Vers l’émergence d’une jurisprudence unifiée sur les colonnes montantes

Le statut des colonnes montantes d’électricité donne lieu à une jurisprudence de plus en plus fournie qui s’explique par l’importance des enjeux juridiques et financiers que ce statut génère. Ces principaux enjeux résident en effet, d’une part, dans l’identification du débiteur de l’obligation d’entretenir et de rénover ces colonnes, et d’autre part, dans l’identification de la personne responsable en cas de dommage qui serait causé aux personnes ou aux biens par le défaut d’entretien desdites colonnes, cette seconde question étant intrinsèquement liée à la première.

Les décisions de justice se multiplient et on commentera ici le récent arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 23 janvier 2018 et une recommandation du Médiateur National de l’Energie publiée le 12 janvier 2018  lesquels contribuent à préciser le régime applicable aux colonnes montantes électriques.

Dans le présent focus, après avoir rappelé synthétiquement les deux principales problématiques juridiques posées par la question des colonnes montantes d’électricité (I), on exposera qu’il semble se dessiner progressivement une forme de convergence entre les jurisprudences administrative et judiciaire sur lesdites problématiques (II). Enfin, on fera état des précisions supplémentaires apportées par les deux décisions commentées, lesquelles viennent utilement compléter le régime applicable aux colonnes montantes d’électricité (III).

  1. Rappel des problématiques juridiques générées par la question des colonnes montantes d’électricité

Le débat relatif aux colonnes montantes d’électricité s’articule autour de deux questions principales : la première concerne la propriété de ces colonnes et la seconde les conditions dans lesquelles des propriétaires d’immeubles peuvent décider d’abandonner les droits – et les obligations – qu’ils détiennent sur ces ouvrages au profit du concessionnaire de la distribution publique d’électricité.

Propriété des colonnes montantes

 Cette première problématique consiste à déterminer s’il existe ou non une présomption  d’appartenance des colonnes montantes au réseau public de distribution d’électricité. En effet, si les colonnes appartiennent au réseau de distribution publique d’électricité, alors les Autorités Organisatrices de la Distribution publique d’Electricité (ci-après, AODE) en sont propriétaires et le gestionnaire du service public de la distribution d’électricité (la société Enedis sur 95% du territoire national, les Entreprises Locales de Distribution sur le reste du territoire) est en charge de leur entretien et de leur rénovation.

A notre sens, l’analyse des dispositions du décret n°46-2503 du 8 novembre 1946 relatif aux colonnes montantes d’électricité milite en faveur de la reconnaissance d’une telle présomption d’appartenance à compter de l’entrée en vigueur du décret susmentionné, et ce pour l’ensemble des colonnes montantes quelle que soit leur date de construction. Cette présomption ne cédant qu’en présence d’un acte exprès du propriétaire ou des copropriétaires de l’immeuble faisant état de son/leur souhait de conserver la propriété des colonnes, acte exprès dont la preuve doit être rapportée par le concessionnaire de la distribution d’électricité.

Le décret n° 55-326 du 29 mars 1955 relatif aux frais de renforcement des colonnes montantes d’électricité dans les immeubles d’habitation collective confirme indirectement cette approche puisqu’il détermine les conditions dans lesquelles procéder au renforcement des raccordements dans les immeubles d’habitation collective en distinguant selon que les ouvrages en cause relèvent ou non du réseau public de distribution d’électricité.

La position contraire, adoptée en particulier par la société Enedis, consiste à considérer que seules les colonnes montantes établies après l’entrée en vigueur d’un contrat de concession relatif à la distribution d’électricité accompagné d’un cahier des charges conforme au modèle approuvé par la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies (FNCCR) et la société EDF en 1992 font partie du réseau de distribution publique d’électricité dont la gestion est confiée à ladite société. La société Enedis estime en revanche que les colonnes montantes construites antérieurement à l’entrée en vigueur d’un tel contrat appartiennent aux propriétaires de l’immeuble concerné et que la preuve contraire incombe auxdits propriétaires.

Conditions d’exercice de la faculté d’abandon unilatéral

Par ailleurs, l’article 15 alinéa 6 du modèle de cahier des charges susmentionné, repris par l’essentiel des contrats de concession actuellement en cours d’exécution, consacre au profit des propriétaires d’immeubles qui auraient conservé la propriété des colonnes montantes, une faculté d’abandon de leurs droits sur ces colonnes au bénéfice du concessionnaire du service public de la distribution d’électricité (en qualité de gestionnaire et d’exploitant). Cet abandon, qui intervient par décision unilatérale, transfère au gestionnaire du réseau la charge de l’entretien des colonnes.

Sur ce second volet, la problématique juridique porte sur le point de savoir si cet abandon est conditionné au respect de certaines exigences de fond tenant, en particulier, à l’état d’entretien des ouvrages.

A notre sens, dans la mesure où ni l’article 15 du modèle de cahier des charges, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire, ne subordonne à une quelconque condition de fond l’exercice de cette faculté d’abandon, on doit pouvoir considérer que cette décision unilatérale peut intervenir librement.

La société Enedis soutient à l’inverse que cet abandon ne peut intervenir que si ces colonnes montantes se trouvent en bon état d’entretien.

Cette problématique de l’abandon des colonnes montantes, qui donne lieu à une jurisprudence abondante, n’est toutefois pas concernée par la décision et la recommandation qui font l’objet du présent commentaire.

  1. Vers une convergence progressive des jurisprudences administrative et judiciaire sur la question de la propriété des colonnes montantes

On précisera d’emblée que les deux ordres juridictionnels sont susceptibles de se prononcer sur les questions exposées ci-avant, en fonction de la nature juridique du propriétaire des colonnes. Ainsi, à titre d’exemple, tandis que les décisions d’abandon émanant des offices publics de l’habitat relèveront de la compétence du juge administratif compte tenu de leur qualité d’établissements publics à caractère industriel et commercial ( voir art. L. 421-1 du Code de la construction et de l’habitation et T. confl., 15 mai 2017, Enedis contre OPH de l’Aisne , n° 4079), les décisions similaires émanant des organismes privés d’habitation à loyer modéré (des sociétés anonymes par exemple) relèveront du juge judiciaire.

Et, si les deux ordres de juridiction ont dans un premier temps rendu des décisions présentant des nettes divergences, la tendance semble désormais plutôt à la convergence.

Ainsi, sur la question de l’existence d’une présomption d’incorporation au réseau public de distribution d’électricité, on a pu identifier dans un premier temps :

  • Une jurisprudence relativement constante du juge administratif reconnaissant le principe d’une telle présomption. L’on peut mentionner à cet égard les décisions rendues en particulier par la Cour administrative d’appel de Douai (CAA de Douai, 29 juin 2017, ERDF contre OPH de l’Aisne, req. n° 15DA00675) et différents tribunaux administratifs (voir en particulier TA de Montreuil, 9 mars 2017, sté Enedis, req. n° 1510315) ;
  • Des décisions du juge judiciaire refusant d’admettre le principe d’une telle incorporation et faisant peser sur les propriétaires la charge de la preuve de ce que les colonnes ne leur auraient pas appartenu (CA Montpellier, 15 février 2017, Monsieur Laurent Fabre, n°14/01912: CA Chambéry, 15 février 2017, Syndicat des copropriétaires « 63/77 rue Costa de Beauregard », n°14/01912 :;CA Paris, 25 mai 2016, Syndicat des copropriétaires du 14 rue Roger Morinet contre ERDF, n°14/04415 : CA Pau, 13 avril 2016, Syndicat des copropriétaires de la résidence Bigorre contre ERDF, n°15/00042).

On notera que le Médiateur National de l’Energie a, de longue date, adopté une position similaire à celle du juge administratif, reconnaissant la présomption d’incorporation des colonnes au réseau de distribution d’électricité (recommandation n°2013-0211 du 27 février 2013 ; recommandation n°2014-1090 du 2 septembre 2014).

Mais il semble que la jurisprudence du juge judiciaire soit de plus en plus nuancée sur cette question, plusieurs décisions ayant reconnu l’existence d’une telle présomption (voir en particulier en ce sens CA Limoges, 24 janvier 2017, ERDF contre Office public de l’Habitat de Limoges Métropole, n°15/01230 ; CA Versailles, 29 mars 2016, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé 12 rue de l’Epinette à Saint-Mandé contre ERDF, n°13/08946 ; Tribunal de grande instance de Paris, 21 novembre 2016, Syndicat des copropriétaires du 39 avenue Victor Hugo contre ERDF, n°16/00752).

Et, la décision de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 23 janvier dernier ici commentée s’inscrit dans cette tendance puisqu’elle reconnaît très clairement l’existence de cette présomption. La juridiction était saisie d’un litige d’ordre indemnitaire introduit par un syndicat de copropriétaires et certains copropriétaires (ainsi que leurs assureurs respectifs) à l’encontre des sociétés Enedis et GRDF à la suite de la survenance d’un incendie d’origine électrique suivi d’une explosion au sein d’une colonne montante d’électricité et de gaz. La Cour d’appel, après avoir rappelé les termes du décret du 8 novembre 1946 précité, relève que :

« Ce décret a donc posé un principe de transfert des colonnes montantes dans les concessions de distribution publique d’électricité, indépendamment de la date de signature de la concession localement applicable, sauf celles dont les propriétaires voulaient expressément en conserver la propriété, sans pouvoir, néanmoins, continuer à percevoir des redevances, ce qui enlevait d’ailleurs tout intérêt à un tel choix.

Il n’est donc fait exception à l’incorporation aux réseaux des colonnes montantes que dans l’hypothèse où les propriétaires concernés faisaient le choix de conserver la propriété de leurs colonnes, choix qui devait être nécessairement porté à la connaissance du gestionnaire du réseau public et dont celui-ci a dû conserver la trace afin d’éviter toute contestation ».

La Cour ajoute, s’agissant de la charge de la preuve de la volonté des propriétaires de conserver la propriété des colonnes que : « Dès lors qu’il existe depuis 1946, une véritable présomption de transfert des colonnes montantes dans les concessions de distribution d’électricité, c’est au distributeur, qui se prévaut de l’exception instituée par l’article 1er du décret du 08 novembre 1946 de démontrer que les propriétaires de l’immeuble litigieux ont expressément manifesté la volonté d’en conserver la propriété, à charge pour eux de renoncer à la redevance. En effet, le fait qu’une colonne montante ne soit pas intégrée au réseau public ne peut, au regard des textes susvisés, que constituer une situation dérogatoire, dont la preuve incombe au concessionnaire ».

Ce faisant, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’inscrit pleinement dans le prolongement de la jurisprudence administrative et des décisions, de plus en plus nombreuses, du juge judiciaire ayant déjà statué en ce sens.

  • D’utiles précisions contribuant à la définition du régime applicable aux colonnes montantes

D’intéressantes précisions ont également été apportées par la décision et la recommandation commentées, d’une part, sur l’étendue des coûts devant être pris en charge par le concessionnaire de la distribution publique d’électricité à l’occasion d’une opération de rénovation d’une colonne montante et, d’autre part, sur la nature des préjudices susceptibles d’être indemnisées par le même concessionnaire en cas de fonctionnement défectueux de ces colonnes.

 Définition des travaux de rénovation de colonnes montantes

 La recommandation du Médiateur National de l’Energie du 29 juin 2017, publiée le 12 janvier 2018, vient préciser l’étendue des travaux à la charge du concessionnaire lorsqu’il est en charge de la rénovation d’une colonne.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la recommandation, la société concessionnaire de la distribution d’électricité avait fait état aux copropriétaires d’un immeuble de l’état de vétusté généralisée dans lequel se trouvait la colonne montante dudit immeuble. Après avoir, dans un premier temps, contesté l’incorporation de la colonne dans le réseau de distribution d’électricité, le distributeur a fini, « après un nouvel examen de ses fichiers », par admettre que la colonne était intégrée à la concession (la recommandation n’indique pas sur quel document ou fichier le concessionnaire s’est fondé pour faire évoluer sa position).

Si le distributeur a alors accepté de prendre en charge les coûts de « réalimentation provisoire » et les « travaux de mise en conformité des parties électriques de cette colonne », il a en revanche refusé de prendre à sa charge « les travaux de génie civil « générés autour du renouvellement de la colonne », tels que dépose de coffrages, percements de planchers, pose de fourreaux, menuiserie et travaux de finition (enduits et peinture) », estimant que ces frais incombaient à la copropriété. Ladite copropriété a toutefois refusé de prendre en charge ces coûts.

Saisi du différend, le Médiateur National de l’Energie donne raison à la copropriété et recommande au distributeur « à chaque fois que la rénovation d’une colonne montante en concession sera décidée, de prendre à sa charge la totalité des travaux rendus indispensables, qu’ils portent sur la partie électrique ou le génie civil », justifiant sa position par la circonstance que la copropriété « est étrangère à ces travaux de rénovation et aux conséquences immobilières qui en résultent, d’autant qu’elle aura à subir, en toute hypothèse, les désagréments induits par la réalisation des travaux. »

Préjudices indemnisables en cas de dysfonctionnement des colonnes montantes

La décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence fournit, pour sa part, d’utiles précisions quant aux préjudices dont l’indemnisation peut être sollicitée par des copropriétaires d’un immeuble ayant été endommagé à la suite d’un dysfonctionnement d’une colonne montante.

Dans cette espèce, comme précédemment exposé, un sinistre d’origine électrique survenu au sein de la colonne montante de l’immeuble, accueillant les conduites d’électricité et de gaz, avait entrainé un incendie suivi d’une explosion dans l’immeuble. Le syndicat des copropriétaires et certains copropriétaires avaient alors introduit un recours indemnitaire à l’encontre des sociétés GRDF et Enedis. La Cour d’appel estime que seule la société Enedis est responsable du dommage dès lors que le sinistre trouve sa cause dans un dysfonctionnement du système électrique.

Se prononçant sur les préjudices matériels, la Cour estime que sont indemnisables les coûts afférents aux « réparations en lien direct avec le sinistre ». Toutefois, en l’espèce la Cour constate que les chiffrages produits ont été établis unilatéralement par les assureurs du syndicat des copropriétaires sans fournir d’explications quant au mode de calcul retenu. Elle prononce en conséquence une mesure d’expertise judicaire afin de déterminer de manière contradictoire les préjudices matériels subis.

Se prononçant ensuite sur différents préjudices d’ordre financier dont la réparation était sollicitée par les copropriétaires, la Cour renvoie également à un expert le soin de chiffrer : 

  • les pertes locativessubies par les propriétaires d’appartements n’ayant pu être loués ;
  • des pertes d’exploitation subies par l’un des copropriétaires exerçant une activité de chirurgien-dentiste au sein de l’immeuble;
  • le préjudice de jouissance subi par le syndicat des copropriétaires.

Si en l’espèce la Cour ne prononce pas d’indemnisation faute de disposer en l’état des chiffrages pertinents, elle admet la recevabilité de ces demandes et le principe de l’obligation pour le concessionnaire de la distribution publique d’électricité de devoir indemniser ce type de préjudices financiers consécutifs à la défectuosité de la colonne montante électrique, faute imputée (selon le raisonnement ci-avant exposé) au concessionnaire de la distribution publique d’électricité.

Au global, il semble se dessiner une forme de convergence progressive des juridictions administratives et judiciaires vers des solutions favorables aux propriétaires (bailleurs sociaux publics et privés notamment) et copropriétaires d’immeubles puisqu’elles font peser sur le concessionnaire de la distribution publique d’électricité des obligations et des responsabilités importantes relatives aux colonnes montantes électriques.

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE – Avocat Associée

Marianne HAUTON  – Avocat à la cour

Certificats d’économies d’énergie : précisions jurisprudentielles et réglementaires récentes sur le formalisme des demandes de certificats et les opérations d’économies d’énergie

Arrêté du 22 décembre 2017 modifiant l’arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie.

Arrêté du 22 décembre 2017 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application de la troisième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Une décision jurisprudentielle et deux arrêtés récents sont venus apporter des précisions sur le mécanisme des certificats d’économies d’énergie (ci-après les « CEE »).

En premier lieu, par un arrêt en date du 12 décembre 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a précisé les modalités formelles des demandes de CEE.

En l’espèce, une société ayant pour activité la distribution de fioul domestique, et soumise à des obligations d’économies d’énergie en application de l’article L. 221-1 du code de l’énergie, a formulé une demande de délivrance de CEE pour un montant de 18 278 323 kilowattheures d’énergie finale cumulée actualisés (« kWh cumac »).

Par plusieurs décisions en date du 23 avril 2013, le pôle national des certificats d’économies d’énergie lui a cependant octroyé des CEE pour un montant moindre, au motif que l’attestation du bénéficiaire de l’opération d‘économies d’énergies fournie ne pouvait servir à justifier l’antériorité du « rôle actif et incitatif » de la société demanderesse exigée par les textes.

Pour rappel, en application de l’article 6 du décret n° 2010-1664 du 29 décembre 2010 relatif aux certificats d’économies d’énergie, venu préciser les modalités d’instruction et de délivrance des CEE pour la seconde période triennale d’obligations d’économies d’énergie (2011-2013), et applicable aux faits de l’espèce :

« Le demandeur de certificats d’économies d’énergie doit à l’appui de sa demande justifier son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’opération. Est considérée comme un rôle actif et incitatif toute contribution directe, qu’elle qu’en soit la nature, apportée, par le demandeur ou par l’intermédiaire d’une personne qui lui est liée contractuellement, à la personne bénéficiant de l’opération d’économies d’énergie et permettant la réalisation de cette dernière. Cette contribution doit être intervenue antérieurement au déclenchement de l’opération ».

Et pour s’assurer du « rôle actif et incitatif » du demandeur de CEE, l’arrêté du 29 décembre 2010 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et la composition d’une demande d’agrément d’un plan d’actions d’économies d’énergie précise, au point 3.1 de son annexe 1, que le demandeur doit fournir :

« ― la description de la contribution du demandeur ;

― la justification que cette contribution est directe et intervenue antérieurement au déclenchement de l’opération ;

― une attestation sur l’honneur signée par le bénéficiaire de l’opération d’économies d’énergie du rôle actif et incitatif du demandeur dans la réalisation de cette opération ».

Saisi d’un recours en annulation contre les décisions du pôle national des CEE, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions fixant les CEE de ladite société à 15 510 323 kWh cumac par un jugement en date du 3 mars 2015.

La Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a alors fait appel de ce jugement.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement de première instance, en jugeant qu’il résulte de l’arrêté et du décret précité que « les justifications à apporter à la demande de certificats d’économies d’énergie n’obéissent pas, quant à la preuve de l’antériorité du rôle actif et incitatif du demandeur, à des obligations de forme particulières ».

En particulier, la Cour a estimé que l’arrêté précité « n’interdit pas que la preuve de l’antériorité de la contribution du demandeur résulte de l’attestation sur l’honneur signée par le bénéficiaire de l’opération d’économies d’énergie, dès lors que cette attestation permet à l’administration de s’assurer de l’antériorité de cette contribution. Il en va notamment ainsi lorsque l’attestation sur l’honneur est rédigée antérieurement à la réalisation de l’opération en cause et qu’elle est accompagnée de tous autres justificatifs utiles, tels que des factures, une attestation de fin des travaux et la preuve du versement d’une prime d’économie d’énergie au bénéficiaire de l’aide ».

Le pôle national des CEE ne pouvait donc exiger de la société demanderesse la fourniture d’éléments distincts constitués, d’une part, de l’attestation sur l’honneur du bénéficiaire de l’opération d’économies d’énergie et, d’autre part, de justifications de l’antériorité du rôle de la société demanderesse par rapport à ladite opération.

Par conséquent, la Cour a enjoint au Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie de réexaminer la demande de délivrance de CEE de la société demanderesse.

 

En second lieu, deux arrêtés du 22 décembre 2017, publiés le 10 janvier 2018 au Journal officiel de la République française, sont venus apporter des précisions sur certaines opérations d’économies d’énergie.

Un premier arrêté modifie l’arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie. Cet arrêté du 22 décembre 2014 définit des opérations standardisées d’économies d’énergie pour les actions les plus fréquemment réalisées, en y associant des fiches et un forfait d’économies d’énergie, ainsi que les différentes parties de l’attestation sur l’honneur que doit contenir la demande de CEE. L’arrêté du 22 décembre 2017 prévoit cinq fiches d’opérations standardisées supplémentaires et modifie dix des fiches publiées précédemment. Il entre en vigueur au 1er avril 2018, à l’exception des nouvelles fiches d’opérations standardisées des secteurs industriel et transport, lesquelles entrent en vigueur le lendemain de la publication de l’arrêté. 

Un second arrêté modifie pour sa part l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application de la troisième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie. Il module le volume de certificats délivrés pour certaines opérations au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. Les opérations concernées sont celles réalisées entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2020, pour lesquelles le demandeur est signataire de la charte d’engagement « Coup de pouce économies d’énergie » figurant en annexe de l’arrêté, et lorsque le rôle actif et incitatif du demandeur décrit à l’article R. 221-22 du code de l’énergie est conforme à cette charte. Cet arrêté entre en vigueur le 1er avril 2018.

Schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (s3renr) : annulation du décret par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat avait été saisi d’un recours pour excès introduit par plusieurs requérants, dont deux groupements d’exploitation agricole en commun (GAEC) qui sollicitaient l’annulation du décret n° 2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (article D. 321-10 du code de l’énergie).

Les requérants invoquaient le fait que le décret avait été adopté au terme d’une procédure irrégulière, dès lors qu’il n’avait pas été soumis pour avis à la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

On rappelle en effet qu’aux termes de l’article L. 134-10 du code de l’énergie la CRE doit être préalablement consultée « sur les projets de dispositions à caractère réglementaire relatifs à l’accès aux réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, aux ouvrages de transport et de distribution de gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié et à leur utilisation (…) ».

Le Conseil d’Etat a fait droit aux moyens des requérants et prononcé l’annulation du décret aux motifs que ce texte modifiait les conditions de raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables « et, en particulier, le périmètre de facturation et le partage des coûts de ce raccordement ».

Ce décret, qui avait des effets sur les modalités d’accès aux réseaux publics d’électricité des producteurs, devait donc être obligatoirement soumis pour avis à la Commission de régulation de l’énergie en application de l’article L. 134-10 précité du code de l’énergie.

Conditions financières d’un raccordement : obligation de transparence du gestionnaire du réseau de distribution

Une décision intéressante du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (CoRDIS) est parue au Journal officiel du 10 janvier dernier.

Par cette décision, le CoRDIS est venu rappeler les conditions dans lesquelles il pouvait être saisi d’une demande de règlement d’un différend entre un gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité et un utilisateur du réseau, relatif aux conditions dans lesquelles est conclu un contrat de raccordement au réseau.

En l’espèce, la société Courtebotte Energie avait saisi le CoRDIS d’une demande de règlement de différend à l’encontre de la société Enedis relative aux conditions de raccordement d’une installation de cogénération au réseau public de distribution d’électricité. Cette société, après avoir fait réaliser par une société tierce un devis pour évaluer le montant de ces travaux de raccordement, entendait contester les conditions financières du raccordement de sa centrale de cogénération qui lui avaient été proposées par la société Enedis et qu’elle avait acceptées en signant sans réserve une convention de raccordement.

Dans sa saisine, la société Courtebotte Energie demandait notamment au CoRDIS que l’ensemble des éléments de calcul ayant servi à la société Enedis pour proposer la solution de raccordement soient portés à sa connaissance et que, s’il s’avérait que la solution de raccordement imposée par la société Enedis n’était pas justifiée techniquement et de façon argumentée, elle soit remboursée.

Elle faisait également valoir que le coût du raccordement qu’elle avait supporté pour le raccordement de sa centrale de cogénération permettait en réalité un aménagement du réseau de distribution enterré. Cette société expliquait par ailleurs avoir accepté les conditions financières du raccordement proposées par Enedis, compte tenu des délais de réalisation des travaux et de l’impossibilité d’obtenir des explications techniques précises et transparentes.  Ainsi, la société Courtebotte Energie soutenait qu’elle n’avait pas pu saisir le CoRDIS lors de la remise de la proposition technique et financière dès lors qu’elle prenait le risque que son projet ne puisse être raccordé dans les temps.

En dépit de ce contexte exposé par la société Courtebotte Energie, le CoRDIS a estimé que la société ne pouvait contester les conditions financières de son raccordement dès lors qu’elle avait accepté sans réserve la convention de raccordement qui lui avait été proposée et que la société Enedis n’avait pas manqué à son obligation de transparence dans l’information qu’elle devait délivrer au demandeur :

 « (…) Dans ces conditions, la société Courtebotte Energie ne peut, postérieurement à la signature sans réserve de la convention de raccordement, contester utilement les conditions financières dudit raccordement que si elle démontre que la société Enedis a manqué à son obligation de transparence dans l’information qu’elle doit délivrer au demandeur du raccordement, préalablement à la signature de cette convention. (…)

La seule circonstance que, postérieurement à l’acceptation de la proposition technique et financière, la, qui a d’ailleurs été soumis à la société Enedis, laquelle a fait valoir que ce devis ne prenait pas en compte l’ensemble des coûts, n’est pas de nature à justifier la demande qu’elle a présentée au comité de règlement des différends et des sanctions aux fins de révision des conditions financières du raccordement (…) ».

Le CoRDIS a ainsi considéré que la société Enedis avait satisfait à l’obligation de transparence qui lui incombait en répondant systématiquement à l’ensemble des demandes d’informations du demandeur au raccordement et lui transmettant tous les éléments utiles à la bonne compréhension des éléments composant la proposition technique et financière et la convention de raccordement.

En conclusion, on retiendra de cette décision que la recevabilité d’une demande de révision des conditions financières d‘un raccordement suppose pour l’utilisateur du réseau de distribution d’accepter une convention de raccordement avec réserve. A défaut d’exprimer ses réserves, le demandeur à un raccordement n’aura pas la possibilité de solliciter la révision des conditions financières de son raccordement.

On soulignera toutefois que certaines conventions de raccordement proposées par les gestionnaires de réseaux de distribution stipulent que pour formaliser son acceptation, le demandeur doit retourner signées, sans modification ni réserve, les conditions particulières de la convention de raccordement. Dans une telle hypothèse on ne peut donc que recommander d’être particulièrement attentif au moment de la signature d’une convention de raccordement et de se réserver, si nécessaire, par le biais par exemple d’un courrier d’accompagnement de la convention de raccordement signée, la possibilité de contester ultérieurement les conditions financières du raccordement.

Clients en contrat unique et composante d’accès des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution d’électricité : un cadre juridique définitivement fixe

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a adopté une nouvelle délibération relative à la composante d’accès comprise dans la rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées par les fournisseurs pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) auprès des clients en contrat unique.

Pour mémoire, le contrat unique est le contrat qui couvre à la fois la fourniture d’énergie et sa distribution et dans lequel le fournisseur prend en charge la relation contractuelle avec le gestionnaire du réseau de distribution et agit ainsi comme intermédiaire entre le gestionnaire de réseau et le client final.

Cette délibération vient abroger la précédente délibération n°2017-236 du 26 octobre 2017 qui avait déjà été prise par le CRE également, relative à la composante d’accès , et ce dans le prolongement de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 (publiée au Journal Officiel du 31 décembre 2017) mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Cette loi a introduit plusieurs dispositions permettant de mieux protéger les consommateurs d’énergie et a notamment modifié les articles L.134-1 et L.341-4-3 du code de l’énergie relatifs aux attributions de la CRE.

Désormais, la CRE a le pouvoir de déterminer le montant de la rémunération des fournisseurs par les gestionnaires de réseaux pour les prestations de gestion de clientèle qu’ils réalisent pour le compte des GRD afin que cette rémunération soit fixée de manière transparente pour tous les fournisseurs, et n’induise pas de surcoût pour les consommateurs.

La délibération nouvelle adoptée par la CRE a donc pour objet, dans ce cadre juridique désormais explicite, de fixer les éléments et le niveau de cette rémunération due par les gestionnaires de réseaux de distribution aux fournisseurs et reprend les mêmes éléments que ceux déjà fixés par la CRE dans sa délibération n°2017-236 du 26 octobre 2017.

[1] Cf notre brève publiée dans la LAJEE n°33 – Turpe 5 HTA/BT : modification de la composante annuelle de gestion comprise dans le tarif 

Eau et assainissement : une proposition de loi pour autoriser une minorité de blocage au transfert obligatoire en 2020 en cours d’examen

Une proposition de loi tendant à permettre aux communes membres d’une communauté de communes de reporter la date du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement, initialement prévu au 1er janvier 2020, est actuellement en cours d’examen.
Il est plus précisément prévu par cette proposition de loi que les communes membres d’une communauté de communes qui n’exerce pas, à la date de publication de la loi à intervenir, à titre optionnel ou facultatif, les compétences eau et assainissement, peuvent s’opposer au transfert obligatoire, prévu par la loi NOTRe du 7 août 2015, de ces deux compétences et de l’une d’entre elles à la communauté de communes si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25% d’entre elles représentant au moins 20% de la population délibèrent en ce sens.
Dans cette hypothèse, le transfert de compétences prend effet le 1er janvier 2026.
La proposition de loi laisse une possibilité aux communautés de communes, qui n’exerceraient pas les compétences eau et assainissement après le 1er janvier 2020, de se prononcer, à tout moment, sur l’exercice de plein droit d’une ou de ces compétences par la communauté.
Les communes membres peuvent alors s’opposer une nouvelle fois au transfert, dans les trois mois, dans les mêmes conditions que celles énoncées supra.
Cette proposition de loi fait suite à des engagements du Président de la République et du Premier ministre pris auprès des élus locaux lors du Congrès des maires en novembre 2017. Le transfert obligatoire de ces compétences au 1er janvier 2020 était en effet source d’inquiétude pour de nombreux élus locaux.
Le dispositif proposé est calqué sur celui mis en œuvre par la loi ALUR du 24 mars 2014 pour le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme intercommunal.
Le transfert de compétence demeure obligatoire, mais les communes qui font usage de leur pouvoir de blocage disposent d’un sursis jusqu’en 2026 pour s’organiser.
La proposition de loi précise également le contenu de la compétence « assainissement », laquelle est désormais intitulée « assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8, et assainissement des eaux pluviales et des eaux de ruissellement des zones urbaines au sens de l’article L. 2226-1 ».
Elle assouplit enfin les règles de représentation/substitution des communes au sein des syndicats compétents en matière d’eau et assainissement, en revenant sur les dispositions spécifiques prévues par la loi NOTRe.
En effet, depuis cette loi, lorsqu’un syndicat exerçant une compétence en matière d’eau ou d’assainissement regroupe des communes appartenant à trois EPCI à fiscalité propre au moins à la date du transfert de cette compétence à EPCI à fiscalité propre, ce dernier se substitue, au sein du syndicat, aux communes qui la composent.
Toutefois, si l’EPCI à fiscalité propre ne souhaite pas se maintenir dans ce syndicat, le représentant de l’État peut, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI), l’autoriser à s’en retirer au 1er janvier de l’année qui suit la date du transfert de la compétence.
Dans le cas où, au contraire, le syndicat ne regroupe pas des communes appartenant à trois EPCI au moins, ce transfert de compétence vaut retrait des communes membres de l’EPCI à fiscalité propre du syndicat.
La proposition de loi prévoit un retour au droit commun de la représentation/substitution pour les communautés de communes, et une simplification pour les communautés d’agglomération (dans ce dernier cas, il suffira que le syndicat regroupe des communes appartenant à « des » EPCI, et non plus à trois au moins).
La proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 30 janvier dernier. Elle a été transmise au Sénat le lendemain qui devrait l’examiner prochainement.
La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement.

Evaluation environnementale : annulation des dispositions réglementaires habilitant le Préfet de Région

Le 28 décembre 2007, le Conseil d’Etat a prononcé la non-conformité de certaines dispositions du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes à l’article 6 de la directive n° 2011/92/UE du 13/12/11 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
En effet, le juge administratif a été saisi par l’Association France Nature Environnement de moyens tendant à démontrer que les articles R. 122-6 et R. 122-7 du Code de l’environnement, tels que modifiés par le décret du 11 août 2016, précité, n’étaient pas conforme au droit communautaire dès lors que les modifications apportées par le décret maintenaient la désignation du Préfet de Région en qualité d’autorité environnementale consultée pour certains projets susceptibles de porter atteinte à l’environnement.
Plus précisément, les dispositions applicables en vertu du décret du 11 août 2016 distinguaient plusieurs personnes susceptibles d’être désignées comme autorité environnementale en fonction des types de projets soumis à évaluation environnementale. Ainsi, selon les cas, l’autorité environnementale compétente pouvait être, en application de l’article R. 122-6 C. env. soit le Ministre chargé de l’environnement, soit la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), soit la mission régionale la mission d’autorité environnementale du CGEDD de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé et, dans les autres cas, le Préfet de région. Concernant les cas où une évaluation commune était susceptible d’être mise en œuvre, l’article R. 122-7 C. env. prévoyait que la qualité d’autorité environnementale revenait à formation d’autorité environnementale du CGEDD et, dans les autres cas, le Préfet de région sauf lorsqu’une mission d’autorité environnementale du CGEDD est compétente au titre de l’un de ses projets.
Or le juge constate que les dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, telles qu’interprétées par la décision de la CJUE du 20 octobre 2011 (affaire C-74/10), « si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ».
A cet égard, il considère donc que les dispositions réglementaires soumises à son contrôle contrevenaient à l’article 6 de la directive précitée, au motif que « la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale pour certains projets ou groupes de projets sans qu’aucune disposition du décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné ou un ou plusieurs des projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet ou d’un ou plusieurs de ces projets au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité disposant d’une autonomie réelle à son égard ».
Sur ce motif, la Haute juridiction a prononcé l’annulation des point 11° et 27° de l’article 1er du décret du 11 août 2016 en tant qu’ils maintiennent, au IV de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, et qu’ils prévoient, à l’article R. 122-27 du même code, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale.

Déchets : mise en œuvre des pouvoirs de police spéciale du Maire

Le Maire est la personne compétente pour intervenir au titre de ses pouvoirs de police en matière de déchets (CE, 28 oct. 1977, Commune de Merfy, req. n°95537 01493). Il lui appartient alors d’intervenir, lorsqu’il est prévenu de la présence de déchets, sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement qui impose à l’autorité titulaire du pouvoir de police d’aviser le producteur ou le détenteur des déchets des faits qui lui sont reprochés et, le cas échéant, de le mettre en demeure de respecter les obligations qui lui incombent tenant à la gestion et à l’évacuation des déchets en cause. La carence du Maire peut alors engager la responsabilité de la Commune.

C’est en ce sens que la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée le 2 novembre 2017 (CAA Bordeaux, 2 novembre 2017, Société Avir, n°16BX03319). En effet, dans cette décision, le juge, après avoir rejeté le moyen tendant à démontrer la carence du Maire à intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale (article L. 2212-2 du CGCT) et a retenu la responsabilité de la Commune de Verdon-sur- Mer du fait de la carence du Maire à mettre en œuvre ses pouvoirs de police spéciale, fondée sur l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, alors qu’il avait été informé dès le 30 décembre 2010 par la Société AVIR de la présence de déchets ménagers et de déchets inertes sur le terrain de cette dernière et n’avait pas pris les mesures qui s’imposaient. A ce titre, le juge fait droit à la demande indemnitaire de la Société en réparation du préjudice qu’elle a subi du ait de cette carence.

En revanche, il est intéressant de noter que la seconde demande de la Société, tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commune de procéder à la remise en état du terrain a été rejetée. En effet, sur ce point, le juge considère que « si la responsabilité de la commune peut être engagée en raison de la carence du maire dans l’exercice des pouvoirs de police qu’il détient en application du code de l’environnement, une telle carence, si elle peut justifier qu’il soit enjoint au maire de mettre en œuvre ces pouvoirs, n’implique pas nécessairement que la commune procède elle-même à l’enlèvement des déchets, alors qu’il n’est pas établi par une unique attestation qu’elle en aurait organisé le dépôt sur les terrains en cause ».

Confirmation du remboursement par EDF d’un avantage accordé par l’Etat français d’un montant de 1,37 milliards d’euros

Par un arrêt du 16 janvier 2018, Electricité de France c. Commission (aff. T-747/15), le tribunal de l’Union européenne a confirmé la qualification d’aide d’Etat par la Commission européenne de l’avantage résultant du non-paiement de l’impôt sur les sociétés dû par la société Electricité de France (EDF) sur une partie des provisions comptables créées en franchise d’impôt pour le renouvellement du « Réseau d’Alimentation Générale en énergie électrique » (RAG) et requalifiées en dotation en capital lors de la restructuration de son bilan comptable en 1997.

Cette restructuration est consécutive à l’entrée en vigueur de la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier dont l’article 4 a transféré à la fois la propriété des ouvrages du RAG à la société EDF, mais également le montant des provisions pour renouvellement constituées sous le titre de « Droits du concédant » du passif du bilan d’EDF au poste « Dotations en capital ».

Le transfert comptable opéré en 1997 avait permis à la société EDF de bénéficier d’une exonération d’impôt d’un montant de 5.882 milliards de francs.

La Commission européenne avait déjà qualifié l’opération d’aide d’Etat incompatible avec le marché intérieur au regard du second paragraphe de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dans une décision du 16 décembre 2003 annulée par un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 décembre 2009 (aff. T-156/04), lui-même confirmé par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 juin 2012 (aff. C-124/10). A cette dernière occasion, l’Etat français avait restitué le montant de l’avantage financier que la société EDF lui avait remboursé en 2003.

Pour autant, la Commission européenne a décidé en 2013 d’élargir son examen et a déclaré derechef, par une décision du 22 juillet 2015, que l’avantage dont a bénéficié la société EDF est incompatible avec le marché intérieur. Dans cette décision, la Commission estime notamment que le critère de l’investisseur privé en économie de marché n’a pas à s’appliquer dans cette affaire. La société EDF a, une nouvelle fois, remboursé le montant à l’Etat français le 13 octobre 2015, et saisi le Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de la Commission.

Dans l’arrêt commenté, le Tribunal a notamment précisé, lors d’une argumentation particulièrement longue, les conditions d’applicabilité du « critère de l’investisseur privé » selon lesquelles :

« aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte » (cf. considérants n°245 et 232).

Au regard desdites conditions d’applicabilité, le Tribunal a finalement considéré que :

« […] ni la République française ni EDF n’ont démontré que, préalablement ou simultanément à l’octroi d’un montant équivalant à celui de l’impôt auquel il était renoncé à l’occasion du reclassement en dotation en capital des droits du concédant, l’État français avait pris la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement, ni qu’une telle décision avait été prise sur le fondement d’évaluations économiques préalables comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement » (cf. considérant n° 233).

En résumé, le Tribunal de l’Union européenne donne raison à la Commission européenne quant à l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé dans cette affaire dès lors que l’Etat français n’a pas, au cas précis, agi comme un actionnaire mais comme une puissance publique. Par l’arrêt commenté, le Tribunal rejette aussi l’ensemble des moyens soulevés par la société EDF et la République française.

Hausse du prix réglementé de l’électricité : la CRE fait augmenter la facture des abonnés aux tarifs réglementés

A compter du 1er février 2018, le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) augmente respectivement de 0,7% et de 1,6% pour les clients résidentiels et professionnels de France métropolitaine ayant souscrit à une puissance inférieure ou égale à 36 kilowattheures (kVA).

Au 30 septembre 2017, les TRVE concernaient encore 83% des sites résidentiels (environ 26,8 millions de clients) et 73% des sites « petits professionnels » (environ 3,3 millions de clients) raccordés aux réseaux électriques.

Cette augmentation fait suite à la proposition récente de nouvelle tarification des prix réglementés de l’électricité émise par le régulateur national de l’énergie – la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – à l’attention des ministres de l’énergie et de l’économie en vertu de l’article L. 337-4 du Code de l’énergie (cf. délibération n° 2018-006 de la CRE du 11 janvier 2018 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité).

Pourtant, le niveau des TRVE avait déjà fait l’objet d’une réévaluation par la CRE au mois d’août 2017, il y a moins de six mois. La modification de ce niveau avait été proposée comme en 2016 avec une périodicité annuelle : proposition par délibération de la CRE fin juillet pour une entrée en vigueur des tarifs par décision ministérielle début août[1].

La soudaineté de la proposition de janvier 2018 est motivée, selon la CRE, par « l’évolution au 1er janvier 2018 de la composante de gestion du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) et l’évolution significative du coût pour les fournisseurs de l’obligation au titre des certificats d’économie d’énergie (CEE) » (cf. préambule de la délibération de la CRE du 11 janvier 2018).

On rappellera, tout d’abord, le principe de la tarification « par empilement en niveau et en structure » des TRVE. Celui-ci vise à garantir « la « contestabilité » des tarifs, c’est-à-dire « la faculté pour un opérateur concurrent d’EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d’électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés » (cf. CE, juge des référés, 7 janvier 2015, ANODE, n° 386076).

Ce faisant, cette tarification « empile », en vertu de l’article L. 337-6 du Code de l’énergie, les coûts du fournisseur historique (la société EDF) relatifs à l’approvisionnement en énergie et en capacité, à l’acheminement de l’électricité, ainsi que ses coûts dits « commerciaux » et la rémunération normale de l’activité de fourniture. Elle se calcule selon les modalités fixées aux articles R. 337-18 à R. 337-24 du Code de l’énergie[2].

Dès lors, on relèvera plus concrètement que la délibération de la CRE du 11 janvier 2018 vise, certes l’augmentation des coûts commerciaux de la société EDF dus à l’acquisition de certificats d’économie d’énergie « CEE », mais surtout l’intégration auxdits coûts commerciaux de la rémunération des prestations de gestion de clientèle réalisées par les fournisseurs d’électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution (cf. nos Lettres d’actualités juridiques Energie et Environnement n° 29 de juin 2017, n° 31 de septembre 2017 ; la délibération de la CRE du même jour n’a pas été prise en compte : cf. notre présente Lettre n° 36 de février 2018 ).

Rémunération emportée de haute lutte par les fournisseurs alternatifs devant le Conseil d’Etat (cf. CE, 13 juillet 2016, Société GDF Suez, n°  388150), ce sont finalement les consommateurs finals abonnés aux TRVE qui devront s’en acquitter : 

« Pour les utilisateurs raccordés en BT ≤ 36 kVA, le montant de la hausse, pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2018 est de 4,86 € par an. En contrepartie, dans le cadre de la vente aux TRV, EDF reçoit à partir du 1er janvier 2018 une contrepartie financière s’élevant à 4,50 € par an et par client raccordé en BT ≤ 36 kVA venant en déduction des coûts commerciaux intégrés aux TRV. (…) Ce mécanisme occasionne ainsi une hausse tarifaire de 0,36€ par an et par site au TRV raccordé en BT ≤ 36 kVA, soit une hausse de 0,07€/MWh pour les consommateurs résidentiels et une hausse de 0,04€/MWh pour les consommateurs non résidentiels » (cf. page 12 de la délibération de la CRE du 11 janvier 2018).

Publiés au Journal Officiel de la République française (JORF) par décision ministérielle du 31 janvier 2018, les barèmes tarifaires de la CRE sur les nouveaux TRVE sont entrés en vigueur depuis le 1er février 2018 et applicables aux factures des abonnés aux TRVE à compter de cette date. Ils concernent également les tarifs réglementés de vente en zone non interconnectée.

[1] cf. Délibération de la CRE du 13 juillet 2016, entrée en vigueur au 1er août 2016 en application de la décision du 28 juillet 2016 des ministres chargés de l’énergie et de l’économie, et délibération de la CRE du 6 juillet 2017, entrée en vigueur au 1er août 2017 en application de la décision du 27 juillet 2017 des ministres chargés de l’énergie et de l’économie.

[2] La CRE prend également en compte l’arrêté du 30 juin 2017 prise en application de l’article R. 337-20-1 du code de l’énergie, ses délibérations précédentes du 13 juillet 2016 et du 6 juillet 2017, ainsi que de la consultation publique du 18 février 2016.

Ouvrage électrique implanté sans servitude administrative, déplacement aux frais du gestionnaire

Dans une décision du 25 janvier 2018, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé une injonction à la société ERDF (devenue la société Enedis) de déplacer à ses frais un transformateur électrique sur une propriété privée dans un délai de six mois.

Dans cette affaire, la SCI Christ JJ (ci-après la « SCI ») a demandé à la société Enedis de déplacer un poste de transformation électrique sur un terrain acquis par acte de vente en date du 31 janvier 2001 sur la commune de Toulouse, et qui avait été implanté en vertu d’une convention du 14 avril 1980 conclue entre la société Enedis et l’ancien propriétaire. Invoquant la régularité de cette implantation, la société Enedis a répondu à la SCI que le déplacement lui serait facturé, facture que la SCI a refusé de s’acquitter.

Saisi de l’affaire par une requête de ladite société, le Tribunal administratif de Toulouse a enjoint à la société Enedis, par un jugement du 8 août 2017, de déplacer l’ouvrage à ses frais et sans astreinte au motif de la caducité de la convention de 1980. La société Enedis a fait appel du jugement devant la cour administrative d’appel de Bordeaux avec deux demandes, l’une visant l’annulation du jugement et la seconde son sursis à exécution.

Par la décision commentée, la Cour a rejeté les requêtes de la société Enedis par un raisonnement en deux temps : la convention de 1980, tout d’abord, n’est pas caduque contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal administratif de Toulouse, en raison de sa qualification de contrat de droit privé à exécution instantanée (i), mais cette convention n’est pour autant pas opposable à la SCI dans la mesure où celle-ci n’a été, ni publiée, ni signifiée dans l’acte de vente du terrain, ni permis d’instituer des servitudes administratives au profit de la société Enedis (ii). La demande de la SCI tendant à assortir l’injonction d’une astreinte est également rejetée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, sans toutefois plus de précisions.

Rappelant une jurisprudence constante, le déplacement d’un ouvrage relevant du réseau public de distribution d’électricité à la demande du propriétaire est donc bien aux frais du gestionnaire dudit réseau dès lors que l’implantation de cet ouvrage ne résulte pas d’une servitude conventionnelle régulièrement établie et traçable dans l’acte de vente.

Clause Molière : le tribunal administratif de Lyon invalide le dispositif de « lutte contre le travail détaché » de la Région Auvergne-Rhône-Alpes

Par un jugement en date du 13 décembre 2017, le tribunal administratif (TA) de Lyon a annulé la délibération du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes approuvant le dispositif régional de lutte contre le travail détaché.

Par délibération en date du 9 février 2017, le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a approuvé un dispositif régional de « lutte contre le travail détaché ».

Cette délibération comportait en annexe des modifications aux cahiers des clauses administratives particulières (CCAP) des marchés de travaux de la Région. Ces modifications prévoyaient :

• d’une part, l’introduction d’une clause précisant qu’il est « demandé aux entreprises attributaires » de fournir une attestation sur l’honneur de non-recours au travail détaché ;
• d’autre part, l’introduction d’une « clause de langue française », selon laquelle « le titulaire du marché s’engage à ce que tous les personnels, quel que soit leur niveau de responsabilité et quelle que soit la durée de leur présence sur le site, maîtrisent la langue française » et « la mise à disposition alternative d’un traducteur » ;
• par ailleurs, l’instauration de contrôles par les agents de la Région ayant pour objectif de donner à cette dernière les moyens d’assurer le respect par ses co-contractant de leur obligations contractuelles et de répondre aux nouvelles obligations de vigilance ;
• enfin, la mise en place de pénalités de 5 % du montant du marché en cas de méconnaissance de la « clause de langue française » et de 10 000 euros en cas de présence d’un travailleur détaché non valablement déclaré à la Région.

Par un déféré enregistré le 26 juin 2017, le Préfet de Région a demandé au TA d’annuler cette délibération aux motifs, notamment, que la Région était incompétente pour instaurer un dispositif réglementaire de sanctions administratives pécuniaires et que la délibération était entachée d’un détournement de pouvoir en ce qu’elle méconnaissait les principes de liberté d’accès à la commande publique, de liberté de traitement des candidats et de non-discrimination.

Par ce jugement du 13 décembre 2017, le TA de Lyon annule la délibération du conseil régional.

Après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par la Région, le TA commence par viser l’ordonnance du 23 juillet 2015 n° 2015-899 du 23 juillet 2018 relative aux marchés publics. Il rappelle ainsi qu’au terme des articles 1er et 38 de cette ordonnance, les marchés publics doivent respecter « les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures » et qu’un pouvoir adjudicateur peut prendre en « des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public. (…) ».

Le TA vise également l’article L. 1262-1 du code de travail autorisant un employeur établi hors de France à « détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. (…) ».

Dans le cadre des dispositions précitées, le TA opère une appréciation des motivations de la Région en analysant les termes employés dans la délibération litigieuse et son annexe.

Il constate ainsi que le conseil régional a approuvé ces mesures pour « combattre » le recours au travail détaché sur les chantiers de la région et « afficher la volonté de la région de n’avoir aucun travailleur détaché sur ses chantiers ».

De plus, selon le TA, la Région « n’apporte aucun élément de nature à établir que ces mesures, qui sont généralisées à l’ensemble des marchés de travaux de la Région et concernent tous les salariés, contribueraient à l’amélioration de la sécurité des salariés ou même de la lutte contre le travail détaché illégal ».

Le TA en conclut que la délibération litigieuse est « entachée d’un détournement de pouvoir » et doit être annulée car elle « a été adoptée, non pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés, mais pour exclure les travailleurs détachés des marché publics régionaux et favoriser les entreprises régionales ».

Ce jugement a été rendu quelques jours après la décision par laquelle le Conseil d’Etat a reconnu la légalité des « clauses d’interprétariat » prévues dans un marché de travaux passé par la Région Pays de la Loire et s’inscrivant dans des clauses d’exécution relatives à l’information sur les droits sociaux, la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs (CE, 4 décembre 2017, Ministre de l’Intérieur c/ Région Pays de la Loire, req. n° 413366).

Le jour-même de la lecture du jugement, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé son intention de « faire appel ».

Achats publics innovants : que font les autres pays ?

En octobre 2017, la Direction générale du Trésor a réalisé, à la demande de la Direction des achats publics de l’Etat, une étude comparative sur les politiques d’achat public innovant dans sept pays. Il ressort de cette étude que peu de pays ont fait le choix, comme la France, de définir une stratégie spécifique pour utiliser leur commande publique comme un levier d’innovation.

L’étude de la Direction générale du Trésor (« DG Trésor ») intervient alors que la mesure 32 du Pacte de compétitivité et de croissance adopté en 2014 a fixé comme objectif que d’ici 2020, 2 % du volume global annuel des achats civils de l’État et de ses établissements publics soient des « achats innovants ».

Les « achats innovants » ont été définis par une circulaire du Premier ministre en date du 25 septembre 2013 comme « les achats de produits non encore commercialisés (…) dans le but d’apporter une réponse à un besoin non couvert ou une réponse nouvelle et améliorée à un besoin existant ».

Une comparaison à l’aune du « modèle » français

En introduction, l’étude de la DG Trésor qualifie l’écosystème français de « complexe mais très dynamique », vante sa « multitude d’accompagnements financiers, humains et matériels en faveur de l’innovation et du développement des entreprises » et présente la France comme un « modèle, puisque trois partenariats d’innovation ont été signés depuis la transposition en droit français de ce nouveau dispositif » introduit par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Sans préciser si cet écosystème permettra à la France d’atteindre l’objectif fixé par le Pacte de compétitivité – ce qui permettrait d’en apprécier l’efficacité empirique – l’étude poursuit en comparant cette situation nationale avec six autres pays (Canada, Corée du Sud, Etats-Unis, Italie, Royaume-Uni et Suisse), sur la base d’un questionnaire de 14 questions.

Ce questionnaire interroge entre autre sur la politique générale de l’État en matière d’innovation, la structuration de l’écosystème autour de l’innovation (ruche, pôle de compétitivité, incubateur), l’existence d’un ministère, d’une direction ou d’une agence d’État dédiée à l’achat d’innovation, les structures publiques les plus matures dans le domaine, les méthodes de travail des acheteurs, l’existence de procédures dédiées à ces achats, de clauses particulières qui tiennent compte de la spécificité liée à l’achat d’innovation, la diffusion de l’innovation et l’organisation de formations spécifiques à l’achat d’innovation.

Ces critères de comparaison, largement fondés sur le modèle français, permettent moins de comparer les différents pays entre eux que de comparer chacun d’entre eux à la France.

Par ailleurs, l’étude est structurée pays par pays, et non pas question par question, et ne se conclue pas par un tableau récapitulatif ou une synthèse. Dès lors, il est peu aisé d’en tirer des enseignements clairs sur les convergences et les divergences entre les diverses politiques d’achat public innovant.

Peu de stratégies nationales spécifiques à l’innovation dans la commande publique

De manière générale, on peut noter dans la plupart des pays une stratégie de soutien des Etats à la formation de « clusters », de « grappes d’innovation », ou de « districts technologiques » visant à favoriser les synergies inter-entreprises et les liens entre monde académique et recherche appliquée.

Cependant, parmi ce panel, seule l’Espagne a, comme la France, adopté un objectif chiffré d’achat public innovant, le fixant à 3 % des achats civils de l’Etat d’ici 2020. L’étude précise que cet objectif ne pourra d’ores et déjà pas être atteint.

Quant au Royaume-Uni, qui était « précurseur » dans ce domaine mais dont les efforts ont été ralentis par « l’environnement politique marqué par de multiples remaniements ministériels », il a annoncé en janvier 2017 une stratégie industrielle avec un volet de mobilisation de la commande publique.

Il est à noter que l’Italie, de son côté, « n’a pas encore véritablement développé de stratégie nationale d’achat d’innovation (…) au sens retenu par la France », mais a arrêté un plan triennal sur 2017-2020 d’ achats publics innovants pour l’acquisition de technologies numériques par les administrations.

Au contraire, la Suisse est le cas où il est le plus clairement affirmé que « la politique d’innovation n’intègre pas à ce stade le levier de la commande publique », le rôle principal de cette politique d’innovation étant dévolu aux entreprises privées.

Peu de structures ou de procédures dédiées à l’achat public innovant

Tous les pays du panel, à l’exception de l’Italie, font le constat que ce sont les administrations de Défense nationale qui sont les acteurs les plus matures en termes d’achat public innovant. A cela s’ajoutent, selon les pays, les secteurs de l’environnement, des transports ou de la santé.

Dans certains ministères français, il existe des « directions de l’innovation » (Éducation nationale, Intérieur, Écologie, Culture) « dont l’expertise n’est actuellement pas mobilisée en appui des acheteurs ». Dans d’autres pays, on peut noter que le Crown Commercial Service britannique est chargé d’appliquer la politique dédiée à l’achat d’innovation l’Agence et que l’Agence pour l’Italie numérique est chargée des fonctions de centrale nationale de pre-commercial procurement pour la réalisation de l’agenda numérique de l’administration italienne 2017-2020.

Pour le reste du panel, le pilotage est essentiellement éclaté entre plusieurs structures nationales et infra-nationales non-dédiées spécifiquement à l’innovation, comme en Corée du Sud où le sujet est traité par une demi-douzaine d’agences sans stratégie globale.

Par ailleurs, aucun des pays du panel, à l’exception du Canada, ne dispose comme la France d’une plate-forme des achats de l’innovation de l’État et de ses établissements publics.

Enfin, aucun pays ne met en avant de formation spécifique à l’achat innovant, de méthode particulière d’appréciation des offres de produits innovants par rapport aux offres traditionnelles ou de dispositif d’évaluation de l’impact de ces achats.

Pas de restitution du demi-traitement versé aux fonctionnaires en attente d’un avis d’une instance médicale

L’article 17 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 relatif au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux dispose que lorsque l’agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l’emploie, d’une part, de saisir le comité médical qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et d’autre part, de verser à l’agent un demi-traitement dans l’attente de la décision dudit comité médical.

Dans le cadre de cette affaire où un fonctionnaire avait sollicité l’octroi d’un congé de longue maladie, le comité médical avait émis un avis défavorable.

Dans l’attente d’un deuxième avis – nécessaire pour déterminer la situation administrative de ce fonctionnaire (reclassement, disponibilité etc.) – un demi-traitement avait été versé à l’agent, finalement placé en disponibilité.

Sur cette base, la collectivité a donc entendu recouvrer les demi-traitements versés dans l’attente de la décision.

Reste que, pour la Cour administrative d’appel de Paris, le versement de ce demi-traitement est acquis définitivement par le fonctionnaire : « qu’ainsi que l’a jugé à juste titre le tribunal, ce demi-traitement lui restait dû et n’avait pas un caractère provisoire alors même qu’il avait été versé du fait d’une mise en disponibilité prononcée dans l’attente de l’avis du comité médical » .

Cette jurisprudence vient confirmer le caractère définitif du versement du demi-traitement attribué dans l’attente de l’avis d’une instance médicale, et ce conformément à ce que la circulaire ministérielle B9/11822 du 5 décembre 2011 intervenue à la suite de la création de ce dispositif avait indiqué.

Responsabilité délictuelle pour faute des personnes publique du fait de leurs promesses non tenues

Dans une décision en date du 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un arrêt du 1er avril 2016 par lequel la Cour administrative d’appel de Marseille a reconnu la responsabilité délictuelle pour faute du Département du Gard du fait d’une promesse non tenue à l’égard d’une société (n° 14MA03826).

Dans cette affaire, le Département avait, à la suite d’un appel à projets aux fins d’acquisition d’un immeuble de son patrimoine en vue de réaliser un ensemble immobilier comprenant notamment des logements sociaux, attribué le marché à la Société Méridionale du Bâtiment (SMB). Le Département avait alors incité la Société à déposer une demande de permis de construire, et ce « sans attendre la signature du compromis de vente qui ne pourra intervenir qu’après déclassement de l’immeuble du domaine public », ni même celle du marché attribué. La Société avait, dans ces conditions, procédé aux dépôts des demandes, après avoir effectué plusieurs études préalables. Le Département avait finalement renoncé à son projet.

La SMB a alors sollicité une indemnisation, sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute du Département, pour les frais d’études engagés et le manque à gagner et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La Cour administrative d’appel de Marseille a, dans son arrêt du 1er avril 2016, reconnu la responsabilité délictuelle pour faute du Département, lequel avait incité « fermement » la Société à exécuter des prestations relatives à la réalisation des études préalables au dépôt de demandes d’autorisation d’urbanisme et au dépôt de ces demandes, « en promettant – par ailleurs de façon formelle – la signature du contrat » dans le cadre duquel ces prestations auraient dû être rémunérées, et ce alors qu’aucun contrat n’avait été préalablement signé.

Elle a, par conséquent, condamné le Département à indemniser la Société des divers frais d’études que cette dernière avait engagés.

Elle a, en revanche, écarté le préjudice pris du manque à gagner, au motif que l’information de l’attributaire de l’acceptation d’une offre ne crée aucun droit à la signature du marché, et rejeté les conclusions aux fins d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement sans cause, l’enrichissement du Département n’ayant pas été démontré.

Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, le Conseil d’Etat a implicitement validé le raisonnement de la Cour administrative d’appel. En effet, s’il a annulé l’arrêt attaqué et renvoyé l’affaire devant la Cour, c’est seulement en raison d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de celui-ci. Il n’a pas remis en cause la solution retenue par les juges d’appel, confirmant ainsi la possibilité de mettre en cause la responsabilité d’une personne publique du fait de ses promesses non tenues.

Un autre exemple récent de mise en œuvre de cette responsabilité est donné par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 23 mai 2017 (CAA Marseille, 23 mai 2017, SARL Electribent, n° 15MA05017).

Il en résulte que les collectivités territoriales doivent être prudentes dans les promesses qu’elles peuvent faire, à des administrés comme à des cocontractants. Cette jurisprudence peut néanmoins également être utilisée à leur profit, dans le cadre de contentieux les opposant à l’Etat, ou à d’autres personnes publiques.

Référé suspension contre une mesure de résiliation d’un contrat administratif – L’urgence ne se présume pas.

Par un arrêt en date du 18 décembre 2017, le Conseil d’État a jugé que l’urgence à suspendre un mesure de résiliation d’un contrat public et à ordonner la reprise des relations contractuelles ne se présume pas et doit être démontrée par le requérant.

Fort dépourvu quand la résiliation de son marché de maîtrise d’œuvre conclu avec la commune d’Anthy-sur-Léman fut venue, le groupement titulaire a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de suspendre cette décision et d’ordonner la reprise des relations contractuelles. La demande fut accueillie par le juge des référés.

Toutefois, saisi d’un pourvoi de la commune, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble ayant suspendu la décision de résiliation et ordonné la reprise des relations contractuelles puis, réglant l’affaire en référé, a rejeté la demande présentée par les sociétés membres du groupement précité.

Pour ce faire, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe dégagé dans l’arrêt Béziers II (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806, publié au Recueil) selon lequel « il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à la suspension d’une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation ».

Le juge du Palais Royal a ensuite précisé, et c’est l’intérêt de la décision, que la suspension d’une mesure de résiliation d’un contrat public n’est pas une mesure pouvant être prononcée lorsque l’urgence est simplement présumée. En effet, si le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a retenu que « la condition d’urgence était remplie, par principe, au motif que la résiliation du marché n’était pas justifiée par des manquements des cocontractants de l’administration à leurs obligations », le Conseil d’Etat a censuré cette position car « en se fondant sur ce critère, alors qu’une telle circonstance est sans incidence sur l’appréciation de l’urgence et qu’en tout état de cause, l’urgence attachée à la reprise des relations contractuelles ne saurait se présumer, le juge des référés a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, il convient d’annuler l’ordonnance attaquée ».

En bref, pour le Conseil d’Etat, l’urgence à suspendre la résiliation d’un contrat public et à ordonner la reprise des relations contractuelles ne peut résulter du seul fait que cette résiliation n’est pas fondée sur les manquements commis par le titulaire du contrat et, en tout état de cause, ne peut être présumée.

Parution de plusieurs décrets d’application des ordonnances « Macron »

Durant le mois de décembre, plusieurs décrets ont été publiés pour l’application des ordonnances du 22 septembre 2017 dites « ordonnances Macron ».

Les principales mesures qui en résultent entrant en application au lendemain de la parution de ces textes réglementaires sont les suivantes :

  • modification des règles relatives à la négociation collective (Décret n° 2017-1703, 15 déc. 2017, JO 17 déc.) ;
  • procédure de précision des motifs contenus dans la lettre de licenciement, applicable aux licenciements prononcés après le 17 décembre 2017, date de publication du décret nº 2017-1702 du 15 décembre 2017 au Journal Officiel ;
  • modèles de lettre de licenciement (Décret nº 2017-1820, 29 déc. 2017, JO 30 déc.) ;
  • modalités d’application des mises à disposition temporaires (ou « prêt de main d’œuvre) de travailleurs entre entreprises dans un but non lucratif (Décret nº 2017-1879, 29 déc. 2017, JO 31 déc.) ;
  • nouvelles modalités de négociation dans les entreprises de moins de 11 salariés et de 11 à 20 salariés sans élu au comité social et économique (D. n° 2017-1767, 26 déc. 2017, JO 28 déc.) ;
  • mise en place du groupe d’experts chargé de mesurer les impacts économiques et sociaux de l’extension des conventions et accords collectifs (Décret n° 2017-1689, 14 déc. 2017, JO 15 déc.) ;
  • modification et adaptation des règles relatives à la prévention, à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention (Décret n° 2017-1769, 27 dèc. 2017, JO 28 dèc.). Toutefois, certaines nouvelles mesures prises en la matière s’appliquent à compter du 1er janvier 2018 ou du 1er janvier 2019.

De plus, les décrets d’application entraînent notamment l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 :

  • du comité social et économique (CSE) pour lequel un décret du 29 décembre 2017 organise les modalités de fonctionnement de cette institution qui fusionne en une seule instance les trois instances d’information et de consultation préexistantes avec néanmoins des dispositions transitoires (notamment concernant l’expertise habilitée entrant en vigueur le 1er janvier 2020) (Décret n° 2017-1819, 29 déc. 2017, JO 30 dèc.) ;

A cet égard, il est à noter qu’une 6ème ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 a été publiée au JO du 21 décembre, corrigeant des incohérences des ordonnances du 22 septembre 2017 mais contenant également des modifications sur le fond concernant le CSE.

  • de l’adaptation de la procédure prud’homale en matière de contestation des avis, propositions, conclusions écrites ou indications du médecin du travail, de partage de voix lors de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation et de représentation des parties (Décret n° 2017-1698, 15 déc. 2017, JO 17 déc.).

Dans les prochaines Lettre d’Actualités Juridiques, nous exposerons plus avant les mesures d’application des « ordonnances Macron » issues des différents décrets.

Les entreprises sans délégué syndical peuvent désormais conclure des accords collectifs :

Le décret du 10 novembre 2017 (D. n° 2017-1551, 10 nov. 2017 : JO, 11 nov.2017)  explicite, en application de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, les modalités de consultation des salariés pour la validation des accords d’entreprise conclus avec des élus mandatés ou des salariés mandatés dans les entreprises de 11 salariés et plus dépourvues de représentation syndicale.

La validité des accords ou avenants de révision conclus dans les conditions sus énoncées est, en application des articles L. 2232-23-1, L. 2232-24 et L. 2232-26 du Code du travail subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

La consultation des salariés doit être organisée dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion de l’accord selon des modalités relevant la seule décision de l’employeur.

Le ou les représentants élus ou salariés mandatés devront cependant être consultés au préalable sur ces modalités.

L’employeur devra informer les salariés des modalités du vote (date et heure du scrutin, contenu de l’accord et du texte de la question soumise au vote), par tout moyen, au plus tard 15 jours avant la consultation.

En cas de désaccord, le ou les élus ou salariés mandatés pourront saisir le Tribunal d’instance dans un délai de 8 jours à compter de l’information des salariés. Le juge statuera en la forme des référés et en dernier ressort.

La consultation des salariés aura lieu pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique.

Le résultat du vote fera l’objet d’un procès-verbal dont la publicité sera assurée dans l’entreprise par tout moyen. Ce procès-verbal sera annexé à l’accord approuvé lors de son dépôt : il devra également être adressé à l’organisation mandante.

Cette procédure s’applique

– dans les entreprises de 11 à 49 salariés, aux accords (ou avenants de révision) conclus avec un ou plusieurs salarié(s) mandaté(s) par une ou plusieurs organisations syndicales, non élu(s) ;

  – dans les entreprises de 50 salariés et plus :

  •  -aux accords (ou avenants de révision) conclus par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales,
  •  aux accords (ou avenants de révision) conclus avec un ou plusieurs salarié(s) mandaté(s) par une ou plusieurs organisations syndicales.

Bail commercial : nullité du congé délivré par le preneur à l’ancien propriétaire

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 4 octobre 2017 revient sur la personne à qui le congé doit être délivré et précise qu’en l’absence de disposition du statut des baux commerciaux relative au destinataire du congé et de stipulation du bail, le locataire doit adresser son congé au bailleur ou à son mandataire lorsque celui-ci dispose d’un pouvoir spécial. La signification du congé à une autre personne équivaut ainsi à l’absence de congé.

La particularité de l’affaire tenait au fait que le preneur n’avait pas été mis au courant du changement de propriétaire du local qu’il louait. En effet, aucune disposition du statut des baux commerciaux n’impose au bailleur d’informer le locataire du changement de propriétaire bailleur en cas de vente du bien et, en l’espèce, aucune stipulation du bail ne mettait une telle obligation à la charge du bailleur en cas de vente du bien.

Fort de ces éléments, la Cour d’appel de Paris a ainsi jugé que le congé était nul ; considérant que le preneur doit adresser son congé au bailleur ou à son mandataire lorsque celui-ci dispose d’un pouvoir spécial, la signification du congé à une personne autre que le bailleur ou son mandataire équivalant à une absence de congé.

On peut toutefois souligner la sévérité d’une telle décision à l’égard du preneur dans la mesure où celui-ci ne dispose pas toujours des outils lui permettant d’aller vérifier l’identité du propriétaire actuel et ses coordonnées. Ainsi, le preneur souhaitant donner congé a tout intérêt à contacter préalablement le représentant de son bailleur afin de s’enquérir de l’identité du bailleur avant de procéder à la notification du congé ou à vérifier que le représentant dispose d’un pouvoir spécial pour recevoir le congé.

En pratique, on ne saurait que trop conseiller au preneur de faire introduire dans le bail une clause imposant au bailleur de lui notifier toute modification dans la propriété des locaux loués.

Ainsi, si le bailleur contrevient à cette obligation, il engagera sa responsabilité contractuelle.

Loyer binaire : nouveau coup de théâtre de la Cour d’appel de Versailles

Dans l’affaire en objet, le bail prévoyait un loyer binaire composé d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires et d’un loyer minimum garanti, le contrat stipulant en outre :  » Les parties déclarent soumettre volontairement la procédure et les modalités de fixation de cette valeur locative aux dispositions des articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953 et attribuer compétence au Juge des Loyers du Tribunal de Grande Instance du lieu de situation de l’immeuble ».

Estimant que cette clause « tente ainsi de réintroduire la procédure et les modalités de fixation du loyer, telles que prévues au statut des baux commerciaux, pour une partie seulement du loyer », la Cour d’appel de Versailles a considéré qu’une telle clause était illicite et devait en conséquence être déclarée nulle et de nul effet.

Par cet arrêt, la Cour d’appel de Versailles :

  • Non seulement remet en cause la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle « la stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d‘affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative ». (Cass. civ.,  3ème, 3 novembre 2016, n° 15-16826, FS-P+B+R+I),

Mais en outre revient sur sa propre jurisprudence : « lorsque dans un contrat de bail, les parties ont entendu fixer un loyer binaire initial portant une partie fixe comportant un loyer minimum garanti et une partie variable basée sur un pourcentage sur le chiffre d’affaires, échappant par conséquent aux dispositions du statut des baux commerciaux, mais qu’elles y ont inséré une clause relative à la fixation du loyer en renouvellement manifestant clairement leur volonté de soumettre lors du renouvellement la fixation du loyer minimum garanti à la valeur locative prévue par le statut des baux commerciaux en matière de loyer et ont donné compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer ledit loyer, cette clause claire et précise donne compétence sans ambiguïté au juge des loyers commerciaux pour fixer le loyer minimum garanti lors du renouvellement, selon la valeur locative déterminée en fonction des paramètres de l’article L.145-33 du code de commerce ».