat craignait un risque, évalué par lui, à 17 milliards d’euros lié aux effets de la jurisprudence nanterroise qui entrainait une application du taux d’intérêt légal aux prêts structurés égal à 0% environ, étant précisé que cet argument a été largement martelé dans le cadre des contentieux opposant les collectivités aux banques malgré l’opacité de ce calcul.

De ces deux considérations précédentes est né le fonds de soutien que la Cour estime, dans la limite de ses investigations, « transparent et cohérent ».

Néanmoins, la Cour considère que l’Etat a, « pendant trop longtemps, maintenu un cadre juridique trop accommodant. »

Enfin, la responsabilité des collectivités locales est également soulignée en ce que ces dernières ont emprunté librement et en ce que les présidents d’exécutifs locaux « ont pris des risques inconsidérés pour des avantages de court terme sans en informer correctement leur assemblée délibérante ».

La Cour déplore ainsi le fait que les dix plus gros bénéficiaires du fonds sont des grandes collectivités qui disposaient pourtant « d’une capacité d’expertise liée à leur taille qui aurait dû leur permettre des choix plus éclairés en matière d’emprunt. »

Très peu de passages sont d’ailleurs consacrés aux contentieux judiciaires que la Cour semble considérer comme désormais endigués et à faible impact budgétaire, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Versailles du 21 septembre 2016 ayant considéré les communes de Saint-Leu-la-Forêt, Saint-Dié-des-Vosges, Saint-Cast-le-Guildo et Carrières-sur-Seine comme des « emprunteurs avertis », prenant ainsi le contrepied des juges de première instance.

Pour autant, il doit être noté que ces quatre affaires sont actuellement pendantes devant la Cour de cassation. Une décision est donc attendue dans les mois prochains.

Les collectivités restent ainsi les grandes perdantes de ce dispositif de sortie de crise et il est patent de constater que tout en saluant la mise en place du dispositif du Fonds de soutien, la Cour relève que « même renégociés et refinancés, les emprunts à risque continueront de peser durablement sur la dette et les capacités d’investissement des plus petites collectivités au cours des quinze prochaines années. »

Ainsi, au total, le coût de cette sortie des emprunts à risque pour les finances publiques a dépassé les 3 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 dont 1 milliard d’euros pour l’Etat et 2 milliards d’euros pour les collectivités locales concernées.

Si l’opération de sortie des emprunts à risque est donc considérée comme satisfaisante pour la Cour dans son ensemble, elle ne manque pas de souligner que « le processus de désensibilisation des emprunts à risque des collectivités locales ne saurait faire oublier l’ampleur et la gravité de ce qui restera comme l’une des plus graves crises ayant affecté les finances locales ».