Projet de loi ELAN : vers un regroupement majeur des bailleurs sociaux ?

L’avant Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dit « ELAN ») a été transmis au Conseil d’Etat et devrait être présenté au Conseil des ministres le 4 avril prochain.

S’agissant du secteur du logement social, les apports du texte sont nombreux. Un des points majeurs vise à encourager, pour ne pas dire imposer, le regroupement des bailleurs sociaux, incluant les organismes d’habitations à loyer modéré (organismes d’HLM) et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux (SEM agréées).

Les modalités de restructuration du secteur seraient ainsi les suivantes:

Dissolution et rachat du patrimoine des organismes de moins de 1 500 logements.

Actuellement, un organisme d’HLM gérant moins de 1 500 logements et n’ayant pas construit au moins 500 logements en 10 ans encours la dissolution prononcée par arrêté ministériel.

Le dispositif actuel est complété par le projet de loi en permettant au ministre en charge du logement de mettre en demeure un autre organisme d’HLM ou une SEM agréée d’avoir acquérir tout ou partie des logements de l’organisme dissous.

Ces dispositions seraient étendues aux SEM agréées dans les mêmes conditions, à l’exception du fait qu’elles encourent non la dissolution mais le retrait de leur agrément.

• Obligation d’intégrer un « groupe d’organismes de logement social » pour les opérateurs de logement social de moins de 15 000 logements

L’avant projet de loi propose qu’à compter du 1er janvier 2021, les organismes d’HLM gérant moins de 15 000 logements sociaux et n’ayant pas construit ou acquis plus de 600 logements locatifs sociaux en aient l’obligation d’appartenir à un groupe d’organismes de logement social.

La même obligation serait applicable aux SEM agréées gérant moins de 15 000 logements sociaux ou dont le chiffre d’affaires moyen sur 3 ans de l’ensemble de ses activités, y compris celles ne relevant pas de son agrément, est inférieur à 50 millions d’euros.

Un groupe d’organismes de logement social devrait gérer en principe au moins 15 000 logements et être organisé selon l’une des trois modalités suivantes :

– en tant que groupe, au sens du Code de commerce, dont la maison mère est un organisme d’HLM ou une SEM agréée ;
– en tant que groupe, au sens du Code de commerce, dont la maison mère n’est pas un organisme d’HLM ou une SEM agréée ;
– un ensemble d’organismes d’HLM qui sont associés d’une société de coordination. Ainsi, le statut, le fonctionnement et l’objet social des sociétés anonymes de coordination (art. L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation) qui existent actuellement évolueraient : cette société serait une nouvelle forme d’organisme d’HLM, constituée en société anonyme de droit commun ou en société coopérative et aurait notamment le pouvoir d’interdire la réalisation d’un investissement d’un de ses associés ou, lorsque la situation financière de celui-ci le justifie, de décider de céder tout ou partie de son patrimoine ou de fusionner avec un autre associé.

Un plan stratégique de groupe et un cadre stratégique d’utilité sociale seraient élaborés au niveau du groupe.

A défaut pour un bailleur social de respecter cette obligation, le ministre en charge du logement pourrait mettre en demeure :

– un organisme d’HLM ou une SEM agréée d’acquérir tout ou partie des logements ou du capital de l’opérateur concerné ;
– une société de coordination de lui céder au moins une part.

A noter que les organismes d’HLM ou les SEM agréées dont l’activité principale est une activité d’accession sociale à la propriété, ainsi que ceux dont le siège social est situé à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Mayotte, à Saint-Martin et en Corse ne seraient pas concernés par cette obligation de regroupement.

Possibilités accrues de fusion et d’absorption des opérateurs

Il résulte de la version actuelle de l’avant projet de loi qu’un office public de l’habitat pourrait transférer son patrimoine, par voie de fusion ou de scission, à un organisme d’HLM ou à une SEM agréée. Le projet de loi n’est pas plus précis sur les modalités juridiques de cette opération.

Par ailleurs, une société d’HLM ou une SEM agréée qui est dissoute pourrait transmettre son patrimoine à son actionnaire unique (opération de « dissolution-confusion ») dès lors que ce dernier est un organisme d’HLM ou une SEM agréée.

Ces différentes mesures, en l’état de l’avant projet de loi, auront un impact majeur sur les organismes HLM et les SEM de logement.

L’Etat précise les conditions de répartition de la dotation d’Equipement aux Territoires Ruraux (DETR) pour 2018

L’instruction ministérielle du 9 mars 2018 amorce la procédure de répartition des dotations en demandant aux préfets de lancer les appels à projets et de réunir les commissions départementales d’élus destinées à définir les priorités locales de programmation.

Ces commissions consultatives sont chargées de définir des catégories d’opérations prioritaires ainsi que les taux et plafonds de subvention applicables à chaque catégorie.

Pour mémoire, la commission donne effectivement son avis sur les projets de plus de 100.000 euros désormais, contre 150.000 euros auparavant, le seuil étant été abaissé par l’effet de la loi de finances pour 2018.

L’instruction rappelle en outre que les préfets doivent restes vigilants sur les opérations subventionnés puisque certaines opérations sont définies comme priorités nationales.

L’an dernier, les espaces mutualisés de services au public et la revitalisation des centres-bourgs ; les communes nouvelles ; les travaux de rénovation thermique et ceux qui visent à l’autonomie énergétique pour les bâtiments publics ; les espaces numériques destinés à l’accomplissement des démarches administratives (notamment la pré-demande en ligne de carte nationale d’identité et de passeport) étaient définies comme opérations de priorités nationale.

Si ces opérations demeurent prioritaires en 2018, s’y ajoute une nouvelle relative à l’aménagement des salles des classes de CP et CE1 des établissements prioritaires.

Cette année, le montant total de la dotation à répartir est de 1,046 milliard d’euros.

Ce montant a progressé puisqu’il doit être noté qu’une partie de la réserve parlementaire et ministérielle a été utilisée à hauteur de 50 millions d’euros pour abonder le fond.

Annulation d’un avenant à un contrat de concession : modification substantielle et clause réglementaire.

Par la décision du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat rappelle le principe d’interdiction des modifications substantielles des contrats de concession et annule un avenant après avoir apprécier la contrepartie d’une hausse des tarifs payés par les usagers vis-à-vis des obligations mises à la charge du concessionnaire.
Depuis 2009, les parcs de stationnement et les navettes du Mont-Saint-Michel sont exploités dans le cadre d’un contrat de délégation de service public par la SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel.
Fin 2013, le président du syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel avait été autorisé à signer avec la SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel (qui est venu aux droits de la société Véolia Transport) un cinquième avenant au contrat de concession pour la construction et l’exploitation des ouvrages et services d’accueil signé le 6 octobre 2009.
Cet avenant modifiait, d’une part, les obligations à la charge du concessionnaire (changement du point d’embarquement des voyageurs des navettes, et modification du service de navettes hippomobiles), et d’autre part, la grille tarifaire applicable aux usagers.
Dans un jugement du 17 novembre 2015, saisi des recours en excès de pouvoir du maire de la commune du Mont-Saint-Michel et de la société d’hôtellerie et de restauration « Sodetour », le Tribunal administratif de Caen a annulé la délibération autorisant le président du Syndicat à signer l’avenant n° 5, ainsi que la décision du président de signer ledit avenant n°5 en tant qu’il modifiait la grille tarifaire du contrat. La SAS Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel a contesté la régularité du jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a rejeté la requête en appel par l’arrêt du 22 février 2017 contre lequel la SAS s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat confirme la jurisprudence constante à deux égards :
– Un avenant à un contrat de concession ne peut modifier, ni son objet, ni de manière substantielle l’un de ses éléments essentiels comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs ;

– Lorsqu’un requérant ayant qualité à agir estime qu’un avenant modifie les tarifs de manière importante, cet avenant (ou les stipulations que ledit avenant modifie) peut être contesté par la voie d’un recours en excès de pouvoir dans la mesure où les clauses tarifaires ont un caractère réglementaire.
Puis, le Conseil d’Etat ajoute que : « les tarifs sont au nombre des éléments essentiels qui concourent à l’équilibre économique du contrat ».
Et, en l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que la modification opérée par l’avenant litigieux est substantielle dans la mesure où les hausses de tarifs (comprises entre 31 et 48 %) « allaient (…) au-delà de la compensation des augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues » dont des investissements et charges d’exploitation supplémentaires résultant du changement de point de départ des navettes, et se traduit in fine « par une augmentation de plus d’un tiers des recettes ».
En définitive, la modification à la hausse des tarifs n’est substantielle qu’en ce qu’elle modifie « l’équilibre économique du contrat » de la concession, notion que l’on retrouve désormais au b) du 5° de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession .
Par suite, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la SAS et confirme l’annulation par la Cour des clauses tarifaires de l’avenant relatives aux navettes sur la baie du Mont-Saint-Michel – avenant qui aurait justifié la mise en place d’un nouvel appel d’offres.

La décharge syndicale n’a pas sa place dans l’examen de la valeur professionnelle

De jurisprudence constante, la notation d’un agent public ne peut être fondée sur des critères étrangers à la valeur professionnelle de l’agent. En particulier, l’autorité hiérarchique ne peut se fonder sur la décharge syndicale de l’agent pour lui reprocher un manque d’investissement dans ses fonctions et un manque de présence dans le service (CE, 27 septembre 2000, Rocca, n° 189318).

Dans un arrêt du 5 décembre 2017, la Cour Administrative d’Appel de Lyon a rappelé ce principe, et annulé la notation d’une aide-soignante.

La requérante bénéficiait d’une décharge syndicale de 50% pour l’exercice de ses mandats syndicaux, et avait obtenu au titre de l’année 2013 la note chiffrée maximale, assortie cependant d’une appréciation littérale faisant état du caractère « regrettable » de la diminution de sa présence au service à raison de sa décharge syndicale, et ce quand bien même elle était considérée comme un « élément moteur de l’équipe ».

Après avoir demandé en vain la révision de sa notation devant la Commission administrative paritaire, puis par la voie d’un recours gracieux, la requérante à demandé au Tribunal administratif de Lyon l’annulation de sa notation.

Saisie en appel après un rejet du Tribunal au titre d’une irrecevabilité non établie, la Cour a considéré que le directeur du Centre hospitalier employeur avait entaché sa décision d’une erreur de droit en se fondant sur le temps de présence réduit de l’agent à son poste en raison de l’exercice de ses mandats syndicaux.

En conséquence, la Cour a annulé la notation attaquée.

Par cette décision, la Cour se prononce sur des notations qui devraient prochainement disparaître du paysage contentieux. Mais le principe appliqué en l’espèce devrait toujours trouver à s’appliquer aux entretiens professionnels dès lors que ceux-ci doivent porter sur la manière de servir et les compétences et non sur des considérations telles que l’existence de décharges d’activité pleinement justifiées.

La récente décision de la Cour de cassation en matière d’obligation de délivrance et les dispositions à prendre par le bailleur

Une association preneuse assigne la bailleresse en paiement de travaux de désamiantage effectué par son promoteur immobilier qui était chargé de réhabiliter le même immeuble.

La Cour de cassation fait droit à sa demande estimant que « les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire ».

Si nous avons pu observer que cette décision fait écho à une précédente jurisprudence du 1er juin 2005[1], il n’en demeure pas moins qu’elle peut s’avérer assez sévère pour le bailleur d’autant plus la preneuse, ainsi que l’a rappelé la Cour d’appel, avait une parfaite connaissance de l’état de l’immeuble et des travaux nécessaires à sa réhabilitation, notamment au regard des descriptions contenues dans le projet de promotion immobilière.

Toujours est-il que la Cour de cassation admet dans sa décision que par une « clause expresse contraire » les parties puissent convenir d’un réaménagement de l’obligation de délivrance incombant au bailleur.

Cette voie dérogatoire s’inscrit elle-aussi dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 3 juillet 2003, observait au regret d’une bailleresse « qu’aucune clause contractuelle ne la déchargeait de son obligation de délivrance d’un local immédiatement utilisable »[2].

Il apparaît dès lors absolument indispensable pour le bailleur de se prémunir contre tout effet de surprise susceptible de résulter des initiatives du preneur à la suite de la délivrance des lieux loués.

Il serait dès lors utile pour le bailleur, avant toute offre de bail, de procéder au diagnostic amiante avant travaux (DDAT) ou de clairement convenir avec le preneur que ces travaux seront pris en charge par lui, et d’insérer cet accord dans une clause expresse du contrat de bail.

En tout état de cause, si le bailleur entend se mettre à l’abri de la sévérité de l’obligation de délivrance telle qu’interprétée par la Cour de cassation, il importe pour les parties de prévoir au contrat de bail une clause expresse dérogatoire.

Celle-ci pourra notamment préciser que toutes diligences nécessaires à l’accomplissement de travaux suite à la délivrance des locaux, conformément à l’accord des parties, sont à mettre la charge du preneur.

Néanmoins, pour être dénuée de toute ambiguïté ou des critiques du juge, cette clause devra être accompagnée d’informations suffisantes susceptibles de permettre au preneur de donner un consentement éclairé.

[1] Civ. 3e, 1er juin 2005, n° 04-12.200. 

[2] Civ. 3e, 2 juillet 2003, n° 01-16.246.

Expérimentation d’une procédure de médiation obligatoire préalable au recours contentieux portant sur certains litiges relatifs à l’attribution de prestations sociales

Le décret n° 2018-101 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux a été publié le 16 février 2018. Il est pris en application des dispositions de l’article 5 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21ème siècle. 

Les recours contentieux portant sur l’attribution des aides sociales concernées devront désormais, à peine d’irrecevabilité, être précédés d’une médiation, au sens des articles                      L. 213-1 et suivants du code de justice administrative. L’autorité administrative compétente sera tenue d’informer l’intéressé de l’obligation et de lui indiquer les coordonnés du médiateur. La médiation devra alors être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de la décision contestée. Le délai est porté à trois mois pour les résidents des départements et collectivités d’outre-mer et à quatre mois pour les Français de l’étranger. 

L’expérimentation en question portera sur deux domaines : d’une part les recours contentieux formés par les agents publics à l’encontre de certaines décisions administratives les concernant ; d’autre part, et c’est l’objet de cette brève, aux recours contentieux formés contre les décisions relatives à l’attribution de certaines aides sociales.

Cinq types de décisions entrent dans le champ du décret :

          Celles relatives à l’attribution du revenu de solidarité active (RSA) ;

          Celles relatives aux aides exceptionnelles de fin d’année accordées par l’Etat aux bénéficiaires du RSA ;

          Celles relatives à l’aide personnalisée au logement ;

          Celles relatives à l’allocation de solidarité spécifique ;

          Celles relatives à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

Pour les trois premières, la médiation sera assurée par le Défenseur des droits et, selon l’arrêté du 6 mars 2018, elle s’appliquera dans les départements du Bas-Rhin, de l’Isère, de la Haute-Garonne, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire et de la Meurthe-et-Moselle ; pour les deux dernières, la médiation sera assurée par le médiateur régional de Pôle emploi territorialement compétent et, selon le même arrêté, elle s’appliquera dans les départements des régions Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire.

Dans les faits, le requérant devra saisir le médiateur par une lettre de recours, accompagnée d’une copie de la décision contestée ou de la demande de prestation en cas de refus implicite. Si toutefois le requérant saisit directement le tribunal administratif dans les délais, le président devra rejeter la requête par ordonnance, mais sera tenu de transmettre le dossier au médiateur compétent.

Les dispositions de l’expérimentation seront applicables aux recours susceptibles d’être présentés jusqu’au 18 novembre 2020, à l’encontre des décisions intervenues à compter du 1er avril 2018.

 

Le nouveau régime des centres de santé et de leurs antennes issu de l’ordonnance du 12 janvier 2018 complété par un décret et un arrêté en date du 27 février 2018

Une ordonnance du 12 janvier 2018 a modifié les conditions de fonctionnement et de création des centres de santé en créant les articles L. 6323-1-1 à L. 6323-1-13 et L. 6323-1-15 du Code de la santé publique (CSP).

Selon l’article L. 6323-1 du CSP, « les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux ».

L’innovation principale de l’ordonnance consiste à permettre aux établissements de santé à but lucratif, c’est-à-dire les cliniques, de créer des centres de santé. L’article L. 6323-1-3 dispose en effet que « les centres de santé sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements publics de coopération intercommunale, soit par des établissements publics de santé, soit par des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif ». L’ordonnance restait cependant ambiguë puisqu’elle réaffirmait en parallèle le caractère non lucratif de ces structures en précisant que « les bénéfices issus de l’exploitation d’un centre de santé ne peuvent pas être distribués » (L. 6323-1-4).

Le décret n°2018-143 et l’arrêté SSAH1731210A du 27 février 2018 sont venus préciser un certain nombre de dispositions de la réforme des centres de santé, notamment celles relatives à la création des antennes de ces centres, qui ont vocation à couvrir les territoires les moins peuplés et à y renforcer l’offre de soins. Ce faisant, le décret apporte d’importantes modifications aux articles D. 6323-1 et suivants du CSP.

En premier lieu, il dispose que les antennes « peuvent être rattachées à un ou plusieurs centres de santés gérés par un même gestionnaire » (D. 6323-1).

Ensuite, il précise les compétences du directeur général de l’agence régionale de santé (DGARS). Il contrôle d’abord les projets de santé des centres et de leurs antennes, dont les « modifications substantielles », c’est-à-dire « le changement de l’organisme gestionnaire ou de son représentant légal, la modification d’implantation géographique du centre ou de son ou ses antennes lorsqu’elles existent, la fermeture d’une antenne, la modification qualitative ou quantitative du plateau technique, notamment l’installation d’un ou de plusieurs fauteuils dentaires supplémentaires, ainsi que toute modification susceptible d’avoir une incidence sur la politique menée par le centre de santé en matière de qualité et de sécurité des soins », sont portées à sa connaissance (D. 6323-10).

Enfin, le décret confère au DGARS le pouvoir de décider la fermeture ou la suspension totale ou partielle de l’activité des centres ou de leurs antennes. Cette décision doit être motivée et notifiée au gestionnaire, une copie de la notification étant transmise à la caisse primaire d’assurance maladie compétente (D. 63232-11).

Quant à l’arrêté, il s’attache à préciser les caractéristiques des antennes des centres. Son article 1 dispose que « elle est rattachée à un centre de santé principal et ne dispose pas d’autonomie de gestion ; elle propose des heures d’ouverture ne pouvant excéder vingt heures par semaine ; elle est située à moins de trente minutes de trajet du centre de santé principal ; elle dispose d’un système d’information partagé avec le centre de santé principal, permettant notamment le partage des informations issues du dossier médical des patients ». Certaines dérogations, relatives aux heures d’ouverture et à la distance entre l’antenne et le centre, peuvent être accordées par le DGARS.

L’article 2 de l’arrêté apporte, quant à lui, des précisions sur les projets de santé. Ils doivent comporter des éléments d’information portant sur le diagnostic des besoins du territoire. Celui-ci doit décrire « notamment, les caractéristiques de la population, les problématiques du territoire ainsi que l’état de l’offre sanitaire sociale et médico-sociale du territoire. Il précise les moyens utilisés pour établir ce diagnostic ». En outre, le projet doit compter un ensemble d’informations relatives notamment à sa structure, à son adresse, à ses numéros d’identification, aux caractéristiques de son personnel. Enfin, l’article 2, IV dresse la liste des missions et activités du centre et de ses antennes qui doivent être répertoriées dans le projet de santé.

Les recommandations du rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif »

Nicole NOTAT, président directeur général (PDG) de Vigeo Eiris et Jean-Dominique SENARD, PDG de Danone, ont remis, le 9 mars dernier, un rapport intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », aux ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Economie et des finances, et du Travail.

Ce rapport a vocation à établir une nouvelle définition juridique de l’entreprise. Ses rédacteurs font notamment le constat de l’inadéquation de la conception de l’entreprise dans le Code civil en faisant valoir que « chaque entreprise a une raison d’être non réductible au profit ». Ainsi, « le rôle premier de l’entreprise n’est pas la poursuite de l’intérêt général, mais des attentes croissantes à l’égard des entreprises sont régulièrement exprimées, avec l’essor des défis environnementaux et sociaux ».

Ils précisent, au stade du constat, que « le droit des société est perçu comme décalé avec la réalité des entreprises et des attentes » et prennent notamment pour exemple les dispositions du Code civil, très peu modifiées depuis le début du 19ème siècle. Ainsi, « la société anonyme de 1807, autorisée par décret en Conseil d’Etat, n’a cependant pelus grand-chose à voir avec la grande société cotée, dotée de sociétés filiales à l’étranger et à la tête d’un groupe composé, même en France, de montages juridiques nécessitant une multitude de sociétés ».

Madame NOTAT et Monsieur SENARD précisent en outre qu’ils cherchent une voie médiane entre l’action publique et l’économie de marché, « celle d’une économie responsable, parvenant à concilier le but lucratif et la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux », qui embrasserait l’ensemble du secteur privé. Le modèle qu’ils dessinent ne viendrait donc pas se substituer à  l’économie sociale et solidaire.

Ils ont donc formulé quatorze propositions, cinq d’entre elles sont d’ordre législatif, trois concernent des cadres juridiques optionnels et, enfin, six s’adressent directement aux « praticiens » et à l’administration.

Les recommandations d’ordre législatif

La première d’entre-elles consiste à ajouter un second alinéa à l’article 1833 du Code civil, au sein duquel il serait précisé que « la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (recommandation n°1). Selon les auteurs du rapport, cette mention à l’intérêt propre et aux enjeux sociaux et environnementaux permet d’éviter que l’intérêt social de l’entreprise ne se limite pas aux « intérêts particuliers des associés ». L’article L. 225-35 du Code de commerce serait lui aussi modifié afin de confier aux conseils d’administration et de surveillance la formulation d’une « raison d’être » de l’entreprise entrant en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article 1833 du Code civil (recommandation n°2).

Les recommandations suivantes d’ordre législatif portent sur la représentation des salariés dans les instances des entreprises qui seraient considérablement renforcée (recommandations n°6, 7 et 8). Dans les conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises de plus de mille salariés, ils passeraient à deux salariés minimum pour huit administrateurs non-salariés, et trois salariés à partir de treize administrateurs                                  non-salariés. Dans un mouvement similaire, les sociétés par actions simplifiées de plus de cinq cents salariés seraient tenues de se doter d’un conseil d’administration ou de surveillance afin de disposer, dans les mêmes proportions, d’administrateurs salariés.

Les recommandations concernant des cadres juridiques optionnels

Les rapporteurs proposent de faire figurer une « raison d’être » dans les statuts d’une société, notamment dans le but de permettre les entreprises à mission (recommandation n°11). Cela supposerait une modification de l’article 1835 du Code civil, dont le deuxième alinéa serait ainsi rédigé : « l’objet social peut préciser la raison d’être de l’entreprise constituée ». Par conséquent, l’entreprise à mission serait reconnue dans la loi et pourrait concerner toutes les formes juridiques de société, sous réserve de remplir les critères suivants (recommandation n°12) :

–       La raison d’être est inscrite dans les statuts ;

–       Un comité d’impact est constitué au sein de la société ;

–       Le respect de la raison d’être est soumis à la mesure d’un tiers ;

–       L’entreprise publie une déclaration de performance extra-financière.

Enfin, les conditions et effets de la détention de parts sociales majoritaires par des fondations seraient assouplis et accompagnées de la création de fonds de transmission et de pérennisation des entreprises. Ce dernier point concernerait « les fondateurs d’entreprises qui souhaitent pérenniser une raison d’être ou une implantation territoriale, sans vocation philanthropique » (recommandation n°14).

Les recommandations à l’attention des praticiens et des administrations

Le rapport préconise d’accompagner le développement de labels RSE sectoriels et d’en faire un outil de renforcement du dialogue social dans les branches (recommandation n°3). Des « comités de parties prenantes », indépendants des autres instances contribueraient à développer la stratégie RSE des entreprises (recommandation n°4), cette dernière pouvant imposer des critères RSE dans les rémunérations variables des dirigeants (recommandation n°5).

Dans le même sens, les rapporteurs suggèrent « d’engager une étude sur le comportement responsable de l’actionnaire » (recommandation n°9). Ils proposent également d’engager des réflexions sur une évolution des normes comptables, afin que celles-ci considèrent les enjeux d’intérêt général, sociaux et environnementaux (recommandation n°10). Enfin, ils souhaitent la création d’un « acteur européen de labellisation », y voyant là un outil de soft power, permettant de faire évoluer la vision de l’entreprise au niveau européen (recommandation n°13).

Les propositions issues de ce rapport viendront alimenter la réflexion autour du projet de loi de « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (projet de loi « PACTE »), qui sera présenté au printemps par le ministre de l’économie.

 

Sur la régularisation en cours d’instance d’un document d’urbanisme

Par une décision en date du 22 décembre 2017, publiée au Recueil, le Conseil d’Etat est venu préciser la portée de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme afin de privilégier la régularisation d’un document d’urbanisme à son annulation.

Le conseil municipal de la commune de Sempy, par une délibération du 10 février 2012, avait approuvé le projet de carte communale qui lui était soumis. Le préfet de la Région Nord-Pas-de-Calais avait également approuvé ce document par arrêté du 16 avril 2012.

Un requérant avait formé un recours en excès de pouvoir contre ces deux décisions en raison de l’absence de consultation de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais et de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Le tribunal administratif de Lille avait fait droit à cette demande. La Commune avait alors interjeté appel du jugement, après avoir sollicité et produit les avis manquants de la chambre d’agriculture et de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles. Ce recours en appel a été rejeté par la Cour administrative d’appel de Douai.

Saisi en cassation, et après avoir rappelé que les avis en cause ne constituaient pas une garantie, le Conseil d’Etat a raisonné en deux temps, à savoir :
– Les vices invoqués, qui affectent le déroulement d’une procédure administrative préalable et sont de nature à entacher d’illégalité la décision prise, sont-ils susceptibles d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ou ont-ils privé les intéressés d’une garantie ?

– Dans cette hypothèse, pouvaient-ils alors faire l’objet d’un sursis à statuer aux fins de régularisation en application de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme ?

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a considéré que l’omission de consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n’a pas pu avoir d’influence sur le sens de la délibération attaquée, ni privé les intéressés d’une garantie ; l’avis en question, bien que recueilli après la délibération, s’étant avéré favorable.

Précisions sur l’obligation de compatibilité du PLU avec le SCOT

Par une décision en date du 18 décembre 2017, mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur l’obligation de compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU) avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT).
Le conseil municipal de la commune de Mesnil-en-Thelle a approuvé par délibération du 12 juin 2012 la procédure de révision de son PLU.
Deux associations avaient introduit un recours en excès de pouvoir contre cette délibération devant le Tribunal administratif d’Amiens reprochant au PLU son incompatibilité avec le SCoT en méconnaissance de l’article L. 142-1 du Code de l’urbanisme. Le Tribunal administratif avait fait droit à cette demande et annulé la délibération approuvant la révision du PLU. La commune avait interjeté appel de ce jugement. La Cour administrative d’appel de Douai annule le jugement du Tribunal administratif au motif que le PLU avait suffisamment pris en compte les objectifs définis par le SCoT.
Les deux associations ont introduit un recours en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Douai et apporte à cette occasion les précisions suivantes sur le rapport de compatibilité entre le SCoT et le PLU.
Le Conseil d’Etat rappelle que si les SCoT peuvent contenir des normes prescriptives, celles-ci sont expressément et limitativement prévues par le code de l’urbanisme aux articles :
– L. 141-10 1° pour les secteurs délimités que les PLU doivent intégrer ;
– L. 141-7 et L. 141-6 pour les secteurs dans lesquels ils doivent garantir une densité maximale de construction ;
– L. 141-15 s’agissant des obligations minimales ou maximales de réalisation d’aires de stationnement.
En dehors de ces exceptions prévues par la loi, le Conseil d’Etat rappelle que les SCoT doivent se « borner à fixer des orientations et objectifs », opposables au PLU dans un rapport de compatibilité.
En l’espèce, le SCoT avait adopté un principe « d’une réduction du rythme de développement de l’habitat et de maîtrise de l’extension de l’urbanisation », en prévoyant un plafond communal de 1% de croissance démographique annuelle, et une dérogation pour certaines communes augmentant ce plafond à 1,15%.
Or le PLU de la commune de Mesnil-en-Thelle avait retenu un rythme de réalisation de 15 logements par an, ce qui correspondait à un rythme d’accroissement démographique annuel supérieur au plafond du SCoT.
Le Conseil d’Etat a considéré que cette seule circonstance n’était pas de nature à caractériser une incompatibilité du PLU avec le SCoT. Sur ce point, il a en effet rappelé, que pour apprécier la compatibilité du PLU avec les orientations et objectifs définis par le SCoT, le juge administratif doit procéder à une analyse globale, qui le conduit à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du SCoT, sans rechercher l’adéquation du PLU à chaque disposition ou objectif particulier.

Un agent contractuel recruté illégalement par une commune comme directeur général des services ne peut pas être licencié pour perte de confiance

Les emplois fonctionnels des collectivités territoriales sont les emplois de direction dont les modalités d’accès et de cessation d’occupation diffèrent de celles des autres emplois.
C’est à titre dérogatoire que l’occupation d’un tel emploi par un agent contractuel est envisageable.
A cet effet, l’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 fixe de manière exhaustive la liste de ces emplois et plus précisément, s’agissant des emplois des communes comme en l’espèce, il détermine que seuls ceux de directeur général des services des communes de plus de 80 000 habitants et de directeur général adjoint des communes de plus de 150 000 habitants peuvent être occupés par des agents contractuels.
Il s’en infère que la commune de Kourou, en Guyane, qui comptait alors 26 000 habitants, ne pouvait recruter un agent contractuel pour occuper les fonctions de directeur général des services.
Ce fût cependant le cas, sans que le Préfet ne trouve étonnamment à y redire, M. B. ayant été recruté le 2 juin 2014 par un contrat de trois ans sur le fondement de l’absence de candidature de fonctionnaire et des besoins du service subséquents (cf. article 3-3, 2° de la loi du 26 janvier 1984 précitée), après avoir assuré l’intérim de ces fonctions durant six mois.
Mais dix-huit mois plus tard le Maire décidait de procéder à son licenciement en se fondant sur la perte de confiance, motif habituellement retenu pour mettre un terme à l’occupation de ces emplois, bien que répondant à des conditions notamment de démonstration des faits ayant conduit à ce constat.
L’agent contractuel devait attaquer cette décision, et ayant obtenu gain de cause devant le Tribunal administratif de la Guyane qui a annulé le licenciement et enjoint la commune de le réintégrer jusqu’au terme de son contrat, c’est cette dernière qui a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux.
La Cour, par des considérants didactiques, a rappelé dans un premier temps que les communes ne pouvaient recruter des agents contractuels pour occuper des emplois fonctionnels ne figurant pas sur la liste de l’article 47 précité, et dans un second temps, tirant les conséquences de l’absence de qualification d’emploi fonctionnel, a appliqué la règlementation propre au licenciement des agents contractuels, à savoir le décret n° 88-145 du 15 février 1988.
Or, ce décret ne permet pas qu’un agent contractuel, hors article 47 donc, soit licencié au motif d’une perte de confiance, motif strictement réservé aux emplois fonctionnels.
Au passage, la Cour rappelle que si l’employeur insère des clauses contraires aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur dans un contrat, il ne peut les opposer par la suite à son cocontractant.
Dans ces conditions, la Cour a confirmé l’annulation du licenciement de l’agent contractuel, qui pourra ainsi éventuellement engager un contentieux indemnitaire, à défaut d’avoir initialement accompagné son recours de telles conclusions.
Si la solution donnée par la Cour est logique, et ne souffre d’aucune critique, on ne peut cependant s’empêcher de songer que la commune, qui ne recevrait pas de candidature de fonctionnaires pour occuper un tel poste, se trouverait fort dépourvue au moment de recruter un directeur général des services si on ne considère pas qu’il s’agit là d’un besoin du service…

Faute de caractère soudain de son déclenchement, la dépression de l’agent constitue une maladie professionnelle et non un accident de service.

De jurisprudence constante, la maladie ou l’accident de service survenus sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, sont considérés comme imputables au service et permettant notamment le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2 de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale (CE, 16 juillet 2014, Mme Galan, n° 361820)

Dans un jugement particulièrement intéressant du Tribunal administratif de Montreuil en date du 29 septembre 2017, le Juge Administratif a apporté d’utiles précisions sur les notions d’accident de travail et de maladie professionnelle.

Madame L. est un agent titulaire de la fonction publique territoriale au grade d’adjoint administratif, occupant un emploi de responsable d’équipe au sein d’un service d’une commune d’Ile-de-France.

L’agent a été victime d’un premier accident de service au mois de juin 2015. À la reprise de ses fonctions, cette dernière a rencontré de sérieuses difficultés relationnelles avec sa nouvelle supérieure hiérarchique. 

À la suite d’une altercation entre les deux agents, Madame L. a déclaré un accident de service auprès de son employeur.

Toutefois, saisie par la commune, la Commission de réforme a émis un avis défavorable quant à la reconnaissance de l’accident de service. Sur la base de cet avis, la commune a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la dépression de l’agent.

C’est la décision attaquée par l’agent.

Le Tribunal a jugé, au vu des pièces du dossier, qu’à défaut de caractère soudain du déclenchement de la dépression de l’agent, les faits ne constituaient pas un accident de service mais une maladie professionnelle.

En effet, les conditions de travail de Madame L. avait nécessité la saisine du médecin de prévention avant même l’altercation avec sa supérieure hiérarchique qui constitue le point d’orgue des difficultés relationnelles entre les deux agents. 

Ainsi, le Juge Administratif a rejeté la requête de Madame L. en considérant que la commune n’avait ainsi commis aucune erreur dans la qualification juridique des faits en rejetant la demande de l’agent formulée sous l’angle de l’accident de service. 

Réseau d’initiative publique, déchéance, préjudice du délégant

Les cas de résiliation pour faute des délégations de service public portant sur un réseau d’initiative publique sont rares (mais pas inexistants) et les jurisprudences y afférentes le sont encore plus. L’ancien réseau THD Seine offre toutefois un nouvel épisode du contentieux opposant SEQUALUM au Département des Hauts-de-Seine, après un litige relatif à la mise en œuvre de la garantie à première demande et un autre relatif aux pénalités de retard.

La décision rendue le 15 février 2018 par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise porte sur un sujet qui ne manquera pas d’intéresser les collectivités territoriales et groupements de collectivités exerçant la compétence en matière de réseaux de communications électroniques : l’indemnisation des préjudices subis par l’autorité délégante du fait des manquements du délégataire dans le cadre du décompte définitif de résiliation de la convention.

En l’espèce, la société SEQUALUM, qui avait substitué le groupement composé des sociétés Numéricable, LD Collectivités et Eiffage pour l’exécution de la convention de délégation de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau départemental de communications électroniques à très haut débit, contestait le titre de recettes, d’un montant de 212 417 436 euros, émis par le Département à son encontre au titre des préjudices subis par ce dernier.

Les préjudices invoqués par le Département étaient au nombre de 17 et peuvent être classés en deux catégories :

  • Des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public (selon les termes du Tribunal : « préjudices liés à la remise à niveau des infrastructures du réseau THD Seine ») : non-conformité électrique des NRO ; non-conformité des NRO aux règles de l’art ; sous-dimensionnement de certains liens SRO-NRO1 du réseau horizontal ; non-conformité de la séparation des fibres THD Seine de celles de Numéricâble au niveau des NRO, SRO1 et SRO2 ; non réalisation des adductions des points de mutualisation de THD Seine ; sous-dimensionnement du lien SRO2-PM ; l’existence de fibres non connectorisées dans les points de mutualisation d’immeuble ; non complétude de colonnes fibre optique dans les immeubles de 12 logements et plus ; non complétude de déploiements en zone arrière de points de mutualisation extérieurs ; non complétude des routes optiques ; non complétude de la documentation liée aux réseaux ; existence de colonnes montantes doublonnant des infrastructures FTTH préexistantes ;
  • Des préjudices découlant des manquements du délégataire mais ne se rattachant pas à une obligation de obligations de conception et de construction du réseau : frais de contrôle du projet plus élevés que prévus ; non complétude du réseau THD Seine ; frais de reprise en exploitation du réseau par une régie départementale ; frais de reprise de certains contrats usagers ; impact négatif de la résiliation en terme d’image du Département.

Après avoir écarté les moyens de forme contre la régularité du titre exécutoire, portant sur la compétence du signataire et les mentions obligatoires du titre de recettes, le Tribunal analyse la régularité et le bien-fondé de la résiliation de la convention. De manière classique, le Tribunal a vérifié que les modalités contractuelles, portant notamment sur le respect du contradictoire, avaient bien été respectées par le Département pour prendre sa décision de résiliation. On soulignera que le Tribunal est ensuite entré dans une analyse détaillée du respect de ses obligations par le délégataire, notamment sur le plan calendaire. Le Tribunal donne raison au Département, tant sur la régularité et que sur le bien-fondé de la résiliation de la convention, écartant notamment l’idée que le délégataire serait soumis à une obligation de moyens en termes de calendrier de déploiement. Il indique aussi que la circonstance qu’un plan de déploiement doive être arrêté et actualisé en comité de pilotage, sur la base des principes définis dans la convention, n’est pas de nature à modifier la portée du calendrier contractuel.

Enfin, le Tribunal analyse les moyens de SEQUALUM contestant le bien-fondé dudit titre, en examinant chaque préjudice au fond :

  • Sans entrer dans le détail de cette analyse, on retiendra que, si le Tribunal réduit les montants demandés par le Département, il considère comme constitués la plupart des préjudices liés à une mauvaise exécution des obligations de conception et de construction du réseau au titre de la convention de délégation de service public ;
  • Les frais de contrôle sont également ramenés par le Tribunal à un montant plus faible, considérant que la convention y apportait un plafond ;
  • Le préjudice lié à la non complétude du réseau THD Seine n’est pas considéré comme constitué selon le Tribunal, non pas tant parce que le Département a déjà appliqué des pénalités de retard, mais parce que la VNC des biens de retour versée par le Département à SEQUALUM excluait les ouvrages qui n’avaient pas encore été réalisés à la date de la résiliation ;
  • Le Tribunal écarte également les frais de reprise en régie du réseau postérieure à la résiliation. Il juge que « le département est toutefois fondé à demander réparation du préjudice subi du fait des manquements du délégataire à ses obligations contractuelles au cours de l’exécution de la convention, qui ont entraîné des frais spécifiques pour la régie départementale tenue d’y remédier » ;
  • Le préjudice lié aux frais de reprise pour certains contrats usagers est considéré comme constitué ,
  • Le préjudice d’image est également constitué et est indemnisé à hauteur de 150 000 €.

Au total, la société SEQUALUM est condamnée à payer au Département des Hauts-de-Seine la somme de 25 621 455,62 euros.

Source:  TA Cergy-Pontoise, 15 février 2018, SOCIÉTÉ SEQUALUM, n° 1608633

La privation de l’indemnité de préavis peut être justifiée dans le cadre d’un licenciement dénué de caractère fautif mais fondé sur la suspension du permis de conduire

Dans un arrêt du 28 février 2018 (Cass., soc., 28 février 2018, n° 17-11.334),  la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé, dans le cadre d’un licenciement dénué de caractère fautif prononcé suite à la suspension du permis de conduire, que l’indemnité de préavis n’était pas due au salarié dans la mesure où celui-ci était nécessaire à son activité professionnelle et que le salarié, du fait de cette suspension, était dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis.

Dans cette espèce, le salarié exerçait en qualité de technicien d’intervention auprès de la clientèle. Après avoir fait l’objet d’un avertissement le 25 octobre 2006 à la suite d’un excès de vitesse, le 15 mars 2013, son permis de conduire a été suspendu à la suite d’un nouvel excès de vitesse. Il a dans ces circonstances été licencié pour cause réelle et sérieuse le 4 avril 2013.

La Haute juridiction a ainsi considéré que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision de débouter le salarié de sa demande relative au paiement d’une indemnité de préavis, dans le cadre d’un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse.

Pour rappel, les principes développés par la jurisprudence, concernant le retrait ou la suspension du permis de conduire, sont les suivants :

 Ne peut être licencié pour faute le salarié qui a commis hors de sa vie professionnelle des faits le privant de son permis en entraînant sa suspension (Cass., soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464).

Il peut néanmoins, si ses fonctions nécessitent l’usage d’un véhicule, être licencié pour cause réelle et sérieuse pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise (Cass., soc., 15 janvier 2014, n° 12-22.117).

 A contrario, si les faits le privant temporairement ou définitivement de son permis été commis dans l’exercice de ses fonctions, le licenciement disciplinaire est possible dès lors que le manquement aux obligations contractuelles peut être démontré ( Cass., soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464).

En conséquence, un licenciement pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise peut être privatif de l’indemnité de préavis dès lors que le permis de conduire est nécessaire à l’activité professionnelle et que du fait de la suspension du permis de conduire, le salarié est dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis.

Quand le Tribunal des Conflits se prononce sur la répartition des compétences en cas de requalification d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi

Par décision en date du 12 février 2018 (n°4113), le Tribunal des conflits a rappelé que la juridiction judiciaire est seule compétente pour se prononcer sur la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats d’accompagnement dans l’emploi et ce peu importe que la relation se soit prolongée par un contrat de droit public.

Dans l’espèce, la requérante avait été initialement recrutée par le biais  d’un  « contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi » d’une durée de six mois, puis avait  été employée dans le  cadre d’un CDD auquel avait succédé un  nouveau contrat d’accompagnement dans l’emploi de six mois, suivi à nouveau d’un CDD.

La collectivité à l’issue de ce CDD l’avait nommée dans la fonction publique territoriale puis avait refusé sa titularisation à l’issue de son stage : la requérante a demandé la requalification de ses contrats d’accompagnement  dans  l’emploi  en CDI  et  la  condamnation de la  commune  à  lui  verser  une  indemnité  de  requalification.

Sur le fondement de l’existence de contrats d’accompagnement dans l’emploi, contrat de droit privé, le Tribunal des conflits précise qu’il appartient au Juge Judiciaire de se prononcer sur sa requalification, même si « l’employeur  est  une  personne  publique gérant un service public à caractère administratif ».

Il précise cependant que «dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la décision de l’autorité administrative compétente accordant l’aide à l’insertion professionnelle au titre du contrat d’accompagnement dans l’emploi, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée».

Le Tribunal des conflits estime par ailleurs, que le « Juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d’une éventuelle requalification d’un contrat, soit lorsque celui-ci n’entre en réalité pas dans le  champ  des  catégories  d’emplois, d’employeurs  ou  de  salariés  visées par le Code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d’une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public  administratif,  au-delà  du  terme  du  ou  des contrats  relevant  de  la  compétence  du  juge judiciaire ».

Ainsi, si la requalification du contrat adulte relais est de la compétence de la juridiction judiciaire en ce qu’elle porte « sur la relation née des contrats de droit privé, eu égard aux conditions de leur exécution, et ne [concernait] pas la relation qui s’est établie entre la commune et l’intéressée après le terme de ces contrats », les questions liées à la légalité de la décision de l’autorité administrative compétente accordant l’aide à l’insertion professionnelle et les demandes liées à la poursuite de la relation contractuelle, sont de la compétence du juge administratif.

 

Principales mesures des décrets du 20 décembre 2017 relatives à la rupture conventionnelle collective et au congé de mobilité

Deux décrets du 20 décembre 2017 (n° 2017-1723 et 2017-1724) auxquels était subordonnée la possibilité de conclure un accord portant rupture conventionnelle prévue par les ordonnances « Macron » de septembre 2017, ayant été publiés au Journal officiel du 22 décembre 2017, il est donc possible de conclure un tel accord depuis le 23 décembre 2017.
Ainsi, l’employeur souhaitant engager une négociation à cet effet doit en informer sans délai le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et ce, par voie dématérialisée sur le système d’information SI-PSE-RCC, dont l’adresse internet est https://www.portail-pse-rcc.emploi.gouv.fr (Arrêté du 29 décembre 2017, JO du 5 janvier, texte 6, modifié par arrêté du 9 janvier 2018, JO du 12, texte 35).
Pour être valable, l’accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires aux dernières élections professionnelles. Lorsque l’accord a été signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 %, mais n’ayant pas atteint les 50 %, l’employeur peut le soumettre pour validation au référendum des salariés.
Il est précisé que le projet de loi de ratification des ordonnances « Macron » prévoit de compléter le contenu de l’accord collectif, en fixant notamment une durée pendant laquelle les ruptures du contrat pourront être engagées.
L’accord collectif devra ensuite être validé par le Direccte dont relève l’établissement concerné, étant précisé qu’une procédure spécifique est mise en place dès lors que l’accord concerne plusieurs établissement de l’entreprise.
La Direction a 15 jours à partir de la réception du dossier complet pour examiner la demande et valider, ou non, l’accord, délai durant lequel il peut demander des informations complémentaires à l’employeur. Son silence au-delà de ce délai vaut acceptation.
Si la Direction refuse de valider l’accord, l’employeur doit présenter une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et en avoir informé le Comité Social et Economique (ou le Comité d’entreprise s’il est toujours en place).
L’employeur doit ensuite dresser un bilan de la mise en œuvre de l’accord dont le contenu sera fixé par arrêté, et l’adresser au Direccte par voie dématérialisée dans le délai d’un mois suivant la fin de mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés.
Le projet de loi de ratification des ordonnances « Macron » prévoit qu’un congé de mobilité peut être proposé par l’employeur soit dans le cadre d’un accord portant rupture conventionnelle collective, soit dans les entreprises ayant conclu un accord collectif portant sur la gestion des emplois et des compétences (GPEC). Il devrait étendre le bénéfice du congé de mobilité à toutes les entreprises, sans condition d’effectif, celui-ci étant à ce jour, réservé à celles d’au moins 300 salariés ayant conclu un accord de GPEC.
Dans l’attente, les décrets du 20 décembre 2017, disposent que l’employeur doit, tous les 6 mois, communiquer au Direccte du siège social de l’entreprise concernée par l’accord de GPEC prévoyant le congé de mobilité un document d’information précisant le nombre de ruptures prononcées dans le cadre du congé, les mesures de reclassement et d’accompagnement mises en place et la situation des salariés au regard de l’emploi à l’issue du congé.

Application dans le temps des dispositions de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relatives à l’indemnisation du titulaire d’un contrat de concession annulé par le juge.

Par un arrêt en date du 9 mars 2018, le Conseil d’État est venu préciser que les dispositions de l’article 56 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relatives à l’indemnisation des frais financiers pour les contrats de concession ne s’appliquent que lorsque l’annulation, la résolution ou la résiliation d’un contrat résulte d’une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l’ordonnance.

Pour rappel, la commune de Nice a confié à un groupement d’entreprise, le 18 janvier 2006, un contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation d’un stade de football pour une durée de trente ans. A la suite du transfert de ce contrat à la société GSN-DSP, société de projet, le Tribunal administratif de Nice, saisi d’un déféré du préfet des Alpes-Maritimes, a annulé la délibération autorisant la signature du contrat ainsi que le contrat, par un jugement du 22 décembre 2006 devenu définitif.

La société GSN-DSP a ensuite saisi le même Tribunal d’une demande tendant à la condamnation de la commune à l’indemniser de son préjudice lié à l’annulation du contrat et a obtenu la somme de 1 504 590 euros par un jugement du 18 juillet 2014. Saisi de l’appel de la commune de Nice contre ce jugement, la Cour administrative d’appel de Marseille a porté la condamnation à la somme 2 454 210 euros par un arrêt du 7 novembre 2016. Considérant que cet arrêt ne faisait droit que partiellement à ses conclusions d’appel, la société GSN-DSP a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

A ce titre, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions d’indemnisation précisées dans sa décision Société Decaux (CE, 10 avril 2008, req. n° 244950) aux termes de laquelle le co-contractant de l’administration dont le contrat a été annulé par le juge peut prétendre au remboursement, sur un terrain quasi-contractuel, de ses dépenses qui ont été utiles à l’administration et qu’il peut, en outre, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ayant conduit à l’annulation du contrat, sous réserve cependant du partage de responsabilités découlant, le cas échéant, de ses propres fautes.

Surtout, et c’est l’apport essentiel de l’arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que « si le régime juridique applicable à l’indemnisation des frais financiers a été précisé par les dispositions du I de l’article 56 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession » – qui prévoient, pour rappel, qu’en « cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat de concession par le juge, faisant suite au recours d’un tiers, le concessionnaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’autorité concédante, parmi lesquelles figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du contrat y compris, le cas échéant, les coûts pour le concessionnaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat » –, il ressort toutefois « de l’article 78 de la même ordonnance que ces dispositions ne s’appliquent que lorsque l’annulation, la résolution ou la résiliation d’un contrat résulte d’une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l’ordonnance ».
Ainsi, le Conseil d’Etat a retenu que ces dispositions ne pouvaient être appliquées puisque le contrat litigieux avait été annulé par un jugement rendu plus de neuf années avant le 31 janvier 2016.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé que « s’agissant d’une délégation de service public, le co-contractant de l’administration peut prétendre, sur le terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses d’investissement qu’il a effectuées relatives aux biens nécessaires ou indispensables à l’exploitation du service, à leur valeur non amortie évaluée à la date à laquelle ces biens font retour à la personne publique, ainsi que du déficit d’exploitation qu’il a éventuellement supporté sur la période et du coût de financement de ce déficit, pour autant toutefois qu’il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d’une gestion normale, à la bonne exécution du service public et que le coût de financement de ce déficit est équivalent à celui qu’aurait supporté ou fait supporter aux usagers le délégant ».

Et, le Conseil d’Etat a relevé l’erreur de droit commise par la Cour qui, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par la société au titre de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune, ne pouvait pas juger comme non utiles les frais qu’elle avait engagés pour assurer l’exécution du contrat en s’abstenant de rechercher, au préalable, si ces dépenses correspondaient au coût de financement d’un déficit d’exploitation.

Rapport Clavreul : de nouvelles propositions en faveur de la promotion et du respect de la laïcité, des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société

Missionné le 25 septembre 2017 par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, qui souhaitait disposer d’un plan de relance des actions départementales en faveur de la laïcité, M. Clavreul, préfet et ancien directeur interministériel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie, a remis son rapport, intitulé « Laïcité, valeurs de la république et exigences minimales en société, Des principes à l’action », le 22 février dernier.
Celui-ci a été réalisé à partir de témoignages, recueillis dans neuf départements, huit urbains (Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Nord, Bas-Rhin, Rhône, Yvelines) et un rural (Meuse), de chefs de services de l’Etat, de membres de la direction de la caisse d’allocations familiales, de maires, maires-adjoints ou collaborateurs d’élus, de responsables associatifs ayant entrepris une action dans le domaine de la laïcité, de membres d’établissements scolaires du second degré, de directeurs ou membres de la direction d’établissements hospitaliers, de représentants des ARS, de représentants des cultes, ou encore d’universitaires responsables de formations sur la laïcité et la gestion du fait religieux.
Le rapport dresse un certain nombre de constats, dont les principaux sont les suivants :
D’une part, les manifestations d’affirmation identitaire inspirées par la religion se multiplient et se diversifient, même si les situations sont très hétérogènes d’un territoire à l’autre (les contestations de la laïcité et des principes républicains prendraient des proportions nettement plus significatives dans les territoires de la géographie prioritaire de la politique de la ville). Ces manifestations et les perturbations qu’elles entrainent sont le fait, dans la grande majorité des cas, d’un islam rigoriste voire radical, mais concernent également catholiques intégristes, mouvements évangéliques et juifs orthodoxes.
D’autre part, les atteintes directes à la laïcité sont peu nombreuses, mais les perturbations des conditions de vie et de travail collectifs, d’intensité et de nature variables, sont par endroits particulièrement fortes. Ces perturbations tendent à s’intensifier et à s’étendre. En outre, l’adhésion aux principes républicains recule par endroits.
Enfin, l’élan donné à la pédagogie de la laïcité et aux politiques des citoyenneté en général après les attentats de 2015, très fort dans une phase initiale, menace de retomber.
Le rapport égrène ensuite une série de quinze propositions. Celles-ci ont pour objet d’informer et de former, mais aussi d’impliquer et de responsabiliser les différents acteurs, d’informer le public, de « créer » de l’information pour l’administration et de régler les difficultés pouvant se présenter en pratique.
Ainsi, en matière d’information et de formation des acteurs, il est proposé de :
– Développer des « conférences d’actualité » sur les sujets de société dans les administrations publiques (Proposition n°3) ;

– D’instaurer une formation laïcité pour tous les agents de l’Etat d’ici 2020 (Proposition n° 5) ;

– Mettre en place un plan pluriannuel de formation « Valeurs de la République et Laïcité » 2018-2020 avec des objectifs quantitatifs ambitieux et un ciblage des publics (les adultes-relais, les membres des conseils citoyens, les agents des collectivités locales, les éducateurs sportifs, les intervenants dans le secteur périscolaire, les professionnels de la petite enfance, les acteurs de la prévention spécialisée, les agents du service public de l’emploi, les personnels de la fonction publique hospitalière) (Proposition n°6) ;

– Renforcer les exigences de formation à la laïcité et aux valeurs de la République du brevet d’aptitude à la fonction d’animateur (BAFA) et au brevet d’aptitude à la fonction de directeur (BAFD) ; conditionner l’agrément des centres de formation au respect de cette exigence (Proposition n°7) ;

– Diffuser largement et régulièrement, auprès de toutes les administrations, une lettre d’actualité sur la laïcité (Proposition n°15).

Afin de faciliter l’information du public, le rapport soumet l’idée de créer un site internet (www.laicite.gouv.fr) qui constituerait un portail unique de ressources sur la laïcité (Proposition n° 11).
En matière de « création » de l’information pour l’administration, il est envisagé de disposer, au niveau national, de diagnostics fiabilisés sur les incidents relatifs à la laïcité, à la contestation des valeurs républicaines et au non-respect des exigences minimales de la vie en société (Proposition n°1).
S’agissant de la responsabilisation des acteurs, il est suggéré de :
– Rappeler par circulaire de la Fonction publique les droits et obligations des fonctionnaires en matière de laïcité, de neutralité, de respect et de promotion des valeurs de la République (Proposition n° 2) ;

– Conditionner le soutien de l’Etat (attribution de subvention, agrément, soutien à un événement) à l’engagement de respecter et de promouvoir les valeurs de la République (Proposition n° 4) :

– Transformer les comités d’orientation des comités opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme en comités départementaux pour la promotion de la laïcité et des valeurs de la République ; cette instance serait le lieu d’expression, de proposition et de prise d’initiative de la société civile engagés dans l’action citoyenne (Proposition n°9) ;

– Insérer la thématique laïcité dans des plans départementaux pour la promotion de la citoyenneté (Proposition n°12) ;

– Mieux impliquer les territoires hors géographie prioritaire (Proposition n° 13) ;

– Mettre en place un organe informel et souple réunissant régulièrement l’ensemble des administrations et structures interministérielles intervenant dans le champ de la citoyenneté (Proposition n°14).
S’agissant du traitement des situations, il est enfin proposé de :
– Mettre en place un comité de pilotage départemental laïcité et valeurs de la République, tourné vers le recueil des signalements et leur traitement opérationnel (Proposition n°8) ;

– Placer auprès des préfets de région un « comité de veille de la laïcité et de la citoyenneté » chargée de rendre des avis et de formuler des propositions pour aider à la résolution des conflits (Proposition n°10).
Ainsi, contrairement à ce qui a été annoncé dans la presse, le rapport ne fait aucune proposition « choc ». Reste à déterminer les suites qui lui seront données, étant précisé que le rapport a fait l’objet de critiques, notamment de la part de Jean-Louis Bianco, Président de l’Observatoire de la laïcité. Ce dernier a par exemple remis en cause la rigueur de la méthodologie qui repose, ainsi que cela a été indiqué, sur quelques dizaines de témoignages.

Avis du Conseil d’Etat sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice de ces compétences

Le Conseil d’Etat a été saisi par le Premier ministre d’une demande d’avis portant, d’une part, sur la possibilité d’attribuer des compétences différentes à des collectivités relevant d’une même catégorie et, d’autre part, sur la possibilité de permettre aux collectivités territoriales de déroger à des dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.

Plus précisément, s’agissant de la possibilité de différencier les compétences, le Conseil d’Etat était saisi des questions de savoir si le législateur peut autoriser les collectivités à transférer à une collectivité appartenant à une autre catégorie des compétences identifiées par la loi, et si le législateur peut désigner des collectivités qui exerceront des compétences différentes de celles dont disposent les collectivités de la même catégorie. Dans la négative, le Premier ministre souhaitait connaître l’étendue de la réforme constitutionnelle à opérer.

S’agissant de la possibilité de différencier les règles applicables à l’exercice des compétences, le Premier ministre interrogeait le Conseil d’Etat sur les conditions et limites dans lesquelles la loi ou le règlement peuvent prévoir l’application de règles différentes à l’exercice des compétences sur le territoire des différentes collectivités territoriales, ainsi que sur les termes de la modification constitutionnelle permettant de sécuriser juridiquement un dispositif qui permettrait aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger au droit commun en la matière.

Le Conseil d’Etat a répondu à ces questions dans un avis détaillé du 7 décembre 2017.-

Sur la possibilité de moduler les compétences de collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et de transférer des compétences entre collectivités relevant de catégories différentes.

Le Conseil d’Etat a répondu par la négative à la question de savoir si la loi peut autoriser des transferts de compétences entre collectivités de catégories différentes.

Il a en effet considéré que le projet gouvernemental aurait une portée très large s’il était mis en place puisque les transferts de compétences ne seraient pas soumis à une condition tenant à l’existence d’une situation particulière, ou à des raisons d’intérêt général, comme l’exige le principe constitutionnel d’égalité, mais au seul accord des collectivités concernées.

Le Conseil d’Etat a ensuite estimé que, à cadre constitutionnel constant, il était possible d’opérer certaines différences d’ordre statutaire, y compris dans le domaine des compétences, entre collectivités de même catégorie, à condition que ces différences aient un caractère limité.

Il a précisé que, dans ce cadre, il conviendrait que le dispositif présente diverses garanties, qu’il a énumérées, afin de respecter les exigences constitutionnelles découlant notamment du principe d’égalité et de libre administration des collectivités territoriales (parmi lesquelles figurent l’identification de compétences précises et limitées qui, pour des raisons d’intérêt général ou de différence de situation, pourraient faire l’objet d’un transfert ou encore l’accord des collectivités et la compensation financière des transferts ayant pour objet d’accroître les charges du bénéficiaire).

Le Conseil d’Etat a rappelé que des outils de droit positif pourraient être davantage utilisés, tels que les délégations de compétences et les mises en commun de compétences dans le cadre d’établissements de coopération, en évoquant la possibilité d’améliorer les régimes de ces différents outils, afin de les rendre plus attractifs.

Il a ajouté que si la réforme était envisageable à droit constitutionnel constant, un « ancrage de la mesure dans le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution pourrait […] être mieux assuré par une modification de la Constitution qui y ajouterait le principe de cette mesure ».

Il a néanmoins considéré qu’une modification constitutionnelle qui aurait pour objet d’introduire une disposition aux termes de laquelle « la loi peut attribuer des compétences différentes à des collectivités relevant d’une même catégorie », sans prévoir de condition ou de finalité, donnerait au législateur un pouvoir d’appréciation très étendu. Il a également considéré que cela introduirait une incohérence au sein du titre XII de la Constitution, puisque les règles différentes de compétences, pour les collectivités territoriales à statut particulier de l’article 72, et les départements et régions d’outre-mer de l’article 73, continueraient à devoir être justifiées, sur le fondement des mêmes dispositions (les premières doivent démontrer leurs « caractéristiques propres », les secondes, leurs « caractéristiques et contraintes particulières »), alors que tel ne serait pas le cas pour les collectivités de droit commun. Il a encore attiré l’attention du législateur sur « l’aggravation de la complexité des compétences des collectivités territoriales ».

Le Conseil d’Etat a toutefois, relevé, tout en admettant que tel n’était pas l’objectif du Gouvernement, que l’incohérence constitutionnelle et les inconvénients ainsi relevés seraient « supprimés » si la disposition envisagée avait un caractère transitoire et devait conduire, à terme, à la suppression d’un échelon de collectivités territoriales.

Sur la possibilité de différencier les règles applicables à l’exercice des compétences des collectivités territoriales

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que des règles différentes à l’exercice de compétences des collectivités de droit commun de même catégorie peuvent être instituées, dès lors qu’il est possible de caractériser des différences de situation, conformément au principe constitutionnel d’égalité.

Il s’est en revanche positionné en défaveur d’une inscription, dans la Constitution, d’une disposition prévoyant que « la loi ou le règlement régissant l’exercice des compétences des collectivités peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des collectivités d’une même catégorie ».

Il a en effet considéré que la rédaction étant inspirée de celle de l’article 73, portant sur les départements et régions d’outre-mer, pour lesquelles les « caractéristiques et contraintes particulières » résultent principalement de l’insularité et de l’éloignement géographique, à moins de lui donner ici un sens entièrement différent, une telle disposition serait dépourvue de portée utile.

Il a, en revanche, donné un avis favorable à une disposition constitutionnelle prévoyant que « Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».

Il a, sur ce point, estimé que cela donnerait à la fois davantage de liberté et de responsabilité aux collectivités territoriales, ainsi que la possibilité, au législateur, de tirer les enseignements de la mise en œuvre des adaptations et dérogations par les collectivités. Cette possibilité devrait néanmoins, comme cela est envisagé, être encadrée.

Le Conseil d’Etat a, en outre, suggéré que cette modification s’accompagne d’une réforme du régime des expérimentations, prévu par l’article 72 alinéa 4, afin d’articuler les deux dispositifs (une expérimentation pourrait ainsi donner lieu à une dérogation pérenne et non plus seulement à une généralisation ou à un abandon).

La Cour des Comptes se penche sur la gestion des piscines et centres aquatiques publics dans son rapport public annuel

La Cour des comptes a consacré une partie de son rapport annuel à la question de la gestion des centres aquatiques publics et a formulé quelques recommandations compte tenu des lacunes qu’elle a relevées en la matière

Partant du constat que la construction et la gestion des piscines et des centres aquatiques sont majoritairement assurées par les communes et les intercommunalités, la Cour a pu constater que cette compétence facultative génère pour elles une charge financière importante.

En effet, la plupart des équipements sont vétustes et le coût de rénovation de ces derniers représente un obstacle pour les collectivités.

La Cour relève ensuite un défaut de coordination entre l’Etat et les collectivités dans la programmation des équipements. Si la construction et la rénovation des équipements sportifs ne constituent pas une compétence obligatoire des départements et des régions, ces deniers interviennent pourtant souvent dans leur financement. La Cour recommande alors d’inscrire ces financements dans les schémas régionaux de programmation, et validées par les conférences territoriales de l’action publique (article L. 1111-9-1 du CGCT).

Le versement des subventions départementales et régionales serait alors encadré et conditionnées au respect de ce schéma de programmation.

S’agissant ensuite de l’utilisation de ces équipements communaux ou intercommunaux par les collégiens ou les lycéens, la Cour rappelle que cette utilisation est en principe conditionnées à l’intervention d’une convention entre la collectivité propriétaire et le département (pour les collégiens) ou la région (pour les lycéens) sur la base de l’article L. 1311-15 du CGCT et L. 214-4 du Code de l’éduction.

Or la Cour constate que ces conventions sont, en pratique, rarement conclues, ce qui conduit les départements et les régions à ne pas participer aux coûts de fonctionnement de l’équipement.

S’agissant des compétences des intercommunalités en la matière, la Cour estime que la répartition institutionnelle n’est plus adaptée.

L’intervention reste fréquente pour les communes sur la base de la clause de compétence générale (article L. 2121-29 du CGCT), alors que les communautés de communes (article L. 5214-16 du CGCT) et les communautés d’agglomération (article L. 5216-5 du CGCT) peuvent intervenir sur la base d’une compétence optionnelle ou obligatoire soumise à intérêt communautaire pour les communautés urbaines (article L. 5215-20 du CGCT) et les métropoles (article L. 5217-2 du CGCT).

La Cour souligne que l’intervention communale n’est plus toujours adaptée aux modalités d’exploitation de ces équipements puisqu’il existe une dissociation entre le périmètre de la commune propriétaire et celui des usagers, souvent extérieurs.

Cette dissociation conduit en effet les contribuables locaux à prendre en charge des déficits d’exploitation des équipements utilisés par des résidents extérieurs.

C’est la raison pour laquelle le rapport préconise l’engagement d’une réflexion sur le transfert de ces équipements à l’échelon intercommunal qui se justifierait par les contraintes de financement, de gouvernance et de stratégie de gestion.

S’agissant de l’exploitation de ces équipements, la Cour constate que la majorité des centres sont exploités en régie directe mais relève que ce type d’exploitation ne permet pas une analyse des coûts d’exploitation suffisante. Or, cette lacune nuit à la sincérité des comptes des collectivités et à l’information de leur assemblée délibérante

La Cour invite les collectivités à renforcer leur analyse des coûts de fonctionnement  pour permettre une information exhaustive des assemblées délibérantes.

La Cour formule donc les recommandations suivantes aux collectivités territoriales et à leurs groupements :

évaluer de façon systématique la pertinence d’un transfert des piscines et centres aquatiques communaux aux EPCI à fiscalité propre ;

– présenter aux assemblées délibérantes, à l’appui des projets validant la construction ou la rénovation d’une piscine ou d’un centre aquatique, la projection des dépenses de fonctionnement et d’investissement pour les années suivant la mise en service ;

  développer le suivi analytique des dépenses d’exploitation des piscines afin de mesurer le coût du service rendu aux usagers ;

  faire adopter par les assemblées délibérantes une stratégie globale précisant les missions et les objectifs assignés aux piscines publiques afin d’éviter la concurrence des usages entre les différentes catégories d’utilisateurs.